C’est l’été, et en été on a envie de se détendre, de penser à des choses légères. Pour le commentateur de l’actualité, cela ne laisse qu’un seul choix : fermer boutique, tant l’actualité est morne et triste. Et comme je n’aime pas fermer la boutique – imitant en cela mon oncle pour qui la seule vérité sur cette terre est que le client que vous avez manqué aujourd’hui ne reviendra pas demain – souffrez donc que je vous parle de choses tristes.
Impossible aujourd’hui d’échapper aux débats sur le terrorisme. Le massacre de Nice puis le meurtre d’un prêtre à Saint-Etienne du Rouvray ont chassé des discussions les sujets certainement plus structurants sur le long terme et aux effets bien plus lourds sur l’ensemble des français, comme le chômage qui ne s’inverse toujours pas ou la croissance française mais aussi européenne qui est toujours en berne, la faiblesse du système bancaire européen face à la crise qui s’annonce, sans parler du Brexit et de son effet sur les institutions européennes. Mais si ces sujets sont lourds, ils sont aussi généraux et techniques. Ils ne suscitent pas l’émotion, ils ne se prêtent pas aux débats enflammés et aux coups de menton. Et puis, on y est habitués. Et l’habitude, dans une société médiatique, finit par tout dévorer.
Mais si les actes terroristes ont chassé le reste de l’actualité, c’est aussi parce qu’ils reposent le problème lancinant qui traverse depuis des années la société française, celui de son identité et des rapports que les populations allogènes qui se sont installés chez nous ont avec elle. On a beaucoup reproché à Sarkozy d’être entré dans ce débat par le biais de la sécurité en général, on y rentre aujourd’hui par le prisme du terrorisme. Et ce n’est pas vraiment un progrès.
La difficulté dans le débat actuel réside aussi dans l’incapacité de nos leaders d’opinion à mettre des mots sur les choses qui nous arrivent. Ici, les mots-valise sont un véritable danger, parce qu’en regroupant sous le même terme des phénomènes très différents ils rendent impossible toute caractérisation, et donc toute compréhension du phénomène. Or, ce qu’on appelle aujourd’hui « terrorisme » recouvre en fait deux réalités bien distinctes. D’un côté, les actes de militants convaincus, qui ont fait allégeance à une organisation politique et dont la terreur est un instrument politique, de l’autre des déséquilibrés qui agissent en réponse à des pulsions internes et pour qui le fondamentalisme religieux n’est qu’un moyen de justification. Que les premiers manipulent dans certains cas les seconds, c’est parfaitement possible. Mais personne n’ira dire que Marinus Van der Lubbe était un « terroriste » simplement parce qu’il a été manipulé pour mettre le feu au Reichstag.
Une autre difficulté réside dans le statut qu’on veut donner dans cette affaire à l’Islam. On cède ici à cette croyance naïve – mais tout à fait conforme à la vision « victimiste » devenue dominante dans nos sociétés – que les gens sont des esclaves de leurs croyances, et qu’ils peuvent être « radicalisés » par le discours extrémiste d’une autorité religieuse ou par un « caïd » en prison. Dans ces problématiques, la métaphore du virus qui se propage de proche en proche n’est jamais loin. Mais si cette métaphore est pédagogiquement brillante, elle n’est pas moins fausse. Pensez-vous vraiment qu’une personne normale se met subitement à croire qu’en se faisant sauter avec une ceinture d’explosifs il gagnera le paradis où il sera entouré par soixante-douze vierges réservées à son usage exclusif seulement parce qu’un type croisé en prison vous le dit ?
Nous ne croyons pas quelque chose parce que quelqu’un nous le dit. Si on avait trouvé la méthode pour faire ça, les églises seraient pleines. Non, nous croyons parce que nous avons envie, parce que nous avons besoin de croire. La croyance ne répond pas à une injonction externe, mais à un besoin interne qui peut être un besoin d’explication, de consolation, de justification et d’autres encore. Tous les grands publicitaires vous le diront : une bonne publicité ne vise pas à changer les opinions des gens. Au contraire, elle dit aux gens ce que les gens ont envie d’entendre. Pour vendre un produit, il faut l’inscrire dans les envies et les besoins du public. Et les religions n’agissent pas autrement. La solution au problème posé par la « radicalisation » n’est donc pas à chercher chez les Imams ou dans les mosquées, elle est à chercher chez les fidèles. Et la question est : pourquoi des gens qui ont été éduqués par l’école de la République, qui habitent dans un pays riche qui, malgré les inégalités de toutes sortes, offre à l’immense majorité de ceux qui y habitent un niveau de vie qui permet d’être raisonnablement heureux, pourquoi ces gens dis-je ont envie, ont besoin d’un système de croyances qui les conduit à l’isolement et au suicide ?
Car si la vague de violence de ces derniers temps présente un caractère singulier, c’est bien celui-là. Nous avons connu, en France et en Europe des périodes « terroristes ». Du FLN à l’OAS, de l’IRA à « Action Directe », des « Brigades Rouges » aux néofascistes, de l’OLP et ses dissidents à la « Bande à Baader ». Au-delà des ressorts psychologiques profonds de chaque individu, aucun de ces mouvements ne revendiquait ouvertement ses actes comme étant suicidaires. Lorsqu’ils planifiaient leurs attentats, ces organisations cherchaient dans la mesure du possible d’assurer à leurs militants une échappatoire. Et lorsqu’ils étaient cernés, lorsqu’il n’y avait pas de possibilité de fuite, ils se laissaient arrêter. Emprisonnés, ils ont purgé de longues peines sans attenter à leur vie. Leur désir de vie était bien plus fort que leur désir de mort.
La violence que nous connaissons aujourd’hui est, elle, clairement suicidaire. Pour ne prendre que quelques exemples, les massacreurs du Bataclan et le tueur de Nice n’ont rien fait pour rester en vie une fois leur acte accompli. Pour les uns, le choix de la ceinture d’explosifs comme instrument de l’attaque rendait la mort inéluctable. Mais les autres auraient parfaitement pu, leur forfait accompli, se rendre à la police et utiliser un éventuel procès comme tribune politique, comme le faisaient les terroristes de naguère, quitte à passer de très longues années en prison ensuite. Ils ne l’ont pas fait. Et c’est ce qui me conduit à penser que cette violence relève plus d’une mise en scène de sa propre mort que du véritable « terrorisme ».
La question n’est pas tant pourquoi des gens ont envie de se suicider. Le suicide est une réalité dans toutes les sociétés, et depuis très longtemps. Mais nous vivons dans un monde médiatisé, et cela implique une pression à faire de sa vie un spectacle. Nous sommes encouragés à raconter nos secrets les plus personnels chez Mireille Dumas, à publier des photos intimes sur Facebook. Etre vu par les autres, être célèbre, c’est exister. Et si on n’est pas vu, alors on n’existe pas. Notre expérience quotidienne est remplie de personnages qui n’ont rien fait d’autre que d’être vus. Quelle est la contribution insigne d’une Nabila au patrimoine de l’humanité, qui justifie qu’elle apparaisse sur nos étranges lucarnes et sur les revues en papier glacé ? Rien, absolument rien, sauf qu’elle est célèbre. Et cette célébrité se soutient d’elle-même.
Cette obsession adolescente touche maintenant l’ensemble des sociétés occidentales. Or, si l’adolescence est l’âge ou le risque de suicide est le plus élevé, c’est précisément pour cette raison : c’est l’étape de la vie ou le décalage entre les désirs et les possibilités est le plus béant, ou l’on n’a pas encore compris qu’on vit dans le monde du possible, et non du désiré. Et une société qui ne veut pas sortir de l’adolescence ne peut que fabriquer en grand nombre des personnalités suicidaires. Renaud, l’éternel adolescent par excellence avait été prémonitoire, dans une chanson aujourd’hui largement oubliée :
« Y rêvait d’une famille qu’y faudrait pas subir
Des parents qui s’raient pas des flics ou des curés
Pour pas dev’nir comme eux y voudrait pas vieillir
Et pour jamais vieillir y sait qu’y doit crever ! » (1)
Peut-être est-ce pour cela que beaucoup de « terroristes » impliquées dans les derniers attentats ne sont pas de première jeunesse, mais se situent dans la trentaine, à l’âge où le risque de devenir comme ses parents devient plus lancinant. C’est l’âge ou l’on réalise que l’immense majorité de nous mènera des vies certes heureuses mais « médiocres ». Que nous n’aurons pas le prix Nobel, que nous ne monterons pas les marches à Cannes, que nous ne serons pas président de la République ou patron de Microsoft. C’est à ce moment de la vie que la perspective de partir « dans une explosion de gloire », de devenir un grand criminel à défaut de pouvoir devenir un grand autre chose, devient attractive.
Une société qui n’offre pour seul modèle de réussite qu’une logique « aut Caesar, aut nullus » (« ou César, ou rien ») cultive une énorme charge de frustration. Une frustration qui touche d’autant plus puissamment les individus soumis à un discours « victimiste » qui les persuade qu’ils n’ont aucune chance de devenir César. Ces individus sont très perméables à tous les discours qui les encouragent à se venger de cette société qui les victimise, et au passage à conquérir la gloire et la célébrité par un grand crime, puisqu’on ne peut le faire par une grande œuvre.
Mais heureusement un fantasme ne devient pas nécessairement une réalité. Comme disait le philosophe, « si la pensée pouvait tuer, si la pensée pouvait engrosser, la rue serait pleine de cadavres et de femmes enceintes ». Nous avons tous, à une époque ou une autre de notre vie, fantasmé sur le suicide. Mais seule une infime minorité a mis ces projets à exécution. C’est donc aussi la question du passage à l’acte qui se pose. Or, là encore notre société donne des messages paradoxaux. Nous vivons sous une pluie d’incitations de passer à l’acte. Ainsi, une grande marque de vêtements de sport particulièrement influente dans la jeunesse fait du « just do it » (2). Une autre marque nous dit de « réaliser nos rêves », ou de « aller au bout de nos envies ». Mais est-ce une bonne idée de pousser les gens à « réaliser leurs rêves » sans se demander au préalable à quoi les gens rêvent-ils ? Parce que les rêves, il y en a de toutes sortes. Certains rêvent de créer une entreprise ou de fonder une famille. D’autres, de semer la terreur en mitraillant les terrasses des cafés pour imposer la charia. Je ne suis pas persuadé que leur dire « just do it » soit une bonne idée.
Je ne suis pas un expert de ces questions, et ces réflexions ne sont que le résultat de mes cogitations personnelles. Je ne prétends donc détenir aucune vérité révélée, pas même une vérité scientifique. Elles contiennent d’ailleurs plus de questions que de réponses. Cependant, j’en tire une conviction : le combat contre ce type particulier de violence que nous voyons aujourd’hui – qu’on la qualifie de « terroriste » ou pas – passe par des politiques positives. La répression, le renseignement sont indispensables, mais ils traitent les symptômes, et non les causes. Et les causes ne sont pas simplement la misère, le chômage, les inégalités. Ceux-ci ont existé pendant des siècles sans pour autant pousser les gens à mettre en scène leur suicide. Nous avons besoin de reconstruire une affectio societatis, une envie de vivre ensemble. Mais au-delà de ce sain principe, nous avons besoin de reconstruire chez nos concitoyens le simple amour de la vie, le plaisir d’être vivant. Nous avons – et je suis conscient que cette déclaration peut me valoir beaucoup de méchantes remarques – besoin de réhabiliter dans notre culture et dans notre action politique des valeurs comme la beauté, la gentillesse, la raison, l’intelligence, la confiance, l’amour de la vie. Ce sont nos meilleurs antidotes contre la fascination de la mort.
Descartes
PS dernière minute: Dans Le Monde daté du 6 août 2016, un bon entretien du politologue Oliver Roy et du psychanalyste Fehti Benslama ou l’on retrouve des analyses qui convergent avec les miennes. Comme quoi…
(1) Il s’agit de la chanson « Baston », qui date de 1980. Dans cette chanson, un loubard – Renaud lui-même ? – se figure déjà en « victime » : « il accuse le bon dieu et la fatalité » de son incapacité d’établir une véritable relation avec une femme, de s’être « fait virer » de son travail (dont il aurait de toute manière démissionné, mais ce qui le perturbe est de partir avant d’avoir pu « De s’faire le coffre-fort dans l’bureau du premier/Et la peau du p’tit chef, c’ui qu’a jamais pu l’saquer/Pass’qu’y rangeait sa mob’ devant l’box du patron »), du fait que sa mère ait jeté « sa rouleuse et son herbe ». Et à chaque refrain, le personnage « va au baston/comme le prolo/va au charbon »…
(2) La formule est difficile à traduire. La meilleure traduction serait « n’y réflechissez pas, faites le ».
Votre réflexion provoque une réminnescence de la seule tentative de suicide qui m’est affectée.
Lors de mon divorce où un trop plein de honte du à une bousculade que j’avais effectué sur mon ex,adultérine,et provocatrice;voulant un clash,afin de se victimiser aux yeux du juge,au volant ,à110km/h,à un croisement,j’ai décidé en une fraction de seconde de ne pas freiner,de passer ainsi ‘à a grâce de Dieu’…POurquoi?
Trop de souffrance dans mon estime de moi,probablement…
C’était il y a 31 ans.
Aujourd’hui,je me filmerai peut être,en clamant mon allégence à Daesh.
La famille des véhicules percutés se souviendrait de moi comme un soldat de Daesh.
Rétrospectivement,ça me répugne que j’ai pu me laisser aller à mettre en danger la vie d’innocents,dans une tentative de suicide.
Car si un véhicule s’était trouvé sur ma trajectoire,Moi et d’autres serions morts aujourd’hui,
aprés une action de Daesh ou d’u suicidaire?
Un suicidaire bien sûr,moi…
C’était il y a 31 ans.Si un véhicule avec Pinochet était à ce croisement,sans hésiter j’aurau foncer quand même sur que mon action serait prise pour un acte politique,alors que je mettais fin à mes jours,pourquoi ne faire retentir encore plus fort le fracas d’un suicide,non?
Le terme de:’suicide augmenté’.,ne vous parait il pas pertinent?
Je viens de penser à mieux:
‘suicide augmenté et récupéré”,ne conviendrait il pas?
@luc
[Le terme de:’suicide augmenté’.,ne vous parait il pas pertinent?]
Excellente suggestion…
Très bel article.
Il met bien en perspective le terrorisme dans le cadre de notre société, dans laquelle il a pris naissance : une société de communication, et particulièrement un modèle économique du “winner takes it all”, (du nom du tube d’il y a maintenant 36 ans !)
On le retouve partout :
– chez les journalistes : il y a d’un côté une paupérisation et une précarisation extrème du métier de journaliste, alors qu’à côté les journalistes télé vedettes se font payer des sommes astronomiques, sans que la différence de compétence puisse le justifier,
– chez les sportifs, où les plus grands sportifs gagnent aussi des sommes à la limite de l’indécence,
– au niveau des entreprises de la “nouvelle économie” : celui qui a réussi à s’imposer (google, facebook, amazon, etc.) sur un marché où il y avait à priori des concurrents récupère le monopole, et vaut des milliards, alors que les autres ne valent rien et font faillite,
– chez les artistes, où cohabitent ceux qui défendent le statut d’intermittent, pour finir leurs fins de mois, et ceux qui s’expartrient pour échapper à un impôt jugé confiscatoire,
– chez les patrons, où les “grands patrons”, dont le rôle est de communiquer auprès des politiques et actionnaires, font varier la valeur de la société du simple fait de leur notoritété (alors qu’il y a beaucoup plus de mérite à diriger une entreprise de taille plus modeste). Et ils ont un écart de salaire considérable avec les patrons qui ne font pas déplacer les télés…
Cette société du “winner takes it all” est le corollaire de la société de communication.
Illustration chez les musiciens :
Si vous voulez organiser un concert privé pour une occasion particulière, il y a des chances que les musiciens qui viendront soient largement aussi doués que certains qui passent à la télé. Et ils seront payés tout juste de quoi vivre.
Un musicien qui passe à la télé, quand il fait un concert, le fait pour des milliers de personnes, et touche donc beaucoup plus sans compter les cachets de la télé et des ventes de disque.
Pourquoi ? Parcequ’il fait partie de ceux qui ont été “élus”… Il y a les élus et les autres. Et les ordres de grandeurs de rémunération, de notoriété, etc. ne sont pas comparables.
S’il y avait déjà des artistes plus ou moins connus il y a 1 siècle, l’effet de la télé est d’exacerber la différence entre ceux qui y sont et ceux qui n’y sont pas. Et d’exacerber les différences entre les rémunérations.
Et effectivement, si on considère que chacun rève de se rapprocher du sommet de son idéal, la distance entre ceux qui sont au sommet et ceux qui sont restés en bas est devenie astronomique
Cela me fait penser au (très bon) film : “le schpountz”, avec Fernandel (ou aussi à “je m’voyais déjà”, d’aznavour). Ce film pointait déjà bien cette différence de traitement. Et, comme par hasard, c’était déjà dans le milieu du cinéma / télévision qu’il le faisait apparaitre…
@ Vincent
[Cette société du “winner takes it all” est le corollaire de la société de communication.]
Je pense que vous faites une confusion entre la société du « winner takes it all » et les rémunérations extraordinaires de certains professionnels (patrons, artistes, journalistes, etc.). Cette « exceptionnalité » a toujours existé. Dans la Rome antique, à la Renaissance, et dans les siècles qui suivirent il y eut des artistes, des généraux, des ingénieurs payés au delà de toute raison, bien au-delà de la valeur réelle de leurs services. Ces rémunérations ont un caractère « sacrificiel ». De la même manière qu’on était capable de sacrifier des grandes quantités de biens à un dieu pour montrer à la société entière non seulement sa richesse mais aussi sa dévotion, on rémunère exceptionnellement un patron, un artiste, un sportif pour marquer l’estime qu’on a pour lui et son caractère « exceptionnel ».
Le problème de notre société n’est pas tant qu’on rémunère exceptionnellement les êtres exceptionnels, mais qu’on n’offre pas aux êtres non-exceptionnels – c’est-à-dire, l’immense majorité d’entre nous – une perspective de reconnaissance conforme à leurs mérites. Hier, avant l’invention du phonographe, un chanteur « moyen » faisait des tournées en province et était applaudi par des audiences qui ne connaissaient pas forcément mieux. Avec le CD, nous pouvons écouter la Callas ou Elvis dans notre salon. Quelle place reste-t-il pour ces chanteurs « moyens » ? Aujourd’hui, c’est Elvis ou rien.
Le système médiatique fait qu’il n’est plus suffisant pour remplir une vie d’être un bon médecin, un bon facteur, un bon artisan, un bon ouvrier. Seul l’exceptionnel vous donne accès à la seule reconnaissance publique offerte par notre société : la célébrité. Et comme vous le soulignez, la distance entre les « célèbres » et les autres est aujourd’hui astronomique.
Vous évoquez les terroristes qui ont purgé de longues peines sans attenter à leur jour. Je sais bien que cela fait polémique, mais il y a, me semble-t-il, une exception avec le suicide en prison d’Andreas Baader et de trois membres de sa bande. Ils n’avaient plus pour perspective d’avenir qu’un très long séjour en prison, une tentative de détournement d’avion par d’autres membres de la bande venait d’échouer, et ils pouvaient, par leur suicide, mettre dans l’embarras le gouvernement de la RFA. Et pendant leurs années de clandestinité, ils avaient probablement pris l’habitude de fréquenter la mort. La thèse du suicide ne me semble donc pas à écarter d’emblée.
@ xc
[Vous évoquez les terroristes qui ont purgé de longues peines sans attenter à leur jour. Je sais bien que cela fait polémique, mais il y a, me semble-t-il, une exception avec le suicide en prison d’Andreas Baader et de trois membres de sa bande.]
Justement, c’est un très bon exemple. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, la réalité de ces suicides est contestée par les sympathisants de la RAF. Pourquoi ? Parce que dans leur logique, le suicide est justement un tabou. Un véritable révolutionnaire ne quitte pas le combat par la petite porte. Le suicide de Baader et les siens étonne justement parce qu’il n’est pas dans la logique du terrorisme tel qu’on l’entendait à l’époque. Le phénomène suicidaire est une nouveauté qu’il faut analyser comme telle.
[Ils n’avaient plus pour perspective d’avenir qu’un très long séjour en prison, une tentative de détournement d’avion par d’autres membres de la bande venait d’échouer, et ils pouvaient, par leur suicide, mettre dans l’embarras le gouvernement de la RFA.]
De la prison, on peut écrire. On peut résister. On peut servir de martyr, de point focal pour inciter d’autres militants à la lutte. Et puis, la révolution viendra peut-être bientôt vous libérer. Dans la logique du militant révolutionnaire, le suicide n’a aucune place – sauf lorsqu’il s’agit de garder des secrets qui auraient pu vous être extorqués sous la torture. A cette exception près, vous aurez du mal à trouver des cas de suicide de militants révolutionnaires. Même les mouvements qui croient au martyrologe, le martyre doit pour être valable être infligé par un autre. Le martyre auto-infligé ne compte pas.
@Descartes,
vous, un fan du “chanteur énervant” ? Vous êtes plein de surprises, cher ami :-)…
Peut-être faisait-il une ode à Roger Knobelspiess, dont les (més)aventures avait bercé mon enfance de fils de socialiste. Quand on sait ce que “Knob” est devenu, ça prouve le manque de flair des beaux-esprits de l’époque, dont Renaud était l’un des fers de lance!
Plus sérieusement, votre rapprochement de notre société avec la figure de l’adolescent me rappelle l’un de vos posts sur la figure de l’adulte, qui est aujourd’hui rejetée par notre société “libérale-libertaire”: de mémoire, vous faisiez remarquer que l’air du temps vantait les mérites de la jeunesse, alors que celle-ci n’est pas forcément bien traitée par nos dirigeants; en fait, je pense surtout à l’infantilisation généralisée, et non à la victimisation. En clair, nos dirigeants se comportent plus en mère permissive qu’en père sévère!
Ce n’est pas sans conséquence, car tout le monde, à commencer par les plus jeunes, doit accepter l’existence de LIMITES: or des parents permissifs, si on considère la sphère privée, ainsi qu’un Etat permissif, si on regarde la sphère publique, sont très souvent à l’origine de ce qu’on pourrait appeler des enfants-gâtés, qui sont de véritables petits dictateurs. Or comme chacun sait, ces derniers sont susceptibles des comportements les plus extrêmes lorsqu’ils sont contrariés: serait-ce l’une des raisons de l’instabilité de notre société actuelle? Il est alors facile, pour une religion aussi prédatrice que l’islam, d’y pondre ses oeufs tel un coucou…
@ CVT
[vous, un fan du “chanteur énervant” ? Vous êtes plein de surprises, cher ami :-)…]
Je ne dirais pas « fan », non… Mais j’aime certaines de ses chansons. Et puis, je trouve que son succès chez les jeunes des « classes moyennes » des années 1980 tient pour beaucoup à sa capacité à reprendre dans ses chansons l’esprit de cette époque. Les bourgeois de la fin du XIX s’encanaillaient à Pigalle. Les petits bourgeois des années 1980 se sont encanaillés avec Renaud. Et dans ses chansons on trouve un résumé assez frappant de leur idéologie et de leurs contradictions (il est savoureux par exemple de lire dans « Mais ou est-ce que j’ai mis mon flingue » que : « C’est pas d’main qu’on m’verra marcher/Avec les connards qui vont aux urnes /Choisir clui qui les f’ra crever/Moi, ces jours-là, j’reste dans ma turne » en se souvenant que quelques années plus tard il lançait le manifeste « Tonton, ne laisse pas béton » appelant Miterrand à se représenter…).
Et parmi les éléments notables de ce discours, on trouve la fascination thanatique. Mourir pour ne pas devenir vieux. Mourir dans une baston. Mourir gratuitement. Mourir par procuration en s’inventant « des copains qui crèvent aussi ».
[Ce n’est pas sans conséquence, car tout le monde, à commencer par les plus jeunes, doit accepter l’existence de LIMITES: or des parents permissifs, si on considère la sphère privée, ainsi qu’un Etat permissif, si on regarde la sphère publique, sont très souvent à l’origine de ce qu’on pourrait appeler des enfants-gâtés, qui sont de véritables petits dictateurs.]
J’y vais plus loin : non seulement l’enfant doit accepter l’existence de limites, mais il les demande, les exige même. Car les limites sont non seulement un besoin pour que la société et ses institutions – dont la famille – puisse fonctionner. Les limites sont nécessaires aussi pour rendre possible la révolte. Car comment se révolter s’il n’y a pas une règle pour se révolter contre elle ? Une société permissive enlève aux jeunes la possibilité de la révolte, où alors la reporte si loin que cette révolte devient dangereuse. Lorsqu’on interdisait le maquillage aux filles dans le lycée, les filles pouvaient se « révolter » avec un simple tube de rouge à lèvres. Avec ce simple outil elle pouvait provoquer un scandale. Mais que doit aujourd’hui faire un lycéen pour obtenir un résultat équivalent ? Pour que l’institution s’en émeuve, il lui faut au moins poignarder le professeur… et encore !
« La où tout est permis, rien n’est subversif » disait Jacques Lacan. Une société, une famille qui met des limites démontre par ce fait qu’elle tient à ses membres, qu’il lui importe qu’ils se comportent de telle ou telle manière, en un mot, qu’elle les aime. Une société, une famille qui n’en met pas montre par là son indifférence. Et les jeunes sont hyper sensibles à cette indifférence. La formule « qui aime bien châtie bien » n’est pas une formule gratuite. Elle enferme une vérité profonde : ne pas punir, c’est une marque d’indifférence.
Disons-le tout net, je ne suis pas en désaccord avec votre texte et, en particulier, ce passage qui me semble témoigner sinon de solides « pieds sur terre » ou, plus explicitement d’un matérialisme bien compris.
« Une autre difficulté réside dans le statut qu’on veut donner dans cette affaire à l’Islam. On cède ici à cette croyance naïve – mais tout à fait conforme à la vision « victimiste » devenue dominante dans nos sociétés – que les gens sont des esclaves de leurs croyances, et qu’ils peuvent être « radicalisés » par le discours extrémiste d’une autorité religieuse ou par un « caïd » en prison. Dans ces problématiques, la métaphore du virus qui se propage de proche en proche n’est jamais loin. Mais si cette métaphore est pédagogiquement brillante, elle n’est pas moins fausse. Pensez-vous vraiment qu’une personne normale se met subitement à croire qu’en se faisant sauter avec une ceinture d’explosifs il gagnera le paradis où il sera entouré par soixante-douze vierges réservées à son usage exclusif seulement parce qu’un type croisé en prison vous le dit ? »
On ferait fausse route en d’essentialisant l’islam (ce que font aussi ceux qui nous assènent que ce n’est pas « cela »), autant force est de constater que l’écrasante majorité de ces assassins sont d’origine proche ou plus éloignées de cette « culture ».
Lorsqu’on est avant tout préoccupé de comprendre, la difficulté est une discussion ouverte sans préjugé surtout dans un contexte nécessairement passionnel ; après tout il s’agit de vies d’êtres humains ( à ce propos, rien ne m’irrite plus que des médias qui soulignent qu’il y a eu x « musulmans » tués à Nice- le monde se diviserait-il entre catégories d’assassinés confessionnelles ? – Inadmissible). Est-il interdit de se demander pourquoi ?
Bien entendu, la « victimisation » -dont l’origine vient de nos biens pensants-est réelle mais suffit-elle à expliquer , je n’en suis pas persuadé comme je ne prétends détenir la « vérité » (guillemets car on est sur terre quant au « paradis »….).
@ morel
[On ferait fausse route en d’essentialisant l’islam (ce que font aussi ceux qui nous assènent que ce n’est pas « cela »), autant force est de constater que l’écrasante majorité de ces assassins sont d’origine proche ou plus éloignées de cette « culture ».]
Oui et non. On y retrouve – et ce n’est pas marginal – des convertis à l’Islam. Ce qui montre que le contexte pousse ceux qui ont envie de se suicider à chercher la « sublimation » de leur geste de ce côté-là. Mais il reste vrai que l’Islam pose un problème : parmi les grandes religions monothéistes, elle est la seule qui n’ait pas fait encore la révolution théologique pour séparer la loi religieuse et la loi civile. Tant ce que cette révolution ne sera pas faite, l’Islam continuera à fournir une justification à tous ceux qui se sentent victimes de la société.
[Bien entendu, la « victimisation » -dont l’origine vient de nos biens pensants-est réelle mais suffit-elle à expliquer , je n’en suis pas persuadé comme je ne prétends détenir la « vérité » (guillemets car on est sur terre quant au « paradis »….).]
Je ne pense pas qu’on puisse trouver un phénomène qui a lui-même « suffise » à expliquer ce phénomène. La diversité des profils et des motivations des actes qualifiés de « terroristes » de ces dernières années montre qu’il s’agit d’un phénomène multifactoriel. On peut tout au plus essayer de trouver des facteurs qui favorisent la formation des personnalités à risque et le passage à l’acte, mais difficile d’aller plus loin…
« On y retrouve – et ce n’est pas marginal – des convertis à l’Islam »
Je ne peux vous suivre ici : quel(s) converti(s) ont pris part aux crimes de masse dans notre pays ?
@ morel
[Je ne peux vous suivre ici : quel(s) converti(s) ont pris part aux crimes de masse dans notre pays ?]
N’oubliez pas que l’immense majorité des attentats sont déjoués avant leur exécution. Pour ne donner qu’un exemple, un jeune converti a été inclulpé le 16 juin dernier accusé de préparer des attentats contre des touristes anglais et américains et contre la police à Carcassonne. La 3 août dernier, un jeune converti de 19 ans a été arrêté à Neuilly-sur-Seine et mis en examen. Lui aussi était “prêt à passer à l’acte”.
« N’oubliez pas que l’immense majorité des attentats sont déjoués avant leur exécution. Pour ne donner qu’un exemple, un jeune converti a été inculpé le 16 juin dernier accusé de préparer des attentats contre des touristes anglais et américains et contre la police à Carcassonne. La 3 août dernier, un jeune converti de 19 ans a été arrêté à Neuilly-sur-Seine et mis en examen. Lui aussi était “prêt à passer à l’acte”. »
Oui mais me permettez-vous plusieurs remarques :
– même si l’on ajoute les tentatives de meurtres déjouées les convertis demeurent largement minoritaires
– que l’on apprend que le premier a passé de longues années à Lunel dans un environnement maintenant connu.
– que ce même individu visait des touristes.
– quant au second, pas assez d’informations. Il est actuellement dans la négation qui, je fais confiance aux forces de l’ordre, n’est pas à prendre au premier degré.
Pour que ce soit clair en ces temps de « politically correct », je ne peux que clamer haut et fort que le problème n’est aucunement lié à une appartenance « raciale » fantasmée. L’espèce humaine est, fort heureusement, unique.
M’est-il, ceci posé fermement (car ce n’est pas idéologique mais scientifique), possible d’interroger le fait que d’une manière : comment se sont-ils convertis, ou plus précisément dans quel milieu vivaient-ils ? Peut-on dire que cette idéologie est française ?
Par cette dernière remarque, certains peuvent considérer ceci comme xénophobe. Comment dire les Lumières poussées jusqu’à leur conséquence en leur temps dans notre pays ?
Ce n’est pas, non plus, le fait de l’écrasante majorité des personnes venues de pays « musulmans » mais force est de constater qu’il existe des formes de « continuum » effrayants : port du « foulard », ramadan, montée du hallal…
J’avoue être totalement dépassé : avoir milité tant de temps pour, en fonction de mes petites possibilités, une société plus « juste », aussi l’ambition battue par les ans, une société où le travail prenne le dessus (vous écrivez sur les rêves de jeunesse, peut-être l’insomniaque que je suis rêve encore éveillé).
Pour en finir, je crois noter que pour massacrer en masse les êtres qui composent notre société, il faut se sentir plus qu’étranger ç celle-ci. Et c’est effrayant de voir que cela provient de personnes qui y ont vécu.
@ morel
[- même si l’on ajoute les tentatives de meurtres déjouées les convertis demeurent largement minoritaires]
Mais ils y représentent une proportion plus importante que leur représentativité dans l’ensemble des musulmans.
[M’est-il, ceci posé fermement (car ce n’est pas idéologique mais scientifique), possible d’interroger le fait que d’une manière : comment se sont-ils convertis, ou plus précisément dans quel milieu vivaient-ils ? Peut-on dire que cette idéologie est française ?]
Peut on dire que l’idéologie guévariste, à laquelle se sont convertis un certain nombre de jeunes français dans les années 1960 et 70 est une « idéologie française » ? La conversion obéit à un besoin. Hier, beaucoup de jeunes trouvaient une réponse à leur besoin de révolte, de rupture, d’aventure dans les idéologies d’extrême gauche. Aujourd’hui, le visage de Guevara est sur les t-shirts vendues par les grandes multinationales du vêtement et ne fait plus peur à personne. Où est-ce qu’un jeune peut trouver une réponse au besoin de révolte ?
[Ce n’est pas, non plus, le fait de l’écrasante majorité des personnes venues de pays « musulmans » mais force est de constater qu’il existe des formes de « continuum » effrayants : port du « foulard », ramadan, montée du hallal…]
Nous avons admis qu’on puisse s’installer chez nous tout en vivant comme « là bas ». Pourquoi alors s’étonner que les gens utilisent ces possibilités ?
[J’avoue être totalement dépassé : avoir milité tant de temps pour, en fonction de mes petites possibilités, une société plus « juste », aussi l’ambition battue par les ans, une société où le travail prenne le dessus (vous écrivez sur les rêves de jeunesse, peut-être l’insomniaque que je suis rêve encore éveillé).]
Consolons nous en pensant que sans ce militantisme, les choses seraient bien pire… Mais pour ceux qui ont milité pour le « multiculturalisme » et qui ont contribué au développement du communautarisme et à l’abandon des politiques d’assimilation, l’heure de l’examen de conscience s’impose.
Je vais approfondir l’idée que je voudrais exprimer.
1/ Dans les faits, l’écrasante majorité des auteurs de crimes terroristes sont, de façon frappante, issues à des degrés divers de l’immigration.
Ne croyez pas que j’en conclus que les migrants sont tous des criminels ou/et des islamistes.
La question à mon avis mérite d’être abordée sans aucun parti pris.
2/ Vous m’objectez deux convertis arrêtés avant leur acte.
Je souligne que l’un visait les touristes étrangers (anglo-saxons et russes).
http://www.leparisien.fr/faits-divers/carcassonne-le-jeune-converti-arme-voulait-attaquer-des-touristes-16-06-2016-5890487.php
Crime aussi horrible mais là n’est pas mon propos.
Pour l’autre, pas assez de renseignement.
Sur un autre billet, le 28/11/15, nous avons eu cet échange :
[L’une d’elles concerne les convertis. …Ce qui me frappe, c’est que les crimes commis en France, sauf erreur de ma part, sont essentiellement le fait de la première catégorie.]
Exact. J’ai discuté ce point avec un ami policier, qui m’a proposé plusieurs explications. La première est que les mouvements djihadistes eux-mêmes opèrent une sélection. S’ils accueillent avec les bras ouverts les « convertis » non-arabes, ils ne leur font pas particulièrement confiance pour revenir organiser des attentats dans leur pays d’origine. Pour vous, un djihadiste breton est avant tout un djihadiste, mais pour eux un djihadiste breton reste avant tout un breton.
3/ C’est pourquoi, j’ai conclu ma dernière intervention par : Pour en finir, je crois noter que pour massacrer en masse les êtres qui composent notre société, il faut se sentir plus qu’étranger à celle-ci. Et c’est effrayant de voir que cela provient de personnes qui y ont vécu.
Chose qui est sans doute incomparablement plus facile qu’on a bien moins de lien avec notre société.
@ morel
[1/ Dans les faits, l’écrasante majorité des auteurs de crimes terroristes sont, de façon frappante, issues à des degrés divers de l’immigration.]
C’est difficile à dire. D’une part, il y a des crimes de masse qui sont considérés comme « terroristes » lorsque l’auteur est musulman et/ou issu de l’immigration, mais qui ne le seraient pas s’ils étaient commis par un chrétien. Le cas de Richard Durn est, comme je l’ai expliqué dans un autre message, assez révélateur.
Cela étant dit, il n’est pas irrationnel de penser que le déraciné puisse être plus facilement tenté par la violence contre la société dans laquelle il vit que celui qui a des vieilles racines. Dans ce dernier cas, il y a une empathie naturelle pour la société qui l’a vu naître et grandir. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si toutes les communautés ont regardé, et cela depuis la plus haute antiquité, les « estrangers » avec méfiance. Notez bien que, tout comme vous, je ne fais nullement un jugement de valeur, je ne fais que constater une tendance. C’est d’ailleurs pourquoi je défends l’idée d’assimilation, seul processus qui permet de construire un enracinement symbolique, et donc de créer cette empathie envers la société.
J’ajoute que le processus travaille dans les deux sens : autant l’issu de l’immigration peut manquer d’empathie pour la société qui l’entoure lorsqu’il est dans une logique « victimiste », autant les immigrés assimilés tendent à être souvent plus intransigeants dans leur attachement à leur patrie d’adoption que les natifs « de souche »…
[Exact. J’ai discuté ce point avec un ami policier, qui m’a proposé plusieurs explications. La première est que les mouvements djihadistes eux-mêmes opèrent une sélection. S’ils accueillent avec les bras ouverts les « convertis » non-arabes, ils ne leur font pas particulièrement confiance pour revenir organiser des attentats dans leur pays d’origine. Pour vous, un djihadiste breton est avant tout un djihadiste, mais pour eux un djihadiste breton reste avant tout un breton.]
Daesh partagerait donc l’analyse que j’ai exposé ci-dessus. Un breton, tout converti qu’il soit, gardera envers sa société d’origine une empathie qui le rend peu fiable à l’heure d’organiser un attentat. J’espère, pour une fois, que Daesh a raison… cependant, je ne peux que m’interroger sur le fait de savoir si l’idéologie « victimiste » n’est pas en train de saper cette empathie.
Je crois que nous nous sommes compris. Par les temps passionnels qui courent ce n’est pas toujours facile de tenir un cap hors des « explications » essentialistes.
Nb : la citation de votre texte effectué par mes soins.
Cela n’empêche pas de sanctionner l’ « autorité religieuse ou le caïd » en question. Je crois que nous sommes bien d’accord sur le sujet.
@ morel
[Nb : la citation de votre texte effectué par mes soins.]
J’ai pas très bien compris…
[Cela n’empêche pas de sanctionner l’ « autorité religieuse ou le caïd » en question. Je crois que nous sommes bien d’accord sur le sujet.]
Bien entendu. Je reste convaincu que sanctionner les Imams ou les Caïds qui répandent des discours haineux n’empêchera pas les attaques terroristes. Mais ce n’est pas pour autant une raison de laisser se répandre des discours d’incitation à la violence sous prétexte de religion. La République doit être très claire sur ce point.
bien que d’accord avec presque toutes vos remarques sur ce sujet, il me semble que le tableau d’ensemble est encore bien insatisfaisant.
les attentats suicide sont loin d’être une particularité française. Ils sont beaucoup plus nombreux et massifs dans tout le moyen orient et ils y trouvent manifestement leur inspiration. C’est donc dans ces sociétés qu’il faut d’abord chercher les racines du phénomène, puis les conditions de son extension en France.
Et j’ai bien peur que vos remarques, pour intéressantes qu’elles soient, ne permettent guère de comprendre ce qui se passe au Moyen Orient.
@ marc.malesherbes
[les attentats suicide sont loin d’être une particularité française. Ils sont beaucoup plus nombreux et massifs dans tout le moyen orient et ils y trouvent manifestement leur inspiration.]
C’est vrai. Mais le discours « victimiste », la société du spectacle et de la mise en scène ne sont pas non plus, loin de là, des particularités françaises. La télé-réalité fait fureur sur les chaînes télé du moyen orient…
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte du fait que la valeur de la vie humaine n’est pas tout à fait la même en Irak et en France. Dans un pays ou l’on peut être tué chaque matin en allant au travail, le passage à l’acte suicidaire est bien plus facile que dans une société comme la notre, qui a un haut niveau de sécurité.
Réflexions intéressantes, merci.
C’est surprenant mais moi aussi ces attentats m’ont fait penser à Renaud mais plutôt à cette chanson :
“J’ai rien à gagner, rien a perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit.”
Je ne rappelais même pas qu’elle s’appelait “deuxième génération” et parlait d’un kabyle. Mais du cou je l’ai réécoutée et un peu plus loin on a aussi ça :
“Des fois, j’me dis qu’à 3000 bornes
De ma cité, y’a un pays
Que j’connaîtrai sûr’ment jamais
Que p’t’être c’est mieux, p’t’être c’est tant pis
Qu’là-bas aussi, j’s’rai étranger
Qu’là-bas non plus, je s’rai personne.
Alors, pour m’sentir appartenir
A un peuple, à une patrie
J’porte autour de mon cou sur mon cuir
Le keffieh noir et blanc et gris
Je m’suis inventé des frangins
Des amis qui crèvent aussi.”
@ Mathieu Deharbe
[C’est surprenant mais moi aussi ces attentats m’ont fait penser à Renaud mais plutôt à cette chanson : « J’ai rien à gagner, rien a perdre/Même pas la vie/J’aime que la mort dans cette vie d’merde/J’aime c’qu’est cassé/J’aime c’qu’est détruit/J’aime surtout c’qui vous fait peur/La douleur et la nuit. »]
Merci de ce rappel. En effet, elle donne une illustration encore plus parlante du côté thanatique des textes de Renaud. Et si ces textes ont eu un succès énorme auprès des jeunes des « classes moyennes » dans les années 1980, c’est parce qu’ils s’ajustent très bien à leur vision du monde. L’idéologie du laid, du gore, du « détruit », n’est pas née par hasard…
[Je ne rappelais même pas qu’elle s’appelait “deuxième génération” et parlait d’un kabyle. Mais du coup je l’ai réécoutée et un peu plus loin on a aussi ça : « (…) Alors, pour m’sentir appartenir/A un peuple, à une patrie/J’porte autour de mon cou sur mon cuir/Le keffieh noir et blanc et gris/Je m’suis inventé des frangins/Des amis qui crèvent aussi. »]
Prémonitoire, n’est ce pas ?
“Peut-être est-ce pour cela que beaucoup de « terroristes » impliquées dans les derniers attentats ne sont pas de première jeunesse, mais se situent dans la trentaine, à l’âge où le risque de devenir comme ses parents devient plus lancinant. C’est l’âge ou l’on réalise que l’immense majorité de nous mènera des vies certes heureuses mais « médiocres ». Que nous n’aurons pas le prix Nobel, que nous ne monterons pas les marches à Cannes, que nous ne serons pas président de la République ou patron de Microsoft.”
En lisant ces lignes, je dois dire que vos propos résonnent singulièrement en moi. Je suis à l’âge que vous indiquez, et effectivement, c’est l’âge où l’on fait le deuil de ses grands espoirs de gloire (et Dieu sait si j’ai rêvé à la gloire, politique, universitaire, littéraire, etc). C’est parfois difficile de se dire en effet qu’on a une vie paisible, confortable (c’est mon cas) mais “médiocre”, et que, vraisemblablement, on ne fera pas de “grandes choses”. Il manque un petit truc à l’existence, je pense qu’il y a une aspiration naturelle à la gloire chez l’homme, du moins chez certains. La différence avec les “terroristes”, je pense, est que pour ma part, je n’ai pas honte à l’idée que ma vie ressemble à celle de mes parents, même si j’avais espéré mieux: ils ont eu (et ils ont encore, pour longtemps j’espère) une vie honnête et honorable. Peut-être que les “terroristes” n’ont pas eu de telles familles. Pourtant, et c’est une chose que je partage avec ces jeunes séduits par Daesh, je peux comprendre la haine de la société dans laquelle ils vivent. Je devrais être heureux, mais je n’arrive pas à aimer la société dans laquelle je vis, bien que la société que je souhaite soit très différente de celle que veut Daesh.
Il y aussi, je pense, une fascination pour l’appartenance à un groupe maudit. Je me souviens avoir lu il y a quelques années un livre consacré à l’extrême droite. Il y avait un extrait d’une interview d’un dirigeant néonazi des années 80 à qui le journaliste demandait: “mais, au fond, quel intérêt peut-il y avoir pour vous à défendre une idéologie dont vous savez qu’elle vous fera détesté de la Terre entière, ou presque?” Et la réponse du néonazi m’a marqué: “L’intérêt? Peut-être précisément d’être détesté de la Terre entière…”. Oui, je pense qu’il y a des gens qui ont envie d’être détesté, mis au ban de l’humanité, pour faire peur notamment. “Qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent.”
“besoin de réhabiliter dans notre culture et dans notre action politique des valeurs comme la beauté, la gentillesse, la raison, l’intelligence, la confiance, l’amour de la vie”
Je souscris à ce que vous dites là. Et j’ajouterai: la politesse, le savoir-vivre et l’honnêteté. Dire seulement “bonjour monsieur”, “au revoir madame” avec un sourire, ça ne rend pas les gens heureux mais ça y contribue. La politesse, c’est le début du respect. On a oublié cela. Il faut également réhabiliter l’honnêteté, et je puis vous dire qu’il y a du boulot, notamment auprès des jeunes des quartiers si facilement séduits par l’argent facile des trafics et magouilles de toute sorte. C’est bien difficile d’être entendu quand le frangin ou le cousin dort jusqu’à midi et roule en décapotable avec le smartphone dernier cri, rien qu’en dealant. Bien sûr, il y a le risque d’aller en prison ou de prendre une balle au cours d’un règlement de compte, mais il y a des quartiers en France où la violence est vue comme un moyen “normal” de régler les problèmes, où l’économie “informelle” (le mot “trafic”, ça stigmatise de pauvres populations déjà en butte aux discriminations et au racisme, comme chacun sait) est devenue la norme.
Un collègue du premier degré me disait récemment qu’à la fin d’une journée, un élève vient le voir et le lui dit: “Dis donc, ton portable, il est pas terrible. Si tu veux, mon père te trafique la carte SIM pour que tu n’aies plus à payer le forfait, il fait ça tout le temps.” Et le pire, c’est que le gamin a fait la proposition gentiment, pensant réellement rendre service à son prof! Et des anecdotes comme ça, on en a des dizaines…
@ nationaliste-ethniciste
[En lisant ces lignes, je dois dire que vos propos résonnent singulièrement en moi. Je suis à l’âge que vous indiquez, et effectivement, c’est l’âge où l’on fait le deuil de ses grands espoirs de gloire (et Dieu sait si j’ai rêvé à la gloire, politique, universitaire, littéraire, etc). C’est parfois difficile de se dire en effet qu’on a une vie paisible, confortable (c’est mon cas) mais “médiocre”, et que, vraisemblablement, on ne fera pas de “grandes choses”.]
J’avoue que ma réflexion sur ce point doit beaucoup à la pièce de Peter Schaffer « Amadeus » (le film de Milosz Forman est d’ailleurs excellent). La scène finale où Antonio Salieri bénit tous les « médiocres » est extraordinaire, tout comme celle où il demande à Dieu « pourquoi m’as-tu donné l’envie de te servir, et tu ne m’as pas donné le talent ». Oui, comme vous, je ne ferai pas de « grandes choses ». Ou plutôt, j’ai eu la chance de participer dans des « grandes choses », mais le rôle qui me sera attribué par l’histoire sera, sans aucun doute, marginal. Mais j’aurai fait toute ma vie des choses utiles, j’aurai formé des jeunes… pourquoi la société ne pourrait pas au moins nous reconnaître pour cela ?
[Il manque un petit truc à l’existence, je pense qu’il y a une aspiration naturelle à la gloire chez l’homme, du moins chez certains.]
Et c’est bien qu’il en soit ainsi. Mais si la gloire personnelle n’est pas à la portée de tout le monde, les sociétés du passé se sont au moins débrouillées pour que les gens aient accès à la gloire collective. Tout le monde ne pouvait pas être Napoléon, mais du moins Napoléon prenait soin à faire partager sa gloire à ceux qui avaient travaillé pour lui :
« Soldats, lorsque le peuple français plaça sur ma tête la couronne impériale, je me confiais à vous pour la maintenir toujours dans ce haut état de gloire qui seul pouvait lui donner un prix à nos yeux. Mais, dans le même moment, mes ennemis ne pensaient qu’à la détruire et l’avilir. Et cette couronne de fer conquise par le sang de tant de Français, ils voulaient m’obliger à la placer sur la tête de nos plus cruels ennemis, projet téméraire et insensé que le jour même de l’anniversaire du couronnement de votre Empereur vous avez anéanti et confondu. Vous leur avez appris qu’il était plus facile de vous braver et de vous menacer que de vous vaincre.
Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de votre Patrie sera accompli, je vous ramènerai en France. Là, vous serez l’objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous recevra avec joie et il vous suffira de dire “J’étais à la bataille d’Austerlitz” pour qu’on vous réponde “Voilà un brave !” » (proclamation après la bataille d’Austerlitz, le 3 décembre 1805)
La logique individualiste du « je me suis fait tout seul » – et je ne dois donc rien à personne – fait que nous, les médiocres, ne partageons même pas la gloire des « grands » pour qui nous avons travaillé et dont nous avons contribué – quelquefois beaucoup – à construire. Jean Germain a partagé la gloire d’Albert Camus. Combien d’écrivains aujourd’hui remercient, en recevant leur prix Nobel, leur instituteur ?
[La différence avec les “terroristes”, je pense, est que pour ma part, je n’ai pas honte à l’idée que ma vie ressemble à celle de mes parents, même si j’avais espéré mieux: ils ont eu (et ils ont encore, pour longtemps j’espère) une vie honnête et honorable. Peut-être que les “terroristes” n’ont pas eu de telles familles.]
Ils n’ont pas eu, surtout, votre éducation. J’avais en 2011 publié ici un papier dont le titre était « Que c’est dur d’être jeune » (1). Je ne renie pas un mot de ce que j’avais écrit à l’époque. Jamais dans l’histoire humaine la jeunesse n’a été aussi choyée économiquement et aussi abandonnée morale et civiquement par la société. Là où la famille transmet toujours des valeurs, des interdits, des comportements, les jeunes s’en sortent. Mais là où la famille est affaiblie, disloquée, et n’arrive pas à transmettre, le résultat est désastreux. Rétrospectivement, je me dis que les générations éduquées avant la grande rupture de la fin des années 1960 ont eu beaucoup de chance.
[Pourtant, et c’est une chose que je partage avec ces jeunes séduits par Daesh, je peux comprendre la haine de la société dans laquelle ils vivent. Je devrais être heureux, mais je n’arrive pas à aimer la société dans laquelle je vis, bien que la société que je souhaite soit très différente de celle que veut Daesh.]
J’en suis désolé pour vous. Parce que la haine est un sentiment destructeur, quelquefois pour son objet, mais toujours pour son sujet. J’avoue que j’ai beaucoup de mal à haïr, et je ne pense avoir haï personne dans ma vie, exception faite peut-être de François Mitterrand. Je ne suis pas moins critique que vous de cette société, et j’aspire à la changer. Mais je me méfie du potentiel destructeur de la haine.
[Il y aussi, je pense, une fascination pour l’appartenance à un groupe maudit. Je me souviens avoir lu il y a quelques années un livre consacré à l’extrême droite. Il y avait un extrait d’une interview d’un dirigeant néonazi des années 80 à qui le journaliste demandait: “mais, au fond, quel intérêt peut-il y avoir pour vous à défendre une idéologie dont vous savez qu’elle vous fera détesté de la Terre entière, ou presque?” Et la réponse du néonazi m’a marqué: “L’intérêt? Peut-être précisément d’être détesté de la Terre entière…”.]
Je n’y avais pas pensé, mais je trouve votre réflexion très pertinente. Elle est dans la logique du fonctionnement « victimiste ». Etre détesté de tous, c’est aussi être une « victime ». On peut même entrer dans le raisonnement paranoïaque – classique dans l’extrême gauche – du « on me déteste parce que j’ai raison, et plus on me déteste, plus cela prouve que j’ai raison ».
[Oui, je pense qu’il y a des gens qui ont envie d’être détesté, mis au ban de l’humanité, pour faire peur notamment. “Qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent.”]
Sauf que ce principe ne marche pas dans l’hypothèse suicidaire. Quant on est mort, la haine et la crainte n’ont plus de sens.
[Je souscris à ce que vous dites là. Et j’ajouterai: la politesse, le savoir-vivre et l’honnêteté. Dire seulement “bonjour monsieur”, “au revoir madame” avec un sourire, ça ne rend pas les gens heureux mais ça y contribue. La politesse, c’est le début du respect. On a oublié cela.]
Je ne pense pas qu’il faille amener le « respect » là dedans. Le respect n’est pas de l’ordre de ce qui est du, mais de l’ordre de ce qu’on gagne. La politesse, c’est de l’ordre de ce qui est du. Je dis « bonjour madame » quand je rentre dans un commerce, même si je ne connais pas la commerçante. Elle est peut-être une salope, et peut être une sainte, mais je ne le sais pas, et du point de vue de la politesse cela n’a aucune importance. Mon geste de politesse est une manière de faire savoir qu’elle et moi appartenons à une même collectivité, dont les membres se doivent des égards inconditionnellement. Il est des gens pour qui j’ai fort peu de respect, et même une certaine animosité. Mais s’ils me tendent la main, je ne leur refuserai pas la mienne parce que le faire serait les chasser symboliquement de la collectivité humaine.
Il faut revaloriser la politesse et le savoir-vivre tout simplement parce qu’ils rendent la vie plus agréable. Parce que les gestes de politesse – ceux qu’on accomplit et ceux qu’on reçoit – rendent le commerce avec ceux qui nous entourent plus sympathique, plus détendu, plus confiant.
[Il faut également réhabiliter l’honnêteté, et je puis vous dire qu’il y a du boulot, notamment auprès des jeunes des quartiers si facilement séduits par l’argent facile des trafics et magouilles de toute sorte.]
Je suis en train de préparer un papier sur cette question, alors je ne vais pas m’étendre… mais je pense que là encore il faut expliquer que l’honnêteté, au délà de toute considération morale, est une valeur utilitaire. La corruption est non seulement immorale, elle a un coût. Ce n’est pas par hasard si les sociétés les plus riches sont aussi celles où l’honnêteté est une valeur partagée.
[C’est bien difficile d’être entendu quand le frangin ou le cousin dort jusqu’à midi et roule en décapotable avec le smartphone dernier cri, rien qu’en dealant. Bien sûr, il y a le risque d’aller en prison ou de prendre une balle au cours d’un règlement de compte, mais il y a des quartiers en France où la violence est vue comme un moyen “normal” de régler les problèmes, où l’économie “informelle” (le mot “trafic”, ça stigmatise de pauvres populations déjà en butte aux discriminations et au racisme, comme chacun sait) est devenue la norme.]
Oui. Mais la question fondamentale est : qu’est ce que la société offre comme alternative. Dans une société où le succès et la reconnaissance sociale se mesurent à la décapotable et au smartphone dernier cri, cette dérive est inévitable. Le défi est : comment on fait pour que l’estime et la récompense sociale aillent à celui qui sort de Polytechnique, à celui qui passe l’agrégation, et non à celui qui s’achète une belle voiture ou un smartphone dernier cri.
[Un collègue du premier degré me disait récemment qu’à la fin d’une journée, un élève vient le voir et le lui dit: “Dis donc, ton portable, il est pas terrible. Si tu veux, mon père te trafique la carte SIM pour que tu n’aies plus à payer le forfait, il fait ça tout le temps.” Et le pire, c’est que le gamin a fait la proposition gentiment, pensant réellement rendre service à son prof! Et des anecdotes comme ça, on en a des dizaines…]
Le fait qu’ils fassent ça par gentillesse montre que tout n’est pas perdu. Les gamins ne sont pas mauvais, mais ils jouent dans les règles que la société leur transmet. Quand un présentateur télé peut se permettre à l’antenne de dire qu’il truande ses impôts sans que l’opprobre public ne s’abatte sur lui, comment un jeune comprendrait-il que c’est « mal » de truander une carte SIM ? J’avoue que je serais intéressé de savoir ce que votre collègue a répondu à ce gamin. Parce que vous avez là une situation pédagogique exceptionnelle pour faire de la vraie instruction civique. Comment expliquer à un gamin le principe kantien d’universalité ? Comment lui expliquer que si tout le monde trafiquait son portable, alors il n’y aurait plus d’argent pour payer les relais et le système s’effondrerait ? Voilà le véritable défi de la pédagogie, et non ces bêtises « d’enseigner le vivre ensemble ».
(1) http://descartes.over-blog.fr/article-que-c-est-dur-d-etre-jeune-81409226.html
La question pourrait être posée de savoir s’il ne s’agit pas de terrorisme ET de suicide. Il y a des précédents, dans l’histoire, de dirigeants canalisant les pulsions suicidaires à des fins militaires. Les stratèges de l’EI ne font rien d’autre en Syrie et en Irak, lorsqu’ils orientent certains combattants étrangers vers leur filière “attentat-suicide”, tandis que d’autres rejoignent des unités militaires classiques.
@ Luxy Luxe
[La question pourrait être posée de savoir s’il ne s’agit pas de terrorisme ET de suicide. Il y a des précédents, dans l’histoire, de dirigeants canalisant les pulsions suicidaires à des fins militaires.]
En d’autres termes, les « dirigeants » se serviraient des personnes suicidaires comme d’un instrument, un peu comme un terroriste se servirait d’une Kalachnikov. Dans cette logique, il faut considérer ces dernières comme de purs instruments. Ils ne sont donc pas des « terroristes » pas plus que la Kalachnikov brandie par un terroriste n’est, en elle-même, « terroriste ».
[Les stratèges de l’EI ne font rien d’autre en Syrie et en Irak, lorsqu’ils orientent certains combattants étrangers vers leur filière “attentat-suicide”, tandis que d’autres rejoignent des unités militaires classiques.]
Que les stratèges de EI cherchent à créer des conditions favorables pour le passage à l’acte chez des déséquilibrés, c’est un fait et ceux qui le font sont effectivement des « terroristes ». Mais quid des déséquilibrés ? Faut-il les considérer eux aussi comme « terroristes », ou plus simplement comme des instruments d’un terrorisme qui leur est extérieur ? Je pencherait plutôt pour la deuxième solution.
@ Descartes
Bonjour
( Nous avons – et je suis conscient que cette déclaration peut me valoir beaucoup de méchantes remarques – besoin de réhabiliter dans notre culture et dans notre action politique des valeurs comme la beauté, la gentillesse, la raison, l’intelligence, la confiance, l’amour de la vie. Ce sont nos meilleurs antidotes contre la fascination de la mort. )
Méchantes sans doute, parce que stupides, mais cependant rarissimes je suppose parmi les commentateurs de votre blog.
Si je souscris absolument à votre billet, je souhaiterais suggérer une hypothèse à l’origine de beaucoup de nos travers et difficultés. C’est l’hypertrophie de notre état de droit et la paralysie qu’il entretient. Je m’explique :
A force de vouloir, collectivement, préserver et protéger tous les droits des citoyens, tenir compte de l’infinité des cas particuliers possibles, favoriser un état jacobin unificateur à l’excès, notre société, c’est à dire la communauté nationale s’est blindée juridiquement d’une jungle juridique et règlementaire qui, d’une part est devenue illisible même par les spécialistes, et, d’autre part impossible à faire strictement appliquer, ce qui favorise les interprétations erronées, les transgressions et aboutit à une absence fréquente de sanction pour les plus combinards ou culottés.
Nous sommes un pays d’assistés et là encore, l’assistanat ne va pas forcément à ceux qui le justifieraient le plus. Car pour bénéficier des aides, il faut, pour les particuliers comme pour les entreprises, avoir des capacités qui discriminent les plus faibles des plus forts, les plus malins des plus honnêtes.
Votre souhait concerne l’éthique et j’applaudis. Et comme matérialiste tout de même, la beauté et l’amour de la vie ne suffisant pas à assurer convenablement une subsistance ordinaire, le goût du travail, l’effort, le mérite, l’abnégation, etc ont eux aussi la nécessité d’être réhabilités, et pas seulement avec de belles paroles mais avec des mesures fortement incitatives.
En langage vulgaire cela s’appelle un coup de pied au cul des enfants gâtés. Si mai 68 n’a pas été entièrement négatif, il nous a tout de même couté bien cher à cause de cette permissivité que vous évoquez. Et il continue de nous couter, avec intérêt.
Là est le débat à venir de notre société, le reste c’est de la technique.
@ Marcailloux
[Méchantes sans doute, parce que stupides, mais cependant rarissimes je suppose parmi les commentateurs de votre blog.]
Je ne sais pas. Beaucoup de gens très intelligents soutiennent aujourd’hui que l’art doit être un « miroir de la réalité », et qu’à ce titre il ne doit pas chercher le « beau », mais aussi montrer le laid, le dégueulasse, le pervers. Ma position serait considérée par ces gens comme étant t passéiste et réactionnaire…
[Si je souscris absolument à votre billet, je souhaiterais suggérer une hypothèse à l’origine de beaucoup de nos travers et difficultés. C’est l’hypertrophie de notre état de droit et la paralysie qu’il entretient. Je m’explique : (…)]
Je pense que vous avez raison, mais en partie seulement. Je ne partage pas par exemple votre idée que cette paralysie soit favorisée par « un Etat jacobin unificateur à l’excès ». Ce serait plutôt le contraire : la centralisation jacobine a toujours favorisé la simplification, en consacrant un citoyen abstrait sujet des mêmes droits et soumis aux mêmes obligations en tout point du territoire. C’est au contraire la décentralisation girondine, avec la multiplication des statuts particuliers qui favorise le développement de réglementations hyper-complexes qui se doivent de prendre en compte toutes sortes de cas particuliers.
Pour le reste, il est vrai que l’utilisation de la loi comme instrument déclaratif à provoqué la multiplication des lois fourre-tout, au caractère normatif incertain, souvent votées sans examen approfondi – comment examiner au fond une loi de deux cents articles dans un temps de débat raisonnable ? – et prévoyant d’innombrables textes réglementaires. A cela s’ajoute le pouvoir croissant des juges – on n’est pas loin de la situation créée par la révolte des parlements sous l’ancien régime – et la juridiscisation des rapports entre le citoyen et l’administration, qui tend à paralyser le système.
[Votre souhait concerne l’éthique et j’applaudis. Et comme matérialiste tout de même, la beauté et l’amour de la vie ne suffisant pas à assurer convenablement une subsistance ordinaire, le goût du travail, l’effort, le mérite, l’abnégation, etc ont eux aussi la nécessité d’être réhabilités,]
Tout à fait. Mais dans mon papier, je parlais des tendances suicidaires de notre jeunesse. C’est dans ce contexte que je parlais de « l’amour de la vie ». Je crois qu’il faut s’interroger sur les effets du discours « victimiste » dans ce domaine. Sans aller plus loin, lorsqu’on entend le discours misérabiliste de la « gauche radicale », avec son insistance à accumuler fléau sur fléau pour nous expliquer que tout va de mal en pis, on se demande s’il existe encore une bonne raison pour les plus modestes de rester en vie. On retrouve les échos des différentes chansons de Renaud citées par différents commentateurs, qui déjà dans les années 1980 était dans cette veine. Quelle différence avec le langage du PCF à la même époque, résumée par le « Que c’est beau la vie » de Jean Ferrat…
Oui, pour répondre aux idées millénaristes et thanatiques qui fleurissent un peu partout, il nous faut réaffirmer partout et toujours : oui, la vie est une chose magnifique. Oui, la vie mérite d’être vécue. Oui, quelque soit la tristesse de notre situation, la misère, la maladie, la vie mérite d’être vécue. C’est d’ailleurs pourquoi je suis effrayé par le discours sur la « fin de vie » et le « suicide assisté ». Pour moi, ces discours sont extraordinairement dangereux, en ce qu’ils légitiment l’idée que l’individu pourrait choisir la mort plutôt que la vie…
Cher Descartes, votre article est très juste, sauf selon moi sa conclusion que je trouve un peu inquiétante : “besoin de réhabiliter dans notre culture et dans notre action politique des valeurs comme la beauté, la gentillesse, la raison, l’intelligence, la confiance, l’amour de la vie”. Qu’entendez-vous par là ?
Déjà, concernant l’action politique, j’aurais tendance à penser (après lecture de Jacques Sapir) que ce sont des principes et non des valeurs qu’elle doit défendre.
Mais surtout, que signifie réhabiliter de telles valeurs dans notre culture ??? Faut-il rejeter Céline, Jean Genêt, Despentes, Houellebecq, Thomas Bernhardt… La culture n’a pas à être “gentille” ! A prôner “l’amour de la vie” !
Vous ne trouvez pas ?
@ Nana1985
[Cher Descartes, votre article est très juste, sauf selon moi sa conclusion que je trouve un peu inquiétante :]
C’était un peu le but…
[“besoin de réhabiliter dans notre culture et dans notre action politique des valeurs comme la beauté, la gentillesse, la raison, l’intelligence, la confiance, l’amour de la vie”. Qu’entendez-vous par là ?]
J’entends exactement ce que vous avez compris. Cela veut dire que les œuvres artistiques qui font la promotion de ces valeurs doivent avoir un statut différent de celles qui promeuvent les valeurs inverses. Cela ne veut pas dire censurer les deuxièmes, bien entendu. Mais cela veut dire au moins de valoriser les premières, notamment au niveau de l’école et des médias.
[Déjà, concernant l’action politique, j’aurais tendance à penser (après lecture de Jacques Sapir) que ce sont des principes et non des valeurs qu’elle doit défendre.]
L’un n’empêche pas l’autre. Valeurs et principes n’ont pas la même fonction, et peuvent être complémentaires. Les principes répondent à la question « comment ? », alors que les valeurs répondent plutôt à la question « pourquoi ? ».
[Mais surtout, que signifie réhabiliter de telles valeurs dans notre culture ??? Faut-il rejeter Céline, Jean Genêt, Despentes, Houellebecq, Thomas Bernhardt…]
« Rejeter » non. Expliquer, oui. Victor Hugo, Aragon ou Anatole France peuvent être mis entre toutes les mains. Céline, Houellebecq ou Genet ont besoin d’une explication qui les replace dans leur contexte.
[La culture n’a pas à être “gentille” ! A prôner “l’amour de la vie” ! Vous ne trouvez pas ?]
Non, je ne trouve pas. Vous énoncez ce « principe » comme si c’était une évidence… mais cela n’a rien d’évident. J’aimerais entendre vos arguments.
Descartes,
Dans toutes ces contributions, toutes plus intéressantes et variées les unes que les autres, il y manque la mienne. Peut-être s’est-elle perdue dans la multitude ?
Merci
@ âme sensible
[Dans toutes ces contributions, toutes plus intéressantes et variées les unes que les autres, il y manque la mienne.]
Je regrette, mais je n’ai reçu aucune contribution de votre part.
Descartes,
Puis-je vous la renvoyer ?
@ âme sensible
[Puis-je vous la renvoyer ?]
Bien entendu
Je ne voulais pas le croire…ok censurée et de manière bien appuyée en plus !
C’est votre droit même si je ne comprends pas ce que cela vous rapporte de faire ça.
@ âme sensible
[Je ne voulais pas le croire…ok censurée et de manière bien appuyée en plus !]
Faudrait savoir. Vous me demandez pourquoi vos messages n’ont pas été publiés, je vous répond que je n’ai rien reçu de vous. Vous commencez par me demandez si vous pouvez me les renvoyer… et sans transition vous m’accusez de vous avoir “censuré, et de manière bien appuyée en plus”. Faudrait voir à vous calmer un peu. Si je vous avais “censurée”, non seulement je l’aurais assumé, mais je vous aurai expliqué pourquoi (à condition bien entendu que vous fournissiez une adresse de messagerie, ce que vous omettez ici de faire). Si je vous dis que je n’ai pas reçu votre message, c’est que je n’ai rien reçu. Vous n’avez aucune raison de mettre ma parole en doute.
Votre pseudo est mal choisi. Vous n’êtes pas une “âme sensible”, vous êtes un grossier personnage.
Désolée, j’ai crû avoir été censurée à cause d’un hors sujet (je pensais que aviez paramétré votre blog de telle sorte que tout hors sujet allait à la poubelle). Après avoir lu toutes les contributions des uns et des autres, je pense pouvoir affiner mon point de vue…plus tard. Merci
@ âme sensible
[Désolée, j’ai crû avoir été censurée à cause d’un hors sujet]
Ah… vous avez “cru”… et sur une simple croyance vous vous êtes permis de m’accuser et de me faire des reproches. Et je constate que vous n’avez même pas la décence de me présenter des excuses…
C’est vrai, je n’avais pas indiqué d’adresse mail ! Je viens juste de vous répondre que j’avais crûe êtes censurée pour une banale histoire de paramétrage de votre blog ! je n’ai pas à accepter que vous me répondiez de la sorte…
@ âme sensible
[ je n’ai pas à accepter que vous me répondiez de la sorte…]
Si vous ne voulez pas qu’on vous “réponde de la sorte”, abstenez-vous de formuler grossièrement des accusations sans avoir le moindre élément à charge. Et toujours pas la moindre excuse offerte…
Je n’ai aucun mal à m’excuser en général mais que quand j’estime avoir fauté.
@ âme sensible
[Je n’ai aucun mal à m’excuser en général mais que quand j’estime avoir fauté.]
Et vous ne pensez pas qu’accuser sans aucun élément, sur une simple “croyance”, ce n’est pas une faute. C’est bien noté.
Et vous vous ne pensez pas que c’est complètement déplacé de parler d’accusation et de faute à partir d’un simple malentendu au sujet d’une contribution de blog !!! Moi, j’ai employé le terme d’avoir “fauté” par dérision mais si vous êtes vraiment sérieux là… permettez moi ma franchise, mais je trouve cela ahurissant !!!
C’est noté aussi…
@ âme sensible
[Et vous vous ne pensez pas que c’est complètement déplacé de parler d’accusation et de faute à partir d’un simple malentendu ]
Il n’y a ici aucun “malentendu”. Vous vous êtes monté le bourrichon toute seule, mettant en doute ma bonne foi sans le moindre élément. Et ce n’est pas la premère fois que vous faites le coup sur ce blog. Croyez-vous vraiment qu’on ne vous reconnaît pas malgré vos pseudos changeants ? Comme on connaît ses saints on les honore…
PS: j’estime le sujet épuisé, et j’interromps ici cet échange.
Ce billet est intéressant mais vous projetez un peu vite vos considérations personnelles sur la population dans son ensemble. A vous lire, tout le monde rêverez de gloire et de célébrité. Je ne pense pas que ce soit vrai, beaucoup de gens sont raisonnables et n’aspirent qu’à vivre une vie tranquille et paisible (pour vivre heureux, vivons cachés). Par ailleurs, je vous trouve bien défaitiste : pourquoi on ne serait plus bon à rien à partir de 30 ans ? Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, vous pouvez toujours atteindre vos rêves de grandeur et de gloire cher Descartes (regardez, même François Hollande a réussi). Il y a des tas de possibilités, je ne sais pas moi, vous pourriez par exemple imiter Asselineau et créer votre parti politique.
@ Koba
[Ce billet est intéressant mais vous projetez un peu vite vos considérations personnelles sur la population dans son ensemble. A vous lire, tout le monde rêverez de gloire et de célébrité. Je ne pense pas que ce soit vrai, beaucoup de gens sont raisonnables et n’aspirent qu’à vivre une vie tranquille et paisible (pour vivre heureux, vivons cachés).]
J’en suis persuadé. Mais les gens qui sont « raisonnables », et qui n’aspirent qu’à un petit bonheur discret, ne sont généralement pas déçus, et n’ont guère envie de se suicider et de mettre en scène leur suicide. Les gens qui ne veulent ce qu’ils peuvent obtenir ne représentent aucun danger pour la société. La frustration vient justement du décalage entre les désirs et les possibilités…
Mais il y a aussi, et c’est heureux, des gens qui rêvent de grandeur. Ces gens sont ceux qui peuvent le plus contribuer à tirer la société vers le haut, mais aussi représenter le danger le plus grand.
[Par ailleurs, je vous trouve bien défaitiste : pourquoi on ne serait plus bon à rien à partir de 30 ans ?]
Je ne pense jamais avoir dit pareille chose. Ce que j’ai dit, c’est qu’il y a un âge dans la vie ou l’on s’aperçoit que les rêves de grandeur qu’on a pu avoir dans sa jeunesse n’ont que très peu de chances de se réaliser. A combien estimeriez-vous mes chances de faire une grande carrière de pianiste, ou de recevoir le prix Nobel de physique ?
[Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, vous pouvez toujours atteindre vos rêves de grandeur et de gloire cher Descartes (regardez, même François Hollande a réussi).]
Oui, mais à mon âge il avait des relations que je n’ai pas…
[Il y a des tas de possibilités, je ne sais pas moi, vous pourriez par exemple imiter Asselineau et créer votre parti politique.]
Et c’est ça, la « gloire » ?
Alors là, Descartes, nous ne sommes pas du tout d’accord. Je n’arrive pas à croire que vous, un homme si fin, si subtil, vous écriviez :
“Victor Hugo, Aragon ou Anatole France peuvent être mis entre toutes les mains. Céline, Houellebecq ou Genet ont besoin d’une explication qui les replace dans leur contexte. “
Mais enfin, si, la bonne littérature PEUT être mise entre toutes les mains ! Pour qui l’aime, s’y intéresse, y est sensible, pas besoin d’explication ! On voit que c’est beau, que c’est parfaitement original, même si c’est sombre, même si c’est triste, terrible ! C’est aussi cela la littérature ! C’est la vie, enfin non, c’est mieux que la vie ! C’est cela qui nous rend nous-même capables d’une pensée originale !
Les gens qui aiment Genêt ou Céline (et qui, comme moi par exemple, n’ont pas fait d’études littéraires) l’aiment forcément sans explication, puisqu’on ne travaille quasiment jamais sur ces auteurs-là au collège ou au lycée ! Lorsqu’on aime lire, on a soif de tout, on lit ce qu’on a envie de lire et c’est la seule règle ! La bonne littérature ne peut en aucun cas être nocive.
Est-ce que vous vous rendez compte que l’éducation littéraire que vous préconisez va totalement à l’encontre du titre de votre blog “pour les fatigués de la bienpensance” ?
Par ailleurs, vous dites ” Les principes répondent à la question « comment ? », alors que les valeurs répondent plutôt à la question « pourquoi ? »”. Je dirais plutôt que les valeurs sont des règles personnelles (qui relèvent de la sphère privée et de l’intime), alors que les principes sont les règles organisatrices de l’action collective (qui relèvent de la sphère publique) (je reprends ici J. Sapir qui est très attaché à cette distinction).
Je comprends votre conclusion comme un souhait de retour à une société du type, je dirais, d’avant mai 68, où les enfants liraient uniquement des livres du genre “Le tour de France par deux enfants” ou la comtesse de Ségur… Dites-moi que je me trompe !
@Nana1985
[Mais enfin, si, la bonne littérature PEUT être mise entre toutes les mains ! Pour qui l’aime, s’y intéresse, y est sensible, pas besoin d’explication ! On voit que c’est beau, que c’est parfaitement original, même si c’est sombre, même si c’est triste, terrible ! C’est aussi cela la littérature ! C’est la vie, enfin non, c’est mieux que la vie ! C’est cela qui nous rend nous-même capables d’une pensée originale !]
C’est votre opinion, ce n’est pas la mienne.
[Les gens qui aiment Genêt ou Céline (et qui, comme moi par exemple, n’ont pas fait d’études littéraires) l’aiment forcément sans explication, puisqu’on ne travaille quasiment jamais sur ces auteurs-là au collège ou au lycée ! Lorsqu’on aime lire, on a soif de tout, on lit ce qu’on a envie de lire et c’est la seule règle ! La bonne littérature ne peut en aucun cas être nocive.]
Encore une fois, c’est votre opinion. Souffrez qu’on puisse penser différemment. Si vous voulez me convaincre, il faudrait peut-être songer à appuyer vos déclarations de quelques arguments…
[Est-ce que vous vous rendez compte que l’éducation littéraire que vous préconisez va totalement à l’encontre du titre de votre blog “pour les fatigués de la bienpensance” ?]
Non, je ne le crois pas. On peut parfaitement être subversif sans être laid, ordurier, violent. Pensez à Voltaire, à Swift, à Aragon.
[Je comprends votre conclusion comme un souhait de retour à une société du type, je dirais, d’avant mai 68, où les enfants liraient uniquement des livres du genre “Le tour de France par deux enfants” ou la comtesse de Ségur… Dites-moi que je me trompe !]
Vous vous trompez. Je veux au contraire que les enfants lisent Voltaire, qu’ils lisent Aragon, qu’ils lisent Swift, qu’ils lisent Molière et Racine, Anatole France et Balzac, Hugo et tant d’autres. Mais je ne pense pas que les enfants doivent lire Céline ou Houellebecq. Oui, je pense qu’il y a des âges pour chaque chose…
Bon, je ne suis pas du tout d’accord avec vous et je suis persuadée que c’est moi qui ai raison (je crois qu’il serait très déplorable de censurer la curiosité d’un enfant pour les livres, ça me fait penser aux écoles de bonnes sœurs des années 50 où “Claudine à l’école” était interdit).
Vous dites “On peut parfaitement être subversif sans être laid, ordurier, violent.” J’aimerais savoir ce que vous trouvez laid, ordurier et violent ? Non, vraiment, dites ? Qu’on sache de quoi on parle ? (entendons-nous bien : j’aime Aragon à la folie, ce n’est pas la question.) Est-ce que Georges Bataille entre dans votre définition ? “J’irai cracher sur vos tombes” de Boris Vian ? Votre phrase me déplaît, j’irais jusqu’à dire qu’elle me fait penser à “l’art dégénéré” des nazis…
Je crois qu’on touche là à quelque chose de très important… sur la société que l’on souhaite, la place de l’individu…
Enfin, ma question principale est : pensez-vous vraiment que le phénomène de ces gens qui se suicident en suicidant le plus de monde possible avec eux, est lié à un abus de lecture de Céline et de Houellebecq ???
Je pense, moi, qu’il serait bon qu’on lise un peu plus, et plus attentivement, de bons et grands livres, dont les leurs font partie…
@ Nana1985
[Bon, je ne suis pas du tout d’accord avec vous et je suis persuadée que c’est moi qui ai raison]
Je ne discute jamais les questions de foi. Et je ne vois pas très bien l’intérêt d’un échange si vous vous contentez de répéter « voilà mon opinion, et j’ai raison ».
[(je crois qu’il serait très déplorable de censurer la curiosité d’un enfant pour les livres, ça me fait penser aux écoles de bonnes sœurs des années 50 où “Claudine à l’école” était interdit).]
Vous avez des enfants ? Et si oui, leur permettez-vous de regarder des films ou de lire des romans pornographiques ?
[Vous dites “On peut parfaitement être subversif sans être laid, ordurier, violent.” J’aimerais savoir ce que vous trouvez laid, ordurier et violent ? Non, vraiment, dites ? Qu’on sache de quoi on parle ?]
Pour ne donner qu’un exemple, je trouve Céline ordurier et violent. Laisseriez vous votre enfant lire lire « Bagatelles pour un massacre » ou « l’Ecole des cadavres » ? Moi, pas.
[Est-ce que Georges Bataille entre dans votre définition ? “J’irai cracher sur vos tombes” de Boris Vian ?]
Non, pourquoi ? Vian était un amoureux de la vie. Il était aussi un esthète. Il n’a jamais, à ma connaissance, fait l’apologie de la laideur, de la violence, de l’ordure.
[Votre phrase me déplaît, j’irais jusqu’à dire qu’elle me fait penser à “l’art dégénéré” des nazis…]
Je vois que le point Goodwin est vite atteint, chez vous. Quand on veut tuer son chien…
[Je crois qu’on touche là à quelque chose de très important… sur la société que l’on souhaite, la place de l’individu…]
Tout à fait.
[Enfin, ma question principale est : pensez-vous vraiment que le phénomène de ces gens qui se suicident en suicidant le plus de monde possible avec eux, est lié à un abus de lecture de Céline et de Houellebecq ???]
Céline non, parce que dans son cas on ne le lit pratiquement jamais sans explications. Sa réputation le précède, et il est clair pour tous ses lecteurs que Céline n’est pas un modèle pour notre société. Houellebecq… c’est déjà moins évident. Mais Houellebecq n’est qu’une infime partie – et pas la pire – des choses laides, ordurières et violentes qui nous entourent, que ce soit en littérature, en architecture, à la télévision, au cinéma… Et oui, je pense qu’à force d’être entouré de choses laides, violentes et ordurières, on peut avoir envie d’en finir plus facilement que si on était entouré de choses belles, pacifiques et plaisantes.
Le 6 août 2016
Donc je reprends où j’en étais restée hier (mes 2 messages d’hier ayant été perdus, vraiment pas de bol alors), mais carrément par un autre bout, notamment au vu des contributions de Nana1985, qui m’ont fourni de quoi alimenter d’autres réflexions.
De toute façon, un auteur comme Céline, ce n’est pas demain la veille qu’il passera facilement entre toutes les mains et notamment pour des jeunes tellement gamins dans leurs têtes, qu’ils n’auront, de toute évidence, pas la curiosité d’aller fouiner là où on ne les aura, de toute façon, pas encouragés !
Lecture d’oeuvres de cet écrivain et d’autres jugés tout aussi corrosifs, pourtant facilement accessible et gratuitement téléchargeable, en mode PDF ! A ceux d’entre ces jeunes d’avoir (et il y en a heureusement) la dévorante maturité les poussant à s’intéresser à ce que ne s’intéressent pas ses nombreux camarades de classe et de jeux, tous occupés à s’éclater au pokemon go !
Donner envie de lire, même du habituellement jugé « chiant » par des jeunes issus de milieux où la Culture avec un grand C y est forcément amputée, c’est un but noble mais il faut aller carrément plus loin et mettre aussi l’accent sur le « comprendre ce qu’on lit » ! Parce que c’est une chose que de lire, mécaniquement, avec les yeux (sans rien pouvoir capter du message d’un écrivain, faute de mode d’ emploi culturel), et un autre de lire avec un décodeur et ça, ce n’est, encore actuellement, qu’à l’attention des bien nés (classe moyenne supérieure y compris).
Et ce n’est pas demain la veille que cela changera puisque pour nos chères élites, un peuple inculte équivaut à un peuple soumis et un peuple soumis est plus facilement contrôlable qu’un peuple éclairé ! Donc la vraie Culture, les vraies connaissances, dites exhaustives, permettant d’accéder aux emplois enrichissants intellectuellement et suffisamment rémunérateurs, cela ne deviendra jamais une réalité pour tout le monde !
Daniel Pennac s’y est voulu être un pédagogue d’un autre genre avec son livre, vrai plaidoyer pour la pédagogie de la lecture, « comme un roman ». Je n’ai cependant pas d’avis tranchés quant aux dix droits suivants qu’il a énumérés :
1/ Le droit de ne pas lire.
2/ Le droit de sauter des pages.
3/ Le droit de ne pas finir un livre.
4/ Le droit de relire.
6/ Le droit de lire n’importe quoi.
6/ Le droit au bovarysme.
7/ Le droit à lire n’importe où.
8/ Le droit de grappiller.
9/ Le droit de lire à haute voix.
10/ Le droit de nous taire.
« Mais au fond, que fait d’autre l’école avec ses morceaux choisis que de sauter des pages, ne pas finir un livre et grappiller ? Que fait d’autre l’école que de faire relire les mêmes textes et à haute voix qui plus est ? Que fait d’autre l’école que de se moquer des genres de lecture et des lieux de lecture, si c’est pour se retrouver tous au même endroit avec le même bagage ? », puis-je lire sur la toile…
Le message de Pennac, je pourrais l’interpréter comme ci-après : que quel que soit notre potentiel de base, nos désirs nous pousseraient, instinctivement à nous diriger, arrivés à maturité, vers les grands de ce monde, les « exceptionnels » (et cela ne doit pas se limiter au domaine de la littérature) car dans le développement de Pennac, toute lecture étant autorisée, c’est de manière parfaitement autonome donc que quiconque, indépendamment de ses origines sociales et de ce qu’il aura ingurgité comme culture, durant son enfance, qui aurait ce fameux flash, qui lui permettrait de s’affranchir, tout seul comme un grand, de son milieu environnant, pour mieux prendre sa place (de choix?) dans le monde ! Et d’être donc tout autant en capacité que n’importe quel individu, issu d’un milieu plus favorisé, d’analyser le monde qui l’entoure, à l’échelle des révélations nouvelles acquises, de manière tout à fait autodidacte, de manière toute autant pertinente et intelligente que ceux qui auront bu baigner dans un univers dédié à la Culture, sans avoir à se défoncer beaucoup !
D’où, je rebondis sur l’histoire du mérite personnel, qui entre en ligne de compte, surtout quand il s’agit d’un individu qui aura dû, non seulement faire du forcing, se dépasser, tant rien ne lui aura été donné mais bien au contraire, gagné de haute lutte.
Alors Daniel Pennac, un illusionniste ?
Si d’autres ici ont un avis….
Bon, la lecture « intelligente » c’est bien et ce serait elle qui favoriserait le savoir « bien écrire », qui est censé aller de paire !
Alors où le bas blesse-t-il (méthode globale?), dans les processus d’apprentissage, de la lecture notamment (mais pas seulement), qui ne permettent pas même à des jeunes niveau bac+5 d’avoir pu développer quelques aptitudes d’ordre rédactionnel ? Et quant à l’orthographe, n’en parlons même pas.
A qui la faute ? aux profs de n’être plus assez motivés et qui n’ont plus le goût du bien faire ? Aux méthodes dépassées ? Aux élèves plus assez capables d’attention ? Aux parents, incapables de se projeter au-delà du fait de vouloir des enfants ? Sur ce point, encore faut-il être pleinement conscient des difficultés à venir et avoir la volonté d’en assumer et le coût futur, donc les sacrifices financiers à faire et l’énergie pour encourager sa progéniture à réussir sa vie professionnelle !
On pourrait aller plus loin encore, je ne dispose que du temps qu’il me reste. A d’autres de poursuivre, tant les questionnements sont vastes et les solutions à apporter, nombreuses ! Cependant, je ne suis pas persuadée que dans un futur proche, quel que soit le président élu, que tout sera fait pour permettre au plus grand nombre, de développer leur libre arbitre !
Ce serait bien trop dangereux et puis les très bonnes places doivent être sauvegardées pour les mêmes, ceux qui n’ont qu’à se servir direct dans le réservoir mis à leur disposition!
Ceux habitués à avoir les plus grosses parts de gâteaux, ne seront jamais partants pour partager et en avoir de plus petites ! Parce que permettre au plus grand nombre d’accéder au savoir suprême, ce serait leur ouvrir l’appétit…
@ âme sensible
[6/ Le droit de lire n’importe quoi.]
Faut-il dont accorder aux enfants le “droit” de lire des ouvrages pornographiques, sado-masochistes, faisant la promotion de l’ultraviolence ? Dans ce cas, je ne peux qu’être en total désaccord avec Pennac…
Je pense que Pennac était suffisamment sain, en tant qu’homme, pour ne pas avoir été tenté de viser si bas !
@ âme sensible
[Je pense que Pennac était suffisamment sain, en tant qu’homme, pour ne pas avoir été tenté de viser si bas !]
En d’autres termes, vous pensez que lorsqu’il proclame le “droit de tout lire”, on doit comprendre implicitement “sauf les textes bas”. Très bien. Qui décide ce qui est “bas” et ce qui ne l’est pas ? Qui décide que nos chères têtes blondes doivent pouvoir lire Céline, mais pas le Marquis de Sade ?
Je n’ai pas dit “voilà mon opinion et j’ai raison” mais “voilà mon opinion et je suis persuadée que j’ai raison” : nuance. Mais j’admets que c’est un peu redondant.
Quant à Céline, vous savez bien que ce n’est pas de ses pamphlets que je parle quand il s’agit de littérature, mais de “Voyage” et de “Mort à crédit”. Je pense que ce sont des livres dont on peut goûter le style incomparable tout simplement. Mais on sait toujours à quoi s’en tenir évidemment sur Céline car comme vous dites sa réputation le précède.
(Je rappelle qu’Aragon que vous louez fort, en quoi je vous approuve car je l’adore, a pu errer quelque peu politiquement. Il disait tout de même “Si la femme que j’aime me donne un enfant, le premier mot que je lui apprendrai sera “Staline””…)
Mais il est difficile de comprendre ce que vous visez, ce que vous désapprouvez dans notre culture comme encourageant les actes terroristo-suicidaires.
Qu’est-ce que vous considérez comme de la pornographie ? Les livres érotiques de Pierre Louÿs, d’Appolinaire ? “Baise-moi” de Virginie Despentes ? “Les Valseuses”, le film de Blier ?
“J’irai cracher sur vos tombes”, pardon mais c’est tout de même pas mal violent… Permettez-moi aussi de vous faire remarquer que Houellebecq est également un esthète, et ne fait nullement l’apologie de la violence, de la laideur et de l’ordure !
Je n’ai pas d’enfants, mais en ce qui me concerne j’ai toujours pioché dans les livres de mes parents avec la plus complète liberté, lu des choses qui n’étaient peut-être “pas de mon âge” mais toujours de la bonne littérature, vu les films qu’ils regardaient à la télévision, Godard ou Blier, sans y comprendre grand chose à huit ans, mais fascinée par ce monde si mystérieux, si étrange (quand je voyais “Pierrot le fou”, je croyais que c’était cela la vie des adultes, que c’était ainsi, incompréhensible, terrible, tragique…) et je ne crois pas être devenue une fille tordue pour autant !
(âme sensible, j’aime beaucoup Pennac moi aussi)
@ Nana1985
[Je n’ai pas dit “voilà mon opinion et j’ai raison” mais “voilà mon opinion et je suis persuadée que j’ai raison” : nuance. Mais j’admets que c’est un peu redondant.]
Dont acte…
[Quant à Céline, vous savez bien que ce n’est pas de ses pamphlets que je parle quand il s’agit de littérature, mais de “Voyage” et de “Mort à crédit”.]
Non, je ne sais pas. Quand on énonce un principe, on ne peut l’assortir d’exceptions arbitraires. Si vous pensez que l’école et la société doivent permettre aux enfants de « tout lire », alors cela veut bien dire TOUT, y compris les pamphlets ignobles comme « l’Ecole des Cadavres » ou, pourquoi pas, « Mein Kampf ». Si vous commencez à dire « ils peuvent tout lire, sauf… », vous entrez implicitement dans la logique que je propose, le débat ne portant finalement que sur la fixation de la limite entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas.
[Je pense que ce sont des livres dont on peut goûter le style incomparable tout simplement.]
Oui, à un certain âge et avec une certaine connaissance du contexte. Paradoxalement, votre position aboutit à la conclusion que les grands textes n’ont aucun pouvoir. Qu’on peut les mettre entre toutes les mains sans danger. Moi, au contraire, j’insiste sur le fait que mettre un grand texte entre les mains d’un enfant n’est pas un acte banal, parce que ces textes ont un grand pouvoir…
[(Je rappelle qu’Aragon que vous louez fort, en quoi je vous approuve car je l’adore, a pu errer quelque peu politiquement. Il disait tout de même “Si la femme que j’aime me donne un enfant, le premier mot que je lui apprendrai sera “Staline””…)]
Et alors ? Le Staline dont Aragon a chanté est un Staline idéal, concentrant en lui le beau, le bon, le vrai. Vous ne trouverez pas chez Aragon un poème faisant l’apologie des camps de travail, de la déportation, des exécutions sommaires. On peut reprocher beaucoup de choses à Aragon, mais certainement pas d’avoir penché du côté de la violence, de la laideur, de l’ordure. Quelque soient les erreurs politiques qu’il ait pu commettre, sa poésie est au contraire pleine de lumière, et n’incite nullement au nihilisme…
[Mais il est difficile de comprendre ce que vous visez, ce que vous désapprouvez dans notre culture comme encourageant les actes terroristo-suicidaires.]
Pourtant, je pensais avoir été très clair : ce que je « désapprouve » – je ne pense pas que le mot soit bien choisi, je préfère « rejette » – c’est l’idée que la culture n’a pas à satisfaire des nécessités sociales, uniquement des besoins individuels. Que l’expression culturelle qui nous pousse à aimer la vie, à nous entourer de belles choses, à rechercher des rapports cordiaux avec ceux qui nous entourent, à respecter les lois et à protéger les institutions, à penser que le monde peut être compris par l’usage de la Raison doivent avoir le même statut social que celles qui prétendent le contraire.
Attention, je ne dis pas qu’il faille autoriser les unes et interdire les autres. Mais chacune doit avoir sa place. Les institutions – l’école, les académies, l’université, les médias publics – doivent réserver leur espace aux premières. Les autres appartiennent à la sphère privée, au choix de chacun de voir ou de ne pas voir.
[Qu’est-ce que vous considérez comme de la pornographie ? Les livres érotiques de Pierre Louÿs, d’Appolinaire ? “Baise-moi” de Virginie Despentes ? “Les Valseuses”, le film de Blier ?]
La pornographie est pour moi « la présentation explicite d’un acte obscène ayant pour but de provoquer l’excitation sexuelle du spectateur ». J’avoue que je ne connais pas l’œuvre de Pierre Louÿs, et encore moins de Virginie Despentes, alors je ne commenterai pas. Je ne connais aucun texte d’Appolinaire qui rentre dans cette catégorie, mais là encore, je ne suis pas expert. Quant aux « valseuses », on ne peut pas dire que ce soit très excitant…
[“J’irai cracher sur vos tombes”, pardon mais c’est tout de même pas mal violent…]
Je ne le conseillerai certainement pas à un enfant ou un jeune.
[Permettez-moi aussi de vous faire remarquer que Houellebecq est également un esthète, et ne fait nullement l’apologie de la violence, de la laideur et de l’ordure !]
De l’ordure, non. De la laideur et de la violence, c’est moins évident.
[Je n’ai pas d’enfants, mais en ce qui me concerne j’ai toujours pioché dans les livres de mes parents avec la plus complète liberté,]
A quel âge avez-vous lu Tennessee Williams ? Eugène O’Neill ? Le marquis de Sade ? Moi aussi, je piochais dans les livres en apparence « avec la plus complète liberté ». Sauf que cette liberté est toujours relative. D’une part, parce que les parents tendent à mettre dans les étagères les plus inaccessibles certains livres, et d’autre part parce qu’ils sélectionnent eux-mêmes ce qu’ils mettent dans leur bibliothèque. Sans compter que nous avons internalisé le regard de nos parents, et le « ça, ce n’est pas pour toi ».
L’aspect thanatique évoqué dans ce billet et les commentaires sont un élément auquel je n’avais jamais réellement réfléchi, et je vous remercie de l’avoir évoqué.
J’étais un jour tombée sur cet article du Causeur publié après les meurtres de Merah et Breijvik signalant un livre publié par un certain Hans Magnus Enzensberger, intitulé “Le Perdant radical”
http://www.causeur.fr/portrait-de-lassassin-en-perdant-radical-28630.html
Une phrase me frappe quand il qualifie le “perdant radical” comme une version nouvelle et meurtrière du « citoyen du monde » et l’évocation du testament de Richard Durn après sa tuerie à Nanterre (je l’avais complètement oubliée celle là) fait froid dans le dos, car l’homme a su mettre les mots sur cette pulsion thanatique que vous évoquez !
Je suis oh combien d’accord quand tu conclues que “Nous avons besoin de reconstruire une affectio societatis, une envie de vivre ensemble.” mais ne crois-tu pas que c’est le discours en vogue, ou plutôt une affectio societatis version Benetton, sans efforts, qu’on ne cesse de nous vendre depuis 30 années et qui ne marche pas, à savoir pour reprendre la si jolie formule de Mélenchon “Faire France de tout bois”, mais qui dans sa bouche, sa famille politique (qui est celle partagée par l’essentiel de la classe politico-médiatique, au contraire de ses attitudes de pseudo-rebelle), se concentre juste sur les bois épars et non pas sur FAIRE FRANCE, qui est LA partie la plus importante. D’une intuition superbe, il l’appauvrit considérablement avec son illusion de croire que des transferts de population massifs sur un territoire nommé France sur un Atlas vont surgir ex-nihilo une discipline sociale et une cohésion sociales, qui vont se perpétuer.
Mais une chose me terrifie avec nos classes bavardantes, c’est l’éternel report sur le débat concernant l’identité nationale (soit Faire France) ou son occultation perpétuelle. Il est très paradoxal que l’Europe (je veux dire le machin européïste) a sa crise de confiance la plus grave, celle qui mobilise le plus, sur des questions d’identités, et pas forcément sur des questions monétaires ou économiques alors que celles-ci ont conduit, dans les pays du Sud, à une insécurité sociale réelle. En fait l’insécurité culturelle est on dirait LA crise paroxysmique, comme l’avait su si bien décrire le géographe Christophe Guilly après son livre “La France périphérique”, et quelques autres avant lui. Et Jean Jaurès quand il disait que la Patrie est le seul bien des gens qui n’ont plus rien l’avait compris bien avant que nous naissions…
J’avoue que j’étais requinquée après la manif pour Charlie Hebdo, j’avais sincèrement cru à une certaine prise de conscience collective de la part de nos dirigeants et médiacrates. Et quelques meurtres de masses ou attentats plus tard, on a le même traitement médiatique : l’euphémisation, le padamalgame 500, haro sur le futur pogrom anti-musulman (alors qu’on n’en voit pas un bout de bottes SS, juste quelques impolitesses isolées du genre lardons dans une boîte aux lettres – impolitesse qui moi m’a fait rire), alors que la dignité du peuple français après toutes ces tueries est exceptionnelle (encore une fois, je fais ma cocoricococo, mais il faut comparer avec l’hystérie américaine après le 11/09).
Mais le pessimisme me reprend car on a l’impression que les classes bavardantes n’apprennent rien, refusent de se remettre en cause, et le pire, leur endogamie à elles donne l’impression qu’il n’y a pas de relève : à côté du sympathique mais isolé Dupont-Aignan, disons que la seule relève politique qui semble savoir où elle va, c’est depuis que Philippot a infiltré le FN… Il y a bien le camarade Guaino qui s’est porté candidat à la primaire de son parti, mais les chances qu’il l’importe sont égales à zéro, c’est juste une candidature de témoignage, sachant qu’il sera encore employé en belle plume mais n’influencera le futur prince qu’à la marge.
@ Bannette
[J’étais un jour tombée sur cet article du Causeur publié après les meurtres de Merah et Breijvik signalant un livre publié par un certain Hans Magnus Enzensberger, intitulé “Le Perdant radical”]
Excellent article en effet !
[Une phrase me frappe quand il qualifie le “perdant radical” comme une version nouvelle et meurtrière du « citoyen du monde » et l’évocation du testament de Richard Durn après sa tuerie à Nanterre (je l’avais complètement oubliée celle là) fait froid dans le dos, car l’homme a su mettre les mots sur cette pulsion thanatique que vous évoquez !]
Moi aussi, j’avais oublié l’affaire Durn, mais il est vrai que son testament – dans une affaire qui n’avait absolument rien à voir avec l’islamisme – est effrayant à la fois par la lucidité de l’auteur quant à ses propres motivations et par son incapacité de se retenir de passer à l’acte. Plus je le pense, et plus je suis convaincu que les explications du phénomène sont à chercher du côté des logiques suicidaires, et non des logiques religieuses.
[Je suis oh combien d’accord quand tu conclues que “Nous avons besoin de reconstruire une affectio societatis, une envie de vivre ensemble.” mais ne crois-tu pas que c’est le discours en vogue, ou plutôt une affectio societatis version Benetton, sans efforts, qu’on ne cesse de nous vendre depuis 30 années et qui ne marche pas,]
Le discours en vogue n’est pas celui de l’affectio societatis. L’affectio societatis n’est pas un simple discours du genre « il faut être gentil avec son voisin ». Elle implique la volonté de se réunir pour constituer une société, c’est-à-dire, une institution. Le discours auquel vous faites référence ne fait jamais référence à une société, à une collectivité organisée par ses institutions. Seulement à des individus.
[D’une intuition superbe, il l’appauvrit considérablement avec son illusion de croire que des transferts de population massifs sur un territoire nommé France sur un Atlas vont surgir ex-nihilo une discipline sociale et une cohésion sociales, qui vont se perpétuer.]
Exactement. Il ne suffit pas de mettre ensemble des gens pour que ça marche. Il faut de plus que ces gens soient liés par le désir de constituer une société, c’est-à-dire, de fonder des institutions et de déléguer à celles-ci un certain nombre de pouvoirs, et notamment le monopole de la force légitime. En faisant de la nationalité une pure question administrative – « est français celui qui a une carte d’identité française » – Mélenchon évacue l’idée même de nation, entendue comme une collectivité organisée par des liens de solidarité inconditionnelle, du champ politique. La nation, ce n’est plus qu’un ensemble de gens qui n’ont en commun qu’une même carte d’identité, indépendamment de leur désir ou non de constituer une société.
[En fait l’insécurité culturelle est on dirait LA crise paroxysmique, comme l’avait su si bien décrire le géographe Christophe Guilly après son livre “La France périphérique”, et quelques autres avant lui. Et Jean Jaurès quand il disait que la Patrie est le seul bien des gens qui n’ont plus rien l’avait compris bien avant que nous naissions…]
Je partage. La crise de ce qu’on appelle « l’insécurité culturelle » est paroxystique parce qu’elle est le symptôme visible d’un problème beaucoup plus grave, qui est celui de l’individualisation à outrance de la société. Une collectivité d’individus libres de toute obligation et ne poursuivant que leur intérêt propre est une collectivité où personne ne peut compter sur l’assurance d’être secouru par ses concitoyens en cas de problème. Faire de la liberté des choix individuels un absolu conduit nécessairement à imposer une solitude absolue. L’insécurité culturelle n’est que le point de fixation ou se formalisent toutes les autres « insécurités ».
[J’avoue que j’étais requinquée après la manif pour Charlie Hebdo, j’avais sincèrement cru à une certaine prise de conscience collective de la part de nos dirigeants et médiacrates.]
Personnellement, je n’y ais jamais cru. J’ai cru, oui, dans une prise de conscience collective de notre peuple. Et je pense que les réactions aux attentats suivants – que vous signalez justement – et le fait que l’idée de nation et ses symboles aient été tirés de l’armoire du mépris où ils ont été progressivement enfermés après mai 1968 concluent à confirmer cette idée. Mais je n’ai jamais cru que cette prise de conscience pouvait s’étendre à nos élites politico-médiatiques. Ils ont trop à perdre. Cela reviendrait à admettre que pendant trente ans ils nous ont tous – à quelques rares exceptions – conduit sur une voie erronée. Il ne leur resterait plus qu’à céder les places.
[Mais le pessimisme me reprend car on a l’impression que les classes bavardantes n’apprennent rien, refusent de se remettre en cause, et le pire, leur endogamie à elles donne l’impression qu’il n’y a pas de relève : à côté du sympathique mais isolé Dupont-Aignan, disons que la seule relève politique qui semble savoir où elle va, c’est depuis que Philippot a infiltré le FN… Il y a bien le camarade Guaino qui s’est porté candidat à la primaire de son parti, mais les chances qu’il l’importe sont égales à zéro, c’est juste une candidature de témoignage, sachant qu’il sera encore employé en belle plume mais n’influencera le futur prince qu’à la marge.]
En effet. La classe qui détient le monopole de la fabrique des idées, c’est-à-dire les « classes moyennes » n’ont aucun intérêt à changer quoi que ce soit. Le système est donc verrouillé, et les rares personnalités qui ont une véritable réflexion hors du politiquement correct sont impitoyablement marginalisées. Il n’empêche que les faits sont têtus. Il est chaque fois plus difficile aux « classes moyennes » de maintenir l’illusion, d’autant plus que chaque fois que les peuples sont consultés ils prennent le contrepied de leur discours. On le voit avec le Brexit, clôturant une longue liste de déboires lors de référendums autour de l’idée européenne. La question est de savoir combien de temps la digue dressée par nos « classes moyennes » tiendra face au flot montant du mécontentement…
@Nana1985
Comme adulte vos choix souverains,mais pour les enfants,les parents sont essentiels.
Il en est de même pour la littérature,me semble t il,même en cas de divorce.
Malheureusement,je ne sais pas pu mettre en oeuvre ses principes et mes enfants dès l’âge de 12 ans ont été exposés à Houellebecq,Nietsche,Céline,Sade..En plus comme de nombreux jeunes,ils sont adicts depuis 13 ans aux jeux vidéo,ultra débile/violents,ce sont des garçons.
Je pense que vous êtes éloignés de mes considérations de père,mais si je ne leur ai jamais interdit de les lires,Houellebecq,Nietsche,Céline,et Sade,n’étaient pas dans mes conseils de lecture paternels.
Par contre,du côté de leur mère,séparée y a 20 ans,la lecture de Houellebecq,Nietsche,Céline,Genêt et Sade,étaien conseillées.
Ce fut une erreur .Je le regrette amèrement aujourd’hui,qu’en pensez vous,auriez vous conseillé Houellebecq,Nietsche,Céline,Genêt et Sade à vos enfants?
La famille de leur mère,le fit.
Mais,que puis je y faire,sinon m’exprimer sur ce blog pour y trouver des contradicteurs ou pas,car ces auteurs glorifient l’indifférence,non?
Aujourd’hui à plus de 25 ans,mes fils sont des inadaptés,en errance sociale,chômeurs,égotique qui n’anticipent Rien!.
Le malheur est rentré suite à ces problèmes et je regrette amèrement,l’époque où à l’instar de Maurice Thorez,ou dans ma famille,la lecture des classiques était frénétique chez les sympathisants du PCF dans le cadre familial….
Or ni les jeux vidéos,ni les médias,n’incitent à positiver.
Comme s’il fallait que dans le plus beau et évolué,pays du Monde,le notre,la France,la sinistrose et l’anomie,l’emportent.
D’un certain côté cela permettra peut être aux dérégulateurs de détricoter les liens dans notre république sociale et laïque,non?
@ luc
[Le malheur est rentré suite à ces problèmes et je regrette amèrement,l’époque où à l’instar de Maurice Thorez,ou dans ma famille,la lecture des classiques était frénétique chez les sympathisants du PCF dans le cadre familial….]
Je crois qu’il est grand temps de remettre en question le dogme libertaire hérité de la fin des années 1960. Ce dogme veut que les parents, les institutions, la société prescrivent et interdisent par méchanceté, et que la conduite du “bon” parent, de la “bonne” institution est de laisser la liberté la plus absolue. En fait, c’est l’inverse qui est vraie: si je pousse mes enfants à lire tel livre, si je leur interdit tel autre c’est parce que je tiens à eux, parce que leur éducation est importante pour moi. Il serait tellement plus simple de ne pas faire l’effort, et de passer pour un parent “coule”…
Qu’est ce qui est bas, qu’est ce qui ne l’est pas ?
Pour moi, une société moralement viable doit avoir pour premier devoir de voir préservée l’intégrité physique et intellectuelle des citoyens, en toute occasion et le respect intégral dû à l’enfant est non négociable !
Mais que ne voit-on pas dans notre beau monde pas idéal pour un sou, hommes politiques y compris, notamment par les agissements et écrits d’un neveu d’un ex-président ou encore d’un metteur en scène en d’autres contrées ? Et tout ça est validé, presque pas montré du doigt ! donc on vit bien dans un monde où les salopards ne sont pas punis à la hauteur de leurs crimes et il est plus facile à bon nombre d’entre nous, de fermer les yeux quant à une certaine forme de perversion, tolérée parce qu’évoluant dans des milieux dit « intouchables », branchés, ou au tout simplement au nom de la satisfaction du plaisir (sexuel y compris ) immédiat et à n’importe quel prix !
Je comprends mieux votre position. Votre explication sur le rôle des institutions me paraît défendable.
Cependant je ne crois pas qu’un grand texte puisse avoir un pouvoir maléfique ; mais tout le problème est de définir quels sont les grands textes : seule la postérité permet de le dire.
Concernant Houellebecq nous pourrions en parler plus longuement ; j’aurais tendance à croire que vous n’avez peut-être pas particulièrement approfondi la lecture de son œuvre, pour penser qu’il puisse faire l’apologie de la violence et de la laideur. Sincèrement, c’est tout le contraire. Son idéal est l’amour, la tendresse, et ce qui le rend amer est justement la violence de notre société, sa laideur (morale, architecturale… il le dit clairement dans son recueil “Rester vivant”).
Tout à fait d’accord avec ce que vous dites sur Aragon.
Oh, “Les Valseuses”, dans le genre léger, il y en a qui peuvent trouver ça excitant. (pas ceux qui veulent mettre Baupin dans la fosse aux lions, c’est sûr 😉 )
Tennessee Williams, Eugène O’Neill, je n’ai jamais lu. Sade, oui, ça ne m’a pas marquée ; mais n’est-ce pas plutôt un philosophe qu’un écrivain. Ses descriptions d’ébats sont vite ennuyeuses pour moi. D’Apollinaire, dans ce genre, il y a “Les onze mille verges” et “Les exploits d’un jeune don juan” ; et de Pierre Louÿs, plusieurs nouvelles érotiques, mais j’affectionne très particulièrement le “manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation” qui est très drôle.
@ Nana1985
[Je comprends mieux votre position. Votre explication sur le rôle des institutions me paraît défendable.]
Ravi de voir qu’on arrive à s’accorder sur quelque chose…
[Cependant je ne crois pas qu’un grand texte puisse avoir un pouvoir maléfique ; mais tout le problème est de définir quels sont les grands textes : seule la postérité permet de le dire.]
Si un grand texte ne peut avoir un pouvoir bénéfique, alors il ne peut non plus avoir un pouvoir bénéfique. Si on croit qu’un texte peut changer les hommes, alors il peut les changer pour le bien ou pour le mal…
[Concernant Houellebecq nous pourrions en parler plus longuement ; j’aurais tendance à croire que vous n’avez peut-être pas particulièrement approfondi la lecture de son œuvre, pour penser qu’il puisse faire l’apologie de la violence et de la laideur.]
Il en fait l’apologie d’une manière très subtile. Il ne pense pas que ce soit un bien, mais que c’est une fatalité qu’il faut accepter et à laquelle il nous faut nous adapter. Son idéal est peut être fait de beauté et de tendresse, mais cet idéal est pour lui clairement inatteignable.
[Tennessee Williams, Eugène O’Neill, je n’ai jamais lu. Sade, oui, ça ne m’a pas marquée ;]
Vous n’avez pas répondu à ma question : a quel âge avez-vous lu Sade pour la première fois ?
[D’Apollinaire, dans ce genre, il y a “Les onze mille verges” et “Les exploits d’un jeune don juan” ; et de Pierre Louÿs, plusieurs nouvelles érotiques, mais j’affectionne très particulièrement le “manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation” qui est très drôle.]
Encore une fois : à quel âge avez-vous lu ces textes pour la première fois ?
Les livres, les jeux, la téloche ne peuvent revêtir un caractère nocif que par l’usage qu’on en fait et c’est surtout l’attitude qui prime et fait toute la différence !
On peut aimer le foot et le regarder sans se bourrer la tronche, ni provoquer du désordre pour fêter la victoire ! des gosses donc évoluant au sein d’une famille qui s’exprime aussi grossièrement auront donc toutes les chances d’imiter leurs parents, plus tard, sauf exception !
On peut aussi se cultiver en regardant la télé, l’autre jour sur Arté, il y avait un doc sur Le Corbusier, bon tard, certes mais plus d’excuse avec le net ! pas obligé de se taper l’autre cruche “allo quoi” !
Alors accuser les livres, les films, les jeux d’être susceptibles de provoquer des dégâts collatéraux, c’est pas très logique !
L’ado équilibré, bien dans sa peau, pourra aimer la violence distillée dans les jeux vidéo et ne confondra jamais cela avec la réalité et ne la reproduira jamais !
c’est juste une histoire d’être civilisé ou pas ! et les gosses de familles de j’men foutistes, laissant traîner négligemment leurs cassettes pornos partout, leurs parents ne leur ayant pas donné le bon exemple, ni les bases minimum de respect envers soi et les autres, auront toutes les chances de manquer de tenue dans leur vie, de manière générale !
Les actes seuls comptent ! Les mots, les images ne sont que des suggestions à voyager, dont la destination peut être ou le bien ou le mal !
@ âme sensible
[Les livres, les jeux, la téloche ne peuvent revêtir un caractère nocif que par l’usage qu’on en fait et c’est surtout l’attitude qui prime et fait toute la différence !]
C’est vrai. Les livres qu’on ne lit pas, la télévision qu’on ne regarde pas sont totalement inoffensifs. Il n’y que si on s’en sert qu’ils deviennent dangereux. Monsieur de La Palice n’aurait pas dit mieux…
[L’ado équilibré, bien dans sa peau, pourra aimer la violence distillée dans les jeux vidéo et ne confondra jamais cela avec la réalité et ne la reproduira jamais !]
Oui mais… quel sera l’effet sur l’ado qui n’est pas équilibré ? Comment fait-on pour empêcher les adolescents non-équilibrés d’accéder à certains contenus ?
[c’est juste une histoire d’être civilisé ou pas !]
On ne naît pas civilisé, on le devient… ou pas. Et on le devient aussi à travers les lectures, les jeux, les médias. C’est précisement pour cette raison qu’on ne peut pas laisser « tout voir » à tout le monde.
[et les gosses de familles de j’men foutistes, laissant traîner négligemment leurs cassettes pornos partout,]
Attendez… faudrait savoir. D’un côté vous me dites qu’il faut permettre aux jeunes d’accéder à tous les contenus sans limitation, de l’autre vous reprochez aux familles de permettre le libre accès à leurs cassettes porno… vous n’avez pas l’impression de vous contredire un tout petit peu ?
Une certaine littérature,de l’aveu même des auteurs,n’est pas conçue pour instruire les lecteurs.D’autres effets sont recherchés.Mais pour donner à nos jeunes l’envie d’avoir des enfants parce qu’ils ont confiance,croyez vous que ce soit en leur faisant lire Nietzshe?
Or notre époque,voit les contrées les moins éduques avoir un taux de fécondité de 5 ou 6,là où en France nous sommes à 2.Si nous avions connu,un taux identique à celui de la France au 18ième siècle,nous serions 470 Millions en France!
Alors qu’aujourd’hui,’le grand remplacement’ est à terme de dizaines d’années une certitude statistique,mais pourquoi ne s’effectue t il pas avec des prénoms hérités du français,comme avant 1966?
http://www.affection.org/prenoms/loi.html
Les modifications à la moitié des années 60,concernant les modalités légales d’attribution des prénoms en France,ne devraient elles pas être annulées pour préserver la francophonie des prénoms?
En plus nos jeunes imbus de jeux vidéos,d’individualisme,des reflets Kitsch des médias dévalorisants,sont éloignés de l’essentiel de la vie,alors leur proposer Genêt à 13 ans,n’est ce pas en plus complètement déstructurant?
Tous ces auteurs lus trop jeunes sont des fardeaux handicapants.Leurs textes ne sont pas émancipateurs donnant confiance en soi et aux autres,pour des enfants,non?
Beaucoup d’entre ces enfants,nos enfants,n’auront peut être pas envie d’avoir des enfants,et ça c’est peut être une forme de suicide culturel,n’est ce pas?
@ luc
[Or notre époque,voit les contrées les moins éduques avoir un taux de fécondité de 5 ou 6, là où en France nous sommes à 2.]
D’abord, ce n’est pas tant « l’éducation » que la richesse qui déterminent la fécondité. Quand on a des machines pour travailler les champs et un bon système de transferts sociaux pour prendre en charge vos vieilles années, vous n’avez pas besoin de faire beaucoup d’enfants.
[Alors qu’aujourd’hui,’le grand remplacement’ est à terme de dizaines d’années une certitude statistique,]
Je ne vois pas très bien de quelle « certitude statistique » vous parlez. Les français issus de l’immigration n’ont pas une natalité sensiblement supérieure à la moyenne. Le « grand remplacement » n’est pas pour demain.
[mais pourquoi ne s’effectue t il pas avec des prénoms hérités du français,comme avant 1966?]
Parce que la pression assimilationniste a disparu. En 1966, l’idéologie dominante poussait les immigrés à donner à leurs enfants un prénom français pour leur donner les meilleures chances dans la vie. Aujourd’hui, elle les pousse au contraire à donner des prénoms du pays d’origine pour rester « proche de ses racines ».
[Les modifications à la moitié des années 60,concernant les modalités légales d’attribution des prénoms en France,ne devraient elles pas être annulées pour préserver la francophonie des prénoms?]
Le droit ne précède pas l’évolution de la société, il la suit. Changer les règles du Code Civil n’aura d’effet réel que si la société l’accepte. Aujourd’hui, le choix du prénom se fait plus en pensant au parent qu’à l’enfant. Hier, le choix du prénom était un moyen de manifester la continuité d’une lignée, de mettre l’enfant sous la protection d’un saint ou d’un grand personnage. Aujourd’hui, c’est une opportunité de manifester sa « créativité » en donnant un prénom rare, exotique ou carrément inventé.
[En plus nos jeunes imbus de jeux vidéos, d’individualisme, des reflets Kitsch des médias dévalorisants, sont éloignés de l’essentiel de la vie, alors leur proposer Genêt à 13 ans, n’est ce pas en plus complètement déstructurant?]
C’est ma position. Je pense qu’il faut rétablir une progression des âges. Il y a des livres qu’on peut lire enfant, des livres qu’on peut lire adolescent, et des livres qui sont réservés à l’adulte. Redonner à chaque âge ses droits, c’est aussi rendre à la vie une progression qui vous donne envie de franchir chaque étape.
“Attendez… faudrait savoir. D’un côté vous me dites qu’il faut permettre aux jeunes d’accéder à tous les contenus sans limitation”
Nulle part vous ne trouverez où j’ai dit ça !
Je n’ai pas d’avis tranché sur la question, tout simplement.
Il y a des mômes, bien avant l’adolescence, plus matures que d’autres, bien dans leurs têtes, curieux intellectuellement et sains, d’une intelligence plus pointue que la moyenne (un peu grâce aux parents, aussi, les chiens ne faisant pas des chats) et ceux- là, de bonne moralité et bien éduqués, de surcroît, n’auront aucun mal à accéder à une littérature plus réservée aux adultes, puisque adultes avant l’heure et capables donc de bien l’analyser et la digérer.
Les parents de ces enfants là, en avance par rapport à leurs petits camarades, de toute façon, auront bien du mal à limiter le côté expansif de leur progéniture !
Je ne suis pas pour le tout permissif, loin de là mais la rigidité à outrance, trop peu pour moi !
Il est à noter toute de même, que tout le monde n’est pas à égalité au niveau de l’intelligence, de la manière d’appréhender la vie, de la maturité intellectuelle et de toute façon, vous n’empêcherez jamais quelqu’un qui est en avance par rapport aux autres, de chercher à se cultiver par lui-même ! et en tant que mère d’un tel enfant, qui ne me donnerait que des satisfactions (bon élève, discipliné en classe, respectueux des autres…) et des preuves de sa précocité intellectuelle et bien une adaptation ne pourrait que s’imposer !
Rien à voir donc avec le schéma hyper destructeur des familles laxistes citées plus haut, qui ne donnent même pas le minimum d’éducation requise à leurs enfants, les laissant dans le brouillard, complètement livrés à eux-mêmes !
Mais si vous y songez bien, c’est se prendre la tête pour rien car ils ne sont pas concernés ceux-là par le fait de savoir si ils peuvent avoir accès ou non à du contenu plus raffiné ou plus « adulte » en matière de lecture ! Aucun risque qu’ils aient l’envie, vu le contexte familial, de chercher à lire Sade ou Céline ! Ils passeront direct à la vidéo de cul, laissée justement à leur portée par des parents inconscients et irresponsables ou au film X visionné sur le net !
Et là, oui on peut parler de nocivité !
Donc en conclusion, ce n’est certainement pas l’ado bien élevé, bien dans ses baskets, qui aura lu précocement Céline ou autre écrivain étiqueté « subversif » (parce qu’en capacité de le faire) qui deviendra un détraqué suicidaire, du genre celui qui a sévi à Nice.
Et puis comme vous le dites vous-même plus loin sur ce fil, il y a fort peu de chances que vous soyez aux manettes un jour…alors à quoi bon se torturer l’esprit à imaginer ce que serait une société à son image, quand on sait qu’on n’aura jamais le pouvoir pour faire changer les choses…
@ âme sensible
[« Attendez… faudrait savoir. D’un côté vous me dites qu’il faut permettre aux jeunes d’accéder à tous les contenus sans limitation ». Nulle part vous ne trouverez où j’ai dit ça ! Je n’ai pas d’avis tranché sur la question, tout simplement.]
Excusez-moi. J’avais compris que votre citation des principes invoqués par Daniel Pennac valaient adhésion à ces principes.
[Il y a des mômes, bien avant l’adolescence, plus matures que d’autres, bien dans leurs têtes, curieux intellectuellement et sains, d’une intelligence plus pointue que la moyenne (un peu grâce aux parents, aussi, les chiens ne faisant pas des chats) et ceux- là, de bonne moralité et bien éduqués, de surcroît, n’auront aucun mal à accéder à une littérature plus réservée aux adultes, puisque adultes avant l’heure et capables donc de bien l’analyser et la digérer.]
Oui mais… si vous pensez que certains enfants doivent pouvoir lire Céline et d’autres pas, c’est qu’il existe donc une autorité qui peut décider légitimement si l’enfant peut où non le faire. Et cela suppose rejeter le principe général « on a le droit de tout lire » proposé par Pennac. Si le droit existe, alors il n’y a pas d’autorité légitime pour décider qu’il s’applique à certains, et pas à d’autres.
[Rien à voir donc avec le schéma hyper destructeur des familles laxistes citées plus haut, qui ne donnent même pas le minimum d’éducation requise à leurs enfants, les laissant dans le brouillard, complètement livrés à eux-mêmes !]
Oui, mais sommes nous d’accord que éduquer c’est aussi interdire ?
[Donc en conclusion, ce n’est certainement pas l’ado bien élevé, bien dans ses baskets, qui aura lu précocement Céline ou autre écrivain étiqueté « subversif » (parce qu’en capacité de le faire) qui deviendra un détraqué suicidaire, du genre celui qui a sévi à Nice.]
Ce n’est pas évident. Même les enfants les mieux élevés peuvent avoir une adolescence difficile difficile, souffrir de dépression, avoir des impulsions suicidaires. Combien d’adolescentes éduqués dans la lecture des meilleurs auteurs sont allés grossir les rangs de Action Directe ou des Brigades Rouges ?
[Et puis comme vous le dites vous-même plus loin sur ce fil, il y a fort peu de chances que vous soyez aux manettes un jour…alors à quoi bon se torturer l’esprit à imaginer ce que serait une société à son image, quand on sait qu’on n’aura jamais le pouvoir pour faire changer les choses…]
Vous confondez « être aux manettes » et « pouvoir changer les choses ». Je ne serai probablement jamais président de la République. Mais chaque fois qu’en discutant avec quelqu’un je sème une petite graine dans sa conscience, chaque fois que je participe à une lutte, chaque fois que je forme un jeune, je change un peu les choses. Et si nous sommes nombreux à penser cette société, elle deviendra réelle parce que les gens qui sont « aux manettes » la reprendront…
“Les livres qu’on ne lit pas, la télévision qu’on ne regarde pas sont totalement inoffensifs. Il n’y que si on s’en sert qu’ils deviennent dangereux.”
Qu’ils pourraient EVENTUELLEMENT devenir dangereux ! Nuance.
Selon qui lit tel livre sulfureux, regarde tel film non recommandable, ou joue à tel jeu vidéo violent, la dangerosité peut être évoquée ou non. point barre !
@ âme sensible
[Qu’ils pourraient EVENTUELLEMENT devenir dangereux ! Nuance.]
Plus qu’une « nuance », c’est un pléonasme. Un danger est nécessairement éventuel. S’il est certain, il cesse d’être un danger. Un crocodile est dangereux non pas parce qu’il vous mangera avec certitude, parce qu’il « pourrait éventuellement » vous manger. Pour l’être humain, la mort n’est pas un « danger », c’est une certitude.
[“C’est l’été, et en été on a envie de se détendre, de penser à des choses légères. Pour le commentateur de l’actualité, cela ne laisse qu’un seul choix : fermer boutique, tant l’actualité est morne et triste.”]
L’on peut aussi lire de beaux ouvrages, qui consolent de tout.
“Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé”, disait Montesquieu.
Je vous recommande donc une nouvelle fois la lecture de “La centralisation : suite de l’individu et l’Etat”, sublime ouvrage faisant l’éloge de la centralisation, très bien écrit, l’auteur peut se targuer d’une pénétration de la société française et de son histoire très aigue.
Petits extraits :
“La première, la plus grande chose à dire au sujet de la Centralisation, c’est qu’elle ressemble à la loi. Les anciens définissaient la loi en ces termes : L’intelligence sans la passion. On peut croire qu’un gouvernement placé au centre et au faîte du pays, prendra quelque chose de ces qualités. A la distance où il est des personnes et des localités, pourquoi ne serait-il pas étranger à leurs passions, froid comme un chiffre, tout entier au bien public et à l’attrait naturel de ce qui est juste ?”
“Dire que la Centralisation ressemble à la loi, et que celle-ci est l’intelligence sans la passion, ce n’est pas définir des réalités, c’est exprimer un idéal. C’est chercher au-dessus des choses humaines leur règle, leur type, tout comme on cherche quelque fois leur image au-dessous d’elles, dans la nature. Il n’en faut pas moins pour nous diriger ou nous reconnaître, complexe comme nous le sommes, touchant à tout par quelque grandeur et quelque infirmité.”
“Peu importe qu’une souveraineté locale soit démocratique ou monarchique, son vice ne la quitte pas : ce vice est d’être locale.”
“Si le pouvoir local est à plusieurs, ce cas vaut bien l’autre. Songez seulement que les hommes ne peuvent se toucher sans se heurter, se heurter sans se haïr. Si vous introduisez le pouvoir souverain dans le cercle de ces contacts, de ces froissements, de ces animosités, vous préparez des luttes et surtout des oppressions inouïes.”
Rien qui sente l’air du temps, l’auteur “ne respire pas l’air du marais”…
Sinon, on peut aussi s’amuser de l’actualité :
http://edition.cnn.com/2016/07/15/health/pokemon-go-players-fall-down-cliff/
http://www.telegraph.co.uk/news/2016/07/20/female-mps-should-be-allowed-to-breastfeed-in-commons-says-repor/
Allez, cheers !
@ Ruben
[L’on peut aussi lire de beaux ouvrages, qui consolent de tout.]
Vous avez raison. Pour me consoler de la médiocrité et de la tristesse ambiante, je suis en train de lire pas mal d’histoire de la période Louis XIII et Louis XIV. Alors ne vous étonnez pas si mes billets prennent bientôt une tournure « grand siècle »…
[“Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé”, disait Montesquieu.]
Il avait de la chance, Montesquieu…
[Je vous recommande donc une nouvelle fois la lecture de “La centralisation : suite de l’individu et l’Etat”, sublime ouvrage faisant l’éloge de la centralisation, très bien écrit, l’auteur peut se targuer d’une pénétration de la société française et de son histoire très aigue.]
Promis, je vais rechercher cet ouvrage. Je dois dire que les extraits que vous citez mettent l’eau à la bouche, tant ils mettent sous une forme claire et précise certaines de mes intuitions. En particulier, l’idée qu’un pouvoir rationnel est nécessairement un pouvoir lointain…
J’aime beaucoup aussi la formule : “Peu importe qu’une souveraineté locale soit démocratique ou monarchique, son vice ne la quitte pas : ce vice est d’être locale.”
[Sinon, on peut aussi s’amuser de l’actualité :]
Là, par contre, ça redevient déprimant… cette histoire de « Pokemon Go » me rappelle un dicton qu’aimait mon père, légèrement adapté : « le jour ou Nintendo fera un jeu de roulette russe, on sera débarrassé des imbéciles ».
[“Tous les grands publicitaires vous le diront : une bonne publicité ne vise pas à changer les opinions des gens. Au contraire, elle dit aux gens ce que les gens ont envie d’entendre. Pour vendre un produit, il faut l’inscrire dans les envies et les besoins du public. Et les religions n’agissent pas autrement.”]
Cela me fait penser à Joubert : “On peut convaincre les autres par ses propres raisons ; mais on ne les persuade que par les leurs.”
[“Alors ne vous étonnez pas si mes billets prennent bientôt une tournure « grand siècle »… “]
On ne peut jamais être trop “grand siècle”.
[“Promis, je vais rechercher cet ouvrage.”]
C’est le plus difficile. J’ai dû passé par les réimpressions de Hachette-BNF, l’édition n’étant hélas pas la dernière.
[” cette histoire de « Pokemon Go » me rappelle un dicton qu’aimait mon père, légèrement adapté : « le jour ou Nintendo fera un jeu de roulette russe, on sera débarrassé des imbéciles ».”]
N’est-ce pas une bonne nouvelle ?
“c’est qu’il existe donc une autorité qui peut décider légitimement si l’enfant peut où non le faire. “
C’est déjà le cas, Céline et compagnie ne seront jamais étudiés au lycée ! de mon époque, on avait droit à “La dentellière” de Pascal Lainé, c’est dire si on ne risquait pas d’être traumatisés (Isabelle Huppert dans le film tiré de ce roman, était déjà très bonne actrice au passage, toute charmante, avec ses joues bien rondes de l’enfance à peine quittée, qu’elle a perdues aujourd’hui) !
Dans le privé, de toute façon, l’éducation est laissée à la responsabilité des parents et si ils sont inconséquents, rien n’y pourra rien changer, pas même le défilé incessant des assistantes sociales !
Je ne peux que constater les problèmes, aux politiques de trouver des solutions, surtout pour le bien des enfants, afin d’éviter qu’ils ne partent en live…
@ âme sensible
[« c’est qu’il existe donc une autorité qui peut décider légitimement si l’enfant peut où non le faire ». C’est déjà le cas, Céline et compagnie ne seront jamais étudiés au lycée !]
Le mot « légitimement » vous a échappé. Bien sur qu’il existe des autorités qui décident ce que les enfants peuvent ou non lire : l’école, les parents… mais la question ici n’est pas de savoir si quelqu’un choisit – c’est un fait – mais si ce choix est LEGITIME. En d’autres termes, pensez vous que l’école ou les parents ont le droit, étique et moral, de dénier à leur progéniture la lecture de Céline ou de Genet ? Pennac, que vous avez cité, pensait que non puisqu’il proclamait « le droit de tout lire ».
Heu au collège, la dentellière…Ca me semble tellement une autre époque que j’en perds mes repères…
Il est vrai que ce texte de Pierre Louÿs trouvé parmi les livres de mon père, par déductions de ce que j’en comprenais, je réalise que j’ai dû le lire vers 15 ans. Bon, de toutes façons ce n’est pas bien méchant. Sade je ne sais plus, d’ailleurs je ne comprenais pas très bien, sur le plan physiologique, ses récits ; je me souviens surtout d’avoir été un peu horrifiée par une histoire de monsieur qui adorait manger du caca. Là encore, ce n’est pas très grave. Et puis il y a tout de même la beauté de la langue.
Je dois reconnaître qu’étant véritablement enfant, je dévorais toute l’œuvre de la comtesse de Ségur et j’en ai un peu honte aujourd’hui ! Si j’avais des enfants, pas sûr que je les laisserais lire ces histoires cruelles, xénophobes, pleines de bondieuseries, et surtout d’un solide mépris de classe ! Comme quoi, l’importance de replacer dans le contexte est valable pour tous les livres…
Mais vous avez dit ceci à luc : “si je pousse mes enfants à lire tel livre, si je leur interdit tel autre c’est parce que je tiens à eux, parce que leur éducation est importante pour moi. Il serait tellement plus simple de ne pas faire l’effort, et de passer pour un parent “coule””
Excusez-moi mais ce n’est pas un argument ! Ce n’est pas parce que vous êtes animé de bonnes intentions à l’égard de vos enfants, que votre méthode est la bonne!!
Ce qui est assez clair pour moi, après tout ce que nous avons dit, c’est que ces jeunes qui commettent des actes si horribles, ce dont ils souffrent, c’est d’un manque de culture. Si seulement ils pouvaient s’intéresser aux livres. Quand je vois sur facebook les quelques jeunes de 17-18 ans avec qui je suis “amie”, la profonde pitié que j’éprouve… envers leur bêtise, leur ignorance, leur naïveté… qu’ils sont peu armés pour la vie, ils vont se fracasser dessus comme sur des rochers ! Comme ils vont être malheureux ! Comme la vie doit être vide et terne pour eux ! Sans les livres, les histoires, les romans, les joies de l’imagination et de l’esprit…
Ils sont plus malheureux que le personnage de Houellebecq (je crois que c’était dans “l’Extension”) qui dit “une vie entière passée à lire m’aurait mieux convenu”…
Ce qui est grave, c’est le manque de lecture, ce ne sont pas les mauvaises lectures…
@Nana1985
[Il est vrai que ce texte de Pierre Louÿs trouvé parmi les livres de mon père, par déductions de ce que j’en comprenais, je réalise que j’ai dû le lire vers 15 ans.]
Mais comment cela se fait, que pouvant « piocher librement » dans la bibliothèque de vos parents, ce livre vous ait échappé pendant 15 ans ? Croyez-moi, même si nous avons l’impression de piocher librement, les parents transmettent des messages peu équivoques sur le fait de ce qu’on a ou non droit de piocher.
[Bon, de toutes façons ce n’est pas bien méchant. Sade je ne sais plus, d’ailleurs je ne comprenais pas très bien, sur le plan physiologique, ses récits ; je me souviens surtout d’avoir été un peu horrifiée par une histoire de monsieur qui adorait manger du caca. Là encore, ce n’est pas très grave.]
Chez vous, apparemment, non. Mais chez d’autres enfants, moins encadrés, plus déstabilisés, ou qui ont tout simplement une faiblesse psychologique, cela peut avoir des effets ravageurs. Encore une fois, je suis surpris de voir quelqu’un qui de toute évidence aime la littérature prétendre que celle-ci n’a finalement aucun pouvoir de transformer les individus…
[Je dois reconnaître qu’étant véritablement enfant, je dévorais toute l’œuvre de la comtesse de Ségur et j’en ai un peu honte aujourd’hui ! Si j’avais des enfants, pas sûr que je les laisserais lire ces histoires cruelles, xénophobes, pleines de bondieuseries, et surtout d’un solide mépris de classe ! Comme quoi, l’importance de replacer dans le contexte est valable pour tous les livres…]
En d’autres termes, vous feriez de la peine à Pennac en leur interdisant de lire les histoires de la Comtesse de Ségur ? Doit-on interdire aux enfants les livres « cruels, xénophobes » ? Pourtant, j’avais cru comprendre que vous mettriez Céline en libre service… pourquoi Céline si, et la Comtesse de Ségur non ?
[« si je pousse mes enfants à lire tel livre, si je leur interdit tel autre c’est parce que je tiens à eux, parce que leur éducation est importante pour moi. Il serait tellement plus simple de ne pas faire l’effort, et de passer pour un parent “coule” ». Excusez-moi mais ce n’est pas un argument ! Ce n’est pas parce que vous êtes animé de bonnes intentions à l’égard de vos enfants, que votre méthode est la bonne!!]
Je n’ai pas dit le contraire. Tout ce que j’ai dit, c’est que le fait pour une institution – que ce soit la famille, l’école, l’Etat ou n’importe quelle autre – d’interdire ou d’encourager un comportement, une lecture, est une indication que l’institution en question est attentive à ce que font les gens, que leurs actes ont une importance pour elle. La permissivité, au contraire, est généralement le signe d’une indifférence, d’un manque d’intérêt. Maintenant, vous avez tout à fait le droit de penser que pour un enfant l’indifférence est pédagogiquement meilleure que l’attention…
[Ce qui est assez clair pour moi, après tout ce que nous avons dit, c’est que ces jeunes qui commettent des actes si horribles, ce dont ils souffrent, c’est d’un manque de culture.]
Je ne vois pas très bien quel est le raisonnement qui vous conduit à une conclusion. Pourriez-vous l’exposer s’il vous plait ? A moins, bien entendu, que ce soit un dogme…
[Si seulement ils pouvaient s’intéresser aux livres. Quand je vois sur facebook les quelques jeunes de 17-18 ans avec qui je suis “amie”, la profonde pitié que j’éprouve… envers leur bêtise, leur ignorance, leur naïveté… qu’ils sont peu armés pour la vie, ils vont se fracasser dessus comme sur des rochers !]
Peut-être, mais je ne vois pas très bien le rapport avec les « actes si horribles ». On peut regretter – et croyez bien que c’est mon cas – le recul de la culture dans notre société. Mais il ne faut pas mélanger tous les problèmes.
Quant à être d’accord avec vous sur le principe qu’éduquer c’est interdire, oui quand il s’agit d’enfants, dits difficiles, bien que baignant dans une bonne ambiance familiale.
Mais, vous savez très bien que dans les familles laxistes, propices à rendre les gamins incontrôlables, il ne leur sera rien interdit car de toute façon, les mômes prendront le dessus, les parents étant démissionnaires !!!!
Dans mon cas et je ne suis pas nécessairement une référence en la matière, je n’ai eu besoin ni de faire preuve d’autorité, ni de sévir ni d’interdire, pas de tentative de franchissement de la ligne jaune, pas de comportement agressif envers les autres, bons résultats scolaires, bref je n’ai pas de mérite particulier ! Alors après la question qu’il se pose est trop sage ? Ne faut-il pas expérimenter pas mal de choses avant que de devenir adulte, braver quelques interdits à l’adolescence, sous peine de voir arriver à la quarantaine, une crise trop sévère ?
Alors d’accord pour poser des interdictions quand l’enfant a besoin d’être bien cadré, du fait d’un tempérament hostile à la simple discipline de base mais ne pas projeter sur son enfant, non plus, ses désirs quant à son devenir professionnel ! trop de parents, n’ayant pas réussi leur vie telle qu’ils l’auraient souhaitée, mettent la pression sur leurs enfants, pour qu’ils deviennent ce que eux n’ont jamais pu devenir, là je dis que c’est tout autant nocif que le laxisme !
Un enfant ne nous appartient pas et à lui de trouver sa voie et aux parents de l’accompagner du mieux qu’ils le peuvent ! Parfois ils poursuivent leurs études assez loin sans toutefois savoir vraiment ce qu’ils veulent faire après et là, faut juste avoir confiance et attendre que le déclic se produise en cours de route, l’essentiel déjà est au moins d’avoir atteint un bon niveau d’étude, sachant cependant que les diplômes ne font pas tout et le reste viendra bien…
Si ce sont là les seuls soucis qu’un enfant puisse poser à ses parents, ça va, c’est gérable !
@ âme sensible
[Quant à être d’accord avec vous sur le principe qu’éduquer c’est interdire, oui quand il s’agit d’enfants, dits difficiles, bien que baignant dans une bonne ambiance familiale. Mais, vous savez très bien que dans les familles laxistes, propices à rendre les gamins incontrôlables, il ne leur sera rien interdit car de toute façon, les mômes prendront le dessus, les parents étant démissionnaires !!!!]
C’est bien mon point : là où il n’y a pas d’interdits, il n’y a pas d’éducation.
[Dans mon cas et je ne suis pas nécessairement une référence en la matière, je n’ai eu besoin ni de faire preuve d’autorité, ni de sévir ni d’interdire, pas de tentative de franchissement de la ligne jaune, pas de comportement agressif envers les autres, bons résultats scolaires, bref je n’ai pas de mérite particulier !]
Vous semblez croire que c’est finalement une question de chance : à certains les dieux enverront des enfants « qui ne tentent pas de franchir la ligne jaune », à d’autres des enfants sages. Je pense que vous faites erreur : il y a eu forcément des « tentatives de franchir la ligne jaune ». Seulement, ces tentatives ont probablement été réprimées dès le plus jeune âge, peut-être même sans que vous en ayez conscience. Et vos enfants ont internalisé cette discipline au point qu’elle cesse d’apparaître formellement. C’est comme disait un juriste : « l’immense majorité des citoyens vivra toute sa vie sans le moindre contact avec la justice pénale. Pour eux, le fait que les tribunaux correctionnels existent ou pas ne change rien ». Oui, mais si ça marche, c’est parce que la grande majorité des citoyens a internalisé depuis leur plus jeune âge un certain nombre d’interdits sociaux.
[Alors après la question qu’il se pose est trop sage ? Ne faut-il pas expérimenter pas mal de choses avant que de devenir adulte, braver quelques interdits à l’adolescence, sous peine de voir arriver à la quarantaine, une crise trop sévère ?]
Bien entendu. Et ils les braveront, rassurez-vous, probablement dans votre dos et sans que vous vous en rendiez compte. C’est d’ailleurs pourquoi il faut maintenir des interdits dont la seule fonction est précisément d’être « bravés », et qu’il ne soit pas trop dangereux de violer. Quand on interdit à un adolescent la bière, une bouteille d’Heineken a le gout de l’interdit. Mais si vous lui permettez la bière, le vin, le whisky, le cannabis, comment ferait-il pour « braver l’interdit » ? Il ne lui reste que la cocaïne…
[Alors d’accord pour poser des interdictions quand l’enfant a besoin d’être bien cadré, du fait d’un tempérament hostile à la simple discipline de base]
C’est l’inverse, justement. Tous les enfants ont besoin d’être « bien cadrés », et c’est par cet encadrement qu’ils acceptent les « disciplines de base ». Si vous attendez qu’ils manifestent un « tempérament hostile » pour interdire, ce sera trop tard !
[mais ne pas projeter sur son enfant, non plus, ses désirs quant à son devenir professionnel !]
Ce que vous demandez est une impossibilité. Si nous avons des enfants, si nous nous infligeons ces longues nuits sans sommeil, ces dépenses sans fin d’argent et d’énergie, c’est en échange de cette possibilité de nous projeter en eux. Nous les aimons parce qu’ils nous ressemblent, parce qu’ils portent quelque chose de nous. Il ne peut y avoir de parentalité sans projection. Que cette projection ait des limites, que le parent doive comprendre que son enfant n’est pas une marionnette, mais un être autonome – même s’il est tenu par des liens de filiation – est une évidence. Mais « ne pas projeter » ?
[Un enfant ne nous appartient pas et à lui de trouver sa voie et aux parents de l’accompagner du mieux qu’ils le peuvent !]
Mais dans ce cas, pourquoi en avoir ? Quel est l’intérêt d’être parent, si vos enfants ne vous « appartiennent pas » ne serait-ce qu’en partie ?
Je crois qu il y a une difference majeure entre la bande a baader, action directe … et le terrorisme islamiste. Les premiers se reclamaient d une ideologie materialiste qui affirmait qu il n y avait rien apres la mort. Les seconds au contraire viennent d une religion qui affirme qu ils vivront dans la felicitee une fois mort (les 1000 vierges etc )
Donc les premiers ne souhaitaient pas mourir, les second n y voient aucun inconvenient car c est acceder a une vie meilleure (et passer pour un hero pour certains). C est pas pour rien que les israelien ont decouvert que certains kamikazes avait tenter de preserver leurs bijoux de famille des effets de l explosion
Autrement dit, il ne faut pas comparer nos terroristes a action directe mais plutot au missionaires cherchant le martyre en allant evangeliser les vikings ou les protestants refusant d abjurer leur foi sous Louis XIV (desole j ai pas tellement de reference plus recente pour le choix d une mort deliberee. c est vrai que c est pour nous un non sens. Mais si vous vivez avec un autre mode de pensée ca ne le st pas forcement)
@ cdg
[Je crois qu il y a une différence majeure entre la bande a baader, action directe … et le terrorisme islamiste. Les premiers se réclamaient d une idéologie matérialiste qui affirmait qu il n y avait rien après la mort. Les seconds au contraire viennent d une religion qui affirme qu ils vivront dans la félicité une fois mort (les 1000 vierges etc )]
C’est vrai… mais en partie seulement. On peut se « réclamer » d’une idéologie matérialiste et avoir de cette idéologie une approche idéaliste. Quand on lit les pages écrites par Guevara sur la capacité du révolutionnaire à « sacrifier sa vie pour la Révolution », on n’est pas loin d’une logique transcendante, pas très différente finalement de celle invoquée par Daesh. En fait, un individu qui serait purement matérialiste ne pourrait jamais sacrifier sa vie pour quoi que ce soit, puisque du point de vue matérialiste rien n’est pire que d’être mort. Guevara comme Baader avaient l’idée qu’on pouvait sauver le monde par sa propre mort, ce qui pour n’importe quel matérialiste est une absurdité.
Et de la même manière, on trouve chez les militants islamistes un niveau d’attachement aux choses de ce monde qui ne semble compatible avec la transcendance dont ils se réclament. A quoi bon aller aux putes dans ce monde si 1000 vierges vous attendent dans l’autre ?
[Donc les premiers ne souhaitaient pas mourir, les second n’y voient aucun inconvenient car c’est accéder a une vie meilleure (et passer pour un hero pour certains).]
Ce n’est pas si évident que cela que « les premiers ne souhaitent pas mourir ». Guevara, de passage à Alger lors de son retour du Congo et avant de partir en Bolivie, avait tenu à Ben Bella un propos révélateur : « nous avons eu une belle vie, maintenant il faut avoir une belle mort ». La formule de Renaud que j’ai cité dans mon papier reflète la peur d’une génération : « pour ne pas vieillir il sait qu’il doit crever ». On pourrait dire que la justification de la mort n’est pas la même : pour l’islamiste, la récompense est dans le paradis, pour le guévariste, il est dans la non-corruption, dans l’éternelle jeunesse.
[Autrement dit, il ne faut pas comparer nos terroristes a action directe mais plutot au missionaires cherchant le martyre en allant evangeliser les vikings ou les protestants refusant d abjurer leur foi sous Louis XIV]
La comparaison avec les premiers chrétiens est tentante, mais elle ignore l’énorme fossé culturel qui nous sépare de cette époque. Les premiers chrétiens étaient convaincus que la fin des temps et le jugement final étaient proches, et croyaient au surnaturel d’une manière qui nous est inaccessible. D’un autre côté, ils vivaient dans un univers où la mort était omniprésente, et pouvait survenir à n’importe quel moment. La vie n’avait donc pas la même valeur qu’aujourd’hui. C’est encore vrai, quoique moins flagrant, du temps de Louis XIV…
[(desole j ai pas tellement de reference plus recente pour le choix d une mort deliberee. c est vrai que c est pour nous un non sens. Mais si vous vivez avec un autre mode de pensée ca ne le st pas forcement)]
Mais justement, le fait que vous n’ayez pas de « référence plus récente » devrait vous alerter. Le progrès scientifique fait qu’à partir du XVIIIème siècle on ne peut plus croire au surnaturel comme on croyait au moyen-âge ou même à la renaissance. Personne aujourd’hui ne croit comme on croyait à cette époque, même pas Daesh.
[Nous ne croyons pas quelque chose parce que quelqu’un nous le dit. Si on avait trouvé la méthode pour faire ça, les églises seraient pleines. Non, nous croyons parce que nous avons envie, parce que nous avons besoin de croire. La croyance ne répond pas à une injonction externe, mais à un besoin interne qui peut être un besoin d’explication, de consolation, de justification et d’autres encore.]
Personne par défaut n’a envie ou besoin de croire que s’il se fait sauter il sera entouré par 72 vierges. Il faut bien à un moment ou à un autre que quelqu’un communique cette idée à la personne. Je trouve plus intéressante l’explication de Gérald Bronner dont on peut faire ressortir trois éléments principaux
(1) Les croyances que nous adoptons sont liées de manière probabiliste aux caractéristiques du marché cognitif (espace où sont présents des mèmes, hypothèses, croyances, informations etc.) dans lequel nous nous trouvons volontairement et involontairement.
(2) Dans ce marché cognitif, il est plus ou moins coûteux selon les individus et selon les types de croyances d’adopter telle ou telle croyance (là on retrouve l’envie ou le besoin de croire dont tu parles).
(3) Il y a des processus psychologiques d’escalade et de renforcement des croyances qui font que sous certaines conditions des individus se radicalisent.
L’envie de croire joue un rôle, mais je ne pense pas que cette envie permette à elle seule d’expliquer la radicalisation. Il y a différents paliers à franchir avant d’arriver à la croyance des 72 vierges et on y arrive pas sans un marché cognitif favorable à mon avis..
@ stu
[Personne par défaut n’a envie ou besoin de croire que s’il se fait sauter il sera entouré par 72 vierges. Il faut bien à un moment ou à un autre que quelqu’un communique cette idée à la personne.]
Pourquoi ? Après tout, c’est assez naturel de penser que dieu nous récompensera d’avoir défendu sa cause en nous procurant ce qui nous ferait le plus plaisir… bien sur, le nombre de vierges peut varier selon les appétits de chacun, mais finalement on trouve dans la plupart des religions le même type de récompense : pensez au festin éternel du Walhalla… de ce point de vue, c’est le christianisme qui innove en imaginant un paradis ou l’on ne peut rien faire de ce que les hommes aiment sur terre…
[(1) Les croyances que nous adoptons sont liées de manière probabiliste aux caractéristiques du marché cognitif (espace où sont présents des mèmes, hypothèses, croyances, informations etc.) dans lequel nous nous trouvons volontairement et involontairement.]
Ma vision est plus dialectique. Nous adoptons des croyances non pas « de manière probabiliste » mais en fonction de nos besoins et de nos intérêts – c’est de la que vient cette « envie de croire ». Mais surtout, le marché cognitif n’est pas figé : il s’adapte lui aussi aux demandes des consommateurs. Si les intérêts des classes dominantes changent, le marché pourvoira les croyances nécessaires à la justification de ce changement.
[(2) Dans ce marché cognitif, il est plus ou moins coûteux selon les individus et selon les types de croyances d’adopter telle ou telle croyance (là on retrouve l’envie ou le besoin de croire dont tu parles).]
Non, justement. L’envie de croire apparaît au niveau du choix des croyances, et non de leur coût. Mon hypothèse est que l’envie de croire n’est pas aveugle. On n’a pas envie de croire en quelque chose au hasard, mais en quelque chose qui justifie nos comportements, qui nous console de nos malheurs, qui légitime nos intérêts.
[(3) Il y a des processus psychologiques d’escalade et de renforcement des croyances qui font que sous certaines conditions des individus se radicalisent.]
Mais que veut dire exactement « radicaliser » dans ce contexte ?
[L’envie de croire joue un rôle, mais je ne pense pas que cette envie permette à elle seule d’expliquer la radicalisation. Il y a différents paliers à franchir avant d’arriver à la croyance des 72 vierges et on y arrive pas sans un marché cognitif favorable à mon avis..]
Mais encore une fois, le propre d’un « marché » est que la demande crée l’offre. S’il y a des gens que cela arrange de croire aux 72 vierges, le « marché cognitif » pourvoira la croyance en question…
Quant à la légitimité de l’école ou des parents du droit, étique et moral, de dénier à leur progéniture la lecture de Céline ou de Genet, et bien moi ça m’embêterait que pour protéger le plus grand nombre, on doive brimer ceux, en capacité de s’approprier les ouvrages ou oeuvres non destinés à leur âge !
Tout comme je ne veux pas qu’on aseptise trop le net, sous prétexte que des yeux innocents pourraient voir des choses pas très catholiques. Vous dites vous-même qu’il faut accepter les risques dans certaines situations !
Je ne peux pas trancher. Je suis consciente qu’il faille bien protéger les plus sujets aux déviances malsaines en leur évitant de lire et regarder ce qui ne pourrait qu’exacerber leurs penchants à la destruction ou l’incivilité mais pas au détriment de ceux, moins nombreux, originaux dans leur manière d’appréhender le monde et de fonctionner, et qui se retrouveraient lésés dans leurs course effrénée vers la connaissance, y compris du jugé pas “beau”. Bacon, est-il jugé “laid” pour vous ?
En ce qui concerne mon expérience personnelle de mère, de la chance ou pas, j’en sais rien ! Disons alors que certains enfants non difficiles n’ont pas besoin qu’on leur dise de manière très stricte, comment être pour faire le « bien » et ne sont pas tentés par faire le mal, naturellement, par mimétisme avec leurs parents ! l’observation de leurs parents, dans le cas de parents jugés «bons », leur suffirait !
Après, je ne vais pas me mettre une auréole au-dessus de la tête, je n’ai pas été une mère parfaite, n’ayant pas toujours pris le temps qu’il fallait (gérer son boulot et le reste) partant du principe, que encore une fois les chiens ne faisant pas des chats, mon enfant ne pouvant que me ressembler intérieurement parlant, j’avais donc toute confiance quant à sa valeur de petit être en devenir et d’ailleurs j’en avais confirmation par les appréciations des profs, sauf pour un cas de prof, pas bon du tout, sur qui il était tombé en 3ème et qui en avait fait sa tête de turque, au point qu’il avait perdu sa confiance en lui , son goût de bosser ! et on a dû rattraper le coup comme on a pu pour qu’il raccroche les wagons et après une année ou deux de flottement, reparti sur les rails, grâce à de bons professeurs, tout est rentré dans l’ordre…
Pour le mien, ce fut à moindre mal mais quel désastre pour tant d’autres ? Peut-être la pédagogie devrait être revue à l’Education Nationale et les profs mieux formés !!! plus contrôlés, du genre pas prévenus comme il y a une inspection sinon trop facile on leur dit le jour et l’heure et ils n’ont qu’à se faire beau le jour J et déconner tout le reste de l’année ! C’est la vie de nos gosses qu’ils ont entre leurs mains, c’est très sérieux !!!!
Sinon quand je dis que nos enfants ne vous appartiennent pas, c’est que bien qu’ils nous ressemblent moralement, humainement, il ne faut pas non plus déteindre trop sur eux !
Il faut les encourager, même indirectement, à oser affirmer leur originalité, leur propre densité ! qu’ils osent faire ce qui les fait vraiment vibrer, en total accord avec eux-mêmes et au diable à un moment donné, l’avis des parents ! une fois adulte, il faut laisser ses enfants s’épanouir, sans les faire culpabiliser si ils décident de ne pas prendre le chemin voulu par les parents !
Sinon bien sûr que nos enfants aillent plus loin que nous n’avons été, dans les études, entre autres, c’est une fierté pour les parents !
Il n’est pas bon pour l’enfant d’être affublé d’une mère trop étouffante, de ces mères qui tombent en dépression dès que leurs enfants s’émancipent, n’ayant eu que leurs enfants comme motif de bonheur, ce qui est déjà beaucoup mais cela ne doit pas être que principalement pour combler un vide existentiel qu’on doit décider d’avoir des enfants !
@ âme sensible
[Tout comme je ne veux pas qu’on aseptise trop le net, sous prétexte que des yeux innocents pourraient voir des choses pas très catholiques. Vous dites vous-même qu’il faut accepter les risques dans certaines situations !]
Oui, lorsque le rapport risque/avantage le justifie. Mais personnellement, je ne vois aucun avantage à faire lire à un enfant de 12 ans Céline ou Sade.
J’ajoute qu’il y a aussi une gradation dans l’interdiction. Les parents, l’école peuvent, sans interdire, déconseiller tel ou tel ouvrage en marquant bien qu’il ne correspond pas aux valeurs, à la vision du monde qu’ils entendent transmettre.
[Bacon, est-il jugé “laid” pour vous ?]
Non. Angoissant, mais pas « laid », du moins les tableaux que je connais de lui.
[Il n’est pas bon pour l’enfant d’être affublé d’une mère trop étouffante,]
Dans les temps anciens, c’était là la fonction du père… mais depuis que la figure paternelle a été jetée aux oubliettes, la mère étouffante triomphe dans toute sa splendeur.
Tout d’abord, laissez-moi vous remercier de prendre le temps de répondre avec cette exhaustivité à des commentaires de parfaits inconnus, pas toujours très logiques dans leurs raisonnements (moi la première). C’est vraiment très gentil à vous, c’est remarquable ! Vous n’êtes pas snob !
J’aurais dû dire “ce qui est clair pour moi malgré tout ce que nous avons dit”, et non “après tout ce que nous avons dit”…
Et oui, je crois qu’une certaine dose d’indifférence à l’égard de ses propres enfants est bienvenue. Ça rend indépendant, ça donne le goût de la solitude et de la liberté, cela donne des gens qui aiment qu’on leur fiche la paix et donc qui fichent la paix aux autres… mais ça leur fera prendre en horreur ces familles étouffantes où il faut rendre compte de tous ses faits et gestes, où l’on se doit au groupe avant tout…
Et non, ne dites pas que je prétend que la littérature n’a pas le pouvoir de transformer les individus. Bien au contraire ! Ce que je dis, c’est que cette transformation ne peut être qu’en bien. Attention, nous parlons de littérature. “Mein Kampf” n’en fait pas partie. La nuance entre votre position et la mienne, je crois, est que vous voyez (d’abord ?) une utilité dans la littérature. Pour moi, si elle est utile, ça ne peut être que de surcroît.
Non, vous avez raison, même la comtesse de Ségur née Rostopchine, je ne leur interdirais pas, à mes enfants si j’en avais. Je les laisserais lire ce qu’ils veulent, même des livres idiots comme “Paul et Virginie” !
Vous parlez de recul de la culture, mais n’est-il pas difficile de dire s’il y a réellement un recul de la culture ? La proportion de gens cultivés est peut-être au contraire plus importante qu’il y a 100 ans… Comment savoir ?
Quand je dis que les jeunes terroristo-suicidaires n’en viendraient pas là s’ils lisaient davantage, je n’ai pas d’argument si ce n’est que je crois que la lecture confère une forme de sagesse qui empêcherait un comportement aussi débile. Mais si on remonte à la source du problème on en arrive à la question de l’école, qui ne joue plus son rôle, qui ne donne plus le respect du savoir et du livre… et ça c’est très très très grave…
@ Nana1985
[Tout d’abord, laissez-moi vous remercier de prendre le temps de répondre avec cette exhaustivité à des commentaires de parfaits inconnus]
Ne me remerciez pas, j’en tire beaucoup de plaisir et une grande stimulation intellectuelle. Mon grand regret est de ne pouvoir qu’occasionnellement transformer ces échanges épistolaires en discussions de visu…
[Et oui, je crois qu’une certaine dose d’indifférence à l’égard de ses propres enfants est bienvenue. Ça rend indépendant, ça donne le goût de la solitude et de la liberté, cela donne des gens qui aiment qu’on leur fiche la paix et donc qui fichent la paix aux autres…]
Je ne suis pas un expert du sujet, mais si je crois des amis qui le sont, l’indifférence fait au contraire des dégâts irréparables à la psyché de l’enfant. L’une des peurs les plus profondes de chaque enfant est la peur de l’abandon. C’est pourquoi l’enfant cherche en permanence à confirmer que ses parents l’aiment, qu’ils ne vont pas l’abandonner. Un parent peut être absent sans être « indifférent ». Souvenez-vous de ces mères qui menaçaient leurs enfants d’un « si papa l’apprend, il va se fâcher ». Même si ce père est absent physiquement, le fait qu’il puisse « se fâcher » parce que son enfant a fait telle ou telle chose rassure l’enfant sur le fait que son existence intéresse quelqu’un. Imaginez une mère qui dirait « ton père s’en fout, de toute façon »… un père qui s’en fout, c’est un père qui n’est pas loin de vous abandonner.
[mais ça leur fera prendre en horreur ces familles étouffantes où il faut rendre compte de tous ses faits et gestes, où l’on se doit au groupe avant tout…]
Cela n’a rien à voir. Comme je l’ai expliqué plus haut, l’attention ne nécessite pas la présence. On peut laisser une grande liberté à un enfant sans pour autant être indifférent.
[Et non, ne dites pas que je prétend que la littérature n’a pas le pouvoir de transformer les individus. Bien au contraire !]
Si elle a ce pouvoir, alors elle est dangereuse…
[Ce que je dis, c’est que cette transformation ne peut être qu’en bien.]
Pourquoi ? Si la littérature à le pouvoir de vous rendre plus gentil avec votre voisin, elle a aussi le pouvoir de vous rendre plus méchant…
[Attention, nous parlons de littérature. “Mein Kampf” n’en fait pas partie.]
Effectivement, si vous chassez arbitrairement de la littérature tout ce qui vous déplaît…
[La nuance entre votre position et la mienne, je crois, est que vous voyez (d’abord ?) une utilité dans la littérature. Pour moi, si elle est utile, ça ne peut être que de surcroît.]
Pour moi, la littérature est capable de fabriquer des représentations du monde. Et ces représentations ont un effet sur nos actions. Si je me représente le monde comme un endroit où il fait bon vivre, je ne vais pas avoir la même vision du suicide que si je me le représente comme une vallée de larmes sans espoir.
[Vous parlez de recul de la culture, mais n’est-il pas difficile de dire s’il y a réellement un recul de la culture ? La proportion de gens cultivés est peut-être au contraire plus importante qu’il y a 100 ans… Comment savoir ?]
En faisant des statistiques. Ce qui, bien entendu, implique définir des indicateurs et donc de préciser une définition de la culture. Prenons un exemple : la capacité à comprendre et à s’exprimer dans une langue riche et subtile fait-elle partie de la culture ? Dans ce cas, on peut mesurer l’utilisation de temps de verbe complexes, la diversité des tournures de phrases, l’étendue du vocabulaire, la qualité de la grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe… et la comparer à celle d’il y a un siècle. Je vous assure que la comparaison donne des résultats effrayants…
[Quand je dis que les jeunes terroristo-suicidaires n’en viendraient pas là s’ils lisaient davantage, je n’ai pas d’argument si ce n’est que je crois que la lecture confère une forme de sagesse qui empêcherait un comportement aussi débile.]
C’est donc une croyance dogmatique…
[Mais si on remonte à la source du problème on en arrive à la question de l’école, qui ne joue plus son rôle, qui ne donne plus le respect du savoir et du livre… et ça c’est très très très grave…]
L’école n’est qu’une institution de la société. Si la société – et les élites elles-mêmes, qui sont supposées avoir un rôle prescripteur – ne respectent plus le savoir et le livre, comment l’école pourrait-elle ramer à contre-courant ?
@cdg
Vous évoquez Louis XIV,ce qui me permet d’évoquer le sort des huguenots qui s’exilèrent suite à la récusation de l’édit de Nantes.
Quelles furent leur évolutions dans leurs différents pays d’accueil?
Dans les 13 colonies d’Amérique du Nord,à Berlin,en Afrique du sud,partout l’usage du français par les huguenots disparus en 2 ou 3 générations.
La langue locale devint d’usage chez les huguenots,jusque dans les prénoms attribués,les noms de famille restant francophones.
En France concernant,les parlers arabiques,de belles âmes proposent sans cesse que soient enseigner aux descendants des loccuteurs concernés en France,des cours d’Arabe classique.
N’est ce pas un ferment d’anti-assimilation?
J’ai suivi ces cours par lubie,il y a quelques années,à la mosquée de Paris dans le Vième à Paris,qui j’espère ne sera pas offerte à l’Algérie.
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que nous anonions des versets du Coran,dans ces cours d’apprentissage de l’Arabe?
Renseignement pris,auprés de l’enseignant qui ne comprenant pas le français ,nous a répondu en anglais:c’est dans le coran que l’Arabe le plus pur se trouve.
En plus d’être un fratras d’inepties,le Coran jouerait le rôle de Bled ou de traité de Grammaire!
Tout ceci est inintéressant et relève de la propagande n’est ce pas?
Il suffirait d’expliquer que le Coran est plein d’allégories,de poésies,ou de fantasmes pour être au plus près de l’authentique.
Non certains l’utilisent comme précis de grammaire,soi disant utile.
Est ce ainsi que l’assimilation aura lieu alors que le prénom le plus attribué en France aujourd’hui est Mohamed?
Ne faudrait il pas convancre que la francophonie est le début de l’assimilation?
Les huguenots n’ont pas fait tout un flanc de leurs racines françaises pour s’intégrer dans l’espace anglo-saxon.
Les espagnols,russes,portugais,italiens,ou bretons,flamands,alsaciens,corses,occitans comme ma famille, non plus pour s’assimiler en français en France.
Aujourd’hui,de nombreux arabophones s’assimilent en silence,heureusement,même si du fait du lobbying des pays du Golfe,ça couince parfois.
Ce qui masque le phénomène ce sont les pratiques et postures wahabites financés par l’Arabie saoudite,véritables poisons,n’est ce pas?
Les malheureux qui se laissent embrigader dans cette idéologie wahabite,en viennent parfois à se suicider,par désespoir de s’assimiler(et pour cause) et à augmenter le fracas de leur suicide en faisant allégeance fictive à Daesh,de façon artificielle,non?
N’est il pas de ‘bonne guerre'(oxymore) que Daesh,récupère,ce qu’elle n’a pas organisé?
@ luc
[Vous évoquez Louis XIV,ce qui me permet d’évoquer le sort des huguenots qui s’exilèrent suite à la récusation de l’édit de Nantes.]
« Révocation », pas « récusation »…
[Quelles furent leur évolutions dans leurs différents pays d’accueil? Dans les 13 colonies d’Amérique du Nord, à Berlin, en Afrique du sud,partout l’usage du français par les huguenots disparus en 2 ou 3 générations. La langue locale devint d’usage chez les huguenots, jusque dans les prénoms attribués, les noms de famille restant francophones.]
Vous commettez ici le crime historique d’anachronisme. Au XVII siècle, il n’y a pas encore de langue « nationale », et plus de la moitié des sujets du roi de France ne parlent pas français. D’un autre côté, le tableau est bien plus contrasté que vous ne le pensez. Ainsi, il existe un temple huguenot à Canterbury où l’on célèbre toujours l’office en français…
[En France concernant, les parlers arabiques, de belles âmes proposent sans cesse que soient enseigner aux descendants des locuteurs concernés en France, des cours d’Arabe classique. N’est ce pas un ferment d’anti-assimilation?]
Cela dépend. Si les gens ont envie d’apprendre la langue de leurs ancêtres, c’est leur problème. Mais cela reste une question privée. L’Education Nationale ne devrait pas encourager cet enseignement.
[J’ai suivi ces cours par lubie,il y a quelques années,à la mosquée de Paris dans le Vième à Paris,qui j’espère ne sera pas offerte à l’Algérie. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que nous anonions des versets du Coran, dans ces cours d’apprentissage de l’Arabe?]
Pourquoi cela vous surprend ? Si vous allez apprendre le Latin dans une église, vous aurez certainement droit à des extraits du nouveau testament. Si vous allez apprendre l’hébreu ancien dans une synagogue, vous aurez tout aussi certainement droit à la Torah. Les cours de langue organisés par les églises, ce sont des cours de religion déguisés.
[Renseignement pris, auprés de l’enseignant qui ne comprenant pas le français, nous a répondu en anglais:c’est dans le coran que l’Arabe le plus pur se trouve.]
Encore une fois, c’est une réponse normale pour une mosquée. Le Coran est pour les musulmans un texte incréé, dicté par Dieu lui-même. Et qui connaît mieux la grammaire, la syntaxe et l’utilisation de la langue arabe mieux que Dieu ? Contrairement aux juifs ou aux chrétiens, pour qui les textes fondateurs sont des créations humaines, les musulmans considèrent leur Livre comme venant directement de Dieu. Il est donc nécessairement et dans tous les domaines en haut de toutes les hiérarchies textuelles.
[Ne faudrait il pas convaincre que la francophonie est le début de l’assimilation?]
Sans aucun doute. Mais il faudrait pour cela commencer par convaincre les français – et leurs élites – eux-mêmes. Quand on voit avec quelle facilité notre enseignement a capitulé dans ce domaine…
@ Descartes
Dans le cadre de mes révisions de droit public je suis tombé sur cette analyse d’un avocat publiciste et ancien assistant de justice au CE à propos de la décision du Conseil d’Etat dont nous avions parlé, elle va dans le sens de mes craintes.
http://www.blogdroitadministratif.net/index.php/2016/06/08/354-la-loi-n-est-plus-la-meme-pour-tous
Il ne faudra pas manquer les explications du Vice-président s’il l’évoque dans un discours, mais je suis inquiet, comme si la CEDH n’avait pas une jurisprudence suffisamment individualiste et “libertaire” comme ça…
@ Carnot
[Dans le cadre de mes révisions de droit public (…)]
Je compatis… 😉
En fait, je plaisante. J’adore le droit en général et le droit public en particulier. C’est un condensé de l’histoire de France – et à mon avis, c’est ainsi qu’il est le plus facile de retenir. Alors bonne chance avec vos révisions !
[je suis tombé sur cette analyse d’un avocat publiciste et ancien assistant de justice au CE à propos de la décision du Conseil d’Etat dont nous avions parlé, elle va dans le sens de mes craintes.]
J’ai trouvé cette analyse très pertinente. Depuis notre échange, j’ai lu la décision complète et elle est juridiquement beaucoup plus dangereuse que je ne le pensais au premier abord. En fait, on a fait là un grand pas vers le gouvernement des juges, en nous éloignant de la position légicentriste qui structure le droit français depuis la Révolution. Et la dérive est ancienne : elle a commencé avec la montée en puissance du Conseil Constitutionnel, devenu juge souverain de ce que le Parlement – c’est-à-dire, les élus du peuple – peuvent ou non faire. Le Conseil d’Etat a suivi en tranchant des questions qui appartiennent à la souveraineté nationale – celle de la supériorité des textes européens sur les lois nationales par exemple (Nicolo, Rothmans, etc., vous connaissez ça mieux que moi je pense !).
En fait, si on regarde l’histoire, on retrouve le grand cycle de l’histoire française : l’affaiblissement du pouvoir exécutif et le renforcement des féodaux et des juges qui aboutit à la paralysie, paralysie dont on sort par une rupture constitutionnelle et la constitution d’un exécutif fort qui après quelques années commence à s’affaiblir… et le cycle recommence. Aujourd’hui, les féodaux et les juges ont le pouvoir de faire capoter toute grande réforme, un peu comme les Parlements ont fait capoter les réformes de Turgot ou de Maupeou… le résultat fut la Révolution française !
@ Descartes
[C’est un condensé de l’histoire de France – et à mon avis, c’est ainsi qu’il est le plus facile de retenir]
Je partage, le droit public me passionne également. Cependant si cela le rend effectivement plus facile à retenir croyez bien que ça le rend aussi plus déchirant. Comme vous pouvez l’imaginer, voir des inepties comme la “démocratie administrative”, la “transparence” où “le principe de confiance légitime” portées désormais jusqu’au sommet de nos institutions les plus fondamentales m’est véritablement désespérant…
Je ne suis pas catastrophiste en général car mon intérêt pour l’Histoire et les relations internationales me conduit largement à croire en la solidité des institutions publiques françaises en général, malgré la période difficile qu’elles traversent aujourd’hui. Mais en ce qui concerne le droit public je ne suis cependant pas de cet avis, ses fondements mêmes apparaissent en ruine tant on a retourné sa logique fondatrice contre lui-même. A mon sens à l’origine le droit public part de l’idée très française que l’Etat doit se voir assurer les moyens exorbitants de son action au service de l’intérêt général, mais que celle-ci doit être encadrée par le droit dans l’intérêt des administrés, ce qui contribue également à l’intérêt général. Or depuis trente ans on a assisté à un renversement silencieux mais complet de cet esprit. Le droit public français reposait donc sur un principe de confiance dans l’Etat, qui agit pour le bien de tous et dont il s’agit, seulement mais effectivement, d’encadrer l’action pour éviter qu’elle ait un impact excessif sur les droits des particuliers. Progressivement on est passé, au contraire et sans l’avouer, à un principe de méfiance : il s’agit d’abord de protéger les droits des individus qui tendent à être menacés par un Etat qui par nature est porté à la partialité, à l’inefficacité, etc.
De ce point de vue je trouve que, pour ne prendre qu’un seul exemple, l’existences d’autorités administratives indépendantes est un reniement extrêmement grave de l’esprit de notre droit public, notamment en matière économique. Car si l’Etat dirigé par le gouvernement n’est pas assez impartial et compétent pour choisir les médicaments à mettre en vente ou fixer les tarifs du secteur ferroviaire – sous le contrôle du juge – pourquoi le serait-il davantage pour assurer l’ordre public ou construire des aéroports ?
[Et la dérive est ancienne : elle a commencé avec la montée en puissance du Conseil Constitutionnel, devenu juge souverain de ce que le Parlement – c’est-à-dire, les élus du peuple – peuvent ou non faire. Le Conseil d’Etat a suivi en tranchant des questions qui appartiennent à la souveraineté nationale – celle de la supériorité des textes européens sur les lois nationales par exemple]
Vous n’êtes donc pas en faveur du constitutionnalisme ? Mes sentiments sont mitigés en la matière, car si je reconnais la grandeur de l’idéal légicentriste traditionnel, je crois que ses défauts seraient aujourd’hui bien trop problématiques pour qu’on puisse souhaiter y revenir. Imaginez un peu tous les abandons de souveraineté que notre classe politique aurait déjà consenti s’il n’y avait pas eu le fragile mais réel verrou de la Constitution pour protéger la République…
C’est pourquoi la solution qui a ma préférence serait un contrôle de constitutionnalité large dans son champ – à la fois des lois, des traités internationaux et du droit dérivé de l’UE, ce qui est contraire à la jurisprudence européenne évidemment – afin de faire respecter une véritable hiérarchie des normes et la primauté de la Constitution mais avec une portée limitée par l’encadrement du pouvoir d’interprétation du texte constitutionnel par le Conseil. Par ailleurs le gouvernement peut également utiliser le référendum si le Conseil constitutionnel se piquait de vouloir gouverner à sa place.
[Aujourd’hui, les féodaux et les juges ont le pouvoir de faire capoter toute grande réforme, un peu comme les arlements ont fait capoter les réformes de Turgot ou de Maupeou… le résultat fut la Révolution française !]
Pour la réforme Maupéou, notons c’est Louis XVI lui-même qui l’a retirée, certes sous la pression des Parlements mais ça montre les dégâts que peut causer un pouvoir faible et pusillanime. Je trouve d’ailleurs la réflexion sur ce qui serait arrivé à la France si l’héritier de Louis XV avait eu l’étoffe d’un Louis XIV tout à fait fascinante, quoique évidemment vaine d’un point de vue scientifique. Enfin les voies de la République sont impénétrables, et Louis XVI, incapable empoté, aura finalement bien servi la patrie en lui montrant qu’elle était mûre pour se passer d’un roi…
En tout cas je partage votre analyse sur les cycles de l’Histoire de France. Même si je suis prudent pour ne pas céder à « l’envie de croire » il me semble d’ailleurs que les premiers signes de retournement se font jour ces dernières années. J’espère bien en tout cas avoir un jour l’occasion de participer à l’un de ces cycles de « restauration ».
@ Carnot
[Je partage, le droit public me passionne également. Cependant si cela le rend effectivement plus facile à retenir croyez bien que ça le rend aussi plus déchirant. Comme vous pouvez l’imaginer, voir des inepties comme la “démocratie administrative”, la “transparence” où “le principe de confiance légitime” portées désormais jusqu’au sommet de nos institutions les plus fondamentales m’est véritablement désespérant…]
Oui… c’est toujours déchirant de voir menacée une chose « belle, précieuse, fragile et périssable » pour utiliser les mots de Finkielkraut. Mais le recul historique permet de comprendre que ce n’est pas tout à fait nouveau. Que notre histoire est faite de phases d’avancée et de phases de recul. Pensez à ce que fut la fin de la IIIème République, et aux horreurs juridiques sous le régime de Vichy. Le hasard fait que nous vivons une phase de recul. Raison de plus pour commencer à réfléchir à ce qu’il faudra faire lorsque le pendule repartira dans l’autre sens ! Ce serait magnifique s’il nous était donné de participer à la reconstruction du droit public après le prochain Frexit, non ? 😉
[A mon sens à l’origine le droit public part de l’idée très française que l’Etat doit se voir assurer les moyens exorbitants de son action au service de l’intérêt général, mais que celle-ci doit être encadrée par le droit dans l’intérêt des administrés, ce qui contribue également à l’intérêt général. Or depuis trente ans on a assisté à un renversement silencieux mais complet de cet esprit. Le droit public français reposait donc sur un principe de confiance dans l’Etat, qui agit pour le bien de tous et dont il s’agit, seulement mais effectivement, d’encadrer l’action pour éviter qu’elle ait un impact excessif sur les droits des particuliers. Progressivement on est passé, au contraire et sans l’avouer, à un principe de méfiance : il s’agit d’abord de protéger les droits des individus qui tendent à être menacés par un Etat qui par nature est porté à la partialité, à l’inefficacité, etc.]
Oui, tout à fait. Mais ce n’est pas la première fois. Rappelez-vous ce que fut le rôle des Parlements sous l’Ancien Régime. Là aussi, les « protecteurs des droits des individus » menacés par l’absolutisme sont devenus progressivement les défenseurs d’intérêts particuliers contre l’intérêt général. Ce sont eux qui ont coulé la réforme administrative de Maupeou et celle, fiscale et économique, de Turgot et bloqué le système au point que seule une révolution pouvait le débloquer.
Le principe de méfiance, dont vous parlez justement, matérialise la méfiance des classes dominantes, celles qui ayant beaucoup de bien vivent dans la crainte d’un Etat fort capable de leur enlever pour le redistribuer. Ce qui caractérise la France au cours de son histoire et encore aujourd’hui, c’est que la confiance dans l’Etat est inversement proportionnelle à la situation de fortune. Hier, les paysans voyaient dans l’Etat central le protecteur contre l’arbitraire et la rapacité des seigneurs et des « notables ». Aujourd’hui, les couches populaires voient en lui la seule instance capable d’obliger les riches à partager… les couches accommodées, par contre, craignent toujours un Etat fort, parce qu’elles y ont peu à gagner et beaucoup à perdre. La grande bourgeoisie et les classes moyennes s’accommodaient fort bien de la IVème République, avec son état faible et corrompu. Ce n’est pas sur eux que De Gaulle s’est appuyé pour faire voter la constitution de la Vème, constitution qui, il faut le rappeler, fut condamnée par tous les « bienpensants » de l’époque, Fauvet et Mitterrand en tête…
[Vous n’êtes donc pas en faveur du constitutionnalisme ?]
Avec une grande modération. Surtout chez un peuple aussi réactif que le peuple français. Dans un pays comme l’Allemagne, ou le citoyen est obéissant et la norme est sacrée, celui qui peut faire légitimement la norme détient un énorme pouvoir. Il faut donc un tribunal constitutionnel pour faire contrepoids au pouvoir normatif. Mais en France, où le peuple sort facilement dans la rue lorsqu’il n’est pas content, l’intervention populaire exerce un effet de contrepoids largement suffisant, sans qu’il soit en plus besoin d’un juge. Je suis donc favorable à une vision restrictive du rôle du Conseil Constitutionnel : il doit « coller » de très prêt à la constitution, et s’interdire toute embardée dans les domaines que celle-ci n’aborde pas.
[C’est pourquoi la solution qui a ma préférence serait un contrôle de constitutionnalité large dans son champ – à la fois des lois, des traités internationaux et du droit dérivé de l’UE, ce qui est contraire à la jurisprudence européenne évidemment – afin de faire respecter une véritable hiérarchie des normes et la primauté de la Constitution mais avec une portée limitée par l’encadrement du pouvoir d’interprétation du texte constitutionnel par le Conseil.]
C’est un peu ce que je soutiens.
[Par ailleurs le gouvernement peut également utiliser le référendum si le Conseil constitutionnel se piquait de vouloir gouverner à sa place.]
Effectivement, le référendum reste le verrou ultime du système. On ne peut qu’admirer le génie – ou la chance – des constituants de 1958 qui ont bâti un système aussi respectueux finalement de la souveraineté populaire, tout en donnant des institutions fortes et véritablement capables de gouverner.
[En tout cas je partage votre analyse sur les cycles de l’Histoire de France. Même si je suis prudent pour ne pas céder à « l’envie de croire » il me semble d’ailleurs que les premiers signes de retournement se font jour ces dernières années.]
Vous avez tort. C’est l’un des rares domaines ou je dirais qu’il faut céder à l’envie de croire… c’est ce que j’appelle « l’optimisme méthodologique ». Si je ne croyais pas qu’il y a des cycles et que le balancier reviendrai un jour, je n’aurais pas le courage d’aller travailler le matin !
@ Descartes
[Raison de plus pour commencer à réfléchir à ce qu’il faudra faire lorsque le pendule repartira dans l’autre sens ! Ce serait magnifique s’il nous était donné de participer à la reconstruction du droit public après le prochain Frexit, non ? ;-)]
Absolument ! Et je mentirais en disant que cette perspective ne m’a jamais traversé l’esprit…
[Effectivement, le référendum reste le verrou ultime du système. On ne peut qu’admirer le génie – ou la chance – des constituants de 1958 qui ont bâti un système aussi respectueux finalement de la souveraineté populaire, tout en donnant des institutions fortes et véritablement capables de gouverner.]
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Constitution de la Ve, même mutilée par des révisions mal inspirées et une pratique aux antipodes de son esprit doit être préservée à tout prix. L’article 11 reste malgré tout par exemple ce qui a le plus de chance de nous sauver des féodaux au moindre coût, sans ce dispositif il faudrait probablement attendre une situation autrement plus dégradée pour avoir peut-être enfin la possibilité de recentraliser le pays. En tout cas en ce qui me concerne être partisan de la VIe République c’est pour moi une ligne rouge dans mes choix de citoyen électeur, jamais je ne voterai pour aucun candidat qui aura dans son programme le sabotage de ce qu’il reste de puissance de gouverner dans nos institutions.
@ Carnot
@ Descartes
[C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Constitution de la Ve, même mutilée par des révisions mal inspirées et une pratique aux antipodes de son esprit doit être préservée à tout prix.]
Lorsque je préparais mon droit public, je me souviens d’avoir trouvé dans la bibliothèque universitaire que je fréquentais – j’ai toujours été un rat de bibliothèque – les tomes oubliés des comptes rendus de la commission consultative qui a élaboré l’avant projet puis le projet de constitution de 1958. C’était absolument passionnant. Rétrospectivement, on ne peut qu’admirer le niveau des discussions. Si vous avez l’opportunité, le titre est « Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958 » en quatre tomes.
[En tout cas en ce qui me concerne être partisan de la VIe République c’est pour moi une ligne rouge dans mes choix de citoyen électeur, jamais je ne voterai pour aucun candidat qui aura dans son programme le sabotage de ce qu’il reste de puissance de gouverner dans nos institutions.]
Personnellement, je ne suis pas aussi fermé que vous à l’idée d’une « VIème République ». La Constitution de 1958 n’est pas parfaite – et elle est encore plus imparfaite au bout de vingt ans de réformettes mal conçues. Un véritable processus constituant pourrait être intéressant pour moderniser les institutions. Mais comme vous je ne voterai aucun candidat qui propose le retour au régime d’assemblée. Il faut un exécutif fort, parce que cette force est la garantie qu’il est aussi responsable. Et bien entendu, il faut conserver la possibilité pour l’exécutif d’en appeler au peuple par la voie du référendum.
Mais je vous accorde que tous ceux qui parlent de « VIème République » sont des nostalgiques de la IVème… c’est d’ailleurs remarquable de constater que la gauche – et la gauche radicale en particulier – conçoit les institutions toujours depuis la perspective de l’opposition. Leur réflexion institutionnelle aboutit toujours à des constructions conçues non pas pour pouvoir faire, mais pour pouvoir être bloquées. D’ailleurs vous noterez que le seul pouvoir qui les intéresse est le législatif, et éventuellement le judiciaire. Vous aurez du mal à y trouver une réflexion sur le mode de fonctionnement de l’exécutif…
[Si vous avez l’opportunité, le titre est « Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958 » en quatre tomes.]
Merci beaucoup, dès que j’aurai un peu de temps je ne manquerai pas d’aller chercher ça.
[La Constitution de 1958 n’est pas parfaite – et elle est encore plus imparfaite au bout de vingt ans de réformettes mal conçues.]
En fait la principale chose qui me gêne dans la Constitution de 1958, c’est qu’elle laisse trop de place à une pratique diamétralement contraire à son esprit – la cohabitation – et que je ne vois pas comment y remédier, puisque donner de jure le droit à l’Assemblée de forcer le Président à la démission changerait totalement l’équilibre des pouvoirs. Mais ce problème mis à part je pense qu’il serait possible de la réformer pour corriger certains de ses défauts et la faire revenir à une lettre plus conforme à son esprit originel.
Sinon quels sont les principaux défauts que vous lui trouvez, Union européenne et quinquennat mis à part ? En ce qui me concerne et si je me limite aux principaux aspects qui mériteraient selon moi révision :
1) Evidemment la décentralisation depuis 2003 pose un énorme problème, mais même la Constitution de 1958 version originale est trop « girondine » pour moi avec sa reconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales. Je serais même favorable à qu’on y introduise une disposition interdisant la fiscalité locale et disposant du financement des collectivités par des dotations budgétaires de l’Etat
2) Je suis favorable à la suppression du Sénat auquel, en bon jacobin, je ne lui trouve aucune légitimité pour voter la loi, et pour faire bon poids je supprimerais volontiers également le CESE et le défenseur des droits…
3) Bien entendu il faut supprimer la charte de l’environnement, toutes ces dispositions était très bien à leur place dans le code de l’environnement au niveau législatif ou devraient être simplement abrogées comme l’inénarrable article 7
4) Je suis favorable à ce qu’on ajoute à l’article premier l’article 2 de la loi de 1905 avec de définitivement verrouiller l’interdiction du financement du culte. Evidemment il faudrait en finir avec le Concordat préalablement
5) A mon avis il serait bon qu’on rende automatique le contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel quant aux traités qui relèvent du domaine de la loi
6) Il faudrait supprimer le deuxième alinéa du préambule de la Constitution, s’il se justifiait de temps de la Communauté il est aujourd’hui à l’origine d’une jurisprudence très douteuses sur les « populations d’outre-mer » reconnues au sein du peuple français
7) Le sujet est très spécifique mais le titre XIII sur la Nouvelle-Calédonie est une véritable forfaiture, l’indifférence avec laquelle il a été voté est un scandale. De manière générale les articles 73 et 74 vont beaucoup trop loin dans la spécificité reconnue à l’outre-mer et dans l’autonomie potentielle.
Comme vous pouvez le constater, je vois davantage de « restaurations » à faire que de changements de fond.
@ Carnot
[En fait la principale chose qui me gêne dans la Constitution de 1958, c’est qu’elle laisse trop de place à une pratique diamétralement contraire à son esprit – la cohabitation – et que je ne vois pas comment y remédier, puisque donner de jure le droit à l’Assemblée de forcer le Président à la démission changerait totalement l’équilibre des pouvoirs.]
Plus largement, la principale faiblesse de la Constitution de 1958 est en fait sa principale force : c’est une constitution flexible. Elle pose de grands principes, mais laisse en fait une très grande marge d’interprétation. Ce qui explique qu’elle plie mais ne rompt pas. En fait, je pense que les rédacteurs avaient pour guide un principe fondamental : « on ne gouverne pas contre le peuple ». Il faut garder ce principe en tête : aucun texte constitutionnel ne peut protéger le peuple de sa propre folie. En 1986, le peuple voulait la cohabitation. Ni la droite, ni la gauche n’ont appelé à la démission de Mitterrand. Une constitution qui aurait interdit la cohabitation aurait peut-être évité cet épisode, mais l’aurait évité en faussant la volonté du peuple.
[Sinon quels sont les principaux défauts que vous lui trouvez, Union européenne et quinquennat mis à part ?]
En vrac : il faudrait mieux préciser les fonctions du Conseil constitutionnel de manière à barrer toute tentation d’en faire une cour suprême ; il faudrait interdire explicitement les « statuts particuliers » et faire de l’unité juridique et administrative un principe constitutionnel ; il faudrait mieux préciser les pouvoirs du président et du premier ministre, et notamment la question – épineuse – de savoir si le président peut ou non renvoyer le premier ministre ; il faudrait faire de la supériorité de la Constitution sur n’importe quelle norme – y compris les textes internationaux – un principe non révisable, au même titre que la forme républicaine de gouvernement…
[1) Evidemment la décentralisation depuis 2003 pose un énorme problème, mais même la Constitution de 1958 version originale est trop « girondine » pour moi avec sa reconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales. Je serais même favorable à qu’on y introduise une disposition interdisant la fiscalité locale et disposant du financement des collectivités par des dotations budgétaires de l’Etat]
Je réserve mon opinion. Comme je l’ai dit plus haut, je tiens à assurer l’uniformité et l’unité juridique et administrative – en d’autres termes, mêmes lois et mêmes règles dans tous les points de la République – mais il y a aussi un équilibre à maintenir entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central. La « libre administration dans le cadre de la loi » me paraît un équilibre raisonnable, en permettant à l’Etat central d’intervenir tout en réservant les règles d’administration locale au pouvoir législatif. Peut-être pourrait-on « constitutionnaliser » le partage des compétences entre l’Etat et les pouvoirs locaux ?
[2) Je suis favorable à la suppression du Sénat auquel, en bon jacobin, je ne lui trouve aucune légitimité pour voter la loi, et pour faire bon poids je supprimerais volontiers également le CESE et le défenseur des droits…]
Là aussi, je m’interroge. J’ai vu fonctionner la Chambre des Lords en Grande Bretagne, et je dois dire que c’est une chambre qui apporte beaucoup au débat politique. En fait, les « vrais » Lords – les pairs héréditaires – n’y vont presque jamais, et ceux qui participent aux séances sont les « pairs à vie » nommés par les partis politiques, en général des experts reconnus de leur domaine ou des politiciens très expérimentés en fin de carrière. Le simple fait d’entrer dans cette chambre marque la fin de la carrière politique « active », et ces gens ont donc une très grande liberté de parole et des compétences réelles. Au départ, le CESE était censé remplir ce rôle, mais malheureusement il est devenu une sorte de sinécure pour récompenser la fidélité des porte-flingue. Il serait intéressant à mon avis de créer une enceinte ou des « anciens » pourraient faire profiter la République de leur savoir et de leur expérience et, avantage supplémentaire, cela leur permettrait de prendre honorablement leur retraite et laisser la place aux jeunes…
Quant au « Sénat des provinces »… il faut réfléchir. Je vous accorde qu’il ne sert pas à grande chose, mais en même temps pour les gens qui habitent hors des grandes villes le sénateur est un lien avec une République qui est relativement lointaine. L’abolition serait ressentie par ces citoyens comme une marginalisation supplémentaire.
[3) Bien entendu il faut supprimer la charte de l’environnement, toutes ces dispositions était très bien à leur place dans le code de l’environnement au niveau législatif ou devraient être simplement abrogées comme l’inénarrable article 7]
Oui !!!!
[4) Je suis favorable à ce qu’on ajoute à l’article premier l’article 2 de la loi de 1905 avec de définitivement verrouiller l’interdiction du financement du culte. Evidemment il faudrait en finir avec le Concordat préalablement]
Sur le principe, je ne peux qu’être d’accord – et en pratique, l’article en question appartient au « bloc de constitutionnalité ». Mais il faudrait un grand doigté dans l’exécution, pour régler la question en Alsace-Moselle. Plus qu’un « grand soir », je pense qu’il faudrait un mécanisme lent d’extinction…
[5) A mon avis il serait bon qu’on rende automatique le contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel quant aux traités qui relèvent du domaine de la loi]
Oui. Dans la mesure où il deviennent par leur ratification « supérieurs aux lois, même postérieures », cela se justifie.
[6) Il faudrait supprimer le deuxième alinéa du préambule de la Constitution, s’il se justifiait de temps de la Communauté il est aujourd’hui à l’origine d’une jurisprudence très douteuses sur les « populations d’outre-mer » reconnues au sein du peuple français]
Oui !
[7) Le sujet est très spécifique mais le titre XIII sur la Nouvelle-Calédonie est une véritable forfaiture, l’indifférence avec laquelle il a été voté est un scandale. De manière générale les articles 73 et 74 vont beaucoup trop loin dans la spécificité reconnue à l’outre-mer et dans l’autonomie potentielle.]
Oui. Je pense que la Constitution devrait réaffirmer le principe d’unité juridique et administrative. Pour le dire plus brutalement : si les territoires périphériques veulent faire partie de la collectivité nationale et bénéficier des mécanismes de solidarité qu’elle met en place, il faut qu’elles acceptent ses règles. Et dans le long terme, c’est leur intérêt : les français métropolitains n’accepteront pas indéfiniment de subventionner des gens pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent.
[Comme vous pouvez le constater, je vois davantage de « restaurations » à faire que de changements de fond.]
Dès lors qu’on pose comme principe – comme nous le faisons vous et moi – qu’il faut un pouvoir exécutif fort et une unité jacobine, il ne reste plus beaucoup de marge pour les « changements de fond »…
@ Descartes
[Plus largement, la principale faiblesse de la Constitution de 1958 est en fait sa principale force : c’est une constitution flexible. Elle pose de grands principes, mais laisse en fait une très grande marge d’interprétation. Ce qui explique qu’elle plie mais ne rompt pas. En fait, je pense que les rédacteurs avaient pour guide un principe fondamental : « on ne gouverne pas contre le peuple ».]
Oui, et c’est très sage. Cela me rappelle la phrase prêtée à Bonaparte selon laquelle « une bonne constitution doit être courte et obscure ». J’ai toujours été frappé à ce titre par l’obsession d’une certaine gauche pour les « états d’exception » comme l’article 16, alors qu’ils sont précisément là pour offrir la souplesse sans laquelle, dans des situations exceptionnelles, le droit serait tout simplement violé sous l’empire de la nécessité.
[En vrac : il faudrait mieux préciser les fonctions du Conseil constitutionnel de manière à barrer toute tentation d’en faire une cour suprême ; il faudrait interdire explicitement les « statuts particuliers » et faire de l’unité juridique et administrative un principe constitutionnel ; il faudrait mieux préciser les pouvoirs du président et du premier ministre, et notamment la question – épineuse – de savoir si le président peut ou non renvoyer le premier ministre ; il faudrait faire de la supériorité de la Constitution sur n’importe quelle norme – y compris les textes internationaux – un principe non révisable, au même titre que la forme républicaine de gouvernement… ]
Je partage largement ces préoccupations, qui me semblent également mériter la révision de la Constitution. Mais sur la question effectivement difficile de la possibilité ou non pour le président de renvoyer le Premier ministre, quel est votre avis ?
[La « libre administration dans le cadre de la loi » me paraît un équilibre raisonnable,]
Tout dépend ce qu’on entend par là, mais il faut garder à l’esprit qu’avant 1981 le Conseil constitutionnel n’avait jamais contrôlé les pratiques en vigueur à l’aune du principe de libre administration (dont il a affirmé la valeur de PVC en 1982 par sa décision « statut de la Corse ». A mon avis par exemple le régime de tutelle strict et le contrôle a priori qu’exerçait le préfet sur les actes des collectivités auraient beaucoup de chance d’être déclarés contraires à la Constitution par QPC aujourd’hui, même à supposer qu’on en revienne au texte de 1958 en matière de collectivités. C’est la raison pour laquelle je suis simplement favorable à supprimer le « librement » et à laisser « les collectivités territoriales s’administrent par des conseils élus ». Sinon la fiscalité locale me pose un véritable problème de principe, comment l’égalité des citoyens pourrait-elle être respectée si telle collectivité riche n’a pas besoin de lever beaucoup d’impôts pour ses services publics tandis que telle autre doit accroître ses prélèvement et réduire la qualité de ses services pour conserver son équilibre financier ?
[Là aussi, je m’interroge. J’ai vu fonctionner la Chambre des Lords en Grande Bretagne, et je dois dire que c’est une chambre qui apporte beaucoup au débat politique.]
Votre remarque est intéressante, je vous avoue volontiers que je n’avais jamais songé à comparer le CESE à la chambre des Lords tant son caractère inutile m’apparaissait évident, en fait le CESE m’évoque les offices honorifiques du Grand Siècle qui assuraient une rente à leurs bénéficiaires nobles sans demander aucun travail (comme la charge de responsable des chapeaux du Roi par exemple). Mais dans l’idée effectivement je suis assez séduit par la possibilité d’un Conseil consultatif généraliste où seraient nommés des experts reconnus disposant d’une parole assez libre, cependant je suis très dubitatif quant à la possibilité d’y parvenir. Si la chambre des Lords peut avoir un tel prestige c’est parce qu’elle a le privilège d’être l’une des plus anciennes institutions de la Couronne britannique, et de marquer profondément la culture politique du pays, il faudrait quelques siècles à un CESE même réformé pour atteindre une position comparable…
[Quant au « Sénat des provinces »… il faut réfléchir. Je vous accorde qu’il ne sert pas à grande chose, mais en même temps pour les gens qui habitent hors des grandes villes le sénateur est un lien avec une République qui est relativement lointaine. L’abolition serait ressentie par ces citoyens comme une marginalisation supplémentaire.]
Déjà sur le principe l’idée que les collectivités locales auraient droit à une représentation me pose problème. Pourquoi pas les arbres et les animaux tant qu’on y est ? Vous me direz avec la Vie République selon certains on ne serait pas à l’abri d’une « innovation » de ce type… Sinon concernant l’effet produit sur « la France périphérique », je pense que cela passerait bien si, dans le cadre d’une recentralisation, cette suppression du Sénat s’accompagnait d’un retour des services déconcentrés de l’Etat dans la vie quotidienne de nos concitoyens, et par une présence plus visible des sous-préfets.
[Pour le dire plus brutalement : si les territoires périphériques veulent faire partie de la collectivité nationale et bénéficier des mécanismes de solidarité qu’elle met en place, il faut qu’elles acceptent ses règles.]
Tout à fait. L’outre-mer est un sujet qui me passionne, et je trouve ça très regrettable que les métropolitains aient tendance à la considérer comme une dépendance éloignée, presque une bizarrerie de l’Histoire, et non comme une part de la République indivisible, sur laquelle vivent près de 3 millions de nos concitoyens. C’est assez triste à dire mais comme souvent dans les discours politique le FN semble actuellement le seul parti à faire attention à rappeler régulièrement à la fois l’appartenance pleine et entière de l’outre-mer à la République et le fait que ses habitants sont des citoyens français que nous ne devons pas oublier. Les autres partis ne s’adressent en général à nos concitoyens d’outre-mer que sur le mode du clientélisme le plus décomplexé…
@ Carnot
[Oui, et c’est très sage. Cela me rappelle la phrase prêtée à Bonaparte selon laquelle « une bonne constitution doit être courte et obscure ». J’ai toujours été frappé à ce titre par l’obsession d’une certaine gauche pour les « états d’exception » comme l’article 16, alors qu’ils sont précisément là pour offrir la souplesse sans laquelle, dans des situations exceptionnelles, le droit serait tout simplement violé sous l’empire de la nécessité.]
Je ne connaissais pas la phrase de Bonaparte, mais je la retiens. Quant à votre remarque sur l’article 16, elle est très juste. Dans une situation exceptionnelle où les pouvoirs publics ne seraient en mesure de fonctionner, l’exécutif – quelque soit le parti au pouvoir – serait conduit à prendre des mesures exceptionnelles. Si la constitution est trop rigide, elles seront prises en dehors d’elle, et elles n’auront donc aucune limite, puisque toutes les bornes auront été franchies. Avec l’article 16, on peut prendre des mesures d’exception dans un contexte qui restera cadré, en particulier en maintenant la possibilité de recours juridictionnelles (CE, 19 octobre 1962, « Rubin de Servens »)…
[Mais sur la question effectivement difficile de la possibilité ou non pour le président de renvoyer le Premier ministre, quel est votre avis ?]
Comme la plupart des constitutionnalistes, je penche pour le « non ». Répondre « oui » à cette question, c’est transformer le Premier ministre en un simple « collaborateur » du président de la République, qui du coup devient le chef de la majorité parlementaire. Or, j’adhère à une vision « diarchique » de la Vème République, qui implique la tension entre les deux légitimités, celle du Président – fondée sur le suffrage universel direct – et celle du Premier ministre, issue de la majorité parlementaire.
[Tout dépend ce qu’on entend par là, mais il faut garder à l’esprit qu’avant 1981 le Conseil constitutionnel n’avait jamais contrôlé les pratiques en vigueur à l’aune du principe de libre administration (dont il a affirmé la valeur de PVC en 1982 par sa décision « statut de la Corse »). A mon avis par exemple le régime de tutelle strict et le contrôle a priori qu’exerçait le préfet sur les actes des collectivités auraient beaucoup de chance d’être déclarés contraires à la Constitution par QPC aujourd’hui, même à supposer qu’on en revienne au texte de 1958 en matière de collectivités.]
Ce n’est pas évident, à condition que cette tutelle soit prévue par un texte législatif. Mais faut-il revenir à une tutelle aussi étroite ? Autant je suis pour une limitation stricte des compétences des collectivités locales, autant je suis pour un libre exercice des compétences que la loi leur accorde. C’est la seule manière de responsabiliser les élus.
[Sinon la fiscalité locale me pose un véritable problème de principe, comment l’égalité des citoyens pourrait-elle être respectée si telle collectivité riche n’a pas besoin de lever beaucoup d’impôts pour ses services publics tandis que telle autre doit accroître ses prélèvement et réduire la qualité de ses services pour conserver son équilibre financier ?]
C’est là la raison pour laquelle les compétences des collectivités doivent à mon avis être strictement limitées et contrôlées. Un pouvoir qui ne fait que dépenser l’argent mais qui ne rend pas compte de son prélèvement est par essence irresponsable. Pour les responsabiliser, il faudrait qu’elles financent leurs compétences avec leur propre fiscalité… ce qui suppose une atteinte à l’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire.
[Si la chambre des Lords peut avoir un tel prestige c’est parce qu’elle a le privilège d’être l’une des plus anciennes institutions de la Couronne britannique, et de marquer profondément la culture politique du pays, il faudrait quelques siècles à un CESE même réformé pour atteindre une position comparable…]
Il faudrait surtout une très grande discipline dans les nominations… et je crains que dans notre mentalité ce soit pratiquement impossible d’y aboutir !
[Déjà sur le principe l’idée que les collectivités locales auraient droit à une représentation me pose problème. Pourquoi pas les arbres et les animaux tant qu’on y est ?]
Parlez pas de malheur… Plus sérieusement, il y a une France rurale et périphérique qui, dans une représentation fondée sur des circonscriptions d’égale population, serait écrasée du point de vue de la représentation par le facteur démographique. Comment éviter cet écrasement tout en conservant à l’Assemblée nationale une véritable représentativité ? Une deuxième chambre biaisée en faveur de ces territoires mais aux pouvoirs limités n’est pas une trop mauvaise solution…
[Sinon concernant l’effet produit sur « la France périphérique », je pense que cela passerait bien si, dans le cadre d’une recentralisation, cette suppression du Sénat s’accompagnait d’un retour des services déconcentrés de l’Etat dans la vie quotidienne de nos concitoyens, et par une présence plus visible des sous-préfets.]
Je partage ce besoin de présence. En cela, je m’insurge contre les technocrates qui ne regardent que le coût et l’efficacité du fonctionnement de l’administration territoriale, sans regarder les questions symboliques. C’est ce maillage étroit de l’administration déconcentrée et des préfectures qui permet à l’Etat de « s’enraciner ». Ils jouent le même rôle que le « porte à porte » des militants PCF de la grande époque. Et on sait ce qui est arrivé au PCF quand il a abandonné ces pratiques…
[C’est assez triste à dire mais comme souvent dans les discours politique le FN semble actuellement le seul parti à faire attention à rappeler régulièrement à la fois l’appartenance pleine et entière de l’outre-mer à la République et le fait que ses habitants sont des citoyens français que nous ne devons pas oublier. Les autres partis ne s’adressent en général à nos concitoyens d’outre-mer que sur le mode du clientélisme le plus décomplexé…]
Tout à fait…faut dire que la plupart des partis est dans une logique du “ça m’suffit”, et non dans celle d’une France puissance présente sur les cinq continents…
Si vos amis experts de l’éducation des enfants sont des “psys”, je vous dirai que je crois qu’on ne se méfie pas assez de ces gens-là, dont un grand nombre dit beaucoup de conneries. Mais passons, je pourrais m’étendre sur ce sujet car j’ai pas mal fréquenté ce milieu à une époque et lu de leurs ouvrages, mais je ne voudrais pas être désobligeante pour vos amis.
Votre définition de la littérature est étrange. A la limite, cela pourrait être celle de l’art en général, et encore, ce serait plutôt “la vision du monde, l’univers de l’artiste”. De mon côté, pour la littérature, je prends tout simplement celle du dictionnaire : “Usage esthétique du langage écrit” (donc Mein Kampf ne rentre pas dedans, je suis cohérente). Tiens, je tombe sur une citation de Gide (que je n’affectionne pas particulièrement) qui me paraît, à moi, assez juste, mais pas à vous j’imagine : “les meilleures intentions font souvent les pires œuvres d’art et […] l’artiste risque de dégrader son art à le vouloir édifiant.”
Je ne crois pas que la transformation qu’opère sur nous la littérature soit de nature à nous rendre plus gentil ou plus méchant… C’est autre chose, elle nous rend plus intelligents car elle nous permet de nous confronter à d’autres consciences (mais si on est gentil, on restera gentil, et méchant si on est méchant).
J’aimerais beaucoup que vous développiez la façon dont on arrive à savoir si les gens sont plus ou moins cultivés qu’avant. Des statistiques sur la manière de s’exprimer, dites-vous : mais comment savoir comment s’exprimaient les gens du peuple dans les années 30, 40, 50 ? Les enregistrements qu’on a sont plutôt de bourgeois…
Je cherche “cultivé” dans le dictionnaire : “Qui possède une bonne culture générale”. Je cherche culture générale : “Ensemble des connaissances de base dans les domaines intellectuels considérés comme importants par la société en place, qui précède la spécialisation et correspond à un niveau d’instruction secondaire.”
Vous m’accorderez que s’il est un “domaine intellectuel considéré comme important par la société en place”, c’est quand même encore la littérature. Alors, est-ce que les gens, en général (pas les bourgeois), connaissaient mieux la littérature avant que maintenant ? Pas sûr. Les ouvriers, les paysans lisaient peut-être le journal, mais pas souvent des livres… Alors que penser ?
Une chose est sûre et vérifiable, et vous le dites bien : si on se base sur les statistiques sur le langage, les élites de maintenant sont beaucoup moins cultivées que les élites d’avant…
@ Nana1985
[Si vos amis experts de l’éducation des enfants sont des “psys”, (…)]
Plutôt tout le contraire. Ils sont de stricte obédience piagetienne…
[De mon côté, pour la littérature, je prends tout simplement celle du dictionnaire : “Usage esthétique du langage écrit” (donc Mein Kampf ne rentre pas dedans, je suis cohérente).]
Faites attention : votre définition efface de la littérature tout ce qui n’est pas « beau ». Car qu’est ce « l’esthétique », sinon la recherche du « beau » ? Avec une définition aussi restrictive, vous chassez certes Mein Kampf du champ de la littérature… mais vous pourriez aussi chasser Céline ou Sade, selon la vision qu’on a de « l’esthétique »…
[Tiens, je tombe sur une citation de Gide (que je n’affectionne pas particulièrement) qui me paraît, à moi, assez juste, mais pas à vous j’imagine : “les meilleures intentions font souvent les pires œuvres d’art et […] l’artiste risque de dégrader son art à le vouloir édifiant.”]
Sauf que dans nos échanges on n’a jamais parlé de l’artiste. Mon commentaire porte sur la manière dont les œuvres doivent être diffusées, et non sur la manière dont elles doivent être créées. Si quelqu’un a envie d’organiser une exposition de vomis ouverte à un public connaisseur, c’est son droit le plus légitime. Mais je ne trouverais pas bon que l’éducation nationale y organise une visite.
[Je ne crois pas que la transformation qu’opère sur nous la littérature soit de nature à nous rendre plus gentil ou plus méchant… C’est autre chose, elle nous rend plus intelligents car elle nous permet de nous confronter à d’autres consciences (mais si on est gentil, on restera gentil, et méchant si on est méchant).]
Je détecte dans votre position un grand idéalisme : au fond, vous pensez que rendre les gens plus intelligents est un bien en soi, tout simplement parce que l’intelligence rend gentil. Personnellement, je m’interroge : faut-il rendre plus intelligents les gens qui ensuite utiliseront cette intelligence pour organiser des assassinats de masse ? La question reste posée…
[J’aimerais beaucoup que vous développiez la façon dont on arrive à savoir si les gens sont plus ou moins cultivés qu’avant. Des statistiques sur la manière de s’exprimer, dites-vous : mais comment savoir comment s’exprimaient les gens du peuple dans les années 30, 40, 50 ? Les enregistrements qu’on a sont plutôt de bourgeois…]
Pas du tout. Les historiens ont par exemple beaucoup travaillé sur les correspondances envoyées pendant la guerre de 1914-18. On a en effet sur cette période un énorme corpus constitué d’écrits dont les auteurs venaient de toutes les régions, et de toutes les classes sociales. On y constate une qualité dans la syntaxe, dans l’orthographe, dans la grammaire qu’on ne retrouve pas sur les textes contemporains…
[Vous m’accorderez que s’il est un “domaine intellectuel considéré comme important par la société en place”, c’est quand même encore la littérature.]
J’aimerais bien vous l’accorder, mais cela m’est impossible. Il faudra m’expliquer pourquoi, si la littérature est « considéré comme important », on ne retrouve aucune trace dans le discours de nos élites politico-médiatiques. Où sont les citations littéraires dans les interventions de notre président de la République, de notre premier ministre ? Ou sont les références littéraires dans les articles des journalistes ? Comment une société si attachée à la littérature peut-elle consentir à un appauvrissement continu de la langue et de sa graphie ?
Ne nous berçons pas de douces illusions. Pendant longtemps, la France a été le pays de la littérature, et nos élites très attachés à la langue écrite. On a eu des présidents qui, en réponse à une question impromptue, pouvaient réciter Péguy, Valéry ou Eluard. Mais on ne les a plus, et il faut prendre conscience du désastre si on veut faire quelque chose pour le réparer.
[Alors, est-ce que les gens, en général (pas les bourgeois), connaissaient mieux la littérature avant que maintenant ? Pas sûr. Les ouvriers, les paysans lisaient peut-être le journal, mais pas souvent des livres… Alors que penser ?]
Par exemple, que beaucoup de grands livres ont été d’abord publiés en feuilleton, et suivis avec passion par les ouvriers, par exemple. Je ne sais pas si les ouvriers ou les paysans lisaient des livres, mais ils lisaient certainement plus qu’aujourd’hui et surtout, même lorsqu’ils ne lisaient pas, avaient un respect quasi sacré pour le texte écrit. Je n’imagine pas les paysans et les ouvriers du XIXème saccageant une bibliothèque, comme ce fut le cas pendant les émeutes de 2005.
[Une chose est sûre et vérifiable, et vous le dites bien : si on se base sur les statistiques sur le langage, les élites de maintenant sont beaucoup moins cultivées que les élites d’avant…]
Je parlerai plutôt de pseudo-élites, celles du petit monde médiatique. Les véritables élites restent quand même très cultivées en France. Mais il faut aller plus loin : pourquoi les élites politico-médiatiques ont renoncé à cette culture ? Pourquoi a-t-elle perdu son importance comme marqueur social ? Peut être parce qu’il faut persuader les couches populaires que la culture ne libère pas ?
Bonjour Descartes,
> Ne nous berçons pas de douces illusions. Pendant longtemps, la France a été le pays de la littérature, et nos élites très attachés à la langue écrite. On a eu des présidents qui, en réponse à une question impromptue, pouvaient réciter Péguy, Valéry ou Eluard. Mais on ne les a plus […]
N’est-ce pas aussi parce que la littérature contemporaine ne propose pas de regard sur le monde social, politique ou économique, hors de l’examen nombriliste de sa propre biographie, souvent sous l’angle du désarroi sexuel et affectif ou bien du spleen existentiel petit-bourgeois ? Je caricature un peu, mais pas tant que ça, il me semble… À part Houellebecq et peut-être un ou deux autres, il paraît difficile de mobiliser aujourd’hui la littérature dans un discours politique (sauf un discours communautariste et identitaire, du type mon nombril ma souffrance).
Quand la littérature se fiche de la politique, la politique n’a plus grand’chose à tirer de la littérature.
@ Antoine
[N’est-ce pas aussi parce que la littérature contemporaine ne propose pas de regard sur le monde social, politique ou économique, hors de l’examen nombriliste de sa propre biographie, souvent sous l’angle du désarroi sexuel et affectif ou bien du spleen existentiel petit-bourgeois ? Je caricature un peu, mais pas tant que ça, il me semble…]
Non, vous avez raison. A part quelques honorables exceptions, le roman français aujourd’hui tourne généralement autour du nombril de l’écrivain. Mais s’ils ne trouvent pas des références dans le roman contemporain, nos politiques et nos journalistes peuvent toujours puiser dans la bibliothèque du passé… ou bien dans les essais – car la littérature ne se réduit pas au roman.
“je ne vois aucun avantage à faire lire à un enfant de 12 ans Céline ou Sade.”
De toute façon, il n’y en aurait pas car que pigerait un gamin de 12 ans aux écrits de Céline ? Idem pour un texte de Léo Ferré, dans un autre registre, qui s’adresse à des êtres matures.
Il y a un âge pour apprécier ce genre de texte et ça ne peut être à 12 ans.
Je ne crois pas qu’il y aurait beaucoup de parents qui expréssément, poseraient les bouquins en question sur la table de nuit de l’enfant !
A 12 ans on va sur facebook et on parle de choses de gamins, c’est tout ce que je constate !
Quand on surprend les conversations des jeunes, dans la rue, dans les transports, on voit bien déjà que même ceux qui ont entre 16-17 ans, sont restés encore très bébé dans leurs têtes ! Et même au-delà de 18 ans !!!
Je pense que devenus adultes, ne seront pas majoritaires, ceux qui aimeront s’infliger des cures régulières de réflexions trop poussées, sur le sens à donner à leur vie, influencées, entre autres, par la lecture de leur auteurs favoris.
Les gens aujourd’hui répètent tout le temps “pas de prise de tête” !
Les êtres « pensants » sont généralement des pessimistes, virant parfois misanthropes, fuyant bringues et distractions futiles. Ils ne sont pas fréquentables car ils ont en horreur l’amusement facile ! Ils leur faut du premier choix à voir, entendre, toucher, aimer et penser alors ‘ils ne vont pas s’emmerder avec des « coupés de leurs émotions ».
Une chose est sûre, ce n’est pas ludique du tout de lire Céline, pas plus que les « pensées » de Pascal, d’ailleurs ! Et pour ce genre d’exercice, faut être en phase, pas dans la fuite de soi, ni dans l’overdose de sorties, toutes plus distrayantes les unes que les autres !
On ne peut pas tout faire dans la vie, on va vers ce qui nous attire furieusement et ce n’est pas donné à tout le monde que d’être capable d’entrer en introspection et de supporter une certaine solitude !
Eprouver de la fascination pour un écrivain, un peintre, un musicien, ce n’est pas à la portée d’un gosse de 12 ans ! Et oui il faut de la fascination, qu’importe la bonne ou mauvaise réputation de l’artiste tant convoité, ce qui compte c’est qu’il vous donne envie de vous immerger totalement dans son monde, bien au-delà du rôle du spectateur et des limites de son oeuvre !
Maintenant résumer Céline à ses propos antisémites, c’est un peu trop court à mon goût.
Ca se passe à un autre niveau de conscience ! Moi, j’ai autant besoin de m’intéresser à l’homme qu’à son œuvre, en général, et j’ai horreur des raccourcis ! L’oeuvre de Céline est considérée comme impure , soit et il en a voulu ainsi !
Mais Céline n’a tué personne !
Qu’il ait écrit des monstruosités, c’est un fait mais ce qui est intéressant c’est de chercher à comprendre comment il en est arrivé là et pourquoi et c’est forcément bien plus complexe que l’étiquette d’antisémite qu’on lui a collé définitivement ! Comprendre que son « antisémitisme » pouvait avant tout être pour lui, un délire, une rage contre les maux et les injustices dont souffrait l’humanité. Il a d’ailleurs affirmé cela : ” ah, je ne me vois pas violent du tout, j’ai toujours soigné avec beaucoup de douceur si j’ose dire tous ceux qui m’ont approché. J’ai sauvé énormément de gens, d’animaux”.
Je ne lui cherche pas d’excuses, cela dit en passant !
Je dis simplement qu’un enfant de 12 ans, combien même si par mégarde, il devait tomber, sur la plus antisémite de ses œuvres, délaisserait le bouquin immédiatement tant ça lui paraîtrait n’être que du charabia !
Ce n’est à la rigueur à partir de 15 ans qu’éventuellement l’être pensant en devenir, pourrait commencer à ressentir quelques frémissements de curiosité à propos d’oeuvres difficiles d’accès comme celles-là, mais à 12 ans, c’est fort peu probable !
@ âme sensible
[Il y a un âge pour apprécier ce genre de texte et ça ne peut être à 12 ans.]
Précisément mon point…
[Je ne crois pas qu’il y aurait beaucoup de parents qui expressément, poseraient les bouquins en question sur la table de nuit de l’enfant !]
Mais je connais des enseignants qui le font…
[Je pense que devenus adultes, ne seront pas majoritaires, ceux qui aimeront s’infliger des cures régulières de réflexions trop poussées, sur le sens à donner à leur vie, influencées, entre autres, par la lecture de leur auteurs favoris.]
Ne croyez pas ça. L’écrit a encore un pouvoir considérable.
[Eprouver de la fascination pour un écrivain, un peintre, un musicien, ce n’est pas à la portée d’un gosse de 12 ans !]
Pourquoi dites vous ça ? On peut être « fasciné » par un livre à n’importe quel âge. J’ai lu Tolkien quand j’avais neuf ans, et j’en suis resté fasciné pour la vie. Je suis encore capable de citer des poètes comme Ruben Dario, dont la musique a bercé mon enfance… Seulement, il y a des textes pour chaque âge de notre vie, et on peut faire du mal à un enfant en lui donnant à lire des choses qu’il ne peut pas encore comprendre.
[Maintenant résumer Céline à ses propos antisémites, c’est un peu trop court à mon goût.]
Sans le « résumer », on ne peut pas faire comme s’ils n’avaient pas existé.
[Mais Céline n’a tué personne !]
Brasillach non plus. Et pourtant il a été fusillé. J’en reste à la formule lapidaire de De Gaulle : le génie donne des responsabilités.
[Qu’il ait écrit des monstruosités, c’est un fait mais ce qui est intéressant c’est de chercher à comprendre comment il en est arrivé là et pourquoi et c’est forcément bien plus complexe que l’étiquette d’antisémite qu’on lui a collé définitivement !]
Vous pouvez cherche à « comprendre » quand vous êtes adulte. Mais ce « comment » est-il compréhensible pour un enfant, pour un adolescent ? Je ne le pense pas.
[Comprendre que son « antisémitisme » pouvait avant tout être pour lui, un délire, une rage contre les maux et les injustices dont souffrait l’humanité. Il a d’ailleurs affirmé cela : ” ah, je ne me vois pas violent du tout, j’ai toujours soigné avec beaucoup de douceur si j’ose dire tous ceux qui m’ont approché. J’ai sauvé énormément de gens, d’animaux”.]
Oui, un peu comme pour Hitler… et lui aussi aimait beaucoup les animaux. On peut toujours chercher à comprendre. Mais un écrivain nazi, fut il génial, reste un écrivain nazi. Et on ne peut pas excuser sous prétexte que c’est un grand écrivain ce qu’on condamnerait sans hésiter chez monsieur tout le monde.
[Je dis simplement qu’un enfant de 12 ans, combien même si par mégarde, il devait tomber, sur la plus antisémite de ses œuvres, délaisserait le bouquin immédiatement tant ça lui paraîtrait n’être que du charabia !]
Ou peut-être trouverait-il la confirmation d’un discours entendu ailleurs sur la méchanceté des juifs qui oppriment le reste du monde, et cela lui donnera envie de se venger d’eux. Comment savoir ?
Des déséquilibrés, il y en a partout. Pourtant tous viennent d’une partie de la population. Il doit donc exister un point commun, des idéologies communes comme l’islamisme et le victimisme, et ce sont ces dernières qui sont véritablement responsables. Car sinon, comment expliquer qu’aucun “déséquilibré” protestant ne fasse de même ? Le terrorisme ne viendrait donc pas tellement d’une organisation, mais d’idées enracinées dans la tête de certaines personnes. S’agit-il encore de terroristes ? Je le pense, mais affiliés à une idée, non à une structure.
Je dois m’avouer circonspect devant les évènements actuels. Nous avons d’un coté un discours officiel qui tient à ne pas confondre musulmans et terroristes, puis ensuite qui veut réorganiser l’Islam de France pour qu’il devienne enfin “l’Islam français”. Comment expliquer à cette population que, tout en disant que la croyance est une affaire privée, l’Etat veuille organiser un culte, lui donner un corps ? La laïcité à l’avantage d’avoir profité des régimes autoritaires d’avant, qui ont imposé aux cultes par la force et la séduction le respect du droit national avant tout. Sauf qu’elle ne permet plus à l’Etat de le faire à nouveau, si tant est qu’il avait la volonté et un pouvoir d’attraction suffisant envers des populations dont un certain discours hostile à la France a pu avoir quelques succès. En bref, comment concilier un discours fraternel avec les musulmans avec les nécessaires exigences et rigueurs du temps présent quand tout dans les dernières années a été fait pour couvrir de ridicule et de honte ce qui aujourd’hui est notre bien le plus précieux ?
Je pense qu’il y a encore moyen de faire quelque chose, mais cela reviendrait à se montrer beaucoup plus dur, bien plus terrible que ce que les médias et le gouvernement peuvent supporter de voir et de faire. Il faudrait couper court à toute les faiblesses de notre temps, à cette vision crépusculaire qu’une politique ne doit offenser personne, et surtout pas des droits considérés comme illimités. Il faudrait que les politiques se considèrent comme des dirigeants et les citoyens comme des adultes. Il faut enterrer la morale, que l’État s’assume comme un monstre froid et mettre enfin le civisme à l’ordre du jour.
( http://www.causeur.fr/attentat-nice-terrorisme-djihadisme-islamisme-musulmans-39355.html ) Un article que je trouve fort juste, bien que je ne partage pas totalement les “solutions”, comme l’expulsion des fichés S, mais c’est l’esprit que je trouve juste.
Sinon, petite digression sur l’affaire Traoré que je trouve stupéfiante. Les accusations de la familles sont diffamatoires, sans preuve quelconque si ce n’est qu’un jeune noir est mort suite à son arrestation, ce qui suffit à faire de lui la gentille victime contre les méchants policiers blancs et racistes. S’il y a une une faute, intentionnelle ou non, il doit y avoir punition, mais après deux autopsies, la famille est toujours dans ces délires de persécutions, et en demande une troisième qu’il lui a été refusé. A ce rythme là, autant qu’ils écrivent le rapport eux-même.
@ Ozymandias
[Des déséquilibrés, il y en a partout. Pourtant tous viennent d’une partie de la population. Il doit donc exister un point commun, des idéologies communes comme l’islamisme et le victimisme, et ce sont ces dernières qui sont véritablement responsables.]
« Tous » ? Il faut se méfier de la tendance que nous avons à oublier sélectivement. On peut citer plusieurs cas d’actes qui, s’ils avaient été commis par des musulmans, seraient restés dans nos mémoires sous l’étiquette « terrorisme », mais qui ayant été commises par des chrétiens bien de chez nous, son effacés de nos souvenirs.
Un exemple est celui de Richard Durn. Le 27 mars 2002, il fait irruption en pleine séance du conseil municipal de Nanterre, et tire méthodiquement sur les élus. Il fera huit morts et dix-neuf blessés. Il est finalement maîtrisé, et hurle « tuez-moi » lors de son interpellation. Il mettra fin à ses jours le lendemain, en se défenestrant. Maintenant, si Richard Durn s’était appelé Rafi El-Durn, musulman, qu’est ce que notre mémoire aurait retenu ?
Oui, les déséquilibrés viennent « d’une partie de la population ». Mais cette « partie » ne se caractérise pas par une religion ou une origine ethnique particulière. On peut trouver chez les déséquilibrés qui passent à l’acte certaines caractéristiques communes – la rupture avec les institutions, la logique « victimiste » – mais c’est tout.
[Car sinon, comment expliquer qu’aucun “déséquilibré” protestant ne fasse de même ?]
Richard Durn était catholique. Et accessoirement, militant écologiste. Et si vous regardez la longue liste des meurtres de masse commis aux Etats-Unis, par exemple, vous trouverez un large choix de « protestants »…
[Je dois m’avouer circonspect devant les évènements actuels. Nous avons d’un coté un discours officiel qui tient à ne pas confondre musulmans et terroristes, puis ensuite qui veut réorganiser l’Islam de France pour qu’il devienne enfin “l’Islam français”. Comment expliquer à cette population que, tout en disant que la croyance est une affaire privée, l’Etat veuille organiser un culte, lui donner un corps ?]
Ce langage multiple – car parler de « double langage » réduirait la complexité du phénomène – montre le désarroi de nos élites dirigeantes, qui ayant perdu la capacité de penser en termes de système réagissent au cas par cas, selon l’humeur du moment et l’auditoire auquel ils s’adressent.
[En bref, comment concilier un discours fraternel avec les musulmans avec les nécessaires exigences et rigueurs du temps présent quand tout dans les dernières années a été fait pour couvrir de ridicule et de honte ce qui aujourd’hui est notre bien le plus précieux ?]
La fraternité et l’exigence ne sont pas des concepts contradictoires. Lorsque la République exigeait des nouveaux venus l’assimilation, elle ne manquait pas à la fraternité. Au contraire : elle exigeait l’assimilation parce qu’elle était convaincue que l’assimilation était indispensable pour que les nouveaux venus soient reçus fraternellement dans la collectivité nationale. Et je reste persuadé que pour peu que la République soit disposée à tenir un langage d’exigence et à en payer le prix, les gens – y compris ceux issus de l’immigration – sont prêts à l’entendre. Le problème, c’est qu’une partie de la société – les « classes moyennes » en particulier – n’est pas prête à payer le prix, c’est-à-dire, à permettre aux nouveaux venus de concurrencer « fraternellement » ses propres enfants.
[Il faudrait couper court à toute les faiblesses de notre temps, à cette vision crépusculaire qu’une politique ne doit offenser personne, et surtout pas des droits considérés comme illimités. Il faudrait que les politiques se considèrent comme des dirigeants et les citoyens comme des adultes. Il faut enterrer la morale, que l’État s’assume comme un monstre froid et mettre enfin le civisme à l’ordre du jour.]
Oui, je le pense aussi.
[(http://www.causeur.fr/attentat-nice-terrorisme-djihadisme-islamisme-musulmans-39355.html ) Un article que je trouve fort juste, bien que je ne partage pas totalement les “solutions”, comme l’expulsion des fichés S, mais c’est l’esprit que je trouve juste.]
En effet. Je ne partage non plus les propositions, ni même la noirceur du diagnostic, mais je pense qu’il contient une part de vérité. Je retrouve aussi l’idée – que j’ai défendu plusieurs fois ici, notamment sur la question du voile – que l’Etat doit utiliser la violence symbolique s’il ne veut pas avoir à utiliser la violence réelle.
[Sinon, petite digression sur l’affaire Traoré que je trouve stupéfiante. Les accusations de la familles sont diffamatoires, sans preuve quelconque si ce n’est qu’un jeune noir est mort suite à son arrestation, ce qui suffit à faire de lui la gentille victime contre les méchants policiers blancs et racistes.]
Eh oui. Les méchants et les gentils sont désignés d’avance. Et si les faits contredisent cette distribution de responsabilités, alors on change les faits, quitte à calomnier tous ceux – policiers, experts, inspecteurs, juges – dont les conclusions vont dans le sens contraire. Entre le désir « victimiste » des familles de se trouver des coupables, et les encouragements intéressés d’avocats fort peu scrupuleux que l’industrie de la victime fait vivre…
@ Ozymandias et Descartes
Descartes m’ayant renvoyé pour description au cas de Richard Durn dont je ne me souvenais plus, j’ai lu votre intervention et sa réponse.
M’autorisez-vous à vous faire part d’une réflexion personnelle ?
Vous écrivez : « comment concilier un discours fraternel avec les musulmans avec les nécessaires exigences et rigueurs du temps présent quand tout dans les dernières années a été fait pour couvrir de ridicule et de honte ce qui aujourd’hui est notre bien le plus précieux ? »
Il me semble que vous commettez là une erreur commune à notre époque. Le « discours officiel » s’il doit faire honneur aussi au dernier terme de notre devise Républicaine doit s’abstenir de diviser les citoyens en autant de catégories n’intéressant pas la République.
Et, c’est justement pour l’avoir ignoré depuis des années que nous nous trouvons dans la situation actuelle.
Je crois que la religion réelle ou supposée de nos concitoyens ne devrait pas relever du « discours officiel »
@ morel
[Je crois que la religion réelle ou supposée de nos concitoyens ne devrait pas relever du « discours officiel »]
Ce n’est pas aussi simple. Dans la mesure où une partie des citoyens choisit de singulariser – ou de se singulariser – le discours officiel ne peut nier les faits. Cela étant dit, le discours officiel devrait aborder la question toujours dans le même sens : celui du rejet de la singularisation. Il doit rappeler que si chacun a le droit de pratiquer son culte ou de s’habiller comme il l’entend, cette liberté a pour limite l’ordre public. Et l’ordre public inclut la neutralité de la sphère publique vis-à-vis des « singularités ».
Je compléterai en précisant que Descartes est doué d’un talent trésrare,à ma connaissance unique, agréable de webmaster,non?
De plus ce blog est une source structurée,de connaissances de trés haut niveau distillée au diapason de chaque intervenant .
Descartessemble jauger les capacités théoriques avec une exceptionnelle finesse dans la lecture des posts.
Extraordinaire Descartes,un des meilleurs cadeaux qu’Internet( donc la vie..),nous a donné en ces temps troublés!
Vous,âme sensible,sachez que moi aussi ,j’en suis une!
Je partage totalement votre appréciation:'[Tout d’abord, laissez-moi vous remercier de prendre le temps de répondre avec cette exhaustivité à des commentaires de parfaits inconnus, pas toujours très logiques dans leurs raisonnements (moi la première). C’est vraiment très gentil à vous, c’est remarquable ! Vous n’êtes pas snob !°.
Oui,Merci infiniement,cher Descartes.
J’espère que vous ne serez pas affecté par ces louanges,n’est ce pas?
Vous nous offrez une exceptionnelle fenêtre d’expression!
Malgré les moments difficiles que je traverse,un père trés diminué par le grand âge,une mère en hp,un divorce,deux enfants inadaptés,un métier d’enseignant difficile,des ennuis de santé avec hospitalisation régulière(lymphome,coarthrose,wellerbrandt)etc..grâce à votre grand ART relationnel et érudit,sur ce blog,ma vie est intéressante en ce mois d’Août 2015.Bravo l’artiste!
@ Maurice
[J’espère que vous ne serez pas affecté par ces louanges, n’est ce pas?]
Elles me gênent un peu, étant d’un naturel plutôt modeste… et surtout ne je pensais pas faire quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire. En tout cas, elles m’encouragent à continuer, et je mentirais si je disais que ce n’est pas agréable !
« Mais je connais des enseignants qui le font… »
Ah ben voilà, si vous aviez été aussi précis dès le début…
Alors là je désapprouve totalement. L’enfant n’étant pas demandeur, c’est carrément du forcing.
Par contre, quand c’est l’enfant qui est demandeur, qu’il ait, comme expliqué plus loin, la maturité intellectuelle d’un môme de 16 ans à 12 (ils ne sont pas si nombreux) on ne pourra pas empêcher un môme répondant à ces caractéristiques de vouloir avancer à son rythme, là vous êtes d’accord ?
Je suis assez critique envers les profs, donc ça ne m’étonne pas plus que ça. Mais attention, je ne les mets pas tous dans le même sac ! Il y en a de très bons et moi-même gamine, j’ai eu un instituteur que je regrette encore aujourd’hui, de ceux qui faisaient vraiment ce métier par vocation, amour des enfants et souci de bien faire.
« Vous pouvez chercher à « comprendre » quand vous êtes adulte. Mais ce « comment » est-il compréhensible pour un enfant, pour un adolescent ? Je ne le pense pas.
Je ne dis pas autre chose que vous et il n’y a pas que les auteurs sulfureux qu’un gosse de 12 ans ne pourra pas comprendre, ne serait-ce déjà qu’au niveau de la perception des différentes imbrications possibles.
Et puis, on a toute la vie pour apprendre, se cultiver ! Ce qu’on n’a pas lu ou compris à 20 ni à 30, on peut l’étudier à 40 et plus !
@ âme sensible
[Par contre, quand c’est l’enfant qui est demandeur, qu’il ait, comme expliqué plus loin, la maturité intellectuelle d’un môme de 16 ans à 12 (ils ne sont pas si nombreux) on ne pourra pas empêcher un môme répondant à ces caractéristiques de vouloir avancer à son rythme, là vous êtes d’accord ?]
Non. S’il me demande un livre pornographique, je ne lui donne pas.
Commentaires très intéressants.
“De stricte obédience piagetienne” : mais encore ? Comment s’intitule leur profession, en quoi consiste leur pratique ? Je me méfie quand même, il y a des psychanalystes à l’honnêteté intellectuelle plus que douteuse qui se réfèrent à Jean Piaget, entre autres de leurs “grands hommes”…
Non, Céline et Sade rentrent bien dans la définition “usage esthétique du langage écrit”. Céline s’enorgueillissait assez de son beau style pour que ce soit clair. Et sa verve, sa volubilité et son éloquence, son imagination fantasque, ce mélange de langage châtié et d’argot merveilleux, est-ce que ce n’est pas une joie esthétique que cela procure ? (Une remarque concernant l’antisémitisme de Céline : il était tellement outré, il paraissait tellement cinglé, que les Allemands ne le prenaient pas au sérieux…) Quant à Sade, n’est-il pas un des très bons représentants de ce style si parfait du français du 18ème, sommet de beauté et de clarté ? Le contraste avec l’objet de ses récits n’en est que plus piquant et plaisant…
“Mein Kampf” ne rentre pas dans la définition, car le but d’Hitler n’était pas la recherche esthétique ; il n’était pas écrivain.
Mais si l’Education nationale ne fait pas étudier ces auteurs aux collégiens, ce n’est pas parce que leur “représentation du monde” est “laide” ou démoralisante : c’est parce que ce sont des auteurs plus difficiles à analyser, à expliquer, pour les professeurs aussi d’ailleurs ! Vu le temps limité où les élèves sont entre les mains de l’Éducation nationale, mieux vaut commencer par des auteurs plus faciles, plus instructifs aussi : Hugo, Maupassant, Balzac, Zola…
Vous remarquerez que Proust n’est jamais étudié au collège ni au lycée : pourtant sa “représentation du monde” est loin d’être “laide”, ce qu’il dit n’est pas scabreux (il suffit de ne pas choisir les quelques passages où il est question de la sexualité de M. de Charlus) : c’est simplement que c’est un auteur plus difficile que les écrivains naturalistes du 19ème. (Soit dit en passant, quand on lit Proust, on se rend compte aussi que les aristocrates de la Belle Epoque étaient loin d’être aussi cultivés qu’ils voulaient le paraître…)
Même Racine n’est plus guère étudié, car là encore c’est un peu plus difficile pour les élèves.
Votre exemple est un peu déloyal, vous prenez appui sur l’absurdité et l’imposture que constitue l’art contemporain, ça n’a rien à voir avec la littérature…
Le France est bien toujours le pays de la littérature, je pense que vous vous trompez en affirmant le contraire. Nous avons de très bons écrivains contemporains.
Soyons clairs quand nous parlons d’élites. Qu’entendez-vous par “les véritables élites” ? En France comme dans le monde, il n’y a plus qu’un aristocratie de l’argent. C’est cela, l’oligarchie. Connaissez-vous les travaux des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot ? Ils sont passionnants et d’une grande rigueur. Ils montrent bien comment fonctionne cette classe des dominants : ils professent le libéralisme mais pratiquent un collectivisme de fait, sont extrêmement solidaires (via notamment les “cercles”), se rendent des services en permanence.
Ce sont des gens qui ne lisent pas forcément beaucoup, car la lecture est une activité solitaire, alors que leur mode de vie est fondé sur une très intense sociabilité (cocktails, etc). Mais ils sont cultivés par d’autres moyens que la lecture. Ils organisent des visites privées de musées pour leurs enfants, les envoient dans de très grandes écoles, vivent dans le cosmopolitisme…
Je ne dis pas que l’intelligence rend gentil (même si j’avoue que pour moi les deux sont liés), mais je crois extrêmement bêtes les assassins des terrasses, du Bataclan, de Charlie, etc. Un peu d’intelligence les aurait empêchés d’agir ainsi.
Votre hypothèse finale (“pourquoi les élites politico-médiatiques ont renoncé à cette culture ? Pourquoi a-t-elle perdu son importance comme marqueur social ? Peut être parce qu’il faut persuader les couches populaires que la culture ne libère pas ?”) me paraît plausible. Par ailleurs, je n’arrive pas à voir, par exemple, les membres du gouvernement, comme des personnes intelligentes. Ils sont loin, mais alors très, très loin, de m’impressionner intellectuellement. Il doit y avoir un problème avec l’ENA, je ne sais pas, il ne sont plus capables de former des “élites” avec des idées personnelles, une vision, quelque chose qui les rendent légitimes à gouverner…
@ Nana1985
[“De stricte obédience piagetienne” : mais encore ? Comment s’intitule leur profession, en quoi consiste leur pratique ?]
Professeurs et experts en sciences de l’éducation. Et, j’ajoute, très critiques de la tendance actuelle à faire entrer les psychologues à l’école à la moindre alerte.
[Non, Céline et Sade rentrent bien dans la définition “usage esthétique du langage écrit”. Céline s’enorgueillissait assez de son beau style pour que ce soit clair.]
Hitler était lui aussi très fier de son style. N’oubliez pas qu’il se considérait lui-même comme un artiste…
[Et sa verve, sa volubilité et son éloquence, son imagination fantasque, ce mélange de langage châtié et d’argot merveilleux, est-ce que ce n’est pas une joie esthétique que cela procure ?]
Ca dépend. Dans « l’Ecole des cadavres » ou « Bagatelles pour un massacre », ça m’a surtout procuré du dégoût. Et certainement aucune « joie esthétique ».
[(Une remarque concernant l’antisémitisme de Céline : il était tellement outré, il paraissait tellement cinglé, que les Allemands ne le prenaient pas au sérieux…)]
Surtout, ils le prenaient pour fou. Et ils avaient probablement raison.
[Quant à Sade, n’est-il pas un des très bons représentants de ce style si parfait du français du 18ème, sommet de beauté et de clarté ? Le contraste avec l’objet de ses récits n’en est que plus piquant et plaisant…]
Non, franchement non. Question style, Sade est un médiocre. Et si son sujet n’était pas sulfureux, il serait aujourd’hui oublié. Il n’arrive pas à la cheville des grands du XVIIIème français.
[“Mein Kampf” ne rentre pas dans la définition, car le but d’Hitler n’était pas la recherche esthétique ; il n’était pas écrivain.]
Dans ce cas, Balzac n’était pas un écrivain. Son but n’était pas la « recherche esthétique », mais de remplir la marmite. Vous ne pouvez pas qualifier tel ou tel « d’écrivain » en fonction de ses objectifs, autrement il faudrait éliminer un Voltaire ou un Diderot, qui étaient eux aussi des militants politiques.
[Mais si l’Education nationale ne fait pas étudier ces auteurs aux collégiens, ce n’est pas parce que leur “représentation du monde” est “laide” ou démoralisante : c’est parce que ce sont des auteurs plus difficiles à analyser, à expliquer, pour les professeurs aussi d’ailleurs !]
Je ne sais pas si c’est là la raison aujourd’hui, mais je pense que c’est une excellente raison…
[Vous remarquerez que Proust n’est jamais étudié au collège ni au lycée :]
Je n’ai rien remarqué de tel. Cela dépend pour beaucoup des goûts du professeur qui vous échoit. Personnellement, j’y ai eu droit, à Proust…
[Même Racine n’est plus guère étudié, car là encore c’est un peu plus difficile pour les élèves.]
Racine « difficile » ? Je ne vois pas où est la difficulté…
[Le France est bien toujours le pays de la littérature, je pense que vous vous trompez en affirmant le contraire. Nous avons de très bons écrivains contemporains.]
Comme par exemple ?
[Soyons clairs quand nous parlons d’élites. Qu’entendez-vous par “les véritables élites” ? En France comme dans le monde, il n’y a plus qu’un aristocratie de l’argent.]
Ne croyez pas ça. Il y a encore des gens qui enseignent au Collège de France, alors que le salaire est purement symbolique… Vous trouverez des « élites » dans l’université, dans la haute fonction publique, dans la recherche, dans l’armée. Seulement, ces élites sont discrètes et ne recherchent pas une exposition médiatique.
[Connaissez-vous les travaux des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot ? Ils sont passionnants et d’une grande rigueur. Ils montrent bien comment fonctionne cette classe des dominants : ils professent le libéralisme mais pratiquent un collectivisme de fait, sont extrêmement solidaires (via notamment les “cercles”), se rendent des services en permanence.]
Oui je connais… et je pense qu’ils ont bien compris qu’il est facile de berner les gens en leur disant exactement ce qu’ils veulent entendre…
[Je ne dis pas que l’intelligence rend gentil (même si j’avoue que pour moi les deux sont liés),]
En d’autres termes, vous ne le dite spas, mais vous le pensez… 😉
[mais je crois extrêmement bêtes les assassins des terrasses, du Bataclan, de Charlie, etc. Un peu d’intelligence les aurait empêchés d’agir ainsi.]
Et pourquoi ça ? Pourriez-vous indiquer sur quel raisonnement s’appuie cette conclusion ?
[Par ailleurs, je n’arrive pas à voir, par exemple, les membres du gouvernement, comme des personnes intelligentes. Ils sont loin, mais alors très, très loin, de m’impressionner intellectuellement. Il doit y avoir un problème avec l’ENA, je ne sais pas,]
Si Najat Vallaud-Belkacem ne vous impressionne pas, ce n’est certainement pas la faute à l’ENA. Il faut arrêter de faire une fixette avec l’ENA : aujourd’hui notre personnel politique dans sa grande majorité n’a pas fréquenté les bancs de cette honorable institution.
[il ne sont plus capables de former des “élites” avec des idées personnelles, une vision, quelque chose qui les rendent légitimes à gouverner…]
L’ENA n’a pas pour objectif de former des gouvernants. Elle n’a pas été créée pour ça, et l’immense majorité de ses anciens élèves n’a jamais « gouverné ».
“Non. S’il me demande un livre pornographique, je ne lui donne pas.”
Moi non plus (la pornographie n’était pas le sujet).
@ âme sensible
[Moi non plus (la pornographie n’était pas le sujet).]
Faudrait savoir. Un jour vous me dites que si l’initiative vient de l’enfant, il faut tout lui donner, et maintenant vous me dites le contraire…
Un petit point de détail sur la réponse que vous faisiez à “Luc” le 9/8/2016 à 9h16.
La plupart des Huguenots exilés comprenaient le français quand ils sont partis en exil : la Bible était traduite en français, les Vaudois du Piémont (paysans parlant un dialecte franco-provençal ou l’occitan) avaient payé de leurs deniers la traduction.
Au culte la Bible était lue en français, sauf en Béarn où une traduction en gascon avait été faite à la demande de Jeanne d’Albret la reine de Navarre.
Comme la plupart des exilés étaient plutôt des gens lettrés,(la proportion d’illetrés/ lettrés était exactement inverse en France au XVIIème siècle entre catholique et protestants) les paysans se sont pour la plupart convertis ou sont restés “au désert” ou ont été aux galères ou sont morts à la guerre pour les Cévennes, les artisans et bourgeois ayant pu s’enfuir (ce que l’édit de Fontainebleau interdisait), venus de provinces différentes dans leur lieu d’exil, le français devait être la koiné que ce soit à Berlin , à Amsterdam …
Au XIXème siècle nos grands-parents émigrés en Provence n’ont eu aucun mal à parler le “patois” c’était presque le même que dans “les vallées”, et parlaient le français qu’ils comprenaient parfaitement par leur pratique religieuse.
Les gens devaient être bilingues comme l’étaient tous les petits paysans d’avant 1914 .
@ Baruch
Merci de ces précisions. Tout est dit.
C’est vous qui avez mis la pornographie sur la table ! Je ne parlais moi que de littérature ! Je suis donc parfaitement cohérente.
@ âme sensible
[C’est vous qui avez mis la pornographie sur la table !]
Non, c’est vous. Quand vous déclarez qu’il faut “laisser tout lire aux enfants”, ce “tout” inclut la pornographie…
La postérité a tranché : Hitler n’est pas un écrivain. Céline, oui. Il est quasiment admis qu’avec Proust, ils sont les deux plus grands écrivains français du 20ème siècle. C’est ainsi. (Je décrypte dans votre “Proust, j’y ai eu droit” que vous ne l’aimez pas : c’est dommage.) Balzac est un écrivain, Voltaire et Diderot aussi (qui songerait à dénier ce statut à l’auteur de la magnifique “Religieuse” ?).
Les plus grands écrivains d’aujourd’hui, c’est dans quelques décennies qu’il sera possible d’affirmer qui ils sont, car encore une fois c’est la postérité qui décide. Mais selon moi, on peut déjà dire que les écrivains vivants suivants sont de très bons écrivains : Michel Houellebecq, Annie Ernaux, Virginie Despentes, Patrick Modiano, Emmanuel Carrère. Daniel Pennac est également un bon écrivain. Marie N’Diaye. Yasmina Reza. Claude Lanzmann.
Et je ne connais pas tous les écrivains d’aujourd’hui…
Concernant Sade, je m’en remets à vous, je ne le connais guère.
Ces élites discrètes dont vous parlez, elles sont liées aux grands patrons, etc. Ce sont les gens du Who’s who, du bottin mondain. Ils se connaissent. Je n’ai rien contre eux, ce sont certainement des gens charmants, des gens de goût. Mais ils constituent une oligarchie.
Qu’est-ce qui vous permet de parler ainsi des Pinçon / Pinçon-Charlot, s’il vous plaît. D’insulter leur travail, leur honnêteté et leur dévouement.
Et je ne fais pas une fixette sur l’ENA. C’est une des écoles des élites. Je veux bien qu’on soit antipopuliste et élitiste, mais alors il faut que les élites suivent. Et ce n’est pas le cas en France, aujourd’hui.
@ Nana1985
[La postérité a tranché : Hitler n’est pas un écrivain. Céline, oui.]
« La postérité », c’est l’un de vos pseudos ?
Non, la « postérité » n’a rien tranché de tel. Il y a des gens qui pensent que oui, et es gens qui pensent que non. Mais la question ici n’était pas de savoir si Hitler était un écrivain – ce qui nécessiterait de définir ce qu’est un écrivain, et là je vous souhaite bien du courage – mais si « Mein Kampf » est une œuvre littéraire. On n’a pas besoin d’être un écrivain pour produire une œuvre littéraire : De Gaulle n’est pas considéré un écrivain, et les « Memoires de guerre » sont considérés une œuvre littéraire. Alors, pourquoi les « Mémoires de guerre » oui, et « Mein Kampf » non ?
[Il est quasiment admis qu’avec Proust, ils sont les deux plus grands écrivains français du 20ème siècle. C’est ainsi.]
« Admis » par qui ? Ne vous cachez pas derrière un consensus qui n’existe pas ou derrière un « c’est ainsi » qui prétend transformer votre opinion en fait. Certains érudits vous diront que Céline n’arrive pas à la cheville de Camus…
[(Je décrypte dans votre “Proust, j’y ai eu droit” que vous ne l’aimez pas : c’est dommage.)]
Votre décodeur nécessite d’être changé. Quand on m’a imposé Proust au lycée, je n’ai pas aimé. A cet âge, je n’étais ni intéressé par sa problématique, ni sensible au style. Et cette aversion m’a longtemps empêché de lire Proust, que j’ai redécouvert – avec beaucoup de plaisir – bien plus tard.
[Balzac est un écrivain, Voltaire et Diderot aussi (qui songerait à dénier ce statut à l’auteur de la magnifique “Religieuse” ?).]
En fait, c’est vous qui décernez le label « écrivain » selon vos goûts. Vous aimez Voltaire, et du coup il devient « écrivain », vous n’aimez pas Hitler et du coup « Mein Kampf » n’est pas une œuvre littéraire.
[Les plus grands écrivains d’aujourd’hui, c’est dans quelques décennies qu’il sera possible d’affirmer qui ils sont, car encore une fois c’est la postérité qui décide. Mais selon moi, on peut déjà dire que les écrivains vivants suivants sont de très bons écrivains : Michel Houellebecq, Annie Ernaux, Virginie Despentes, Patrick Modiano, Emmanuel Carrère. Daniel Pennac est également un bon écrivain. Marie N’Diaye. Yasmina Reza. Claude Lanzmann.]
Virginie Despentes est « un grand écrivain » ? Pauvre France…
[Ces élites discrètes dont vous parlez, elles sont liées aux grands patrons, etc. Ce sont les gens du Who’s who, du bottin mondain. Ils se connaissent. Je n’ai rien contre eux, ce sont certainement des gens charmants, des gens de goût. Mais ils constituent une oligarchie.]
Non, ce n’est pas d’eux que je parle. Mais comme vous ne voulez pas comprendre…
[Qu’est-ce qui vous permet de parler ainsi des Pinçon / Pinçon-Charlot, s’il vous plaît. D’insulter leur travail, leur honnêteté et leur dévouement.]
Le fait de les avoir abondamment lu et entendu dans les médias.
[Et je ne fais pas une fixette sur l’ENA. C’est une des écoles des élites. Je veux bien qu’on soit antipopuliste et élitiste, mais alors il faut que les élites suivent. Et ce n’est pas le cas en France, aujourd’hui.]
Combien d’énarques connaissez vous personnellement ?
@ Descartes
Je suis un peu interloqué qu’un être aussi cultivé que toi n’aies pas lu “Les onze milles verges ou les amours d’un Hospodar” d’Apollinaire, ou ” Le Roi Pausole” de Pierre Louys… Ma foi, chacun ses lacunes ! Mais à ta décharge – si je puis dire – aucun n’est à proprement parler pornographique. Le premier est franchement pré-surréaliste tant c’est délirant, et fait au final regretter que l’auteur mourut si jeune, le second est potache façon Louys, ça sent la belle époque.
J’ai suivi un peu le fil des commentaires depuis mes vacances sibériennes, et puisque l’on en est aux lectures, j’aimerais recommander un auteur en particulier, Françoise Morvan, dont nous avions déjà parlé ici, mais dont les deux essais complémentaires “Le monde comme si” et “Miliciens contre maquisards” sont fantastiques. Peut-être suis-je partial, elle fait beaucoup référence aux FTP Bretagne-centre dont faisaient partie son père (et mon grand oncle) mais le travail de recherche est assez édifiant et pour tout dire horrifiant. Tu disais dans un autre papier que l’extrême droite avait progressé aux dernières régionales, en parlant des régionalistes. Je dirais maintenant plus, ayant sondé “les vieux” de ma familles, que c’est carrément le fascisme pur et simple, celui du néo-breton qui veut faire disparaitre la culture bretonne préexistante, celui qui veut donner des noms de rue à d’anciens SS, celui de la “France enjuivée” et du “jacobin=youpin”. Et le tout avec la passivité du PS local, et les “antifas” qui demandent des cours en breton à l’UBO…
Période difficile, mais je reste confiant, Descartes est toujours là et pas encore sénile 😉
@ BolchoKek
[Je suis un peu interloqué qu’un être aussi cultivé que toi n’aies pas lu “Les onze milles verges ou les amours d’un Hospodar” d’Apollinaire, ou ” Le Roi Pausole” de Pierre Louys… Ma foi, chacun ses lacunes !]
On ne peut pas tout lire, et chacun a ses goûts. Personnellement, je trouve la référence explicite à la sexualité en littérature un recours facile. C’est un peu comme Coluche criant « meeerde » dans les années 1970 : cela vous assure un succès assuré, mais ne construit aucun imaginaire.
[Tu disais dans un autre papier que l’extrême droite avait progressé aux dernières régionales, en parlant des régionalistes. Je dirais maintenant plus, ayant sondé “les vieux” de ma familles, que c’est carrément le fascisme pur et simple, celui du néo-breton qui veut faire disparaitre la culture bretonne préexistante, celui qui veut donner des noms de rue à d’anciens SS, celui de la “France enjuivée” et du “jacobin=youpin”. Et le tout avec la passivité du PS local, et les “antifas” qui demandent des cours en breton à l’UBO…]
Et c’est par des petites concessions à ce genre de courants que la « gauche radicale » perd son âme… il faut sur ce point rendre grâce à Mélenchon : il est intransigeant sur ce genre de questions. Je ne dirais pas la même chose de son entourage…
@ Descartes
>Personnellement, je trouve la référence explicite à la sexualité en littérature un recours facile. < Je pense qu’il faut nuancer… La vulgarité gratuite est certes énervante, cela ne veut pas dire qu’elle doit être bannie du champ littéraire, elle fait partie du langage, et en français c’est assez largement une affaire de contexte et d’usage. Et après tout, les “Onze mille verges” ont eu comme admirateurs Aragon, Desnos et Picasso, ce dernier parlant de “chef d’œuvre”… >Et c’est par des petites concessions à ce genre de courants que la « gauche radicale » perd son âme…< Je pense qu’on est déjà, en Bretagne, au delà de la “petite concession”. Je conseille la lecture du blog de Françoise Morvan, par exemple voici un article où elle revient sur les tentatives de réhabilitation de Polig Monjarret. Ça fait froid dans le dos :
@ BolchoKek
[Je pense qu’il faut nuancer… La vulgarité gratuite est certes énervante, cela ne veut pas dire qu’elle doit être bannie du champ littéraire, elle fait partie du langage, et en français c’est assez largement une affaire de contexte et d’usage. Et après tout, les “Onze mille verges” ont eu comme admirateurs Aragon, Desnos et Picasso, ce dernier parlant de “chef d’œuvre”…]
Oui… mais les surréalistes avaient une certaine tendance à aimer la transgression pour la transgression même. Et dans une société d’une grande pudeur comme était la société française au début du XXème siècle, ce genre de textes sentaient le souffre.
[Je pense qu’on est déjà, en Bretagne, au delà de la “petite concession”. Je conseille la lecture du blog de Françoise Morvan, par exemple voici un article où elle revient sur les tentatives de réhabilitation de Polig Monjarret. Ça fait froid dans le dos :]
Excellente lecture, comme toujours avec Françoise Morvan. Et où l’on peut constater combien l’amnésie ambiante est utilisée par divers « communautarismes » pour réhabiliter des figures de ce type. Ce qui par ailleurs devrait nous rassurer : si les autonomistes bretons n’ont rien de mieux à offrir comme héros qu’un Montjarret…
Bingo!
Votre recherche a aboutit,vers des convergences,temps qu’il est vrai que nous avons rarement raison seul.
Vous aviez vu juste depuis des mois, déjà depuis l’affaire Durn et aussi pour les attentas wahabites!
[Dans Le Monde daté du 6 août 2016, un bon entretien du politologue Oliver Roy et du psychanalyste Fehti Benslama ou l’on retrouve des analyses qui convergent avec les miennes. Comme quoi…]
Kepel polémique avec Olivier Roy,preuve que vos conceptions dérangent dans certains milieux..
Le rôle de l’argent n’est il pas trop minoré,que ce soit dans les motivations des prises positions de Kepel,voulant devenir LE spécialiste (avec les royalties afférentes),du Terrorisme et dans le développement de ce crétinisme autre nom du Wahabisme(via les différentes primes au port de la Burka etc..)?
http://actualites.nouvelobs.com/attentats-terroristes-a-paris/20160406.OBS8018/exclusif-djihadisme-olivier-roy-repond-a-gilles-kepel.html
@ luc
[Le rôle de l’argent n’est il pas trop minoré,que ce soit dans les motivations des prises positions de Kepel, voulant devenir LE spécialiste (avec les royalties afférentes),]
Je trouve qu’Olivier Roy a tort d’invoquer ce genre d’argument contre Kepel. Bien sur, on peut toujours suspecter un adversaire d’agir pour de bas motifs de vanité personnelle ou de carrière, et on sait bien que les universitaires ne sont pas plus qu’une autre corporation insensibles. Mais un véritable intellectuel devrait chercher à réfuter les arguments de l’autre, et éviter les attaques ad hominem. Mais bon, c’est un article de « l’Obs »…
FAUX ! je n’ai jamais dit que je lui aurais laissé tout lire ! mais Céline OUI, et si et seulement si il me l’avait demandé ! et si un gosse de 12 ans est en demande de lire Céline, c’est que forcément, il a une intelligence plus prononcée que la moyenne, un sur-doué ?
Mais, je n’ai pas été confrontée personnellement à cette situation ! Heureusement pour moi (ou malheureusement ?), le mien est dans la norme !
@ âme sensible
[FAUX ! je n’ai jamais dit que je lui aurais laissé tout lire !]
C’est vous qui avez cité les principes de Pennac, dont le 6ème dit explicitement « on a le droit de tout lire ».
Non, Descartes, il y a des choses qui ne se discutent pas. Prendriez-vous au sérieux quelqu’un qui dit “il y a des gens qui n’aiment pas Victor Hugo, donc on a le droit de penser que ce n’est pas un écrivain” ?
Vous me demandez qui dit que Proust et Céline sont les plus grands du 20ème : eh bien, par exemple, Philippe Sollers, Pierre Jourde. Et vous, dites-moi qui dit que “Celine n’arrive pas à la cheville de Camus” ?
Je vous attendais, sur De Gaulle. Eh bien, si, il était AUSSI un écrivain. Pour Claude Lanzmann par exemple, et certainement pour d’autres, c’est une évidence.
(Pour information, je ne suis pas spécialement une inconditionnelle de Voltaire. Il y a des écrivains auxquels je n’accroche pas, ils n’en sont pas moins des écrivains. Je n’ai certainement pas la prétention de décerner moi-même le label.)
Quels livres avez-vous lu, de Virginie Despentes, pour être si méprisant ?
Et lesquels du couple Pinçon ?
Encore une fois, je ne vise pas particulièrement l’ENA. Je trouve qu’Emmanuel Macron n’est pas intelligent. Vous pouvez vous en convaincre facilement en lisant son entretien avec Houellebecq dans un numéro spécial des Inrocks paru récemment.
Mais peut-être êtes-vous énarque vous-même, on ne sait pas qui vous êtes, je ne veux pas vous vexer…
Pour refaire le lien entre suicide et littérature (j’admets que je n’ai pas les preuves de la profonde bêtise que je suppose chez les assassins des terrasses et du Bataclan), je pense à ce que disait Francis Ponge, poète ô combien immense, qui procure des joies particulièrement exaltantes, intenses et jubilatoires : son ambition était, en écrivant, de “sauver quelques jeunes hommes du suicide”…
Et merci, BolchoKek, pour ce que vous dites d’Apollinaire et de Pierre Louÿs ! C’est tellement juste ! (“à ta décharge”… rooo, coquin)
@ Nana1985
[Non, Descartes, il y a des choses qui ne se discutent pas.]
Oui. Et ces choses-là s’appellent des « dogmes ».
[Prendriez-vous au sérieux quelqu’un qui dit “il y a des gens qui n’aiment pas Victor Hugo, donc on a le droit de penser que ce n’est pas un écrivain” ?]
Tout dépend des arguments qu’il me proposerait à l’appui de sa théorie. Si ces arguments sont sérieux, et bien, je le prendrais très au sérieux.
[Vous me demandez qui dit que Proust et Céline sont les plus grands du 20ème : eh bien, par exemple, Philippe Sollers, Pierre Jourde.]
J’ignorais que Sollers était pour vous une référence à l’heure de savoir quels sont les plus grands écrivains du siècle. Mais si c’est le cas, je n’ai plus rien à ajouter.
[Et vous, dites-moi qui dit que “Celine n’arrive pas à la cheville de Camus” ?]
Raymond Aron.
[Je vous attendais, sur De Gaulle. Eh bien, si, il était AUSSI un écrivain.]
J’attends que vous m’expliquiez en quoi les « Mémoires de guerre » méritent d’être considérées une œuvre littéraire, et pas « Mein Kampf ».
[Pour Claude Lanzmann par exemple, et certainement pour d’autres, c’est une évidence.]
Méfiez vous des gens qui vous disent « c’est une évidence ». C’est généralement un recours pour ne pas avoir à présenter des arguments.
[Quels livres avez-vous lu, de Virginie Despentes, pour être si méprisant ?]
« Baise moi ». Bon, dire que je l’ai lu, c’est excessif. Je l’ai commencé. Et croyez-moi, il faut qu’un livre soit très mauvais pour que je n’aille pas jusqu’au bout.
Et lesquels du couple Pinçon ?
Le dernier que j’aie lu : « Le Président des riches. Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy ». Et c’est probablement le pire.
[Mais peut-être êtes-vous énarque vous-même, on ne sait pas qui vous êtes, je ne veux pas vous vexer…]
Si je l’étais, j’en serais très fier. Je connais beaucoup d’énarques, et j’ai trouvé parmi eux beaucoup de gens d’une haute tenue morale, et qui ont l’esprit du service public chevillé au corps. Il est vrai que les énarques que je connais ont choisi de faire leur métier dans les préfectures, dans les tribunaux, dans les administrations, et pas dans la politique…
La littérature n’échappe pas aux aspects sombres.Elle peut les nourrir,ces côtés sombres de l’âme,elle peut en libérer des plus lumineux,voire émancipateurs.Seule la critique,l’accompagnement,la maturation peut déterminer le sens de l’évolution ou pas.
Madame Bovary n’a t elle pas développé sa ‘névrose’ en ayant abusé de la littérature?
Certains pro-soviétiques n’ont ils pas été mystifiés d’avoir gobé,littéralement ,les écrits mensongers autorisés par le régime?
Pourtant une journée d’Ivan Dessinovitch a été édité dès 1962,en URSS et traduit en français.Il était disponible mais les prosoviétiques avaient foi en l’URSS comme les enfants croient au pays du père Noël,non?
Ma mère ,déjà au PCF où elle est toujours,me l’a fait lire,en 1968.La bibliothèque du comité d’entreprise gérée par la cgt,en assurait la diffusion.Le pavillon des cancéreux,de Soljénytsine était aussi disponible me semble t il..
J’avais 10 ans,50 ans aprés je la remercie encore,pourtant cette littérature n’était pas destinée aux enfants de 10 ans.Lorsqu’en 1975 est paru ‘ l’archippel du goulag’,je n’ai pas dénigré Soljenytsine.Sa lecture,que j’avais eu enfant,m’avait sensibilisé et je n’étais plus prosoviétique…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_journ%C3%A9e_d%27Ivan_Denissovitch
Or aujourd’hui,le GOULAG existe toujours en Russie.Lit on quelle littérature?
Et pour évoquer l’URSS pour les générations post 1989,les différentes littératures pro et anti URSS ne constituent elles pas le meilleur viatique pour appréhender les réalités de l’URSS?
@ luc
[La littérature n’échappe pas aux aspects sombres. (…) Certains pro-soviétiques n’ont ils pas été mystifiés d’avoir gobé, littéralement, les écrits mensongers autorisés par le régime?]
La littérature a certainement un pouvoir, mais il ne faudrait tout de même pas l’exagérer. Les gens ne se sont pas mis à croire au « paradis sur terre » socialiste simplement parce qu’ils l’ont lu dans un bouquin. Ils y ont cru parce qu’ils avaient envie – ou besoin – d’y croire, et le texte n’a fait que servir de support à cette envie. Les livres que nous lisons formatent notre pensée en nous fournissant un cadre, mais leur pouvoir s’arrête là.
[J’avais 10 ans, 50 ans après je la remercie encore, pourtant cette littérature n’était pas destinée aux enfants de 10 ans. Lorsqu’en 1975 est paru ‘ l’archippel du goulag’, je n’ai pas dénigré Soljenitsyne. Sa lecture, que j’avais eu enfant, m’avait sensibilisé et je n’étais plus prosoviétique…]
La question n’est pas d’être pro ou anti-soviétique. « Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch » et le « Pavillon de cancéreux » sont littérairement de très bons livres. « L’archipel » est un médiocre livre de propagande. Il a été porté au pinnacle par la critique occidentale tout simplement parce qu’il était intéressant pour la propagande du « monde libre » d’avoir à sa disposition un tel instrument. D’ailleurs, vous noterez qu’aujourd’hui personne ou presque ne lit « l’Archipel », personne ou presque n’est capable de citer une phrase, alors qu’on continue à lire Dostoïevski, Pouchkine ou Boulgakov. Comment expliquer que celui qui à un moment était considéré comme le plus grand écrivain russe de tous les temps ait été oublié si vite ?
[Et pour évoquer l’URSS pour les générations post 1989, les différentes littératures pro et anti URSS ne constituent elles pas le meilleur viatique pour appréhender les réalités de l’URSS?]
Oui, mais cette littérature est en grande partie indisponible. Précisément parce qu’elle ne peut que réhabiliter le souvenir de l’URSS – au point de diabolisation ou l’on est arrivé, ce n’est pas difficile – elle n’intéresse personne dans le monde de l’édition. Qui éditera aujourd’hui Ostrovsky, Ilf et Pétrov, Illine…
Raymond Aron n’est pas un écrivain (écrivain = celui, celle qui compose des ouvrages littéraires). Sollers, oui. Le jugement par les pairs, ça vous dit quelque chose ?
Mais je crois comprendre que la littérature n’est pas votre grande affaire. On ne peut pas avoir toutes les passions. Si déjà vous adorez le droit public…
Vous “connaissez beaucoup d’énarques”, tiens tiens… J’ai une petite idée sur les raisons que vous avez de détester les Pinçon-Charlot et leur étude sociologique des classes dominantes… Je vois d’un autre œil votre traitement féroce des “classes moyennes”…
Virginie Despentes a écrit “Baise-moi” à 25 ans (une grande force dans ce livre, soit dit en passant), il serait peut-être bon d’essayer “Vernon Subutex” ou “Apocalypse bébé”… mais peut-être que ça ne vous intéressera pas, cette galerie de personnages divers et représentatifs de notre société… ce n’est pas votre milieu… et ce langage si débraillé, de si mauvais goût, n’est-ce pas…
Je vais vous expliquer en quoi les « Mémoires de guerre » méritent d’être considérées une œuvre littéraire, et pas « Mein Kampf » : parce que les « Mémoires de guerre » SONT considérées une œuvre littéraire, et pas « Mein Kampf ». Mais pour dire comme vous : “puisque vous ne voulez pas comprendre”…
Je précise que je n’ai aucune animosité à votre égard cher Descartes, ces discussions sont très intéressantes et j’espère les poursuivre car j’adore vos articles qui sont passionnants, assez inoubliables et font réfléchir.
@ Nana1985
[Raymond Aron n’est pas un écrivain (écrivain = celui, celle qui compose des ouvrages littéraires). Sollers, oui. Le jugement par les pairs, ça vous dit quelque chose ?]
Ca me dit « copinage », ça me dit « esprit de chapelle »… Lisez ce qu’à écrit Gide sur Victor Hugo, ce qu’à écrit Breton sur les naturalistes. Ca devrait vous convaincre qu’en matière de littérature, le jugement des pairs ne vaut pas grande chose.
[Mais je crois comprendre que la littérature n’est pas votre grande affaire.]
Je n’ai pas pour habitude de discuter les croyances…
[Vous “connaissez beaucoup d’énarques”, tiens tiens… J’ai une petite idée sur les raisons que vous avez de détester les Pinçon-Charlot et leur étude sociologique des classes dominantes…]
Vous voulez dire que si je n’apprécie pas les Pinçon-Charlot, c’est parce que je connais bien leur sujet d’étude ? Ce n’est pas très gentil pour eux…
[Virginie Despentes a écrit “Baise-moi” à 25 ans (une grande force dans ce livre, soit dit en passant),]
Où est la « force » ? C’est du « voici mon nombril, qu’il est beau mon nombril ». Elle nous raconte sa vie sexuelle – parler de « vie amoureuse » serait un abus de langage. Et alors ? Moi aussi je peux raconter mon menu de midi de chaque jour et comment je le cuisine. Mais quel intérêt pour le lecteur ? Elle ne construit pas un personnage – puisqu’il s’agit d’elle-même. Elle ne construit pas un récit, puisqu’elle ne fait que raconter sa vie. Franchement…
[il serait peut-être bon d’essayer “Vernon Subutex” ou “Apocalypse bébé”… mais peut-être que ça ne vous intéressera pas, cette galerie de personnages divers et représentatifs de notre société…]
Non, pas vraiment. Quand je veux avoir une vision représentative de notre société, je lis des statistiques, ou des livres de sociologie. Dans un roman, je cherche des personnages intéressants, pas des personnages « représentatifs ». Et les personnages de Despentes – du moins dans « Baise moi », je n’ai pas lu les autres – n’ont aucun intérêt : ils parlent tous pareil. Quant au récit…
[ce n’est pas votre milieu…]
Au contraire, au contraire… ses personnages sont plus proches de mon milieu que la Princesse de Clèves… et pourtant, ça a dix fois moins d’intérêt.
[et ce langage si débraillé, de si mauvais goût, n’est-ce pas…]
Exactement.
[Je vais vous expliquer en quoi les « Mémoires de guerre » méritent d’être considérées une œuvre littéraire, et pas « Mein Kampf » : parce que les « Mémoires de guerre » SONT considérées une œuvre littéraire, et pas « Mein Kampf ».]
En d’autres termes, pour vous il suffit que les gens « considèrent » que la terre est plate ou que les sorcières existent pour que cela soit. Vox populi, vox dei. Admettons. Mais d’où sortez vous que les « Mémoires de guerre » sont – j’ai enlevé les majuscules par charité chrétienne – considérées une œuvre littéraire ?
[Mais pour dire comme vous : “puisque vous ne voulez pas comprendre”…]
Mais… au contraire, je comprends très bien. Vous avez décidé, les autres n’ont qu’à s’incliner. Si vous décidez que l’annuaire téléphonique est une œuvre littéraire, alors elle l’est. Si vous décidez le contraire, et bien elle ne l’est pas.
J’ai dit exactement ça : “Daniel Pennac s’y est voulu être un pédagogue d’un autre genre avec son livre, vrai plaidoyer pour la pédagogie de la lecture, « comme un roman ». Je n’ai cependant pas d’avis tranché quant aux dix droits suivants qu’il a énumérés…”
@ âme sensible
Soyons sérieux: quand on cite longuement un texte et qu’ensuite on dit “je n’ai pas d’avis tranché”, cela implique quand même qu’on a un avis et qu’il va plutôt dans le sens du texte qu’on cite. Sinon, à quoi bon le citer ?
@ Nana1985
[Je ne dis pas que l’intelligence rend gentil (même si j’avoue que pour moi les deux sont liés), ]
Position très politiquement correcte, mais on peut (hélas ?) trouver des milliers de contre-exemples ; savez-vous, par exemple, que 60 % des intervenants à la conférence de Wannsee (renseignez-vous sur son objet) étaient des Docteurs ?
Dans un de vos commentaires vous écrivez :
« les accusations de la familles ((d’A Traoré)) sont diffamatoires, sans preuve quelconque si ce n’est qu’un jeune noir est mort suite à son arrestation, ce qui suffit à faire de lui la gentille victime contre les méchants policiers blancs et racistes. S’il y a une une faute, intentionnelle ou non, il doit y avoir punition, mais après deux autopsies, la famille est toujours dans ces délires de persécutions, et en demande une troisième qu’il lui a été refusé. »
Ce qui est déjà à peu près acquis, c’est que le procureur s’est bien mal comporté. On peut très probablement (1) dire qu’il a menti dans l’exercice de ses fonction dans ses premières déclarations. Je ne sais si c’est juridiquement condamnable, mais cela donne en tout cas une piètre opinion de ce procureur, et une image peu reluisante de notre système judiciaire.
Enfin, même si les actions des gendarmes ont causé la mort de A Traoré sans intention délibérée, il y a quand même lieu de s’interroger si leurs actions n’ont pas été disproportionnées, et leur attention et réactions à ses malaises insuffisantes.
En ce qui concerne la famille concernée, on comprend que de tels événements, ajoutés aux mensonges du procureur, la rendent suspicioneuse, et il me semble donc abusif de parler de « délire de persécution ».
« la famille (…) demande une troisième ((autopsie)) qui lui a été refusé »
Quand à demander une autopsie par des médecins légistes non soumis au système judiciaire, cela me paraît tout à fait légitime, car il y a manifestement conflit d’intérêts pour ces deux premières autopsies. On a vu de plus dans l’affaire de Nice comment il est demandé des rapports « provisoires » qui font l’objet de demandes de « révision » avant qu’ils ne deviennent officiels.
(1) je n’ai pas accès au rapport d’autopsie, et je suis donc conduis à recouper les diverses interventions des uns et des autres dont voici un résumé :
https://www.mediapart.fr/journal/france/030816/mort-d-adama-traore-des-elements-cruciaux-ont-disparu-du-dossier
La version officielle, communiquée par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, se délite peu à peu. Dès le lendemain des faits, il avance comme cause du décès à l’AFP, seul canal de communication choisi, « un malaise cardiaque » et une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Or le compte-rendu préliminaire d’autopsie du 21 juillet, réalisé par un médecin légiste de l’Institut médico-légal à l’hôpital de Garches, ne mentionne aucunement un quelconque malaise cardiaque. La première phrase est éloquente : « Absence de cause immédiate au décès. » Puis « un syndrome asphyxique aspécifique » est mentionné. Un « syndrome asphyxique », confirmé dans le second rapport d’autopsie effectué le 26 juillet, dont le procureur avait évidemment connaissance et dont il n’a jamais parlé, préférant insister sur « l’absence de violences significatives ».
@ marc.malesherbes
[Ce qui est déjà à peu près acquis, c’est que le procureur s’est bien mal comporté. On peut très probablement (1) dire qu’il a menti dans l’exercice de ses fonction dans ses premières déclarations.]
Pardon : soit « on peut dire », soit il ne faut pas dire. Mais le « très probablement dire » fait partie de la panoplie de cette « société de la méfiance » qui se constitue sous nos yeux. Je n’ai pas pu lire l’article auquel vous faites référence – il est réservé aux abonnés médiapart – mais rien que le « chapeau » me fait penser à une manipulation. Si les pièces « manquent », comment savoir si elles sont « cruciales » ?
Contrairement à vous, je ne vois la moindre évidence que le procureur ait « menti dans l’exercice de ses fonctions ». Un procureur ne peut que relater les éléments d’enquête tels qu’il les connaît au moment où il parle. Il est parfaitement possible qu’avec l’avancement de l’enquête ses éléments soient contredits ou invalidés. Avez-vous le moindre élément pour affirmer que le procureur savait pertinemment, au moment où il parlait, que ce qu’il exposait était inexact ? Non ? Alors ne commençons pas avec les « très probablement »…
[Enfin, même si les actions des gendarmes ont causé la mort de A Traoré sans intention délibérée, il y a quand même lieu de s’interroger si leurs actions n’ont pas été disproportionnées, et leur attention et réactions à ses malaises insuffisantes.]
On peut toujours « s’interroger ». Curieusement, personne ne « s’interroge » sur le fait que si A. Traore ne s’était pas enfui en courant et résisté à son arrestation il serait probablement encore en vie. On se demande si nos élites médiatiques ne finissent par reconnaître aux voyous un « droit de résistance à l’arrestation » que la police devrait scrupuleusement respecter. Tiens, si en coursant A. Traore un gendarme s’était cassé la gueule ou avait été percuté par une voiture et était mort, Traoré aurait-il été accusé d’homicide involontaire ?
J’ai toujours en tête le texte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout Citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance ».
[En ce qui concerne la famille concernée, on comprend que de tels événements, ajoutés aux mensonges du procureur, la rendent suspicieuse, et il me semble donc abusif de parler de « délire de persécution ».]
Tiens, les « probables mensonges » sont devenus déjà des « mensonges ». Miracles du glissement sémantique !
On peut comprendre la douleur d’une famille qui perd l’un des siens. Mais A. Traoré n’était pas un saint, ni même un honnête homme. Il sortait de prison pour un délit grave, et se trouvait mêlé à une affaire d’extorsion de fonds. Lorsqu’on choisit de suivre la mauvaise pente, on prend des risques. Et lorsque ces risques se réalisent, il ne faut pas permettre aux familles de se laver de toute culpabilité par le biais du « c’est la faute à la société, c’est la faute à l’Etat ». Il y a un siècle, la famille aurait dit « on lui avait bien dit qu’il allait mal finir ». Aujourd’hui elle dit « c’est la faute à l’Etat, on va lui faire un procès ».
[Quand à demander une autopsie par des médecins légistes non soumis au système judiciaire, cela me paraît tout à fait légitime, car il y a manifestement conflit d’intérêts pour ces deux premières autopsies.]
Rien n’empêche la famille de faire faire une autopsie à ses frais. La difficulté, c’est que des médecins capables de faire des autopsies, ça ne court pas les rues. Il n’y a pas beaucoup de centres de médecine légale privés. Par ailleurs, l’expérience montre qu’on peut empiler les expertises, tant qu’elles ne diront pas ce que les familles veulent entendre elles ne seront pas satisfaites.
[On a vu de plus dans l’affaire de Nice comment il est demandé des rapports « provisoires » qui font l’objet de demandes de « révision » avant qu’ils ne deviennent officiels.]
Si tant est que les faits soient établis, l’affaire de Nice prouve exactement le contraire : les demandes de « révision » ont été rejetées par une fonctionnaire intègre qui a refusé toute modification de ses conclusions. Pourquoi s’arrêter à la « demande » sans tenir compte de la réponse ?
[La version officielle, communiquée par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, se délite peu à peu.]
Encore une fois, il n’y a pas de « version officielle ». Dans une enquête, un procureur ne peut exposer que l’état des connaissances à un moment donné. Il faut donc accepter que ce qu’il dit à un moment donné puisse être renversé par la suite de l’enquête sans y voir une quelconque faute, un quelconque « mensonge ». Si on veut une « version officielle », alors il faut interdire aux procureurs de parler aussi longtemps que l’enquête est en cours – voire avant le prononcé du jugement définitif.
Pourriez-vous me transmettre les références de ces écrits de Gide et de Breton, s’il vous plaît.
L’avis de Raymond Aron sur la hiérarchie entre Camus et Céline ne m’importe guère plus que celui de Mme Michu, puisqu’il n’avait pas lui-même de prétention littéraire. S’il a vraiment dit que “Céline n’arrive pas à la cheville de Camus”, et je ne sais pas en quelle année ni dans quel contexte il l’a dit, cela prête plutôt à rire.
La littérature est-elle votre grande passion ? Si vous me dites que oui, c’est vous qui savez ! C’est la mienne en tout cas.
Vous avez très bien compris ce que j’ai voulu dire. Ce n’est pas que vous connaissez bien le sujet d’étude des Pinçon : c’est que vous faites partie du sujet d’étude des Pinçon. Comment connaîtriez-vous tant d’énarques (!) sinon. A ce sujet : vous avez “lu abondamment” les Pinçon, dites-vous, tout en les croyant des imposteurs… bizarre, non ? Personnellement, j’aurais mieux à faire que de lire abondamment des chercheurs que je crois malhonnêtes. Comment expliquez-vous cette pratique ?
Et faites-vous semblant d’être naïf en disant que les énarques qui sont préfets ne font absolument pas de politique ?
Vous n’avez vraiment pas lu “Baise-moi”, visiblement. Il s’agit d’une œuvre de pure fiction, ça ne pourrait échapper à personne… vous savez ce que ça raconte, au moins ? Pas de nombril là-dedans.
Et quand vous lisez Balzac, vous ne cherchez absolument pas à comprendre une société, non plus ?
Quant aux “Mémoire de guerre” de De Gaulle, personnellement je ne les ai pas lues ; mais outre le fait que les mémoires sont un genre littéraire, ce qui fait qu’il n’y a rien d’incroyable à ce que celles-là soient une œuvre littéraire (comme les mémoires de Saint-Simon, du Cardinal de Retz… de Simone de Beauvoir, de Claude Lanzmann – voir “Le lièvre de Patagonie” où il parle des “Mémoires de guerre” comme de son livre de chevet et d’une magnifique littérature) même si toutes les mémoires n’en sont pas, j’en ai lu quelques extraits et entendu souvent louer le style de De Gaulle comme d’un grand écrivain.
Il me semble que vous décrétez bien des choses et avez bien des certitudes, vous qui en accusez les autres… vous que l’évocation de Philippe Sollers dégoûte au point de ne pas vouloir expliquer pourquoi…
(@ luc : pourriez-vous, s’il vous plaît, mettre des espaces après vos virgules, comme il se doit, ce serait moins fatigant de vous lire…)
@ Nana1985
[Pourriez-vous me transmettre les références de ces écrits de Gide et de Breton, s’il vous plaît.]
Pour Gide, je vous rappelle sa réponse à la question de savoir quel était le plus grand poète français : « Victor Hugo, hélas ! ». Je pourrais vous trouver des citations plus précises, mais cela me demanderait une recherche soigneuse que je n’ai pas envie de faire. Si vous voulez croire que les « pairs » ont toujours apprécié et loué les qualités de leurs collègues écrivains, je vous laisse le point…
[L’avis de Raymond Aron sur la hiérarchie entre Camus et Céline ne m’importe guère plus que celui de Mme Michu, puisqu’il n’avait pas lui-même de prétention littéraire.]
L’avis de Sollers n’est pas plus autorisé. Les hiérarchies entre les écrivains sont établies par les gens cultivés qui les lisent, et pas par leurs « collègues ». Il n’y a pas un « ordre des écrivains ».
[La littérature est-elle votre grande passion ? Si vous me dites que oui, c’est vous qui savez !]
Faudrait savoir, d’abord vous dites « je crois que la littérature n’est pas votre passion », et maintenant « c’est moi qui sait » ?
[Vous avez très bien compris ce que j’ai voulu dire. Ce n’est pas que vous connaissez bien le sujet d’étude des Pinçon : c’est que vous faites partie du sujet d’étude des Pinçon.]
Ah bon ? Les Pinçon ont consacré des études aux gens qui connaissent beaucoup d’énarques ? Pourriez-vous m’indiquer dans lequel de leurs ouvrages ?
C’est drôle de voir combien vous cédez aux préjugés. Du fait que je connais pas mal d’énarques vous supposez que je dois appartenir à l’oligarchie – sujet d’étude des Pinçon – puisque c’est une vérité de dogme que les énarques font partie de cette oligarchie et ne fréquentent que des gens comme eux…
[Comment connaîtriez-vous tant d’énarques (!) sinon.]
Tout simplement, parce que mes fonctions professionnelles m’ont amené à être en contact fréquent avec les membres du corps préfectoral et avec les juges administratifs – dont beaucoup sont des énarques… et je vais vous dire une chose : ces gens là sont comme vous et mois. Ils n’ont pas de Rolex au poignet, n’habitent pas dans des chateaux et ne mangent pas du caviar tous les soirs.
[A ce sujet : vous avez “lu abondamment” les Pinçon, dites-vous, tout en les croyant des imposteurs… bizarre, non ? Personnellement, j’aurais mieux à faire que de lire abondamment des chercheurs que je crois malhonnêtes. Comment expliquez-vous cette pratique ?]
« imposteurs » ? « malhonnêtes » ? Je ne me souviens pas d’avoir utilisé ces termes… Le problème avec les Pinçon ne partent pas du réel pour arriver à une conclusion, ils partent d’une conclusion pré-établie et cherchent ensuite dans le réel les éléments qui permettent de la justifier. Et comme ils s’adressent à un public qui, partageant la conclusion, est prêt à accepter n’importe quel raccourci qui confirme son préjugé, ils arrivent à bien vendre leurs bouquins. Mais il n’y a pas forcément là « malhonnêteté » ou « imposture ». Les Pinçon croient probablement sincèrement ce qu’ils racontent, et sont même probablement persuadés de faire une œuvre militante.
Pourquoi je les lis ? Parce que si en lisant leurs livres on apprend fort peu sur l’état de notre société, on apprend au contraire beaucoup sur l’état de la gauche bienpensante, sur son idéologie et sur sa vision du monde… et ça, c’est passionnant.
[Et faites-vous semblant d’être naïf en disant que les énarques qui sont préfets ne font absolument pas de politique ?]
Non. En quoi font-ils de la politique, à votre avis ?
[Vous n’avez vraiment pas lu “Baise-moi”, visiblement. Il s’agit d’une œuvre de pure fiction, ça ne pourrait échapper à personne… vous savez ce que ça raconte, au moins ? Pas de nombril là-dedans.]
Vous avez raison, j’ai confondu dans mon commentaire « Baise-moi » avec « La vie sexuelle de Catherine M. ». Vous avez raison, « Baise moi » est une œuvre de fiction, et ce que je n’avais pas supporté c’est le schématisme des personnages, le fait qu’ils parlent tous une langue interchangeable.
[Et quand vous lisez Balzac, vous ne cherchez absolument pas à comprendre une société, non plus ?]
Je ne vois pas le rapport. Votre affirmation était qu’une œuvre littéraire était caractérisée par la « recherche esthétique » de son auteur. Ce que le lecteur « cherche » est donc absolument irrelevant…
[Quant aux “Mémoire de guerre” de De Gaulle, personnellement je ne les ai pas lues ; mais outre le fait que les mémoires sont un genre littéraire,]
J’attire votre attention sur le fait que « Mein Kampf » est aussi un livre de mémoires…
[j’en ai lu quelques extraits et entendu souvent louer le style de De Gaulle comme d’un grand écrivain.]
Le style de De Gaulle est très beau, même s’il est d’un autre temps – et l’était déjà au moment ou il a été écrit. Mais cela ne fait pas de De Gaulle un écrivain.
[Il me semble que vous décrétez bien des choses et avez bien des certitudes, vous qui en accusez les autres…]
Pourriez-vous donner quelques exemples ? Les attaques ad hominem sans faits précis, vous savez…
[vous que l’évocation de Philippe Sollers dégoûte au point de ne pas vouloir expliquer pourquoi…]
Si vous me posez la question, je vous l’explique. Je trouve dans Sollers tout ce que je déteste dans le petit milieu pseudo-intellectuel parisien. Le copinage, l’obséquiosité envers ceux qui ont le pouvoir, le conformisme déguisé en rébellion, le snobisme, la totale absence d’exigence et de rigueur. Ca vous va, comme explication ?
Descartes,
Avoir un avis dans le sens du texte, certainement oui, mais en partie seulement ! et j’ai suffisamment développé ici mon point de vue sur la question, il me semble !
Si j’ai cité Pennac, c’est que je suis dans la réflexion, à peser le pour et le contre ! c’est plutôt mieux que de n’avoir aucun avis sur rien, non ? Faudrait-il donc qu’il y ait obligation à ce qu’il soit tranché, l’avis ?
C’est comme les programmes politiques, on peut être d’accord sur une partie seulement du programme d’un homme politique donné (un de préférence qui nous botterait assez bien) et trouver, par ailleurs, de quoi être d’accord, sur d’autres aspects, avec d’autres programmes en circulation !
D’où, quand on est parfaitement honnête avec soi-même, lucide, et pas embrigadée depuis toujours dans une certaine tournure de pensées, et bien on ne peut pas si facilement que cela se prononcer pour un personnage politique et s’y tenir et ce même à moins d’un an avant les élections ! et ce même schéma contenant un certain pourcentage d’incertitude est préférable, selon moi, à 100 % de convictions, fondées sur du vent !
Ainsi, le fameux bulletin à enfoncer bien profond dans l’urne, soit disant émancipatrice, du peuple dit « souverain », provoquera souvent quelques hésitations, bien légitimes, à tout citoyen désireux de ne point voir son action, conduire son pays vers la ruine.
Ainsi on peut par exemple avoir un petit faible pour tel homme politique (les idées qu’il défend (attention, pas toutes), sa culture, son talent de tribun, son côté sympathique etc…), tergiverser jusqu’à plus soif et finalement décider de na pas voter pour lui ! Question là encore une fois, d’honnêteté intellectuelle et de stratégie à adopter, et toujours, pense-t-on pour le bien de son pays.
Ainsi, l’on pourrait voir une MLP faire un score gigantesque en 2017, non pas par adhésion totale à son programme, ni à ses idées mais par simple tactique et représentation des répercussions positives, que sa victoire pourrait engendrer !
On peut très bien imaginer que se serait les souverainistes qui pourraient gagner un jour, et donc, dans cette optique, ce serait bien le Front national qui en aura été le moteur…
Faut voir plus loin que le bout de son petit nez pointu (turlututu) !!!
Si une telle hypothèse de voir MLP élue Présidente de la République, s’avérait devenir réalité, cela ouvrirait, sans aucun doute, une crise de régime politique, sans précédent (espérée par de plus en plus de monde) et conduirait sans doute, à terme, à l’émergence d’une VIe République.
Beaucoup à gauche se rassurent en se disant qu’elle ne pourrait pas être élue, du fait justement qu’elle ne pourrait pas gouverner, faute de majorité !!! Ca se discute…
Votre point de vue la-dessus serait le bienvenu, Descartes.
@ âme sensible
[Si une telle hypothèse de voir MLP élue Présidente de la République, s’avérait devenir réalité, cela ouvrirait, sans aucun doute, une crise de régime politique, sans précédent (espérée par de plus en plus de monde) et conduirait sans doute, à terme, à l’émergence d’une VIe République.]
Pourquoi ? Si MLP était élue, cela veut dire qu’il y aurait plus de la moitié des électeurs qui veulent la voir gouverner. Et j’imagine que les partis politiques qui se prétendent démocratiques respecteront la volonté des électeurs. Pourquoi dans ces conditions cela devrait provoquer une « crise de régime » ?
Si MLP est élue, elle exercera la présidence de la République. Si les électeurs jugent bon de lui donner une majorité à l’Assemblée pour mettre en œuvre son programme, alors elle aura les moyens de le faire dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution. Si les électeurs ne jugent pas bon de lui donner une majorité, elle désignera un Premier ministre dans la majorité et « cohabitera » avec lui. Quel est le problème ?
@Anne Iversaire
D’accord avec vous:Mein Kampf est une arme politique,ce n’est pas de la littérature.
Il existe plusieurs Mein Kampf:un destiné par Hitler à l’Angleterre où les attaques contre la France sont nombreuses,massives,brutales comme contre les communistes et les peuples arriérés..Dans ce Mein Kampf destiné aux Anglos-saxons l’alliance contre la France entre l’Allemagne,et l’Angleterre est proposée dans la logique de toujours(traités de Vienne,Westphalie),Rudolphe Hesse essaiera de la réactiver par son atterrissage en planeur à la fin de la guerre.
Evidemment dans la version française,Hitler n’a pas laissé toutes ces pages haineuses ,revanchardes contre la France.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mein_Kampf
Dans toutes les versions,l’antisémitisme,les projets d’exterminations,l’anticommunisme,le racisme sont présents comme un programme que Hitler vingt ans après aura presque réalisé,juste avant sa défaite .
@ luc
[D’accord avec vous: Mein Kampf est une arme politique, ce n’est pas de la littérature.]
Doit on chasser de la littérature donc les écrits politiques ? Les « mémoires de guerre » de De Gaulle ? « l’esprit des lois » de Montesquieu ? Les pamphlets de Voltaire ou de Diderot ?
Les échanges autour de l’Urss,Soljénytsine et la littérature ont un parfum relatif d’anachronisme.Nous avons changé de système depuis la fin du bolcho-stalinisme.
Ce que je veux transmettre,c’est que j’ai le sentiment que nous avons changé d’époque.
Un peu comme Walter Benjamin ,l’écrivait après la première guerre mondiale,dans le texte ci-dessous où il décrivait un autre changement d’époque.
http://www.pcfbassin.fr/178-pcf-vie-et-debats/pcf-vie-et-debats-2016/30876-experience-et-pauvrete-par-walter-benjamin
Pour moi,le symptôme essentiel du changement d’époque actuel est entre autre ,Internet.Les répercussions d’Internet peuvent être à l’origine de la désespérance actuelle de la jeunesse qui commet des attentats.Je pense aux effets désenchanteurs d’Internet sur un aspect fondamental chez les jeunes garçons,leurs représentations de la sexualité et les effets sur l’estime de soi.
Puisque le titre du papier est ‘Terrorisme ou suicide’,les effets via le porno internet sur ces jeunes en déshérences,qui se suicident via ces attentats horribles.
Que valent les textes de la littérature face aux cris de plaisirs(factices mais les jeunes le savent ils?),en libre accessibilité,avec les gros plans de fornications,de sodomie,fellation, visionnés dès leur jeune äge,par nos ados depuis 15ans..Comment peuvent ils construire des relations équilibrées après avoir visionnés dès leur plus jeune äge ces scènes?
Quelle expérience effrayante et inexacte ont ils eu de la sexualité via le porno internet?A coté la messagerie des terroristes ‘Telegram’,facilement accessible,semble un exemple de séreinté,non?
A l’aube de la soixantaine,je suis capable de dire,’c’est n’importe quoi,ces mâles bronzés et musclés qui font hurler de plaisir ces multitudes de femmes toutes en perpétuelles pâmoisons bruyantes’.Les enfants témoins de ça,quelles traces retienennt ils de ça?
Mais les jeunes,mes enfants quelle estime d’eux mêmes,peuvent ils avoir en confrontant leur vécu,avec ces ‘performances’,que je sais qualifier,à mon âge,de fantasmes crétinisants?
Mais eux que pensent ils de tout ça?
ces représentations fausses de la sexualité mutilent l’imaginaire des relations hommes/femmes,non?
Pour moi,l’origine des tendances suicidaires détectées chez ces jeunes,sont dans les effets de notre société performantisée,exponentiellement jusqu’à l’inhumanité par l’internet/porno qui génère des milliers de milliards de bénéfice.
Oui,ce sexisme abrutissant véhiculé dans les pubs,internet,un certain cinéma,les médias,partout distille du mal être.
Notre société qui utilise les schémas sexuels pour vendre des sodas,des brosses à WC ou ou des contrats d’assurance vie,ne doit elle pas être critiquée,sous tous ces aspects?
Sinon ce ne sont pas les wahabtes qui proposent les solutions les plus expéditives pour nos jeunes désespérés voulant augmenter leur suicide du à des inadaptations sociales à fondement sexuel?
@ luc
[Les échanges autour de l’Urss, Soljénytsine et la littérature ont un parfum relatif d’anachronisme. Nous avons changé de système depuis la fin du bolcho-stalinisme.]
Cela n’enlève rien à la question de savoir pourquoi un écrivain qui, il n’y a pas vingt ans, était salué comme le plus grand écrivain russe du XXème siècle est aujourd’hui totalement oublié, et son « opus maximus » vendu au poids dans les magasins de fins de séries.
[Ce que je veux transmettre, c’est que j’ai le sentiment que nous avons changé d’époque.]
C’est le sentiment qu’a eu chaque génération depuis que le monde est monde…
[Pour moi,le symptôme essentiel du changement d’époque actuel est entre autre, Internet. Les répercussions d’Internet peuvent être à l’origine de la désespérance actuelle de la jeunesse qui commet des attentats. Je pense aux effets désenchanteurs d’Internet sur un aspect fondamental chez les jeunes garçons, leurs représentations de la sexualité et les effets sur l’estime de soi.]
L’internet n’est qu’un medium. Il me semble excessif de lui attribuer « la désespérance actuelle de la jeunesse ». Je reste un indécrottable matérialiste : les idées véhiculées par Internet sont d’abord l’expression d’un rapport matériel. Si la jeunesse va se chercher un paradis transcendent, c’est parce que les rapports économiques terrestres ne lui laissent pas de perspectives.
[Que valent les textes de la littérature face aux cris de plaisirs (factices mais les jeunes le savent ils?), en libre accessibilité, avec les gros plans de fornications, de sodomie, fellation, visionnés dès leur jeune äge, par nos ados depuis 15 ans… Comment peuvent ils construire des relations équilibrées après avoir visionnés dès leur plus jeune âge ces scènes?]
Tout ce qu’on voit trop se banalise. Avoir accès constant aux images de fornications, sodomies et fellations fait de ces gestes quelque chose de banal. L’hyper sexualisation de notre jeunesse, dénoncée par certains, traduit en fait une perte de sens du rapport sexuel, dont l’enchantement vient en grande partie de son caractère mystérieux et transgressif. L’expression crue, explicite, c’est le plus grand ennemi de l’imagination.
[A l’aube de la soixantaine, je suis capable de dire, ‘c’est n’importe quoi,ces mâles bronzés et musclés qui font hurler de plaisir ces multitudes de femmes toutes en perpétuelles pâmoisons bruyantes’. Les enfants témoins de ça, quelles traces retiennent ils de ça?]
Pas grande chose, à mon avis…
@Descartes
dans votre réponse à Nana 1985 une erreur vous fait écrire que Mein Kampf était un livre de mémoires..Non!Il me semblait que la confusion risquait d’être commise,depuis le début de la comparaison avecles mémoires de de Gaulle..C’était à craindre ..Mes posts sur ce sujet n’ont pas été correctement envoyés,suffisemment tôt,désolé! mais Non! à votre assertion suivante[J’attire votre attention sur le fait que « Mein Kampf » est aussi un livre de mémoires…]Non!Mein Kampf a été écrit en 1924-25 ,9 ans avant la prise du pouvoir par Hitler en 1933
J’essaie d’expliquer dans d’autres textes que Mein Kampf,’est une arme politique.
Mein Kampf est :Un abominable programme politique que Hitler a mis en oeuvre malheureusement..C’est un sujet trés intéressant que ce Mein Kampf en ce qui concerne les manipulations possibles par les écrits,fussent ils politiques ou non;Tout écrit n’est de la littérature.
Roland Barthes ne faissit il pas la distinction entre les écrivans (comme le Hitler de Mein Kampf) et les écrivains (comme le de Gaulle des mémoires de Guerre) ?
@ luc
[dans votre réponse à Nana 1985 une erreur vous fait écrire que Mein Kampf était un livre de mémoires..Non!]
Oui ! Mein Kampf est d’abord un livre autobiographique, dans lequel Hitler expose ses souvenirs personnels et les utilise comme support à ses réflexions idéologiques et politiques. Il se rattache donc bien au genre mémoriel, au même titre que les « mémoires de guerre » de De Gaulle.
[Non!Mein Kampf a été écrit en 1924-25 ,9 ans avant la prise du pouvoir par Hitler en 1933]
Quel rapport ? La vie de Hitler n’a pas commencé avec sa prise du pouvoir, et le genre mémoriel ne suppose pas qu’on raconte une vie complète. Vous noterez d’ailleurs que c’est aussi vrai dans le cas de De Gaulle : les « mémoires de guerre » ont été écrites entre 1954 et 1958, avant l’arrivée de mongénéral au pouvoir…
Bonsoir Descartes,
Peut-être avez-vous vu passer cette nouvelle intéressante : la remise en liberté de Jacqueline Sauvage a été refusée. Les propos justificatifs de cette décision constituent une attaque à peine voilée contre les pressions médiatiques et le victimisme qui a accompagné le tohu-bohu fait autour de l’affaire (tohu-bohu qui a conduit à la grâce présidentielle) :
http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/justice-proces/affaire-jacqueline-sauvage/pas-de-liberation-pour-jacqueline-sauvage-comment-le-tribunal-de-l-application-des-peines-justifie-sa-decision_1587527.html
« Il doit également être souligné que l’importante médiatisation de son affaire rend difficile une authentique démarche de réflexion pour madame Sauvage, qui est encouragée à se cantonner dans un positionnement exclusivement de victime ». Un camouflet pour les lobbies militants, qui sont ainsi mis face aux conséquences réelles de leurs actes.
Je remarque que *tous* les médias semblent reprendre sans précaution l’affirmation selon laquelle la meurtrière et ses filles auraient été victimes de “viols et violences conjugales”, alors que ces accusations n’ont jamais été prouvées, les victimes présumées n’ayant jamais porté plainte à ce sujet…
@ Antoine
[Peut-être avez-vous vu passer cette nouvelle intéressante : la remise en liberté de Jacqueline Sauvage a été refusée. Les propos justificatifs de cette décision constituent une attaque à peine voilée contre les pressions médiatiques et le victimisme qui a accompagné le tohu-bohu fait autour de l’affaire (tohu-bohu qui a conduit à la grâce présidentielle) :]
Plus qu’une « attaque contre les pressions médiatiques », c’est une constatation lucide de la manière dont l’idéologie « victimiste » pollue le processus pénal. L’objectif du rituel judiciaire est de permettre aux coupables d’amorcer un examen de conscience, de prendre conscience de la portée et de l’horreur de leurs actes. Mais cela implique que toutes les parties – juges, avocats, autorités politiques, opinion publique – jouent le jeu. Si des groupes de pression commencent à expliquer aux condamnés que leur condamnation est une injustice, que leurs crimes sont en fait la faute de la société et qu’ils n’ont rien à se reprocher, comment les condamnés pourraient faire ce travail de retour sur soi ? Si la plus haute autorité de l’Etat couvre de son droit de grâce une telle campagne, comment reprocher aux condamnés de s’estimer « victimes » de l’institution judiciaire ? Faut croire que les bisounours n’ont toujours pas tiré les leçons de l’affaire Knobelspiess.
[« Il doit également être souligné que l’importante médiatisation de son affaire rend difficile une authentique démarche de réflexion pour madame Sauvage, qui est encouragée à se cantonner dans un positionnement exclusivement de victime ». Un camouflet pour les lobbies militants, qui sont ainsi mis face aux conséquences réelles de leurs actes.]
Avec cette phrase, tout est dit.
[Je remarque que *tous* les médias semblent reprendre sans précaution l’affirmation selon laquelle la meurtrière et ses filles auraient été victimes de “viols et violences conjugales”, alors que ces accusations n’ont jamais été prouvées, les victimes présumées n’ayant jamais porté plainte à ce sujet…]
On sait bien, depuis l’affaire de Bruay en Artois, que pour les bienpensants la vérité est une question relative…
@Nana1985
Puisque visiblement vous aimez Céline autant que moi, vous ne pourrez qu’apprécier alors l’hommage que lui a rendu Henri Guillemin :
https://www.youtube.com/watch?v=Z3BC2pmw_RY
et je suis donc tout à fait d’accord avec lui quand il dit que Céline n’a jamais été réellement un collaborateur, dans le sens où il n’a jamais dénoncé à l’occupant les gens qu’il fallait arrêter ou abattre.
Il n’a jamais collaboré ni à un journal ni à une revue ni à la radio de l’occupation.
Il n’a pas fait partie non plus de ce groupe d’écrivains qui a été invité chez Hitler
et de plus, il était mal vu de l’occupant !
Deux fois seulement, il a demandé quelque chose aux forces allemandes de l’Occupation :
1) pour sauver quelqu’un, qui était un de ses amis ;
2) pour rejoindre sa petite maison à St Malo qu’il avait
et cela lui a été refusé par les allemands de toute façon !
Comme il le souligne, Céline n’avait donc mérité aucune indignité nationale ! Rien à voir avec Brasillach.
Gide a dit à propos de Céline « Ce n’est pas la réalité que peint Céline : c’est l’hallucination que la réalité provoque ; et c’est par là qu’il intéresse ».
@ âme sensible
[et je suis donc tout à fait d’accord avec lui quand il dit que Céline n’a jamais été réellement un collaborateur, dans le sens où il n’a jamais dénoncé à l’occupant les gens qu’il fallait arrêter ou abattre.]
C’est un sens un peu restrictif. La collaboration, ce n’était pas seulement de dénoncer à l’occupant des gens à arrêter. C’était aussi de contribuer volontairement, par quelque moyen que ce soit, à la réalisation des objectifs politiques ou militaires de l’occupant. Et la publication de textes antisémites appelant à la discrimination et l’élimination des juifs entre de toute évidence dans cette catégorie.
[Il n’a jamais collaboré ni à un journal ni à une revue ni à la radio de l’occupation.]
Pas tout à fait. S’il n’a jamais été employé par un journal, il a par contre envoyé des textes violemment antisémites à des journaux collaborationnistes, dont certaines ont effectivement été publiés. Ainsi par exemple le journal « Notre Combat pour la Nouvelle France Socialiste » publie en septembre de 1941 sous le titre « Céline nous parle des juifs » des extraits de « Bagatelles pour un massacre ».
De même, dans un entretien publié dans « L’Emancipation Nationale » le 21 novembre 1941, à l’occasion de l’invasion par l’Allemagne nazie de l’URSS, il déclare : « Pour devenir collaborationniste, j’ai pas attendu que la Kommandantur pavoise au Crillon… On n’y pense pas assez à cette protection de la race blanche. C’est maintenant qu’il faut agir, parce que demain il sera trop tard. […] Doriot s’est comporté comme il l’a toujours fait. C’est un homme… il faut travailler, militer avec Doriot. […] Cette légion (la L.V.F.) si calomniée, si critiquée, c’est la preuve de la vie. […] Moi, je vous le dis, la Légion, c’est très bien, c’est tout ce qu’il y a de bien ». Vous noterez que dans cet entretien il se qualifie lui-même de « collaborationniste ». Qui sommes nous pour contredire Céline sur ce point ?
Dire que Céline n’a pas été un collaborationniste très actif peut se discuter. Mais de là à dire qu’il n’a pas collaboré…
[et de plus, il était mal vu de l’occupant !]
Oui, mais pas à cause de ses idées. Les allemands trouvaient que – pour utiliser la formule de Karl Epting – ses « obscentiés » et ses « cris d’hystérique » étaient de nature à « gâcher » ses idées antisémites, tout à fait conformes à celles des nazis…
[Deux fois seulement, il a demandé quelque chose aux forces allemandes de l’Occupation : 1) pour sauver quelqu’un, qui était un de ses amis ; 2) pour rejoindre sa petite maison à St Malo qu’il avait et cela lui a été refusé par les allemands de toute façon !]
Non. L’autorisation de rejoindre sa maison à Saint-Malo lui a été accordée par le SS Hans Grimm, à qui il offre un exemplaire d’une première édition de l’un de ses livres.
[Comme il le souligne, Céline n’avait donc mérité aucune indignité nationale !]
Ah bon ? Ecrire et publier des pamphlets antisémites, faire l’éloge de la Légion et de Doriot, cela ne mérite « aucune indignité nationale » ? Eh beh…
Quel était donc le but de cet horrible pamphlet (Bagatelle) ? Quelle en était la cible ? Etait-ce vraiment les Juifs ? On est en droit de s’interroger sur les motivations réelles de Céline et notamment quant à l’usage de l’humour, présent dans ledit pamphlet et qui contredit de manière claire, la force et la virulence du propos antisémite.
P.Lainé émet des doutes à ce sujet : “La lecture des pamphlets laisse une curieuse impression : le Juif décrit par Céline est un personnage inconsistant, et les excès de langage et la dérision détruisent singulièrement la portée de l’objectif supposé de l’écrivain. D’abord tout le monde est juif dans les pamphlets, le Pape comme le comte de Paris, Maurras et même les autonomistes bretons !” (Pierre Laine, “CÉLINE, Qui suis-je ?” éd. Pardès, 2005 p80-83).
Alors un monstre le docteur Destouches ? lui qui pourtant pendant la guerre, continuait à exercer la médecine, soignant aussi bien des parachutistes anglais blessés que les pauvres du quartier et souvent gratuitement…
@ âme sensible
[Quel était donc le but de cet horrible pamphlet (Bagatelle) ? Quelle en était la cible ? Etait-ce vraiment les Juifs ? On est en droit de s’interroger sur les motivations réelles de Céline et notamment quant à l’usage de l’humour, présent dans ledit pamphlet et qui contredit de manière claire, la force et la virulence du propos antisémite.]
Ah… vous voulez dire que peut-être même que c’était une satyre de l’antisémitisme nazi, tellement subtile que ni les nazis ni personne ne s’est rendu compte du sens caché ? Peut-être même qu’avec « Bagatelles… » Céline faisant un acte de résistance intellectuelle qui est resté ignoré ? Pourquoi pas lui donner l’ordre de la Libération, puisqu’on y est ? Allons, soyons sérieux. L’antisémitisme violent de Céline s’est exprimé bien avant « Bagatelles… », et par bien d’autres canaux. Prétendre que ses pamphlets antisémites diraient en fait le contraire de ce que tout le monde a compris est une réécriture à posteriori de l’histoire. Céline était certainement un grand écrivain, mais c’était aussi un salaud. L’un n’a jamais empêché l’autre. Les « célinistes » devront vivre avec cette contradiction.
[Alors un monstre le docteur Destouches ? lui qui pourtant pendant la guerre, continuait à exercer la médecine, soignant aussi bien des parachutistes anglais blessés que les pauvres du quartier et souvent gratuitement…]
Hitler était d’une prévenance infinie pour Blondie, son chien, ce qui ne l’a pas empêché d’envoyer des millions de personnes à la mort. On peut commettre de grands crimes – en fait ou en imagination – tout en étant un excellent père de famille. Je ne sais pas si le « docteur Destouches » était un monstre, mais c’était un antisémite délirant, à une époque ou les antisémites délirants aidaient à envoyer des millions de d’êtres humains aux chambres à gaz. Ce n’est pas un « détail » qu’on peut oublier si facilement. Brasillach – qui lui non plus n’avait tué personne de ses mains – a été fusillé au nom du fait que « le génie a des responsabilités ».
@ Descartes,
“mais c’était un antisémite délirant, à une époque ou les antisémites délirants aidaient à envoyer des millions de d’êtres humains aux chambres à gaz”
Si l’on suit cette logique, que faire des antisémites qui ont opté pour la résistance (car il s’en est trouvé)? Parce que, si l’on y réfléchit, eux aussi ont été antisémites “à une époque où les antisémites délirants aidaient à envoyer des millions d’êtres humains aux chambres à gaz”. N’aurait-il pas fallu les fusiller pour complicité?
Ce que je vais dire n’engage que moi, mais je trouve qu’il est très problématique, et extrêmement dangereux, d’exécuter des gens pour des opinions publiquement exprimées. De mon point de vue, une parole ou un écrit n’équivalent pas à un acte. Concernant Céline ou Brasillach, la seule question qui aurait dû occuper les juges est la suivante: qu’ont-ils fait précisément, quels sont les faits? Ont-ils dénoncé, tué, déporté eux-mêmes? Ont-ils applaudi à la déportation? Ont-ils incité à la délation? Je pense que l’on peut considérer que Brasillach était coupable pour les deux derniers chefs d’accusation, mais approuver ou inciter à commettre un crime n’est pas tout à fait équivalent en droit à commettre ledit crime. On peut peut-être parler de haute trahison, même s’il était bien difficile parfois à cette époque de savoir où était son devoir. Force est de constater que tous les collabos, et certains avaient fait plus que Brasillach, s’en sont mieux sortis, René Bousquet, par exemple. Et je crois qu’on touche là à un problème fondamentale de l’Épuration, qui a parfois plus tourné au règlement de compte qu’à la justice. Il y a des membres de la division Brandebourg (des Français infiltrant les maquis pour livrer leurs compatriotes aux Allemands) qui ont mené des vies paisibles après la guerre. Et eux avaient assassiné, torturé, dénoncé.
“Brasillach – qui lui non plus n’avait tué personne de ses mains – a été fusillé au nom du fait que « le génie a des responsabilités »”
Mais le génie, c’est très subjectif, non? Qui a décrété que Brasillach était un génie? Les gens qui l’ont condamné, parce que ça les arrangeait? Où est-ce qu’on a voulu faire de Brasillach un exemple? Et, de manière générale, combien d’hommes précisément se sont fourvoyés parce qu’ils ont cru ce qu’écrivait Brasillach? De ce point de vue, Pétain a certainement une responsabilité bien plus grande, car son prestige était sans commune mesure avec celui de Brasillach. Et on peut supposer que d’authentiques patriotes (comme Darnand, soldat exemplaire en 14-18 comme en 40) ont suivi le Maréchal, sincèrement convaincus qu’ils servaient là l’intérêt de la France. Pourtant la peine de Pétain a été commuée et pas celle de Brasillach. J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi, je l’avoue.
@ nationaliste-ethniciste
[Si l’on suit cette logique, que faire des antisémites qui ont opté pour la résistance (car il s’en est trouvé)?]
A cela deux réponses. La première est qu’il y a antisémitisme et antisémitisme, et qu’il ne faut pas confondre le bourgeois qui n’aime pas les juifs ou refuse de les recevoir chez lui, et l’exalté qui propose l’extermination. Je ne connais pas d’exemple de personnes ayant rejoint la résistance et qui aient approuvé le principe de l’extermination. Et je doute fort qu’il en existe. La plupart des antisémites qui ont rejoint la résistance auraient repris je pense l’injonction de l’extrême droite danoise à l’occupant allemand : « enlevez vos sales pattes de nos sales juifs ».
La deuxième réponse, c’est que les personnalités antisémites qui ont rejoint la résistance ont mis prudemment leur antisémitisme en veilleuse. Oui, il y a aussi une question d’opportunité. Si Brasillach s’était contenté – comme tant d’autres – d’écrire ses éditoriaux antisémites entre 1920 et 1939 et s’était retiré ensuite prudemment, il ne lui serait rien arrivé. Mais les appels à la destruction des juifs au moment où ceux-ci étaient déportés à Auschwitz, ce n’est pas tout à fait la même chose. L’antisémitisme est toujours détestable, mais il y a des moments où il est criminel.
[Parce que, si l’on y réfléchit, eux aussi ont été antisémites “à une époque où les antisémites délirants aidaient à envoyer des millions d’êtres humains aux chambres à gaz”. N’aurait-il pas fallu les fusiller pour complicité?]
S’ils les avaient exprimé publiquement, certainement. Mais je ne connais aucun qui l’ai fait. Vous pouvez citer un exemple.
[Ce que je vais dire n’engage que moi, mais je trouve qu’il est très problématique, et extrêmement dangereux, d’exécuter des gens pour des opinions publiquement exprimées. De mon point de vue, une parole ou un écrit n’équivalent pas à un acte.]
C’est bien la problématique posée par le cas Brasillach. J’aurais tendance à dire que cela dépend du qui et du quand. Ce n’est pas la même chose lorsqu’une opinion est exprimée par Mme Michu sur le pas de sa porte que lorsqu’elle est exprimée par une personne ayant une autorité morale ou politique, dans des circonstances ou ses injonctions ont toutes chances d’être suivies d’effet. Etre un « leader d’opinion », un homme politique, un grand écrivain, cela emporte des responsabilités. Je ne dis pas que cela ne soit pas « dangereux ». Mais cela fait aussi parti de la tragédie inhérente à tout acte politique.
[Concernant Céline ou Brasillach, la seule question qui aurait dû occuper les juges est la suivante: qu’ont-ils fait précisément, quels sont les faits? Ont-ils dénoncé, tué, déporté eux-mêmes? Ont-ils applaudi à la déportation? Ont-ils incité à la délation? Je pense que l’on peut considérer que Brasillach était coupable pour les deux derniers chefs d’accusation, mais approuver ou inciter à commettre un crime n’est pas tout à fait équivalent en droit à commettre ledit crime.]
Quand l’injonction ou l’approbation vient d’un « leader d’opinion » dans des circonstances ou cette injonction a toutes chances d’être suivie d’effet, la réponse n’est pas aussi évidente que vous le pensez.
[On peut peut-être parler de haute trahison, même s’il était bien difficile parfois à cette époque de savoir où était son devoir. Force est de constater que tous les collabos, et certains avaient fait plus que Brasillach, s’en sont mieux sortis, René Bousquet, par exemple.]
Bien entendu. Ceux qui ont senti le vent tourner, ceux qui ont pris la précaution de se faire des obligés dans les deux camps, ceux qui pouvaient compter sur la solidarité entière de leur classe ou de leurs réseaux qui s’en sont sortis. Ce sont finalement les marginaux, les moins opportunistes, les croyants, les convaincus, qui ont le plus payé. Le monde est ainsi fait.
[Et je crois qu’on touche là à un problème fondamentale de l’Épuration, qui a parfois plus tourné au règlement de compte qu’à la justice.]
Je pense que vous êtes injuste. La Libération n’était pas la victoire totale d’une France sur une autre. C’était une victoire partielle, résultat en grande partie de la victoire de nos alliés, qui se préparaient pour la guerre froide. Les secteurs de la société française qui avaient conduit à la défaite, qui avaient sympathisé avec la « Révolution nationale » et avec Vichy, et même avec l’occupant étaient puissants, et avaient fait à nos allies des offres de service. A partir de là, l’Epuration ne pouvait qu’être partielle et symbolique. Au delà des « règlements de comptes » – et il y en a toujours dans ce genre de situation – la plupart des « épurés » l’ont été à juste titre, et si on peut reprocher des injustices à l’Epuration, c’est du côté de la clémence plutôt que des excès.
[Mais le génie, c’est très subjectif, non? Qui a décrété que Brasillach était un génie? Les gens qui l’ont condamné, parce que ça les arrangeait? Où est-ce qu’on a voulu faire de Brasillach un exemple?]
Aussi. La Libération se devait de marquer avec force sa condamnation de la collaboration avec l’ennemi des intellectuels, et Brasillach était probablement, avec Drieu La Rochelle, la personnalité intellectuelle la plus connue, celle dont la parole avait plus d’influence. Il n’est pas interdit de penser que Brasillach a été exécuté pour l’exemple. Cela n’enlève en rien à la légitimité de l’acte. Il est des moments où la société a besoin d’exemples.
[Et, de manière générale, combien d’hommes précisément se sont fourvoyés parce qu’ils ont cru ce qu’écrivait Brasillach?]
On ne le saura jamais. Mais là, il faut choisir : si on décide que les écrivains n’ont finalement aucune influence, alors quel intérêt d’enseigner la littérature à l’école ? En dernière instance, je préfère une République qui postule que les intellectuels sont importants que l’inverse. Et cette croyance implique de temps en temps d’en fusiller un…
[De ce point de vue, Pétain a certainement une responsabilité bien plus grande, car son prestige était sans commune mesure avec celui de Brasillach. Et on peut supposer que d’authentiques patriotes (comme Darnand, soldat exemplaire en 14-18 comme en 40) ont suivi le Maréchal, sincèrement convaincus qu’ils servaient là l’intérêt de la France. Pourtant la peine de Pétain a été commuée et pas celle de Brasillach. J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi, je l’avoue.]
Exactement pour les raisons que vous avez indiqué. Parce que beaucoup de français avaient avec Pétain un lien sentimental, fusiller Pétain, c’était en faire un martyr. Fusiller Brasillach ou Darnand, non. On est ici dans le domaine de la raison d’Etat, et non de la justice.
Merci de préciser votre position sur les enseignements que vous tirez de ‘laffaire Roger Knobespiess.En effet tout et son contraire peut être énoncé sur cet Hurluberlu:
Soit:
http://www.lindependant.fr/2012/07/10/l-ex-braqueur-knobelspiess-menace-de-se-couper-un-doigt-faute-de-graces-presidentielles,151749.php
“Je vais me couper un doigt le 14 juillet à Paris, comme je l’avais fait en 1984. C’est malheureux d’en arriver là ! Mais c’est en désespoir de cause”, explique l’éternel rebelle d’Elboeuf… Lui-même condamné à une peine de réclusion criminelle pour un braquage toujours nié et finalement grâcié en 1981 par François Mitterrand.
‘La réaction aujourd’hui de Roger Knobelspiess n’est donc pas liée au hasard mais à l’actualité du symbolique 14 JUillet et d’une proposition de Christiane Taubira, ministre de la Justice qui a exprimé son souhait de bannir l’amnistie à l’exception des courtes peines. Certes l’amnistie n’est pas la grâce présidentielle, mais Roger Knobelspiess considère la mesure comme une dangereuse régression de dame justice.’
Soit:
https://sites.google.com/site/knobelspiessroger/home/archives/affaire-knobelspiess
‘AFFAIRE KNOBELSPIESS : LE « COUPABLE IDÉAL » INNOCENTÉ:C’est la leçon d’Evry : la justice n’est la justice que quand elle ne cède pas aux pressions et aux manipulations des « ripoux » de la police et de l’information.’
Que vous inspire cette affaire en lien avec J.Sauvage?
@ luc
[Merci de préciser votre position sur les enseignements que vous tirez de ‘laffaire Roger Knobelspiess.]
J’en tire deux. Le premier, c’est combien la vision anti-institutionnelle et « victimiste » d’une certaine gauche bienpensante conduit à une fascination pour le voyou, le marginal, censé être une « victime » de la société et avoir raison contre les méchantes institutions. La deuxième, est combien ce discours « victimiste » empêche le travail sur soi, la prise de conscience des effets de ses propres actes que le processus judiciaire est censé amorcer. En se coulant dans la position de « victime », le délinquant s’absout lui-même de toute faute.
[Que vous inspire cette affaire en lien avec J.Sauvage?]
Dans l’affaire Sauvage, le raisonnement est similaire. J. Sauvage était « victime », et donc tout ses actes sont par avance justifiés. Les avocates de J. Sauvage n’ont toujours pas répondu à la question fondamentale dans cette affaire : pourquoi leur cliente a supporté pendant quarante ans les violences de son mari ? Pourquoi n’est elle pas allé à la police, qui aurait été l’attitude socialement acceptable, au lieu de tirer trois balles dans le dos de son mari ?
Excuser son acte implique laissera aux citoyens le choix entre aller à la police et se faire justice par main propre. Est-ce la société que nous voulons ? Je ne le pense pas, et c’est pourquoi les juges ont condamné J. Sauvage. Et cette condamnation a pour but, entre autres choses, que J. Sauvage prenne conscience – et que le reste de la société sache – qu’elle a mal agi, que ces actes ne sont pas acceptables. La campagne médiatique qui fait de cette pauvre femme une héroïne empêche cette prise de conscience.
le mensonge (je ne met plus de “peut-être) est notamment là (je remet cette partie du texte que je vous avais déjà envoyé):
“La version officielle, communiquée par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, se délite peu à peu. Dès le lendemain des faits, il avance comme cause du décès à l’AFP, seul canal de communication choisi, « un malaise cardiaque » et une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Or le compte-rendu préliminaire d’autopsie du 21 juillet, réalisé par un médecin légiste de l’Institut médico-légal à l’hôpital de Garches, ne mentionne aucunement un quelconque malaise cardiaque.”
Il y a donc un premier mensonge indubitable (“le malaise cardiaque”)
En ce qui me concerne cela me donne une très mauvaise image de ce procureur, et également de l’ensemble de l’appareil judiciaire, car je n’ai entendu aucun de ses membres condamner ce mensonge.
nb: il y a en plus forte suspicion d’autres mensonges, mais comme vous le dites j’attends de voir les CR d’autopsie pour en être absolument sûr.
nb: je vous ai donné la référence de médiapart, mais elle se trouve dans de nombreux CR des déclarations du procureur facilement accessible via internet. Si vous y tenez, je peux également vous donner les références.
@ marc.malesherbes
[Il y a donc un premier mensonge indubitable (“le malaise cardiaque”)]
Si je me réfère à l’AFP, le procureur a été bien plus prudent que ça. Voici ses mots tels qu’ils sont cités : « [l’examen du légiste] met en évidence un ensemble de lésions COMPATIBLES avec une cardo-myopathie hypertrophique qui est POTENTIELLEMENT la cause directe de la mort » (c’est moi qui souligne). C’est donc par simplifications successives et des on dit qu’on arrive à trouver dans la presse l’affirmation supposée qu’un « malaise cardiaque » serait la cause de la mort, là où le procureur se contente d’indiquer une POSSIBLE explication qui serait COMPATIBLE avec les faits constatés.
Quant au « mensonge indubitable »… là encore, il faut être prudent. Le mensonge suppose l’intention de tromper. Il faudrait donc, pour prouver le mensonge, montrer que le procureur savait pertinemment que ce qu’il disait était faux. N’ayant pas accès au rapport des légistes, je ne peux confirmer une telle hypothèse.
[En ce qui me concerne cela me donne une très mauvaise image de ce procureur, et également de l’ensemble de l’appareil judiciaire, car je n’ai entendu aucun de ses membres condamner ce mensonge.]
Parce que vous pensez que « l’appareil judiciaire » devrait « condamner » ses membres sur une simple accusation de presse, sans respecter le principe élémentaire du contradictoire ?
[nb: je vous ai donné la référence de médiapart, mais elle se trouve dans de nombreux CR des déclarations du procureur facilement accessible via internet. Si vous y tenez, je peux également vous donner les références.]
S’il vous plait. Je n’ai pas réussi à retrouver – sauf à l’AFP – une citation exacte des mots du procureur. Je n’ai trouvé que des “il a fait mention de”… or, comme vous le voyez plus haut, les mots ont leur importance.
Descartes,
si je vous demandais ces références, c’était seulement parce que cela m’intéresse de savoir ce que disaient Breton et Gide exactement, car les écrivains sont souvent des critiques littéraires originaux et amusants.
Le “bon mot” de Gide que vous rapportez va dans mon sens au contraire. Cette boutade signifie “que ça me plaise ou non, Victor Hugo est le plus grand poète français”. (Par ailleurs, le discernement de Gide n’est pas une référence, c’est tout de même lui qui a refusé Proust chez Gallimard…).
Bien sûr que les écrivains se critiquent les uns les autres (petit florilège ici : http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20100913.BIB5607/la-boite-a-gifles-des-ecrivains.html).
J’éclaircirai ma proposition de la façon suivante : on reconnaît les grands écrivains à l’influence qu’ils ont exercées sur les écrivains des générations ultérieures.
Ce que vous dites sur Sollers est très juste, mais cela concerne l’homme, et non l’œuvre, qui n’est pas ce qu’on fait de plus nul. Ses jugements littéraires ne sont pas trop idiots à mon sens.
Vous avez dit des Pinçon qu’ils ont compris comment berner les gens en leur racontant ce qu’ils veulent entendre. Est-ce que ça ne revient pas à les traiter de malhonnêtes et d’imposteurs ? J’ai lu une quinzaine de leurs ouvrages : leur thèse est beaucoup plus subtile que ce que vous avez l’air de croire. Je sais très bien que tout cela n’est pas une histoire que de Rolex et de caviar. Je ne cède pas aux préjugés : au contraire, je cherche à comprendre notre monde en lisant, en écoutant des chercheurs, des économistes… C’est vous qui avez des préjugés : vous jugez Virginie Despentes sans avoir lu un seul de ses livres en entier, par exemple. (Quand j’ai dit “je crois que la littérature n’est pas votre grande passion”, c’était dans le même sens que “je crois qu’il va pleuvoir”, pas comme on dit “je crois en Dieu”…)
Les Pinçon, ce n’est pas la gauche bien-pensante. La gauche bien-pensante, c’est la gauche européiste. Or, c’est le dernier livre des Pinçon (“Tentative d’évasion fiscale”) qui m’a rendue anti-européiste…
Si vous avez affaire à beaucoup d’énarques dans votre vie professionnelle, c’est que vous êtes vous-même “A+”, haut fonctionnaire. Cela signifie aussi que vous détenez un certain “capital social”, ce qui est une des caractéristiques de la classe étudiée par les Pinçon.
Je suis moi-même fonctionnaire (mais pas A+) et je vois bien que dans l’administration, beaucoup de choses sont “très politiques” (le dire dans un chuchotement gourmand et extatique), que les chiffres des “tableaux de bord” sont gonflés ou rétractés au gré des caprices de tel ou tel grand personnage, que les préfets sont nommés en fonction de leur proximité avec le chef de l’Etat, que des décisions aberrantes et qui vont à l’encontre de l’intérêt général sont prises pour ne pas froisser tel ou tel élu…
Une question, Descartes : pourquoi tenez-vous à rester anonyme ? Cela a des limites, au bout d’un moment, il faudrait savoir “d’où vous parlez”, comme on dit… Peut-être avez-vous de hautes fonctions et ne voulez-vous pas qu’on connaisse vos opinions politiques, dans votre milieu professionnel ? Comment cela se fait-il, si vos interlocuteurs énarques sont si peu dans la politique ?
@ Nana1985
[si je vous demandais ces références, c’était seulement parce que cela m’intéresse de savoir ce que disaient Breton et Gide exactement, car les écrivains sont souvent des critiques littéraires originaux et amusants.]
Si je retrouve les références, je vous les enverrai.
[Le “bon mot” de Gide que vous rapportez va dans mon sens au contraire. Cette boutade signifie “que ça me plaise ou non, Victor Hugo est le plus grand poète français”.]
Non. Cette boutade signifie plutôt « la poésie française est tellement nulle qu’un médiocre poète comme Hugo arrive à en être le plus grand ». C’est en tout cas dans ce sens qu’elle a toujours été interprétée.
[(Par ailleurs, le discernement de Gide n’est pas une référence, c’est tout de même lui qui a refusé Proust chez Gallimard…).]
Comme quoi, le jugement des pairs n’est pas aussi fiable que vous le disiez…
[J’éclaircirai ma proposition de la façon suivante : on reconnaît les grands écrivains à l’influence qu’ils ont exercées sur les écrivains des générations ultérieures.]
En d’autres termes, pour vous il est impossible de savoir si un écrivain est « grand » avant que ce soient écoulées deux ou trois générations… pourtant, vous m’aviez proposé si ma mémoire ne me trompe pas des noms de « grands écrivains » contemporains…
[Ce que vous dites sur Sollers est très juste, mais cela concerne l’homme, et non l’œuvre, qui n’est pas ce qu’on fait de plus nul.]
Non, pas « ce qu’on fait de plus nul »…
[Ses jugements littéraires ne sont pas trop idiots à mon sens.]
Non, « pas trop »…
[Vous avez dit des Pinçon qu’ils ont compris comment berner les gens en leur racontant ce qu’ils veulent entendre.]
Non. Vous n’avez toujours pas appris à lire : j’ai dit que les Pinçon « ont compris qu’il est facile de berner les gens en leur racontant ce qu’ils veulent entendre ». Pour une passionnée de littérature, la nuance devrait apparaître évidente…
[J’ai lu une quinzaine de leurs ouvrages : leur thèse est beaucoup plus subtile que ce que vous avez l’air de croire. Je sais très bien que tout cela n’est pas une histoire que de Rolex et de caviar.]
Bien entendu. J’ai simplifié leur thèse pour la résumer. Mais le fond y est.
[Les Pinçon, ce n’est pas la gauche bien-pensante. La gauche bien-pensante, c’est la gauche européiste. Or, c’est le dernier livre des Pinçon (“Tentative d’évasion fiscale”) qui m’a rendue anti-européiste…]
J’ignore la position des Pinçon sur les questions européennes. C’est un sujet qu’ils n’abordent pas à ma connaissance dans leurs livres.
[Si vous avez affaire à beaucoup d’énarques dans votre vie professionnelle, c’est que vous êtes vous-même “A+”, haut fonctionnaire. Cela signifie aussi que vous détenez un certain “capital social”, ce qui est une des caractéristiques de la classe étudiée par les Pinçon.]
Pas nécessairement. Je connais une secrétaire qui voit pas moins de dix énarques tous les jours. Et elle n’est nullement « A+ ». Par ailleurs, je ne pense pas détenir un « capital social » supérieur à celui détenu… par les Pinçon eux-mêmes. Je dirais même que j’en ai moins qu’eux, puisque je n’ai pas leur notoriété. Et pourtant, lorsqu’ils parlent des classes supérieures, ils ne se placent jamais comme membres de ces classes, non ?
[Je suis moi-même fonctionnaire (mais pas A+) et je vois bien que dans l’administration, beaucoup de choses sont “très politiques” (le dire dans un chuchotement gourmand et extatique), que les chiffres des “tableaux de bord” sont gonflés ou rétractés au gré des caprices de tel ou tel grand personnage, que les préfets sont nommés en fonction de leur proximité avec le chef de l’Etat, que des décisions aberrantes et qui vont à l’encontre de l’intérêt général sont prises pour ne pas froisser tel ou tel élu…]
Si vous êtes fonctionnaire, vous devriez savoir la différence entre l’obéissance hiérarchique à l’autorité politique, et le fait de faire de la politique soi même. Mais dites donc… si vous savez pourquoi les préfets sont nommés, c’est que vous devez fréquenter vous aussi beaucoup de « A+ »…
[Une question, Descartes : pourquoi tenez-vous à rester anonyme ?]
Parce que je ne veux pas d’ennuis. Et dans le monde sectaire ou nous vivons, on peut avoir beaucoup d’ennuis lorsqu’on prend le risque de déplaire. L’anonymat, c’est la liberté.
[Cela a des limites, au bout d’un moment, il faudrait savoir “d’où vous parlez”, comme on dit…]
Pourquoi ? Je ne tiens pas à faciliter le travail des vendeurs d’étiquettes. Mes textes disent assez clairement « d’où je parle ». Qu’est ce que cela vous apporterait de savoir en plus que je suis un grand professeur d’université ou un obscur gratte papier ?
[Peut-être avez-vous de hautes fonctions et ne voulez-vous pas qu’on connaisse vos opinions politiques, dans votre milieu professionnel ? Comment cela se fait-il, si vos interlocuteurs énarques sont si peu dans la politique ?]
Laissez travailler votre imagination…
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/08/14/georges-seguy-ancien-secretaire-general-de-la-cgt-est-mort_4982579_3382.html
Bien qu’auteur de cinq livres,c’est surtout par son parcours dans le PCF et CGT,que Georges Séguy est emblé matique ‘des Rouges’ en France.
Pascale Fautrieux,a décrit ces cheminots issus de longues lignées de prolétaires en France.
Georges Séguy,délégué du PCF au congrès du PCUS de la déstalinisation,en 1956,populsé par Thorez au BP,au pinacle en 1976 lors de l’eurocommunisme ,au 22ième congrès a personnifié la trajectoire du PCF.
Aprés 1979,le replis du PCF se dessine,celui de Séguy aussi,un pied dehors un pied dedans comme de nombreux militants ou ex du PCF,comme si l’héritage post 1945 était trop hétéroclite,entre pro soviétisme,et anti stalinisme,unité et rivalité avec les gauchistes-proPS .
Dans ma famille (toujours au PCF),Séguy était LA figure du PCF.
Au fond n’a t il pas incarné dans son parcours le destin du PCF?
@ luc
[Au fond n’a t il pas incarné dans son parcours le destin du PCF?]
On peut le dire. On ne peut contester le caractère de Seguy, son courage, son dévouement militant, la fermeté de ses convictions. C’était un homme exceptionnel… mais un piètre politique. Peut-être que sa formation dans un milieu fraternel comme l’était le PCF à l’époque ne l’avait pas préparé à la noirceur d’un Mitterrand ou le carriérisme d’un Hue.
“C’est dans ce sens qu’elle a toujours été interprétée” dite-vous… J’attends que vous étayiez un minimum cette affirmation, car cela m’étonnerait.
Vous avez dit “les Pinçon ont compris qu’il est facile de berner les gens” et non “les Pinçon ont compris comment berner les gens”, d’accord (vous noterez que je n’avais pas mis de guillemets, je citais de mémoire). Et pourquoi avez-vous dit “les Pinçon ont compris qu’il est facile de berner les gens” si ce n’était pas pour signifier qu’ils bernaient les gens ? Quel était le but de cette phrase ? Vouliez-vous dire qu’ils avaient compris qu’il est facile de berner les gens, mais qu’ils se gardent bien de chercher à berner les gens ?
Les écrivains contemporains que je vous ai cité, je vous ferai remarquer (mais pas agressivement comme vous le faites en vous disant “vous n’avez toujours pas appris à lire”) que je les ai qualifié de très BONS écrivains SELON MOI et non de grands écrivains. Ce n’est pas la même chose. Les grands écrivains, oui, comme je l’ai dit précédemment, c’es la postérité qui permet de les désigner.
Les Pinçon font bien une critique de l’Union européenne dans “Tentative d’évasion fiscale”. Jetez-y un coup d’œil et vous verrez.
Ils sont très clairs sur qui ils sont et expliquent (je crois dans la préface des “ghettos du Gotha”) d’où ils viennent et en quoi cela rend possible le type d’enquêtes qu’ils ont réalisées (ils ne peuvent plus procéder de cette façon maintenant, ils sont “grillés”).
Le fait de posséder un capital social n’est pas du tout la même chose qu’avoir de la notoriété.
Ce que je vous dis sur les préfets, tout le monde le sait dans l’administration, pas besoin de connaître personnellement beaucoup d’A+.
@ Nana1985
[“C’est dans ce sens qu’elle a toujours été interprétée” dite-vous… J’attends que vous étayiez un minimum cette affirmation, car cela m’étonnerait.]
Je le tiens de mes deux professeurs de littérature française successifs. Mais je crains qu’il soit un peu trop tard pour leur demander un affidavit…
[Et pourquoi avez-vous dit “les Pinçon ont compris qu’il est facile de berner les gens” si ce n’était pas pour signifier qu’ils bernaient les gens ? Quel était le but de cette phrase ? Vouliez-vous dire qu’ils avaient compris qu’il est facile de berner les gens, mais qu’ils se gardent bien de chercher à berner les gens ?]
Non, j’ai utilisé cette phrase précisément parce que je ne sais pas s’ils bernent les gens ou s’ils sont convaincus de ce qu’ils racontent… ou si c’est un mélange des deux. Je pense que s’ils voulaient berner les gens, ils ont les moyens car ils ont bien compris la mécanique. Mais je ne fais pas de jugement de valeur sur leurs buts.
[Les Pinçon font bien une critique de l’Union européenne dans “Tentative d’évasion fiscale”. Jetez-y un coup d’œil et vous verrez.]
Une critique de l’Union européenne telle qu’elle est, mais pas une critique de l’Union européenne comme concept. Je vous rappelle qu’il y a deux types d’européistes bienpensants : ceux qui défendent « cette Europe » – ils sont aujourd’hui de moins en moins nombreux – et ceux qui parlent de « l’autre Europe ». En d’autres termes, ceux qui veulent continuer la construction européenne en approfondissant la logique actuelle et ceux qui rêvent d’une Europe fédérale mais construite sur d’autres bases.
[Le fait de posséder un capital social n’est pas du tout la même chose qu’avoir de la notoriété.]
La notoriété ne serait-elle pas un « capital social » ?
[Ce que je vous dis sur les préfets, tout le monde le sait dans l’administration, pas besoin de connaître personnellement beaucoup d’A+.]
Vous savez, si je faisais la liste de ce que « tout le monde sait dans l’administration » et qui est faux, je n’aurais pas fini demain…
Descartes,
« vous voulez dire que peut-être même que c’était une satyre de l’antisémitisme nazi »
Ecoutez, il y a ce que disent les détracteurs et ce que disent les amoureux du génial écrivain et je ne me dispense d’aucun de ces points de vue.
Il n’est pas si irréaliste que cela d’avancer aussi que l’antisémitisme exprimé par Céline était avant tout la haine de soi et de son milieu social étriqué. Une manière d’exsuder son ressentiment social et national.
Céline est hors norme (d’où fascination) ! Un traitement plus exigeant de son œuvre et de ses actions est donc nécessaire quant au message qu’il est censé avoir voulu délivrer !
Il a goûté, si je puis dire, lui-même, aux cruautés de la guerre, en est revenu blessé et probablement traumatisé et un hors norme comme lui n’aurait pu s’accommoder d’aller vers plus de lissage quant à la suite de son œuvre et de la poursuite de sa vie, mais bien vers plus de brouillage de pistes… Céline était un hygiéniste, un alcool fort, aux arômes puissants et peu comme lui ont été le reflet fidèle d’une époque et d’une tragédie.
Ah, Hitler et l’amour porté aux animaux et les chiens plus particulièrement, les bergers-allemands, plus précisément, parlons-en justement.
Jusqu’ici tout va bien et qui ne sait pas au moins ce détail de base concernant Hiltler ? Et même pour les plus flemmards, il y a l’excellent film, «la chute », c’est dire…
Toutes ces photos de Hitler, prises en compagnie de chiens (d’enfants aussi), cela n’avait-il pas pour but premier de donner un visage humain au Führer ?
L’ouvrage, « Des animaux et des hommes » de Luc Ferry, recyclage français de la propagande nazie ? Les nazis anti-vivisectionnistes, un mythe ?
Lors de la prise de pouvoir des nazis, l’heure était à la vertu rassurante. Goebbels, ministre de la propagande, n’a-t-il pas entrepris de positiver l’image du Führer, tâchant de le faire passer pour un homme aussi « simple que bon » ? L’amour de la nature, des enfants, tout ça….
L’amour des animaux apparaissant alors comme les caractéristique de tout homme bon.
La vérité semble être que Hitler était surtout un amateur de chien-loup (berger-allemand) exclusivement. Les textes de Hitler sur l’animal sont peu nombreux, visiblement. On sait par Albert Speer, qu’Hitler ennuyait les hôtes de son chalet par ses interminables tirades sur les chiens-loup.
« Dans le nouveau Reich, il ne devait plus y avoir de place pour la cruauté envers les animaux », en théorie seulement. Amour inconditionnel de Hitler pour Blondie, oui. « Bonheur pour Blondie Hitler, malheur pour Minet Klemperer dont le maître est juif ».
Fait trop peu connu : chats, chiens et même canaris auraient été enlevés puis tués , parce que considérés comme des créatures « perdues pour l’espèce » qui vivaient chez les juifs.
Prendre connaissance, à ce sujet, du témoignage de Victor Klemperer…
Alors toute une vie ne suffirait pas à mettre au clair, tous les événements historiques, d’où la nécessité, toujours croissante de s’y reporter en tout angle de vues, pour tâcher de s’approprier, ne serait-ce qu’une part infime de la Vérité, ou plus exactement d’aller au-delà de ce qu’officiellement, nous sommes censés savoir…
Conclusion, je n’excuse pas l’auteur des « Bagatelles » pour ses propos antisémites ! je ne l’approuve pas mais pour autant, je me dois d’aller au fond de mon investigation le concernant (l’artiste comme l’homme).
Je ne disposerai sûrement pas du temps nécessaire pour arriver à une conclusion tranchée et je ne pourrai le faire pour toute personnalité que j’admire !
Normal d’aller d’abord vers ceux qui vous fascine le plus et qu’importe qu’en raison de son côté sulfureux, il ne fait pas bon dire son attrait pour un être, jugé malfaisant !
J’observe tout de même à ce stade de mon approche de l’oeuvre et de l’homme, que la noirceur apparente de Céline n’est pas si homogène….
@ âme sensible
[Ecoutez, il y a ce que disent les détracteurs et ce que disent les amoureux du génial écrivain et je ne me dispense d’aucun de ces points de vue.]
Il y a surtout ce que disent les œuvres du « génial écrivain » elles mêmes. Je suis le premier à penser qu’il faut écouter les experts… mais en matière de littérature, chacun de nous est aussi capable de juger par lui-même. Vous avez-vous-même lu « Bagatelles pour un massacre ». Qu’est ce que vous en pensez ? Avez-vous vraiment vu dans ce texte une satyre de l’antisémitisme ?
[Il n’est pas si irréaliste que cela d’avancer aussi que l’antisémitisme exprimé par Céline était avant tout la haine de soi et de son milieu social étriqué. Une manière d’exsuder son ressentiment social et national.]
Le docteur Destouches ne semble avoir eu la moindre haine pour lui-même, et la preuve en est qu’il a pris toutes les précautions pour rester en vie. Il s’est éloigné prudemment de la France, il a attendu que le risque disparaisse pour rentrer, et a interdit la republication de ses œuvres les plus polémiques. Tout ça ne cadre pas avec le profil psychologique de quelqu’un qui se haït lui-même et qui l’exprime par la littérature. Je veux bien par contre admettre que ses livres « exsudent » sa haine et son ressentiment envers la société. C’est précisément cela qui fait qu’il faut réserver sa lecture aux adultes…
[Céline est hors norme (d’où fascination) ! Un traitement plus exigeant de son œuvre et de ses actions est donc nécessaire quant au message qu’il est censé avoir voulu délivrer !]
Tout a fait. Et cette exigence implique aussi de ne pas vouloir masquer sa part d’ombre sous prétexte que c’est un « grand écrivain ». Les grands artistes nazis ne sont pas moins nazis pour avoir été des grands artistes.
[Il a goûté, si je puis dire, lui-même, aux cruautés de la guerre, en est revenu blessé et probablement traumatisé (…)]
Il n’a pas été le seul. Beaucoup d’écrivains ont porté les stigmates de la première guerre mondiale, et ne sont pas devenus des antisémites délirants ou fait l’éloge de la collaboration pour autant. Je reconnais ici le discours « victimiste » : Destouches a été « victime » de la guerre, et cela justifie tout…
[Céline était un hygiéniste, un alcool fort, aux arômes puissants et peu comme lui ont été le reflet fidèle d’une époque et d’une tragédie.]
Argument qui s’applique aussi bien à Darnand, à Doriot…
[Ah, Hitler et l’amour porté aux animaux et les chiens plus particulièrement, les bergers-allemands, plus précisément, parlons-en justement. (…) Toutes ces photos de Hitler, prises en compagnie de chiens (d’enfants aussi), cela n’avait-il pas pour but premier de donner un visage humain au Führer ?]
Pour les enfants c’est possible, après tout, si Hitler aimait se faire prendre en photos avec eux, il n’a pas pris la peine d’en élever lui-même. Mais dans le cas des chiens, non seulement il a pris la peine d’en avoir – et de les amener avec lui dans ses périples – mais tous ceux qui ont croisé Hitler ont souligné sa tendresse pour son chien, même lorsque les caméras ne tournaient pas. Par ailleurs, vous noterez que les premières lois de protection de la nature et contre la cruauté envers les animaux en Allemagne sont l’œuvre du nazisme (la célèbre Naturschutzgezetz de 1933).
[L’ouvrage, « Des animaux et des hommes » de Luc Ferry, recyclage français de la propagande nazie ? Les nazis anti-vivisectionnistes, un mythe ?]
Non, une réalité. Les nazis sont les héritiers de la naturphilosophie des romantiques allemands, une idéologie profondément anti-humaniste aujourd’hui reprise par beaucoup d’écologistes – souvent trop ignorants pour bien saisir l’origine des idées qu’ils manipulent. Un anti-humanisme qui a fait que les nazis étaient horrifiés par la vivisection animale tout en approuvant les expérimentations sur des êtres humains « inférieurs »…
[Lors de la prise de pouvoir des nazis, l’heure était à la vertu rassurante. Goebbels, ministre de la propagande, n’a-t-il pas entrepris de positiver l’image du Führer, tâchant de le faire passer pour un homme aussi « simple que bon » ? L’amour de la nature, des enfants, tout ça….]
Encore une fois, vous faites l’amalgame entre la « nature » et les « enfants ». L’attachement des nazis pour la nature est un attachement profond, idéologique, commun à une bonne partie de la droite allemande et qui préexiste au nazisme. C’est un attachement réel, qui ne doit pas grande chose aux besoins de propagande. Hitler élevait des chiens et aimait les longues promenades en forêt même lorsque les caméras n’étaient pas là.
[L’amour des animaux apparaissant alors comme les caractéristique de tout homme bon.]
Et pourtant, rares sont les hommes politiques contemporains de Hitler qui aient démontré publiquement un tel attachement. Sauriez-vous me dire le nom du chien préféré de Churchill, de Roosevelt, de De Gaulle, de Pétain, de Laval, de Staline ?
[La vérité semble être que Hitler était surtout un amateur de chien-loup (berger-allemand) exclusivement. Les textes de Hitler sur l’animal sont peu nombreux, visiblement. On sait par Albert Speer, qu’Hitler ennuyait les hôtes de son chalet par ses interminables tirades sur les chiens-loup.]
Nous savons aussi que l’un de ses premiers actes de gouvernement a été de prendre une loi sur la protection de la nature et des animaux, ce qui a l’époque était une véritable innovation et que personne ne lui demandait de faire. Je vous le répète : il y a depuis le romantisme dans la droite et l’extrême droite allemande un rapport particulier avec la nature et avec les animaux, rapport qui peut s’interpréter comme un rejet de l’humanisme. De ce point de vue, Hitler n’a fait que suivre une pente.
[Fait trop peu connu : chats, chiens et même canaris auraient été enlevés puis tués, parce que considérés comme des créatures « perdues pour l’espèce » qui vivaient chez les juifs.]
Parce qu’on prêtait au juif le pouvoir de corrompre tout, même les créatures les plus pures. Dans ce geste, les nazis montraient combien pour eux l’animal était élevé à une dignité équivalente à celle d’un être humain, puisqu’il était corruptible…
[Je ne disposerai sûrement pas du temps nécessaire pour arriver à une conclusion tranchée et je ne pourrai le faire pour toute personnalité que j’admire !]
Personnellement, je peux admirer l’écriture de Céline, son style, sa force, mais je ne peux admirer sa « personnalité ».
[Normal d’aller d’abord vers ceux qui vous fascine le plus et qu’importe qu’en raison de son côté sulfureux, il ne fait pas bon dire son attrait pour un être, jugé malfaisant !]
C’est bien là que se situe à mon avis le problème. En quoi serait-il « normal » d’être fasciné par le « côté sulfureux » ? Je veux bien qu’il en soit ainsi lorsqu’on est adolescent, et qu’on se construit contre la société. Mais pour vous comme pour mois l’adolescence est finie depuis longtemps. Et malgré les injonctions de notre société qui aspire à l’adolescence éternelle, je ne vois pas de bonne raison pour la prolonger indéfiniment. Si c’est le « côté sulfureux » qui vous fascine, pourquoi ne pas lire les véritables écrivains nazis et assumés comme tels ? Ne sont-ils bien plus « sulfureux » que ce bon docteur Destouches ?
[J’observe tout de même à ce stade de mon approche de l’oeuvre et de l’homme, que la noirceur apparente de Céline n’est pas si homogène….]
Ah bon ? Et comment ça ? Parce qu’il aimait ses patients ? Vous devriez lire les mémoires de Rudolf Hoess…
Permettez moi de vous répondre encore. Et d’abord de façon sarcastique . Vous vous réjouissez d’être en phase avec M Roy sur la question posée par l’islam.: normal c’est “l’islamologue de la gauche”
Aussi , je me permets de vous transmettre la réponse que G Kepel lui a faite lors d’une conférence où on l’interrogeait sur leurs différences : “le jour où M Roy apprendra l’arabe on pourra discuter”!
A votre place je m’inquièterais donc d’être en phase avec M Roy, qui manifestement ne peut faire autrement que projeter sa propre vision culturelle sur le monde musulman. C’est comme cela que l’on parle de suicide pour ne pas parler de conflits religieux ou culturels.
Mais M Descartes, j’entends bien que pour un occidental, travaillé par le “je pense donc je suis” , ce qu’on a fait à Nice ou au Bataclan relève du suicide. C’est irrationnel. L’occident reconnaît l’individu , il lui confère même des Droits inaliénables.
Mais cela n’est pas la même chose dans l’univers musulman. Il y a une rationalité là aussi , mais collective. Et Nice est tout sauf irrationnel. Cela relève d’un simple calcul : si tous les musulmans tuent 10 infidèles ( appelez les “face de craie” ou “gaulois” cela revient au même) , à terme le monde deviendra musulman. Ce qui est le but assumé du Coran. Que l’assassin meure lui aussi n’est qu’une conséquence dommageable certes, mais qu’on valorisera facilement. D’où les vierges ; mais ce n’est pas l’essentiel : l’essentiel est que l’individu n’y a pas le même sens.
Quant aux moyens, comme on le sait, la différence avec le Christianisme est que la violence est le moyen revendiqué pour une moitié du texte – mais pas dans l’autre.. Ce qui ouvre toutes les possibilités
C’est cela le fond du problème
@ Frederic N
[Permettez moi de vous répondre encore. Et d’abord de façon sarcastique . Vous vous réjouissez d’être en phase avec M Roy sur la question posée par l’islam.: normal c’est “l’islamologue de la gauche”.
Auriez-vous l’obligeance de m’indiquer d’où tirez-vous l’idée que je mes serais « réjoui d’être en phase avec M. Roy » ? Voici ce que j’ai écrit : « Dans Le Monde daté du 6 août 2016, un bon entretien du politologue Oliver Roy et du psychanalyste Fehti Benslama ou l’on retrouve des analyses qui convergent avec les miennes. Comme quoi… ». Je crains que l’ironie du propos vous ait échappé…
[Aussi , je me permets de vous transmettre la réponse que G Kepel lui a faite lors d’une conférence où on l’interrogeait sur leurs différences : “le jour où M Roy apprendra l’arabe on pourra discuter”!]
Je l’avais dit en réponse à un autre commentateur mais je le répète. Je trouve que Roy et Kepel ont tort de s’abaisser à ce genre d’arguments. Entre Roy qui accuse Kepel de vouloir devenir l’islamologue officiel de la République, et Kepel qui accuse Roy de ne pas parler arabe, il n’y a pas l’un pour rattraper l’autre. Les deux feraient mieux de chercher à réfuter les affirmations de l’autre sur le fond, au lieu de jouer une mauvaise comédie de boulevard.
[A votre place je m’inquièterais donc d’être en phase avec M Roy, qui manifestement ne peut faire autrement que projeter sa propre vision culturelle sur le monde musulman. C’est comme cela que l’on parle de suicide pour ne pas parler de conflits religieux ou culturels.]
Je ne comprends pas très bien ce commentaire. Ce que vous reprochez à Olivier Roy est une évidence. Ni Roy ni personne ne peut faire autre chose que « projeter sa propre vision culturelle » lorsqu’il analyse une question. Il est impossible de s’abstraire de sa propre culture, et cela quelque soit la question examinée. Pensez-vous être capable d’analyser les dieux grecs de la même manière que ceux qui croyaient vraiment en eux ? Non, bien sur, vous en êtes incapable. Nous ne pouvons pas penser comme un fou, pas plus que nous ne pouvons penser comme un islamiste. Nous ne pouvons qu’imaginer, à partir de notre propre culture, comment pensent l’un et l’autre.
[Mais M Descartes, j’entends bien que pour un occidental, travaillé par le “je pense donc je suis”, ce qu’on a fait à Nice ou au Bataclan relève du suicide. C’est irrationnel. L’occident reconnaît l’individu , il lui confère même des Droits inaliénables. Mais cela n’est pas la même chose dans l’univers musulman. Il y a une rationalité là aussi, mais collective.]
Mais comment se construit cette rationalité collective ? Parce que pour qu’il y ait rationalité collective, il faut qu’il y ait un « collectif » qui pense par lui-même. Or, la pensée collective n’existe pas : le siège de la pensée, c’est notre cerveau. Et il n’y a pas de cerveau collectif, tout au plus un rassemblement de cerveaux individuels, chacun pensant en fonction de perceptions, d’idées, d’intérêts individuels. Peu importe que les musulmans se pensent eux-mêmes comme les agents d’une « communauté » qui pense pour eux. Dans la réalité, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.
[Et Nice est tout sauf irrationnel. Cela relève d’un simple calcul : si tous les musulmans tuent 10 infidèles (appelez les “face de craie” ou “gaulois” cela revient au même) , à terme le monde deviendra musulman.]
Admettons… mais quel est l’intérêt que le monde devienne musulman si vous n’êtes pas là pour le voir ? Croyez-vous qu’il soit si facile de trouver des gens prêts à se suicider pour faire plaisir aux autres ?
[Ce qui est le but assumé du Coran. Que l’assassin meure lui aussi n’est qu’une conséquence dommageable certes, mais qu’on valorisera facilement. D’où les vierges ; mais ce n’est pas l’essentiel : l’essentiel est que l’individu n’y a pas le même sens.]
Je m’aperçois en vous lisant que pour vous la « culture » est quelque chose d’immanente. Elle ne se construit pas en fonction des besoins et des intérêts des groupes sociaux qui constituent une société, elle est donnée, elle tombe d’en haut sans qu’on sache très bien pourquoi. Pourquoi croyez-vous que les sociétés occidentales, qui étaient elles aussi « holistes » jusqu’à une date qui n’est pas si reculée que ça, soient devenues individualistes ? Et pourquoi les musulmans n’ont pas fait ce saut ? Pourquoi pensez-vous qu’un musulman élevé en France resterait attaché à une vision « holiste » s’il n’y avait pas intérêt ?
[Quant aux moyens, comme on le sait, la différence avec le Christianisme est que la violence est le moyen revendiqué pour une moitié du texte – mais pas dans l’autre.. Ce qui ouvre toutes les possibilités]
Je n’ai pas très bien compris ce commentaire. De quel texte voulez vous parler ?
@Descartes,
« Je reconnais ici le discours « victimiste » : Destouches a été « victime » de la guerre, et cela justifie tout… »
Non, non et non ! Ça n’a rien à voir avec un discours victimiste ! Je dis juste que quelqu’un ayant été touché dans sa chair au combat (par rapport à quelqu’un , qui ne connaît la guerre qu’au travers les récits) et bien forcément, sa lecture du monde va en être forcément imprégnée ! Et le sujet n’est pas qu’il n’ait pas été le seul à avoir subi des blessures de guerre ! Mais bien sa manière à lui d’y exercer sa critique, aussi irrévérencieuse soit-elle.
Oui, Hitler a pris la peine d’avoir des chiens et oui il était tendre avec eux et je ne dis pas qu’il feignait les aimer… mais pas n’importe quelle race de chiens ! Dire qu’ils les aimaient tous à partir de son penchant pour les bergers-allemand, c’est peut être un peu s’avancer, selon moi.
« vous noterez que les premières lois de protection de la nature et contre la cruauté envers les animaux en Allemagne sont l’œuvre du nazisme (la célèbre Naturschutzgezetz de 1933). »
Ben justement, j’ai bien pris connaissance (sans entrer dans les détails) de ces lois mais bon il y a quand même des zones d’ombres…Ce serait trop long…
« les nazis étaient horrifiés par la vivisection animale tout en approuvant les expérimentations sur des êtres humains « inférieurs »… »
Il n’y a pas besoin d’être un nazi pour être horrifié par la vivisection animale ! En ce qui me concerne, j’aimerais que cela cesse ! J’estime qu’à notre époque, l’on peut utiliser d’autres procédés et qu’on laisse nos amies les bêtes, tranquilles !!!!
« Sauriez-vous me dire le nom du chien préféré de Churchill, de Roosevelt, de De Gaulle, de Pétain, de Laval, de Staline ? »
Je peux donner le nom d’un des chiens de Poutine si vous voulez, Baffy. J’ai adoré comme il a reçu Merkel en compagnie de l’un de ses chiens, sachant pertinemment qu’elle avait peur des chiens !!! hihihi
Et non ce n’est pas le côté sulfureux qui me fascine plus que ça ! Comment vous expliquer, c’est les subterfuges utilisées par les humains en général, et d’autant plus quand ce sont des génies, pour continuer à entretenir avec eux-mêmes, une relative bonne perception de ce qu’ils sont, sachant que c’est difficile de rester un saint dans un monde qui sans arrêt tend à inciter les hommes à montrer en priorité leur plus mauvais côtés, plutôt que les bons !
Il n’y a que des naïfs comme Brel (et lui aussi me fascine pour d’autres raisons, bien que par sulfureux du tout) qui voyait d’abord le bon côté chez les gens et même tellement que pour lui le risque de se faire avoir ne comptait pas.
« J’observe tout de même à ce stade de mon approche de l’oeuvre et de l’homme, que la noirceur apparente de Céline n’est pas si homogène….]
Ah bon ? Et comment ça ? Parce qu’il aimait ses patients ? »
Et non parce que Céline aimait ses patients mais parce à travers toute la monstruosité qu’il peut inspirer à certains (bien qu’il y ait bien pire, on est d’accord), j’y entrevois (et c’est personnel), quelqu’un qui s’est voulu provocateur plus par refus de l’hypocrisie, entre autres.
Ce que j’observe, c’est que ceux qui se disent aimer les autres plus qu’eux-mêmes, ils sont, dans la pratique, très rares à se sacrifier pour les autres…
@ âme sensible
[Mais bien sa manière à lui d’y exercer sa critique, aussi irrévérencieuse soit-elle.]
Ce qui est en cause ici, ce n’est pas « l’irréverence » de Céline, mais son antisémitisme.
[Oui, Hitler a pris la peine d’avoir des chiens et oui il était tendre avec eux et je ne dis pas qu’il feignait les aimer… mais pas n’importe quelle race de chiens !]
Un peu comme Destouches, qui aimait les hommes, mais pas de n’importe quelle race, non ?
[« les nazis étaient horrifiés par la vivisection animale tout en approuvant les expérimentations sur des êtres humains « inférieurs »… » Il n’y a pas besoin d’être un nazi pour être horrifié par la vivisection animale !]
S’il vous plait… lisez ce qu’écrit votre interlocuteur et essayez de comprendre l’argument avant de réagir…
[« Sauriez-vous me dire le nom du chien préféré de Churchill, de Roosevelt, de De Gaulle, de Pétain, de Laval, de Staline ? » Je peux donner le nom d’un des chiens de Poutine si vous voulez, Baffy.]
Je n’en doute pas. Mais ce n’est pas la question que j’avais posée. Vous avez écrit que « à cette époque là » il était de bon ton de paraître aimer les animaux. Je vous ai donc demandé des exemples concernant « ce temps là ».
[Et non parce que Céline aimait ses patients mais parce à travers toute la monstruosité qu’il peut inspirer à certains (bien qu’il y ait bien pire, on est d’accord), j’y entrevois (et c’est personnel), quelqu’un qui s’est voulu provocateur plus par refus de l’hypocrisie, entre autres.]
Et bien, contrairement à vous, j’ai trop de respect pour Céline pour mettre en doute sa sincérité. Quand il disait « mort aux juifs », moi j’entends « mort aux juifs », et non une « provocation par refus de l’hypocrisie ».
[Ce que j’observe, c’est que ceux qui se disent aimer les autres plus qu’eux-mêmes, ils sont, dans la pratique, très rares à se sacrifier pour les autres…]
Vous pensez à qui ? Des noms, des noms !
Le capital social, d’après la définition de Bourdieu (et les Pinçon sont des bourdieusiens), est “l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles d’un agent qui sont liées à un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance”.
La notoriété est très différente : 1) ce n’est pas forcément une ressource (par exemple s’il s’agit d’une mauvaise réputation) ; 2) il n’y pas la notion d’INTERconnaissance ou reconnaissance (c’est à sens unique) ; 3) il n’y a pas d’institutionnalisation.
Alors que connaître personnellement beaucoup d’énarques de par ses relations professionnelles, ça rentrerait plutôt dans la définition bourdieusienne du capital social…
En l’occurrence, je crois que c’est pour préserver votre capital social que vous, Descartes, fuyez la notoriété !!
(je vous taquine mais je vous comprends parfaitement, vous avez raison c’est plus prudent !)
@ Nana1985
[Le capital social, d’après la définition de Bourdieu (et les Pinçon sont des bourdieusiens), est “l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles d’un agent qui sont liées à un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance”.]
Et la notoriété médiatique n’est pas pour vous une « relation institutionnalisée d’interconnaissance et d’interreconnaissance » ? Peut-on jouir d’une « notoriété » sans être « connu » et « reconnu » ? Allons…
[La notoriété est très différente : 1) ce n’est pas forcément une ressource (par exemple s’il s’agit d’une mauvaise réputation) ;]
Même une « mauvaise réputation » est une « ressource » dans une société médiatique comme la notre. Un grand criminel peut gagner beaucoup d’argent en publiant ses mémoires, par exemple.
[2) il n’y pas la notion d’INTERconnaissance ou reconnaissance (c’est à sens unique) ;]
Bien sur que c’est à double sens. Imaginons que je sois une personnalité célèbre et que j’aie envie d’éditer un livre. A qui m’adresserais-je ? A un éditeur connu, par exemple. Je le reconnais donc. Et lui, lorsque je lui demande un entretien, s’empressera de me recevoir parce que mois aussi, je suis célèbre. Donc, il me connaît. Il y a bien « interconnaissance ». La « notoriété », c’est le degré suprême du réseau.
[3) il n’y a pas d’institutionnalisation.]
Ah bon ? La télévision, l’édition ne sont pas des « institutions » ?
[Alors que connaître personnellement beaucoup d’énarques de par ses relations professionnelles, ça rentrerait plutôt dans la définition bourdieusienne du capital social…]
Beh non… moi je les reconnais, mais eux ne me reconnaissent pas. Où est « l’interreconnaissance » ?
[En l’occurrence, je crois que c’est pour préserver votre capital social que vous, Descartes, fuyez la notoriété !!]
Comme je vous l’ai dit, je ne discute jamais les question de foi. Chacun a droit à ses croyances, aussi absurdes soient elles.
[(je vous taquine mais je vous comprends parfaitement, vous avez raison c’est plus prudent !)]
Quelqu’un a dit qu’une société libre est une société dans laquelle il n’est pas dangereux d’être impopulaire. Je crains que de ce point de vue, nous ne vivions pas dans une société fort peu libre…
Céline a choisi le camp des vainqueurs supposés après 1933,au grand désappointement d’Aragon qui avait aimé l’écrivain de ‘mort à crédit’ et ‘voyage au bout de la nuit’.
Après ce fut l’horreur nazie que Céline choisit pour etre du côté du manche?…….
@ luc
[Après ce fut l’horreur nazie que Céline choisit pour etre du côté du manche?…]
Céline était une personnalité malade, et profondément traumatisé par son expérience de la guerre. Il est très difficile de savoir quels ont été les moteurs psychologiques de la dérive qui l’amènera à se proclamer antisémite et collaborateur pendant l’occupation, d’accompagner les dignitaires de Vichy dans leur fuite à Sigmaringen, puis – et c’est là aussi remarquable – à observer un silence prudent pendant cette époque et à interdire la réimpression de ses pamphlets les plus abjectes. Peut-être ressentait-il un besoin de sécurité qui l’amenait à se mettre “du côté du manche” et à rejoindre la curée qui crachait sur les plus faibles que lui ? On ne le saura probablement jamais…
Cependant, et j’insiste, quelque soient les traumatismes qu’ait pu subir Céline, il faut choisir: ou bien c’était un fou, irresponsable de ses actes, ou bien c’était un homme capable de distinguer le bien du mal, et alors il doit en assumer historiquement la responsabilité de ses actes.
@Descartes,
Mais j’ai très bien lu votre argument concernant la vivisection (animale/humaine) ! J’ai réagi de la sorte tout simplement parce que ça me dégoûte, qu’encore de nos jours, ces méthodes de barbares ne soient pas abandonnées.
Des noms, dites-vous ? Vous en voyez beaucoup vous qui renonceraient à tout le bien-être dont ils peuvent bénéficier, juste pour voir les autres en profiter à leur place ? Des noms de gens qui ont fait abnégation de leur personne, je peux en donner oui et ils ne sont pas légion : soeur Emmanuelle, l’abbé Pierre…
Après, un cran en-dessous, il y a tous les généreux ou ceux qui se servent de leur notoriété et qui font en sorte de ne pas oublier d’où ils viennent (quand il ne s’agit pas de se donner bonne conscience) mais ceux-là aussi sont en voie de disparition !
Les actes, et rien que les actes…les paroles on sait ce que ça vaut….
@ âme sensible
[Mais j’ai très bien lu votre argument concernant la vivisection (animale/humaine) ! J’ai réagi de la sorte tout simplement parce que ça me dégoûte, qu’encore de nos jours, ces méthodes de barbares ne soient pas abandonnées.]
Elles ne pourront être « abandonnées » que le jour ou vous et moi accepterons de prendre le risque d’absorber un médicament qui n’a jamais été testé sur un être vivant. Seriez-vous prête à administrer un tel médicament à votre enfant ? Non ?
[Des noms, dites-vous ? Vous en voyez beaucoup vous qui renonceraient à tout le bien-être dont ils peuvent bénéficier, juste pour voir les autres en profiter à leur place ?]
D’abord, n’inversez pas la charge de la preuve. Vous affirmez : « j’observe, c’est que ceux qui se disent aimer les autres plus qu’eux-mêmes, ils sont, dans la pratique, très rares à se sacrifier pour les autres… ». Si vous les avez « observé » alors vous devriez être en mesure de donner des exemples.
Ensuite, ne déformez pas la question. Ici, il ne s’agissait pas de la capacité de « renoncer à TOUT le bien-être dont on peut bénéficier », mais de « se sacrifier pour les autres », sacrifice qui n’a aucune raison d’être TOTAL.
Et enfin, oui, je connais beaucoup de gens qui se sacrifient quotidiennement pour les autres. Des gens qui acceptent des salaires moindres pour travailler dans le service public, des gens qui restent en dehors des heures ouvrables pour finir une tâche qu’ils jugent importante…
[Des noms de gens qui ont fait abnégation de leur personne, je peux en donner oui et ils ne sont pas légion : soeur Emmanuelle, l’abbé Pierre…]
En quoi consiste le « sacrifice » de l’Abbé Pierre ? A ma connaissance, il a toujours fait ce qu’il a voulu, il a eu une carrière brillante… qu’a-t-il « sacrifié » ? Et sœur Emmanuelle, en quoi consiste son « sacrifice » ? Elle aussi, elle a toujours fait ce qu’elle a voulu. Elle n’a jamais rien « sacrifié ». De grâce, évitons les lieux communs…
[Les actes, et rien que les actes…les paroles on sait ce que ça vaut…]
Pour quelqu’un qui dit se passionner pour la littérature, je trouve cette formule très paradoxale…
Le fait d’être édité ou de passer à la télévision ne constitue pas une appartenance à un réseau durable de relations institutionnalisées. Il n’y a pas la notion de réseau.
(Vous reconnaissez les énarques mais ils ne vous reconnaissent pas : donc ça ce serait l’option où vous êtes secrétaire. Admettons ; de toutes façons vous seul savez ce qu’il en est.)
En admettant que les Pinçon ont un certain capital social du fait de leur notoriété (qui cependant dans bien des cas les dessert), cela n’enlève rien à la pertinence de leurs travaux.
Je ne veux pas vous ennuyer en vous obligeant à poursuivre cette joute, car nous aurons d’autres occasions d’échanger sur des cas concrets permettant de discuter des conclusions des Pinçon !
Au plaisir de vous rencontrer lors d’un prochain café politique si vous en organisez un autre.
Bien à vous
Nana
@ Nana1985
[Le fait d’être édité ou de passer à la télévision ne constitue pas une appartenance à un réseau durable de relations institutionnalisées. Il n’y a pas la notion de réseau.]
Une affirmation, pour répétée qu’elle soit, ne constitue pas un argument. Surtout lorsqu’elle contredit les observations. Prenez l’exemple de Steevie Boulay. Son passage à « Loft Story » en 2001 en fit la notoriété. Et c’est cette notoriété – et non un quelconque talent – qui lui a permis ensuite de trouver toutes sortes d’emplois comme animateur ou participant à toutes sortes d’émissions de radio et télévision. Et vous allez me dire que « passer à la télévision » ne constitue pas une appartenance à un réseau durable de relations institutionnalisées ?
Pourquoi croyez-vous que des centaines de jeunes se présentent pour participer à toutes sortes d’émissions idiotes ? Pour le simple plaisir de « passer à la télévision » ? Bien sur que non : les jeunes savent très bien que ce « passage à la télévision », c’est l’opportunité d’accéder à la « notoriété », et de rentrer donc dans ce « réseau durable de relations institutionnalisées » qui permet de faire sa carrière dans le « showbiz ». Et il n’y a pas que les jeunes décérébrés qui y pensent. Devenir un intellectuel médiatique, comme Finkielkraut ou Onfray, c’est aussi entrer dans un « réseau » qui vous permet d’être invité à vous exprimer sur les ondes et même, consécration suprême, d’avoir votre émission sur France-Q d’où vous pourrez renvoyer l’ascenseur – preuve de votre « inter-reconnaissance »…
[En admettant que les Pinçon ont un certain capital social du fait de leur notoriété (qui cependant dans bien des cas les dessert), cela n’enlève rien à la pertinence de leurs travaux.]
Possible. Mais cela les fait membres de cette classe qu’ils affectent critiquer. Or, dans leurs travaux ils parlent toujours des « élites » ou des « oligarchies » comme s’ils n’y étaient pas membres… étonnant, n’est ce pas ?
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi il y a tant de sociologues qui se passionnent pour les « élites » et leur pouvoir, alors qu’ils sont si peu nombreux – et si peu médiatisés – à s’occuper du pouvoir et du poids des « classes moyennes » ? L’explication est simple : la théorie des « oligarchies » est au cœur de l’idéologie des « classes moyennes ». Concentrer les projecteurs sur cette nouvelle aristocratie censée gouverner le monde est un excellent moyen pour les « classes moyennes » de maintenir leur propre pouvoir dans l’ombre. C’est en ce sens que je parlerais « d’imposture » à propos des Pinçon – et aussi jusqu’à un certain point de leur maître, Bourdieu.
[Je ne veux pas vous ennuyer en vous obligeant à poursuivre cette joute,]
Mais vous ne m’ennuyez pas, au contraire…
D abord toute notre reconnaissance a Descartes.
Il met ses savoirs a la disposition du blog,Depuis chez moi un texte sur Celine vous parviendra.La,impossible d ecrire,,,
En wiffi SNCF non azerty je ne peux pas continuer a+
Je dévie sans doute légèrement du sujet (quoique), mais que pensez-vous de la polémique actuelle sur le Burkini ? J’ai trouvé intéressant de noter que les pays multiculturalistes (anglo-saxons principalement) ont vu une manifestation de racisme français qui refuse le communautarisme. La différence entre assimilation et intégration ne m’a jamais parue aussi flagrante…
A l’opposé, les médias Algériens félicitent l’interdiction du Burkini et incitent les musulmans de France à ne pas mettre de l’huile sur le feu inutilement. Voilà qui parait sage.
Personnellement, j’estime que les interdictions en vue de sauvegarder l’ordre public sont justifiées, mais les explications des politiques sont assez décevantes (surtout Valls qui explique que le burkini symbolise un “projet politique de contre-société”. J’ai du mal à réfléchir comme une femme musulmane lambda, mais je doute qu’elles portent le burkini dans le but de détruire notre société.)
@ Boris
[Je dévie sans doute légèrement du sujet (quoique), mais que pensez-vous de la polémique actuelle sur le Burkini ? J’ai trouvé intéressant de noter que les pays multiculturalistes (anglo-saxons principalement) ont vu une manifestation de racisme français qui refuse le communautarisme. La différence entre assimilation et intégration ne m’a jamais parue aussi flagrante…]
Tout à fait. Dans cette affaire de la « burkini », j’y vois une exaspération croissante de la société envers une minorité qui persiste à vouloir se concevoir comme séparée du reste de la collectivité, et à marquer cette séparation dans l’espace public. Une minorité qui – j’insiste sur ce point – qui n’est constituée que d’une petite partie des musulmans de France. Mais une minorité qui, grâce au discours « victimiste » et communautariste qui s’est imposé depuis trente ans, peut compter sur le soutien ou du moins de la bienveillance d’une large partie des musulmans français.
Pendant des années, on a endormi la population avec le discours de la fausse tolérance. Il fallait admettre que la France était devenue un pays « multiculturel », dans lequel les « communautés » devaient pouvoir exhiber avec fierté leurs différences et conserver leurs spécificités. Le principe d’unité était rejeté au profit de la vision irénique d’une société « métissée » ou la cohésion serait assurée par la tolérance mutuelle. Aujourd’hui, ces discours se heurtent au mur de la réalité. La « tolérance » qu’on a prêchée à la majorité n’a pas trouvé la réciproque chez les minorités. Au contraire : plus la majorité a baissé ses exigences en termes d’assimilation, d’adoption de la langue et des politesses communes, plus les minorités sont devenues revendicatives, sectaires, hargneuses et pour finir, violentes.
Les arrêtes interdisant la « burkini » ne vont probablement rien résoudre. Mais ils sont intéressants en ce qu’ils montrent une prise de conscience collective. Non seulement de la part des maires, qui de toute évidence suivent l’exigence de leurs électeurs, mais surtout des juges qui, en validant l’idée qu’une « burkini » peut constituer une menace pour l’ordre public, tournent le dos à une logique juridique qui devenait de plus en plus individualiste pour accepter qu’il y a une logique à exiger des gens un certain comportement social. Les derniers événements en Corse montrent aussi – sous une forme bien plus désagréable – le niveau d’exaspération auquel on est arrivé.
Il faut à mon sens insister sur un point : dans ces affaires, ce n’est pas la religion qui pose problème, pas plus qu’un « racisme » largement imaginaire. Ce qui est posé aujourd’hui, c’est bien la question du rapport aux communautés et au communautarisme. L’expérience du terrorisme de masse a rappelé aux français pourquoi la République a combattu depuis deux cents ans le communautarisme. Hier, ce combat paraissait ringard. C’était une affaire de nostalgiques d’un jacobinisme dépassé à l’heure de la mondialisation. Aujourd’hui, la réalité se rappelle tragiquement à nous, et nous rappelle que si l’on a pu si longtemps éviter chez nous les fusillades et les ghettos à l’américaine, c’est parce que nous avons été intransigeants sur la question de l’assimilation.
Cette exaspération va je pense obliger les musulmans de France à choisir leur camp. Jusqu’ici, beaucoup de ceux qui étaient parfaitement assimilés manifestaient leur bienveillance envers ceux qui avaient fait le choix du communautarisme. Cette position médiane sera de plus en plus difficile à tenir au fur et à mesure que l’illusion « multiculturaliste » se dissipera et qu’on verra clairement qu’il faut choisir entre l’assimilation et l’apartheid.
[mais les explications des politiques sont assez décevantes (surtout Valls qui explique que le burkini symbolise un “projet politique de contre-société”. J’ai du mal à réfléchir comme une femme musulmane lambda, mais je doute qu’elles portent le burkini dans le but de détruire notre société.)]
Valls a pourtant raison. La « burkini » symbolise bien un « projet politique de contre-société », puisqu’elle est le symbole d’une « communauté » qui prétendent se constituer en société autonome, avec des règles, des habitus, des lois en contradiction avec celles de la société d’accueil. Et celles qui portent le « burkini » le savent parfaitement. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles : les femmes qui portent le voile ou le « burkini » savent parfaitement que ce signe les marque en tant que membres d’une « communauté » et les sépare du reste de la société. Elles savent parfaitement qu’elles vivent dans une « contre-société », et cela n’a pas l’air de les déranger, autrement elles enlèveraient leur voile. Si elles ne le font pas, c’est qu’elles ont fait un choix. Ce sont des personnes adultes, pas des enfants.
Le problème de Valls dans cette affaire n’est pas tant qu’il ait tort, mais qu’il a raison un peu tard. Après trente ans de discours victimiste et diversitaire, la gauche découvre – et quand je dis « la gauche », je pèse mes mots, parce que je ne suis pas convaincu que l’ensemble de la gauche ait ouvert les yeux – que cette idéologie nous conduit vers le désastre. Mais il faudra de longues années pour réviser le « logiciel »…
@Boris et Descartes : Pour en revenir à cette affaire de burkinis qui est surtout un symptôme, j’ai envie de de mettre en écho les derniers mots si sages de JP Chevènement, qui lui ont encore valu de procès en racisme anti-musulman de la part de camarades décidément irrécupérables :
« Toutes les vagues antérieures de l’immigration en France ont fait quelques efforts pour adopter nos us et coutumes. Ce même effort est requis de tous. Il faut que chacun cherche à s’intégrer à la société française. (…)
Mais il faut aussi qu’ils comprennent que, dans l’espace public où se définit l’intérêt général, tous les citoyens doivent faire l’effort de recourir à la « raison naturelle ».
L’avenir des jeunes nés de l’immigration est en France et nulle part ailleurs. Il faut les empêcher de tomber dans l’impasse suicidaire dans laquelle les poussent Daech et les salafistes à la vue courte. Si nous aimons la France, il faut faire des Français de confession musulmane des Français qui, comme les autres, ont envie de travailler à l’essor de la France. Il y a un intérêt commun à ce que le bateau France tienne la mer, car, s’il devait couler, ce sont tous ses passagers qui couleraient avec lui. »
J’aime particulièrement l’appel à l’essor de la France, qui est comparable à l’idée de grandeur gaullienne, mais qui ne peut se faire que dans la spécificité laïque française, et non pas en promouvant un multiculturalisme-de-fait émiettant la société française, assignant à demeure culturaliste les française d’origine immigrée. Il y a un joli mot que j’ai toujours aimé de la sociologue Malika Sorel qui dit qu’immigrer c’est « changer de généalogie », c’est donc faire sien une généalogie historique et culturelle non fondée sur son ethnie, mais bien un choix volontariste. C’est un peu comme toi Descartes qui l’avais comparé au développement des enfants adoptés qui changent de généalogie, car une Fleur Pellerin a bien comme grands parents et des ancêtres gaulois, suite à la bifurcation de sa filiation.
Ce type de bifurcations a été pacifique et apaisée jusqu’à la fin des années 1970, mais l’essor de l’idéologie sans-frontiériste par les classes moyennes boboïsées a rendu ces changements de généalogies traumatisantes, hystériques et culpabilisantes.
C’est vraiment ce sans-frontiérisme qui est le plus dur à abattre de nos jours. D’ailleurs je ferais remarquer que les délires des islamistes sur le fantasme d’une oumma musulmane est bien un avatar monstrueux du sans-frontiérisme et une patrie de substitution pour certains jeunes. Et il faut bien avouer que nous les avons bien aidés quand dans leurs politiques étrangères du XXème siècle, les occidentaux ont affaibli, harcelé ou abattu tous les nationalismes laïcs du Proche Orient (Mossadegh, Nasser, Baath – le kémalisme semble suivre cette voie) – on continue d’ailleurs en pérorant que Bachar n’est pas légitime à diriger la Syrie, argument qui est également celui de l’EI, bref on aboie avec les chiens enragés !
Quant à ce que certains estiment être une extension de la laïcité liberticide, ils font exprès de ne pas voir que c’est le contraire auquel on assiste : le grignotage exaspérant de la sphère publique par la sphère privée qui oblige à remettre à leur place les provocateurs(trices) – je vais faire plaisir aux féministes en cédant à ce caprice sémantique) et de rappeler la notion d’ordre public, oh combien précieuse dans notre droit. La sociabilité partagée c’est aussi tout un ensemble de règles de vie en société que les nouveaux arrivants ou naturalisés et même étrangers sur notre sol sont priés de respecter car comme le disait si bien Saint Ambroise : si fueris Romae, Romano vivito more; si fueris alibi, vivito sicut ibi.
Les hommes d’affaires qui se battent pour un contrat au Japon ont souvent recours à un coaching intensif sur les règles de vie nippones car les japonais ont un comportement civil très ritualisé, qui fait partie intégrante de leur culture et ne consiste pas en des lois écrites. D’ailleurs ils apprécieront l’effort que l’étranger aura fait pour se conformer à leurs codes afin de signer un contrat.
Un texan qui habiterait en France ne se sentirait pas libre de faire la promotion du 2ème amendement, alors qu’aucune loi en France ne l’interdit expressément, mais nous n’avons pas la culture de l’auto-défense et des armes, alors qu’au USA, organiser un barbecue en famille avec séances de tir en face d’enfant mineurs qui y participent avec enthousiasme est tout à fait naturel.
Ce sont toutes ces règles tacites, la concordance, qui ont lieu dans la sphère publique, et ces rappels envers les provocations communautaristes sont parfaitement légitimes et sains.
Sur le caractère lamentable de la gôche à propos de l’importance de la concordance civile, je trouve ce débat Zemmour/Mélenchon très typique :
https://www.youtube.com/watch?v=CWnRfcoBzPY
Pour une fois, Zemmour n’est pas dans la provocation arrogante qui peut le rendre si irritant, au contraire, il essaie réellement de dialoguer avec Méluche (même si les 2 ont tendance à parler fort en même temps). A un moment, il évoque une élue du FdG directrice d’école qui a interdit une mère enfoulardée d’accompagner sa fille à l’intérieur de l’école et dans les sorties scolaires, et devant l’insistance de cette mère vociférant qu’elle est française, lui rétorque que ça ne se voit pas qu’elle est française car elle est voilée. Tous mes respects à cette élue (ma main à couper que c’est une communiste, vu la réaction de Méluche) aussi ferme et courageuse que la directrice de Baby Loup. Méluche s’énerve car il fait semblant de croire que Zemmour a sorti cette anecdote pour prouver l’incohérence idéologique du FdG et le salir (bon, vu le caractère parfois coquin de Z, c’est peut être un peu le cas…), mais Z ne parle pas du tout de la doctrine ou même du Front de Gauche, il essaie vainement d’amener la discussion sur l’idée de concorde civile, et JLM n’a plus que les attaques ad hominem sur l’obsession islamophobe de Z. Au lieu de féliciter de cette camarade élue, JLM acculé remet en question la parole de Z. Quand Z lui dit : « Il n’y a pas de peuple sans sociabilité (…) la république française ce n’est pas juste le respect des lois » je souscris parfaitement. Dommage qu’il n’y ait pas eu de débat sur les classes moyennes ayant cassé l’ascenseur social qui aurait complété la démonstration de Zemmour.
Sinon Descartes tu dis : « Cette exaspération va je pense obliger les musulmans de France à choisir leur camp. Jusqu’ici, beaucoup de ceux qui étaient parfaitement assimilés manifestaient leur bienveillance envers ceux qui avaient fait le choix du communautarisme. Cette position médiane sera de plus en plus difficile à tenir au fur et à mesure que l’illusion « multiculturaliste » se dissipera et qu’on verra clairement qu’il faut choisir entre l’assimilation et l’apartheid. »
C’est la première fois que je lis ce type de conclusion un peu pessimiste de ta part, même si je la partage. En fait, après 5 ans de sarkozysme et presque autant de hollandisme, je me rend de plus en plus compte, avec le recul, d’un des bienfaits paradoxaux (car profondément provocateur) de Sarko qui aurait du perdurer : son débat sur l’Identité Nationale qui était en fait une façon de crever l’abcès sur les non-dits non pas racistes de la population française, mais les conséquences de la position médiane que tu dénonces. Un couple qui a accumulé les incompréhensions peut repartir sur un bon pied s’il gueule un bon coup et se décharge de tout ce qui lui tenait à cœur. Cette période d’IN de Sarko aurait du être cette période de crevaison d’abcès pour repartir, or la gôche et les médiacrates ont été en dessous de tout durant cette période, car ils ont caressé les musulmans de cette position médiane dans le bon sens du poil, les ont flattés avec beaucoup de condescendance paternaliste. Or pour moi, il n’y a rien de plus humiliant que le paternalisme post-colonial. Et nous avons continué avec cette position médiane pour ne pas déranger, et les impolitesses communautaristes ont continué. Après ce que je reproche à Sarko, c’est de ne pas avoir avoir eu les mains tremblantes (pour reprendre le mot de Montesquieu) vis-à-vis de ce débat, son côté bourrin a donné du grain à moudre aux bobos médiacrates.
Par exemple, après le fameux discours de Dakar, je me souviens de la pénible tournée de justification d’Henri Guaino sur les plateaux TV, qui donnait l’impression qu’il était envoyé au casse pipe par l’UMP, tout seul face à des hordes de bienpensants toutes griffes et tout fiel dehors, des animateurs hystériques qui l’empêchaient de faire son explication de texte, de développer ses références. Guaino est un homme extrêmement brillant, mais qui n’est pas du tout taillé pour le cirque médiatique, car il a besoin de temps pour développer sa pensée (et qu’il n’a pas l’aisance tribunitienne d’un Mélenchon). Le plus comique c’était de le voir tenter de parler de Senghor ou Eboué face à des africains ou des représentants de la dignité noire autoproclamés qui ne savaient même pas de qui il parlait… Quand il enjoignait ces représentants à s’ouvrir au monde et à quitter définitivement une posture victimiste pour des partenariats, il n’avait rien de raciste car il les traitait en égal.
Et c’est là que j’ai compris une des apparentes lubies du mandat de Sarko : le projet mort né de l’Union Pour la Méditerranée. En fait, en écoutant Guaino à cette époque, j’ai finalement compris que c’était une idée développée au sein du groupe de gaullistes de l’UMP, quand je pense à leur aspect visionnaire car c’était réfléchi et lancé avant les pseudo-révolutions/printemps arabes régressifs, avant la crise, comme quoi ces gens travaillaient en coulisse sur des projets de grandeur gaullienne (on en revient au mot cité plus haut du Che du Belfort à propos de l’essor français). On peut au moins reconnaître à Sarko d’avoir eu le nez fin pour le choix de certains collaborateurs et le piochage dans leurs idées, et connaissant le panier de crabes qu’est l’UMP, mesurer le combat en interne qu’a du mener le groupe de gaullistes à la Guaino pour se frayer un chemin jusqu’aux oreilles du Prince…
Bref une fusée qui s’est lancée, et s’est arrêtée en cours, suivie par un Président normal qui croit qu’un pays se dirige comme un congrès du PS, et que nous vivons des temps normaux. Là encore, heureusement que la crise de 2008 a eu lieu sous la présidence de Sarko qui sait s’entourer, et non Hollande, car NS nous a accordé un sursaut (vu que son volontarisme a fait qu’en 2008, les pseudo-grands de ce monde n’ont pas fait la même erreur qu’en 1929). Ce n’est qu’un sursaut, mais en cas de prochaine crise, il faut à tout prix que le bateau ne soit pas conduit par le PS, qui est capable d’une déflation à la Laval.
Cette remise sans cesse à plus tard du choix tragique que tu pressens (à cause de l’idéologie sans-frontiériste) sera, j’en ai peur, une version miroir du fameux valise ou cercueil de 1962, sauf que cette fois ce sera Assimilation ou Avion. Le dire aussi crûment peut choquer, mais j’ai bien peur qu’on en prenne le chemin à cause du refus obstiné des élites médiatiques de se remettre en question.
De plus, avec la crise des migrants qui a accentué les tensions, on voit bien que les sans-frontiéristes sont dans une position de fuite en avant de plus en plus absurde : l’extension du droit d’asile aux sans papiers simples migrants économiques ou simples fuyants le service militaire dans leurs pays devient intenable. L’hubris germanique au sein de l’UE commence à se retourner contre elle, car sa journée porte ouverte unilatérale fait grincer beaucoup de dents, et exacerbe les tensions communautaristes. L’hubris par l’Euro ça va un moment, mais par les déplacements organisés de populations, ça ne va plus du tout !
@ Descartes
[Les derniers événements en Corse montrent aussi – sous une forme bien plus désagréable – le niveau d’exaspération auquel on est arrivé.]
Le « on » désigne qui ?
Et je doute qu’on puisse voir dans cet événement un signe d’exaspération particulier. D’après ces informations (1) et non la tentative des médias de fabriquer une version « victimiste » de cette affaire (2). Car si pour exaspérer un Français de Corse, il est nécessaire de le provoquer toute une journée à base de jets de pierre, d’injures, etc puis de le menacer d’un harpon et d’une batte de baseball, je doute qu’on puisse en déduire un niveau d’exaspération élevé dans la population française.
[Aujourd’hui, la réalité se rappelle tragiquement à nous, et nous rappelle que si l’on a pu si longtemps éviter chez nous les fusillades et les ghettos à l’américaine, c’est parce que nous avons été intransigeants sur la question de l’assimilation. ]
Le nombre aussi joue un rôle. Vous aurez beau être intransigeants sur tout ce que vous voudrez, si par exemple 65 millions de Chinois viennent s’installer en France, il sera difficile de leur imposer grand chose.
On pourrait aussi ajouter que si ceux qui refuseraient tout ce qui concerne l’assimilation malgré toute l’intransigeance du monde ne sont pas dégagés vite fait d’où ils viennent, ça limite un peu les effets. (au moins 1/3 des Polonais et Italiens étaient repartis dans l’autre sens à une époque il me semble. Pourtant ils étaient européens et catholiques…)
Problème : au vue de la loi, une grande partie de ceux-ci sont tout aussi Français que vous ou moi.
[Après trente ans de discours victimiste et diversitaire, la gauche découvre – et quand je dis « la gauche », je pèse mes mots, parce que je ne suis pas convaincu que l’ensemble de la gauche ait ouvert les yeux – que cette idéologie nous conduit vers le désastre.]
Vous entendez quoi par « désastre » ? Car dans une réponse que vous m’aviez faite, vous excluiez le risque de guerre civile puisque personne n’y avait intérêt matériellement.
(1) : http://www.fdesouche.com/755711-corse-vives-tensions-apres-une-rixe-avec-des-maghrebins
(2) : http://www.fdesouche.com/756281-rixe-sisco-un-temoin-maghrebin-decrit-un-acharnement-raciste-contre-les-arabes
@ Descartes
Excellente réponse.
Ne peut-on voir dans les arguments des pseudo-défenseurs de la « liberté » la déclinaison de l’idéologie du libertarisme individualiste appliqué par ailleurs à la sphère économique ?
Je fais ce que JE veux et aucune considération ne doit me limiter.
C’est à mon sens le terreau qui permet à cette idéologie salafiste de prospérer.
La LDH, prenant le relais du CCIF a assigné l’arrêté de Villeneuve-Loubet devant le tribunal administratif :
http://www.lemonde.fr/religions/article/2016/08/17/arrete-anti-burkini-a-villeneuve-loubet-le-tribunal-administratif-de-nice-saisi_4984128_1653130.html
« la « condition d’urgence » est caractérisée par « l’atteinte grave et manifestement illégale portée à plusieurs libertés fondamentales », dont celle de manifester ses convictions religieuses, de se vêtir – cette dernière devant être considérée comme faisant partie de la liberté d’expression – et d’aller et venir. »
1/ liberté d’aller et venir non en cause : puis-je « aller et venir » dans les rues de ma ville nu voire en maillot de bain ?
2/ liberté d’expression : serait-il permis de circuler en uniforme de la milice ?
3/ liberté de « manifester ses convictions religieuses » : en tous lieux, tous moments ?
Drôle de conception pour les maitres du « vivre ensemble ».
« Me Spinosi estime que l’arrêté « vise spécifiquement un groupe de personnes en raison de leur religion », ce qui revient à exclure ce groupe « de cette fraction de l’espace public en raison de critères religieux ».
Avec ce poncif commun avec le CCIF, la LDH fait en quelque sorte du burkini un élément constitutif de la religion en question. Curieux pour une organisation qui se dit laïque de prendre position dans une idéologie religieuse.
Dans la même veine nous avons aussi SOS racisme dont on sait le rôle après le tournant de la rigueur : substituer à la lutte sociale, « l’antiracisme », l’immigré au prolétaire et faire monter le FN pour conserver le pouvoir (avec les privilèges qui vont avec).
Jeune à l’époque, je ne pouvais m’empêcher d’avoir une certaine sympathie pour ce mouvement qui me semblait généreux, même en étant très loin d’y adhérer.
Morel avec sa belle culture Républicaine m’a ouvert les yeux. Je regrette de ne pas pouvoir restituer ses paroles, toutes les références historiques ou philosophiques mais son discours appuyait que la sécurité ne pouvait pas être affaire de « potes », elle était due à tout individu citoyen ou non, y compris ceux avec qui nous n’avons aucune sympathie. Elle était l’affaire de la République, pas de règlement de compte privé affectif. Il n’a abordé que plus tard l’aspect politique.
Pour conclure, si nous voulons être conséquents il me semble que le combat Républicain ne peut pas se contenter de combattre le salafisme et ses conséquences mais de poser le problème de qui et quoi lui a permis.
@ Bannette
[Pour en revenir à cette affaire de burkinis qui est surtout un symptôme, j’ai envie de de mettre en écho les derniers mots si sages de JP Chevènement, qui lui ont encore valu de procès en racisme anti-musulman de la part de camarades décidément irrécupérables : « Toutes les vagues antérieures de l’immigration en France ont fait quelques efforts pour adopter nos us et coutumes. Ce même effort est requis de tous. Il faut que chacun cherche à s’intégrer à la société française. (…)]
Chevènement ne fait qu’énoncer, avec une remarquable constance, ce que fut le crédo de la République assimilationniste, crédo que je partage et que j’ai défendu je pense aussi avec constance ici et ailleurs : l’assimilation implique un EFFORT de la part du nouvel arrivant, et cet effort doit être REQUIS, EXIGE. Croire qu’il suffit de laisser agir le temps pour que les gens magiquement « s’intègrent » est un leurre. Sans une exigence claire, les gens continueront à vivre comme ils ont l’habitude de vivre, ils constitueront des communautés par affinités de coutumes, et on finira – c’est que nous avons aujourd’hui – avec une collectivité nationale fragmentée.
On peut comprendre que les gardiens de la bienpensance aient tiré à vue sur Chevènement, puisque son commentaire constitue une condamnation du relativisme qui est l’idéologie dominante des bienpensants, parce qu’elle est l’idéologie des « classes moyennes ». Lorsque Chevènement énonce le principe que les nouveaux arrivants doivent « adopter nos us et coutumes », il établit une dissymétrie – et donc une hiérarchie – entre les « us et coutumes » de France et les « us et coutumes » des nouveaux arrivants. Ces derniers sont priés de changer, d’adopter ceux des Français, et non l’inverse. Pour notre gauche bienpensante, cette position impliquerait une révolution copernicienne par rapport au principe érigé en dogme qui veut que chacun doive être fier de ce qu’il est.
[Mais il faut aussi qu’ils comprennent que, dans l’espace public où se définit l’intérêt général, tous les citoyens doivent faire l’effort de recourir à la « raison naturelle ».]
Ce n’est pas tout à fait ça. Il n’y a pas de « raison naturelle ». Il y a une « raison » en France, issue d’une longue histoire. Et c’est cette « raison » qui s’impose à tous ceux qui veulent vivre chez nous. S’ils ont envie de vivre dans le contexte d’autres « raisons », par exemple celle de leur pays d’origine, ils peuvent y retourner. Personne ne les en empêche. Le problème, c’est que les immigrés veulent souvent le meilleur des deux mondes : la richesse et l’efficacité de notre société, les règles sociales de leur société d’origine. Et ils ne comprennent pas que les deux sont liées : si notre société est hautement efficace, c’est aussi parce qu’elle a chassé la religion de la sphère publique.
[L’avenir des jeunes nés de l’immigration est en France et nulle part ailleurs. Il faut les empêcher de tomber dans l’impasse suicidaire dans laquelle les poussent Daech et les salafistes à la vue courte. Si nous aimons la France, il faut faire des Français de confession musulmane des Français qui, comme les autres, ont envie de travailler à l’essor de la France. Il y a un intérêt commun à ce que le bateau France tienne la mer, car, s’il devait couler, ce sont tous ses passagers qui couleraient avec lui. »]
Tout à fait. Mais il ne faut pas se bercer de l’illusion que cette transformation peut être purement volontaire, qu’elle peut être le résultat d’une « accoutumance » progressive. Faire des Français issus de l’immigration – quelque soit leur confession, d’ailleurs – des Français comme les autres implique une exigence rigoureuse, ce qui n’exclut pas bien entendu la bienveillance.
[Il y a un joli mot que j’ai toujours aimé de la sociologue Malika Sorel qui dit qu’immigrer c’est « changer de généalogie », c’est donc faire sien une généalogie historique et culturelle non fondée sur son ethnie, mais bien un choix volontariste.]
Je suis d’accord, à un point près : il faut remplacer le mot « immigrer » par « s’assimiler ». Le problème que nous avons est justement que beaucoup d’immigrés ne changent pas de généalogie, qu’ils continuent à vivre avec une généalogie d’origine, qui perd progressivement son sens au fur et à mesure que le temps et l’acculturation avancent. Et la faute n’incombe pas seulement aux immigrés : elle est aussi celle d’une société qui a renoncé à exiger ce « changement de généalogie ».
[La sociabilité partagée c’est aussi tout un ensemble de règles de vie en société que les nouveaux arrivants ou naturalisés et même étrangers sur notre sol sont priés de respecter (…)]
Mais justement, on ne les « prie » pas assez fort.
[Quand Z lui dit : « Il n’y a pas de peuple sans sociabilité (…) la république française ce n’est pas juste le respect des lois » je souscris parfaitement.]
C’est justement un point curieux dans le raisonnement de Mélenchon, qui détonne dans son gauchisme habituel. Mélenchon accorde une étrange primauté au droit et aux statuts administratifs. Ainsi, pour lui, « être français, c’est avoir une carte d’identité française ». Comme si l’identité d’un individu pouvait être accordée ou changée par un acte administratif.
La logique mélenchonienne fait de la nation une pure construction administrative. Je suis personnellement plus sensible à la position défendue par Finkielkraut – à laquelle Zemmour se rattache – et qui met à l’honneur l’idée de la nation comme lieu d’une « sociabilité » particulière. En effet, pour moi la nation se définit d’abord par l’existence d’un lien de solidarité impersonnel et inconditionnel entre ses membres, et ce lien implique une sociabilité commune.
[Sinon Descartes tu dis : « Cette exaspération va je pense obliger les musulmans de France à choisir leur camp. Jusqu’ici, beaucoup de ceux qui étaient parfaitement assimilés manifestaient leur bienveillance envers ceux qui avaient fait le choix du communautarisme. Cette position médiane sera de plus en plus difficile à tenir au fur et à mesure que l’illusion « multiculturaliste » se dissipera et qu’on verra clairement qu’il faut choisir entre l’assimilation et l’apartheid. » C’est la première fois que je lis ce type de conclusion un peu pessimiste de ta part, même si je la partage.]
Pourquoi qualifiez-vous cette conclusion de « pessimiste » ? Je ne pense pas personnellement qu’obliger les gens à choisir soit une mauvaise chose, ou que les gens choisiront nécessairement la mauvaise option…
[En fait, après 5 ans de sarkozysme et presque autant de hollandisme, je me rend de plus en plus compte, avec le recul, d’un des bienfaits paradoxaux (car profondément provocateur) de Sarko qui aurait du perdurer : son débat sur l’Identité Nationale qui était en fait une façon de crever l’abcès sur les non-dits non pas racistes de la population française, mais les conséquences de la position médiane que tu dénonces.]
Comme souvent chez Sarko, c’était une bonne intuition qui a pâti d’une exécution désastreuse. Mais il faut reconnaître que le défi était immense, et qu’en ouvrant ce débat Sarkozy était sûr de se mettre à dos l’ensemble des « classes bavardantes », tant ce débat est iconoclaste par rapport au discours tenu ces trente dernières années, qui nie et diabolise toute identité collective qui pourrait s’opposer aux désirs de l’individu tout-puissant.
[Par exemple, après le fameux discours de Dakar, (…). Le plus comique c’était de le voir tenter de parler de Senghor ou Eboué face à des africains ou des représentants de la dignité noire autoproclamés qui ne savaient même pas de qui il parlait… Quand il enjoignait ces représentants à s’ouvrir au monde et à quitter définitivement une posture victimiste pour des partenariats, il n’avait rien de raciste car il les traitait en égal.]
Tout à fait. Au nom du combat contre le paternalisme colonial, qui faisait des colonisés des mineurs incapables, on a impose un paternalisme « anti-raciste », qui fait des anciens colonisés des « victimes ». S’adresser à quelqu’un en posant clairement les problèmes sans faux semblants, c’est le traiter en égal et en personne majeure. De ce point de vue, le discours de Dakar n’a rien de raciste, et sera je pense un jour considéré comme l’un des meilleurs discours prononcés sur le sujet.
[Et c’est là que j’ai compris une des apparentes lubies du mandat de Sarko : le projet mort né de l’Union Pour la Méditerranée. En fait, en écoutant Guaino à cette époque, j’ai finalement compris que c’était une idée développée au sein du groupe de gaullistes de l’UMP,]
Oui, mais encore une fois, l’intuition était bonne mais l’exécution lamentable. Il a suffi que l’UE et surtout l’Allemagne froncent les sourcils pour qu’on dilue le projet original – qui était dans la droite ligne gaullienne – pour en faire une usine à parlottes européenne.
[Là encore, heureusement que la crise de 2008 a eu lieu sous la présidence de Sarko qui sait s’entourer, et non Hollande, car NS nous a accordé un sursaut (vu que son volontarisme a fait qu’en 2008, les pseudo-grands de ce monde n’ont pas fait la même erreur qu’en 1929). Ce n’est qu’un sursaut, mais en cas de prochaine crise, il faut à tout prix que le bateau ne soit pas conduit par le PS, qui est capable d’une déflation à la Laval.]
Sarkozy a une énorme qualité qui rend à mon avis supportables bien de ses tout aussi énormes défauts : le volontarisme. Contrairement à Hollande – et à beaucoup de socialistes – qui se laissent porter au fil de l’eau toujours à l’affut pour profiter des opportunités qui se présentent, Sarkozy avait la passion d’agir. Il n’a pas toujours agi avec discernement, certes, mais pour lui la passivité, l’attentisme n’étaient pas des options.
[Cette remise sans cesse à plus tard du choix tragique que tu pressens (à cause de l’idéologie sans-frontiériste) sera, j’en ai peur, une version miroir du fameux valise ou cercueil de 1962, sauf que cette fois ce sera Assimilation ou Avion.]
Peut-être, mais vous m’accorderez que « l’assimilation » est une alternative bien plus acceptable, bien plus positive que le « cercueil »…
@ bip
[« Les derniers événements en Corse montrent aussi – sous une forme bien plus désagréable – le niveau d’exaspération auquel on est arrivé ». Le « on » désigne qui ?]
L’ensemble de la population française.
[Et je doute qu’on puisse voir dans cet événement un signe d’exaspération particulier. D’après ces informations (1) et non la tentative des médias de fabriquer une version « victimiste » de cette affaire (2). Car si pour exaspérer un Français de Corse, il est nécessaire de le provoquer toute une journée à base de jets de pierre, d’injures, etc puis de le menacer d’un harpon et d’une batte de baseball, je doute qu’on puisse en déduire un niveau d’exaspération élevé dans la population française.]
Ce n’est pas tant la provocation qui montre le degré d’exaspération, mais la réponse. En d’autres temps, on aurait appelé les gendarmes pour faire appliquer la loi. Aujourd’hui, on en arrive à une réaction violente des populations elles-mêmes, sans médiation institutionnelle. Au demeurant, je trouve très intéressante la formulation utilisée par le procureur de la République, qui a déclaré que les incidents ont été provoqués par la tentative d’un groupe de personnes d’origine maghrébine de « privatiser la plage », agressant passants et touristes. On voit bien là les fruits de la politique « communautariste ». Lorsqu’on prévoit des horaires spéciaux dans les équipements publics pour permettre à telle ou telle « communauté » de l’utiliser conformément à ses traditions, comme ce fut le cas dans certaines piscines municipales n’est ce pas une « privatisation » de l’équipement en question ?
Le « communautarisme » c’est exactement cela : c’est la « privatisation » de la sphère publique, que l’on divise en segments cloisonnés et réservés à chaque « communauté »…
[« Aujourd’hui, la réalité se rappelle tragiquement à nous, et nous rappelle que si l’on a pu si longtemps éviter chez nous les fusillades et les ghettos à l’américaine, c’est parce que nous avons été intransigeants sur la question de l’assimilation ». Le nombre aussi joue un rôle. Vous aurez beau être intransigeants sur tout ce que vous voudrez, si par exemple 65 millions de Chinois viennent s’installer en France, il sera difficile de leur imposer grand chose.]
Ce n’est pas si évident que cela. Pensez à « l’assimilation intérieure », qui a transformé les paysans patoisants de nos campagnes en français, ou à la conquête par les anglais de l’empire des Indes. Ce n’est pas le nombre qui fait la force, et une minorité organisée peut souvent imposer a – et conquérir – une majorité amorphe.
Cela étant dit, c’est plus facile lorsque à la force de l’organisation et de la volonté s’ajoute la force du nombre. Et je partage l’idée qu’il faut un contrôle de l’immigration qui empêche les gens de venir plus vite qu’on n’est capable de les assimiler.
[On pourrait aussi ajouter que si ceux qui refuseraient tout ce qui concerne l’assimilation malgré toute l’intransigeance du monde ne sont pas dégagés vite fait d’où ils viennent, ça limite un peu les effets. (au moins 1/3 des Polonais et Italiens étaient repartis dans l’autre sens à une époque il me semble. Pourtant ils étaient européens et catholiques…)]
L’assimilation ne doit pas être un choix, qu’on peut « refuser ». Ca doit être une évidence. C’est un « c’est comme ça », au même titre que la loi de la gravitation. Et celui qui refuse la gravitation et saute par la fenêtre pensant pouvoir voler, s’écrase comme une merde et sert de leçon aux autres. Et la pratique montre que ça marche : si des polonais ou des italiens sont rentrés chez eux, c’est souvent par choix personnel – car souvent ces personnes ne venaient pas avec le projet de s’installer définitivement en France – et non par refus d’assimilation. D’ailleurs, les retours dans la deuxième génération de ces populations sont négligeables. Le cas des juifs d’Europe centrale est encore plus révélateur : malgré l’antisémitisme de Vichy, malgré la création de l’Etat d’Israel, seule une infime minorité est repartie.
[Problème : au vue de la loi, une grande partie de ceux-ci sont tout aussi Français que vous ou moi.]
Comme je l’ai dit, le refus de l’assimilation dans une société fortement assimilatrice est une rareté, une anomalie qui touche une infime minorité. Le fait que cette minorité reste marginale n’est pas un véritable problème. Je crois qu’il faut faire confiance à l’intelligence humaine, et surtout, à son sens de l’intérêt bien compris. Dans une société fortement assimilatrice, l’assimilation apporte d’énormes avantages.
[Vous entendez quoi par « désastre » ? Car dans une réponse que vous m’aviez faite, vous excluiez le risque de guerre civile puisque personne n’y avait intérêt matériellement.]
Le « désastre » auquel je faisais référence est celui d’une société atomisée en « communautés » enfermées dans leur statut de « victimes » et se disputant en permanence l’espace public. Une société qui de par son atomisation perdrait toute capacité à élaborer et mettre en œuvre des projets collectifs. Mais je ne pense pas que cela puisse déboucher sur une véritable guerre civile, précisément parce que les gens y ont trop à perdre.
@ morel
[Ne peut-on voir dans les arguments des pseudo-défenseurs de la « liberté » la déclinaison de l’idéologie du libertarisme individualiste appliqué par ailleurs à la sphère économique ?]
Oui, tout à fait. On voit d’ailleurs s’imposer – par le biais de la jurisprudence des cours européennes – la vision anglosaxonne pour qui les libertés individuelles sont absolues, et ne sauraient être limitées quelque soit le motif. Il me semble important de défendre face à cette conception archaïque une conception très française, celle de droits modérés par les considérations issues de l’intérêt général et de l’ordre public. La conception française reflète une vision de l’individu qui n’existe que comme membre d’une société humaine, là où la vision anglo-saxonne privilégie la vision de l’individu-île.
[La LDH, prenant le relais du CCIF a assigné l’arrêté de Villeneuve-Loubet devant le tribunal administratif : (…) « la « condition d’urgence » est caractérisée par « l’atteinte grave et manifestement illégale portée à plusieurs libertés fondamentales », dont celle de manifester ses convictions religieuses, de se vêtir – cette dernière devant être considérée comme faisant partie de la liberté d’expression – et d’aller et venir. »]
Vous noterez d’ailleurs l’utilisation de l’argumentation ad hoc dans cette affaire. Si la LDH dénonce une atteinte à la « liberté de manifester ses convictions religieuses », cela implique que le port de ce type de tenue est une « manifestation de conviction religieuses ». Or, dans l’affaire de l’interdiction du port du voile dans les écoles, la LDH avait utilisé si ma mémoire ne me trompe pas l’argument inverse : le port du voile n’est qu’un choix vestimentaire, et non un signe religieux…
[1/ liberté d’aller et venir non en cause : puis-je « aller et venir » dans les rues de ma ville nu voire en maillot de bain ? 2/ liberté d’expression : serait-il permis de circuler en uniforme de la milice ? 3/ liberté de « manifester ses convictions religieuses » : en tous lieux, tous moments ?]
La réponse à chaque fois est la même, et elle revient sur ce que je disais plus haut par rapport aux notions d’intérêt général et d’ordre public. Oui, interdire le port du maillot ou la nudité dans la rue viole la liberté d’aller et venir. Oui, l’interdiction de porter des insignes nazis ou de la milice viole la liberté d’expression. Oui, l’interdiction de manifester ses convictions religieuses viole une liberté constitutionnelle. Mais est-ce pour autant que ces interdictions sont illégales ? Non, nous répond le droit français. Parce que le but ultime de l’organisation sociale est de permettre à TOUS de jouir de ces droits – et non pas à chaque individu pris séparément – nos libertés consistent à pouvoir faire « tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Et cela implique que tout droit, toute liberté s’entend dans les limites fixées par l’intérêt général et l’ordre public, qui sont précisément les logiques qui permettent de limiter une liberté ou un droit lorsque son exercice risque de compromettre une autre.
Nous avons tous intérêt, pour pouvoir jouir de nos droits, de vivre dans une société paisible et ordonnée. Et pour cette raison, il est légitime d’interdire le port d’insignes nazies ou la nudité publique. Bien sur, les interdictions doivent être proportionnées au but à atteindre, et pour cette raison le juge administratif peut annuler certaines interdictions et en valider d’autres selon le cas d’espèce. Mais le principe est toujours le même.
[« Me Spinosi estime que l’arrêté « vise spécifiquement un groupe de personnes en raison de leur religion », ce qui revient à exclure ce groupe « de cette fraction de l’espace public en raison de critères religieux ».]
Raisonnement stupide à plusieurs titres. D’abord, le juge civil n’a pas à prendre en compte les règles religieuses. Prenons le cas suivant : un juif religieux se présente un samedi matin à l’entrée d’un musée et refuse de payer son entrée au motif que la religion juive interdit explicitement d’échanger de l’argent pendant le Shabbat. Le caissier lui refuse l’entrée. Doit-on considérer que les juifs sont « exclus de cet espace public » – un musée – en raison de leur religion ?
La société a des règles. Et si ces règles doivent être faites de manière à ne pas porter atteinte disproportionnée au libre exercice des cultes – qui est un droit constitutionnel – elles n’ont pas à être compatibles avec l’ensemble des règles imposées par telle ou telle religion. Doit-on changer le code de la santé publique pour permettre aux Témoins de Jehova de refuser la transfusion sanguine à leurs enfants en cas d’accident ?
[Avec ce poncif commun avec le CCIF, la LDH fait en quelque sorte du burkini un élément constitutif de la religion en question. Curieux pour une organisation qui se dit laïque de prendre position dans une idéologie religieuse.]
C’est un bon exemple de la confusion qui règne dans la « gauche bienpensante ». Remarquez, il y eut pire, comme la plainte pour « islamophobie » du MRAP contre Charlie Hebdo au moment de la publication des caricatures de Mahomet…
[Jeune à l’époque, je ne pouvais m’empêcher d’avoir une certaine sympathie pour ce mouvement [sos racisme] qui me semblait généreux, même en étant très loin d’y adhérer.]
Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions…
[Morel avec sa belle culture Républicaine m’a ouvert les yeux.]
De quel « Morel » parlez-vous ?
@ Descartes
Vous indiquez que le problème avec le “burkini” (et l’islam visible au sens large) c’est: “que cela symbolise bien un projet politique de contre-société, puisque c’est le symbole d’une “communauté” qui prétend se constituer en société autonome, avec des règles, des habitus, des lois en contradiction avec celles de la société d’accueil”.
Je suis tout à fait d’accord, mais n’est-ce pas exactement ce qu’a essayé de faire le mouvement ouvrier, incarné par le PCF ou avant lui la CGT depuis la fin du 19ème siècle jusqu’à celle du 20 siècle? Faire sécession? Constituer un contre-société avec ses règles, ses habitus et ses “lois”?
Quelle différence entre le drapeau rouge et le burkini ? Fallait-il alors, faut-il alors, interdire le drapeau rouge ?
@ Descartes pour la réponse à Boris le 17 à 12h05
Bonsoir,
(Au contraire : plus la majorité a baissé ses exigences en termes d’assimilation, d’adoption de la langue et des politesses communes, plus les minorités sont devenues revendicatives, sectaires, hargneuses et pour finir, violentes.)
Tout en partageant l’essentiel de votre réaction, je ne la qualifierais pas tout à fait dans les mêmes termes, et ce n’est pas qu’affaire de vocabulaire.
La « majorité » a-t-elle seulement existé avec une conscience collective d’être une majorité, et au demeurant, une majorité de quoi ? La question de l’identité nationale n’a plus depuis longtemps de réponse bien précise sur laquelle une majorité peut se fonder. Pour qu’il y ait majorité il faut que l’on sache assez précisément sur quels critères.
Je pense personnellement que nous subissons les effets d’un laxisme comportemental qui nous vient essentiellement de nos racines latines sur lequel est venu se greffer des pratiques « méditerranéennes » compatibles avec les pratiques déjà implantées en France. Et aucun effort n’a réellement été fait pour endiguer cette dérive.
Maintenant que ces pratiques dépassent de plus en plus souvent les limites de la vie paisible en commun, une majorité de rejet se forme et provoque l’incompréhension de ceux à qui on a toujours toléré l’expression de leur communautarisme originel.
Les rapatriés d’Algérie ont, aussi, pour leur part, contribué à diffuser ces modes de vie, ces pratiques qui ne sont pas tout à fait celles que nous avions il y a 50 ans.
Et puis, il y a la notion de masse critique, qui sur le plan démographique pose problème en France. L’Allemagne aura sans doute le même type de problèmes d’ici à quelques années, d’autres pays européens aussi probablement.
« De quel « Morel » parlez-vous ? »
En fait, à la relecture, je viens de m’apercevoir que j’ai poursuivi mon commentaire sur le mode d’un « dialogue intérieur » et vous prie de bien vouloir m’en excuser.
Morel est le nom de mon maître lorsque j’ai rejoint le syndicalisme. Je lui dois énormément. C’est pourquoi j’utilise son nom en pseudonyme (sans la majuscule, par respect).
Pour reprendre le fil de mon intervention, portait sur le slogan SOS racisme « Touche pas à mon pote ».
Je vous laisse, ainsi qu’aux lecteurs, découvrir le communiqué du PG :
https://www.lepartidegauche.fr/communique/le-burkini-la-polemique-qui-detourne-des-vrais-problemes-35031
@ odp
[Je suis tout à fait d’accord, mais n’est-ce pas exactement ce qu’a essayé de faire le mouvement ouvrier, incarné par le PCF ou avant lui la CGT depuis la fin du 19ème siècle jusqu’à celle du 20 siècle? Faire sécession? Constituer un contre-société avec ses règles, ses habitus et ses “lois”?]
J’étais sûr que vous poseriez cette question. Ce n’est pas un reproche, remarquez le bien. Au contraire, c’est en me titillant comme vous le faites que vous m’aidez à penser.
Le mouvement ouvrier a toujours eu une composante utopiste qui croyait possible la libération de la classe ouvrière de l’exploitation capitaliste par la création de communautés constituant des « contre-sociétés » avec leurs propres règles, leurs propres habitus, et avec certaines restrictions, leurs propres lois. On trouve cela chez Fourier ou chez Owen. En France, cette tradition a été reprise par une gauche des « classes moyennes », avec le développement de « communautés » dans les années 1970, mais n’a guère touché le mouvement ouvrier. Et le PCF ne s’inscrit certainement pas dans cette ligne, pas plus que la grande majorité de la CGT.
On parle souvent à propos du PCF et de ses sympathisants d’une « contre-société ». Le terme est à mon avis impropre. Le mouvement ouvrier – et le PCF tout particulièrement – ont créé autour de leurs organisations une sociabilité particulière. Cette sociabilité a bien entendu ses règles, ses habitus. Mais il n’y a pas dans cette construction une volonté de « sécession », et c’est là que se trouve toute la différence. Là où les « communautés » ethno-religieuses cherchent à minimiser le contact avec le monde qui les entoure, les militants ouvriers cherchent au contraire à maximiser leurs contacts avec leur environnement et à peser sur lui. Là où les « communautés » cherchent à délimiter un espace exclusif où la loi et l’autorité civiles n’ont pas cours, les militants ouvriers dans leur grande majorité se conçoivent comme membres de la société civile.
[Quelle différence entre le drapeau rouge et le burkini ? Fallait-il alors, faut-il alors, interdire le drapeau rouge ?]
Imaginons que demain on interdise le drapeau rouge dans les plages françaises. Qui cela toucherait ? Interdire le drapeau rouge dans les plages n’a pas de sens parce que personne ne va à la plage avec un drapeau rouge. Même les plus ardents militants du PCF ou de Lutte Ouvrière estiment pouvoir bronzer sans être accompagnés de la faucille et du marteau, ou du regard bienveillant du portrait de Lénine. C’est là la bonne réponse à votre question : la différence entre le drapeau rouge et la « burkini » est que les partisans du drapeau rouge sont intégrés dans une sociabilité civique et en acceptent les règles. Cette sociabilité civique implique d’éviter la d’exhiber des symboles conflictuels dans un contexte où certains de leurs concitoyens pourraient le vivre comme une provocation. Les militants du PCF et de LO savent que le drapeau rouge a sa place dans les meetings politiques et dans les manifestations – où un très large consensus social les considère admissibles – et qu’il n’a pas sa place à la plage, ou des gens de convictions diverses partagent le même espace public dans un esprit de coexistence pacifique.
Lorsque les femmes musulmanes se voilent des pieds à la tête à la mosquée ou dans les meetings de l’UOIF, tout le monde s’en fout et personne ne propose de leur interdire. Le problème apparaît lorsque le symbole est brandi dans un contexte ou les règles de sociabilité le proscrivent. Parce que dans ce contexte le symbole est ressenti comme une agression. La difficulté est que, contrairement aux militants communistes, les femmes portant « burkini » refusent de se plier à la règle de sociabilité commune – que ce soit par ignorance ou par militantisme identitaire. Dans ces conditions, il n’est pas scandaleux de donner à cette règle de sociabilité un caractère contraignant à l’interdiction du « burkini », alors que celle du drapeau rouge est parfaitement inutile.
@ Marcailloux
[Tout en partageant l’essentiel de votre réaction, je ne la qualifierais pas tout à fait dans les mêmes termes, et ce n’est pas qu’affaire de vocabulaire. La « majorité » a-t-elle seulement existé avec une conscience collective d’être une majorité, et au demeurant, une majorité de quoi ?]
Votre question est très pertinente. En fait, j’ai utilisé ici le mot « majorité » par opposition aux « minorités ». Mais effectivement, si les « minorités » sont constitués par toute une série de caractéristiques et par une conscience de groupe, on peut se demander si la « majorité » définie ainsi par opposition peut-être constituée de cette manière.
En fait, c’était dans mon esprit moins une question de nombre que de légitimité. Il y a une chose qui s’appelle la France. Cette chose est la réunion de gens d’origines diverses, qui ont partagé – ou adopté comme leur – une histoire commune, une sociabilité commune, des institutions communes, un cadre de référence commun. Des gens qui sont liés par une solidarité inconditionnelle et impersonnelle qui fait de cet ensemble une nation. C’est à cet ensemble que je faisais référence lorsque je parlais de « majorité », mais le fait que ces gens soient « majoritaires » ou « minoritaires » en termes numériques sur un territoire donné n’a au fond aucune espèce d’importance.
[Je pense personnellement que nous subissons les effets d’un laxisme comportemental qui nous vient essentiellement de nos racines latines sur lequel est venu se greffer des pratiques « méditerranéennes » compatibles avec les pratiques déjà implantées en France. Et aucun effort n’a réellement été fait pour endiguer cette dérive.]
Je nuancerais le propos. Lorsqu’on parle de « laxisme », c’est toujours de laxisme dans l’application d’une norme. Or, qui dicte aujourd’hui la norme de comportement social ? Le problème pour moi n’est pas tant le « laxisme » que l’anomie. La glorification de la toute-puissance individuelle a rendu problématique l’existence même d’une norme, puisqu’une telle norme s’opposerait à la « liberté » et à la « créativité » de chaque individu.
Il faut revenir en arrière : après la fin des années 1960, le discours n’était pas au laxisme dans l’application de la norme, mais à la contestation de la norme elle-même. Pouvoir dire « merde » ou « con » à la télé, ça a été considéré comme une grande conquête par certains de nos chers intellectuels médiatiques. Enseigner aux enfants à dire « bonjour madame » ou « bonjour monsieur » lorsqu’ils rencontraient un adulte était commettre le crime de « perpétuation de l’hypocrisie bourgeoise ». Ceux qui dénoncent le « laxisme » font à mon avis fausse route : c’est la norme elle-même qu’il faut réhabiliter, avant de songer à l’appliquer avec rigueur.
[Maintenant que ces pratiques dépassent de plus en plus souvent les limites de la vie paisible en commun, une majorité de rejet se forme et provoque l’incompréhension de ceux à qui on a toujours toléré l’expression de leur communautarisme originel.]
Je pense que le mot « toujours » est de trop. Non, on n’a pas « toujours » toléré le communautarisme originel. Et c’est pourquoi jusqu’au milieu des années 1980 il était relativement rare de voir des femmes voilées dans la rue, et encore plus rare de voir des filles voilées dans les écoles. Le discours « tolérant » envers le communautarisme ne date pas de « toujours », mais commence à se développer à gauche à partir de la fin des années 1960 et ne devient vraiment dominant qu’avec la gauche au pouvoir après 1981. Mais vous avez raison de souligner les signaux paradoxaux que transmet notre société sur la question du « communautarisme », domaine dans lequel nos élites commettent ce terrible pêché qui est de vouloir les causes dont on condamne les effets…
[Et puis, il y a la notion de masse critique, qui sur le plan démographique pose problème en France.]
Je ne crois pas à la notion de « masse critique ». Des pays comme les Etats-Unis ou l’Argentine ont connu des périodes migratoires à la fin du XIXème siècle qui ont mis les autochtones en minorité, sans pour autant que le processus d’assimilation en soufre.
@ morel
[Je vous laisse, ainsi qu’aux lecteurs, découvrir le communiqué du PG : (…)]
Merci beaucoup de ce morceau de bravoure. Franchement, avec des soutiens d’un tel niveau intellectuel, Mélenchon a du souci à se faire. J’ai rarement lu un texte se contredire lui-même autant en si peu de lignes. Le meilleur exemple se trouve tout au début, lorsqu’on lit que : « Le Burkini est le fruit d’une offensive religieuse salafiste qui ne concerne qu’une partie de l’islam et à ce titre propose une tenue vestimentaire à l’opposé de l’émancipation et des convictions féministes qui nous animent ».
Déjà, on peut s’interroger sur ce que cela peut vouloir dire « ne concerne qu’une partie de l’islam ». Que cela ne concerne qu’une partie des croyants, qu’une partie des musulmans, qu’une partie du monde islamique, on peut le comprendre. Mais « une partie de l’Islam » ? C’est quoi l’Islam, pour l’auteur de ce communiqué ?
Mais surtout, il faut remarquer l’affirmation comme quoi « le salafisme propose une tenue vestimentaire à l’opposé de l’émancipation et des convictions féministes qui nous animent ». Doit on comprendre qu’il y aurait des « tenues vestimentaires » qui seraient conformes aux « convictions féministes » et à « l’émancipations » et autres qui ne le seraient pas ? Obliger les femmes à se découvrir serait-il plus « féministe » et moins « patriarcal » que les obliger à se couvrir ?
Quelqu’un pourrait-il expliquer à Benoît Schneckenburger, secrétaire national à l’antiracisme et à la laïcité (sic ! et après on ira reprocher à d’autres de mélanger race et religion…) du PG que le propre de « l’émancipation » est du « féminisme » bien compris est précisement qu’il n’y a pas de tenue imposée ? Que l’obligation de montrer est aussi aliénante que l’obligation de couvrir ? Que « l’émancipation » réside dans la liberté de choisir, et non dans le choix finalement sélectionné ?
Si l’on se place d’un point de vue d’égalité des sexes – qui semble être le point de vue choisi par Schneckenburger, le burkini n’est pas condamnable parce qu’il couvre le corps des femmes. Après tout, une femme émancipée a le droit de couvrir son corps si elle le souhaite. Il est condamnable seulement si nous avons de très bonnes raisons de penser que les femmes qui se couvrent ainsi ne font pas un choix libre et raisonné. Est-ce le cas ?
Ce qui est plus regrettable, c’est que le PG n’ait toujours pas compris qu’il y a des raisons bien plus sérieuses de combattre le burkini – et d’une manière générale les manifestations de séparatisme communautariste – qui n’ont absolument rien à avoir avec le féminisme ou la défense de la laïcité. Ces raisons se trouvent dans la question de la cohésion de la République. Si nous ne voulons pas l’atomisation de la société en « communautés », il nous faut réagir chaque fois qu’un groupe prétend privatiser une portion de l’espace public à son profit et d’y imposer ses règles.
@ Descartes
réponse à morel le 19 à 14h02
Bonjour,
( . . . .Il est condamnable seulement si nous avons de très bonnes raisons de penser que les femmes qui se couvrent ainsi ne font pas un choix libre et raisonné. Est-ce le cas ? )
Sans revenir au débat récent sur le libre arbitre entre quelques commentateurs et vous, il me semble que ces femmes, si elles disposent du libre arbitre dont vous souteniez le principe, font par simple conséquence un choix libre d’accepter ou non l’influence dont elles font l’objet de leur entourage, de leurs fréquentations, de leurs consultations.
Je vais reprendre vos arguments, maintes fois exprimés sur la motivation des actes par l’intérêt, individuel ou collectif.
Que recherchent ces femmes (jeunes, généralement) ? Quel est leur intérêt ?
Probablement la satisfaction d’un besoin d’appartenance que ne leur offre pas assez à leurs yeux, la société.
Elles cherchent à satisfaire aussi un besoin de reconnaissance aussi bien dans leur milieu que dans la société en général car leur accoutrement les distingue de la masse anonyme.
Elles pensent enfin accéder pour certaines d’entre elles particulièrement aveugles, au nirvana de la réalisation de soi en allant se jeter dans les bras de Daesch et faire don de leur existence à une utopie qui les console de la médiocrité de leur existence.
Tout cela n’est jamais qu’une version actualisée des théories de Maslow.
Simplement leur liberté de choix est réduite à leur capacité de résister aux effets de mode, aux pressions de l’émotion, à leur soif de satisfaire un besoin d’exister.
Concernant la raison dans leur choix, elles ne font que répondre dans le sens qui est celui de l’intérêt qu’elles y trouvent, selon leurs propres critères qui, bien évidemment, ne sont pas les nôtres.
Devons-nous le leur reprocher ? Non à mon avis car il s’agit de la liberté inaliénable de conviction.
Devons-nous en combattre les effets ? Oui absolument avec la plus grande énergie, car dans ce domaine, toute faiblesse est assimilée – comme l’adage « qui ne dit rien consent » le montre – à une semi acceptation d’un état de faits.
Que la société française soit perturbée par les évènements qui la secouent est le dernier de leur souci, bien au contraire. Elles y voient là le vecteur de leur notoriété et les leaders salafistes se régalent de disposer d’une armée d’agent subversifs – à leur insu généralement – avant garde de ce qu’ils espèrent aboutir à une guerre civile.
Les médias, pour la plupart cupides, sont le carburant essentiel du système et les élites politiques restent là, béates, à se lamenter. Il est probable que contester les médias n’est pas très favorable à une réélection.
Jusqu’à quand faudra-t-il que l’on prenne sur la g . . . . . . avant d’engager une stratégie défensive efficace ?
@ Descartes
« Franchement, avec des soutiens d’un tel niveau intellectuel, Mélenchon a du souci à se faire »
Le plus étonnant c’est que M. Schneckenburger est agrégé de philosophie.
De mon côté j’ai aussi été intrigué par la phrase mise en caractères gras :
« La question politique à résoudre reste celle du combat des femmes à accéder librement à l’espace public » qui est précisément la revendication des porteuses de burkini. Si je rédige un communiqué engageant mon organisation, je veille à lever toute ambiguïté.
A ceci, je préfère la réponse d’une amie instit à une parente d’élèves qui voulait accompagner une sortie scolaire « Si vous ôtez votre voile, il n’y a aucun problème » (ses collègues et le directeur appliquant la célèbre devise : courage, fuyons).
Dans votre réponse à notre ami Marcailloux :
« La glorification de la toute-puissance individuelle a rendu problématique l’existence même d’une norme, puisqu’une telle norme s’opposerait à la « liberté » et à la « créativité » de chaque individu. »
Et puis aussi, nous vivons une époque formidable où il nous sommes sommés de rejeter tout ce qui paraît « coincé » : langage châtié, vouvoiement, politesse, respect d’autrui, rigueur intellectuelle et j’en oublie.
@ odp
Le drapeau rouge trouve son origine lors de la Révolution. La loi du 21/10/1789 précise que les autorités municipales doivent le dresser pour enjoindre aux rassemblements populaires de se disperser. D’abord haï, le symbole s’inverse lorsque la répression change de camp mais c’est entre 1830 et 1848 que les révolutionnaires l’adoptent. La Commune de Paris et le développement des internationales ouvrières assureront son succès. Il a, par le passé, été interdit et n’est pas un symbole spécifique au PCF (c’est pourquoi ce dernier y ajoutait la faucille et le marteau venus d’URSS) ou à la CGT mais à tout le mouvement ouvrier.
Le drapeau rouge n’est mis en avant que lors des manifestations syndicales ou politiques.
@ Marcailloux
[Sans revenir au débat récent sur le libre arbitre entre quelques commentateurs et vous, il me semble que ces femmes, si elles disposent du libre arbitre dont vous souteniez le principe, font par simple conséquence un choix libre d’accepter ou non l’influence dont elles font l’objet de leur entourage, de leurs fréquentations, de leurs consultations.]
J’attire votre attention sur les conséquences qu’aurait le choix de considérer que ces femmes se voilent non pas par choix personnel, mais sous la pression de leur entourage. Si l’on admet ce fait, alors on ne saurait mettre en cause la légitimité de l’Etat à ordonner aux gendarmes et aux policiers de dévoiler de force si nécessaire les femmes voilées. Car en quoi la contrainte de l’Etat serait-elle moins légitime que la contrainte du mari, de la famille, de la « communauté » ?
Contester le principe de libre arbitre conduit à ce genre de contradiction. Si les gens ne sont libres de leurs choix, et donc responsables de ceux-ci, alors il n’y a plus de sphère privée. C’est pourquoi une République ne peut que postuler le libre arbitre de ses citoyens.
[Je vais reprendre vos arguments, maintes fois exprimés sur la motivation des actes par l’intérêt, individuel ou collectif. Que recherchent ces femmes (jeunes, généralement) ? Quel est leur intérêt ? Probablement la satisfaction d’un besoin d’appartenance que ne leur offre pas assez à leurs yeux, la société. Elles cherchent à satisfaire aussi un besoin de reconnaissance aussi bien dans leur milieu que dans la société en général car leur accoutrement les distingue de la masse anonyme.]
Appartenir à une « communauté » implique un rapport réciproque : en échange de sa soumission, l’individu obtient reconnaissance, protection, solidarité. C’est aussi vrai pour les « communautés » ethno-religieuses que pour la collectivité nationale. La différence, c’est que les « communautés » établissent des liens de solidarité conditionnelle et personnelle, alors que la nation est fondée sur une solidarité inconditionnelle et impersonnelle. C’est pourquoi le « communautarisme » conduit à l’effacement de la sphère privée, et pas la nation.
Je pense qu’il ne faut pas négliger l’injonction communautariste que notre société envoie en permanence en direction de la jeunesse. A la télévision, à la radio, dans la publicité, dans les campagnes électorales, dans les brochures touristiques et – last but not least – à l’école même on retrouve cette musique lancinante qui associe « identité » et « origines ». Autant l’appartenance nationale est décriée, autant on fait injonction aux jeunes d’être fiers de leur « tribu » d’origine. Les filles voilées ne font finalement que suivre cette injonction permanente qui pousse non pas à se construire des racines, mais à les chercher dans le passé. Si on pousse corses et bretons à faire revivre les pratiques de leurs ancêtres, pourquoi cette invitation ne s’adresserait-elle pas aussi à nos concitoyens maghrébins ?
[Tout cela n’est jamais qu’une version actualisée des théories de Maslow.]
Je n’y crois pas, justement. Le problème ici est surtout qu’on a créé idéologiquement un besoin qui n’existe pas en fait.
http://www.liberation.fr/france/2016/08/19/le-burkini-interdit-dans-une-quinzaine-de-communes_1473469 :
« Selon nos informations, dans le cas de Cannes, depuis que le maire David Lisnard a pris son arrêté anti-Burkini fin juillet, la police municipale avait procédé, vendredi soir, à 18 «interventions» auprès de femmes se baignant en maillot islamique. A l’exception de deux touristes étrangères, toutes les baigneuses concernées sont françaises. 6 de ces interventions ont donné lieu à une verbalisation et au paiement d’une amende.
Une femme de 57 ans a été verbalisée à deux reprises. Les autres contrevenantes, dont certaines converties, sont âgées de 18 à 30 ans. Dans tous les autres cas, la municipalité affirme que les femmes se sont conformées au nouveau règlement. Une poignée en quittant la plage, les autres en changeant de tenue. ».
Résumons : 18 interventions dont une double soit 17 personnes. Nos contradicteurs diront que c’est peu, voire négligeable et que nous disproportionnons etc. Ce sont les mêmes avec les mêmes propos lors de l’apparition des premiers voiles à l’école dont on a eu l’expérience faute d’avoir tranché assez tôt.
Par ailleurs, l’affaire ayant eu un retentissement national, combien se sont abstenues du bain ou du burkini pour éviter des ennuis ?
5 personnes sur 17 soit moins de 30 %. Une seule récidiviste. La majorité semble-t-il changeant de tenue, le reste quittant la plage. Pas si mal pour un arrêté original et en instance d’appel.
Comme pour le voile à l’école et comme lui ne réglant pas tout, il n’est pas déraisonnable de penser qu’une mesure nette permettrait de stopper le phénomène particulier.
Je pressens qu’un règlement global de la question nécessiterait la remise en question des politiques suivies depuis plus de 30 ans sous bien des aspects.
Pour en revenir à ces associations défendant le communautarisme drapées dans l’étendard de la « liberté », il faut souligner qu’elles ont constamment milité pour l’extension juridique de la notion de discrimination et le durcissement des peines afférentes, au point, vous l’avez souligné dans votre exemple du MRAP, de vouloir pénaliser ce concept nébuleux « d’islamophobie ».
@ Descartes,
“Ce n’est pas si évident que cela. Pensez à « l’assimilation intérieure », qui a transformé les paysans patoisants de nos campagnes en français, ou à la conquête par les anglais de l’empire des Indes. Ce n’est pas le nombre qui fait la force, et une minorité organisée peut souvent imposer a – et conquérir – une majorité amorphe.”
Pardon de vous contredire, mais je suis en désaccord avec ce que vous écrivez. Assimiler les populations métropolitaines non-francophones n’est pas comparable à l’assimilation de populations immigrées maghrébines et subsahariennes. Tout simplement parce que le sentiment national s’est construit progressivement pour les populations autochtones: il a trouvé son prologue dans le loyalisme séculaire à la dynastie capétienne. Le patriotisme est présent dans des régions frontalières exposées aux invasions, même lorsque ces régions ne sont pas francophones, dès le XVIII° siècle. On l’a bien vu lors de la Révolution: des paysans provençaux, béarnais ou languedociens ont répondu “présent” lors de la levée en masse. Et on peut supposer que certains parlaient à peine français… Ajoutons que les populations des périphéries françaises pouvaient conserver une identité “régionale” qui cependant ne s’appuyait plus sur une structure politique autonome. Les rois de France avaient déjà fait un gros travail de centralisation. A ce sujet, le cas de la Lorraine est intéressant, puisque l’intégration à la France commence avant même l’annexion: Louis XV ayant installé son beau-père, ex-roi de Pologne, sur le trône de Lorraine, l’administration fut en réalité prise en main par des fonctionnaires choisis à Versailles. De sorte que l’annexion de 1766 n’a pas changé grand-chose pour les Lorrains.
Les immigrés maghrébins et subsahariens arrivent eux avec une vague identité “nationale”, bâtie contre la France qui plus est. Vous allez dire que je me répète, mais j’admets que c’est ma marotte: pourquoi la France réussirait-elle ici ce qu’elle a échoué à faire là-bas, alors même qu’elle a pour une part renoncé à son projet impérial? Et, encore une fois, la Communauté française créée par de Gaulle en 58 offrait la possibilité pour les colonisés d’Afrique de devenir pleinement français dans le cadre de la République. Ils ont refusé, très bien, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais j’insiste sur un point: l’indépendance des colonies traduit aussi un refus de l’assimilation. Pourquoi auraient-ils envie de s’assimiler aujourd’hui? Et, surtout, pourquoi devrions-nous avoir envie de les assimiler? Les Maghrébins et les Subsahariens ont tourné le dos à la France, et moi, Français de vieille souche, je devrais accueillir leurs descendants avec le sourire, leur faire une place dans mon pays, supporter le coût de leur assimilation (car, oui, cette assimilation a un coût)? Eh bien non, désolé, il n’en est pas question.
Alors vous me direz que cette immigration est le signe de la faillite des indépendances. Et alors? Ce n’est pas mon problème. On me fait porter le poids des crimes de la colonisation, et je devrais payer en sus pour la faillite des indépendances? Il y a des gens qui rêvent… Les immigrés et descendants d’immigrés des anciennes colonies n’ont pas à devenir français, ni vocation à s’implanter en France. Ils peuvent venir étudier, travailler éventuellement, mais ça devrait s’arrêter là. Il ne faut pas les assimiler, il faudrait leur retirer la nationalité française et les inciter vivement à rentrer chez eux.
Alors, vous me direz peut-être qu’on ne peut pas comparer les choix collectifs de 1960 avec le choix, individuel ou familial, d’immigrer de nos jours. Tous les migrants ont de bonnes raisons de quitter leur pays: la misère, la dictature, la guerre civile, la corruption… Pourtant beaucoup de pays d’Afrique n’ont pas connu ces dernières années les difficultés qui furent celles de la France durant la Révolution ou l’Occupation. Or, j’attire votre attention sur le fait qu’on n’a pas vu des millions de Français quitter notre pays en 1792 ou en 1940. Et je dirais même que ceux qui sont partis (émigrés de 1792, résistants gagnant Londres en 1940) avaient la ferme intention de revenir… A contrario, il y a une chose qui me frappe dans les témoignages de beaucoup de réfugiés syriens: “il n’y a plus rien pour nous en Syrie, on vient en Europe offrir un avenir à nos enfants”. Je comprends que des gens fuient la guerre, il y a toujours des déplacements de population lors d’un conflit de grande ampleur (voir l’exode en 40), mais je suis sidéré de voir le peu d’attachement de certains Syriens (et on pourrait étendre cela à beaucoup de pays issus de la décolonisation) à leur pays. Au risque de paraître dur, je dirais que quand on aime son pays, il faut être prêt à faire des sacrifices. Les Syriens devraient se battre en Syrie, ou au moins s’organiser dans un pays tiers, former des troupes, préparer la reconstruction. Au lieu de cela, le régime comme les “rebelles” islamistes font appel à toute sorte de soutiens étrangers pour pallier le manque de combativité des autochtones qui, eux, donnent le triste spectacle d’un sauve-qui-peut totalement individualiste. A tel point qu’on se demanderait presque si les sociétés arabes et subsahariennes ne sont pas encore plus individualistes et déstructurées que la nôtre…
Mais surtout, il y a un point sur lequel il faut insister: ces immigrés, du monde arabe ou d’Afrique subsaharienne, débarquent sans aucune expérience de la “solidarité inconditionnelle” qui fonde, dans leur majorité, les nations occidentales. A cela s’ajoute le fossé culturel voire la problématique religieuse. Comment voulez-vous que ça marche? Pour que l’assimilation s’opère, il faudrait, eu égard aux effectifs de ces populations et après trente ans d’antiracisme victimaire et contre-productif, mettre une pression très forte sur les immigrés. Les élites droit-de-l’hommistes s’y opposeront et jetteront l’opprobre sur tout gouvernement qui s’y risquerait. Forts de l’appui des bienpensants, et des décérébrés “antifa” toujours prêts à casser du flic et du facho (avec une définition très large de ce dernier terme, bien entendu), les minorités résisteront, par la violence si nécessaire, et vous verrez qu’il se trouvera des journaleux, des universitaires, des philosophes pour les soutenir. L’antiracisme, la victimisation, la lutte contre les discriminations, la repentance, tout cela fait vivre beaucoup trop de monde pour envisager un changement sans violence.
Revenons aux immigrés: ils viennent ici comme un enfant dans un magasin de jouet, ils veulent ce qui leur plaît (emploi, logement, prestations sociales, soins médicaux) sans se préoccuper du coût. Je suis toujours écoeuré de voir des enfoulardées venir encombrer nos services hospitaliers, bien contentes de venir profiter du travail des femmes infidèles, et d’une qualité de soin qui n’existe dans aucun pays où pourtant toutes les femmes sont “pudiques”, donc voilées. On ne devrait pas soigner ces gens-là. Ils veulent profiter des avantages de notre civilisation sans l’adopter, j’exècre cet état d’esprit. Mais ne nous y trompons pas, la logique qui conduit ces migrants à venir en France ou dans les pays voisins les conduira demain à quitter ces pays, si les prestations sociales, la sécurité, la paix civile ne sont plus assurées… y compris si c’est de leur faute! Et ils s’en iront parasiter et ruiner d’autres pays, sur d’autres continents.
Je vais le dire de manière très désagréable: les migrants du monde arabe et d’Afrique subsaharienne viennent pour beaucoup avec une mentalité d’apatride. Ils ont abandonné la terre de leurs aïeux, ils viennent ici parce que l’herbe est plus verte, et demain s’il le faut ils partiront au Canada, en Australie ou au Brésil. Mais partout où ils vont, ils (du moins beaucoup d’entre eux) amènent leur culture, leur religion, leur morgue et leur sentiment de supériorité. C’est insupportable. Amener avec soi et garder dans son coeur le souvenir de ses origines, c’est une chose que je trouve éminemment respectueuse. Qu’un Français d’origine russe ait une icône dans son salon, qu’un Français d’origine portugaise ait sur sa cheminée une statuette de Notre Dame de Fatima, qu’un Français d’origine arménienne ait un portrait du catholicos dans sa cuisine, qu’un Français de culture musulmane ait un poster de la Mecque dans sa salle à manger, pas de problème. Mais se promener dans la rue vêtu de sa culture et de son identité minoritaire, je dis non.
Il y a d’ailleurs une contradiction profonde dans leur attitude, ou un aveuglement: c’est de ne pas comprendre que leur culture d’origine est une des causes de la faillite de leur pays d’origine. Quand je vois les hôpitaux français, je me dis qu’ils ne pourraient pas fonctionner si la société n’acceptait pas que les femmes travaillent, fassent des études, etc. Or de quelle société rêvent les immigrés musulmans? Je ne parle pas des djihadistes, des agités de la cafetière à tendance suicidaire, non je parle des simples musulmans, des braves musulmans, qui revendiquent et affichent leur religion. La femme qui, le plus paisiblement du monde, s’habille comme une Saoudienne ou presque, le barbu en gandourah qui, sans gêner personne, passe son temps entre la mosquée et sa boucherie hallal, ces gens-là veulent-ils une société si différente de celle que désirent les djihadistes? Un ami me disait récemment: “la méthode diffère, mais au fond beaucoup de musulmans aspirent à la même chose que les djihadistes, c’est-à-dire vivre dans une société où l’islam dicte les moeurs et les comportements. Ils sont tolérants et réclament du “dialogue” parce qu’ils sont 10 %, mais cite-moi un pays musulman du monde arabe où les chrétiens n’ont pas de problème: en Egypte, les coptes sont discriminés et écartés de toutes les hautes fonctions, en Algérie, on t’emprisonne parce que tu as des Bibles dans le coffre de ta voiture. Au Pakistan, les non-musulmans sont moins que des chiens. En Indonésie, en Malaisie, au Bangladesh, en Afrique noire, où l’islam local était plutôt paisible, l’intégrisme progresse. Qui peut croire que les musulmans de France, dans ce contexte, vont devenir de bons citoyens, ouverts et tolérants, sachant que leur poids démographique a des chances d’augmenter?”
Nous allons peut-être vivre des heures sombres avant la fin de ce siècle…
@ morel
[Le plus étonnant c’est que M. Schneckenburger est agrégé de philosophie.]
En effet, c’est très étonnant. Mais il y a des moments ou je me demande si ceux qui signent les communiqués du PG en sont vraiment les auteurs… Je n’ai pas les moyens de faire une vraie étude stylistique, mais je trouve une certaine uniformité de ton quelque soit le signataire qui me fait penser qu’ils sont en fait écrits par un petit groupe d’auteurs…
[Et puis aussi, nous vivons une époque formidable où il nous sommes sommés de rejeter tout ce qui paraît « coincé » : langage châtié, vouvoiement, politesse, respect d’autrui, rigueur intellectuelle et j’en oublie.]
Tout à fait. « L’insolence » est devenue une valeur qu’une radio publique peut proclamer dans sa communication. Le problème, c’est que l’insolence c’est très bien lorsqu’elle est le fait d’une petite minorité cultivée dans un ensemble policé, comme c’était le cas pour les surréalistes. Mais elle devient insupportable et improductive lorsqu’elle devient une pratique générale. Coluche détonnait quand il criait « meeeerde » à la radio parce qu’il était le seul à le faire. Quand tout le monde crie « meeeerde », cela devient… un merdier.
@ nationaliste-ethniciste
[Pardon de vous contredire, mais je suis en désaccord avec ce que vous écrivez. Assimiler les populations métropolitaines non-francophones n’est pas comparable à l’assimilation de populations immigrées maghrébines et subsahariennes.]
Je pense que la comparaison est intéressante, même si comme toute analogie celle-ci a des limites. Les populations métropolitaines non francophones avaient certainement une proximité culturelle bien plus grande avec cette République qui prétendait les assimiler. D’un autre côté, ces populations étaient « chez elles », et à ce titre leur résistance à l’assimilation avait une légitimité que n’a pas celle d’un immigré. Je ne dis pas que les situations sont identiques, mais je pense qu’on peut tirer d’utiles leçons en examinant ce précédent.
[Tout simplement parce que le sentiment national s’est construit progressivement pour les populations autochtones: il a trouvé son prologue dans le loyalisme séculaire à la dynastie capétienne. Le patriotisme est présent dans des régions frontalières exposées aux invasions, même lorsque ces régions ne sont pas francophones, dès le XVIII° siècle. On l’a bien vu lors de la Révolution: des paysans provençaux, béarnais ou languedociens ont répondu “présent” lors de la levée en masse.]
Je pense qu’il faut nuancer. D’abord, je ne crois pas qu’on puisse parler de « loyalisme » des populations envers la « dynastie capétienne » et ses successeurs avant la fin de la renaissance. Tout au plus peut-on parler de « loyalisme » d’une partie de la féodalité : pour les paysans, être sujets du roi de France ou du duc de Bourgogne ne changeait guère l’ordinaire.
Ensuite, le « patriotisme des régions frontalières » a été très variable. La levée en masse a été un succès en Provence, au Béarn, au Languedoc… mais n’a pas eu beaucoup de succès dans le Dauphiné, en Guyenne, en Vendée ou en Lorraine…
[Et on peut supposer que certains parlaient à peine français… Ajoutons que les populations des périphéries françaises pouvaient conserver une identité “régionale” qui cependant ne s’appuyait plus sur une structure politique autonome. Les rois de France avaient déjà fait un gros travail de centralisation.]
Je suis tout à fait d’accord. Mais la présence d’une administration centralisée ne se faisait pas sentir aussi fortement dans la France de Louis XIV qu’aujourd’hui. Combien de contacts avec l’administration avait le paysan moyen par an ? La question de l’assimilation se pose en termes de populations, et non en termes de structure politique. Jusqu’à la Révolution au moins, les gens de chaque « pays » ont continué à se singulariser par les habitudes, les sociabilités, les traditions, le patois spécifique, différents du « canon » central. Et cela alors même que l’administration était déjà profondément centralisée.
[Les immigrés maghrébins et subsahariens arrivent eux avec une vague identité “nationale”, bâtie contre la France qui plus est.]
Mais cette identité est-elle vraiment « nationale » ? Je n’en suis pas convaincu. S’il s’agissait d’une véritable identité « nationale », la religion ne prendrait pas une telle place dans sa construction. Finalement, les immigrés maghrébins d’aujourd’hui ne sont pas si différents de ces bretons de Paris qui, eux aussi, se construisaient une identité autour de la religion – et contre la France mécréante et laïque, des traditions du « pays » et du mariage endogamique.
[Vous allez dire que je me répète, mais j’admets que c’est ma marotte: pourquoi la France réussirait-elle ici ce qu’elle a échoué à faire là-bas,]
Pourquoi « échoué » ? La France n’a pas eu dans son empire une politique d’assimilation. Au contraire : elle a laissé subsister les « statuts personnels » et autres aménagements au principe d’égalité. Par certains côtés, on peut faire le parallèle entre la politique faite par les élites coloniales de la IIIème République et celle que les « classes moyennes » ont imposé depuis les années 1970…
[Mais j’insiste sur un point: l’indépendance des colonies traduit aussi un refus de l’assimilation. Pourquoi auraient-ils envie de s’assimiler aujourd’hui?]
Parce que ce ne sont pas les mêmes. Vous parlez comme si les élites arabes ou africaines qui ont rejeté l’Union française et les pauvres hères qui sont venues travailler chez nous étaient une même personne. Mais la question de l’assimilation n’est pas une question « d’envie ». Très rares sont ceux qui ont « envie » de s’assimiler. L’assimilation est d’abord une imposition de la société d’accueil, une condition à l’installation. C’est quelque chose que l’immigré apprécie a posteriori, rarement a priori.
[Et, surtout, pourquoi devrions-nous avoir envie de les assimiler?]
Parce que c’est la condition pour que la France reste la France.
[Les Maghrébins et les Subsahariens ont tourné le dos à la France, et moi, Français de vieille souche, je devrais accueillir leurs descendants avec le sourire, leur faire une place dans mon pays, supporter le coût de leur assimilation (car, oui, cette assimilation a un coût)? Eh bien non, désolé, il n’en est pas question.]
Mais c’est quoi, les alternatives ?
[Alors vous me direz que cette immigration est le signe de la faillite des indépendances.]
Mais de quelle immigration on parle ? L’immigration traduit d’abord les besoins de nos industries en main d’œuvre bon marché jusque dans les années 1980, et les erreurs de la politique dite de regroupement familial. La faillite des régimes issus de l’indépendance donnent aux gens l’envie de partir. Mais ce n’est pas parce qu’ils ont envie de partir qu’il nous faut les accueillir.
[Les immigrés et descendants d’immigrés des anciennes colonies n’ont pas à devenir français, ni vocation à s’implanter en France. Ils peuvent venir étudier, travailler éventuellement, mais ça devrait s’arrêter là.]
Pourquoi ? S’ils étudient en France, travaillent en France, qu’ils adoptent nos coutumes, nos traditions, notre sociabilité, notre langue, pourquoi leur refuserait-on de devenir français s’ils en font la demande ? Une immigration assimilée, faite des gens qui aiment notre pays est une richesse pour nous. Pourquoi faudrait-il l’ignorer ?
[Il ne faut pas les assimiler, il faudrait leur retirer la nationalité française et les inciter vivement à rentrer chez eux.]
Soyez réaliste : s’il faut commencer à retirer la nationalité à ceux qui l’ont acquise, cela ouvre la boite de Pandore de savoir qui est un « bon français » ou un « mauvais français ». C’est un coup à commencer une guerre civile. Allez-vous par exemple enlever la nationalité française aux pieds-noirs ? Aux juifs naturalisés par le décret Crémieux ?
On peut toujours gloser sur les erreurs du passé. Mais le fait est que les immigrés sont là, et que ceux qui sont installés légalement sur notre sol et acquis la nationalité l’ont fait en vertu d’une promesse de la République française. Pouvons nous revenir sur cette promesse ? Je ne le pense pas. Alors, il faut penser des solutions qui intègrent ce paramètre, et non rêver d’effacer le problème magiquement en expulsant la cause.
[Or, j’attire votre attention sur le fait qu’on n’a pas vu des millions de Français quitter notre pays en 1792 ou en 1940. Et je dirais même que ceux qui sont partis (émigrés de 1792, résistants gagnant Londres en 1940) avaient la ferme intention de revenir… A contrario, il y a une chose qui me frappe dans les témoignages de beaucoup de réfugiés syriens: “il n’y a plus rien pour nous en Syrie, on vient en Europe offrir un avenir à nos enfants”.]
C’était bien ce que je voulais dire plus haut. Les immigrés qui arrivent chez nous n’ont pas, contrairement à ceux de 1792 ou de 1940, une véritable « identité nationale ». C’est peut-être là le véritable échec des « indépendances » dans les années 1960 : elles n’ont pas réussi à bâtir un véritable consensus sur un avenir commun. Les immigrés français de 1792 ou de 1940 ne concevaient pas un « avenir pour leurs enfants » détaché de la France.
[Mais surtout, il y a un point sur lequel il faut insister: ces immigrés, du monde arabe ou d’Afrique subsaharienne, débarquent sans aucune expérience de la “solidarité inconditionnelle” qui fonde, dans leur majorité, les nations occidentales. A cela s’ajoute le fossé culturel voire la problématique religieuse. Comment voulez-vous que ça marche?]
Cela ne peut marcher que d’une seule façon : il faut que ce soit clair dès le départ que la condition pour l’installation en France est l’adoption intégrale de ce patrimoine. Que ce n’est pas une option, mais une obligation. Contrairement à vous, j’ai une confiance infinie dans la « supériorité » – je suis volontairement provocateur – de notre modèle. Je suis persuadé que l’étranger assimilé ne peut que la constater, et remercier le pays qui le lui a imposé. Et l’expérience montre d’ailleurs que c’est le cas.
[Pour que l’assimilation s’opère, il faudrait, eu égard aux effectifs de ces populations et après trente ans d’antiracisme victimaire et contre-productif, mettre une pression très forte sur les immigrés.]
Tout à fait.
[Les élites droit-de-l’hommistes s’y opposeront et jetteront l’opprobre sur tout gouvernement qui s’y risquerait.]
Oui. Et il faudra les combattre, comme on a combattue naguère les « élites » acquises à divers titres à la révolution réactionnaire de Vichy. Je ne dis pas que ce sera facile. Mais la difficulté n’est pas tant dans le rapport aux immigrés qu’il s’agit d’assimiler, que dans le rapport à cette partie de la société qui ne veut pas payer le prix de l’assimilation et qui se cache derrière l’idéologie « droit-de-l’hommiste ».
[L’antiracisme, la victimisation, la lutte contre les discriminations, la repentance, tout cela fait vivre beaucoup trop de monde pour envisager un changement sans violence.]
S’il le faut… La violence n’est pas un mal en soi. Elle est pour moi admissible et quelquefois nécessaire. Reste à s’assurer qu’elle soit légitime et strictement proportionnée au but à atteindre.
[Revenons aux immigrés: ils viennent ici comme un enfant dans un magasin de jouet, ils veulent ce qui leur plaît (emploi, logement, prestations sociales, soins médicaux) sans se préoccuper du coût. Je suis toujours écoeuré de voir des enfoulardées venir encombrer nos services hospitaliers, bien contentes de venir profiter du travail des femmes infidèles, et d’une qualité de soin qui n’existe dans aucun pays où pourtant toutes les femmes sont “pudiques”, donc voilées. On ne devrait pas soigner ces gens-là. Ils veulent profiter des avantages de notre civilisation sans l’adopter, j’exècre cet état d’esprit.]
Moi aussi. Mais l’état d’esprit n’est pas une essence. L’état d’esprit, ça s’éduque et ça se change. Je n’en veux pas aux immigrés qui viennent de sociétés très simples d’avoir une forme de pensée magique, en croyant que les hôpitaux, les écoles et les allocations familiales apparaissent par opération du Saint Esprit. C’est à la société d’accueil d’exiger que ces comportements changent, en expliquant bien entendu le pourquoi, mais sans faiblesse. Ler problème, c’est que cette « pensée magique » s’étend malheureusement à une bonne portion des « classes moyennes » bienpensantes. Lorsque des militants antinucléaires vandalisent les installations de l’ANDRA à Bure, d’où croient-ils que vont sortir les fonds pour payer les dégâts ?
[Je vais le dire de manière très désagréable: les migrants du monde arabe et d’Afrique subsaharienne viennent pour beaucoup avec une mentalité d’apatride. Ils ont abandonné la terre de leurs aïeux, ils viennent ici parce que l’herbe est plus verte, et demain s’il le faut ils partiront au Canada, en Australie ou au Brésil.]
Peut-être. Mais les mentalités, ça se change. Notre principal point de désaccord se trouve là. Pour vous, le comportement, la vision du monde des gens est essentielle. Elle n’est susceptible d’aucun changement. Pour moi, elle s’éduque : n’importe quel noir africain est un Félix Eboué en puissance.
[Mais partout où ils vont, ils (du moins beaucoup d’entre eux) amènent leur culture, leur religion, leur morgue et leur sentiment de supériorité.]
Cela dépend de la permissivité de la société d’accueil. Si celle-ci passe son temps à s’humilier et se frapper la poitrine en rappelant ses petits défauts et ses grands crimes, si elle se refuse elle-même à défendre sa place, on peut pardonner aux immigrés d’internaliser ce discours et se sentir supérieurs. Dans les années 1960, quand les élites intellectuelles, politiques et médiatiques ne ressentaient pas le besoin pressant de s’excuser en permanence d’être françaises, les immigrés qui arrivaient chez nous s’habillaient à l’occidentale et leurs femmes laissaient tomber le voile.
[Il y a d’ailleurs une contradiction profonde dans leur attitude, ou un aveuglement: c’est de ne pas comprendre que leur culture d’origine est une des causes de la faillite de leur pays d’origine. Quand je vois les hôpitaux français, je me dis qu’ils ne pourraient pas fonctionner si la société n’acceptait pas que les femmes travaillent, fassent des études, etc. Or de quelle société rêvent les immigrés musulmans?]
Vous pointez exactement à cette question de « pensée magique » que je dénonçais plus haut. Et malheureusement, cette pensée magique n’est pas seulement celle des immigrés, c’est aussi celle de beaucoup de français bienpensants. Je pense que cette pensée magique occupe la place laissée vacante par l’oubli de l’histoire. Moins nous nous concevons comme un produit historique, et plus les mécanismes qui nous lient aux différents éléments de notre environnement nous paraissent obscurs. Ainsi, certains vous raconteront que la France est devenue riche et puissante pillant les colonies. Mais la France figurait déjà parmi les pays les plus riches et puissants au XVIIème siècle, bien avant le début de l’aventure coloniale. Si nous vivons dans une société riche, organisée, pacifiée, ce n’est pas grâce à nous, ou grâce à nos parents, mais grâce à une histoire qui commence très, très loin dans le passé. Et c’est de même pour les autres : s’il y a une guerre civile en Syrie, ce n’est pas la faute de Bachar Al-Assad, pas plus que celle de ses concurrents pour le pouvoir. C’est le résultat d’une très longue histoire, d’une histoire qui n’a pas pu produire des institutions suffisamment solides pour permettre une alternance au pouvoir sans qu’il soit besoin pour cela de détruire la moitié du pays.
[La femme qui, le plus paisiblement du monde, s’habille comme une Saoudienne ou presque, le barbu en gandourah qui, sans gêner personne, passe son temps entre la mosquée et sa boucherie hallal, ces gens-là veulent-ils une société si différente de celle que désirent les djihadistes? Un ami me disait récemment: “la méthode diffère, mais au fond beaucoup de musulmans aspirent à la même chose que les djihadistes, c’est-à-dire vivre dans une société où l’islam dicte les moeurs et les comportements.]
Peut-être. Mais s’ils souhaitent cela, c’est aussi parce qu’ils ne connaissent rien d’autre. A leurs yeux, ce n’est pas le choix entre la théocratie ou la République, c’est le choix entre la théocratie et le chaos. En discutant un peu la question avec certains immigrés, j’ai perçu une crainte que l’abandon des règles traditionnelles conduise à l’anomie. C’est pourquoi il est pour moi si important que la République réaffirme les règles qu’elle entend imposer à la place des règles traditionnelles. Je ne suis pas sûr que les musulmans aspirent à vivre dans une société où « l’Islam dicte les mœurs et les comportements ». Je pense plutôt qu’ils aspirent à vivre dans une société ou QUELQU’UN dicte les mœurs et les comportements. Ils sont parfaitement prêts à accepter une autorité républicaine à la place de leur autorité traditionnelle. Ce qui leur fait peur, c’est l’absence d’autorité. Ce qui leur fait peur dans notre société, c’est surtout sa permissivité.
Je partage beaucoup des constats exaspérés de N.E. sur l’attitude irritante de beaucoup de migrants illégaux d’Afrique du Nord, Machrek, subsaharienne ou du Sahel. Pour les légaux, j’ai déjà dit tout le mal que je pense de l’encouragement au mariage endogame consanguin par le biais du regroupement familial, sur lequel on devrait poser un moratoire très sévère. Idem pour la binationalité, on devrait réimposer l’abandon de l’autre nationalité, même de la part des ressortissants des pays qui l’interdisent, il faut un engagement symbolique, écrit avec restitution des cartes d’identité et passeports étrangers aux autorités françaises, et menace de retrait immédiat de la nationalité française pour ceux qui auraient entretenu une deuxième nationalité en parallèle (et expulsion ad hoc).
J’avoue que la journée portes ouvertes totalement irresponsable de Merkel est un facteur de déstabilisation dont on verra les mauvais effets à court et moyen terme. Cette affaire m’inquiète vraiment beaucoup.
Ce qui m’irrite le plus de la part des migrants économiques (déguisés en réfugiés), qui sont des hommes en âge de travailler et de combattre, c’est leur lâcheté. Les personnes qui paient le plus de cette migration ce sont les femmes. Vous aurez remarqué que les femmes sont quasi inexistantes dans ces masses de pseudo-réfugiés, ce qui est normal à cause la pression du viol dans des sociétés où elles ne sont pas libres de circuler dans l’espace public. Comment, alors que pour ceux qui proviennent de pays en cours de déstabilisation, peut-on manquer à son devoir de protection et entretien de sa mère, sœur, fille le plus élémentaire ? Les erythéens par exemple fuient en fait… le service militaire.
Imagine-t-on les hommes anglais s’enfuir en masse aux USA pendant que l’aviation allemande les bombardaient en 1940 ? Les hommes de l’URSS fuir en masse du siège de Stalingrad ?
Après tu as répondu partiellement, en effet, il n’y a pas de sentiment national (une vague oumma largement fantasmée), ce qui n’était pas le cas des anglais qui étaient les fiers dépositaires d’une longue tradition. Certains considèrent qu’au delà du communisme, c’est la mystique russe qui leur a permis de tenir le coup malgré l’horreur du siège, d’ailleurs ils appellent ça en VO « La Grande Guerre Patriotique ».
Je ne supporte plus les associations de No Borders qui au nom de l’humanisme encouragent la lâcheté de ces hommes et le parasitage de nos sociétés. Dans la masse de migrants il y en a qui proviennent du Magreb ou plus au sud, qui ne sont en aucun cas des pays en guerre. On en a déjà parlé mais je pense toujours au frais de passage, qui prouvent qu’il y a des capitaux dans ces sociétés qui au lieu d’être « brûlés » dans les passages vers la France (c’est un maghrébin qui m’a dit qu’en VO immigrer illégalement se dit au bled littéralement « brûler » le passage, comme au feu rouge) devraient rester dans leur pays pour être investis dans la productivité. Le meilleur service à leur rendre c’est de renvoyer tous ces illégaux pour que leurs familles cessent de mettre en gage leurs avoirs et que leurs sociétés se relèvent les manches. C’est ce projet pour la Méditerranée qui les aidera, pas le transfert massif de populations.
Ce militant No Border qui s’est vanté d’avoir fait passer 200 migrants qui a été relâché, est un très mauvais signal de la part de nos autorités juridique. On a puni très sévèrement les « gentils » de l’Arche de Noé, je n’arrive pas à comprendre cette incohérence. Il faut que l’Etat fasse aussi montre de violence symbolique envers ces passeurs bien gaulois.
@ morel
[Résumons : 18 interventions dont une double soit 17 personnes. Nos contradicteurs diront que c’est peu, voire négligeable et que nous disproportionnons etc. Ce sont les mêmes avec les mêmes propos lors de l’apparition des premiers voiles à l’école dont on a eu l’expérience faute d’avoir tranché assez tôt.]
18 interventions c’est peu et c’est beaucoup. C’est beaucoup parce que cela veut dire qu’il s’est trouvé 18 femmes pour violer sciemment – parce qu’il faut vivre dans une autre planète pour ne pas savoir que ces arrêtés existent – la loi républicaine. C’est peu parce que finalement à l’exception de six récalcitrantes, toutes les autres ont finalement cédé au premier rappel de la loi. La comparaison avec les voiles à l’école est à mon avis pertinente, et me confirme dans l’analyse que j’avais exposé dans ma réponse à Nationaliste-Ethniciste : La crainte de nos concitoyens musulmans n’est pas de voir l’autorité civile remplacer l’autorité de la tradition. C’est que la rupture avec la tradition ouvre la porte à l’anomie. Lorsque l’autorité civile manifeste clairement l’interdiction – comme ce fut le cas pour le voile à l’école – l’interdiction est acceptée.
@ Bannette
[Ce qui m’irrite le plus de la part des migrants économiques (déguisés en réfugiés), qui sont des hommes en âge de travailler et de combattre, c’est leur lâcheté. Les personnes qui paient le plus de cette migration ce sont les femmes. Vous aurez remarqué que les femmes sont quasi inexistantes dans ces masses de pseudo-réfugiés, ce qui est normal à cause la pression du viol dans des sociétés où elles ne sont pas libres de circuler dans l’espace public. Comment, alors que pour ceux qui proviennent de pays en cours de déstabilisation, peut-on manquer à son devoir de protection et entretien de sa mère, sœur, fille le plus élémentaire ? Les erythéens par exemple fuient en fait… le service militaire.]
Je ne suis pas aussi sévère que vous. De tout temps la majorité des migrants ont été des hommes. Ce n’est pas pour autant un « manquement au devoir de protection » de sa femme, sœur ou fille – faites attention que les féministes ne vous entendent pas… – mais tout au contraire une manifestation de ce devoir. Les hommes migrent là où ils peuvent gagner un meilleur salaire qu’ils renvoient aux femmes et enfants restés au pays sous la protection – et le contrôle – de la société traditionnelle.
Le fait de fuir le service militaire est là aussi parfaitement compréhensible dans des sociétés où il n’existe pas d’identification nationale. Lorsqu’on est citoyen d’une nation, qu’on bénéficie du réseau des solidarités inconditionnelles et impersonnelles qui fondent le fait national, se soustraire à l’obligation de défendre la nation est un manquement grave. Mais lorsqu’on n’est pas citoyen, mais tout juste administrativement rattaché à un pays sans que ce rattachement vous rende créancier de la moindre protection, de la moindre solidarité, l’exigence de participer à la défense générale est une exigence exorbitante.
Il faut se garder de juger avec nos critères le civisme de populations qui vivent dans des sociétés très différentes de la notre. C’est en examinant ces différences qu’on s’aperçoit que des idées aussi naturelles pour nous que celles de nation ou de loi civile n’ont pour eux la moindre signification.
[Je ne supporte plus les associations de No Borders qui au nom de l’humanisme encouragent la lâcheté de ces hommes et le parasitage de nos sociétés.]
J’avoue que j’ai beaucoup de mal à me situer dans l’univers mental des « No Borders ». Leur comportement dogmatique rend très difficile le débat avec eux. Je ne comprends pas si leur posture vient simplement d’une ignorance de la manière dont une société fonctionne, ou si elle manifeste un pur nihilisme.
Mon absence d’indulgence envers l’opportunisme de ces hommes jeunes vient des comportements très différents de ressortissants du même pays. Les kurdes syriens se battent sur place, car ils sont sans doute animés par leur rêve de Kurdistan, et en cas de victoire des loyalistes, ils seront en position de force pour négocier leur autonomie avec Assad. Ce rapport à la terre est tout de même très répandu dans l’histoire de l’humanité, pourquoi pour d’autres c’est juste la lâcheté qui les anime ?
Et franchement, pour les pays pauvres mais qui ne sont pas en guerre, il faut arrêter avec ce misérabilisme, ils vivent tout de même bien mieux en 2016 qu’il y a 50 ans. A eux de savoir utiliser les capitaux qu’ils ont et de développer la discipline sociale adéquate.
Je repense au mot de Camus qui disait “En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans l’un de ces tramways. Si c’est cela, la justice, je préfère ma mère”
Et bien moi je préfère aussi la stabilité et la prospérité de mon pays, la France, plutôt que de me battre pour une bonne image.
Pour ce qui est de l’irrationalité des No Borders, sans doute le drame de cette époque c’est qu’on cède aux caprices des Antigone et Electre de pacotille, alors que nous avons désespérément besoin de Créon, qui représente la nécessaire formation du compromis. Rappelons que ces héroïnes provoquent la fin de leurs cités/familles par leur intransigeance. Comme le disait Camus, encore lui, Antigone a raison mais Créon n’a pas tord.
@ Bannette
[Ce rapport à la terre est tout de même très répandu dans l’histoire de l’humanité, pourquoi pour d’autres c’est juste la lâcheté qui les anime ?]
Mais ce « rapport à la terre » n’est pas le même pour le paysan qui laboure, pour le berger nomade, pour le commerçant des villes. Il n’est pas non plus pour le citoyen d’une nation – qui a avec ses concitoyens un rapport de solidarité particulier – et pour le simple ressortissant administratif d’un pays auquel ne le lient que des rapports de force. Je ne connais pas assez la Syrie et les populations qui émigrent pour répondre à ces questions, mais pensez par exemple aux juifs qui ont quitté la russie tsariste au début du XXème siècle pour aller aux Amériques. Quel lien « national » pouvait les lier à un pays qui ne les considérait même pas comme des nationaux de plein exercice, et qui n’estimait rien leur devoir ?
(Et franchement, pour les pays pauvres mais qui ne sont pas en guerre, il faut arrêter avec ce misérabilisme, ils vivent tout de même bien mieux en 2016 qu’il y a 50 ans. A eux de savoir utiliser les capitaux qu’ils ont et de développer la discipline sociale adéquate.]
Oui. D’autant plus que – au moins depuis la fin de la guerre froide – beaucoup de leurs malheurs sont auto-infligés. La corruption en Afrique du Sud ou au Vénézuela n’est pas la faute des grandes puissances…
[Pour ce qui est de l’irrationalité des No Borders, sans doute le drame de cette époque c’est qu’on cède aux caprices des Antigone et Electre de pacotille, alors que nous avons désespérément besoin de Créon, qui représente la nécessaire formation du compromis.]
Vous rejoignez ici mon analyse sur la mort du tragique en politique. Nos sociétés ont du mal à comprendre qu’il n’y a pas les « bons » avec Antigone, et les « méchants » avec Créon, mais que les logiques de l’une et de l’autre sont aussi légitimes. Qu’il faut des Antigones mais qu’il faut aussi des Créons.
@ Descartes, Morel
[J’étais sûr que vous poseriez cette question. Ce n’est pas un reproche, remarquez le bien. Au contraire, c’est en me titillant comme vous le faites que vous m’aidez à penser.]
Merci du compliment. Pour tout dire, je la trouve assez pertinente ma question (pardonnez mon auto-congratulation), car, comme je vous l’avais indiqué dans une précédente conversation, je vois de nombreuses similitudes entre ce que vit actuellement la société française face au “danger islamiste” et ce qu’on pu ressentir les hommes des années 20 face à la “menace communiste”. Dans les deux cas, la poussée révolutionnaire et la crainte de l’ennemi intérieur. Cela permet de remettre pas mal de chose en perspective et notamment de mieux comprendre la montée des radicalités dans l’entre-deux guerre.
[On parle souvent à propos du PCF et de ses sympathisants d’une « contre-société ». Le terme est à mon avis impropre. Le mouvement ouvrier – et le PCF tout particulièrement – ont créé autour de leurs organisations une sociabilité particulière. Cette sociabilité a bien entendu ses règles, ses habitus. Mais il n’y a pas dans cette construction une volonté de « sécession », et c’est là que se trouve toute la différence. Là où les « communautés » ethno-religieuses cherchent à minimiser le contact avec le monde qui les entoure, les militants ouvriers cherchent au contraire à maximiser leurs contacts avec leur environnement et à peser sur lui. Là où les « communautés » cherchent à délimiter un espace exclusif où la loi et l’autorité civiles n’ont pas cours, les militants ouvriers dans leur grande majorité se conçoivent comme membres de la société civile.]
A mon avis le problème n’est pas réellement de savoir si les musulmans pratiquants font sécession ou non quand ils arborent des “signes ostentatoires” (car, après tout, qui se gendarme que les sikhs se baignent, ou non, avec leur coiffe), mais plutôt que ceux-ci sont perçus, à tort ou à raison, comme un défi, voire comme une menace, par une part croissante du reste de la population.
Ce qui “coince” sur le burkini, c’est bien la promesse révolutionnaire sous-jacente, sur le thème: “ce n’est qu’un début, pour l’instant nous sommes minoritaires, mais attendez un peu et vous verrez”. C’est pour ça que sur un sujet somme toute assez anodin les esprits s’échauffent à point. Si l’islam rigoriste n’était pas perçu comme en expansion, je doute que le sujet eut été aussi sensible.
Or il me semble que le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau (merci, Morel, pour vos précisions fort instructive) a rempli, en son temps exactement (et plus encore) la même fonction: une manière de tenir en respect le reste de la société, de faire une démonstration de force et de tenir un peu de la promesse révolutionnaire.
A cette aune, si l’on considère légitime d’interdire, pour des raisons politique, le burkini; il l’eut été plus encore d’interdire le drapeau rouge quand les forces politiques qui s’en saisissaient représentaient une véritable menace révolutionnaire (dans les années 20 et 30 essentiellement, mais également en 1947). Mais les autorités républicaines d’alors ont dû trouver le coût politique d’une telle mesure trop élevé.
@ odp
[Merci du compliment. Pour tout dire, je la trouve assez pertinente ma question (pardonnez mon auto-congratulation), car, comme je vous l’avais indiqué dans une précédente conversation, je vois de nombreuses similitudes entre ce que vit actuellement la société française face au “danger islamiste” et ce qu’on pu ressentir les hommes des années 20 face à la “menace communiste”.]
Je ne dis pas le contraire. Mais que la menace ait été perçue – mutatis mutandis – de la même manière n’implique pas que cette perception corresponde à la réalité ou que les deux menaces soient comparables. Les communistes ont peut-être été perçus comme des agents d’une puissance étrangère. Mais ce n’était pas le cas. On imagine mal l’ancien enfant de chœur Thorez – qui a baptisé tous ses enfants – imposant en France une « dictature orientale » et faisant démolir Notre Dame. Les communistes français étaient – et cela est devenu évident en 1940 – profondément français par leur éducation, par leur cadre de référence, par leur formation intellectuelle, par leur insertion sociale. D’ailleurs, les communistes français ont toujours été légitimistes, préférant toujours l’action de masse à la violence groupusculaire.
[A mon avis le problème n’est pas réellement de savoir si les musulmans pratiquants font sécession ou non quand ils arborent des “signes ostentatoires” (car, après tout, qui se gendarme que les sikhs se baignent, ou non, avec leur coiffe), mais plutôt que ceux-ci sont perçus, à tort ou à raison, comme un défi, voire comme une menace, par une part croissante du reste de la population.]
Mais cette perception n’est pas venue de nulle part. Si tout le monde se fout que les sikhs se baignent avec leur turban, c’est parce que les sikhs n’ont jamais cherché à « privatiser » l’espace public au bénéfice de leur communauté. Je ne connais pas de prières de rue sikhs, ni de cas où les sikhs aient exigé des exceptions au règlement des écoles ou des hôpitaux en leur faveur. Et encore moins où ils aient cherché à privatiser une plage publique en leur faveur et agressé les passants.
Mon expérience est que la société française est très tolérante envers les gens « différents » aussi longtemps que ceux-ci s’abstiennent de porter atteinte aux règles communes. Le burkini ne pose en lui-même aucun problème, pas plus que le turban des sikhs. Mais du fait du comportement de certains musulmans, il est devenu le symbole d’un séparatisme, d’une posture de contestation de la règle commune. Et à ce titre, il est intolérable.
[Ce qui “coince” sur le burkini, c’est bien la promesse révolutionnaire sous-jacente, sur le thème: “ce n’est qu’un début, pour l’instant nous sommes minoritaires, mais attendez un peu et vous verrez”. C’est pour ça que sur un sujet somme toute assez anodin les esprits s’échauffent à point. Si l’islam rigoriste n’était pas perçu comme en expansion, je doute que le sujet eut été aussi sensible.]
Je ne sais pas si c’est « l’expansion » en général, ou la tentative de « privatiser » la sphère publique. Les français sont très sensibles à cet aspect, et ils ont parfaitement raison !
[Or il me semble que le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau (merci, Morel, pour vos précisions fort instructive) a rempli, en son temps exactement (et plus encore) la même fonction: une manière de tenir en respect le reste de la société, de faire une démonstration de force et de tenir un peu de la promesse révolutionnaire.]
Mais comme on vous l’a fait noter, personne n’a jamais amené un drapeau rouge pour aller se baigner à la plage. C’est là toute la différence : le drapeau rouge était un symbole politique, et ceux qui le portaient n’auraient pas songé à l’exhiber en dehors de ce contexte, dans un lieu neutre où la règle est la discrétion et le respect des opinions et croyances des autres. Son but n’a jamais été de « tenir en respect le reste de la société », puisqu’il s’agissait au contraire de la conquérir.
[A cette aune, si l’on considère légitime d’interdire, pour des raisons politique, le burkini; il l’eut été plus encore d’interdire le drapeau rouge quand les forces politiques qui s’en saisissaient représentaient une véritable menace révolutionnaire (dans les années 20 et 30 essentiellement, mais également en 1947).]
Vous m’obligez à me répéter : l’interdiction du burkini s’applique à un endroit bien précis, la plage. Si vous voulez faire une « burkini party » dans un local loué pour l’occasion, personne ne vous en empêche. Personne n’a jamais songé à interdire le drapeau rouge sur les plages tout simplement parce que personne n’a jamais songé à en amener un. A quoi cela sert d’interdire quelque chose que personne ne songe à faire ?
[Mais les autorités républicaines d’alors ont dû trouver le coût politique d’une telle mesure trop élevé.]
Elles ont surtout trouvé que cela n’avait aucun sens ! A quoi bon interdire aux gens de sauter par les fenêtres ?
@ Descartes
[Mais cette perception n’est pas venue de nulle part. Si tout le monde se fout que les sikhs se baignent avec leur turban, c’est parce que les sikhs n’ont jamais cherché à « privatiser » l’espace public au bénéfice de leur communauté. Je ne connais pas de prières de rue sikhs, ni de cas où les sikhs aient exigé des exceptions au règlement des écoles ou des hôpitaux en leur faveur. Et encore moins où ils aient cherché à privatiser une plage publique en leur faveur et agressé les passants.]
Je ne vois pas comment 25 burkinis sur toute la Côte d’Azur pourraient entraîner une quelconque privatisation de l’espace public. L’affaire de Cisco n’a rien à voir avec ce sujet et est d’ailleurs, sauf erreur de ma part, postérieure aux premiers arrêtés. Je le répète, ce qui est en cause, c’est la perception de la dimension révolutionnaire du burkini (qui n’est d’ailleurs pas une tenue traditionnelle) comme allégeance à l’islam radical (et en filigrane Daech); et en ce sens la comparaison avec le drapeau rouge reste, de mon point de vue, valide.
[Les communistes ont peut-être été perçus comme des agents d’une puissance étrangère. Mais ce n’était pas le cas. On imagine mal l’ancien enfant de chœur Thorez – qui a baptisé tous ses enfants – imposant en France une « dictature orientale » et faisant démolir Notre Dame. Les communistes français étaient – et cela est devenu évident en 1940 – profondément français par leur éducation, par leur cadre de référence, par leur formation intellectuelle, par leur insertion sociale.]
Le moins que l’on puisse dire c’est que les communistes ont tout fait pour entretenir la confusion; sinon, pourquoi avoir repris l’emblème d’une puissance étrangère comme signe de ralliement (encore le drapeau rouge orné de la faucille et du marteau), pourquoi avoir soutenu les troubles dans le Rif en 1921 et la contestation dans la Ruhr en 1924, craché sur les cercueils des soldats tués en Indochine et livré des armes au FLN? Sans parler, bien évidemment, de la critique de la “guerre impérialiste” après la signature du pacte germano-soviétique.
En réalité, comme vous le savez très bien, pour les communistes de l’époque l’allégeance à l’URSS était presqu’aussi forte, sinon plus, que celle qu’ils pouvaient vouer à la France – entraînant de très nombreux conflits de loyauté, notamment en 1940. Je vous rappelle que Thorez, tout bon français qu’il fût, a quand même déclaré à Staline que “bien qu’il est français, il se sent l’âme d’un citoyen soviétique”, regrettant que l’Armée Rouge n’ait pu allé jusqu’à Paris et “certifiant au camarade Staline qu’elle aurait été bien accueilli par le peuple français”. Il y en a qui se sont retrouvés au poteau pour bien moins que ça. Pour l’exercice, remplacez Thorez par Doriot, citoyen soviétique par citoyen du Reich et Armée Rouge par Wehrmarcht…
Je veux bien éviter le piège de la diabolisation et ne pas tout prendre au pied de la lettre, mais ce n’est par pour tomber dans celui de l’angélisme. En ce qui concerne le respect de la légalité démocratique et de l’indépendance nationale, ambiguité et opportunisme, semblent longtemps avoir été, chez les communistes, les maître-mots.
[Mon expérience est que la société française est très tolérante envers les gens « différents » aussi longtemps que ceux-ci s’abstiennent de porter atteinte aux règles communes. Le burkini ne pose en lui-même aucun problème, pas plus que le turban des sikhs. Mais du fait du comportement de certains musulmans, il est devenu le symbole d’un séparatisme, d’une posture de contestation de la règle commune. Et à ce titre, il est intolérable.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous: les français sont profondément républicains et par conséquent plutôt imperméables aux théories racistes et xénophobes. En revanche, la France est un pays moniste qui tolère très mal ce qui se distingue de la “norme”. Ce n’est pas forcément une qualité.
@ odp
[Je ne vois pas comment 25 burkinis sur toute la Côte d’Azur pourraient entraîner une quelconque privatisation de l’espace public.]
Le nombre ne fait rien à l’affaire. La burkini – comme le voile, comme beaucoup d’autres signes communautaires – vise d’abord à créer une barrière à la sociabilité. Nous sommes tous dans la plage, mais il y a un groupe qui, en marquant sa différence, s’isole. En ce sens là, elle crée à l’intérieur de l’espace public qui est la plage un espace privé dans lequel ce sont ses règles, et non les règles générales de la convivialité qui s’appliquent.
[L’affaire de Cisco n’a rien à voir avec ce sujet et est d’ailleurs, sauf erreur de ma part,]
Je ne suis pas persuadé qu’elle n’ait « rien à voir ». Pour moi, elle se rattache au même mécanisme : une communauté qui s’installe dans une logique d’apartheid, qui refuse toute sociabilité avec le reste de la collectivité.
[Je le répète, ce qui est en cause, c’est la perception de la dimension révolutionnaire du burkini (qui n’est d’ailleurs pas une tenue traditionnelle) comme allégeance à l’islam radical (et en filigrane Daech); et en ce sens la comparaison avec le drapeau rouge reste, de mon point de vue, valide.]
Mais qu’est ce que le « burkini » a de « révolutionnaire » ? Arrêtons les fantasmes : en quoi le fait qu’une femme décide de se baigner couverte provoquerait une « révolution » ? Non, si le burkini provoque cet effet, ce n’est pas parce qu’il traduit une volonté « révolutionnaire », mais parce qu’il traduit une volonté SEPARATISTE. Comme le voile, il établit une barrière entre « les notres » et « les autres ». Et c’est pourquoi la comparaison avec le drapeau rouge n’a lieu d’être.
[Le moins que l’on puisse dire c’est que les communistes ont tout fait pour entretenir la confusion;]
J’aurais plutôt tendance à dire que ce sont leurs adversaires qui se sont occupés de cela…
[pourquoi avoir repris l’emblème d’une puissance étrangère comme signe de ralliement (encore le drapeau rouge orné de la faucille et du marteau),]
C’est plutôt l’inverse : c’est la « puissance étrangère » qui a repris un symbole largement employé dans l’ensemble du mouvement ouvrier bien avant 1917. La « puissance étrangère » en question a même repris pendant un certain temps une chanson française, l’Internationale, comme hymne national…
[pourquoi avoir soutenu les troubles dans le Rif en 1921 et la contestation dans la Ruhr en 1924, craché sur les cercueils des soldats tués en Indochine et livré des armes au FLN?]
Je crois que vous faites une confusion pour ce qui concerne le FLN. Il a été au contraire beaucoup reproché au PCF d’avoir traité avec une grande méfiance les « porteurs de valises » du FLN, qui venaient plutôt de la « gauche bienpensante ». Alors je veux bien qu’on reproche au PCF de ne pas avoir soutenu le FLN, ou bien qu’on lui reproche de lui avoir livré des armes, mais pas les deux.
Le PCF n’a jamais fait un secret de son soutien aux luttes de libération nationale des peuples colonisés. Je ne vois pas très bien en quoi cela accréditerait la thèse qu’il était l’agent d’une puissance étrangère… d’autant plus que l’indépendance des colonies était à l’époque activement soutenue par les américains !
[En réalité, comme vous le savez très bien, pour les communistes de l’époque l’allégeance à l’URSS était presqu’aussi forte, sinon plus, que celle qu’ils pouvaient vouer à la France – entraînant de très nombreux conflits de loyauté, notamment en 1940.]
Mais vous noterez que les « conflits de loyauté » en question se sont toujours réglés en faveur de la France plutôt que de l’URSS. En fait, l’allégeance des communistes allait moins à l’URSS qu’à ce qu’elle représentait. Vous noterez enfin qu’en matière de « conflits de loyauté » les communistes n’avaient pas le monopole, et que de nombreux dirigeants politiques français ont été des agents américains – pensez à Jean Monnet. Ce qui ne les empêche pas d’avoir des rues à leur nom…
[Je vous rappelle que Thorez, tout bon français qu’il fût, a quand même déclaré à Staline que “bien qu’il est français, il se sent l’âme d’un citoyen soviétique”, regrettant que l’Armée Rouge n’ait pu allé jusqu’à Paris et “certifiant au camarade Staline qu’elle aurait été bien accueilli par le peuple français”. Il y en a qui se sont retrouvés au poteau pour bien moins que ça.]
Pourriez-vous me donner la référence exacte de cette déclaration ?
[Pour l’exercice, remplacez Thorez par Doriot, citoyen soviétique par citoyen du Reich et Armée Rouge par Wehrmarcht…]
Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, l’armée rouge n’a jamais traversé le Rhin… la Wehrmacht, oui ! Mais votre remarque m’interpelle : voulez-vous dire que ceux qui se sont réjouis de l’entrée des troupes américaines à Paris auraient du être assimilés à Doriot ?
Vous faites preuve d’une rare mauvaise foi. Certains se sont réjouit que Paris soit libérée par les américains, d’autres auraient préféré qu’elle soit libérée par les soviétiques. Je ne crois pas que Thorez ait conçu autrement ses « regrets ». La comparaison avec Doriot pour ce qui était une occupation, et non une libération, est grotesque.
[Je suis tout à fait d’accord avec vous: les français sont profondément républicains et par conséquent plutôt imperméables aux théories racistes et xénophobes. En revanche, la France est un pays moniste qui tolère très mal ce qui se distingue de la “norme”. Ce n’est pas forcément une qualité.]
C’est sur ce dernier point que nous différons.
@ Descartes
[C’est plutôt l’inverse : c’est la « puissance étrangère » qui a repris un symbole largement employé dans l’ensemble du mouvement ouvrier bien avant 1917. La « puissance étrangère » en question a même repris pendant un certain temps une chanson française, l’Internationale, comme hymne national…]
Il me semble que la faucille et le marteau sont spécifiquement russes.
[Le PCF n’a jamais fait un secret de son soutien aux luttes de libération nationale des peuples colonisés. Je ne vois pas très bien en quoi cela accréditerait la thèse qu’il était l’agent d’une puissance étrangère… d’autant plus que l’indépendance des colonies était à l’époque activement soutenue par les américains !]
En soutenant les “luttes de libération coloniale”, il me semble qu’on peut légitimement dire que le PCF s’est fait le soutien des adversaires de la France et l’agent de son abaissement. Vous mentionnez très fréquemment la “solidarité inconditionnelle” qui devrait caractériser les liens entre membres d’une même Nation. Le moins que l’on puisse dire c’est que le PCF n’ a pas fait preuve de cette solidarité inconditionnelle, non seulement à l’égard des soldats mais également à l’égard des colons. Cela dit, d’une manière générale l’idéologie de la lutte des classes me paraît incompatible avec celle de la solidarité inconditionnelle. C’est pour ça que j’ai toujours un peu de mal quand vous vous présentez comme un ultra de la Nation ET un tenant de la lutte des classes qui sont à mon avis antinomiques (solidarité inconditionnelle pour le bourgeois?). Pour dire les choses autrement, quand je vois l’intransigeance dont vous faite preuve à l’égard de “l’ennemi héréditaire” pour lui refuser jusqu’au droit de s’excuser pour les crimes commis sur notre sol (cf. Gauck à Oradour) ou sa présence à la commémoration d’une bataille (cf. Merkel à Verdun), j’ai beaucoup de mal à comprendre comment vous pouvez reprendre à votre compte l’intégralité des positions du PCF. Ainsi il serait indigne de chercher après la bataille la “réunion”, “la carrière de l’action commune”, “la coopération directe et renforcée” (de Gaulle lors du cinquantenaire de Verndun) et tout à fait légitime de soutenir, pendant la bataille, ceux qui sont alors les ennemis de la France et contre lesquels ses soldats se battent? Incompréhensible.
[Pourriez-vous me donner la référence exacte de cette déclaration ?]
https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2015/12/rencontre-staline-thorez__18-11-1947.pdf
Et pour la bonne forme, cette rencontre ce passe en novembre 1947, donc Thorez sait très bien ce que la présence de l’Armée Rouge à Paris aurait impliqué: l’installation d’une dictature communiste. C’est d’ailleurs autour de ce sujet et des reproches que la conversation se noue: Thorez se défend après que les communistes français ont été attaqué pour leur pusillanimité et leur mollesse depuis 1944 par les 9 partis frères: “Le fait que le Parti communiste français n’ait pas pu prendre le pouvoir entre ses mains lors de la Libération de pays en août 1944 s’explique par de nombreuses raisons de caractère international. A cette époque le Parti communiste français tendait tous ses efforts pour contribuer à l’ouverture la plus rapide possible d’un second front, renforcer l’effort de guerre et accélérer la victoire contre l’Allemagne. Le Parti communiste français se trouvait à l’arrière-garde des forces armées américaines et anglaises.” A quoi Staline répond: “Le tableau aurait été tout autre si l’Armée Rouge avait été sur place”, le PCF aurait en effet pu alors “prendre le pouvoir entre ses mains”. Je ne sais pas vous, mais pour moi, “prendre le pouvoir entre ses mains”, ça ne fait pas trop “élections libres”. Quand il y a des élections, on “accède au pouvoir” ; quand on le “prend entre ses mains” (dans les wagons d’une armée étrangère qui plus est), c’est par un coup de force. Quant à mettre sur le même plan la libération du pays par les troupes américaines ou par les troupes soviétiques, c’est une plaisanterie. Quand la France a décidé de quitter l’OTAN, je ne crois pas me souvenir que les USA aient envoyé les chars pour remettre le pays dans le droit chemin. De manière très surprenante, les peuples d’Europe de l’Est qui ont été occupés par l’URSS sont tous devenus farouchement anti-communistes alors que ceux ont été libérés (la France, la Belgique et la Hollande) ou occupés (l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne) par les USA sont restés profondément atlantistes. C’est qu’ils ont du préféré la dictature fasciste des yankee au paradis socialiste…
Ceci dit, pour aller dans votre sens, j’étais tombé par hasard sur cette présentation desdits entretiens Thorez-Staline par S. Courtois dans Libération (http://www.liberation.fr/tribune/1996/07/29/ce-que-maurice-disait-a-joseph_175992) ; et le moins que je puisse dire c’est que sa lecture me paraît plus que tendancieuse et pour tout dire erronée. Cela me permet de mesurer la réalité de l’anticommunisme primaire chez certains anciens gauchistes.
[Mais vous noterez que les « conflits de loyauté » en question se sont toujours réglés en faveur de la France plutôt que de l’URSS. En fait, l’allégeance des communistes allait moins à l’URSS qu’à ce qu’elle représentait.]
Je vous l’accorde ; hormis une période d’errance dans les années 20 et 30 (jusqu’à la stratégie de Front Populaire) et de de tension maximum lors du pacte germano-soviétique, les communistes français se sont efforcés de faire coïncider leurs idéaux communistes et national.
Il n’en reste pas moins que la ligne politique était déterminée, pour l’essentiel, à Moscou et que les ambiguïtés et les revirements du PCF étaient tels (classe contre classe, puis Front Populaire, puis dénonciation de la guerre impérialiste, puis silence ratio et désertion du Secrétaire sur ordre de l’IC, puis parti des fusillés, puis bataille de la production et vice-présidence du Conseil, puis déclenchement des grèves, sabotages et émeutes de 1947) qu’on peut comprendre que nombre d’observateurs et d’acteurs politique se fussent montré méfiants, inquiets et circonspects. A bon droit d’ailleurs en ce qui concerne le respect de la démocratie car il me semble clair qu’en la matière la position du PCF était alors d’un opportunisme radical: soutien à la légalité démocratique quand il été faible ; pour le coup d’Etat si celui-ci avait des chances de réussir.
@ propos des migrants que je qualifie, un peu cruellement je l’admets, de lâches, j’admets tout à fait tes remarques sur ce qui nous parait si évident dans l’organisation d’une société. Moi même descendante d’immigrés, je mesure continuellement la chance que j’ai eue d’avoir été élevée comme éternellement reconnaissante envers la France, et le témoignage globalement négatif de mes parents sur le pays qu’ils ont quitté sans état d’âme (corruption massive, mépris des pauvres, clientélisme, administration pourrie, népotisme, etc).
Le philosophe Bertrand Vergely a souligné la notion de « pitié dangereuse » chez Nietzsche (également titre d’un bouquin de Zweig) : «(La pitié dangereuse) apparaît quand quelqu’un qui est faible, sans courage, sans grandeur, demande au nom de l’humanité que l’on respecte sa faiblesse, en faisant honte à ceux qui ne le font pas. On est alors en présence d’une inversion des valeurs. Le faible devient le trait de l’humanité, alors que le fort devient un trait d’inhumanité. C’est contre cette pitié-là que Nietzsche s’est insurgé, en voyant en elle un poison pour l’humanité ». (dans le livre “Nietzsche ou la passion de la vie”).
La pensée de Nietzche est tellement subtile qu’il est aisé de la caricaturer, mais ne trouves-tu pas que cette notion de pitié dangereuse est ce à quoi on assiste actuellement avec cette affaire de migrants, qui ont ce caractère “faible” et “sans grandeur” que que j’ai critiqué de façon assez dure.
Cette notion de faiblesse se retrouve dans l’incapacité des élites aux manettes de l’Indépendance nationale et leurs descendants de fonder des sociétés stables. Le prestige de l’indépendance se dilue les années passant, et est la seule source de légitimité des pouvoirs en place (comme les militaires en Algérie par ex, dont l’autoritarisme est la seule façon de gouverner). Mais revenir vers nous, les descendants des colons, au nom de cet échec et nous demander de les soulager de cet échec soulève en moi le mépris qu’un Nietzsche aurait sans doute pour eux. Ce n’est pas ma nature de mépriser les gens, mais ce côté vindicatif et revandicatif de certains me refile des boutons. Après j’admets que ce sont les clases bavardantes qui les encouragent à ce mépris de la main qui accueille.
Si au moins, ils admettaient collectivement cet échec, ce poison du mépris qui me gagne s’en irait, car je me sentirais respectée en tant que française.
Dans les politiques de développement, qui aura le courage de proposer une remigration et de conditionner toute aide à une maîtrise de la natalité explosive en Afrique et au Moyen Orient ?
@ odp
[Il me semble que la faucille et le marteau sont spécifiquement russes.]
Non. Ils figurent par exemple sur les armes de la République autrichienne à partir de 1919. En fait, les organisations du mouvement ouvrier ont fait figurer des outils de travail dans leurs emblèmes depuis la fin du XIXème siècle. Le caractère internationaliste du mouvement ouvrier a d’ailleurs fait circuler ces emblèmes assez largement d’un pays à l’autre. Ainsi, la Russie soviétique a adopté le drapeau rouge en usage en Europe occidentale – alors que traditionnellement en Russie le mouvement ouvrier utilisait plutôt le noir – et l’Internationale, qui est un chant français. A l’inverse, l’internationale adopta la faucille et le marteau dans la disposition adoptée par les soviétiques… sauf le PCF qui utilise traditionnellement le symbole avec le marteau pointant vers la droite, alors que les soviétiques l’utilisaient avec le marteau vers la gauche…
[En soutenant les “luttes de libération coloniale”, il me semble qu’on peut légitimement dire que le PCF s’est fait le soutien des adversaires de la France et l’agent de son abaissement.]
C’est très discutable, justement. Cela dépend de l’idée qu’on se fait de « la France ». Car la France n’est pas simplement un territoire qu’il s’agirait d’agrandir le plus possible. Certains vous diront que pour eux la France ne peut être libre aussi longtemps qu’elle opprime un autre peuple. Si on se place de ce point de vue, le PCF peut revendiquer d’avoir libéré la France. J’avoue que sur cette question j’ai aujourd’hui une vue plus nuancée que celle que j’avais il y a vingt ou trente ans. On peut difficilement considérer comme des héros des gens qui ont causé par leur action la mort de soldats français, et en même temps on peut difficilement les considérer comme des traîtres, étant mus d’abord par des considérations patriotiques. La décolonisation fut aussi une guerre civile, et comme disait un maréchal de Napoléon, « en temps troublés la difficulté n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître ».
[Vous mentionnez très fréquemment la “solidarité inconditionnelle” qui devrait caractériser les liens entre membres d’une même Nation. Le moins que l’on puisse dire c’est que le PCF n’ a pas fait preuve de cette solidarité inconditionnelle, non seulement à l’égard des soldats mais également à l’égard des colons.]
Je crois que vous vous méprenez sur ce que suppose la « solidarité inconditionnelle ». La solidarité inconditionnelle implique qu’on agisse en fonction des besoins de ses concitoyens. Mais il s’agit de concitoyens abstraits, et non d’individus concrets. En d’autres termes, si un tremblement de terre détruit Marseille, en tant que français je suis tenu de payer pour satisfaire les besoins des marseillais « abstraits », c’est-à-dire, les besoins « normaux » d’un individu « normal ». Mais si un marseillais vient et me dit « moi je veux qu’on me reloge dans un château », la « solidarité inconditionnelle » ne m’oblige pas à le satisfaire.
[Cela dit, d’une manière générale l’idéologie de la lutte des classes me paraît incompatible avec celle de la solidarité inconditionnelle.]
La solidarité inconditionnelle s’applique à un individu abstrait, en dehors de toute considération de classe. Un concitoyen dont la maison a été emportée par une tornade a droit de ma part à une solidarité lui permettant de se réchauffer, de manger, de reconstruire une vie digne, et cela qu’il soit patron, ouvrier, paysan, rentier. Mais elle n’est pas censée permettre au patron de rester patron, au colon de rester colon, au rentier de préserver sa rente. C’est en ce sens qu’elle est parfaitement compatible avec la lutte des classes : la solidarité se manifeste vis-à-vis des besoins d’un être humain abstrait, elle ne vise pas à maintenir un statut social concret.
[Pour dire les choses autrement, quand je vois l’intransigeance dont vous faite preuve à l’égard de “l’ennemi héréditaire” pour lui refuser jusqu’au droit de s’excuser pour les crimes commis sur notre sol (cf. Gauck à Oradour) ou sa présence à la commémoration d’une bataille (cf. Merkel à Verdun), j’ai beaucoup de mal à comprendre comment vous pouvez reprendre à votre compte l’intégralité des positions du PCF.]
Si je vous ai donné l’impression de reprendre « l’intégralité des positions du PCF », je m’en excuse. C’est loin, très loin d’être le cas. J’étais déjà un hétérodoxe quand j’étais un militant, et je le suis devenu encore plus maintenant que je ne le suis plus !
Par ailleurs, je n’ai jamais « refuse le droit de s’excuser » à qui que ce soit. Ce n’est pas une question de droit, mais de possibilité. Joachim Gauck ne peut tout simplement pas s’excuser pour les crimes commis à Oradour, parce qu’on ne peut s’excuser que de ses propres actions, et à la rigueur, lorsqu’on est un représentant élu, des actions commises par ceux qui vous ont mandaté. Et Joachim Gauck, né en 1940 et représentant des allemands qui dans leur très grande majorité sont nés après cette date, ne peut valablement parler au nom des morts. C’est un peu comme si Hollande s’excusait des « dragonnades ». Adenauer ou Kiesinger auraient pu s’excuser : dans leur bouche, des expressions de contrition auraient eu un sens. Et c’est pourquoi ils ne les ont jamais exprimées. Au contraire : l’un comme l’autre ont laisse en paix les anciens criminels de guerre comme Lammerding couler une douce retraite et mourir dans leur lit entourés de parents aimants. C’est alors que les excuses – et les actes – auraient eu un sens. Maintenant, c’est trop tard.
[« Pourriez-vous me donner la référence exacte de cette déclaration ? » (référence)]
D’abord, je vous invite à relire avec attention l’entrevue. Comme je l’avais anticipé (comme quoi je connais assez bien mon Thorez…), il n’apparaît nulle part dans ce document que Thorez « regrette que l’armée rouge n’ait pu aller jusqu’à Paris ». C’est Staline qui souligne que « Si Churchill avait encore retardé d’un an l’ouverture d’un second front dans le Nord de la France, l’Armée rouge serait allée jusqu’en France. Le Camarade Staline dit que nous avions l’idée d’arriver jusqu’à Paris ». Thorez se contente d’une réponse qui dans ce contexte tient plus de la politesse qu’autre chose « Thorez dit qu’il peut certifier au Camarade Staline
que le peuple français aurait accueilli l’Armée rouge avec enthousiasme ». Je ne vois pas qui se serait trouve « au poteau » pour avoir déclaré que le peuple français aurait accueilli avec enthousiasme les armées de la Libération, de quelque côté qu’elles viennent.
Je reviens aussi sur votre citation de Thorez disant « bien qu’il est français, il se sent l’âme d’un citoyen soviétique ». La citation mérite d’être replacée dans son contexte : « Le Camarade Staline dit que Thorez n’abuse aucunement de son temps et qu’ils n’ont pas l’occasion de se rencontrer si souvent. Thorez dit que les communistes français seront fiers du fait que lui, Thorez, a eu l’honneur de s’entretenir avec le Camarade Staline. Thorez remarque que, bien qu’il est français, il a l’âme d’un citoyen soviétique. Le Camarade Staline dit que nous sommes tous communistes et que cela veut tout dire ». On est donc dans le cadre d’un simple échange de politesses, un peu comme Jackie Kennedy disant à De Gaulle qu’elle était « à moitié française » en se dégotant quelques ancêtres français pour l’occasion.
[Et pour la bonne forme, cette rencontre ce passe en novembre 1947, donc Thorez sait très bien ce que la présence de l’Armée Rouge à Paris aurait impliqué: l’installation d’une dictature communiste.]
Pas forcément. En novembre 1947, la Tchecoslovaquie par exemple reste une république avec un système politique pluraliste. Le gouvernement de coalition est dirigé par un dirigeant communiste – le parti communiste à obtenu 38% des voix – mais les communistes n’occupent que neuf postes ministériels sur vingt sept. C’est la tentative des autres partis d’éliminer les communistes en février 1948 – trois mois après la rencontre entre Thorez et Staline donc – qui met en route la mécanique infernale du « coup de Prague ».
[C’est d’ailleurs autour de ce sujet et des reproches que la conversation se noue: Thorez se défend après que les communistes français ont été attaqué pour leur pusillanimité et leur mollesse depuis 1944 par les 9 partis frères: “Le fait que le Parti communiste français n’ait pas pu prendre le pouvoir entre ses mains lors de la Libération de pays en août 1944 s’explique par de nombreuses raisons de caractère international. A cette époque le Parti communiste français tendait tous ses efforts pour contribuer à l’ouverture la plus rapide possible d’un second front, renforcer l’effort de guerre et accélérer la victoire contre l’Allemagne. Le Parti communiste français se trouvait à l’arrière-garde des forces armées américaines et anglaises.” A quoi Staline répond: “Le tableau aurait été tout autre si l’Armée Rouge avait été sur place”, le PCF aurait en effet pu alors “prendre le pouvoir entre ses mains”. Je ne sais pas vous, mais pour moi, “prendre le pouvoir entre ses mains”, ça ne fait pas trop “élections libres”.]
Vous retenez l’interprétation qui vous arrange, mais elle n’est pas la seule possible. Le 3 juin 1944, De Gaulle a « pris le pouvoir entre ses mains » et constitué le gouvernement provisoire de la République française sans être légitimé par aucune élection que je sache. Il gouvernera ainsi jusqu’au 2 novembre 1945. Si Paris avait été libéré par les troupes soviétiques – ce qui suppose un grand saut de politique fiction, mais enfin, supposons – ce serait peut-être Thorez qui aurait présidé le gouvernement provisoire. Mais rien ne permet de déduire qu’il n’y aurait pas eu « d’élection libres », comme il y en eut en Tchecoslovaquie en mai 1946, alors qu’un « compagnon de route » des communistes dirige le gouvernement et que les troupes soviétiques y sont présentes.
[Quand il y a des élections, on “accède au pouvoir” ; quand on le “prend entre ses mains” (dans les wagons d’une armée étrangère qui plus est), c’est par un coup de force.]
Un peu comme le GPRF en 1944, vous voulez dire ?
[Quant à mettre sur le même plan la libération du pays par les troupes américaines ou par les troupes soviétiques, c’est une plaisanterie. Quand la France a décidé de quitter l’OTAN, je ne crois pas me souvenir que les USA aient envoyé les chars pour remettre le pays dans le droit chemin.]
Soyons sérieux. D’abord, la France n’a jamais « décidé de quitter l’OTAN », elle n’a fait que quitter le commandement intégré de l’Alliance. Ensuite, elle l’a fait en 1966, en pleine détente. L’affaire aurait été très différente si elle avait choisi cette voie en 1949, par exemple. Enfin, des affaires comme celle du Gladio en Italie montrent que les américains n’auraient pas hésité à agir pour renverser tout gouvernement qui aurait mis en danger leurs intérêts stratégiques en Europe.
D’ailleurs, pourquoi croyez-vous que les américains se seraient-ils abstenus d’utiliser les chars pour venir à bout d’une France communiste ? Pour des raisons morales ? Ethiques ? Par respect pour la volonté du peuple français ? Pourquoi pensez-vous qu’ils auraient hésité à faire en France ce qu’ils ont fait au Vietnam, en Indonésie, en Iran ou en Amérique Latine ? Votre remarque me révèle un côté de votre personnalité que je ne connaissais pas. Je vous croyais lecteur assidu de Machiavel, je constate que vous croyez toujours au père Noël…
[De manière très surprenante, les peuples d’Europe de l’Est qui ont été occupés par l’URSS sont tous devenus farouchement anti-communistes alors que ceux ont été libérés (la France, la Belgique et la Hollande) ou occupés (l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne) par les USA sont restés profondément atlantistes.]
Ca n’a rien de « surprenant ». L’argent, vous devriez le savoir, achète toutes les consciences. Où se sont précipités les citoyens de la RDA lors de la chute du mur ? Dans les cinémas, pour voir les films interdits chez eux ? Dans les librairies, pour lire les textes si longtemps cachés ? Non, ils sont allés dans les supermarchés. C’est triste, mais c’est comme ça. L’échec des régimes socialistes à s’attacher les peuples n’est pas un échec démocratique ou social, c’est un échec économique. D’ailleurs, je vous propose un élément intéressant pour votre réflexion : à votre avis, pourquoi la gauche radicale allemande fait-elle ses meilleurs scores dans les länder de l’ancienne RDA ? Est-ce parce que la réunification ne leur a pas offert le bénéfice des droits de l’homme ? Ou parce qu’elle n’a pas tenu ses promesses économiques ?
[C’est qu’ils ont du préféré la dictature fasciste des yankee au paradis socialiste…]
Certainement. Entre le gouvernant moral aux magasins vides, et le dictateur fasciste qui remplit les supermarchés, les gens ont toujours choisi la seconde option. Ne me dites pas que cela vous surprend…
[Cela me permet de mesurer la réalité de l’anticommunisme primaire chez certains anciens gauchistes.]
Dans le genre, Courtois c’est le pompon. J’avoue que je me suis toujours passionné pour les mécanismes mentaux qui ont transformé les anciens gauchistes en suppôts des théories les plus réactionnaires. Il est vrai qu’on ne pardonne jamais à la réalité de ne pas correspondre à nos illusions…
@ Bannette
[Moi même descendante d’immigrés, je mesure continuellement la chance que j’ai eue d’avoir été élevée comme éternellement reconnaissante envers la France, et le témoignage globalement négatif de mes parents sur le pays qu’ils ont quitté sans état d’âme (corruption massive, mépris des pauvres, clientélisme, administration pourrie, népotisme, etc).]
Je crois que nous partageons cette expérience. Je connais peu d’immigrés « assimilés » qui ne soient pas reconnaissants envers leur pays d’accueil et plus patriotes que certains autochtones. C’est cette constatation qui me fait garder confiance quant au pouvoir de l’assimilation…
[La pensée de Nietzche est tellement subtile qu’il est aisé de la caricaturer, mais ne trouves-tu pas que cette notion de pitié dangereuse est ce à quoi on assiste actuellement avec cette affaire de migrants, qui ont ce caractère “faible” et “sans grandeur” que j’ai critiqué de façon assez dure.]
Je ne suis pas un expert de la philosophie nietzschéenne – que son caractère souvent ironique et subtil rend si facile à caricaturer – mais je trouve votre analogie très intéressante. C’est un autre point de vue sur la logique « victimiste » si puissante aujourd’hui. Alors qu’hier la puissance résidait dans ce qu’on était capable de faire, aujourd’hui elle réside en ce qu’on subit, et une nation développée de soixante six millions d’habitants ne peut dégager quelques centaines de clandestins qui violent ouvertement nos lois au prétexte qu’ils ont beaucoup souffert et qu’ils souffrent encore.
[Cette notion de faiblesse se retrouve dans l’incapacité des élites aux manettes de l’Indépendance nationale et leurs descendants de fonder des sociétés stables. Le prestige de l’indépendance se dilue les années passant, et est la seule source de légitimité des pouvoirs en place (comme les militaires en Algérie par ex, dont l’autoritarisme est la seule façon de gouverner).]
Pourtant, cet échec était prévisible. Fonder « société stable » implique des rapports complexes des membres de la société entre eux mais aussi avec leurs institutions, et ces rapports ne se construisent pas en un jour. Ils sont le fruit d’une longue, d’une très longue histoire. Les tiers-mondistes et les militants anticolonialistes ont cru que les révolutions nationalistes qui ont conduit à l’indépendance pouvaient fonder ces rapports sur la simple volonté. Souvent, ils ont fait une lecture erronée de la Révolution française, interprété comme une révolution qui fait « table rase » du passé. Seulement voilà, les institutions issues de la Révolution – et bâties en fait par l’Empire – ont été possibles parce qu’elles s’appuyaient sur la construction progressive de l’Etat entamée sous Louis XI, poursuivie par Louis XIII et Richelieu puis par Louis XIV. Les nationalistes qui prennent le pouvoir après les indépendances n’ont rien de cela : leur histoire ne leur fournit pas une base solide, et les institutions « occidentales » transmises par la colonisation sont souvent méprisées et rejetées… du moins en apparence. Aussi longtemps que sont restés au pouvoir les hommes éduqués et formés « à l’occidentale » (Houphouët-Boigny, Senghor, Bourguiba…), qui connaissaient bien l’histoire de France et qui ont cherché à en importer les institutions, ça a plus ou moins marché. Mais la génération suivante n’avait plus aucun moyen pour reconstituer le consensus hobbésien sur elle.
Rétrospectivement, on ne peut que s’émerveiller de la naïveté des militants de la décolonisation…
[Dans les politiques de développement, qui aura le courage de proposer une remigration et de conditionner toute aide à une maîtrise de la natalité explosive en Afrique et au Moyen Orient ?]
Le problème n’est pas tant de le « proposer », que d’imaginer comment une telle transformation pourrait avoir lieu. La maîtrise de la natalité passe, on le sait, par l’amélioration des conditions économiques et notamment des mécanismes de redistribution. Mais le problème ne réside pas dans la natalité, au contraire : elle donne à des pays qui ne sont pas – sauf exceptions – très peuplés une main d’œuvre abondante. Le problème, c’est mettre cette main d’œuvre au travail avec une productivité raisonnable, et empêcher les pseudo-élites corrompues d’en empocher le produit. Et là… il faut choisir : ou bien les anciens colonisés sont considérés majeurs et vaccinés, et du coup sont responsables de leurs malheurs et c’est à eux de faire leur expérience historique, moyennant quoi nous ne leur devons rien, soit on décide que finalement ils ne peuvent pas se débrouiller tous seuls et qu’il leur faut un « tuteur ». Mais on ne peut pas éternellement naviguer entre ces deux conceptions.
@Descartes,
« Pour quelqu’un qui dit se passionner pour la littérature, je trouve cette formule très paradoxale… »
Vous vous trompez d’intervenant, ce n’est pas moi qui ai dit être une passionnée de littérature !
Je suis passionnée oui par quelques écrivains, qui sortent de l’ordinaire, comme je suis passionnée par tout artiste (peintre, musicien, sculpteur…) ayant une certaine originalité et une dimension hors des limites habituelles ! et que celles-ci soient acceptables ou non, n’est pas un problème pour moi !
Que vous rencontriez au quotidien des fonctionnaires dévoués et consciencieux dans leur travail (on en trouve aussi dans le privé), je n’en doute pas mais bon ça a ses limites, tout fonctionnaire se retranchant derrière l’obligation d’obéir, coûte que coûte !
L’indiscipline n’est pas permise aux fonctionnaires mais j’imagine qu’ils continuent, dans le privé, d’affûter (enfin pour quelques uns d’entre eux), leur esprit critique !
Les moins formatés d’entre eux auront toujours, cette possibilité d’échapper, en toute discrétion, quelque peu à leur statut, mais sans faire de trop grosses vagues !
De petites vaguelettes de temps en temps, histoire de se prouver qu’on est toujours en vie, valent mieux que patauger, pour l’éternité, en eaux beaucoup trop calmes !
Ah, que serait une vie sans une certaine dose de rebellitude ! Je ne parle pas de prises de risques !
Sinon pour poursuivre sur Céline, il y a un bouquin fort bien foutu de Christophe Malavoy, « Céline, même pas mort ! » !
Et d’ailleurs ce dernier a évoqué un projet d’adaptation cinématographique de la trilogie allemande de Céline mais la censure jusqu’ici l’a bloqué dans son élan ! Une BD, « La cavale du Docteur Destouches », fort bien foutue également, est sortie dans le but, espère-t-il, de faire céder les réticents : http://www.futuropolis.fr/fiche_titre.php?id_article=790451
à suivre…
@ âme sensible
[Je suis passionnée oui par quelques écrivains, qui sortent de l’ordinaire, comme je suis passionnée par tout artiste (peintre, musicien, sculpteur…) ayant une certaine originalité et une dimension hors des limites habituelles ! et que celles-ci soient acceptables ou non, n’est pas un problème pour moi !]
Je reprends donc ma phrase : « pour quelqu’un qui dit se passionner pour quelques écrivains », la formule « des actes, on sait ce que valent les paroles » semble un peu paradoxale…
[Que vous rencontriez au quotidien des fonctionnaires dévoués et consciencieux dans leur travail (on en trouve aussi dans le privé),]
Consciencieux, je peux l’admettre. Mais « dévoués » ? Quel sens peut avoir la « dévotion » dans une entreprise privée ? Un fonctionnaire peut sacrifier son salaire, sa vie de famille, sa vie tout court même à l’intérêt général. Cela a un sens. Mais dans le privé, au bénéfice de qui se fait se sacrifice ? Des bénéfices des actionnaires ?
L’Etat n’est pas une entreprise comme les autres, et le service public n’a pas le même objectif que l’entreprise privée. Le service public est là pour servir l’intérêt général, l’entreprise pour servir l’intérêt privé de son propriétaire. Un employé du privé serait idiot s’il se « dévouait » à son entreprise – c’est-à-dire, s’il mettait les intérêts des actionnaires avant les siens propres.
[ça a ses limites, tout fonctionnaire se retranchant derrière l’obligation d’obéir, coûte que coûte !]
Ca veut dire quoi « se retranche ». L’obligation d’obéir – c’est-à-dire, d’appliquer les politiques décidées par les élus du peuple quelque puisse être sa propre opinion – c’est non seulement la grandeur du métier de fonctionnaire, mais c’est sa justification. Sans cette « obéissance », la fonction publique deviendrait un pouvoir, susceptible de faire obstacle aux décisions issues du suffrage universel. Comment un élu, un ministre pourrait faire confiance à ses fonctionnaires pour conduire loyalement ses instructions s’ils n’étaient pas tenus, légalement et moralement, à l’obéissance ?
J’attire aussi votre attention sur le fait que le devoir d’obéissance est bien plus fort dans le privé…
[L’indiscipline n’est pas permise aux fonctionnaires mais j’imagine qu’ils continuent, dans le privé, d’affûter (enfin pour quelques uns d’entre eux), leur esprit critique !]
Je vous rassure : les fonctionnaires ne sont pas des machines, et ils ne « croient » pas nécessairement à ce qu’ils font. Par contre, ils « croient » en leur grande majorité au principe d’une fonction publique neutre, et donc respectueuse de l’autorité issue du peuple souverain.
[Les moins formatés d’entre eux auront toujours, cette possibilité d’échapper, en toute discrétion, quelque peu à leur statut, mais sans faire de trop grosses vagues !]
Je n’ai pas très bien compris le sens de cette remarque. Ca veut dire quoi, « échapper à leur statut » ?
Bonjour Descartes,
Félicitations pour ces échanges au long cours sur les sujets les plus divers. L’énergie que vous mettez dans tout ceci me laisse pantois. Si je puis néanmoins me permettre de mettre mon grain de sel, je trouve que vous en faites des tonnes sur l’antisémitisme de Céline alors qu’il ne me semble pas que ce soit le sujet.
En effet, si j’ai bien compris, le point de départ de vos échanges avec “âme sensible” (tout un programme…) était de savoir s’il fallait mettre Céline entre toutes les mains, et notamment celles d’enfants ou de jeunes adolescents. Or, si je ne m’abuse, les enfants ou jeunes adolescents ne peuvent pas, en se rendant à la FNAC, dans leur librairie de quartier ou à la bibliothèque, se procurer Bagatelle pour un massacre et autres pamphlets antisémites puisqu’ils ne sont plus édités depuis 1945.
Tous ces échanges autour des pamphlets antisémites me paraissent donc manquer leur cible et plutôt obscurcir le débat s’il s’agit de répondre à la question “faut-il mettre Céline entre toutes les mains”. En pratique, pour répondre à cette question, il faut en effet plutôt se demander si Le Voyage au bout de la nuit ou Mort à crédit peuvent être mis entre toutes les mains – ce qui change quand même un peu les choses (ou pas) et évite d’alimenter inutilement la machine à point Godwin.
Par ailleurs, vous jouez avec Céline les vierges effarouchées alors que vous êtes bien plus compréhensif avec tous les staliniens et autres partisans de la terreur de 93 qui ne se sont pas contentés de discours appelant aux meurtres mais l’ont mis en pratique. Pourquoi ce double standard?
@ odp
[Félicitations pour ces échanges au long cours sur les sujets les plus divers. L’énergie que vous mettez dans tout ceci me laisse pantois.]
Ne me félicitez pas. Croyez que j’y prends un grand plaisir, et que ces échanges m’apportent beaucoup. Ils m’obligent à formaliser des idées que j’ai dans la tête, et de le faire sous le regard vigilant d’interlocuteurs qui n’hésiteront pas à pointer les éventuelles contradictions. Dans un contexte où il est difficile de penser collectivement, où il existe peu d’enceintes où l’on peut énoncer des idées qui s’écartent de celles des autres participants sans craindre l’ostracisme, c’est un espace précieux.
[En effet, si j’ai bien compris, le point de départ de vos échanges avec “âme sensible” (tout un programme…) était de savoir s’il fallait mettre Céline entre toutes les mains, et notamment celles d’enfants ou de jeunes adolescents. Or, si je ne m’abuse, les enfants ou jeunes adolescents ne peuvent pas, en se rendant à la FNAC, dans leur librairie de quartier ou à la bibliothèque, se procurer Bagatelle pour un massacre et autres pamphlets antisémites puisqu’ils ne sont plus édités depuis 1945.]
La question discutée est une question hypothétique. Il ne s’agissait pas au départ de savoir si on pouvait ou non mettre Céline entre toutes les mains, mais plus généralement s’il faut ou non laisser les jeunes accéder librement à n’importe quel contenu. Le cas de Céline n’est qu’un exemple parmi d’autres. J’ajoute qu’au départ ma position n’était pas tant de faire de Céline une lecture pour adultes à cause de son antisémitisme, mais plus généralement à cause de son style ordurier. Nous avons effectivement dérivé sur l’antisémitisme de Céline en nous écartant du débat original…
[Tous ces échanges autour des pamphlets antisémites me paraissent donc manquer leur cible et plutôt obscurcir le débat s’il s’agit de répondre à la question “faut-il mettre Céline entre toutes les mains”. En pratique, pour répondre à cette question, il faut en effet plutôt se demander si Le Voyage au bout de la nuit ou Mort à crédit peuvent être mis entre toutes les mains – (…).]
Je ne suis pas d’accord. Même si les éditions des pamphlets antisémites de Céline sont difficiles à trouver, la question hypothétique demeure. D’ailleurs, le fait que les pamphlets en question ne soient pas réédités donne une idée de la réponse choisie par la société, et la réponse est de toute évidence négative. Car si l’on peut mettre Céline entre toutes les mains, on ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas être réédité.
[Par ailleurs, vous jouez avec Céline les vierges effarouchées alors que vous êtes bien plus compréhensif avec tous les staliniens et autres partisans de la terreur de 93 qui ne se sont pas contentés de discours appelant aux meurtres mais l’ont mis en pratique. Pourquoi ce double standard?]
Donnez moi un exemple de texte « stalinien », d’écrit des « terroristes de 1793 » qui soit – mutatis mutandis – antisémite, et j’aurai pour lui la même position que pour Céline. Donnez-moi un auteur de cette période qui appelle à l’extermination des juifs, qui affirme sa volonté de « collaboration » avec l’ennemi, et il recevra de moi exactement le même traitement.
La logique fallacieuse qui prétend mettre au même coin les « staliniens et autres partisans de la terreur de 93 » avec les nazis oublient un élément fondamental : il existe entre les premiers et les seconds une différence subjective qui change la nature du problème. Sans rien retirer à leur étendue, les horreurs staliniennes ou celles de la terreur jacobine ont été dans la tête de leurs auteurs les outils d’un objectif qui reste noble et désirable : une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine. Le nazisme, lui, voulait au contraire une société délirante où aucun d’entre nous ne voudrait vivre. En d’autres termes, chez les « staliniens et autres partisans de la terreur de 93 » on critique les moyens, alors que chez le nazisme on critique aussi les buts.
@ Descartes
[La question discutée est une question hypothétique. Il ne s’agissait pas au départ de savoir si on pouvait ou non mettre Céline entre toutes les mains, mais plus généralement s’il faut ou non laisser les jeunes accéder librement à n’importe quel contenu. Le cas de Céline n’est qu’un exemple parmi d’autres. J’ajoute qu’au départ ma position n’était pas tant de faire de Céline une lecture pour adultes à cause de son antisémitisme, mais plus généralement à cause de son style ordurier. Nous avons effectivement dérivé sur l’antisémitisme de Céline en nous écartant du débat original…]
C’était exactement le sujet de ma remarque: je trouve qu’il y a assez à « discuter » autour du Voyage au bout de la nuit ou de Mort à crédit pour ne pas aller chercher les pamphlets antisémites. Tout comme vous, j’ai des sentiments ambivalents à l’égard de Céline – tant sur le fond que sur la forme – et il ne me paraît en effet pas judicieux de le mettre entre les mains d’enfants ou de jeunes adolescents qui n’y trouveront que du carburant pour alimenter le nihilisme et les tendances autodestructrices si fréquentes à cet âge. Qu’ils lisent plutôt l’Iliade et l’Odyssée, Plutarque, Jules Vernes, Dumas, Hugo… ils auront tout le temps pour goûter aux chefs d’œuvre de « déconstruction » que le 19ème finissant et le 20ème siècle leur ont si gentiment préparés.
P.S: J’ai, comme adolescent, détesté Céline (en fait Le voyage au bout de la nuit) pour son cynisme qui me révoltait; 10 ans plus tard, adulte plus “endurci” et un peu imbu de lui-même, je l’ai trouvé génial (mais n’ai en revanche pas pu lire plus de 50 pages de Mort à crédit) ; 15 ans après, père de famille, je suis beaucoup plus réservé, tant en raison, comme vous l’indiquez, de son style ordurier que je trouve, à la longue, lassant, que du fond, dont la noirceur me fatigue également.
[La logique fallacieuse qui prétend mettre au même coin les « staliniens et autres partisans de la terreur de 93 » avec les nazis oublient un élément fondamental : il existe entre les premiers et les seconds une différence subjective qui change la nature du problème. Sans rien retirer à leur étendue, les horreurs staliniennes ou celles de la terreur jacobine ont été dans la tête de leurs auteurs les outils d’un objectif qui reste noble et désirable : une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine. Le nazisme, lui, voulait au contraire une société délirante où aucun d’entre nous ne voudrait vivre. En d’autres termes, chez les « staliniens et autres partisans de la terreur de 93 » on critique les moyens, alors que chez le nazisme on critique aussi les buts.]
Je connais vos positions sur l’équivalence (ou non) entre les crimes nazis et communistes. J’entends vos arguments et les partage partiellement, même si la bonne conscience, si fréquente à gauche et que ce genre de discours alimente très largement, pose un sérieux problème : vous insistez fréquemment sur la nécessité de juger les résultats plutôt les intentions, cela devrait s’appliquer également dans ce cas. Par ailleurs, si les penseurs socialistes du 19ème siècle (Fourier, Marx, Proudhon, Saint-Simon etc…) poursuivaient en effet un objectif « noble et désirable », on peut légitiment se demander si, chez nombre de leurs émules du 20ème siècle (au Cambodge par exemple, ou en Corée du Nord, voire dans la Chine de Mao, voire même dans la Russie bolchevique – cf. infra), celui-ci a jamais existé. Enfin, chez certaines sectes gauchistes (les trotskistes et les maoïstes par exemple), ledit objectif “noble et désirable” ne semble être qu’un leurre pour duper les foules. Vous me permettrez donc de rester assez circonspect sur l’opportunité de ranger les crimes du « communisme réel » au rang des accidents, des conséquences inattendues ou encore des externalités négatives (pendant qu’on y est !) de cet objectif « noble et désirable ». Comme mouvement politique « pas d’bol », le communisme réel ne me paraît pas très crédible.
PS : je lisais hier soir un livre sur les idées politiques en Europe au 20ème siècle quand je suis tombé sur cette citation de Trotsky : « En ce qui nous concerne, nous [les bolcheviques] ne nous sommes jamais occupé des bavardages des pasteurs kautskistes et des quakers végétariens sur le « caractère sacré » de la vie humaine. Nous avons toujours été des révolutionnaires et le sommes restés au pouvoir. Pour rendre la personne sacrée, il faut détruire le régime qui l’écrase. Et cette phase ne peut être accomplie que par le fer et par le sang ». Vous pourrez me dire ce que vous voudrez, mais il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre ce type de discours et la rhétorique nazie : la même ironie cinglante, la même brutalité, les mêmes mots… Glaçant. Et ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres.
***
Cependant, dans le cas qui nous occupe, mon objectif n’était à vrai dire pas de rejouer la querelle des totalitarismes, car je ne m’attendais pas à ce que vous fassiez de Céline un nazi patenté. Celui-ci était en effet pour moi au mieux un représentant de l’antisémitisme politique type Action Française (lequel n’a, selon moi, rien à voir avec le nazisme mais beaucoup plus avec une lecture intransigeante puis délirante de la fameuse phrase de Clermont-Tonnerre : « donnons tout aux juifs comme individus, rien comme Nation ») et au pire un tenant des thèses des Protocoles des Sages de Sion ; mais un nazi, franchement pas.
D’où ma surprise initiale. Il est vrai que je n’avais pas lu les pamphlets : Mort à crédit m’avait déjà rebuté, je ne m’étais donc épargné ce pensum et me trouvais ainsi à court d’arguments. Je m’y suis donc collé: « Bagatelle pour un massacre » et « Les beaux draps » pendant le week-end (en diagonale tout de même, faut pas exagérer: http://pourlhistoire.com/docu/bagatelles.pdf ; http://pourlhistoire.com/docu/les%20beaux%20draps.pdf). Le moins que je puisse dire, c’est que je ne le regrette pas car cela a profondément modifié ma vision du personnage.
Je le percevais en effet, comme un demi fou lancé dans une fuite en avant toujours plus provocatrice, obscène et nihiliste (c’était également l’opinion de Gide à l’époque). Or, après lecture, il me semble devoir prendre ces pamphlets beaucoup plus au sérieux que je ne l’avais fait précédemment car la vision du monde qui s’y exprime (surtout dans « Les beaux draps », cf. infra) est en définitive cohérente, structurée, fondée d’une part sur la haine de la modernité (ou du libéralisme c’est la même chose) et d’autre part sur le racisme biologique.
La haine de la modernité (ou du libéralisme c’est la même chose) est, vous en conviendrez, un péché véniel ; car qui n’a pas, parmi les gens sérieux, la modernité (ou le libéralisme) en horreur ? Le racisme biologique, qui plus est poussé à ce point, c’est en revanche plus sérieux. Cela fait-il de Céline un nazi ? La question mérite d’être posée mais, après réflexion, je ne le pense pas.
Tout d’abord, il n’a jamais été membre du parti nazi ni d’aucuns de ses satellites. Je me souviens qu’un jour vous avez dit à l’un de vos contradicteurs qui voulait faire de Régis Debray un communiste qu’on reconnaissait un communiste par son appartenance au Parti et par conséquent que pas de carte, pas de communiste. Il me semble que cela pourrait faire jurisprudence pour les nazis, même si la logique du soupçon et la paranoïa, pour le coup commune à l’extrême gauche et l’extrême droite, pousse à voir le mal partout.
Plus généralement d’ailleurs, Céline n’a été jamais membre d’aucun parti ni occupé de quelconques fonctions officielles, « performatives » si j’ose dire. C’est un d’abord et avant tout un littérateur qui ne saurait donc être comparé à un idéologue type Rosenberg, à un propagandiste type Goebbels, ni même à un “intellectuel engagé” dans la veine des Brasillach, Rebatet ou Drieu. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir l’un des pamphlets pour réaliser que ce n’est pas avec ce genre de « matériel » que l’on peut réellement « toucher les masses » et les faire marcher au pas de l’oie – ce qui valut d’ailleurs à leur auteur d’être complètement ignoré par la propagande allemande qui le jugeait “obscène” et “hystérique”. Préférer la littérature à l’action, voilà qui ne caractérise pas vraiment l’éthos nazi (ni même fasciste), vous en conviendrez. Comparez « Bagatelle pour un massacre » et « Mein Kampf » ; la différence saute aux yeux et se passe, selon moi, de commentaires.
Mais abordons donc maintenant le cœur du sujet : les appels à collaboration avec l’ennemi et à l’extermination des juifs que vous avez trouvé dans « Bagatelle pour un massacre ».
Pour ce qui est de la collaboration avec l’ennemi, le livre ayant été écrit avant la guerre, je ne vois pas trop comment on pourrait faire à son auteur un procès en Collaboration : l’ennemi n’était, en quelque sorte, pas encore arrivé. Argument retoqué donc. Quant à l’appel à l’extermination des juifs, je n’y ai rien lu de tel ; mais, ma lecture ayant été assez rapide, il est possible que, dans ce torrent, j’ai manqué quelque chose. Cependant, là aussi, la date d’écriture incite à la prudence : appeler à l’extermination des juifs sous Léon Blum (sous réserve que ce fut vraiment le cas : j’attends votre citation), ce n’est pas tout à fait la même chose que le faire sous l’Occupation.
Or, si l’on se réfère aux « Beaux draps », le seul des pamphlets qui fut publié pendant la guerre (écrit en 1940 et publié en 1941) et qui par conséquent puisse être réellement utilisé à charge, qui lit-on : de l’antisémitisme « de routine » si j’ose dire : dénonciation et détestation des juifs encore trop influents malgré la victoire allemande, toujours accapareurs, fainéant pervers et ainsi de suite ; et puis, page 48 :
« C’est pas mon genre l’hallali, j’ai pas beaucoup l’habitude d’agresser les faibles, les déchus, quand je veux me faire les poignes sur le Blum je le prends en pleine force, en plein triomphe populaire, de même pour les autres et Mandel. J’attends pas qu’ils soyent en prison. Je fais pas ça confidentiellement dans un petit journal asthmatique. Je me perds pas dans les faux-fuyants, les paraboles allusives. C’est comme pour devenir pro-allemand, j’attends pas que la Commandatur pavoise au Crillon. Demain si le Daladier revenait (c’est pas impossible croyez-le) je vous affirme que je le rengueulerais et pas pour de rire. D’abord y a un compte entre nous, c’est lui qui m’a fait condamner… Pour le moment il est tabou, il est par terre, ça va, j’attends… Y a un temps pour tout que je dis… J’aime pas les salopes. C’est sous Dreyfus, Lecache, Kéril, qu’il fallait hurler « vive l’Allemagne » ! À présent c’est de la table d’hôte… ».
Le moins que l’on puisse dire c’est que cela ne ressemble pas à un appel à l’extermination des juifs, ni même à la Collaboration (le titre, « Les beaux draps », est d’ailleurs assez loin de la « divine surprise »).
Ensuite, si l’on poursuit la lecture, on voit un « programme politique » en bonne et due forme (ce à quoi je ne m’attendais pas mais qui pour le coup engage l’auteur), celui de l’instauration du « communisme Labiche » (no comment !) qui ressemble fort à celui que défendit le PCF après-guerre. Je cite: « Faut pas du grand communisme, ils comprendraient rien, il faut du communisme Labiche, du communisme petit bourgeois, avec le pavillon permis, héréditaire et bien de famille, insaisissable dans tous les cas, et le jardin de cinq cents mètres, et l’assurance contre tout. Tout le monde petit propriétaire » ; et où il propose, entre autres, l’égalité des revenus, la nationalisation des banques, des mines, des chemins de fer, des assurances, de l’Industrie et des grands magasins, l’abolition de la rente, les 35 heures et la rénovation de l’école.
Sur les juifs en tant que tels, dans ce programme, peu de choses. Du racisme, oui: « Racisme c’est famille, famille c’est égalité, c’est tous pour un et un pour tous. C’est les petits gnières qu’ont pas de dents que les autres font manger la soupe. Au sort commun pas de bâtard, pas de réprouvés, pas de puants, dans la même nation, la même race, pas de gâtés non plus, de petits maîtres. Plus d’exploitation de l’homme par l’homme. Plus de damnés de la terre. C’est fini. Plus de fainéants, plus de maquereaux non plus, plus de caïds, plus d’hommes à deux, trois estomacs ». Mais sur les juifs rien, de très concret, si ce n’est si ce n’est, qu’il faudra « les virer», « les renvoyer en Palestine, au Diable, dans la Lune ». Pas très sérieux, vous en conviendrez. Pas vraiment nazi.
***
J’ai bien conscience d’avoir été un peu long, confus, voire même de m’être laissé un peu dépasser par le sujet (il faut dire que par sa complexité il s’y prête) mais il me semble que l’on peut avancer sans trop se tromper :
a) que « Les beaux draps » est à la fois le seul des pamphlets écrit sous l’Occupation et le moins antisémite des trois, ce qui n’est pas anodin ;
b) que c’est également le seul où Céline passe de l’incantation à la proposition, ce qui en renforce encore l’importance si l’on veut étudier les idées politiques de l’auteur ;
c) que Céline y exprime un antisémitisme virulent et un racisme décomplexé, mais qu’on y trouve nulle part la férocité et la haine pure de « Bagatelle pour un massacre » ;
d) que le cœur du programme politique qui y est décrit est « l’Egalité » (le « communisme Labiche »); la « question juive » y apparaissant assez périphérique.
En conclusion, s’il fallait absolument choisir une étiquette politique pour Céline, je pense en effet que celle de nazi serait la plus adaptée du fait de la centralité du racisme dans sa vision du monde ; mais que cette étiquette serait selon moi infiniment réductrice, voire paresseuse, pour le personnage.
Cela dit, pour revenir à mon propos initial, vous me dites que si je trouve chez les Staliniens des appel à l’extermination des Juifs, vous les condamnerez avec autant que vigueur, je vous répondrai qu’il n’y a pas pour moi tant de différence entre le fait de vouloir « liquider les juifs » et celui de vouloir « liquider les koulaks ou les bourgeois », appels que l’on trouve à foison chez les bolcheviques, y compris en période de paix.
@ odp
[J’entends vos arguments et les partage partiellement, même si la bonne conscience, si fréquente à gauche et que ce genre de discours alimente très largement, pose un sérieux problème : vous insistez fréquemment sur la nécessité de juger les résultats plutôt les intentions, cela devrait s’appliquer également dans ce cas.]
Bien sur. Mais ici vous ne proposez pas de « juger les résultats » du stalinisme, mais de juger le stalinisme lui-même. Et lorsqu’on juge une idéologie – ou les gens qui l’ont portée – la question des intentions n’est pas neutre. S’il est vrai que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions, il ne reste pas moins qu’il existe une différence entre celui pour qui le massacre est un but en soi et celui pour qui ce n’est qu’un instrument dans un contexte bien particulier.
[Par ailleurs, si les penseurs socialistes du 19ème siècle (Fourier, Marx, Proudhon, Saint-Simon etc…) poursuivaient en effet un objectif « noble et désirable », on peut légitiment se demander si, chez nombre de leurs émules du 20ème siècle (au Cambodge par exemple, ou en Corée du Nord, voire dans la Chine de Mao, voire même dans la Russie bolchevique – cf. infra), celui-ci a jamais existé.]
La question est légitime. Mais elle l’est pour toute idéologie un tant soi peu consistante. Le christianisme a aussi produit ses illuminés, ses inquisiteurs, ses chasseurs de sorcières sous prétexte de diffuser une théologie d’amour et de charité. Le courant libéral ou socialiste ne sont pas, eux non plus, exempts de ces dérives.
[Enfin, chez certaines sectes gauchistes (les trotskistes et les maoïstes par exemple), ledit objectif “noble et désirable” ne semble être qu’un leurre pour duper les foules. Vous me permettrez donc de rester assez circonspect sur l’opportunité de ranger les crimes du « communisme réel » au rang des accidents, des conséquences inattendues ou encore des externalités négatives (pendant qu’on y est !) de cet objectif « noble et désirable ».]
Ce n’est pas mon objectif. Vous l’aurez remarqué, mes péchés sont plutôt du côté de l’historicisme. Faut-il parler de « crimes du communisme réel », comme on parlerait de « crimes de la colonisation », « crimes du christianisme » ou « crimes du néo-libéralisme » ? Je ne le crois pas. La notion de « crime » implique non seulement un droit pénal sous-jacent, mais surtout un auteur qui ne peut être qu’une personne, à la rigueur une institution, mais pas une idéologie. Un processus, une idéologie ne peuvent pas commettre des « crimes ». Il y a les « crimes des nazis », mais pas de « crimes du nazisme ».
Pour échapper à la tentation moralisante, il faut s’en tenir aux faits sans chercher à les qualifier. Alors « exécutions », « déportations », oui. « Crimes », non.
[PS : je lisais hier soir un livre sur les idées politiques en Europe au 20ème siècle quand je suis tombé sur cette citation de Trotsky : « En ce qui nous concerne, nous [les bolcheviques] ne nous sommes jamais occupé des bavardages des pasteurs kautskistes et des quakers végétariens sur le « caractère sacré » de la vie humaine. Nous avons toujours été des révolutionnaires et le sommes restés au pouvoir. Pour rendre la personne sacrée, il faut détruire le régime qui l’écrase. Et cette phase ne peut être accomplie que par le fer et par le sang ». Vous pourrez me dire ce que vous voudrez, mais il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre ce type de discours et la rhétorique nazie : la même ironie cinglante, la même brutalité, les mêmes mots… Glaçant. Et ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres.]
Oui, mais c’est là le langage éternel de la Realpolitik, celui de « la fin justifie les moyens ». Le langage a bien entendu changé un peu depuis les années trente, mais vous retrouverez le même sens dans le discours sur les « dommages collatéraux » de l’administration Bush. Cependant, il y a bien plus qu’une « feuille de papier » entre le discours de Trotsky que vous citez plus haut et le discours nazi. Pour Trotsky, la violence est une regrettable nécessité. Chez les nazis, une nécessité tout court. Il y a une joie dans la violence nazie qu’on ne retrouve que très rarement dans le mouvement ouvrier d’inspiration marxiste.
Le « caractère sacré » de la vie humaine fait partie des « fictions nécessaires » dans une société démocratique. Mais c’est une fiction, et aucune classe sociale n’a véritablement mis en œuvre ce principe lorsque ses intérêts fondamentaux ont été menacés. Les libéraux et les socio-démocrates allemands ont noyé dans le sang la « république des conseils » spartakiste sans le moindre scrupule. Pourquoi les révolutionnaires devraient se résigner à ne pas utiliser les armes que leurs adversaires utilisent ? Trotsky a raison d’ironiser sur l’angélisme de Kautsky.
[La haine de la modernité (ou du libéralisme c’est la même chose) est, vous en conviendrez, un péché véniel ;]
Non, je n’en conviendrais pas, parce que je ne fais pas la confusion entre la modernité et le libéralisme. On peut haïr l’un sans haïr l’autre…
[car qui n’a pas, parmi les gens sérieux, la modernité (ou le libéralisme) en horreur ? Le racisme biologique, qui plus est poussé à ce point, c’est en revanche plus sérieux. Cela fait-il de Céline un nazi ? La question mérite d’être posée mais, après réflexion, je ne le pense pas.]
Je n’ai jamais dit que Céline ait été un nazi. Il lui manque pour cela la vision organique de la société, d’une dimension collective qui est totalement absente chez Céline. Si je devais rattacher Céline à un courant idéologique, je le rapprocherais plutôt de l’anarchisme de droite que du nazisme.
[Plus généralement d’ailleurs, Céline n’a été jamais membre d’aucun parti ni occupé de quelconques fonctions officielles, « performatives » si j’ose dire. C’est un d’abord et avant tout un littérateur qui ne saurait donc être comparé à un idéologue type Rosenberg, à un propagandiste type Goebbels, ni même à un “intellectuel engagé” dans la veine des Brasillach, Rebatet ou Drieu.]
Il n’a pas eu la constance militante d’un Brasillach, d’un Rebatet, d’un Drieu. Mais les lettres qu’il adresse à différentes publications – avec l’intention qu’elles soient publiées – et plus encore ses pamphlets montrent qu’il n’était pas indifférent à la diffusion de ses idées, et qu’il comptait exercer une certaine influence sur ses contemporains. S’il n’a jamais occupé une quelconque fonction d’autorité – et on le voit mal d’ailleurs dans ce rôle – il s’est tout de même placé dans la logique d’influence qui est celle de l’intellectuel français depuis l’affaire Dreyfus.
[Il suffit d’ailleurs d’ouvrir l’un des pamphlets pour réaliser que ce n’est pas avec ce genre de « matériel » que l’on peut réellement « toucher les masses » et les faire marcher au pas de l’oie – ce qui valut d’ailleurs à leur auteur d’être complètement ignoré par la propagande allemande qui le jugeait “obscène” et “hystérique”.]
Il était peut-être un mauvais propagandiste, mais son intention était clairement d’exercer une influence. Je ne crois pas que « Les beaux draps » ou « Bagatelles… » ait été écrit dans une pure recherche de plaisir esthétique.
[Mais abordons donc maintenant le cœur du sujet : les appels à collaboration avec l’ennemi et à l’extermination des juifs que vous avez trouvé dans « Bagatelle pour un massacre ». Pour ce qui est de la collaboration avec l’ennemi, le livre ayant été écrit avant la guerre, je ne vois pas trop comment on pourrait faire à son auteur un procès en Collaboration : l’ennemi n’était, en quelque sorte, pas encore arrivé. Argument retoqué donc.]
Vous « retoquez » un peu vite : Je n’ai pas parlé d’appels à la collaboration dans « Bagatelle… ». J’ai fait référence à ses lettres et surtout à l’entretien publié dans « L’Emancipation Nationale » le 21 novembre 1941, à l’occasion de l’invasion par l’Allemagne nazie de l’URSS, dans lequel il déclare : « Pour devenir collaborationniste, j’ai pas attendu que la Kommandantur pavoise au Crillon… On n’y pense pas assez à cette protection de la race blanche. C’est maintenant qu’il faut agir, parce que demain il sera trop tard. […] Doriot s’est comporté comme il l’a toujours fait. C’est un homme… il faut travailler, militer avec Doriot. […] Cette légion (la L.V.F.) si calomniée, si critiquée, c’est la preuve de la vie. […] Moi, je vous le dis, la Légion, c’est très bien, c’est tout ce qu’il y a de bien ». A l’époque ou Céline a fait ce commentaire, il ne pouvait ignorer les réalités de l’occupation.
[Quant à l’appel à l’extermination des juifs, je n’y ai rien lu de tel ; mais, ma lecture ayant été assez rapide, il est possible que, dans ce torrent, j’ai manqué quelque chose. Cependant, là aussi, la date d’écriture incite à la prudence : appeler à l’extermination des juifs sous Léon Blum (sous réserve que ce fut vraiment le cas : j’attends votre citation), ce n’est pas tout à fait la même chose que le faire sous l’Occupation.]
J’attire votre attention sur le fait que si « l’Ecole des Cadavres » a été retiré de la vente par son auteur en 1939 – le livre aurait pu tomber sous le coup de la loi Marchandeau – il a été réédité avec l’accord de Céline en 1941 puis encore en 1942. Voici un petit extrait : « Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des juifs, par guerres, hybridations burlesques, négrifications mortelles. Le problème racial domine, efface et oblitère tous les autres. ». Peu importe que le texte soit antérieur à la guerre. Rien n’obligeait Céline à le republier. Mais on retrouve des invitations au massacre aussi dans « les beaux draps », publié lui en pleine occupation : « Volatiliser sa juiverie serait l’affaire d’une semaine pour une nation bien décidée ».
[Ensuite, si l’on poursuit la lecture, on voit un « programme politique » en bonne et due forme (ce à quoi je ne m’attendais pas mais qui pour le coup engage l’auteur), celui de l’instauration du « communisme Labiche » (no comment !) qui ressemble fort à celui que défendit le PCF après-guerre.]
Faudrait quand même ne pas exagérer dans la mauvaise foi. Suggérer que parce que Céline demande une « rénovation de l’école » il serait sur la même ligne que le PCF de l’après guerre est absurde. Bien sur, le PCF demandait aussi une rénovation de l’école, mais je doute que la rénovation telle que le PCF la concevait ait satisfait Céline, et vice-versa. Par ailleurs, je ne connais aucun élément qui permette de dire que le PCF de l’après guerre ait eu comme idéal ce « tous petits propriétaires » que vous citez, et encore moins qu’il ait proposé « la nationalisation des grands magasins »…
[Sur les juifs en tant que tels, dans ce programme, peu de choses.]
Dans la mesure où ils auront été exterminés au préalable, cela se comprend…
[a) que « Les beaux draps » est à la fois le seul des pamphlets écrit sous l’Occupation et le moins antisémite des trois, ce qui n’est pas anodin ;]
Je ne sais pas peser l’antisémitisme au trébuchet. Mais a supposer même que le fait soit significatif, on peut l’interpréter de diverses façons. On peut y voir une réaction salutaire de Céline devant la politique d’extermination nazie, mais on peut aussi penser que la « solution finale » avait rendu la question moins problématique pour lui…
[c) que Céline y exprime un antisémitisme virulent et un racisme décomplexé, mais qu’on y trouve nulle part la férocité et la haine pure de « Bagatelle pour un massacre » ;]
Comme je vous l’ai dit plus haut, on ne peut se fier uniquement aux dates de publication. Céline, qui refuse la diffusion de « Bagatelles… » en 1939, autorise la réédition en 1941 et une nouvelle fois en 1942. Ce paramètre est lui aussi « significatif ».
[d) que le cœur du programme politique qui y est décrit est « l’Egalité » (le « communisme Labiche »); la « question juive » y apparaissant assez périphérique.]
Oui, mais « l’égalité » de ceux qui restent – les juifs ayant été exterminés pendant l’occupation, ils ne sont plus un problème…
[En conclusion, s’il fallait absolument choisir une étiquette politique pour Céline, je pense en effet que celle de nazi serait la plus adaptée du fait de la centralité du racisme dans sa vision du monde ; mais que cette étiquette serait selon moi infiniment réductrice, voire paresseuse, pour le personnage.]
Si je devais rattacher Céline à un courant politique, ce serait plutôt à l’anarchisme de droite qu’au nazisme. Même s’il partage une vision raciste qui rappelle le nazisme, il lui manque la conception organiciste de la société, son élément hiérarchique.
[Cela dit, pour revenir à mon propos initial, vous me dites que si je trouve chez les Staliniens des appel à l’extermination des Juifs, vous les condamnerez avec autant que vigueur, je vous répondrai qu’il n’y a pas pour moi tant de différence entre le fait de vouloir « liquider les juifs » et celui de vouloir « liquider les koulaks ou les bourgeois », appels que l’on trouve à foison chez les bolcheviques, y compris en période de paix.]
Il y a là un « essentialisme » qui distingue nettement les idéologies racistes du marxisme. Pour ce dernier, on est « bourgeois » lorsqu’on possède du capital et qu’on achète la force du travail, et on cesse de l’être lorsqu’on n’est plus dans cette situation. Etre « bourgeois » n’est pas une essence qu’on hérite de père en fils. Je vous accorde que certains héritiers du marxisme – et notamment les maoïstes – ont eu tendance à « essentialiser » les classes sociales dans une logique « classiste » qui rappelle le racisme, mais ce n’est pas le cas de tous, et tout particulièrement de staliniens.
@ Descartes
Quelques points de détails, juste pour la bonne forme.
[Je n’ai jamais dit que Céline ait été un nazi. Il lui manque pour cela la vision organique de la société, d’une dimension collective qui est totalement absente chez Céline. Si je devais rattacher Céline à un courant idéologique, je le rapprocherais plutôt de l’anarchisme de droite que du nazisme.]
Franchement, quand vous dites:
“Donnez-moi un auteur de cette période qui appelle à l’extermination des juifs, qui affirme sa volonté de « collaboration » avec l’ennemi, et il recevra de moi exactement le même traitement. La logique fallacieuse qui prétend mettre au même coin les « staliniens et autres partisans de la terreur de 93 » avec les nazis oublient un élément fondamental : il existe entre les premiers et les seconds une différence subjective qui change la nature du problème.”
il me semble que j’ai toute légitimité à penser que vous faites de Céline un nazi.
Ceci m’a surpris, comme je l’ai dit; mais, comme je prends tout ce que vous dites au sérieux, j’ai essayé de traiter le sujet. Cela dit, je vois qu’en définitive nous sommes d’accord: Céline ne peut être réellement assimilé à un nazi; même si, parce qu’il fait de la lutte de races le moteur de l’histoire, il me semble qu’il s’en situe à la périphérie immédiate – bien plus qu’un Mussolini par exemple.
Je n’ai pas abordé le sujet de l’absence de vision collective chez Céline (en raison, notamment, du dégoût dont il fait preuve pour l’espèce humaine en général) – qui est en effet un argument puissant pour le différencier du nazisme, parce qu’il m’a semblé que dans Les beaux draps, il s’écartait de sa posture traditionnelle pour se lancer dans une véritable tentative “politique”, avec tout ce que cela comporte de réflexion sur le collectif. C’est sous cet angle, très nouveau pour moi puisque je n’avais pas lu les pamphlets, que j’ai essayé de répondre à votre adresse qui, telle que je l’avais comprise en tout cas faisait de Céline un nazi.
[Ce n’est pas mon objectif. Vous l’aurez remarqué, mes péchés sont plutôt du côté de l’historicisme. Faut-il parler de « crimes du communisme réel », comme on parlerait de « crimes de la colonisation », « crimes du christianisme » ou « crimes du néo-libéralisme » ? Je ne le crois pas. La notion de « crime » implique non seulement un droit pénal sous-jacent, mais surtout un auteur qui ne peut être qu’une personne, à la rigueur une institution, mais pas une idéologie. Un processus, une idéologie ne peuvent pas commettre des « crimes ». Il y a les « crimes des nazis », mais pas de « crimes du nazisme ».]
Vaste sujet – un peu vertigineux à l’aune des millions de victimes considérées. Certaines idéologies sont-elles “criminelles” par essence ou simplement en fonction des circonstances? Le nazisme n’est-il pas criminel par essence? D’après ce que vous dites plus loin dans la conversation (“Pour Trotsky, la violence est une nécessité regrettable. Chez les nazis, une nécessité tout court”), on a pourtant l’impression que c’est ce que vous pensez (opinion qu’il est difficile de ne pas la partager). Par ailleurs, quand vous dites “je ne sais pas peser l’antisémitisme au trébuchet”, n’est-ce pas une forme d’essentialisation et de criminalisation de l’antisémitisme? C’était d’ailleurs le sens de ma remarque initiale: il me semblait que vous faisiez de l’antisémitisme une idéologie criminelle par essence (quelle qu’en soit la forme, “politique” ou “raciste”) alors que vous réserviez au communisme les bénéfices de l’historicisme.
Cela dit, pour en revenir à noter sujet initial, j’ai parlé des crimes du “communisme réel” et ai cité des cas historiques précis (Cambodge, Corée du Nord, Chine de la Révolution Culturelle) pour justement faire la distinction entre la théorie et la pratique mais également pour reconnaître que, même si la très grande majorité des expériences communistes se sont traduites par des massacres de masse, ce n’est pas le cas de toutes (je pense à Cuba par exemple).
[Oui, mais c’est là le langage éternel de la Realpolitik, celui de « la fin justifie les moyens ». Le langage a bien entendu changé un peu depuis les années trente, mais vous retrouverez le même sens dans le discours sur les « dommages collatéraux » de l’administration Bush. Cependant, il y a bien plus qu’une « feuille de papier » entre le discours de Trotsky que vous citez plus haut et le discours nazi. Pour Trotsky, la violence est une regrettable nécessité. Chez les nazis, une nécessité tout court. Il y a une joie dans la violence nazie qu’on ne retrouve que très rarement dans le mouvement ouvrier d’inspiration marxiste. Pour Trotsky, la violence est une regrettable nécessité. Chez les nazis, une nécessité tout court. Il y a une joie dans la violence nazie qu’on ne retrouve que très rarement dans le mouvement ouvrier d’inspiration marxiste.]
Je ne suis pas naïf au point de ne comprendre les nécessités de la Real Politik. Cependant, en l’espèce, manier une ironie aussi mordante ne montre pas vraiment que pour Trotsky la violence soit une “regrettable nécessité”. Au contraire, il semble en tirer un plaisir certain. Par ailleurs, quand il dit “Nous avons toujours été des révolutionnaires et le sommes restés au pouvoir. Pour rendre la personne sacrée, il faut détruire le régime qui l’écrase. Et cette phase ne peut être accomplie que par le fer et par le sang”, il me semble que cette violence ne constitue pas une “réponse” mais au contraire un “préalable” qu’elle constitue bien l’essence de leur lutte politique et non le fruit des circonstances.
[Non, je n’en conviendrais pas, parce que je ne fais pas la confusion entre la modernité et le libéralisme. On peut haïr l’un sans haïr l’autre…]
Je faisais évidemment un petit peu de provocation mais il me semble que le libéralisme a bien été l’agent historique de la modernité. Les anti-modernes l’ont bien compris, qui sont tous anti-lbéraux. Par ailleurs, comme dans votre dernier papier vous avez fustigé “cette détestable société postmoderne dans laquelle il nous est donné de vivre”, il me semble légitime de vous classer parmi les anti-modernes.
[Faudrait quand même ne pas exagérer dans la mauvaise foi. Suggérer que parce que Céline demande une « rénovation de l’école » il serait sur la même ligne que le PCF de l’après guerre est absurde. Bien sur, le PCF demandait aussi une rénovation de l’école, mais je doute que la rénovation telle que le PCF la concevait ait satisfait Céline, et vice-versa. Par ailleurs, je ne connais aucun élément qui permette de dire que le PCF de l’après guerre ait eu comme idéal ce « tous petits propriétaires » que vous citez, et encore moins qu’il ait proposé « la nationalisation des grands magasins »…]
Ne prenez pas tout au pied de la lettre. S’il m’arrive parfois de faire un petit peu de provocation (cf. supra), ce n’était là pas le cas. Comme vous le savez, je suis fasciné par les convergences qui existent si souvent entre les anti-libéraux de droite et les anti-libéraux de gauche; et le cas du “communisme Labiche” de Céline fondé sur l’égalité de revenu et de patrimoine et la réduction du temps de travail en est une illustration supplémentaire. Alors bien sûr que le “programme politique” de Céline comporte de nombreuses et profondes différences avec celui du PCF d’après guerre; il n’empêche, les convergences n’en restent pas moins fascinantes. Je tenais simplement à vous en faire part.
Sinon, pour ce qui est de l’idéal de petit propriétaire qui aurait été celui du PCF, vous êtes ma source, notamment quand vous avez fait remarqué dans l’un de vos commentaires que le programme du PCF d’après guerre n’avait jamais compris la nationalisation de la petite propriété agricole. On est, dans l’esprit, pas loin de l’idée de Céline: un communisme “à la française”, c’est à dire qui respecte la petite propriété privée, notamment agricole, mais socialise la plus grande.
@odp
[il me semble que j’ai toute légitimité à penser que vous faites de Céline un nazi.]
En tout cas, cela rend votre erreur plus compréhensible. Non, dans le paragraphe que vous citez je ne fais pas de Céline un nazi. Je me contente de commenter cette manie qu’ont certains de vouloir à tout prix chercher des ressemblances entre les révolutionnaires de 1917 ou ceux de 1789 et les nazis. Manie qui, à mon avis, a les mêmes ressorts que celui que vous utilisez en prétendant assimiler les idées de Céline et celles du PCF.
[Cela dit, je vois qu’en définitive nous sommes d’accord: Céline ne peut être réellement assimilé à un nazi; même si, parce qu’il fait de la lutte de races le moteur de l’histoire, il me semble qu’il s’en situe à la périphérie immédiate – bien plus qu’un Mussolini par exemple.]
Le nazisme est un objet très complexe, avec une idéologie qui puise dans beaucoup de sources. Le racisme n’en est qu’un aspect. Céline partageait avec les nazis toute une série d’idées sur la constitution des races et leur rôle dans l’histoire. Mais cela ne fait pas pour autant de lui un nazi.
[Vaste sujet – un peu vertigineux à l’aune des millions de victimes considérées. Certaines idéologies sont-elles “criminelles” par essence ou simplement en fonction des circonstances? Le nazisme n’est-il pas criminel par essence? D’après ce que vous dites plus loin dans la conversation (“Pour Trotsky, la violence est une nécessité regrettable. Chez les nazis, une nécessité tout court”), on a pourtant l’impression que c’est ce que vous pensez (opinion qu’il est difficile de ne pas la partager).]
Certainement pas. Pour moi, seuls les hommes peuvent commette des « crimes ». Il n’y a pas d’idéologie « criminelle » en elle-même. D’ailleurs, on ne peut qualifier une idéologie de « criminelle » qu’en se plaçant dans le cadre d’une autre idéologie, pour la simple raison qu’il n’existe pas de critère a-idéologique qui permet de qualifier un acte donné de « crime ». Si on part de l’hypothèse que toutes les idéologies ont un égal statut, qu’aucune ne peut prétendre en elle-même à une quelconque supériorité, alors on ne peut qualifier de « criminelle » qu’une idéologie qui se qualifierait elle-même comme telle…
[Par ailleurs, quand vous dites “je ne sais pas peser l’antisémitisme au trébuchet”, n’est-ce pas une forme d’essentialisation et de criminalisation de l’antisémitisme?]
Non. Ce que j’ai voulu dire, c’est que cela ne m’intéresse pas de classer les antisémites sur une échelle de Richter de l’antisémitisme. L’exercice consistant à se demander si tel pamphlet de Céline est « plus » ou « moins » antisémite qu’un autre et chercher à en tirer des conclusions me paraît un exercice inutile.
[C’était d’ailleurs le sens de ma remarque initiale: il me semblait que vous faisiez de l’antisémitisme une idéologie criminelle par essence (quelle qu’en soit la forme, “politique” ou “raciste”) alors que vous réserviez au communisme les bénéfices de l’historicisme.]
Il y a des idéologies qui font de l’antisémitisme un élément central, d’autres qui en font un point accessoire, d’autres encore qui l’ignorent. Mais l’antisémitisme per se ne constitue pas une « idéologie ».
[Cependant, en l’espèce, manier une ironie aussi mordante ne montre pas vraiment que pour Trotsky la violence soit une “regrettable nécessité”. Au contraire, il semble en tirer un plaisir certain.]
L’ironie n’implique pas nécessairement un « plaisir ». Il y a dans le nazisme une idéalisation de la violence comme principe vital, une joie dans l’acte violent qui est très spécifique. On ne trouve pas ce genre de vision dans le marxisme classique ou chez les communistes d’inspiration léniniste. Au contraire : les régimes communistes ont produit une symbolique qui se centre sur le thème de la paix et de la fraternité. Regardez par exemple les écussons ou les drapeaux des différentes démocraties populaires : vous ne trouverez pas, ou a lors très exceptionnellement, un symbole belliqueux. C’est partout des gerbes de blé, des soleils levants, des outils de travail (faucille et marteau en URSS, marteau et compas pour la RDA…).
[Par ailleurs, quand il dit “Nous avons toujours été des révolutionnaires et le sommes restés au pouvoir. Pour rendre la personne sacrée, il faut détruire le régime qui l’écrase. Et cette phase ne peut être accomplie que par le fer et par le sang”, il me semble que cette violence ne constitue pas une “réponse” mais au contraire un “préalable” qu’elle constitue bien l’essence de leur lutte politique et non le fruit des circonstances.]
Vous avez une lecture étrange : affirmer que « cette phase ne peut être accomplie QUE par le fer et par le sang » implique faire du « fer et sang » une nécessité, et implicitement dire que s’il y avait un autre moyen, celui-ci devrait être évité. Le fait même que Trotsky, dans un contexte particulier, ait eu besoin de défendre la violence sur le mode « il n’y a pas d’autre solution » montre combien la résistance était grande dans le mouvement communiste d’admettre la violence comme mode d’action.
[Je faisais évidemment un petit peu de provocation mais il me semble que le libéralisme a bien été l’agent historique de la modernité.]
Je dirais plutôt que le libéralisme a été l’idéologie qui a accompagné la modernité. Je n’irai pas jusqu’à en faire « l’agent historique »…
[Les anti-modernes l’ont bien compris, qui sont tous anti-libéraux.]
« tous » non. Ainsi, les « libéraux-libertaire » d’orientation écologiste sont libéraux tout en étant anti-modernes. Il y a tout un courant réactionnaire d’orientation libérale…
[Par ailleurs, comme dans votre dernier papier vous avez fustigé “cette détestable société postmoderne dans laquelle il nous est donné de vivre”, il me semble légitime de vous classer parmi les anti-modernes.]
Ah bon ? Pour vous la détestation du post-modernisme vous classe parmi les anti-modernes ?
De cette remarque, je déduis que pour vous le post-modernisme est d’une certaine manière la continuation du modernisme, une sorte d’étape supérieure de ce dernier. A mon avis, ce n’est pas le cas : le post-modernisme est une rupture avec la modernité, un retour à des idéologies pré-modernes.
Non, pense au contraire être un ferme partisan de la modernité, et des institutions qui sont nées avec elle, en particulier la nation. C’est pourquoi je rejette le post-modernisme.
[et le cas du “communisme Labiche” de Céline fondé sur l’égalité de revenu et de patrimoine et la réduction du temps de travail en est une illustration supplémentaire.]
Vous me rappelez Robert Hue déclarant que Jesucrist avait été le premier communiste…
[Alors bien sûr que le “programme politique” de Céline comporte de nombreuses et profondes différences avec celui du PCF d’après guerre; il n’empêche, les convergences n’en restent pas moins fascinantes. Je tenais simplement à vous en faire part.]
Je pense que vous cherchez à donner une signification à une coïncidence.
[Sinon, pour ce qui est de l’idéal de petit propriétaire qui aurait été celui du PCF, vous êtes ma source, notamment quand vous avez fait remarqué dans l’un de vos commentaires que le programme du PCF d’après guerre n’avait jamais compris la nationalisation de la petite propriété agricole.]
Avouez que de là à faire de la France « une nation de propriétaires »…
@ Descartes
[“C’est l’été, et en été on a envie de se détendre, de penser à des choses légères. Pour le commentateur de l’actualité, cela ne laisse qu’un seul choix : fermer boutique, tant l’actualité est morne et triste.”]
Et le Brexit, vous en faîtes quoi ? Cheer up, Descartes ! Remarquez qu’en toute honnêteté, je dois reconnaître que je m’attendais moi-même à ressentir une plus grande euphorie à la suite de cette fantastique nouvelle. Je pensais, notamment, vivre un grand moment de “schadenfreude” à la contemplation de la mine désolée de nos amis les europhiles. Et pourtant, figurez-vous que c’est plutôt un sentiment de compassion que ceux-ci ont fini par m’inspirer. Après tout, pour certains, c’est bien leur “rêve européen” qui est en train de s’écrouler, celui qui donnait peut-être un sens à toute leur misérable vie. Et le plus poignant, c’est de voir à quel point la plupart continuent de s’y accrocher désespérément, refusant de s’avouer que c’est le commencement de la fin, tandis que chaque jour apporte, pour eux, son lot de mauvaises nouvelles:
“Number of people claiming jobseeker’s allowance fell unexpectedly in July”
https://www.theguardian.com/business/2016/aug/17/uk-unemployment-claimant-count-falls-after-brexit?CMP=Share_iOSApp_Other
“UK retail sales rise 1.4% in July as shoppers shrug off Brexit gloom”
https://www.theguardian.com/business/2016/aug/18/uk-retail-sales-rise-july-shoppers-shrug-off-brexit-gloom
Alors non, décidément, je n’aime pas voir les gens souffrir, fussent-ils des europhiles. C’est pourquoi je pense, désormais, qu’il serait préférable de les achever.
@ dsk
[« C’est l’été, et en été on a envie de se détendre, de penser à des choses légères. Pour le commentateur de l’actualité, cela ne laisse qu’un seul choix : fermer boutique, tant l’actualité est morne et triste. » Et le Brexit, vous en faîtes quoi ? Cheer up, Descartes !]
Il est vrai que dans notre société de la vitesse, une nouvelle chasse rapidement l’autre. Vous avez raison, il y a la victoire du « non » à l’Union européenne au référendum de juin, mais juin, c’est déjà tellement loin…
[Remarquez qu’en toute honnêteté, je dois reconnaître que je m’attendais moi-même à ressentir une plus grande euphorie à la suite de cette fantastique nouvelle. Je pensais, notamment, vivre un grand moment de “schadenfreude” à la contemplation de la mine désolée de nos amis les europhiles. Et pourtant, figurez-vous que c’est plutôt un sentiment de compassion que ceux-ci ont fini par m’inspirer.]
Vous êtes trop bon. Cela vous perdra. J’ai eu l’opportunité d’assister à une réunion de fonctionnaires d’assez au niveau à Bruxelles quelques jours après le vote, et j’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à ne pas rigoler en entendant les échanges de condoléances. En entendant les interventions, on pouvait imaginer ce qu’on du ressentir les politiques qui ont assisté à la débâcle de 1940, quand cette armée que tous considéraient la meilleure d’Europe a été mise en déroute en deux semaines. Tous ces hauts fonctionnaires, bardés pourtant de diplômes et de culture historique, se trouvaient tout à coup devant l’impensé. Impensé non parce que c’était impensable, mais parce qu’il était interdit de le penser. C’est dans ce genre de situation qu’on se rend compte à quel point les europhiles manquent d’imagination, à quel point ils sont incapables de concevoir que la réalité puisse ne pas suivre leur dogme. On aurait dit les disciples du Christ découvrant trois jours après la mise en terre que le corps de Jésus était toujours dans son tombeau.
L’autre élément remarquable était le discours rassurant de certains, sur le mode « vous verrez, cela ne se produira pas, ils changeront d’avis, de toute façon c’est impossible de sortir ». Dans les couloirs, il y avait deux camps : ceux qui assuraient qu’un deuxième référendum aurait lieu, et ceux qui soulignaient qu’on pouvait ignorer le résultat de la consultation puisque le référendum en Grande Bretagne n’est que consultatif… En tout cas, on a entendu tout et son contraire sauf… sauf la moindre remise en cause de l’UE elle-même. Pas un des intervenants ne s’est posé la question de savoir en quoi l’UE avait failli au point qu’une nation veuille la quitter. Si la capacité de se remettre en question est indicative de la capacité de survie d’une institution, l’UE est très mal barrée…
[Après tout, pour certains, c’est bien leur “rêve européen” qui est en train de s’écrouler, celui qui donnait peut-être un sens à toute leur misérable vie.]
Ne croyez pas ça. Les « rêves » ne s’écroulent pas aussi facilement : quelques heures avant le suicide de Hitler, les soldats et les civils allemands se battaient encore pour le rêve du « Reich des mille ans » alors que la cause était de toute évidence perdue. L’envie de croire, on ne le dira jamais assez, est le moteur le plus puissant que l’espèce humaine ait inventé. Le « rêve européen » n’est pas près de s’écrouler, malheureusement.
[Et le plus poignant, c’est de voir à quel point la plupart continuent de s’y accrocher désespérément, refusant de s’avouer que c’est le commencement de la fin, tandis que chaque jour apporte, pour eux, son lot de mauvaises nouvelles:]
Les eurolâtres étaient si persuadés de pouvoir gagner qu’ils ont mal préparé leur défaite. Ayant prédit toutes sortes de catastrophes délirantes pour l’économie et pour la société britannique, ils sont condamnés à être démentis par les faits. Bien sur, le vote a créé une incertitude, et les acteurs économiques n’aiment pas les incertitudes. D’où le repli de certains indicateurs économiques (baisse de la livre vis-à-vis du dollar, baisse des bourses) sur le court terme. Cela est vrai de toute mesure originale, puisque par définition une mesure originale est une mesure qui n’a jamais été essayée auparavant et qui crée donc une incertitude. Mais une fois que les marchés ont incorporé la nouveauté, qu’elle s’est banalisée, les indicateurs reprennent leur logique de long terme.
L’économie britannique a ses forces et ses faiblesses. Ce sont elles qui déterminent le niveau de vie des britanniques. Or, affranchie du carcan de l’UE, la Grande Bretagne aura une plus grande liberté pour adapter son économie au contexte en fonction de ses intérêts. Et que perdra-t-elle avec la sortie de l’UE ? L’accès au marché intérieur européen ? Croyez-vous vraiment que l’UE va mettre en place vis-à-vis de la Grande Bretagne ce « protectionnisme aux frontières européennes » dont on parle depuis des décennies sans que la moindre mesure ne soit prise ? A supposer même que la négociation ne lui donne pas des clauses plus favorables, sortie de l’UE la Grande Bretagne restera membre de l’OMC, et aura accès aux marchés européens à ce titre.
[Alors non, décidément, je n’aime pas voir les gens souffrir, fussent-ils des europhiles. C’est pourquoi je pense, désormais, qu’il serait préférable de les achever.]
Je vous l’ai dit, votre bonté vous perdra…
Puisque DSK parle du Brexit, au-delà du fait que l’apocalypse ne soit pas arrivé, on pourrait aussi relever certaines mesures prises par le Premier Ministre May : http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/08/09/31002-20160809ARTFIG00189-theresa-may-et-la-renationalisation-industrielle-la-fin-de-l-ere-thatcher.php
“Theresa May n’a pas précisément annoncé de plan de relance, mais la création d’un comité gouvernemental chargé de mettre en œuvre une stratégie industrielle au service de l’emploi et de la réduction des inégalités («an economy that works for everyone, with a strong industrial strategy at its heart»). Il ne s’agit donc ni de la traditionnelle relance budgétaire keynésienne ni d’un grand emprunt de soutien aux filières stratégiques, mais de la construction très colbertiste d’une politique économique, pilotée au plus haut niveau de l’Etat britannique, destinée non seulement à rebâtir les fondamentaux de son économie mais aussi à garantir que la richesse créée ne sera pas accaparée par les «privileged few», dixit Mme May”
“Cette annonce révèle donc en réalité trois ruptures profondes: la rupture avec le mythe de «l’économie de la connaissance», qui était au cœur de la «stratégie de Lisbonne» des années 2000, et qui pensait illusoirement fonder la croissance de l’Europe sur les seuls biens et services «à haute valeur ajoutée» et transférer sans dommages son industrie aux pays émergents. La rupture avec le dogme libéral attribuant au marché la capacité d’obtenir forcément de meilleurs résultats économiques que la planification étatique. Enfin la rupture avec le darwinisme social anglo-saxon, qui considérait comme légitime que le laisser-faire économique permette aux riches de devenir encore plus riches tandis que les laissés-pour-compte des friches industrielles s’installaient dans le chômage et la pauvreté.”
Vous connaissez mieux le Royaume-Uni que moi. A mes yeux, ces décisions semblent une très bonne nouvelle, et je ne m’attendais pas à une rupture aussi rapide avec les pratiques libérales. Qu’en pensez-vous ?
@Descartes
> J’ai eu l’opportunité d’assister à une réunion de fonctionnaires d’assez au niveau à Bruxelles quelques jours après le vote, et j’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à ne pas rigoler en entendant les échanges de condoléances.
J’ai un collègue anglais qui a cru bon de s’excuser platement, en des termes proches de l’auto-flagellation, au lendemain du vote. Notre employeur étant américain ainsi que la majorité de ses employés et de ses clients, ils entretiennent une relation assez lointaine avec la politique européenne : j’ai trouvé cette séquence d’autant plus incongrue et pénible (notamment pour mon collègue, par ailleurs sympathique et compétent, qui se dévalorisait ainsi publiquement et à tort)…
@ Dell Conagher
[Puisque DSK parle du Brexit, au-delà du fait que l’apocalypse ne soit pas arrivé, on pourrait aussi relever certaines mesures prises par le Premier Ministre May : (…)]
Je me demande si le « Brexit » n’est pas une élément du processus qui fait sauter un certain nombre de digues idéologiques qui nous empêchaient de sortir de la période d’or de la construction européenne et du libéralisme triomphants conduite par la triade Thatcher-Reagan-Mitterrand. Des idées qu’on avait chassées du champ du pensable reviennent tout à coup. Sanders peut se dire « socialiste » aux Etats-Unis et remporter un certain succès, la conservatrice May proposer une politique keynésienne et colbertiste en Grande Bretagne, et chez nous le FN remporter succès après succès en reprenant les drapeaux que le PCF avait porté dans les années 1960-80 et qu’il avait laissé tomber dans les années 1990.
[Vous connaissez mieux le Royaume-Uni que moi. A mes yeux, ces décisions semblent une très bonne nouvelle, et je ne m’attendais pas à une rupture aussi rapide avec les pratiques libérales. Qu’en pensez-vous ?]
En France, on a tendance à faire de l’Angleterre le paradis du libéralisme, et de croire que les Anglais sont tous acquis à cette idéologie. Mais c’est faux. Il est vrai que les citoyens anglais, héritiers d’une longue tradition commerçante, sont bien mieux éduqués que nous aux mécanismes de marché. Il est vrai aussi que leur tradition politique les conduit à se méfier de l’Etat, considéré plus comme une menace que comme une entité bienveillante. Mais d’un autre côté, la société britannique reste une société aristocratique, ou les différentes couches sociales vivent isolées les unes des autres, où la mobilité est faible et où les mécanismes corporatifs sont puissants. On est donc très loin de la vision libérale d’une société où la promotion sociale est liée aux mérites et aux talents, ou la mobilité sociale est importante, où les barrières à l’entrée sont faibles.
Par beaucoup d’aspects, la France est bien plus libérale – au sens du libéralisme classique – que l’Angleterre. Pour ne donner qu’un exemple, la pratique corporative du « closed shop », qui oblige l’employeur à ne recruter que des travailleurs membres d’un syndicat donné reste jusqu’à aujourd’hui une pratique courante, alors qu’elle a été abolie en France à la Révolution. La médecine est totalement étatisée par les britanniques en 1946, alors que chez nous reste le principe du libre choix du médecin…
La période Thatcher-Blair, qui semble à tant de français se placer dans la continuité de l’Angleterre éternelle, est en fait une parenthèse. Et une parenthèse qui a suscité d’énormes résistances. Si le libéralisme thatchérien a été si extrême, c’est aussi parce qu’il affrontait une société bloquée par les pratiques corporatistes et par des monopoles publics particulièrement inefficaces. Il y a un certain consensus en Grande Bretagne pour dire que le pendule est allé trop loin du côté libéral, et qu’il est temps qu’il reparte dans l’autre sens. Je pense que Theresa May d’une certaine manière incarne ce retour de balancier.
Je reste sceptique quant à l’importance à accorder à l’utilisation du terme de “socialiste” par Bernie Sanders. Certes, c’était un mot presque banni aux Etats-Unis il y a peu d’années encore… Mais pas mal de choses se sont passées ces dernières années. Notamment, le bloc soviétique a disparu. Les Etats-Unis se sont trouvés de nouveaux ennemis, avec l’Iran, l’islam et la Russie post-soviétique. On pourrait aussi remarquer que les soutiens de Sanders se trouvaient pour beaucoup chez les jeunes et les classes moyennes. Je ne suis pas sûr que le mot “socialiste” signifie la même chose pour ceux qui ont votés pour lui que pour les américains des années 70. Autrement dit : je ne suis pas sûr que l’idée du socialisme ait été là-bas réhabilitée. Par contre, il est clair qu’au-delà des mots avec lesquels il se désignait, le programme économique de Sanders rompait lui aussi dans une certaine mesure avec le libéralisme contemporain. On peut d’ailleurs souligner que du côté des Républicains, Trump a mené sa propre révolution, en insistant fermement sur l’importance du protectionnisme et en obtenant l’adhésion des électeurs républicains. L’institut Pew indiquait que 53% des électeurs républicains considéraient que les accords de libre-échange avaient été mauvais pour les USA en mars 2016 (http://www.people-press.org/files/2016/03/Section-3_9.png). Ils seraient à présent 61% à partager cette opinion… (https://pbs.twimg.com/media/CqLQAlUXgAAhLuj.jpg).
@ Antoine
[J’ai un collègue anglais qui a cru bon de s’excuser platement, en des termes proches de l’auto-flagellation, au lendemain du vote.]
J’ai eu plusieurs expériences similaires. Et c’est très intéressant, parce que cela montre combien les anglais appartenant aux « classes moyennes globalisées » croient, bien plus que les Français, à l’existence d’une « Europe-nation ». En effet, ces plates excuses anticipent chez l’autre une réaction de rejet. Celui qui s’excuse du vote britannique anticipe que l’autre aura vécu ce vote comme un acte de rejet. Mais pourquoi devrais-je me sentir rejeté parce que les britanniques ont décidé de quitter une institution qui m’est extérieure ? Pour que je vivre ce vote comme un rejet, encore faudrait-il que nous nous concevions nous-mêmes comme des « citoyens d’Europe ».
En fait, j’interprète la réaction de votre collègue autrement : les élites globalisées (qu’elles soient britanniques ou pas) se sentent « Européennes », et c’est pourquoi lorsqu’elles sont « continentales » elles réagissent avec violence au Brexit, qu’ elles vivent comme un geste de rejet envers elles, et lorsqu’elles sont britanniques elles jugent bon de s’excuser pour anticiper cette violence. Mais au niveau des couches populaires, c’est le contraire. Croyez-vous que les ouvriers français, allemands ou italiens voient le vote de leurs collègues anglais comme un vote de rejet envers eux ? Non : ils perçoivent ce vote comme un rejet d’une institution qui leur est étrangère, et regrettent plutôt de ne pas pouvoir faire de même.
Ces réactions montrent combien l’UE est une institution internalisée par les élites et considérée comme extérieure par les couches populaires.
@ Dell Conagher
[Je reste sceptique quant à l’importance à accorder à l’utilisation du terme de “socialiste” par Bernie Sanders. Certes, c’était un mot presque banni aux Etats-Unis il y a peu d’années encore… Mais pas mal de choses se sont passées ces dernières années.]
C’était bien mon point : c’est précisément parce que pas mal de choses se sont passées ces dernières années que les éléments qui ont permis le triomphe de l’idéologie « libérale-libertaire » dans les années 1980 ont cessé d’être efficaces aujourd’hui. Le fait que Sanders puisse utiliser le mot « socialiste » impunément, ou que Theresa May fasse sien un programme qui a du faire se retourner la Dame de Fer dans sa tombe, et même le discours de Trump sur la sécurité sociale sont des signes qui montrent ce changement.
Après, je suis d’accord avec vous qu’il ne faut pas voir dans l’utilisation par Sanders du mot « socialisme » une quelconque « réhabilitation » du concept qui est derrière le mot.
@ Descartes
[“C’est dans ce genre de situation qu’on se rend compte à quel point les europhiles manquent d’imagination, à quel point ils sont incapables de concevoir que la réalité puisse ne pas suivre leur dogme. On aurait dit les disciples du Christ découvrant trois jours après la mise en terre que le corps de Jésus était toujours dans son tombeau.”]
Exactement. Pour ma part, je crois de plus en plus qu’il existe un véritable clivage d’ordre psychologique entre “europhiles” et “europhobes”. En première approximation, je dirais qu’il s’agit d’un clivage entre “conformistes” et “excentriques”, au sens d’éloignés du centre. Et c’est du reste tout-à-fait logique : pour penser qu’un système puisse fonctionner sans un centre unique de décision, il faut que tous les participants fonctionnent de la même façon, s’imitent mutuellement, en quelque sorte. Il faut qu’ils manquent, précisément, d’imagination. A l’inverse, j’observe que les “souverainistes” sont souvent des personnalités farouchement individualistes, qui ne craignent pas de se démarquer des autres. Au Royaume-Uni, pays de l’excentricité s’il en est, cela donne Nigel Farage ou Boris Johnson. Chez nous, la “famille Le Pen” par exemple. Et là encore, c’est parfaitement logique : être “souverain”, c’est ce qui permet d’être original, unique, de ne pas dépendre des autres. Et peut-être est-ce là, au fond, ce que veulent exprimer certains “europhobes” tel Nigel Farage, lorsqu’ils comparent l’UE à l’ex-URSS, pays qui représente, pour eux, la quintessence du rejet de l’individualisme.
@ dsk
[Exactement. Pour ma part, je crois de plus en plus qu’il existe un véritable clivage d’ordre psychologique entre “europhiles” et “europhobes”. En première approximation, je dirais qu’il s’agit d’un clivage entre “conformistes” et “excentriques”, au sens d’éloignés du centre.]
Je partage votre analyse. Plutôt que de « excentriques », on pourrait parler de « hérétiques », tant l’idéologie europhile a été pendant trente ans une religion, avec ses papes, ses excommunications et ses chasses aux sorcières. Et lorsqu’on regarde les chefs des différentes hérésies du moyen-âge et de la renaissance, on trouve aussi des personnalités « excentriques » et individualistes… pensez à Giordano Bruno…
@Descartes,
Pourquoi paradoxale ? Aimer la littérature, avoir des passions, des convictions dans la vie, c’est de l’ordre de « l’intime ». Cela n’a donc rien à voir avec ce qu’on défend ou ce qu’on est en droit de défendre dans la vie, au quotidien, au travers le boulot qu’on exerce, ce qu’on affiche comme valeur, sa manière d’être intègre ou non, d’accorder sa confiance ou non, juste par rapport à des paroles !
L’hypocrisie, en se forçant un peu, tout le monde sait faire, même quand on n’est pas habituellement enclin à en user ! C’est ça ou voler dans les plumes…
La politesse, par exemple, vous le cartésien, êtes-vous en mesure de voir si elle est feinte ou sincère ? attachez-vous de l’importance à votre intuition ? Et vous est-il déjà arrivé que votre ressenti, d’emblée négatif, vous ait induit en erreur ?
Vous savez bien que l’être humain est réceptif aux compliments et si on veut mettre quelqu’un dans sa poche, dans le but de lui plaire (si l’on n’est pas en mesure d’utiliser son physique) vaut mieux lui dire que vous le trouvez extra plutôt que con ! ou d’obtenir une faveur (une promotion), mieux vaux lécher les bottes plutôt que de se montrer distant. Faut utiliser la ruse, quoi qu’il en soit pour ne pas se voir refuser telle ou telle gâterie (heu récompense ou reconnaissance).
Dans quel cas bien précis, peut-on se sentir particulièrement convaincu de l’amour ou de l’amitié que l’on vous porte ? Que l’on vous souhaite un bon anniversaire ou une bonne année, est-ce suffisant pour avoir la garantie absolue qu’on vous aime ou qu’on vous apprécie à votre juste valeur. Ceux qui disent vous aimer, vous aiment-ils pour ce que vous êtes vraiment ou par rapport aux projections qu’ils font sur vous ?
Je ne comprends donc pas en quoi vous pouvez trouver cela paradoxale ! Bien au contraire, ça s’appelle être cohérent avec soi-même, par rapport à ses attentes vis-à-vis des autres mais il est vrai que les autres peuvent être différents dans leurs attentes ! ce qui est primordial pour vous, ne l’est pas, au même niveau d’exigence, pour les autres, d’où la naissance de points de friction, inévitables.
Après faut faire avec les gens qui sont dans le désir de communication totale (on se dit tout, y compris ce qui fâche) et ceux qui il faut toujours ménager, tant ils sont incapables de n’être pas dans le déni !
Le propre des humains est de préférer être bernés, voir qu’on leur mente ! Ainsi ne voit-on pas des gens se satisfaire d’un semblant d’amitié ou d’amour, juste par peur de regarder les choses en face, et ne pas oser pointer du doigt les problèmes existants ou l’insatisfaction ressentie, sachant qu’ils risquent, par la mise à nue de leurs doutes, de voir tout chamboulé dans leur vie ! Continuer à accepter l’inacceptable en se persuadant que ce serait pire d’agir et bien c’est se mentir à soi-même, c’est être impuissant et il n’y a pas pire sentiment que celui de l’impuissance.
Au final c’est ne rendre service à personne que de ne pas dire ce qu’on pense (avec des gants), puisque tout ce petit monde continuera à vivre dans la non communication verbale, la non vérité, telle que réellement vécue de l’intérieur !
Et c’est ça qui prime dans la vie, être en accord avec ce qu’on ressent à l’intérieur et ce qu’on transmet comme message à l’extérieur ! Si tout est faussé, gare aux fissures et dans l’histoire, personne ne sera épargné !
Etre en porte à faux avec les autres est un poison pour l’organisme, d’où la nécessité de se repositionner chaque fois que se crée un malentendu!
Libérer la parole et que celle-ci soit créatrice de malaise, c’est le prix à payer pour ne pas pourrir sur place ! Et puis, vous avez toujours la possibilité de vous excuser si vos paroles ont dépassé votre pensée !
A chacun de savoir accepter le taux de responsabilité qui lui incombe (50/50 me semble raisonnable) ! et pour reprendre votre terme, ce n’est pas bon d’endosser le costume de la victime (consentante par défaut), à être l’otage d’autrui, vous refusant d’être vous même, de peur de décevoir ou faire de la peine !
L’autre, celui que vous êtes censé aimer pour lui (et non pas pour vous), si vous avez tendance à le surprotéger, il n’aura peut être pas eu l’occasion de grimper d’un étage, si vous lui aviez parlé franchement et par votre manque de sincérité à son égard, la finalité est qu’il va stagner !
Tout simplement parce qu’il ne progressera pas si vous ne lui indiquez pas quels sont les travers qui lui nuisent, si constat est fait que nuisances en découlent et non l’inverse ! Des fois, les gens ont besoin d’un bon coup de pied au cul pour se bouger, ils n’attendent d’ailleurs que cela et il est de son devoir d’aider à avancer plutôt qu’à encourager à stagner.
Pourquoi donc les gens se dispensent-ils donc aussi souvent d’être honnêtes, surtout avec ceux qui leur sont chers.
Après certains vous diront que parfois les mensonges valent mieux, à voir dans quelles circonstances ! Je comprends qu’une famille d’un mourant par exemple, en accord avec le médecin, mente quant à l’issue fatale, histoire de ne pas rendre les jours du condamné plus difficile ! Quelqu’un qui a de l’espoir, même si cet espoir est vain, vivra mieux les derniers instants de sa vie que celui qui va trop lucidement voir arriver l’inéluctable ! Après c’est en fonction du caractère et des choix de chacun et de ses capacités à endurer de tels verdicts !
Vous ne pourrez pas mentir à celui qui exige toute la vérité. Vous mentirez plus facilement à celui qui a besoin d’être rassuré, par contre et à vous de voir si le mensonge est préférable à la vérité.
Quant aux fonctionnaires, disons que j’ai testé les deux dans ma vie, je sais donc ce qu’être fonctionnaire signifie ! Certes, les salaires sont moindres que dans le privé mais ça dépend pour qui et le niveau d’étude ! Oui un catégorie « A »gagnera moins dans le public que dans le privé mais ça peut être un avantage par contre pour un catégorie « C », qui n’a, de plus pas envie d’évoluer plus que ça, car je ne pense pas qu’à ce niveau, le salaire soit meilleur dans le privé et la garantie de l’emploi, c’est quand même un sacré confort de vie !
Se lever le matin sans avoir la boule au ventre à se dire qu’on risque le licenciement, là franchement, c’est une tonne de stress en moins !!!! Mais bon il y a des gens qui préfèrent le risque et se doper à l’adrénaline et d’autre à qui la vie de fonctionnaire pépère convient mieux ! Et puis il y a ceux qui ont tenté le coup, faute de mieux, pas obligé de se sentir investi d’une mission de service public, vous savez ! Il y en a qui s’en foutent royalement, du moment que la paie tombe tous les mois, puisqu’en plus la demande de performance, c’est en option (voir les mauvais profs, toujours mutés et jamais sommés de modifier leur comportement quand celui-ci n’est pas bon pour les élèves) ! Mais comme c’est le même salaire pour celui qui bosse comme un malade et celui qui se contente du minimum syndical, ben c’est à décourager les vertueux !
J’ ai connu l’époque où trois fonctionnaires pouvaient être affectés à un poste qui ne nécessitait qu’une seule personne. Résultat des courses, un jour de travail par semaine et tout le reste à glander ! si si, je connais des gens que ça a dégoûté et qui ont quitté la fonction publique pour se mettre à leur compte, déjà car peu de possibilité d’évoluer même quant motivé ! Les choses se sont inversés, maintenant, les fonctionnes sont aussi compressés et font autant de burn out que dans le privé !!!!
Celui qui a crée son entreprise, certes c’est son choix mais bon, rien ne sera de tout repos pour lui et il a le mérite d’essayer de s’en sortir par lui-même et c’est pas 35h par semaine qu’il va faire pour espérer avoir un salaire décent !!! c’est une vraie prise de risque là !
J’entendais par se retrancher derrière l’obligation d’obéir, le fait d’appliquer bêtement le règlement, jusqu’à l’absurde ! Être tatillon jusqu’au ridicule, quoi ! faire du zèle !!!! Parfois il faut savoir quand il s’avère nécessaire de faire une entorse !
Echapper à leur statut, dans le sens, ne pas perdre leur originalité, ce qui fait leur différence ! ne pas se fondre dans le moule, garder une part de fantaisie, de créativité, d’envie de se révolter, car qui dit sécurité, dit absence à la longue de volonté de trouver des raisons de se battre pour soi….et pour les autres…
Un peu longue sur ce coup là.
@ âme sensible
[Pourquoi paradoxale ? Aimer la littérature, avoir des passions, des convictions dans la vie, c’est de l’ordre de « l’intime ».]
Possible. Mais lorsqu’on aime la littérature, c’est qu’on aime les mots. C’est pourquoi je trouve paradoxal de vous lire écrire « des actes ! les paroles, on sait ce qu’elles valent ». Si les « paroles » ne valent rien, à quoi sert la littérature ?
[La politesse, par exemple, vous le cartésien, êtes-vous en mesure de voir si elle est feinte ou sincère ?]
La politesse, par essence, est toujours « feinte » puisque c’est une convention.
[Au final c’est ne rendre service à personne que de ne pas dire ce qu’on pense (avec des gants),]
Pourquoi faire ? Imaginons que tous les gens qui sont autour de moi me détestent, mais qu’ils font tous semblant de m’aimer. Et que cette illusion dure jusqu’au jour de ma mort. Je vivrais alors heureux toute ma vie pensant que les gens m’aiment. Aurais-je été plus heureux s’ils m’avaient dit ce qu’ils pensaient ?
Vous savez, l’illusion peut rendre beaucoup plus heureux que la vérité. C’est là la véritable fonction de la politesse : créer une fiction qui rend la vie plus agréable.
[Quant aux fonctionnaires, disons que j’ai testé les deux dans ma vie, je sais donc ce qu’être fonctionnaire signifie ! Certes, les salaires sont moindres que dans le privé mais ça dépend pour qui et le niveau d’étude !]
Les différences sont certainement de plus en plus grandes au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie. Mais c’est vrai même en catégorie C.
[Celui qui a crée son entreprise, certes c’est son choix mais bon, rien ne sera de tout repos pour lui et il a le mérite d’essayer de s’en sortir par lui-même et c’est pas 35h par semaine qu’il va faire pour espérer avoir un salaire décent !!! c’est une vraie prise de risque là !]
Ah… pleurons ces patrons qui vont devoir faire de si longues heures pour avoir un salaire décent…
[J’entendais par se retrancher derrière l’obligation d’obéir, le fait d’appliquer bêtement le règlement, jusqu’à l’absurde ! Être tatillon jusqu’au ridicule, quoi ! faire du zèle !!!! Parfois il faut savoir quand il s’avère nécessaire de faire une entorse !]
Ah vraiment ? Pensez-vous qu’il faut permettre aux fonctionnaires de « faire des entorses » au règlement ? Et qui décide quand et au bénéfice de qui faire une « entorse » ?
[Un peu longue sur ce coup là.]
Beaucoup trop, en effet…
@Descartes,
On peut aimer les mots pour la part de beauté qu’ils apportent dans votre vie !
Mais je n’insisterai pas davantage, j’ai déjà été précédemment trop longue…et vous avez eu tout à fait raison de me le faire remarquer.
La gourmandise est un vilain défaut dit-on, mais c’est de votre faute aussi ! Si les sujets évoqués par votre intermédiaire ne m’avaient pas mis à ce point l’eau à la bouche, sans doute me serais-je montrée beaucoup moins expansive…
Moi, je commence par moi!
Il y a des mots et les discours qui les accompagnent qui m’énervent:
Je les liste en vrac sur les commentaires à ce billet:
Laïcité: je n’en démord pas la laïcité c’est le fait que la République “ne reconnait ni ne subventionne aucun culte” “culte” lisons nous…
La question du burkini,(marque déposée?) n’est pas une question de “laïcité”, mais une question de communautarisme. Des gens “s’approprient” pour leur groupe le littoral public. C’est cela qui est inadmissible.La république ne va pas passer son temps à discuter du sexe des anges, elle doit en revanche faire respecter l’égalité de chacun devant la loi.
2- “fonctionnaires” on leur reproche de ne rien faire, de faire trop de zèle, de pantoufler, de vivre petitement sans goût du risque.
Je pense pour en avoir connu de près et en connaître de tous jeunes frais émoulus que( pour parler comme Montesquieu quand il disait que le ressort de la République est la vertu, quand celui du despotisme est la crainte et celui de la monarchie est l’honneur) le “ressort “des fonctionnaires est le “service” ce qui n’est ni le dévouement des religieux ni la maximalisation des profits, ni le risque encouru du trader, bref, le fonctionnaire “sert” et c’est cela son honneur et pour ma part ma fierté.
Littérature: Ce n’est pas de la morale certes, mais les mots renvoient à un contenu et déclares que Céline est le plus grand écrivain du XXème siècle sans se poser la question politique et éthique, et surtout sans se poser le pourquoi d’une telle déclaration jouant sur le paradoxe?
On peut ne pas apprécier le “Con d’Irène” mais pourquoi ne plus jamais parler d’Aragon, jamais? Un médiocre écrivain que celui des “voyageurs de l’impériale”? Celui des “yeux d’Elsa”? On ne peut plus dire son nom. Pourquoi dit -on gêné mais avec un sourire de ceux qui savent qu’il faut passer par dessus toutes les considérations éthico-politiques “Ah! le voyage au bout de la nuit” faisons le lire au petit pour ses douze ans, cela lui apprendra la vie!” et qu”Aragon on n’oserait proférer les syllabes de son nom sauf pour parler de sa naissance illégitime … à Neuilly
Des fois je me dis en lisant les commentaires du blog que j’ai dépassé mon temps car j’ai du mal à voir le nouveau sens que prennent mots et choses …
@ Baruch
[Laïcité: je n’en démord pas la laïcité c’est le fait que la République “ne reconnait ni ne subventionne aucun culte” “culte” lisons nous…]
Reste à interpréter ce que « ne pas reconnaître » veut dire. Pour moi, cela doit se traduire par l’indifférence de la sphère publique à la question religieuse.
[La question du burkini,(marque déposée?) n’est pas une question de “laïcité”, mais une question de communautarisme. Des gens “s’approprient” pour leur groupe le littoral public. C’est cela qui est inadmissible.La république ne va pas passer son temps à discuter du sexe des anges, elle doit en revanche faire respecter l’égalité de chacun devant la loi.]
Plus que l’égalité, il s’agit ici du respect de l’ordre public, c’est-à-dire, de l’ensemble des rapports qui permettent à chacun de nous d’exercer nos droits. L’ordre public, c’est aussi une forme de sociabilité qu’il est absolument indispensable de protéger. Il ne faut pas permettre à un groupe donné de proclamer symboliquement son refus d’entrer en rapport avec les autres.
[On peut ne pas apprécier le “Con d’Irène” mais pourquoi ne plus jamais parler d’Aragon, jamais? Un médiocre écrivain que celui des “voyageurs de l’impériale”? Celui des “yeux d’Elsa”? On ne peut plus dire son nom.]
Pardon. Je ne pense pas m’être privé de parler ici d’Aragon, ou même de le citer. C’est pour moi le plus grand poète français du XXème siècle, et l’un des plus grands de l’histoire de notre langue. C’est aussi un romancier extraordinaire, même si je dois dire que je connais moins son œuvre romanesque. Je n’ai pas particulièrement apprécié « Le Con d’Irene », texte dont les pervers polymorphes comme Sollers ont fait tout un plat sur le mode « vous voyez bien que Aragon n’était pas un vrai stalinien !». Aragon non plus ne devait pas beaucoup l’apprécier, puisqu’il n’a pas songé à le publier sous son nom de son vivant.
Cher Descartes,
Je ne vous visais pas du tout mais le ton, les références de certains commentaires qui reprennent parfois les poncifs “du monde des Livres et de certaines émissions de France Culture sous prétexte de défendre La Littérature .
Quant à la laïcité je pense être sur la même ligne que vous: ce n’est pas à l’Etat de décider des dogmes ni des cultes mais d’exiger et de maintenir l’ordre public.
“Ah… pleurons ces patrons qui vont devoir faire de si longues heures pour avoir un salaire décent… “
ll n’y a pas plus à pleurer sur le sort des fonctionnaires qui savent très bien qu’en intégrant la fonction publique, au niveau salaire, ce ne sera pas la joie et au niveau progression de carrière, ce sera le parcours du combattant (un peu moins pour les catégories A), sauf pour ceux qui savent y faire (pour rester soft) et en général un catégorie B ou un C, n’aura que très peu de marge de manoeuvre pour bénéficier de promotions.
Sauf, si il a la chance de travailler en étroite collaboration avec un supérieur hiérarchique direct, ayant pour soucis la progression de carrière de son collaborateur, alors tout ira un peu mieux pour lui et encore !!!
Alors oui il y a des gens très biens dans la fonction publique, de très compétents (tout niveaux confondus), qui mettent même leur santé en péril parce que vu le contexte actuel, ce n’est pas plus facile pour un A que pour ses collaborateurs B ou C de sortir la tête de l’eau !
Et oui, bien souvent des C font le boulot ou une partie du boulot des B (l’encadrement n’étant pas pas une nécessité à ce niveau de responsabilité) sans le salaire qui va avec ! Et peut être même que la promotion de corps, tant attendue au bout de 20/25 ans de bons et loyaux services et souhaitée ardemment par le supérieur hiérarchique, ils ne l’auront jamais, malgré les avis très favorables et bien argumentés, mentionnés dans les entretiens annuels de notation.
Je connais aussi des gens qui ont monté leur boite, qui travaillent seuls, pas les moyens d’embaucher quelqu’un et qui ont le mérite d’avoir tenté s’en sortir par eux-mêmes, suite à la perte de leur emploi et qui ne nagent pas dans l’opulence, malgré une cadence infernale et qui au final perdent plus qu’ils ne gagnent à cause de cette plaie que constitue le RSI !
Donc il n’y a pas plus à encenser ou à pleurer sur le sort du fonctionnaire que sur celui du petit patron (les gros ne jouent pas dans la même cour).
Et le statut de patron, dans le cas d’un gus qui tient sa boite tout seul comme un grand, qui n’exploite personne, donc n’est pas moins utile à la société, bien au contraire, quand d’autant plus, sa situation lui permet de donner du boulot à d’autres, qui ont bien besoin de bosser pour vivre !
Ah c’est sûr, si le pognon tombait tout cuit dans le gosier, combien serions-nous à ne pas préférer vaquer à nos propres occupations, à prendre plaisir à se réaliser au travers ses passions, souvent mises en sourdine, faute de temps libre pour s’y consacrer et de n’avoir pas pris le bon tournant dans sa vie ! et que bon il faut bien payer les factures, qui elles, ne cesseront jamais de tomber et d’être de plus en plus lourdes !
Alors le revenu universel, de la naissance à la mort, de plus en plus évoqué, même chez les gens de droite , une utopie ou nouvel agencement de la société ?
Puisque de toute façon, la vérité est qu’il y aura de moins en moins de boulot pour les moins diplômés ! être ingénieur n’est pas permis à tout le monde et combien même le paquet était mis pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès aux hautes études, qui s’occupera des tâches dites subalternes ?
Alors j’ai encore été longue, je m’en excuse par avance mais quand j’ai envie de m’exprimer sur un sujet donné, je le fais à fond, et si ce sont là les seuls reproches que l’on peut me faire…
@ âme sensible
[Il n’y a pas plus à pleurer sur le sort des fonctionnaires qui savent très bien qu’en intégrant la fonction publique, au niveau salaire, ce ne sera pas la joie et au niveau progression de carrière, ce sera le parcours du combattant (un peu moins pour les catégories A), sauf pour ceux qui savent y faire (pour rester soft) et en général un catégorie B ou un C, n’aura que très peu de marge de manoeuvre pour bénéficier de promotions.]
Je ne comprends pas très bien pourquoi il ne faudrait pas « pleurer sur le sort » de gens pour qui « au niveau salaire ce ne sera pas la joie » et au niveau carrière « ce sera le parcours du combattant ». Faudrait vous décider.
[Donc il n’y a pas plus à encenser ou à pleurer sur le sort du fonctionnaire que sur celui du petit patron (les gros ne jouent pas dans la même cour).]
A ma connaissance, les petits patrons ont un niveau de vie bien meilleur que les fonctionnaires. La meilleure preuve en est qu’on voit pas mal de fonctionnaires quitter la fonction publique pour créer une entreprise, alors qu’on ne voit pas les petits patrons faire la queue pour passer les concours administratifs…
[Et le statut de patron, dans le cas d’un gus qui tient sa boite tout seul comme un grand, qui n’exploite personne, donc n’est pas moins utile à la société, bien au contraire,]
Je ne vois pas très bien quel est le mérite du petit patron de « tenir sa boite seul comme un grand ». Pensez-vous qu’un instituteur ou un professeur « tient sa classe » accompagné ? Que le policier qui arrête un voyou a quelqu’un pour lui tenir la main ? Qu’un préfet ne tient « tout seul comme un grand » sa préfecture ? Je trouve cette glorification du « petit patron seul maître à bord » assez symptomatique de l’hyper-individualisme de notre société. On peut admirer le capitaine « seul maître après dieu » de son navire, mais ce sont les rameurs qui le font avancer. D’ailleurs, le petit patron a toujours le choix de redevenir salarié, si sa condition de petit patron est trop dure. Curieusement, ils ne sont pas très nombreux à vouloir le faire…
[quand d’autant plus, sa situation lui permet de donner du boulot à d’autres, qui ont bien besoin de bosser pour vivre !]
Ah, quelle générosité… mais dites… quand il « donne du boulot aux autres », le fait-il par pure générosité ? Ne retire-t-il pas un petit profit de leur travail, au passage ?