Terreur sur la bienpensance…

En politique, souvent tout est question de leitmotiv. On peut discuter à perte de vue pour savoir si les médias ont le pouvoir de former l’opinion ou s’ils se contentent – marché oblige – de la suivre. Mais il est incontestable qu’ils ont la capacité d’imposer les termes dans lesquels les débats sont formulés. Et à l’heure de lancer une campagne, rien ne vaut la bonne vieille polarisation manichéenne. Aujourd’hui, le choix est « Macron ou Orban », ou pour le formaliser sans personnaliser, « progressistes contre nationalistes ».

Ceux qui ont l’habitude de lire les journaux et magazines de référence des « classes moyennes » bienpensantes que sont Le Monde, Libération ou L’Obs n’ont pas pu manquer de remarquer le déferlement de pages faussement interrogatives sur le mode « comment est-ce possible que les populistes aient le vent en poupe » et, pour les plus cathos, « qu’avons-nous fait pour qu’il en soit ainsi », tant il est vrai que la confession permet d’espérer l’absolution…

Les récentes manifestations à Chemnitz et Khöten ont d’ailleurs singulièrement relancé le débat. Dans ces deux villes, la mort de deux jeunes allemands après agression par des migrants a mis le feu aux poudres. Des manifestations massives ont eu lieu contre la politique migratoire de Merkel – et d’une manière générale, contre son gouvernement. Elément notable, à côté des habituels groupuscules néo-nazis ou d’extrême droite, on a vu manifester beaucoup de simples citoyens, dont la motivation est moins une idéologie que l’exaspération devant un cadre de vie qui se dégrade. Ces événements arrivent dans un contexte où les mouvements populistes, en général de droite, avancent dans l’ensemble des pays européens, mais aussi en dehors de l’Europe. Il n’en faut pas plus pour qu’on cherche un diagnostic général qui réunisse tous ces phénomènes.

Le diagnostic est toujours le même : des peuples ignorants – pas comme nous, en somme – se voient menacés dans leur identités par un afflux de migrants, et du coup se laissent séduire par les sirènes des mouvements xénophobes ou racistes. Avec à la clé une conclusion assez explicite : puisque les peuples sont si faciles de tromper, il est indispensable de leur enlever la souveraineté pour la confier aux gens qui savent ce qui est bon pour eux. Dernier exemple : la maintenant célébrissime tribune publiée par le New York Times dans laquelle un fonctionnaire – prudemment anonyme – de la Maison Blanche salue l’attitude des hauts fonctionnaires américains qui courageusement sabotent dans les coulisses le président Trump. Qu’une telle tribune ait été saluée presque unanimement par l’establishment démocrate mais aussi par les bienpensants dans l’ensemble du « monde libre » laisse songeur. N’est-ce pas un postulat dans toute organisation démocratique que l’élu du peuple doit pouvoir exercer la plénitude des pouvoirs qui lui ont été délégués ? Que c’est aux élus du peuple et non aux fonctionnaires de décider ce qui est bon et ce qui est mauvais pour le pays ? Doit on comprendre que ces principes démocratiques ne doivent s’imposer que si le peuple a le bon goût d’élire une personnalité acceptable pour les « classes moyennes » bienpensantes ?

L’analyse qui lie l’ignorance et la bêtise des peuples au triomphe des « populistes » est un grand classique lorsqu’il s’agit de délégitimer le choix des peuples, première étape dans le raisonnement idéologique qui conduit à leur mise sous tutelle. Ce que nous disent les partisans de cette analyse, c’est que les peuples sont mineurs, et par conséquence leur choix exprimé par le vote n’a aucune légitimité particulière. Comme des enfants, ils peuvent faire des bêtises et dans ce cas il incombe aux adultes – c’est-à-dire aux « classes moyennes » bienpensantes – de corriger le tir. D’ailleurs, l’analyse qui nous est proposée ne doit rien aux faits : lorsque Merkel parle des « ratonnades » qui auraient eu lieu dans les villes de Chemnitz et Köthen et que son chef du renseignement intérieur met en doute la réalité de ces faits, elle répond à la tribune du Bundestag : « le débat conceptuel sur le fait de savoir s’il y a eu des expressions de haine ou des chasses à l’homme motivées par la haine ne nous sont d’aucun secours ». En d’autres termes, non seulement pour elle, le débat pour établir la matérialité d’un fait sur lequel on fonde une analyse n’a pas d’intérêt. Ce qui revient à dire que les faits sont établis non par l’observation du réel, mais par décision « conceptuelle ».

Il faut analyser correctement les origines de la montée des populismes, qui n’a rien à voir avec une quelconque ignorance ou bêtise des peuples. Après tout, pourrait-on dire aux bienpensants, ce sont ces mêmes peuples qui ont ratifié le traité de Maastricht. Etaient-ils bêtes et ignorants alors ? Ou le sont-ils devenus depuis ? Non, bien sûr. Si les peuples penchent aujourd’hui vers le populisme, si l’on voit à Köthen ou à Chemnitz des paisibles retraités, des instituteurs, des ouvriers, des employés, des femmes au foyer manifester à côté des groupuscules marginaux d’extrême droite, si Marine Le Pen a pu réunir le tiers des électeurs en puisant sur le réservoir électoral du nord et l’est de la France, ce n’est pas par ignorance ou par bêtise, mais parce que l’expérience de ces trente dernières années leur a enseigné qu’ils n’ont plus rien à attendre des partis traditionnels, gauche et droite confondue, devenus des écuries électorales dont le seul but est d’exercer alternativement le pouvoir pour faire les mêmes politiques, celles qui servent les intérêts du block dominant constitué par la bourgeoisie et les « classes moyennes ».

L’exemple allemand est particulièrement intéressant parce qu’il montre que le populisme de droite séduit d’abord les régions les plus pauvres, les oubliées de la mondialisation, celles dont l’identité a été le plus piétinée. C’est que la racine du mal se trouve dans la révolution néo-libérale des années 1980, portée – et ce n’est pas une coïncidence – par la génération qui a fait mai 1968. Qu’il me soit permis à ce propos d’évoquer une expérience personnelle. Je suis entré dans la vie active à la fin des années 1980. Depuis, j’ai changé de nombreuses fois de poste, exerçant mes fonctions autant dans des entreprises – publiques, il est vrai – que dans des administrations ou des organismes de recherche, changeant plusieurs fois de discipline. C’est dire si j’en ai vu du pays. Mais toutes mes expériences ont un point en commun : partout, il s’agissait de supprimer des postes, de réduire les budgets, de fermer des installations, d’arrêter des programmes. Pas une seule fois je n’ai eu la satisfaction de voir s’ouvrir une nouvelle usine, de voir des recrutements massifs pour un nouveau projet. J’ai dû me contenter des histoires d’anciens qui racontaient comment des programmes et des installations – ceux-là même qu’il fallait raboter ou fermer – avaient été mis en place.  D’autres personnes, qui auront travaillé dans d’autres domaines auront certainement eu une autre expérience, car on a ouvert quelques usines, quelques laboratoires en France ces trente dernières années. Mais si je vous parle de la mienne, c’est parce que je pense qu’elle a été partagée par beaucoup de nos concitoyens. Par les ingénieurs qui ont vu le pays se désindustrialiser devant leurs yeux, par les enseignants qui ont vu l’enseignement saccagé par des apprentis sorciers au jargon incompréhensible, par des médecins et infirmiers qui ont vu l’hôpital public se dégrader, par les ouvriers et employés qui ont vu des régions entières sinistrées.

Vous me direz que c’est le propre du vieux monde que de mourir, et c’est vrai. Les usines qui fabriquaient des lampes à huile et des bateaux à voile sont depuis longtemps fermées. Mais leur fermeture a été accompagnée de la construction d’usines modernes pour fabriquer des lampes électriques et des transatlantiques à vapeur. Elles sont mortes pour laisser la place à des moyens plus modernes de satisfaire les mêmes besoins, avec à la clé une augmentation de la productivité dont les fruits étaient partagés. Avec la révolution néolibérale, ces activités meurent pour laisser la place à un vide – ou à des entrepôts ou l’on distribue les biens venus d’ailleurs et fabriqués par une main d’œuvre à moindre coût. Et plus question de partager les fruits du progrès avec la main d’œuvre. Pourquoi le capital partagerait-il, alors qu’il dispose d’un réservoir de main d’œuvre quasi-illimité prêt à travailler pour des clopinettes, et qui ne représente plus aucune menace politique ?

Car c’est là un aspect souvent oublié. Si le capital a partagé avec le travail les fruits du progrès, ce n’est pas par générosité ou grandeur d’âme. C’est parce qu’il avait besoin d’une main d’œuvre que les frontières nationales limitaient le réservoir, mais c’est aussi parce que ces travailleurs étaient organisés, qu’ils avaient des relais politiques, et surtout qu’ils avaient une alternative réelle à proposer, celle du communisme. Ce n’est pas par hasard si la révolution néolibérale commence en Europe occidentale par une période néo-maccarthyste, dont la campagne des troupes mitterrandiennes contre le PCF est peut-être la meilleure illustration. La chute du mur et la disparition dans l’opprobre du « socialisme réel » finira de priver les couches populaires de toute représentation d’une alternative politique. La lutte des classes avait eu lieu, et la bourgeoisie avait gagné (Warren Buffet). L’histoire était finie (Francis Fukuyama) et le libéralisme allait régner pour les siècles des siècles. Il ne restait plus aux couches populaires qu’à se résigner à leur sort. Et à espérer que la bourgeoisie et les « classes moyennes », dans leur grande bonté, feraient quelque chose pour elles.

Pour les couches populaires, les trente dernières années sont marquées par un appauvrissement lent mais soutenu. Un appauvrissement relativement modéré en termes de revenu direct, mais qui se manifeste surtout dans les services collectifs et dans les éléments immatériels du niveau de vie. Il est difficile de mettre un prix sur la sécurité de l’emploi, sur le statut social dérivé d’une profession, sur la sécurité dans les lieux publics, sur le fait de vivre avec des gens avec qui on partage une sociabilité et qui comprennent ce que vous dites. Et qu’ont fait pendant ce temps les bienpensants, tous ces gens « raisonnables », tous ces « progressistes » de droite comme de gauche ? En France, ils ont commencé par taper à poings fermés sur les institutions – partis communistes, syndicats combatifs – qui représentaient politiquement et encadraient ces couches sociales (1). Ensuite, ils ont glané leurs voix avec des promesses de « changer la vie », de « construire une Europe sociale » et autres qui ne se sont jamais réalisées. Et pour finir, ils ont tenu le discours culpabilisant de « la France est en faillite », « les Français vivent au-dessus de leurs moyens » tout en préservant les gains et privilèges des « premiers de cordée ».

C’est dans ce contexte qu’arrive la crise des migrants. Et là encore quel est le discours des bonnes âmes ? Il faut accueillir largement, nous sommes riches, nous pouvons nous serrer un peu pour faire de la place aux nouveaux arrivants. Seulement, les membres des couches populaires savent très bien que lorsque les bienpensants parlent de « se serrer », c’est à eux qu’on demandera de faire de la place. Ce n’est pas dans les quartiers bourgeois qu’on trouvera les réfugiés, mais dans les logements sociaux ou vivent les plus modestes et qui ne sont déjà pas suffisants pour loger leurs enfants, au cœur des banlieues déjà devenues pour certaines des zones de non droit ou du moins de non droit français. Ce n’est pas dans les écoles du 7ème arrondissement de Paris, dans les lycées classiques de centre-ville qu’on trouvera les enfants des nouveaux arrivants, mais dans les écoles et les lycées fréquentés par les couches modestes, ou ils contribueront à consommer des ressources déjà insuffisantes pour permettre la réussite de leurs enfants. Ce ne sont pas sur les emplois d’avocat ou de conseiller en communication que les nouveaux venus entreront en concurrence avec les natifs, avec les effets prévisibles sur les salaires, mais sur ceux d’ouvrier du bâtiment, de femme de ménage, de plongeur. Comment dans ces conditions s’étonner qu’il y ait chez les couches populaires le « rejet de l’étranger », quand cet « étranger » est l’annonciateur d’une dégradation directe de vos conditions d’emploi, de votre cadre de vie, des chances de votre enfant ?

Attribuer les réactions comme celles des manifestants de Chemnitz ou Köthen à la noirceur de l’âme humaine, à une sorte de « racisme immanent » est très commode. Cela permet de se donner le bon rôle en déclarant ces manifestations « inacceptables » et « condamnables ». Mais cela n’aide ni à comprendre le pourquoi de ces réactions qu’on qualifie un peu trop rapidement de xénophobes, ni surtout de combattre la xénophobie, si tant est que ce soit le mot juste.

 

Pour ne parler que de la France, il faut rappeler la capacité d’assimilation que notre pays à largement démontrée par le passé. Pensez à l’assimilation « intérieure », qui en à peine deux générations à fait de millions de paysans patoisants des citoyens français, parlant français à la maison et satisfaits de voir l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui. Où à l’assimilation des milliers de travailleurs espagnols, italiens ou polonais, eux aussi devenus français en à peine une génération. Pensez enfin aux travailleurs immigrés venus dans les années 1960 et dont les enfants sont aujourd’hui ministres, préfets, hauts cadres de la fonction publique ou privée. Ces vagues ont toutes quelque chose en commun : elles se sont bien assimilées lorsque la société française état conquérante, lorsqu’elle voyait son avenir dans une logique de croissance et de progrès. Mais aussi, lorsque la bourgeoisie et les « classes moyennes » étaient prêtes à payer le prix. Au contraire, lors des périodes de crise affectant le niveau de vie et les perspectives des classes populaires – par exemple, dans les années 1930 – les nouveaux arrivants étaient perçus comme une menace, et l’assimilation était plus difficile.

L’arrivée des migrants poserait un problème politique mineur dans une période d’expansion du niveau de vie des couches populaires. Dans une période de contraction – qui pour les couches populaires dure depuis presque trente ans – elle ne peut que provoquer le rejet. Un rejet que beaucoup d’électeurs manifestent en votant pour ceux qui ont pour seule vertu celle de n’avoir jamais été associés au pouvoir. Et qui souvent leur proposent des solutions simplistes peut-être, mais plus attractives que les appels à continuer des souffrir avec patience en attendant le jour radieux ou « l’Europe sociale » adviendra finalement.

On remarquera d’ailleurs que le refus des migrants par les « classes moyennes » et la bourgeoisie est tout aussi ferme que celui des couches populaires, même s’il prend une forme très différente. Les couches populaires refusent de partager leur espace, les « classes moyennes » et la bourgeoisie refusent de partager leur argent. Tiens, avez-vu passer une pétition de ces couches demandant à payer plus d’impôts – ou renonçant aux réductions d’impôts en cours – pour permettre à l’Etat d’accueillir dignement ces migrants ? Non ? Comme c’est étrange… alors que dans les journaux qui les représentent l’accueil est présenté comme un devoir sacré. Sacré oui, à condition de le faire payer par quelqu’un d’autre.

Les fruits « populistes » sont des fruits empoisonnés. Mais l’arbre qui les produit a été planté et arrosé par ceux-là mêmes qui aujourd’hui prétendent dans leurs jérémiades dissuader les autres de les manger. Comme disait l’inoubliable Thierry Le Luron imitant à Mitterrand lorsqu’on lui demandait ce qu’il avait à dire à ses électeurs qui se sentaient trahis après le « tournant de la rigueur », « je leur dirait… qu’ils n’avaient qu’à réfléchir avant ! ».

 

Descartes

 

(1) C’est cela qui explique pourquoi les couches populaires se tournent aujourd’hui vers les populismes « de droite » plutôt que ceux venus de la gauche. Après avoir martelé pendant trente ans les anathèmes contre les partis ouvriers, après avoir trahi systématiquement les promesses de changement, la gauche a du mal à être crédible. Le discours européen de Mélenchon, qui parle aujourd’hui de sortir des traités qu’il a lui-même appelé à ratifier est un bon exemple.

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106 réponses à Terreur sur la bienpensance…

  1. Sauf que le FN est loin d’avoir toujours eu un discours anti-Europe. Jean-Marie Le Pen prônait la construction d’une Europe politique…
    (https://www.liberation.fr/france/2016/06/25/quand-le-front-national-etait-pro-europeen_1461803)

    Quant à Mélenchon, que Descartes déteste royalement, il faisait en mars 1996 son méa coulpa (sous parti était au Gouvernement, et sa copine Lienneman aussi…) avec le texte : “Maastricht, c’est fini !”.

    Aujourd’hui, les électeurs ont une alternative face à Macron (le PS et LR n’en sont pas réellement…) : le populisme de gauche, incarné par La France insoumise, et celui de droite, du FN-RN. Pour l’instant, celui de droite était en tête… Qui sait ce qu’il en sera demain…

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann
      [Sauf que le FN est loin d’avoir toujours eu un discours anti-Europe. Jean-Marie Le Pen prônait la construction d’une Europe politique…]

      Etre « pro-Europe » ou « anti-Europe », cela ne veut rien dire. Tout dépend de quelle Europe on parle. Personnellement, je ne suis ni anti-Europe ni pro-Europe. Je suis opposé à toute institution supranationale. Si on me propose une construction européenne qui n’empiète pas sur la souveraineté des nations, alors je suis tout à fait prêt à examiner la proposition. Si on me propose une construction supranationale, alors ce sera non. Parce que pour moi, le seul lieu possible de la démocratie et de la politique tout court, c’est le cadre national. Une Europe supranationale sera nécessairement a-politique et a-democratique.

      Ce qui me gêne chez Mélenchon, ce n’est pas qu’il soit « pro-Europe » (même s’il s’agit d’une « autre Europe »). Ce qui me gêne, c’est qu’il soit, toujours et encore, partisan d’une construction européenne supranationale. C’est à ce niveau-là que se situe le désaccord.

      [Quant à Mélenchon, que Descartes déteste royalement,]

      En bon républicain, je suis incapable de détester « royalement ». Non, je ne « déteste » pas Mélenchon. J’ai eu l’honneur de le connaître personnellement par l’intermédiaire d’amis communs, et je l’ai toujours trouvé très attachant. Mais lorsque je regarde sa trajectoire politique, je ne peux que constater que tous les groupes dont il a été le leader ont toujours fonctionné comme des sectes, avec un gourou en haut – lui-même – et des adeptes en bas dont le seul droit est d’admirer le chef et d’obéir sans discuter. Car aujourd’hui à LFI – comme hier au PG et avant-hier à la « gauche socialiste » – il n’y a qu’une idée, c’est celle du Chef. Pour l’avoir oublié, Djorje Kuzmanovic vient d’être excommunié et rejoint ainsi la longue liste des « caciques aigris »…

      [(…) il faisait en mars 1996 son méa culpa (son parti était au Gouvernement, et sa copine Lienneman aussi…) avec le texte : “Maastricht, c’est fini !”.]

      Je n’ai pas retrouvé le texte, mais je ne me souviens pas qu’il contienne le moindre « mea culpa », c’est-à-dire, une admission de sa propre responsabilité dans le désastre. Car écrire que Maastricht est un mauvais traité c’est une chose, admettre qu’on en porte la responsabilité c’en est une autre. Par ailleurs, vous faites erreur sur les dates : au moment ou Mélenchon écrit son texte, son parti est dans l’opposition : il n’accédera au gouvernement qu’un an plus tard, lors de la dissolution – imprévisible – de mai 1997. Il est par ailleurs amusant de noter que Mélenchon découvre que Maastricht est un mauvais traité à peine un mois après la mort de François Mitterrand. Une coïncidence, sans doute…

      [Aujourd’hui, les électeurs ont une alternative face à Macron (le PS et LR n’en sont pas réellement…) : le populisme de gauche, incarné par La France insoumise, et celui de droite, du FN-RN. Pour l’instant, celui de droite était en tête… Qui sait ce qu’il en sera demain…]

      On verra… Comme je vous l’ai dit plus haut, pour moi la véritable question est celle du cadre national versus les institutions supranationales. Et de ce point de vue, je doute que LFI soit très différente de Macron. Par ailleurs, j’ai du mal à voir le duo d’apparatchiks Bompard/Girard s’imposer dans un scrutin de liste national. C’est d’ailleurs probablement ce qu’avait en tête Mélenchon lorsqu’il a choisi de les mettre en avant. Toujours la même stratégie : ne pas permettre qu’apparaisse une figure capable de lui faire de l’ombre…

    • Zeugma dit :

      Bonjour Descartes,

      Que pensez-vous de Ruffin ?

    • Descartes dit :

      @ Zeugma

      [Que pensez-vous de Ruffin ?]

      Pas grande chose, à vrai dire. Je ne le connais pas vraiment, je n’ai pas lu grande chose de lui. Il me rappelle beaucoup Cohn-Bendit quadragénaire: un contestataire, un rebelle… mais dans les termes acceptables pour les bienpensants. Peut-être un peu trop anti-Euro pour eux, mais bon, nobody is perfect.

  2. luc dit :

    Une fois de plus,vous écrivez un texte pertinent,sur un sujet qui pique,qui dérange l’utilisation abusive du terme,populiste.
    Depuis que l’UE développe ses méfaits,toutes critiques à son encontre est taxéede ‘populiste’.
    Pourquoi,mystère apparent,mais la ficelle est grosse ,il s’agit de discréditer les UE sceptiques.
    Dans les années 60,70,80,les Lepenistes étaient fréquemment traités de fascistes voire de poujadistes.Puis un jour vint le mot populiste,qui fut aussi appliqué plus tard à Fillipot,Dupont-Aignan,Lordon,Sapir,Ruffin,Todd et maintenant Mélenchon.
    Comment expliquez vous que la direction du PCF aussi utilise ce terme pour en interne disqualifier ceux qui demandent des comptes dans le cadre du congrès?
    N’est ce pas une formule magique ,pour un responsable politique que de disqualifier toute critique à son égard,comme étant populiste?
    Pourquoi ce terme de populiste immunise à bon compte tout politicien,phobique à l’autocritique?
    Quelle est la dimension qui m’échappe,lorsqu’au contraire,des intervenants de votre blog,le terme populiste,me semble attrayant car dérivant du mot populaire,alors que tout snobisme m’orripile ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Depuis que l’UE développe ses méfaits, toutes critiques à son encontre est taxée de ‘populiste’.
      Pourquoi, mystère apparent,]

      Aucun « mystère » là-dedans. Il ne faut pas oublier d’où vient l’Union européenne. Les « pères de l’Europe » étaient profondément méfiants envers l’intervention du peuple dans les affaires. Dès le départ, la construction européenne orchestrée par Jean Monnet consiste à enlever les compétences aux élus du peuple pour les confier à des organismes administratifs. Il est donc parfaitement normal que toute tentative de s’opposer à cette confiscation, et donc à conserver au peuple et ses élus le pouvoir de décision, soit qualifié de « populiste ».

      [Comment expliquez-vous que la direction du PCF aussi utilise ce terme pour en interne disqualifier ceux qui demandent des comptes dans le cadre du congrès?]

      Regardez combien de membres de la direction actuelle du PCF ont une expérience de travail dans la production, et vous aurez la réponse. Le PCF est devenu un parti des « classes moyennes » et, ce qui peut sembler paradoxal, ses dirigeants et ses militants se méfient du « peuple ». Bien sûr, on parle en permanence de « donner le pouvoir au peuple », mais par derrière on le craint. Car le « peuple », ce sont des beaufs. Ils n’aiment pas trop les immigrés, ils ne sont pas chauds sur le mariage homo, ils veulent pour leurs enfants une école où l’on apprend à lire, écrire et compter. Comme disait Brecht, le PCF voudrait dissoudre le peuple et en élire un autre.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      [ Les « pères de l’Europe » étaient profondément méfiants envers l’intervention du peuple dans les affaires.]

      À leur décharge, ne faut-il pas considérer qu’ils venaient de vivre un épisode où le peuple allemand n’avait pas, pour le moins, fait preuve de beaucoup de clairvoyance.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [À leur décharge, ne faut-il pas considérer qu’ils venaient de vivre un épisode où le peuple allemand n’avait pas, pour le moins, fait preuve de beaucoup de clairvoyance.]

      Le peuple allemand s’est montré fort clairvoyant dans les urnes, au contraire. Il n’a jamais donné aux nazis une majorité, et c’est seulement une alliance avec la droite claissique qui permet à Hitler d’accéder au pouvoir. Après 1933, l’Allemagne est gouvernée par des bureaucrates, sans la moindre intervention des élus du peuple, et sans participation du peuple lui-même.

      Si les pères de l’Europe ont cherché à enlever le pouvoir aux politiques, c’est moins influencés par le souvenir du nazisme que par l’arrivée au pouvoir après la guerre de gouvernements progressistes portant des mesures comme la nationalisation des industries stratégiques, des infrastructures, du crédit, ou la création de la sécurité sociale…

  3. olivier maleysson dit :

    J’ai un peu de mal à saisir ce que vous entendez par “classes moyennes. Vous ne semblez pas utiliser ce terme dans l’acception commune. Si l’on s’en tient à cette dernière, les classes moyennes (employés, cadres moyens ou moyens supérieurs, fonctionnaires de rang A, voire B, professions libérales) se sentent tout aussi menacées que les classes dites populaires, dans leur prospérité, leur sécurité, leur identité. Et elles commencent à le manifester dans les urnes.

    • Descartes dit :

      @ olivier maleysson

      [J’ai un peu de mal à saisir ce que vous entendez par « classes moyennes ». Vous ne semblez pas utiliser ce terme dans l’acception commune.]

      Tout à fait. C’est pourquoi je mets l’expression « classes moyennes » entre guillemets. Mon problème est que le cadre de réflexion marxiste classique a défini deux classes, la bourgeoisie qui possède le capital et extrait la plusvalue du travail des prolétaires, et le prolétariat qui vend sa force de travail pour un prix inférieur à la valeur qu’il produit, et donc fournit de la plusvalue. Mais ce modèle, adapté au cadre de la production au XIXème siècle, laisse de côté une frange devenue très importante. Cette frange détient un capital – matériel et immatériel – suffisamment important pour avoir le pouvoir de négociation qui lui permet de récupérer la valeur qu’il produit, mais insuffisant pour pouvoir extraire une plusvalue significative du travail d’autrui. C’est ce groupe-là que j’appelle « classes moyennes ».

      Ma définition, vous le constatez, n’est pas caractérisé par une fourchette de revenu, mais par sa position dans le mode de production. C’est donc une « classe » au sens marxiste du terme, et on peut donc utiliser les outils d’analyse marxistes pour comprendre sa dynamique.

      Les « clases moyennes » ainsi définies ne recoupent pas les classes moyennes définies par le revenu ou la sociologie. Elles peuvent inclure des ouvriers hautement spécialisés, détenant une compétence rare, et exclure des ingénieurs spécialisés dans des domaines en perte de vitesse, dont le pouvoir de négociation est nul.

  4. xc dit :

    Un témoignage dans votre sens à propos de Chemnitz: https://www.causeur.fr/chemnit-nazis-migrants-allemagne-est-154534

    Une remarque, si vous permettez: “Ce n’est pas dans les quartiers bourgeois qu’on trouvera les réfugiés” Si, comme personnel de maison à bon marché.

    Nous traînons chômage de masse et insuffisance de logements depuis des décennies. Il faut enseigner aux immigrants notre langue et nos us et coutumes, alors que plus de 100000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. J’en oublie certainement. Mais ces problèmes n’en sont plus s’agissant d’accueillir les migrants.

  5. Vincent dit :

    > Ce que nous disent les partisans de cette analyse, c’est que les peuples sont mineurs, et par conséquence leur
    > choix exprimé par le vote n’a aucune légitimité particulière. Comme des enfants, ils peuvent faire des bêtises
    > et dans ce cas il incombe aux adultes – c’est-à-dire aux « classes moyennes » bienpensantes – de corriger le tir

    Comme toujours, vous tapez en plein dans le mille.

    J’ai été effaré par deux éléments récemment :
    – lors de la dernière campagne présidentielle (mais ça existait aussi par le passé), la grosse campagne de publicité subventionnée par de nombreuses collectivités locales sur le thème “Allez voter ! Peu importe pour qui, mais allez voter !”
    ==> Ca me choque : pour pouvoir voter, il faut être suffisamment instruit sur la chose publique, et sur les enjeux de l’élection. Ceux qui refusent de voter car ils se considèrent insuffisamment instruit sont à mon sens infiniment plus citoyens que ceux qui vont voter sur des critères non politiques (du genre : il passe bien à la télé, sa femme a l’air sympa, etc.)

    – Plus récemment, cet été Macron a annoncé que toutes les personnes sous tutelles pourront voter. Pour mémoire une personne sous tutelle est une personne majeure, dont on considère qu’elle n’est pas capable de s’assumer personnellement, et à qui on confie à une tutelle le rôle de décider ce qui est bon pour elle, un peu comme avec un mineur. Il y a un peu moins de 400 000 personnes sous tutelle en France, et entre 2/3 et 3/4 avaient déjà le droit de vote. Il s’agit donc de donner le droit de vote à des personnes fortement handicappées mentalement…
    ==> Là encore, ça me choque. Cela revient à dire que n’importe qui peut voter sans avoir besoin d’aucune éducation, d’aucune culture politique, capacité de raisonnement, etc.

    Tout le monde a l’air de se féliciter de ces campagnes de promotion du vote, ou de la fin d’une discrimination contre les handicappés. Mais moi, je vois cela comme une réduction de l’importance accordée au vote, sur le principe : “vous pouvez voter si ça vous amuse, de toute façon, c’est pas grave…”

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Mais moi, je vois cela comme une réduction de l’importance accordée au vote, sur le principe : “vous pouvez voter si ça vous amuse, de toute façon, c’est pas grave…”]

      Vous avez tout à fait raison. On est passé d’une symbolique ou le vote était une chose sérieuse, tellement sérieuse qu’il fallait faire attention avant de l’accorder à tel ou tel groupe. Il n’y a qu’à se souvenir des débats passionnés sur la question du suffrage universel masculin (accordé en 1848), puis sur le suffrage des femmes (1945), des militaires (1946), du double collège pour l’outre-mer (1956). Derrière ces débats il y avait l’idée que dans le vote se joue l’avenir de la nation : doit on laisser décider ceux qui ne contribuent pas aux charges publiques ? A celles qui suivent d’abord l’avis du curé ? A ceux qui portent les armes et qui sont donc astreints au devoir d’obéissance ?

      C’est après 1968 que le vote commence progressivement à se banaliser, devient une sorte de droit décoratif plus qu’un acte qui décide de la vie ou la mort de la nation. Cela commence avec le vote à 18 ans en 1974, le vote des étrangers européens (1992), celui des taulards (1994), celui des personnes sous tutelle (2007). Et à chaque fois cela s’est fait sans débat, dans une sorte d’unanimité générale comme si le fait de faire voter plus de monde était un bien en soi. Et surtout, comme si cet élargissement du corps électoral ne devait avoir aucune conséquence sur la réalité…

  6. Raskolnikov dit :

    Brillant texte. Je ne peux que partager votre avis. Que fait-on maintenant ? Je ne vois qu’une solution et c’est celle de voter pour ces partis populistes.

    • Descartes dit :

      @ Raskolnikov

      [Brillant texte. Je ne peux que partager votre avis. Que fait-on maintenant ? Je ne vois qu’une solution et c’est celle de voter pour ces partis populistes.]

      Oui et non. Voter pour ces partis n’est pas une « solution », en ce sens qu’on voit mal quels sont les problèmes que ces partis iront résoudre. Voter pour ces partis est une manière de dire au « block dominant » que nous ne somme pas contents. Pas contents avec l’affaiblissement de l’Etat, pas contents avec l’abandon des territoires, pas contents avec plein de choses. Fort bien. Mais « je ne suis pas content » ne constitue pas un projet, ni même un programme. Et lorsqu’il s’agit de parler de solutions, non seulement le discours des populistes est particulièrement faible, mais – et c’est l’une des grandes leçons de l’affaire Philippot – toute tentative de sortir de l’ambiguïté en poussant une ligne forte suscite des réactions violentes.

      Faire de la politique aujourd’hui, c’est rassembler les mécontents. C’était un peu la conclusion de mon papier : depuis trente ans, nos sociétés occidentales vivent – en tant que collectif – un recul permanent, un « toujours moins » quotidien. Cela provoque une atomisation de la société, chaque groupe comprenant fort bien qu’il ne peut défendre sa position ou l’améliorer qu’en coulant les autres. Et dans cet art, les « classes moyennes » sont passées maîtresses : ce sont elles qui depuis trente ans jettent les autres groupes au crocodile avec l’espoir d’être mangées en dernier…

      Dans cette guerre de tous contre tous, chacun a des motifs de mécontentement. C’est sur ce mécontentement que jouent les égo-politiques et les populistes. Seulement voilà, si tous ces gens sont mécontents, ils sont mécontents pour des raisons très différentes. Sortir de l’ambigüité, c’est donc s’aliéner tel ou tel groupe. C’est pourquoi ceux qui réussissent sont ceux qui savent cultiver l’ambiguïté, qui ont porté cette culture au rang d’un art. Bien sur, on ne peut pas être ambigu dans tous les domaines, cela paraîtrait suspect. Il faut donc se positionner sur quelques sujets « phares » : l’immigration si l’on veut séduire à droite, le sociétal si l’on veut séduire à gauche, l’Europe si l’on veut séduire au centre. Mais ensuite, c’est open bar.

      Mais une fois arrivés au pouvoir, que reste-t-il de tous ces discours ? Et bien, pas grande chose. On le voit bien avec Macron : après un an d’exercice du pouvoir, le gouvernement est paralysé par la peur de déplaire à telle ou telle catégorie. On hésite sur tout, de peur de perdre telle ou telle catégorie, et les rats quittent le navire presqu’aussi vite qu’ils étaient arrivés. Croyez-vous que ce serait très différent si Mélenchon ou Le Pen étaient à l’Elysée ?

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      Votre réponse à Raskolnikov me donne l’occasion d’exprimer une sorte de soulagement à votre égard. Vous êtes inclassable !
      J’ai beaucoup apprécié vos positions sur l’immigration, l’Europe, le communisme – ou plutôt les communistes – les féministes, les partis politiques et bien d’autres choses pour lesquelles votre sagacité est une leçon d’intelligence.
      À l’instar de N.E. dont j’apprécie beaucoup la sincérité et la franchise, j’hésite bien souvent à intervenir car vos réponses élaborées se traduisent finalement par un sentiment induit d’humilité, ce qui ne favorise pas souvent notre égo .
      Or, devant le vide sidéral des perspectives que nous offrent les partis de tous poils, je reprends la question de Raskolnikov : « Que fait-on maintenant ? »
      N’est-il pas temps d’examiner l’opportunité d’une « sédition » nationale concertée par l’ensemble des « gens de bonne volonté », au moyen d’une sorte de « Manifeste » projectif et programmé dans ses grandes lignes, qui pourrait rassembler des millions de soutiens. Les intellectuels qui animent des blogs ou clubs de réflexion ne peuvent-ils pas élaborer les bases d’un projet commun propre à déclencher un espoir réaliste ?
      Est-il nécessaire même d’espérer une adhésion massive pour entreprendre sa conquête ?
      Les « politiques » sont des suiveurs dites vous souvent, OK ! imposons-leur le cheminement que nous souhaitons.
      Par internet, des mouvements sont nés, probablement au delà des espérances de leurs auteurs. Et puis si nous ne faisons rien, avons-nous une légitimité pour critiquer ce qui ne nous conduit qu’à l’altération de la communauté nationale ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Votre réponse à Raskolnikov me donne l’occasion d’exprimer une sorte de soulagement à votre égard. Vous êtes inclassable !]

      Dois-je prendre ça comme un compliment ? 😉

      [À l’instar de N.E. dont j’apprécie beaucoup la sincérité et la franchise, j’hésite bien souvent à intervenir car vos réponses élaborées se traduisent finalement par un sentiment induit d’humilité, ce qui ne favorise pas souvent notre égo.]

      Je suis vraiment désolé si par inadvertance j’ai piétiné votre égo. Ce n’était pas du tout mon intention. Si je travaille mes réponses et je fais l’effort de me documenter, c’est par respect pour l’opinion des intervenants. Et croyez que vos interventions, comme celles de NE m’aident beaucoup à approfondir certains sujets. Toute discussion est une œuvre collective.

      [N’est-il pas temps d’examiner l’opportunité d’une « sédition » nationale concertée par l’ensemble des « gens de bonne volonté », au moyen d’une sorte de « Manifeste » projectif et programmé dans ses grandes lignes, qui pourrait rassembler des millions de soutiens.]

      L’ennui, c’est que ces « gens de bonne volonté », au-delà de l’intention, ont des intérêts. C’est là tout le problème : ou trouver un projet qui – même dans ses grandes lignes – puisse apparaître attractif à des « millions de soutiens » qui ont des intérêts contradictoires ? Ce qui manque aujourd’hui, c’est moins des idées mais un consensus national. Ce qui nous manque, ce sur quoi il faut éduquer les gens, c’est sur l’idée que seule une minorité a les moyens de s’en sortir toute seule. Le reste de la population ne peut améliorer sa situation que par un projet collectif, un compromis dans lequel chaque groupe cède quelque chose pour permettre de faire avancer le tout.

      Ce compromis, aujourd’hui, s’avère impossible. Chaque groupe est arquebouté sur ses problèmes et refuse toute concession, même mineure. On voit bien dans la recomposition du champ politique, avec le fractionnement des grands partis politiques en groupuscules plus ou moins intégristes et rétifs au compromis, et l’apparition des « mouvements » égo-politiques qui fonctionnent sur le mode du ralliement inconditionnel. On voue aux Gémonies les « accords d’appareil », mais au fond ce qu’on rejette c’est l’accord tout court.

      [Les intellectuels qui animent des blogs ou clubs de réflexion ne peuvent-ils pas élaborer les bases d’un projet commun propre à déclencher un espoir réaliste ?]

      Les intellectuels peuvent toujours élaborer les bases d’un projet – même si l’on peut penser qu’un tel « projet » sera d’abord fait pour servir leurs intérêts. Ce qui dépasse leurs possibilités, c’est de rendre ce projet « commun ». Le programme du CNR a été possible parce que les partis de l’époque étaient pragmatiques. Le PCF avait compris que la révolution socialiste n’était pas un objectif atteignable, et qu’il fallait plutôt viser les moyens d’améliorer la condition des prolétaires de ce côté du miroir. La droite avait compris qu’il fallait céder sur beaucoup de points pour éviter de tout perdre. C’est de ce compromis ou chacun a fait la moitié du chemin que sont sorties les « trente glorieuses ».

      Aujourd’hui, nous vivons dans un système politique fragmenté et polarisé. Chaque groupe a ses marottes, et comme ces marottes font partie de leur identité il est impossible de rentrer dans une logique de concessions mutuelles. Dans ces conditions, difficile de bâtir du commun. Les seuls qui semblent y arriver – partiellement du moins – sont les égo-politiciens, en cultivant un attachement plus personnel qu’idéologique, et en maintenant un ambiguïté fort étudiée sur leur véritable projet.

      [Est-il nécessaire même d’espérer une adhésion massive pour entreprendre sa conquête ?]

      Non. Il faut continuer à y travailler, et à y travailler même si on est persuadé que cela ne change rien dans le court terme. Si nous, qui avons eu la chance d’avoir une éducation politique et militante, ne faisons pas ce travail, que restera-t-il de cet héritage lorsque la situation sera fertile ?

      [Par internet, des mouvements sont nés, probablement au delà des espérances de leurs auteurs.]

      Comme par exemple ?

      [Et puis si nous ne faisons rien, avons-nous une légitimité pour critiquer ce qui ne nous conduit qu’à l’altération de la communauté nationale ?]

      Tout à fait. Je ne me suis jamais fait l’avocat de la passivité. Au contraire, je suis celui de « l’optimisme méthodologique »…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      [Dois-je prendre ça comme un compliment ? 😉 ]

      Absolument pas ! . . . . . mais comme un hommage.

      [Je suis vraiment désolé si par inadvertance j’ai piétiné votre égo.]

      Rassurez vous, sur votre blog, je me suis fais une raison lénitive. Il me reste, pour mon égo, le golf :-)))

      [[ . . [Par internet, des mouvements sont nés, probablement au delà des espérances de leurs auteurs.]
      Comme par exemple ? ]]

      C’est plutôt « avec Internet » qu’il fallait écrire.
      Je pensais notamment à ces mouvements spontanés – à priori – sur des sujets sociétaux, qui se répandent comme des trainées de poudre, par la puissance médiatique d’Internet. La difficulté, j’en conviens, est de déterminer – comme pour le retour d’un vaisseau spatial – l’angle de pénétration dans l’atmosphère et de choisir quelle « atmosphère » sera la pertinente, susceptible d’amorcer une vague d’opinion efficiente.

      Indépendamment de ses options politiques, il me semble que E. Macron n’a séduit – partiellement et par défaut – que des « désespérés » qui imaginaient que la nouveauté et la jeunesse étaient suffisantes pour surmonter la difficulté de mise en œuvre de réformes. Ces « désespérés » n’ayant que des convictions plus ou moins versatiles sont toujours prêt à changer de crèmerie à la première difficulté. C’est une conséquence de la précipitation dans la conquête du pouvoir.

      Comme vous le dites fort justement, les groupes ont leurs marottes qu’il est difficile, voire impossible de contrecarrer. Il n’empêche que c’est probablement par ce biais qu’il est pertinent et efficace d’agir. Et cela passe par une lente et longue démarche pédagogique à laquelle les politiques se dérobent. Ils en récoltent des fruits à la saveur douce amère de la défiance généralisée.

      Je suis personnellement persuadé que des solutions durables viendront directement du peuple qui fera entendre ses aspirations à travers de nouveaux modes d’organisation et d’expression qui sont probablement à peaufiner ou à inventer. Le filtrage des arrivistes aux dents longues est à instaurer sans pour autant exclure les individus ambitieux pour la collectivité.

      Pourquoi cela ne passerait il pas entre autres, par une sorte d’université populaire télévisée, ou « internetisée » avec une garantie de l’objectivité scientifique à minima, qui, même si elle n’est fréquentée avec assiduité que par 2% des citoyens, constituerait un vivier « énergétique » considérable.
      Car c’est, en effet, la passivité intellectuelle qui fait le lit des populistes.

      Sur un sujet pour lequel nous avons largement débattu il y a environ deux ans, consécutif à l’idée de revenu universel, il y avait là une piste à explorer qui me paraissait fondamentale dans le devenir socioéconomique de notre pays. Je constate que depuis quelques années des initiatives locales ont écloses. Leur action très utile, me paraît, cependant, bien trop marginale. Des 50 à 100 Mds que nous coute – selon les différentes interprétations – le chômage, il n’en est tiré qu’une infime part de richesse. C’est un « pognon dingue » en effet, même si la formule peut prêter à discussion dans la bouche d’un président de la République, qui n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Il y a là, c’est ma conviction profonde, un débat qui n’a pas besoin, et qui pâtirait sans doute d’une initiative venue du sommet de l’Etat.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je pensais notamment à ces mouvements spontanés – à priori – sur des sujets sociétaux, qui se répandent comme des trainées de poudre, par la puissance médiatique d’Internet.]

      Mais qu’est-ce qu’ils produisent, in fine, ces mouvements ? Si vous regardez de plus près, vous verrez que si ces mouvements se répandent comme des trainées de poudre, c’est généralement parce qu’ils exploitent les pires émotions humaines : la haine, l’envie, la peur, la jalousie, l’avidité et, ne l’oublions pas, le sentiment de culpabilité. J’avoue que je vois mal comment un mouvement fondé sur l’adhésion rationnelle pourrait surgir par ce moyen.

      [Indépendamment de ses options politiques, il me semble que E. Macron n’a séduit – partiellement et par défaut – que des « désespérés » qui imaginaient que la nouveauté et la jeunesse étaient suffisantes pour surmonter la difficulté de mise en œuvre de réformes.]

      Macron a séduit d’abord parce qu’il était « différent », et ensuite parce qu’il a donné l’impression de savoir où il allait. Il ne faut pas négliger ce dernier élément : dans un bateau à la dérive, le premier qui donne un cap en exagérant sa confiance en lui-même a de bonnes chances d’être suivi. Et après la parenthèse Hollande, qui donnait l’image d’un gouvernant incapable de se fixer une ligne et de s’y tenir, il y avait une véritable demande dans l’électorat bienpensant. Remarquez, même avec cette conjonction favorable il n’arrive pas à entraîner un électeur sur quatre au premier tour…

      [Ces « désespérés » n’ayant que des convictions plus ou moins versatiles sont toujours prêt à changer de crèmerie à la première difficulté. C’est une conséquence de la précipitation dans la conquête du pouvoir.]

      Ce que vous dites me paraît très juste, mais s’applique plutôt aux personnalités politiques qui ont rejoint Macron qu’aux électeurs de base. Macron a attiré vers lui les seconds couteaux, les aigris qui ne se sentaient pas reconnus et soutenus dans leur parti, et qui y ont vu une bonne opportunité de sauter les étapes. D’une certaine façon, c’est une « révolution des colonels » qui ont dépassé les vieux généraux. Mais cela ne marche qu’aussi longtemps que le ralliement à Macron se traduit par des postes et des promotions. Ceux qui n’ont pas eu grande chose, et qui en plus voient les nuages s’amonceler à l’horizon commencent à être tentés de partir vers des cieux plus cléments…

      [Je suis personnellement persuadé que des solutions durables viendront directement du peuple qui fera entendre ses aspirations à travers de nouveaux modes d’organisation et d’expression qui sont probablement à peaufiner ou à inventer.]

      Vous parlez du « peuple » comme un tout, qui aurait des « aspirations » propres, et réduisez donc le combat politique à la recherche d’un système qui permette au « peuple » de les exprimer. Mais ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne : le « peuple » n’est pas une catégorie politique qui aurait des intérêts et des aspirations en tant que tel. Il est composé d’individus qui ont des intérêts différents et souvent contradictoires, qui dépendent du groupe, de la classe, de la communauté, du clan auquel ils appartiennent. Imaginer que le « peuple » va « exprimer » spontanément une synthèse unifiée de ces intérêts et de ces aspirations me paraît irréaliste.

      [Le filtrage des arrivistes aux dents longues est à instaurer sans pour autant exclure les individus ambitieux pour la collectivité.]

      Alternativement, on peut imaginer un système dans lequel l’arrivisme est récompensé lorsqu’il va dans le sens de l’intérêt général, et sanctionné dans le cas contraire. Une certaine dose d’arrivisme est indispensable si l’on veut arriver quelque part.

      [Pourquoi cela ne passerait il pas entre autres, par une sorte d’université populaire télévisée, ou « internetisée » avec une garantie de l’objectivité scientifique à minima, qui, même si elle n’est fréquentée avec assiduité que par 2% des citoyens, constituerait un vivier « énergétique » considérable. Car c’est, en effet, la passivité intellectuelle qui fait le lit des populistes.]

      Toute initiative d’éducation populaire est pour moi la bienvenue. Mais croyez-vous que les gens aient envie d’entendre un discours « avec une garantie d’objectivité scientifique » lorsque ce discours ira contre leurs intérêts ? Le problème aujourd’hui n’est pas que les sources d’information « objective » manquent. C’est que personne n’a envie de les consulter. Tout le monde préfère écouter des discours qui confirment ses propres positions, qui légitiment ses propres intérêts. Je vous assure – et c’est la voix de l’expérience qui parle – qu’il faut une bonne dose d’inconscience pour expliquer dans une réunion d’écologistes que Linky est inoffensif, preuves scientifiques à l’appui.

      [Je constate que depuis quelques années des initiatives locales ont écloses. Leur action très utile, me paraît, cependant, bien trop marginale. Des 50 à 100 Mds que nous coute – selon les différentes interprétations – le chômage, il n’en est tiré qu’une infime part de richesse. C’est un « pognon dingue » en effet, même si la formule peut prêter à discussion dans la bouche d’un président de la République, qui n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Il y a là, c’est ma conviction profonde, un débat qui n’a pas besoin, et qui pâtirait sans doute d’une initiative venue du sommet de l’Etat.]

      Je n’ai pas très bien compris ce paragraphe. Pourriez-vous clarifier ?

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      [Je n’ai pas très bien compris ce paragraphe. Pourriez-vous clarifier ?]

      En effet, il arrive un peu comme un cheveu dans la soupe !
      Je souhaitais illustrer ce que pourrait être une initiative de solution durable venant de la base, c’est à dire d’un groupe d’individus conscients et soucieux de proposer une action, un projet, un programme spécifique et qui fédère un ensemble de supports afin de faire pression sur les politiques du plus haut niveau sur le sujet du chômage de longue durée.
      Afin de réintégrer des chômeurs au RSA dans la dynamique de l’emploi, des entreprises d’insertion, de forme associative en général, proposent des emplois à ces chômeurs dans un cadre économique hors du champ concurrentiel.

      Par exemple, et il en existe de nombreux autres, depuis novembre 2016, 10 territoires ont débuté la première phase de l’expérimentation avec 10 «Entreprises à but d’emploi » (EBE) qui y ont été créées et ont proposé un emploi à durée indéterminée à tous les chômeurs de longue durée volontaires du territoire. 
      Les emplois sont financés par le travail fourni et en réorientant les coûts de la privation d’emploi, via le Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

      Le sous emploi en France me semble la PREMIERE priorité pour tous les gouvernements. Hors ceux ci sont d’une mollesse incommensurable face à ce fléau. Doivent-ils rester les spectateurs impassibles de ces expériences ou les amplifier et les généraliser ?
      C’est à nous, citoyens lambda d’exercer réellement notre pouvoir et notre volonté de solutionner la question et d’exiger des mesures radicales.

      Finalement, j’aurais un regret à exprimer, c’est que les quelques bons blogs politiques comme le votre – je suppose qu’ils sont quelques uns, car je ne connais que le votre – s’attachent plus à décrire et expliquer les causes de nos difficultés qu’à construire et proposer des solutions. Il s’agit en quelque sorte de muer d’un état de salon où l’on échange en un laboratoire d’idées et de suggestions élaborées en commun et les faire connaître de tous.
      Adopter une praxis et mettre la pédale douce sur la poïésis serait un premier pas vers les aspirations auxquelles nous adhérons en masse.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je souhaitais illustrer ce que pourrait être une initiative de solution durable venant de la base, c’est à dire d’un groupe d’individus conscients et soucieux de proposer une action, un projet, un programme spécifique et qui fédère un ensemble de supports afin de faire pression sur les politiques du plus haut niveau sur le sujet du chômage de longue durée.]

      Vous voulez dire un groupe d’individus conscients, soucieux de proposer une action ET PRETS A LA PAYER ? Parce que c’est là, le problème. A vous entendre, la difficulté serait de trouver « une action, un projet » et de l’imposer ensuite aux politiques. Mais ce n’est pas là le problème. Tout le monde sait comment faire pour résorber le chômage de masse. Le problème, c’est que cette politique a un COUT, et que ceux qui ont l’argent n’ont aucune envie de le payer.

      Le chômage de masse se perpétue non pas parce qu’on n’a pas de « propositions » pour le faire reculer, mais parce que le « bloc dominant » dans notre société a tout intérêt à perpétuer cet état de fait. La question fondamentale n’est donc pas de trouver des idées, venues ou non de la « base », mais de créer le rapport de force qui permette de faire passer la bourgeoisie et les « classes moyennes » à la caisse. En attendant, on peut toujours essayer de faire des choses pour améliorer le paysage. Mais il faut comprendre que ces choses n’auront que des effets très limités tant qu’on ne touchera pas à la structure même.

      [Afin de réintégrer des chômeurs au RSA dans la dynamique de l’emploi, des entreprises d’insertion, de forme associative en général, proposent des emplois à ces chômeurs dans un cadre économique hors du champ concurrentiel.]

      Ce qui suppose une subvention venue de quelque part. Pourquoi pas : autant que les gens fassent quelque chose de leurs dix doigts au lieu de rester sur leur canapé à regarder la télé. Seulement, les activités qui sont à la fois utiles et hors du champ concurrentiel ne sont pas très faciles à trouver.

      [Par exemple, et il en existe de nombreux autres, depuis novembre 2016, 10 territoires ont débuté la première phase de l’expérimentation avec 10 «Entreprises à but d’emploi » (EBE) qui y ont été créées et ont proposé un emploi à durée indéterminée à tous les chômeurs de longue durée volontaires du territoire. Les emplois sont financés par le travail fourni et en réorientant les coûts de la privation d’emploi, via le Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.]

      C’est bien ce que je dis. Au lieu de payer des gens pour qu’ils restent sur leur canapé à ne rien faire, on paye la moitié d’entre eux à creuser des trous, et l’autre moitié à les remplir. Parce que ne nous voilons pas la face : si le travail fait par ces « EBE » était utile, elles entreraient en concurrence déloyale avec les « vrais » travailleurs. Rien que le nom de ces entreprises vous signale le problème : le « but » de l’entreprise n’est pas de produire de la valeur, de produire des biens ou des services utiles, mais de produire « de l’emploi ».

      [Le sous-emploi en France me semble la PREMIERE priorité pour tous les gouvernements.]

      Pour cela, il faudrait que le sous-emploi soit la PREMIERE préoccupation du « block dominant », auquel tous les gouvernements répondent. Pensez-vous que ce soit le cas ?

      [C’est à nous, citoyens lambda d’exercer réellement notre pouvoir et notre volonté de solutionner la question et d’exiger des mesures radicales.]

      A quel point « radicales » ? Voilà toute la question. Parce que s’attaquer au sous-emploi, c’est s’attaquer à un mécanisme fondamental du capitalisme.

      [Finalement, j’aurais un regret à exprimer, c’est que les quelques bons blogs politiques comme le vôtre – je suppose qu’ils sont quelques-uns, car je ne connais que le vôtre – s’attachent plus à décrire et expliquer les causes de nos difficultés qu’à construire et proposer des solutions.]

      Vous trouverez sans difficulté des blogs politiques – je ne sais pas s’ils sont « bons » – qui fonctionnent sur le principe du « et si… ». A chaque papier, c’est « et si on faisait comme ci…. ? », « et si on faisait comme ça… ? ». Mais très vite cela tourne en rond parce que la difficulté, comme je l’ai écrit plus haut, n’est pas tant d’imaginer des sociétés idéales, mais de les réaliser. Et quand vous essayez de faire descendre vos châteaux sur les nuages pour les bâtir sur terre, vous vous retrouvez très vite à analyser les « causes de nos difficultés ».

      Je ne pense pas être beaucoup plus intelligent que la moyenne. Et je me dis donc que si une alternative désirable était possible, quelqu’un l’aurait déjà trouvée et mise en œuvre sans attendre que je la décrive dans mon blog. Or, cette alternative n’apparaît pas. La priorité à mon sens est donc de comprendre pourquoi elle n’apparaît pas, plutôt que de se faire plaisir en proposant des sociétés idéales qui n’ont aucune chance de voir le jour en pratique.

      [Il s’agit en quelque sorte de muer d’un état de salon où l’on échange en un laboratoire d’idées et de suggestions élaborées en commun et les faire connaître de tous.]

      Je pense que vous surestimez le pouvoir de l’idée. Lorsque les conditions objectives d’un changement n’existent pas, difficile de dépasser le niveau du « salon »…

  7. @Descartes

    “Et pour finir, ils ont tenu le discours culpabilisant de « la France est en faillite », « les Français vivent au-dessus de leurs moyens » tout en préservant les gains et privilèges des « premiers de cordée ».”

    Je vous trouve un peu dur avec Fillon (qui est l’auteur de la première formule). Mettez-vous à sa place. Vous faites campagne sur le déficit public (aucun autre candidat n’a abordé le sujet). On vous filme dans des émissions télévisées en train de parler à des personnels de l’hôpital public et d’expliquer qu’il faudra se serrer la ceinture. Lugubre. Un programme tellement impopulaire qu’il va contribuer à faire perdre le candidat dont tous le monde attendait initialement la victoire, et dont l’écho se limite en gros au public traditionnel, bourgeois, de droite. Et vous voudriez qu’il explique en plus à son propre électorat que la dette ne va pas se rembourser comme ça et qu’il faudra aussi augmenter les impôts des plus riches ? C’eut été héroïque, mais encore plus suicidaire sur le plan électoral.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Je vous trouve un peu dur avec Fillon (qui est l’auteur de la première formule). Mettez-vous à sa place. Vous faites campagne sur le déficit public (aucun autre candidat n’a abordé le sujet). On vous filme dans des émissions télévisées en train de parler à des personnels de l’hôpital public et d’expliquer qu’il faudra se serrer la ceinture. Lugubre. Un programme tellement impopulaire qu’il va contribuer à faire perdre le candidat dont tous le monde attendait initialement la victoire, et dont l’écho se limite en gros au public traditionnel, bourgeois, de droite. Et vous voudriez qu’il explique en plus à son propre électorat que la dette ne va pas se rembourser comme ça et qu’il faudra aussi augmenter les impôts des plus riches ?]

      L’alternative gagnante eut été peut-être d’expliquer aux riches qu’on allait augmenter leurs impôts pour payer le déficit, et de ne pas serrer la ceinture du personnel de l’hôpital public… après tout, il y a plus d’électeurs parmi les travailleurs et les usagers des hôpitaux que chez les riches, non ?

      Je suis peut-être dur avec Fillon – quoiqu’en écrivant mon papier je ne pensais pas particulièrement à lui – mais le fait demeure que ce genre de discours a été utilisé depuis les années 1980 pour culpabiliser les couches populaires. Parce que vous noterez que ce discours ne s’adresse jamais aux « classes moyennes » et encore moins à la bourgeoisie. A croire qu’il n’y a que les couches modestes qui « vivent au dessus de leurs moyens »…

  8. @Descartes

    “L’alternative gagnante eut été peut-être d’expliquer aux riches qu’on allait augmenter leurs impôts pour payer le déficit, et de ne pas serrer la ceinture du personnel de l’hôpital public… après tout, il y a plus d’électeurs parmi les travailleurs et les usagers des hôpitaux que chez les riches, non ?”

    Non plus, puisque Mélenchon n’a guère fait mieux. Mais il est vrai que lui faisait campagne en expliquant que la dette ne serait “jamais remboursé”.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [« L’alternative gagnante eut été peut-être d’expliquer aux riches qu’on allait augmenter leurs impôts pour payer le déficit, et de ne pas serrer la ceinture du personnel de l’hôpital public… après tout, il y a plus d’électeurs parmi les travailleurs et les usagers des hôpitaux que chez les riches, non ? » Non plus, puisque Mélenchon n’a guère fait mieux. Mais il est vrai que lui faisait campagne en expliquant que la dette ne serait “jamais remboursé”.]

      Et à contrario Marine Le Pen a fait mieux, en parlant de sortie de l’Euro et du refus de la réduction des services publics et des systèmes de protection sociale des couches populaires. Ce qui tendrait à prouver que faire payer le déficit par les riches et les « classes moyennes » peut être un discours porteur…

  9. cdg dit :

    tres bon texte. Il est clair que la France subit un declin industriel et social. Pouvait il etre evité, j en suis moins sur.
    Car ce qui a change entre 1980 et maintenant c est pas seulement le liberalisme et l absence de frontiere. La technologie a aussi evoluée. Faire fabriquer en extreme orient pas cher en 1980 etait quasi impossible : pas de production informatisee, pas d internet, obligation d envoyer les plans par fax (en A4 ?) … Aujourd hui vous pouvez piloter en quasi temps reel une production a l autre bout du monde. Et ca aucune frontiere ne peut l eviter.

    En ce qui concerne la RFA, il est impressionnant de voir le changement. Les migrants qui etaient applaudit a leur arrivee en gare il y a 2 ans (ca c est passe a munich au moins) sont maintenant les moutons noirs. L auteur oublie dans sa reflection un point majeur : la delinquance. On le voit d ailleurs avec les 2 manifs que vous citez: le point de depart c est un acte criminel.
    Je suppose que s il n y avait pas eut une hausse de la criminalité, il n y aurait pas toutes ces manifs (ou du moins attenuée). Reste a savoir ce qu on peut faire de bac -5 dans une economie qui n a plus besoin de bras (c est soit robotisé soit delocalisé)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Très bon texte. Il est clair que la France subit un déclin industriel et social. Pouvait-il être évité, j’en suis moins sûr. Car ce qui a changé entre 1980 et maintenant c’est pas seulement le libéralisme et l’absence de frontière. La technologie a aussi évolué. Faire fabriquer en extrême orient pas cher en 1980 était quasi impossible : pas de production informatisée, pas d’internet, obligation d’envoyer les plans par fax (en A4 ?) … Aujourd’hui vous pouvez piloter en quasi temps réel une production a l’autre bout du monde. Et ça aucune frontière ne peut l’éviter.]

      Mais alors, comment se fait-il que certains pays – certains plus petits que la France – aient pu conserver un appareil industriel de pointe ? Prenez par exemple la Suisse, qui reste une référence en matière de mécanique de précision, d’électronique, de métrologie. Comment se fait-il que les suisses n’aient pas « piloté leur production à l’autre bout du monde » ? Réponse : parce que la Suisse a non seulement une politique protectionniste forte, mais aussi une politique industrielle sérieuse.

      Tous les pays qui ont conservé une force de frappe industrielle ont pratiqué le protectionnisme, avoué ou déguisé. C’est le cas aux Etats-Unis, avec la « buy american act » et la réglementation d’achats de la défense, mais aussi avec toutes sortes de pressions et magouilles pour réserver les marchés technologiquement sensibles aux entreprises américaines. C’est le cas de l’Allemagne, qui ferme ses marchés publics avec toutes sortes de dispositifs – que la Commission valide parce qu’elle n’a jamais rien à refuser à l’Allemagne – sans compter sur l’arme monétaire, avec une BCE dont les missions et les objectifs ont été taillés pour l’Allemagne.

      Tout ça pour dire que sans nier les changements capitaux des technologies et des organisations industrielles, il me semble faux de dire que « aucune frontière peut éviter » la désindustrialisation des pays. De toute évidence certains pays l’évitent, et d’autres pas. Il doit y avoir une raison.

      [En ce qui concerne la RFA, il est impressionnant de voir le changement. Les migrants qui étaient applaudis à leur arrivée en gare il y a 2 ans (ca s’est passe à Munich au moins) sont maintenant les moutons noirs.]

      C’est normal : embrasser quelqu’un à la porte, ça ne vous coute rien. C’est quand la personne s’installe dans votre salon et saccage votre frigo que les problèmes commencent. Entre l’acte symbolique qui ne coute rien et la coexistence quotidienne, il y a une différence.

    • cdg dit :

      La Suisse est un pays liberal (au sens economique du terme) et a part pour l agriculture (tres protegee et subventionnee) il n y a pas plus tellement de frontieres suisses.
      En plus c est un etat federal. Berne n a que peu de pouvoir (surtout que la capitale economique est … Zurich). Je suis peu la politique suisse mais j ai jamais entendu parler d une politique industrielle suisse (qui serait rejete par la grande majorite des partis. l UDC est certes nationaliste mais contrairement au FN tres liberal economiquement. il n y a que le PS suisse qui pourrait soutenir une telle idee mais ils sont minoritaire)

      Les suisses ont d ailleurs des accord de libre echange par ex avec l UE. Et si on regarde au niveau du cout du travail cher a Gattaz, le suisse est hors de prix (en exagerant juste un peu un ouvrier suisse gagne autant qu un inge francais). Alors imaginez avec l ecart avec un ouvrier bulgare ou romain …

      Si on regarde d autres pays de l UE, comme la RFA ou l autriche (mais aussi les pays bas), ils ont pu conserver une industrie forte alors qu ils ont grosso modo les memes regles que nous, vu qu ils font partie de l UE.
      La encore je pense pas que ca soit grace a des manoeuvres protectionnistes. La RFA que vous citez est forte grace a ses entreprises exportatrices (BMW, Daimler, Henkel, Bosch) et non pas car les marches publics allemands sont fermes (certes les policiers de munich roulent en BMW mais c est un % ridicule des vente de BMW)

      A l inverse, les USA ont un “buy american act” mais il ne reste plus grand chose de l industrie US. C est quasiment tout fait en chine ou au japon. A part l IT et l aeronautique, l industrie US est moribonde, comme GM

      Reste la question de savoir pourquoi l industrie francaise s est effondree alors que dans d autre pays ca ne s est pas passé ainsi. A mon avis, ca s explique au moins en partie par :
      – les entreprises francaises sont rarement dirigees par des techniciens mais plutot par des financiers ou des enarques (pour les plus grosses). Des gens pour qui il est plus tentant de delocaliser car ils voient bien le gain a court terme et se moquent de la perte de savoir faire (qu en general il ne connaisse meme pas)

      – les entreprises francaises sont soit tres grosses soit tres petites. Une entreprise moyenne va avoir plus de mal a delocaliser car c est plus complique que pour une multinationale (par ex il va vous falloir des expert en logistique, douanes ). Souvent en plus ces ETI sont implentee dans des regions ou elles ont des liens. Mentalement difficile d aller dire aux gens que vous cotoyez depuis 20 ans que vous aller les virer. Un cadre a la defense a moins de scrupule a fermer une usine dans la creuse

      – les allemands/suisses sont concentre sur le haut de gamme et/ou ont automatise a fond (playmobil fabrique en RFA). La france ou l italie ont eux plutot le moyen/bas de gamme en concurrence frontale avec les chinois

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [La Suisse est un pays liberal (au sens economique du terme) et a part pour l agriculture (tres protegee et subventionnee) il n y a pas plus tellement de frontieres suisses.]

      Libéral mon… derrière. Il n’y a pas que l’agriculture qui est très protégée. Quand vous verrez l’armée suisse acheter des fusils allemands, la police suisse acheter des pistolets français, prévenez moi. Vous allez dans n’importe quelle administration suisse, et vous verrez que même les crayons sont made in switzerland. Je ne sais pas si c’est une obligation légale ou si c’est un comportement spontané des décideurs, mais c’est comme ça. Et je ne vous parle même pas de la manière dont le gouvernement fédéral protège les grandes entreprises et les grandes banques suisses…

      [En plus c est un etat fédéral. Berne n a que peu de pouvoir (surtout que la capitale economique est … Zurich). Je suis peu la politique suisse mais j ai jamais entendu parler d une politique industrielle suisse]

      Les Etats Unis sont aussi un état fédéral. Et cela ne les empêche pas d’avoir une politique industrielle et commerciale protectionniste. Je ne suis pas non plus la politique suisse, mais un ami suisse m’avait fait remarquer les efforts faits par les autorités de la Confédération – mais aussi des cantons – quand il s’agit de préserver les industries de pointe.

      [Les suisses ont d ailleurs des accord de libre echange par ex avec l UE. Et si on regarde au niveau du cout du travail cher a Gattaz, le suisse est hors de prix (en exagerant juste un peu un ouvrier suisse gagne autant qu un inge francais). Alors imaginez avec l ecart avec un ouvrier bulgare ou romain …]

      Et pourtant, ils gardent une puissante industrie, et pas seulement dans les domaines du « haut de gamme ». Comment expliquez-vous cela ? Qu’attendent les patrons de la chimie bâloise pour déménager en Bulgarie ?

      [Si on regarde d autres pays de l’UE, comme la RFA ou l’Autriche (mais aussi les pays bas), ils ont pu conserver une industrie forte alors qu’ils ont grosso modo les mêmes règles que nous, vu qu’ils font partie de l’UE.]

      Les mêmes règles oui, mais pas appliquées de la même façon. Parce que, voyez-vous, les règles européennes sont très flexibles, selon le bon vouloir de la Commission. Et il est très rare que la Commission refuse quelque chose à l’Allemagne. Lorsque l’Allemagne décide que pour des raisons d’intérêt public les concessions hydroélectriques en Allemagne ne peuvent aller qu’à des entreprises allemandes, la Commission accepte l’argument. Quand la France dit la même chose, elle se prend une mise en demeure.

      Par ailleurs, il faut tenir compte des différences dans les structures économiques. L’Euro bénéficie les pays qui ont des inflations apparentes faibles – ce qui est le cas des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche – et pénalise ceux qui ont des inflations apparentes plus fortes, ce qui est notre cas. La dévaluation apparente de l’euro-mark par rapport à l’euro-franc agit exactement comme une barrière protectionniste.

      Cela étant, je ne conteste pas qu’il y a une défaillance dans la politique industrielle française, qui tient au peu d’intérêt que nos élites accordent à l’industrie.

      [La encore je pense pas que ca soit grace a des manoeuvres protectionnistes. La RFA que vous citez est forte grâce a ses entreprises exportatrices (BMW, Daimler, Henkel, Bosch) et non pas car les marches publics allemands sont fermes (certes les policiers de munich roulent en BMW mais c est un % ridicule des vente de BMW)]

      Vous rigolez ? Je vous suggère de comparer les contrôles sur les investissements étrangers en France – le fameux « décret Montebourg » – et en Allemagne. Pour acheter une entreprise stratégique en Allemagne, vous devez montrer patte blanche, donner des garanties, être parrainé. En France, vous signes une vague lettre promettant de ne pas supprimer des emplois pendant cinq ans, et le tour est joué. Et vous n’êtes même pas tenu de tenir votre promesse.

      Et puisque vous donnez l’exemple de l’industrie automobile, comment qualifieriez-vous la bienveillance des autorités allemandes qui a permis aux constructeurs d’outre-rhin de vendre des voitures diesel non conformes aux normes d’émission, leur économisant les très lourds investissements pour se mettre dans les clous, et qui auraient certainement rendu les voitures allemandes moins compétitives ? Si ce n’est pas du protectionnisme déguisé…

      [A l’inverse, les USA ont un “buy american act” mais il ne reste plus grand chose de l’industrie US. C’est quasiment tout fait en chine ou au japon. A part l’IT et l’aéronautique, l’industrie US est moribonde, comme GM.]

      Vous allez un peu vite en besogne… même si beaucoup d’industries ont disparu, les américains ont su préserver les industries stratégiques. L’armée américaine est toujours équipée en armes américaines, tout comme la police. Les turbines des centrales nucléaires et des porte-avions américains sont faites par GE en grande partie en territoire américain. Même chose pour l’équipement électrique, les semi-conducteurs, les équipements pour les industries pétrolières ou les machines-outils.

      [- les entreprises francaises sont rarement dirigees par des techniciens mais plutot par des financiers ou des enarques (pour les plus grosses). Des gens pour qui il est plus tentant de delocaliser car ils voient bien le gain a court terme et se moquent de la perte de savoir faire (qu en general il ne connaisse meme pas)]

      Cet argument ne me convainc pas vraiment. Je ne vois pas une véritable corrélation entre la formation des dirigeants et les politiques de délocalisation ou d’abandon d’activités industrielles des entreprises. Ce serait par ailleurs ignorer que les dirigeants des entreprises, surtout des plus grosses, agissent sous la pression des actionnaires. J’aurais tendance à dire que c’est le mode de financement des entreprises, plus que la formation des dirigeants, qui compte. Or, en France le capital privé est très frileux, et allergique au risque industriel. C’est pourquoi l’investissement industriel en France a été porté directement ou indirectement par l’Etat, et cela depuis Colbert. Quand les néo-libéraux ont pris le pouvoir, l’Etat s’est retiré et l’industrie française a crevé, comme c’était prévisible.

      [- les entreprises francaises sont soit tres grosses soit tres petites. Une entreprise moyenne va avoir
      plus de mal a delocaliser]

      Pourquoi une entreprise moyenne aurait plus de mal à délocaliser qu’une petite entreprise ? Il y a quelque chose qui cloche dans votre raisonnement…

      [- les allemands/suisses sont concentre sur le haut de gamme et/ou ont automatise a fond (playmobil fabrique en RFA). La france ou l italie ont eux plutot le moyen/bas de gamme en concurrence frontale avec les chinois]

      Là encore, je pense que c’est une légende. Nous avons récemment vu la fin de la production française de turbines de haute puissance pour centrales nucléaires, de chars de combat et des trains à grande vitesse. Peut-on dire qu’il s’agit de technologies « bas de gamme » ? Les Chantiers de l’Atlantique, d’où sortent les plus gros navires de croisière du monde, c’est du « bas de gamme » ?

    • Bannette dit :

      Personnellement, je lie la désindustrialisation à une forme de lâcheté (j’ai pas d’autre mot dsl) des entreprises qui ont préféré troquer l’amélioration de la productivité contre la délocalisation. Ce que je veux dire c’est qu’en réalité la délocalisation a retardé la modernisation de l’appareil productif et l’automatisation alors qu’en productivité pure, on a stagné (mais les profits ont bondi par contre).
      C’est surtout vrai pour les industries de produits manufacturés ou de biens intermédiaires, mais pas pour les industries de pointe qui par leur essence même sont obligées de provisionner d’importants budgets de recherche et développement pour rester dans la course.
      Par exemple, l’industrie textile en France a été rasée pour être délocalisée en Asie, alors même que les sociétés qui ont délocalisé embauchent en réalité bien plus de petites mains que les ouvrirères françaises qui étaient soit disant surpayées et trop protégées. Moi j’ai toujours entendu dire que plus on améliore la productivité, plus 1 travailleur produira et en mieux. Si vraiment les ouvriers asiatiques étaient individuellement plus productifs que les français, ces usines auraient du en employer autant qu’en France. Or ce n’est pas le cas, elles ont embauché plus de travailleurs, mais comme ils n’ont pas du tout de protection sociale et sont payés des clopinettes, et bien elles ont gardé une productivité constante. Donc les ouvriers français si privilégiés étaient en réalité payés les salaires réels par rapport à leur productivité individuelle. Par contre, on remarquera que l’industrie du luxe ne délocalise pas massivement dans les pays d’analphabètes crève-la-faim tout simplement parce que ses clients n’achètent pas une robe à 7 000 € parce qu’elle vaut ce prix, mais ils achètent en réalité un statut social.

      Il y a un cliché qui dit que l’automatisation va supprimer des emplois, or l’histoire a plutôt donné raison à Schumpeter et son concept de destruction créatrice si on l’applique à la modernisation de l’outil de travail et donc un investissement continu dans l’amélioration de la productivité. On a remplacé les calèches avec chevaux par des voitures et c’est tant mieux, même si j’adore regarder des chevaux. L’amélioration de l’outil de travail par des machines de + en + complexes, créé de nouveaux emplois, de nouveaux besoins, des travailleurs de + en + qualifiés, etc . D’ailleurs on voit souvent dans la presse des articles anxiogènes concernant la robotisation que j’interprète encore comme cette forme de « lâcheté » que j’ai employé plus haut, car c’est encore un refus d’investir lourdement dans la productivité pour choisir la solution de facilité des bras de pauvres gueux pour garder la production constante. L’automatisation est un processus coûteux mais la modernisation et la qualification qu’il implique sont irréversibles.

      Pour illustrer cela on peut comparer 2 pays très mercantilistes : le Japon et l’Allemagne.
      Le 1er est connu pour son consensus social dans le refus de toute immigration de peuplement. Il a une démographie dépressive et pourtant il refuse de revenir sur ledit consensus. En fait, après avoir été leader dans le Hifi, dans les industries de biens intermédiaires, une longue période de stagnation, il a choisi d’investir massivement dans la robotisation pour faire revenir plein d’induties au pays. Donc le processus est en cours, accompagné par le politique, les travailleurs actuels dont les métiers seront bientôt robotisés arriveront à la retraite, et les jeunes générations sont formées en parallèle (surtout que dans ce pays, la pression des parents sur de bonnes études est très forte). Après, ils devraient quand même penser à une politique nataliste, car certes beaucoup de seniors vont décéder et libérer des logements en masse, mais ils ne renouvellent pas leurs générations.
      L’Allemagne a également une démographie préoccupante, et avec ses excédents commerciaux pharaoniques a décidé la journée portes ouvertes unilatéralement. Le patronat allemand dit qu’il faut encore faire venir des millions de gens car ils n’en n’ont pas assez dans leurs usines, alors que la crise de 2015 a amené l’AFD à presque 18 %, et que beaucoup d’études montrent que le million d’africains et moyen-orientaux sont majoritairement incapables de travailler dans les usines allemandes (sans compter les futurs regroupements familiaux). Mais pourquoi avec ces excedents commerciaux ne pas réinvestir dans la productivité plutôt que de faire venir des quasi-analphabètes qui n’ont jamais connu que le travail journalier non qualifié digne de l’Europe paysanne moyennâgeuse ? Ah oui c’est vrai que Shröder est passé par là et a fait en sorte que le travail soit comme on dit « compétitif ». Donc dans le cas allemand, on n’a plus de délocalisation vers l’externe, mais des délocalisations massives de migrants vers l’Allemagne pour maintenir le volume de production (enfin c’est ce qui est espéré, mais visiblement, 1 million de syriens ça ne travaille pas comme 1 million d’allemands, mazette comment ça se fait?).

      Personnellement, je trouve que le solution japonaise est la plus pérenne sur le long terme, et j’aurais tant aimé que notre pays fasse de même. De toute façon, on va devoir prendre le train de la robotisation et de l’automatisation, mais on le prend en cours, et la destruction créatrice risque de se passer avec douleur, alors qu’un Etat Stratège (pour parler comme Philippot) aurait pu l’accompagner. Les excédents commerciaux allemands sont surtout dus à deux « tricheries » : l’euro qui permet la sous-évaluation du Deutchmark II le retour (alors qu’individuellement, un ouvrier français n’est pas moins productif qu’un allemand) et les déficits publics de ses voisins pour se payer à crédit ses produits.

      Il y a un décalage de rythme entre les délocalisations et la robotisation. Les entreprises (et les pays) qui ont choisi le 2ème cas sont pénalisées à court terme car leur capital est bouffé par la formation nécessaire et l’équipement nouveau, et les rendements espérés par une amélioration de la productivité ne pourront se manifester que plus tardivement que celles qui ont choisi la délocalisation.
      Et c’est en ça que nos élites ont failli et que le rôle du politique aurait du entrer en scène. Or non, nos politiques n’ont que la consommation à courte vue, et les déficits sociaux n’ont été qu’un palliatif pour maintenir la consommation constante, alors qu’ils auraient du être dirigés dans l’investissement.

    • cdg dit :

      1) Libéral mon… derrière. Il n’y a pas que l’agriculture qui est très protégée. Quand vous verrez l’armée suisse acheter des fusils allemands, la police suisse acheter des pistolets français, prévenez moi.
      L article date de 2014 mais ca reste d actualité : http://www.bilan.ch/economie/liberalisme-economique-la-suisse-numero-un-europeen

      “Vous allez dans n’importe quelle administration suisse, et vous verrez que même les crayons sont made in switzerland. Je ne sais pas si c’est une obligation légale ou si c’est un comportement spontané des décideurs, mais c’est comme ça. “
      je pense que vous avez un biais. L administration suisse represente une fraction negligeable de l activite economique suisse (L etat suisse n a pas comme en france de grosse participation dans des entreprises commerciales (genre renault; je ne parle pas de RUAG qui est du militaire)), et c est pas en protegeant votre marche interieur de 8 millions d habitants que vous allez developper une industrie exportatrice puissante. “Les principaux secteurs d’exportation suisses sont les machines-outils (56 milliards de francs), la chimie et l’industrie pharmaceutique (45 milliards de francs) et les instruments de précision, les montres et les bijoux” (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_la_Suisse). Pas des domaines ou l etat a un rôle majeur comme client potentiel

      “Par ailleurs, il faut tenir compte des différences dans les structures économiques. L’Euro bénéficie les pays qui ont des inflations apparentes faibles”
      Qu est ce que vous appelez une inflation “apparente” ?
      L euro empeche les pays de devaluer, ce qui etait la solution traditionnelle en France ou en Italie. Les ecrats d inflation entre la france et l allemagne sont assez faible en ce moment (en gros l un est a 1.6 et l autre a 1.8). c est pas les 0.2 % d ecart qui sont la source des pb francais

      “Vous rigolez ? Je vous suggère de comparer les contrôles sur les investissements étrangers en France – le fameux « décret Montebourg » – et en Allemagne. Pour acheter une entreprise stratégique en Allemagne, vous devez montrer patte blanche, donner des garanties, être parrainé. En France, vous signes une vague lettre promettant de ne pas supprimer des emplois pendant cinq ans, et le tour est joué. “
      Kuka s est fait rachete par des chinois. C est pourtant une entreprise robotique strategique pour les allemands et meme si certains au gouvernement auraient souhaite qu elle reste allemande, elle est passe dans l orbite chinoise l anne derniere. Quant a la fameuse lettre de GE pour Alstom je suis persuade que nos dirigeants l ont juste demandé pour se couvrir jusqu aux elections en se doutant bien que GE n allait pas tenir ses promesses (ce qui est d ailleurs assez logique. Quand vous rachetez un concurrent, vous allez pas garder 2 sieges sociaux, 2 centres de R&D, 2 gammes de produits similaires …)

      “Et puisque vous donnez l’exemple de l’industrie automobile, comment qualifieriez-vous la bienveillance des autorités allemandes qui a permis aux constructeurs d’outre-rhin de vendre des voitures diesel non conformes aux normes d’émission, leur économisant les très lourds investissements pour se mettre dans les clous, et qui auraient certainement rendu les voitures allemandes moins compétitives ? Si ce n’est pas du protectionnisme déguisé…”
      C est sur que le gouvernement allemand c est pas depeche de sanctionner les groupes allemands, pas plus que le gouvernement francais les constructeurs francais qui etaient eux aussi hors des clous (il me semble que S Royal au debut ne voulait meme pas publier le resultat des tests de l UTAC qui montrait que Renaylut etait aussi franchement hors norme)
      Il y a une formidable hypocrisie dans cette histoire de norme non respectee. Chaque constructeur achete les vehicules de la concurrence et les demonte afin de voir les solutions utilisees et de les comparer aux siennes. Autrement dit BMW achete des VW et les analyse. Renault achete des VW et les analyse. A moins de penser que les gens de renault/PSA soient incompetants, ils sont forcement remarqués que les vehicules de VW emettaient bien plus que ce qu ils devaient. Mais aucun constructeur n a dit quelque chose car ils etaient eux meme hors des clous. De meme, Bosch, qui a fournit le logiciel truqueur, savait tres bien pourquoi c etait faire (ou alors ils etaient debiles). Mais ils se sont couvert a specifiant par ecrit que c est une version d essai qui ne doit pas etre utilise sur des vehicules de serie

      “Vous allez un peu vite en besogne… même si beaucoup d’industries ont disparu, les américains ont su préserver les industries stratégiques. L’armée américaine est toujours équipée en armes américaines, tout comme la police. Les turbines des centrales nucléaires et des porte-avions américains sont faites par GE en grande partie en territoire américain. Même chose pour l’équipement électrique, les semi-conducteurs, les équipements pour les industries pétrolières ou les machines-outils. “
      Pour le militaire vous avez raison mais pour l electronique et les semi conducteur, c est quasiment tout fait en extreme orient. Les USA representent 13 % du marche (http://www.vipress.net/leurope-ne-compte-plus-64-de-capacite-de-production-mondiale-semiconducteurs/)
      L industrie US n est plus l ombre de ce qu elle etait meme reste encore forte sur certain segment (defense, aeronautique par ex). Pire j ai lu un article qui expliqait qu une usine high tech qui s etait relocalisee aux USA avait de gros probleme a trouver de la main d oeuvre. Logique. Un americain qui fait des etudes ne fait pas faire ingenieur car le rappport salaire/prix des etudes n est pas bon . Donc vous avez soit des gens pas qualifie (n ayant pas fait d etude) soit des gens qui ont fait des etudes pour devenir avocat ou medecin … Bref pas ce dont vous avez besoin

      “Je ne vois pas une véritable corrélation entre la formation des dirigeants et les politiques de délocalisation ou d’abandon d’activités industrielles des entreprises. Ce serait par ailleurs ignorer que les dirigeants des entreprises, surtout des plus grosses, agissent sous la pression des actionnaires.”
      Si c est la pression des actionnaires, pourquoi le PDG de renault delocalise mais pas celui de BMW ou Daimler ?
      Pourquoi Novartis emploie des gens a Bale alors qu elle pourrait les payer 3 fois moins cher a Mulhouse (qui est a 30 km) ? Surtout si je suppose qu il y a pas mal de frontalier travaillant a novartis bale ….
      Je suis persuade que le fait d avoir comme dirigeants des enarques ou des financiers fait que nos entreprises ont plus de facilite a delocaliser et a faire de la croissance externe (acheter un concurrent) plutot qu interne (investor dans sa societe pour developper de nouveaux produits/marche)

      “Or, en France le capital privé est très frileux, et allergique au risque industriel. “
      Pas faux. Le francais moyen prefere investir dans le parpaing. Et les plusriches sont souvent dans une optique rentiere. On pourrait d ailleurs penser que l etat devrait plutot inciter a investir dans des actions plutot que faire du Pinel ou PTZ mais je doute que vous soyez d accord avec moi vu votre passé au PCF 😉

      De toute facon, la frilosite des francais est une explication tres partielle vu que le capital des societes cotees est souvent detenu par des etrangers (plus de 50 % des actionnaires du cac40 ne resident pas en france). Je suppose qu un fond de pension US a la meme politique qu il s agisse d une entreprise francaise ou allemande. Pourtant l une delocalise, l autre pas. Il ne faut d ailleurs pas exagerer la puissance des actionnaires. C est pas eux qui decident ou et quand il faut investir ou s il faut construire une nouvelle usine en france ou en chine. Ils peuvent eventuellement virer le patron mais ca arrive assez peu souvent. Tchuruk a pu couler alcatel sans se faire virer par ses actionnaires. Idem pour l ex patron de Nokia. Le seul patron dont je me rapelle qui a ete mit dehors est celui d eurotunnel. Il y en a surement d autres mais ca reste un cas assez peu courant

      “Pourquoi une entreprise moyenne aurait plus de mal à délocaliser qu’une petite entreprise ? Il y a quelque chose qui cloche dans votre raisonnement…”
      Non. Si vous etes une multinationale vous avez deja plus facilement le personnel adequat (trouver des gens qui parlent chinois est plus facile si vous etes L oreal que Durant SA de trifouillis les oies). Pour negocier avec le pays du tiers monde pour implenter votre usine, c est aussi plus facile si vous etes une grosse entreprise connue qu une PME
      Autre avantage, vous allez amortir votre delocalisation plus facilement car vous produisez plus: au lieu d un container a envoyer, vous allez envoyer un bateau complet. C est pas tellement plus de travail d envoyer 100 container au lieu d un (en tout cas pas 100 fois plus).

      “Nous avons récemment vu la fin de la production française de turbines de haute puissance pour centrales nucléaires, de chars de combat et des trains à grande vitesse. Peut-on dire qu’il s’agit de technologies « bas de gamme » ? Les Chantiers de l’Atlantique, d’où sortent les plus gros navires de croisière du monde, c’est du « bas de gamme » ?”
      Je n ai pas dit que la france produisait que du bas de gamme. D ailleurs un des secteur qui marche le mieux en france c est le luxe (LVMH, Dior, Hermes ….) Par contre, mon experience personnelle (j ai travaille en france en suisse et en RFA comme ingenieur) me fait penser qu en France on a tendance a ne pas investir dans la R&D en se disant qu ils y arriveront quand meme. Anecdote personnelle : quand je suis arrive chez Audi a Ingolsadt j ai cru rever envoyant leur materiel. En france (chez une societe du CAC40, pas une PME) j avais du materiel qui avait 10 ans. Mon frere travaille pour une autre grosse entreprise du CAC40 et a un PC prehistorique

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Personnellement, je lie la désindustrialisation à une forme de lâcheté (j’ai pas d’autre mot dsl) des entreprises qui ont préféré troquer l’amélioration de la productivité contre la délocalisation. Ce que je veux dire c’est qu’en réalité la délocalisation a retardé la modernisation de l’appareil productif et l’automatisation alors qu’en productivité pure, on a stagné (mais les profits ont bondi par contre).]

      Je crois qu’il ne faut pas oublier que le fondement du capitalisme est la poursuite par chaque acteur de son intérêt matériel. Le capitaliste se fout de la productivité, de la modernisation de l’appareil de production. Son but, c’est d’augmenter la rentabilité du capital qu’il investit. S’il est plus rentable de déplacer la production dans une usine vétuste servie par des travailleurs misérablement payés plutôt que de moderniser une usine où les lois locales obligent à bien payer le travail, il le fera. Il n’y a là aucune « lâcheté », ni même une anomalie. C’est inscrit dans le fondement même du système.

      Il est vrai de dire que la hausse du prix de la main d’œuvre est un puissant moteur de modernisation des systèmes de production. Plus un travailleur coûte cher, et plus il faut trouver des équipements et des organisations qui rendent son travail productif pour que le capitaliste puisse extraire de la plusvalue. Un exemple classique : dans le métro de Paris, la vente et le contrôle des tickets est faite par des machines. Les poinçonneurs, qui faisaient un travail abrutissant et peu productif, ont disparu. Ce n’est pas le cas dans beaucoup de villes du tiers monde, ou l’homme coûte encore beaucoup moins que la machine. De ce point de vue, la révolution néo-libérale, en ouvrant aux capitaux des réservoirs énormes de main d’œuvre très bon marché, a considérablement ralenti la recherche de productivité.

      [Par contre, on remarquera que l’industrie du luxe ne délocalise pas massivement dans les pays d’analphabètes crève-la-faim tout simplement parce que ses clients n’achètent pas une robe à 7 000 € parce qu’elle vaut ce prix, mais ils achètent en réalité un statut social.]

      Il n’y a pas que ça. Il faut comparer la production à qualité équivalente. Car les défauts dans la ligne de production coutent cher, et d’autant plus cher que la qualité du produit final est importante. Lorsqu’on achète une robe à 7000€, il faut qu’elle soit parfaite. Or, faire de la perfection avec une main d’œuvre misérable, cela coute finalement très cher parce qu’il faut mettre au rebut et refaire le travail plusieurs fois.

      [Il y a un cliché qui dit que l’automatisation va supprimer des emplois, or l’histoire a plutôt donné raison à Schumpeter et son concept de destruction créatrice si on l’applique à la modernisation de l’outil de travail et donc un investissement continu dans l’amélioration de la productivité.]

      Seulement parce qu’il y a eu partage des fruits de l’augmentation de la productivité. Les malthusiens affirmaient que l’augmentation de la productivité créerait le chômage parce qu’ils se plaçaient dans la logique des sociétés anciennes, où la grande masse produisait et une petite couche consommait luxueusement. Le raisonnement était donc simple : puisque cette classe voit déjà tous ses désirs satisfaits, la consommation n’augmentera pas avec la baisse du prix des produits. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXème siècle qu’on comprend – Ford a été de ce point de vue un pionnier – que si l’on partage une partie des fruits des augmentations de la productivité avec les travailleurs en payant de bons salaires, on fabrique de nouveaux consommateurs, et que l’augmentation de la consommation absorbe le chômage produit par la hausse de la productivité…

      Aujourd’hui, on est revenu à une logique pré-fordiste. Le capital ne songe pas à stimuler la consommation en payant de bons salaires, au contraire. Elle comprime les salaires. Et du coup, la hausse de la productivité produit bien du chômage, comme le prédisaient les malthusiens. Et si l’effet n’est pas encore plus fort, c’est parce que les états développés s’évertuent à maintenir la consommation par le biais d’allocations alimentées par l’emprunt. Un emprunt qui creuse une dette massive qui ne sera jamais remboursée…

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [L article date de 2014 mais ca reste d actualité : (…)]

      Lisez bien le dernier paragraphe de l’article, qui traite du bon classement de la Suisse en termes d’un « indice de liberté économique » calculé par une publication libérale : « L’indice de liberté économique prend en compte la taille de l’Etat, le respect de l’Etat de droit, l’efficacité de la réglementation et l’ouverture du marché ». On voit donc que « l’ouverture du marché » n’est qu’un des critères – et pas le plus important – pour le calcul de l’indice…

      [je pense que vous avez un biais. L’administration suisse représente une fraction négligeable de l’activité économique suisse]

      Je ne dis pas le contraire. Mais je vous parle de ce que je connais : je vais souvent rendre visite aux administrations suisses, et je peux vous dire que le « made in switzerland » est omniprésent. Et je n’ai aucune raison de penser que cela soit très différent dans les secteurs économiques autrement plus pesants…

      [L’Etat suisse n a pas comme en France de grosse participation dans des entreprises commerciales (genre Renault; je ne parle pas de RUAG qui est du militaire), et c’est pas en protégeant votre marche intérieur de 8 millions d habitants que vous allez développer une industrie exportatrice puissante.]

      Et pourquoi pas ? Il faut bien commencer par quelque chose, et 8 millions de clients, c’est toujours mieux que rien. L’expérience montre qu’il est difficile pour une entreprise qui n’a pas une marché national « captif » d’exporter, même lorsque ce marché est petit.

      [“Les principaux secteurs d’exportation suisses sont les machines-outils (56 milliards de francs), la chimie et l’industrie pharmaceutique (45 milliards de francs) et les instruments de précision, les montres et les bijoux” (…). Pas des domaines ou l etat a un rôle majeur comme client potentiel]

      Il n’y a pas de raison qu’il y ait un rapport entre les domaines ou l’Etat est client et ceux ou le pays est exportateur. Il n’empêche que réserver la commande publique aux industries nationales permet de sauvegarder une base industrielle – infrastructures, réseaux de formation, industries de base – qui est la même que celle utilisée par les industries exportatrices.

      [« Par ailleurs, il faut tenir compte des différences dans les structures économiques. L’Euro bénéficie les pays qui ont des inflations apparentes faibles » Qu est ce que vous appelez une inflation “apparente” ?]

      Il y a un phénomène d’inflation « apparente » qui tient à l’attachement des gens à la valeur nominale de leur salaire plutôt qu’à la valeur réelle. Prenons un exemple : si je vous propose de choisir entre une augmentation annuelle de votre salaire de 10% par an accompagnée d’une inflation de 10% ou d’un salaire constant associée à une inflation de 0%, laquelle de ces deux options choisiriez vous ? Du point de vue économique, les deux options sont équivalentes. Mais psychologiquement, elles ne le sont pas. En France, on choisira plutôt la première option, alors qu’en Allemagne on choisira la seconde.

      Le problème est qu’avec la monnaie unique, si un pays augmente ses prix et ses salaires de 10% par an alors qu’un autre les maintient constants cela a un effet économique : le pays qui opère ces augmentations sera distancé du point de vue de la compétitivité par celui qui ne le fait pas. C’est cela que j’appelle « inflation apparente ».

      [L’euro empêche les pays de dévaluer, ce qui était la solution traditionnelle en France ou en Italie. Les écarts d’inflation entre la France et l’Allemagne sont assez faible en ce moment (en gros l un est a 1.6 et l autre a 1.8). C’est pas les 0.2 % d’écart qui sont la source des pb français]

      Bien sur que si. Car il ne faut pas oublier que l’effet du différentiel d’inflation, dans un système de parités fixes sans ajustement possible est CUMULATIF. Plus le temps passe, et plus la perte de compétitivité s’accroît. Même si le différentiel est aujourd’hui relativement faible, il peut être bien plus important. Ainsi, en 2014 il était de 1,2%. Pour la période qui va de 1999 a 2009, l’écart a été de 2,3%. Si l’on projette cette valeur sur les vingt cinq ans de parité fixe, notre perte de compétitivité du fait de ce phénomène seul est de l’ordre de 7%. Et il continuera à se creuser inexorablement chaque année…

      [C’est sur que le gouvernement allemand ne s’est pas dépêché de sanctionner les groupes allemands, pas plus que le gouvernement français les constructeurs français qui étaient eux aussi hors des clous (il me semble que S Royal au début ne voulait même pas publier le résultat des tests de l UTAC qui montrait que Renault était aussi franchement hors norme).]

      Non. Les constructeurs français ont respecté la réglementation, alors que les constructeurs allemands ont triché, introduisant des « logiciels truqueurs » permettant aux voitures de réussir les tests avec une gestion moteur différente à celle proposée ensuite aux clients pour l’utilisation normale de leur voiture. Le cas des constructeurs français est différent : il n’y a pas eu de trucage. Leurs véhicules passent les tests réglementaires sans trucage. Le problème est que ces tests ne reflètent qu’imparfaitement les conditions de conduite réelles, et que lorsque des tests ont été réalisés dans des conditions plus proches, les résultats n’étaient pas « présentables ». Mais on ne peut pas comparer : d’un côté il y a eu tricherie, une tricherie connue du gouvernement allemand et de la Commission européenne, qui n’ont rien fait. Qu’est ce que vous pariez que si la tricherie avait eu lieu chez nous la Commission aurait été bien moins compréhensive ?

      [Pour le militaire vous avez raison mais pour l’électronique et les semi-conducteurs, c’est quasiment tout fait en extrême orient. Les USA représentent 13 % du marche]

      Vous apportez de l’eau à mon moulin : si je suis le graphique que vous donnez en référence, l’Union européenne, plus peuplée que les USA et avec un PIB équivalent, résente 6% des capacités de production de semi-conducteurs. Alors que les USA représentent 13%. Ne pensez-vous pas que le protectionnisme américain joue un rôle là dedans ?

      J’ajoute qu’au-delà du quantitatif, il faut prendre en compte l’aspect qualitatif. La domination quantitative des fabrications asiatiques couvre le fait qu’ils fabriquent du tout-venant, les productions les plus critiques, les plus avancées technologiquement restant sur le sol américain.

      [Si c est la pression des actionnaires, pourquoi le PDG de renault delocalise mais pas celui de BMW ou Daimler ?]

      Pour la même raison que Tati délocalise et pas Louis Vuitton. La production de luxe demande un niveau de qualité dans le détail qui ne se prête pas à l’utilisation d’une main d’œuvre peu qualifiée.

      [Pourquoi Novartis emploie des gens a Bale alors qu elle pourrait les payer 3 fois moins cher a Mulhouse (qui est a 30 km) ? Surtout si je suppose qu il y a pas mal de frontalier travaillant a Novartis bale ….]

      « 3 fois moins cher » ? N’exagérons rien… mais comme vous le notez vous-même, il est bien plus intéressant d’employer des frontaliers que de déplacer les unités de production. Novartis paye ses impôts sur les sociétés à Bâle, alors que ses employés utilisent les infrastructures payés par les impôts français…

      [« Or, en France le capital privé est très frileux, et allergique au risque industriel. » Pas faux. Le Français moyen prefere investir dans le parpaing. Et les plus riches sont souvent dans une optique rentière. On pourrait d ailleurs penser que l’Etat devrait plutôt inciter a investir dans des actions plutôt que faire du Pinel ou PTZ mais je doute que vous soyez d accord avec moi vu votre passé au PCF ;-)]

      Je ne suis pas d’accord avec vous, et mon passé au PCF n’a rien à voir. Si vous me dites que l’Etat devrait inciter à investir dans l’INDUSTRIE au lieu d’encourager l’investissement immobilier, je serais au contraire 100% d’accord avec vous – et je suis persuadé que beaucoup de communistes auraient la même réaction. Mais il ne faut pas confondre l’investissement industriel et l’achat d’actions. D’ailleurs, si je voulais investir dans l’industrie en France, quelles actions me conseilleriez-vous d’acheter ? Des actions Renault, pour construire des usines en Roumanie ? Des actions Engie, pour construire des centrales électriques au Brésil ? Des actions Total pour construire des raffineries en Arabie Saudite ?

      [De toute façon, la frilosité des Français est une explication très partielle vu que le capital des sociétés cotées est souvent détenu par des étrangers (plus de 50 % des actionnaires du cac40 ne résident pas en France).]

      Vous avez de drôles de raisonnement. C’est bien la « frilosité des français » qui explique totalement le fait que le capital des sociétés cotées soit détenu par des étrangers. Dans un des pays ayant un taux d’épargne aussi élevé, si les français investissaient massivement dans les entreprises le partage du capital entre nationaux et étrangers serait très différent, vous ne trouvez pas ?

      Mais surtout, vous continuez à confondre les entreprises et les industries. Combien parmi les entreprises figurant au CAC40 sont des groupes industriels ? 18 sur 40 à peine. Le reste sont des banques, des compagnies d’assurances, des groupes de communication…

      [Je suppose qu un fond de pension US a la meme politique qu il s agisse d une entreprise française ou allemande.]

      Et bien, vous vous trompez. Parce qu’avant de permettre à un groupe de pension US de prendre une participation notable dans un groupe industriel dans un domaine considéré comme stratégique, le gouvernement allemand mais aussi les gouvernements des Länder lui imposent de véritables contraintes et exigent des vraies garanties. Encore une fois, tous les pays n’ont pas la même naïveté que nous lorsqu’il s’agit de laisser entrer le loup dans la bergerie. Souvenez-vous des déboires d’EDF lors du rachat de Montedison ou de ENBW.

      [Il ne faut d ailleurs pas exagérer la puissance des actionnaires. C’est pas eux qui décident ou et quand il faut investir ou s il faut construire une nouvelle usine en France ou en Chine.]

      D’abord, ce sont les actionnaires qui, en assemblée générale, désignent les administrateurs, ce qui leur donne quand même un pouvoir considérable puisque ce sont ces administrateurs qui décident « où et quand il faut investir ». Mais ce n’est pas là que réside le principal pouvoir des actionnaires. Les conditions de financement de l’entreprise dépendent fortement du comportement de l’action. Une entreprise dont l’action baisse fortement aura du mal à se financer sur les marchés, alors qu’une entreprise dont l’action remonte trouvera sans difficulté à placer ses titres. C’est d’ailleurs ce mécanisme qui explique la formation et l’éclatement des « bulles ». Or, ce sont les actionnaires qui, en vendant ou achetant des titres, font le cours de l’action. Les dirigeants de l’entreprise sont donc en théorie libres de « décider s’il faut construire une nouvelle usine en France ou en Chine ». Mais si les actionnaires estiment que l’investissement en Chine est plus rentable, la décision de construire en France provoquera une forte baisse de l’action, et des problèmes de financement. L’expérience montre que les dirigeants qui peuvent se permettre d’affronter leurs actionnaires ne sont pas très nombreux…

      [Ils peuvent éventuellement virer le patron mais ca arrive assez peu souvent. Tchuruk a pu couler alcatel sans se faire virer par ses actionnaires.]

      Pourquoi l’auraient-ils viré ? Alcatel a peut-être coulé du point de vue industriel, mais les actionnaires ont beaucoup gagné dans l’opération.

      [« Pourquoi une entreprise moyenne aurait plus de mal à délocaliser qu’une petite entreprise ? Il y a quelque chose qui cloche dans votre raisonnement… » Non. Si vous etes une multinationale (…)]

      Vous ne répondez pas à ma question. Et ma question était de savoir pourquoi une entreprise MOYENNE aurait plus de mal à délocaliser qu’une PETITE entreprise. Je vous rappelle que vous aviez signalé que la délocalisation chez nous tenait à ce que les entreprises étaient ou bien très grandes, ou bien petites, alors qu’ailleurs les entreprises moyennes étaient plus nombreuses.

      [« Nous avons récemment vu la fin de la production française de turbines de haute puissance pour centrales nucléaires, de chars de combat et des trains à grande vitesse. Peut-on dire qu’il s’agit de technologies « bas de gamme » ? Les Chantiers de l’Atlantique, d’où sortent les plus gros navires de croisière du monde, c’est du « bas de gamme » ? » Je n ai pas dit que la france produisait que du bas de gamme.]

      Vous l’avez dit implicitement, en attribuant notre désindustrialisation relative par rapport à nos voisins au fait que notre industrie fait du « bas/milieu de gamme » alors que l’Allemagne par exemple fait dans le haut de gamme. Quand on voit que chez nous les industries « haut de gamme » sont à la peine, alors qu’en Allemagne même le « milieu de gamme » (pensez à Volkswagen, par exemple) continue à aller pas trop mal… on est obligé de conclure que cette explication par la « gamme » présente quelques défauts.

      [D’ailleurs un des secteur qui marche le mieux en france c est le luxe (LVMH, Dior, Hermes ….)]

      Il ne faut pas confondre « secteur » et « industrie ». Le « secteur du luxe » est d’abord un secteur artisanal ou très proche de l’artisanat.

      [Par contre, mon expérience personnelle (j’ai travaille en France en suisse et en RFA comme ingénieur) me fait penser qu en France on a tendance a ne pas investir dans la R&D en se disant qu’ils y arriveront quand même.]

      C’est vrai. Mais il est inutile de pleurer sur les réalités en rêvant de transformer les Français en Allemands. En France, et cela date de Colbert, la recherche et les investissements de pointe se font soit directement dans les secteurs que l’Etat contrôle, soit dans ceux qui sont portés par la dépense publique. Il faut se souvenir de notre histoire industrielle : Colbert a créé les manufactures royales parce qu’il désespérait de voir l’or français partir pour acheter les biens fabriqués avec des méthodes « modernes » (pour l’époque) en Flandre, en Grande Bretagne, dans les villes et les principautés allemandes, en Italie. Plus près de nous, il a fallu nationaliser les réseaux ferrés « privés » totalement vétustes par manque d’investissement pour donner au chemin de fer français un minimum de modernité. Même chose avec l’électricité. Nous sommes ainsi faits, et c’est pas près de changer.

      Il faut donc partir du réel. Puisqu’en France la modernité vient à travers de l’Etat, il faut préserver les moyens d’intervention publique dans les domaines de la recherche, du développement, de l’investissement moderne. Parce que les entreprises privés, même celles du CAC40 (c’est vous-même qui citez l’exemple de votre frère et son PC préhistorique) ne le feront pas.

      Les néo-libéraux essayent d’implanter en France un modèle, celui du marché régulateur de l’investissement, qui n’a jamais marché en France et qui ne marchera jamais parce qu’il va contre l’histoire et la civilisation de la France. Leur tentative nous mène au désastre…

  10. Helios dit :

    @Descartes

    [Un appauvrissement relativement modéré en termes de revenu direct]

    Là je ne suis pas tout à fait d’accord. Je me suis livré à un petit calcul. Comparer deux fonctionnaires partant à la retraite, l’un en 2000, l’autre en 2018, ayant eu des carrières identiques. Comment a évolué le moment de la retraite ?
    Entre la baisse de valeur du point d’indice, la hausse des cotisations sur les salaires, et la récente augmentation de la CSG pour les retraités, je trouve que le retraité de 2018 perd 20% par rapport à celui de 2000. Autrement dit, pour avoir les mêmes revenus que son collègue de 2000, le retraité partant en 2018 devrait voir sa retraite augmentée de 25% !
    Et encore je n’ai pas compté le recul de deux ans de l’age du départ à la retraite. S’il était parti deux ans plus tard (comme son collègue de 2018), le retraité de 2000 aurait vu sa retraite augmentée de 10%. Donc c’est de 37,5% qu’il faudrait augmenter la retraite du retraité de 2018 pour avoir la même que celui de 2000, à carrière et age de départ égaux !
    C’est tellement énorme que c’est presque incroyable.

    • Descartes dit :

      @ Helios

      [Là je ne suis pas tout à fait d’accord. Je me suis livré à un petit calcul. Comparer deux fonctionnaires partant à la retraite, l’un en 2000, l’autre en 2018, ayant eu des carrières identiques. Comment a évolué le moment de la retraite ?]

      La comparaison que vous faites est très incomplète. Car si vous listez un certain nombre d’éléments qui vont dans le sens d’une baisse des revenus d’un fonctionnaire retraité, il y a d’autres éléments qui vont dans le sens inverse.

      Il y a par exemple l’augmentation des indices en fin de carrière. Car si le point d’indice reste scotché, les grilles indiciaires de beaucoup de corps et cadres d’emploi ont été révisées pour les rendre plus attractives. Les fonctionnaires prennent donc aujourd’hui leur retraite avec des indices supérieurs à ceux d’il y a vingt ans au même âge. Ainsi, par exemple la génération née en 1940 est partie en moyenne avec un indice 575 dans la fonction publique d’Etat, 390 dans la fonction publique hospitalière et 370 dans la territoriale. Dix ans plus tard les chiffres étaient de 600, 450 et 425 respectivement. Pour un fonctionnaire territorial, cela représente donc une hausse de presque 20%. Ce n’est pas négligeable !

      Les notes de la DGFP reconnaissent une baisse réelle mais relativement modeste des retraites de la fonction publique. Rien à voir avec les chiffres que vous avancez !

    • Helios dit :

      @Descartes

      Dans ma profession (recherche) je n’ai pas l’impression que les grades et indices correspondants aient changé depuis au moins 30 ans.

    • Descartes dit :

      @ Helios

      J’ignore à quel corps vous appartenez. Mais si je regarde par exemple les chargés de recherche, leur échelonnement indiciaire en 2017 s’arrêtait à l’indice 677 pour la deuxième classe, à l’indice 1015 pour la première classe. Depuis le décret du 21 décembre 2017, la deuxième classe (rebaptisée “classe normale”) à l’indice 1027, alors que la première classe (rebaptisée “hors classe”) donne accès au HEA (“hors échelle A”, pour ceux qui ne connaissent pas la nomenclature). Et non seulement on finit plus haut, on commence plus haut aussi: avant le décret en question, le premier échelon correspondait à l’indice 530, maintenant c’est à l’indice 551.

    • Helios dit :

      En ce qui concerne le CNRS, les grades et échelons sont là
      http://maremuneration.cnrs.fr/revalorisation-pour-les-agents-de-categorie-a
      en ce qui concerne les chargés de recherche, la hors classe est introduite depuis juin 2018. Avant cela, la plus haut indice était 825 (depuis au moins 30 ans). Ceux qui ont pris leur retraite avant juin 2018 ont donc bien 20% de moins que ceux qui l’ont prise en 2000.
      Je ne crois pas qu’il ait eu de changement pour les directeurs de recherche.
      A ma connaissance, les principaux changements dans la fonction publique ont eu lieu pour les catégories inférieures, B et C, en particulier pour que les débutants en catégorie C ne se retrouvent pas en dessous du SMIC.
      Ce site
      http://nicolas.tentillier.free.fr/Salaires/
      donne l’évolution des salaires des maitres de conférences des universités. C’est particulièrement intéressant de voir l’évolution des rémunérations des débutants par rapport au SMIC

    • Descartes dit :

      @ Helios

      [en ce qui concerne les chargés de recherche, la hors classe est introduite depuis juin 2018.]

      Non. Elle a été introduite en mai 2017. Pour être précis, par le décret 2017-852 du 6 mai 2017.

      [A ma connaissance, les principaux changements dans la fonction publique ont eu lieu pour les catégories inférieures, B et C, en particulier pour que les débutants en catégorie C ne se retrouvent pas en dessous du SMIC.]

      Pas tout à fait. Les grilles indiciaires des corps supérieurs ont-elles aussi été révisées. Ainsi par exemple celle des administrateurs civils a été réécrite en 1972, en 1999 (regroupement des 1ères et 2èmes classes), et un grade supplémentaire (« administrateur général ») a été ajouté en 2015.

      [Ce site (…) donne l’évolution des salaires des maitres de conférences des universités. C’est particulièrement intéressant de voir l’évolution des rémunérations des débutants par rapport au SMIC]

      C’est un phénomène connu. Le SMIC a été augmenté plus rapidement que l’ensemble des rémunérations, et du coup il « écrase » la pyramide par le bas. Il suffit de regarder le rapport entre la moyenne et la médiane des revenus en France : entre 1960 et 2004, par exemple, le rapport entre le salaire minimum et le salaire médian est passé de 52% à 67%. En fait, depuis 1951 le salaire minimum a augmenté toujours plus vite que le salaire médian.

      Il serait donc erroné de croire que ce phénomène ne touche que les maîtres de conférences des universités. C’est un phénomène général qui touche l’ensemble des salariés. Si l’on regarde de plus près, on observe en effet que sur une période de l’ordre de dix ans, le revenu du premier décile augmente plus vite que la médiane, mais aussi qu’il augmente plus vite que le dernier décile (exception faite de la décennie 1982-89). Sur la période 1999-2008, le revenu du premier décile augmente trois fois plus vite que celui du dernier décile, et cinq fois plus vite que le salaire médian !

      (voir https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2012-2-page-237.htm)

  11. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    J’ai l’occasion d’avoir pu pas mal parler récemment à des personnes appartenant plutôt aux couches populaires habitant ou ayant quitté récemment des zones réputées un peu compliquées en région parisienne. Les éléments qui ressortent le plus souvent de leur discours sont les suivants:

    * On ne peut plus vivre ensemble (sous-entendu, eux et les immigrés d’origine maghrébine)
    * Oui, on aimerait bien une politique d’assimilation mais on pense que ça n’a aucune chance de marcher, les principaux concernés n’accepteront jamais
    * Il est trop tard, on a dépassé un point de non retour, nous n’avons plus d’autre possibilité que la guerre civile

    C’est bien sûr très pessimiste… et j’espère à titre personnel qu’on a encore des alternatives avant d’en arriver là. Mais cette petite musique de la guerre civile revient de plus en plus souvent.

    On a même eu l’occasion de l’entendre dans la récente polémique impliquant (encore) Zemmour et les prénoms Français. Pour lui, l’histoire de la France est une histoire parcourue de guerre civile, et si on est pas très ferme au niveau de la pression assimilationniste, on est bon pour y retourner.

    Je sais qu’ici on est nombreux à être d’accord sur le besoin “dans l’absolu” d’assimilation… le problème dans la pratique est: s’assimiler à quoi ?

    Lorsqu’un pays mène une politique prolongée d’assimilation, c’est autour d’une culture donnée. C’est une sorte de voie unique, certes pas en ligne droite, et qui évolue avec l’histoire et les apports de chacun, mais une voie unique malgré tout. Le problème c’est qu’une fois qu’on a rompu cette volonté d’assimilation, on se retrouve maintenant non plus avec une voie… mais deux (ou plus).

    Pour remettre de l’assimilation, qu’est-ce qui ferait que la 1ère voie est plus légitime que la 2ème ? Mohamed est aujourd’hui un prénom très Français, quel légitimité a-t-on à expliquer à ces personnes là (qui sont parfois très bien assimilées dans la société) que leur prénom n’est plus correct (une insulte à la France selon Zemmour) et qu’ils devront maintenant donner des prénoms du calendrier à leurs enfants ?

    C’est là tout le drame et la complexité de notre situation. Car nous avons un “stock” de Français (car ils SONT Français) qui partage des cultures et des traditions différentes. Et maintenant que nous en sommes là, je ne vois pas bien comment on va pouvoir construire une nouvelle “culture” commune à laquelle s’assimiler quand rien que le mot “assimilation” vous fait traiter de facho… par les principaux concernés et par les classes moyennes.

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [* On ne peut plus vivre ensemble (sous-entendu, eux et les immigrés d’origine maghrébine) ; Oui, on aimerait bien une politique d’assimilation mais on pense que ça n’a aucune chance de marcher, les principaux concernés n’accepteront jamais ; Il est trop tard, on a dépassé un point de non retour, nous n’avons plus d’autre possibilité que la guerre civile]

      Comme disait mon vieux père, qu’en paix il repose, « quand on veut faire on trouve des moyens, quand on ne veut pas faire on trouve des prétextes ». Les arguments que vous avez entendu – et que j’entends aussi dans mon entourage – aboutissent à une conclusion simple : il n’y a rien à faire, sauf à partir s’enfermer dans des quartiers ou l’on sera entre soi et laisser ces gens-là dans leurs cités (éventuellement en les entourant de barbelés pour qu’ils y restent).

      Pour moi, ce discours s’explique très simplement : la solution proposée, celle d’une société fractionnée, est la plus économique pour les personnes concernées, qui sont généralement – car je pense que vous fréquentez le même milieu – les « classes moyennes ». Cela coûte moins cher de se payer sa maison dans un quartier fermé surveillée par des gardes privés, envoyer ses enfants dans une école privée, se soigner dans une clinique privée, que de supporter le coût d’une véritable politique d’assimilation. Alors, on se trouve des prétextes, de préférence des prétextes qui rejettent la responsabilité sur l’autre. Comme par exemple, cette idée que l’assimilation est impossible « parce que les principaux concernés n’accepteront jamais ». Qui a dit qu’il faut leur demander leur avis ?

      [C’est bien sûr très pessimiste… et j’espère à titre personnel qu’on a encore des alternatives avant d’en arriver là. Mais cette petite musique de la guerre civile revient de plus en plus souvent.]

      Chaque fois qu’un message est devient un leitmotiv que les médias relayent, la première question à se poser est « à qui profite le fait que les gens croient cela ». Dans le cas présent, qui profite du fait que les gens soient persuadés que l’assimilation est impossible ? Réponse : ceux qui auraient à payer le coût de l’assimilation.

      [On a même eu l’occasion de l’entendre dans la récente polémique impliquant (encore) Zemmour et les prénoms Français. Pour lui, l’histoire de la France est une histoire parcourue de guerre civile, et si on est pas très ferme au niveau de la pression assimilationniste, on est bon pour y retourner.]

      Je ne suis pas un fan de Zemmour, mais sur ce point on ne peut que lui donner raison : dans un pays comme la France, le fractionnement de la société a souvent abouti à la guerre civile. C’est instruits par cette histoire que les jacobins, les bonapartistes, les fondateurs de la IIIème République ont été si soucieux de forcer l’assimilation intérieure. Les cités sont les Vendées d’aujourd’hui.

      [Je sais qu’ici on est nombreux à être d’accord sur le besoin “dans l’absolu” d’assimilation… le problème dans la pratique est: s’assimiler à quoi ? Lorsqu’un pays mène une politique prolongée d’assimilation, c’est autour d’une culture donnée.]

      Tout à fait. L’assimilation nécessite un « roman national », un cadre – nécessairement idéalisé – au nom duquel elle s’organise symboliquement. On ne peut pas d’un côté presser les gens à s’assimiler, et de l’autre dévaloriser le cadre auquel cette assimilation se réfère. La « haine de soi » que le discours intellectuel des « classes moyennes » alimente depuis la fin des années 1960 n’est pas là par hasard. Il sert à bloquer l’assimilation et donc l’ascenseur social. Qui aurait envie de « s’assimiler » à une nation raciste, sexiste, dont l’histoire est parsemée de « crimes de guerre » et dont tous les apports à la civilisation humaine sont usurpés, car en fait le fait d’étrangers ?

      [Pour remettre de l’assimilation, qu’est-ce qui ferait que la 1ère voie est plus légitime que la 2ème ? Mohamed est aujourd’hui un prénom très Français, quel légitimité a-t-on à expliquer à ces personnes là (qui sont parfois très bien assimilées dans la société) que leur prénom n’est plus correct (une insulte à la France selon Zemmour) et qu’ils devront maintenant donner des prénoms du calendrier à leurs enfants ?]

      La légitimité de l’histoire. Le fait que ceux qui ont fait l’histoire de France s’appelaient Luis, Charles, Marie ou Anne. Et qu’aucun Mohammed français n’a inventé un théorème, écrit un traité de médecine, composé une symphonie, découvert un élément chimique.

      [C’est là tout le drame et la complexité de notre situation. Car nous avons un “stock” de Français (car ils SONT Français) qui partage des cultures et des traditions différentes.]

      Objection, votre honneur. Nous avons un « stock » de gens qui ont un passeport français. Savoir s’ils sont vraiment « français » ou non implique avoir une idée claire de ce qui fait que quelqu’un est ou non membre de la collectivité française. Personnellement, je ne pense pas que le statut administratif soit le seul élément, ni même le plus important.

    • Marencau dit :

      [Les arguments que vous avez entendu – et que j’entends aussi dans mon entourage – aboutissent à une conclusion simple : il n’y a rien à faire, sauf à partir s’enfermer dans des quartiers ou l’on sera entre soi et laisser ces gens-là dans leurs cités (éventuellement en les entourant de barbelés pour qu’ils y restent).]

      C’est en effet à peu près le souhait des plus modérés. Les autres rêvent de solution non réalistes type “ré-émigration”.

      [Pour moi, ce discours s’explique très simplement : la solution proposée, celle d’une société fractionnée, est la plus économique pour les personnes concernées, qui sont généralement – car je pense que vous fréquentez le même milieu – les « classes moyennes ».]

      Oui, je fréquente ce milieu de classes moyenne, mais ce n’est pas d’eux dont viennent ces témoignages (c’est ce que je mettais en début de commentaire, désolé si ça n’était pas clair).

      Les classes moyennes que je fréquente on plutôt les discours suivants selon qu’ils votent plus PS ou LR: soit ils nient complètement le problème (en traitant donc de raciste ceux à qui ça en pose), soit ils le voient et disent qu’il faut leur donner leur chance aux quartiers en difficulté que c’est notre faute blabla (la classique haine de soi), soit en effet c’est la solution des barbelés sans l’assumer comme tel.

      Mais les témoignages que j’ai recueilli ne proviennent pas de ces personnes. Je te laisse juger de leur appartenance “de classe” mais ils sont: un assistant comptable dans une multinationale, un concierge, un manutentionnaire, une assistante administrative. Oui ce n’est pas un gros échantillon mais bon… je ne prétend pas avoir fait une étude sociologique pour autant.

      C’est ça qui me frappe. Tous viennent (ou vivent encore) dans ces cités (pas forcément des cités d’ailleurs, simplement des quartiers “populaires”. Et leur discours est un discours de défaite, de vaincu. Ils ne croient pas que les principaux concernés puissent être “assimilés” de leur plein gré. Ils sont choqués par les réactions qu’ils peuvent lire sur les réseaux sociaux (qui ne touchent pas que les classes moyenne) ou de remarques qu’ils ont eu en direct les fois où ils se sont sentis un accès de témérité en se plaignant (bon, je n’étais pas là pour voir le ton employé).

      Que dire à ces personnes ? “Ca va être dur, mais on va réussir à réassimiler tous ces Français ?”. J’ai essayé. Ils n’y croient pas une seconde. Peut-être que l’échantillon n’est pas bon, je suis sans doute un très mauvais orateur, ils ne demandent qu’à être détrompés. Mais quand même…

      [La légitimité de l’histoire. Le fait que ceux qui ont fait l’histoire de France s’appelaient Luis, Charles, Marie ou Anne. Et qu’aucun Mohammed français n’a inventé un théorème, écrit un traité de médecine, composé une symphonie, découvert un élément chimique.]

      C’était vrai. Maintenant, on a des petits Mohamed Français, parfaitement assimilés par ailleurs (et parfois pas: femme ultra-voilée…), qui sont des grands médecins, hommes d’affaire, ingénieurs… certes on a pas encore de “De Gaulle” ou de “Lavoisier” avec ce genre de prénom, mais il faut aussi reconnaître que la période n’est pas propice à faire émerger des grands hommes d’Etat… et que cette génération de prénoms (presque) complètement libres n’est pas dans le monde du travail depuis très très longtemps.

      Et le prénom “Eric” par exemple ? Eric est un prénom d’origine scandinave, qui a commencé à être donné en France dans les années 40. Les prénoms d’Eric Zemmour ont-ils eu tort de nommer leur fils ainsi ? Pas facile non ?

      Tiens, petit test (je suis hésitant sur un certain nombre ! Les autres commentateurs peuvent participer aussi !):
      * Hannaë / Lukaa: deux prénoms gloubis boulga de voyelles avec une orthographe parfois artisanale. OK ou pas ?
      * Khaleesi / Sheldon: deux prénoms inspirés de séries télé américaines. OK ou pas ?
      * Matteo / Piotr: deux prénoms étrangers d’apôtres catholiques. OK ou pas ?
      * Gwendal / Bixente : deux prénoms d’origine régionale. OK ou pas ?

      [Objection, votre honneur. Nous avons un « stock » de gens qui ont un passeport français. Savoir s’ils sont vraiment « français » ou non implique avoir une idée claire de ce qui fait que quelqu’un est ou non membre de la collectivité française. Personnellement, je ne pense pas que le statut administratif soit le seul élément, ni même le plus important. ]

      J’ai tendance à être d’accord avec toi. Et alors ? Si ceux qui se considèrent “entièrement” Français ne nous considère pas plus légitime qu’eux pour définir ce qui constitue le fait d’être Français ou non… que fait-on ?

      De manière pragmatique: quel type de loi peut-on imaginer mettre en oeuvre de manière directe l’assimilation (j’exclus les mesures d’aménagement du territoire pour limiter la ghettoïsation par exemple) ? Penses-tu sincèrement qu’on pourrait demain imposer une restriction sur les prénoms sans que ça dégénère sérieusement vers cette fameuse guerre civile ?

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Mais les témoignages que j’ai recueilli ne proviennent pas de ces personnes. Je te laisse juger de leur appartenance “de classe” mais ils sont: un assistant comptable dans une multinationale, un concierge, un manutentionnaire, une assistante administrative. Oui ce n’est pas un gros échantillon mais bon… je ne prétend pas avoir fait une étude sociologique pour autant.]

      Merci de ces précisions. Oui, pour interpréter le discours il est important de savoir à quelle couche sociale appartiennent ceux qui le tiennent, et donc quels sont leurs intérêts dans l’affaire. Et les gens que vous citez appartiennent sans doute aux couches populaires. Et du coup, mon interprétation est certainement à côté de la plaque.

      [C’est ça qui me frappe. Tous viennent (ou vivent encore) dans ces cités (pas forcément des cités d’ailleurs, simplement des quartiers “populaires”. Et leur discours est un discours de défaite, de vaincu. Ils ne croient pas que les principaux concernés puissent être “assimilés” de leur plein gré.]

      Et ils ont raison. Ceux qui affirment que l’assimilation se fera « naturellement » sont ceux qui n’ont pas envie qu’elle se fasse – ou plutôt, qu’ils n’ont pas envie de payer pour qu’elle se fasse. Admettre que les principaux concernés ne s’assimileront pas de leur plein gré ouvre au contraire la porte à l’assimilation imposée, ce dont les « classes moyennes » ne veulent pas entendre parler. Finalement, on retrouve ici une différentiation de classe…

      [Que dire à ces personnes ? “Ca va être dur, mais on va réussir à réassimiler tous ces Français ?”. J’ai essayé. Ils n’y croient pas une seconde. Peut-être que l’échantillon n’est pas bon, je suis sans doute un très mauvais orateur, ils ne demandent qu’à être détrompés. Mais quand même…]

      Il faut leur tenir un langage de vérité. Oui, il est possible d’assimiler ces gens-là. Mais cela a un coût très important, un coût qui ne peut être supporté qu’en le faisant payer par ceux qui ont le plus, c’est-à-dire la bourgeoisie et les « classes moyennes ». Ces gens sont très rationnels. Ils ne croient pas que l’assimilation soit possible non pas sur la base d’un raisonnement théorique, mais sur la base d’une expérience. Leur expérience quotidienne leur montre que la société – et surtout ceux qui la dirigent – ne sont pas prêts à mettre les moyens de l’assimilation. Au contraire, c’est chaque fois moins de services publics, moins d’histoire et de sciences à l’école, moins de présence des institutions. A partir de là, la question de savoir si l’assimilation est impossible par principe ou si elle est rendue impossible par le choix du « block dominant » devient purement académique.

      [C’était vrai. Maintenant, on a des petits Mohamed Français, parfaitement assimilés par ailleurs (et parfois pas: femme ultra-voilée…), qui sont des grands médecins, hommes d’affaire, ingénieurs…]

      S’ils sont « parfaitement assimilés », ils donneront à leurs enfants des prénoms plus traditionnels. Ou bien suivront la tendance actuelle à inventer des prénoms – ce que personnellement je trouve parfaitement idiot, mais bon, puisque nous sommes devenus des individus sans histoire…

      [Tiens, petit test (je suis hésitant sur un certain nombre ! Les autres commentateurs peuvent participer aussi !): (…)]

      Comme je l’ai écrit plus haut, le choix du prénom avait une signification du temps où ce choix se situait dans une démarche de transmission, de perpétuation d’une histoire. Aujourd’hui, on choisit essentiellement pour des raisons esthétiques. Et l’une de ces raisons est le besoin de se distinguer, de faire dans l’original. C’est ainsi qu’on aboutit à la multiplication des prénoms inventés, et donc sans histoire.

      C’est en ce sens que les prénoms sont révélateurs : ils mesures d’une certaine manière l’attachement des individus à une tradition, à une filiation.

      [J’ai tendance à être d’accord avec toi. Et alors ? Si ceux qui se considèrent “entièrement” Français ne nous considère pas plus légitime qu’eux pour définir ce qui constitue le fait d’être Français ou non… que fait-on ?]

      Si on admet que le fait national est lié à la solidarité inconditionnelle et impersonnelle entre les membres d’une même nation, on voit bien que le document administratif n’est pas un critère pertinent, puisqu’il ne garantit nullement cette solidarité. La une langue, une sociabilité commune, l’adhésion à un « roman » partagé sont de ce point de vue bien plus importantes. La question n’est donc pas de savoir si un critère donné est « légitime », mais s’il est fonctionnel.

      [De manière pragmatique: quel type de loi peut-on imaginer mettre en oeuvre de manière directe l’assimilation (j’exclus les mesures d’aménagement du territoire pour limiter la ghettoïsation par exemple) ? Penses-tu sincèrement qu’on pourrait demain imposer une restriction sur les prénoms sans que ça dégénère sérieusement vers cette fameuse guerre civile ?]

      La question des prénoms n’est qu’un symptôme, et je ne pense pas qu’il faille se concentrer sur les symptômes. Veut-on mettre en œuvre de manière directe l’assimilation ? Il faut alors une école – et une société – qui récompensent effectivement ceux qui s’assimilent en leur donnant accès aux dignités et aux emplois au même titre que les français. L’assimilation doit redevenir l’instrument privilégié de l’ascension sociale. Mais d’un autre côté, il faut une pression sociale permanente, continue. Celui qui refuse l’assimilation doit être exclu des avantages que l’assimilation procure, de la considération de ses voisins. Le regard de l’autre doit lui rappeler en permanence.

    • BJ dit :

      Tiens, petit test (je suis hésitant sur un certain nombre ! Les autres commentateurs peuvent participer aussi !):

      * Hannaë / Lukaa: deux prénoms gloubis boulga de voyelles avec une orthographe parfois artisanale : pas OK
      * Khaleesi / Sheldon: deux prénoms inspirés de séries télé américaines : pas OK
      * Matteo / Piotr: deux prénoms étrangers d’apôtres catholiques : pas OK
      * Gwendal / Bixente : OK (deux prénoms d’origine régionale)

    • Antoine dit :

      @Descartes, @Marencau

      > La question des prénoms n’est qu’un symptôme, et je ne pense pas qu’il faille se concentrer sur les symptômes.

      Je pense que ce n’est pas qu’un symptôme, c’est un signal et un contributeur. Un signal, car la collectivité montre qu’elle prend le problème au sérieux. Un contributeur, car AMHA l’abondance de prénoms « étrangers » contribue directement à l’acceptation, enthousiaste ou résignée, du multiculturalisme. Quand les citoyens dont parle Marencau voient des gens nés en France porter des prénoms étrangers et adopter certaines mœurs étrangères, ils ont de bonnes raisons de penser que l’assimilation n’aura pas lieu, et que la cohésion nationale est menacée.

      Sans forcément interdire les prénoms étrangers, on pourrait imaginer une carotte financière (genre prime à la naissance) réservée aux parents qui choisissent un prénom français pour leur nouveau-né. Pour éviter les problèmes d’évaluation au cas par cas (et d’incertitude), une liste pourrait être dressée officiellement. On peut même imaginer un document présentant, pour chaque prénom, quelques grands personnages l’ayant porté, afin d’aider les parents à choisir…

      Mes réponses au test de Marencau :
      * Hannaë / Lukaa: deux prénoms gloubis boulga de voyelles avec une orthographe parfois artisanale. -> pas OK
      * Khaleesi / Sheldon: deux prénoms inspirés de séries télé américaines. -> pas OK
      * Matteo / Piotr: deux prénoms étrangers d’apôtres catholiques. -> pas OK
      * Gwendal / Bixente : deux prénoms d’origine régionale. -> OK

    • Marencau dit :

      @BJ

      Merci de vous être prêté au jeu ! Il est amusant de voir que vous retenez les prénoms d’origine régionale mais pas les autres (Zemmour, lui, les rejette également). Comme quoi, c’est vraiment une question de perspective.

      D’ailleurs si on donnait des prénoms uniquement issus de l’histoire de France alors on aurait aucun renouvellement (par définition). Sauf qu’à un moment il a bien fallu un premier à s’appeler untel. Sinon, Eric Zemmour lui-même aurait peut-être du s’appeler Jean Zemmour !

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Je pense que ce n’est pas qu’un symptôme, c’est un signal et un contributeur. Un signal, car la collectivité montre qu’elle prend le problème au sérieux. Un contributeur, car AMHA l’abondance de prénoms « étrangers » contribue directement à l’acceptation, enthousiaste ou résignée, du multiculturalisme.]

      Un « signal » oui – en ce sens c’est un symptôme. Un « contributeur » ? J’ai mes doutes. Aujourd’hui, les prénoms « étrangers » coexistent avec toutes sortes de prénoms inventés à consonance vaguement orientale, celtique, moyenâgeuse, j’en passe et des meilleures. Hier, le prénom inscrivait la personne dans une culture, dans une filiaiton. Aujourd’hui, il manifeste dans beaucoup de cas la toute-puissance des parents.

      Paradoxalement, c’est dans les populations les plus conservatrices – les pratiquants catholiques, protestants, juifs ou musulmans – qu’on trouve encore des prénoms qui rattachent à un passé, à une histoire.

      [Quand les citoyens dont parle Marencau voient des gens nés en France porter des prénoms étrangers et adopter certaines mœurs étrangères, ils ont de bonnes raisons de penser que l’assimilation n’aura pas lieu, et que la cohésion nationale est menacée.]

      Je pense que les mœurs pèsent ici bien plus lourd que les prénoms. D’autant plus que le prénom ne tient pas au choix de la personne, mais aux choix de ses parents.

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Merci de vous être prêté au jeu ! Il est amusant de voir que vous retenez les prénoms d’origine régionale mais pas les autres (Zemmour, lui, les rejette également). Comme quoi, c’est vraiment une question de perspective.]

      Je me demande d’ailleurs si “Gwendal” est un “prénom régional”, ou si ce n’est plutôt une invention moderne à partir de la racine celte “gwen”. Je ne pas réussi à retrouver un quelconque “Gwendal” dans l’histoire antérieur au XXème siècle. Il ne figure pas dans la toponymie, et s’il y a bien une fête de “Saint Gwendal”, on l’identifie en fait à saint Gwenaël. Bixente ne l’est certainement pas un prénom régional : c’est une forme locale du prénom “Vincent”.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Je me demande d’ailleurs si “Gwendal” est un “prénom régional”, ou si ce n’est plutôt une invention moderne à partir de la racine celte “gwen”. Je ne pas réussi à retrouver un quelconque “Gwendal” dans l’histoire antérieur au XXème siècle. Il ne figure pas dans la toponymie, et s’il y a bien une fête de “Saint Gwendal”, on l’identifie en fait à saint Gwenaël. Bixente ne l’est certainement pas un prénom régional : c’est une forme locale du prénom “Vincent”.< C’est souvent le cas avec les prénoms régionaux. Dans le temps, les Polig, Anaïs et Maïté s’appelaient Paul, Anne-Lise et Marie-Thérèse à l’état civil. Ils n’en étaient pas frustrés pour autant, étant entendu que leur culture régionale était avant tout quelque chose d’oral. Et surtout, si on veut être mauvaise langue, ils n’avaient pas besoin d’un acte officiel de la mairie pour la vivre au quotidien…

    • Barbey dit :

      @ Descartes
      [Hier, le prénom inscrivait la personne dans une culture, dans une filiaiton. Aujourd’hui, il manifeste dans beaucoup de cas la toute-puissance des parents.]

      Oui et non. C´est le christianisme qui a donné des prénoms en dehors du champ familial et qui a fait décroître le nbre de prénoms au point qu´on a du commencer à donner des surnoms qui donneront des noms. Ne peut on pas l´inclure dans la suite de cette logique?

      @ Antoine
      [Sans forcément interdire les prénoms étrangers, on pourrait imaginer une carotte financière]

      La politique ne peut gérer la vie privée. Public oui, privée, ça ne les regarde pas !

      Par ailleurs, vous allez avoir un grand problème avec les prénoms étrangers. De un les prénoms purement français sont rares plutot européens, de deux beaucoup de prénoms que vous apparentez à français sont bibliques comme Marie, Jean, Matthieu, Michel (ie non européens). Donc votre carotte devra mentionner prénoms français = prénoms régionales ou germaniques ou celtiques ou latins ou bibliques. Bonne chance pour cela 😉

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [C’est souvent le cas avec les prénoms régionaux.]

      « Mohammed » (prononcé à la française et écrit en caractères latins) est autant « français » que « Bixente » est basque. Il faut faire la différence entre un « prénom régional » qui a une origine locale et un prénom importé dont la graphie et la prononciation sont adaptées à la langue locale.

      [Dans le temps, les Polig, Anaïs et Maïté s’appelaient Paul, Anne-Lise et Marie-Thérèse à l’état civil. Ils n’en étaient pas frustrés pour autant, étant entendu que leur culture régionale était avant tout quelque chose d’oral.]

      Je crois que c’est là encore une bonne illustration de la manière dont « l’assimilation intérieure » s’est faite, à partir d’une séparation nette – qui est l’essence de la République – entre la sphère publique et la sphère privée. L’école, c’était le français. L’état-civil, c’était les prénoms autorisés par la loi. A côté, on était toujours libre d’utiliser – ou pas – dans la sphère privée la langue locale ou les prénoms traditionnels.

      [Et surtout, si on veut être mauvaise langue, ils n’avaient pas besoin d’un acte officiel de la mairie pour la vivre au quotidien…]

      Exactement ! C’est cette séparation entre la sphère publique et la sphère privée que certains voudraient aujourd’hui effacer.

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Oui et non. C´est le christianisme qui a donné des prénoms en dehors du champ familial et qui a fait décroître le nombre de prénoms au point qu´on a dû commencer à donner des surnoms qui donneront des noms.]

      Est-ce le christianisme ou la romanité ? Quand on regarde l’histoire romaine, on voit là aussi une répétition des prénoms – qui souvent se retrouvent génération après génération dans une même lignée. C’est aussi le cas chez les juifs dans les temps pré-chrétiens (on trouve dans les personnages du nouveau testament une répétition des prénoms assez notable, avec plusieurs « jacques », plusieurs « maries », et ainsi de suite).

      [Ne peut-on pas l´inclure dans la suite de cette logique?]

      Faut savoir ce que l’on veut. Si l’on souhaite donner une importance à la filiation et à la transmission, alors la conclusion logique est un stock relativement limité de prénoms dans la sphère publique qui se transmettent de génération en génération – et, j’ajoute, une transmission unique du nom, sujet qui ne semble plus intéresser grand monde. Ce qui n’exclut pas des « prénoms d’usage » qui ont toujours existé dans la sphère privée. Personnellement, tout arrangement qui contribue à marquer la limite entre les deux sphères aura mon soutien.

    • bip dit :

      @ Marencau

      [Les autres rêvent de solution non réalistes type “ré-émigration”.]

      C’est vrai que ça sonne un peu comme une version identitaire du « grand soir » mais ça n’a rien d’irréaliste.
      Outre les mouvements de population énormes en un laps de temps très court qu’on a déjà vus au cours de l’Histoire même récente (expulsion des Allemands d’Europe de l’Est à la fin de la 2ème guerre mondiale notamment), ça se pratique encore de nos jours : http://www.rfi.fr/ameriques/20131004-cour-constitutionnelle-republique-dominicaine-nationalite-descendants-haiti

      On pourrait donc tout à fait imaginer retirer la nationalité française à toute personne l’ayant obtenue après 1950 (ou après l’instauration du regroupement familial ou autre), et à ceux qui en descendent, puis décider de la rendre ou non après étude de cas. Êtes-vous prêt à abandonner toute autre nationalité pour devenir Français ? Votre prénom ? Les prénoms de vos enfants ? Votre casier judiciaire ? Etc, etc.

      Ensuite, exclure toute personne ne disposant pas de la nationalité française du système d’aide sociale (logement, santé, RSA, CAF, etc).

      Et enfin, offrir des billets d’avion « aller simple » à tous ceux qui s’engageraient à ne plus revenir en France.

      Bilan : tranquillement, une bonne partie des immigrés non assimilés quitterait définitivement la France. Les « assimilés » resteraient. Et la partie des immigrés non assimilés qui n’aurait pas compris le message se verrait expliquer de manière moins policée qu’ils n’ont pas d’avenir ici et que leur intérêt est de partir.

      Et tout ça, à un coût monétaire fort raisonnable.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [C’est vrai que ça sonne un peu comme une version identitaire du « grand soir » mais ça n’a rien d’irréaliste.]

      C’est irréaliste pour deux raisons. La première est la taille des populations concernées, la deuxième est la nature du traumatisme qu’une telle politique inflige aux sociétés concernées. Les mouvements de populations avec l’expulsion de certaines minorités germanophones en Europe centrale était possible dans un contexte très particulier : un fossé s’était creusé entre ces minorités qui avaient pactisé avec l’envahisseur et le reste de la population qui avait subi les horreurs d’une guerre mondiale et d’une politique d’extermination. Les horreurs de l’expulsion paraissaient une juste punition pour un crime d’intelligence avec l’ennemi.

      [On pourrait donc tout à fait imaginer retirer la nationalité française à toute personne l’ayant obtenue après 1950 (ou après l’instauration du regroupement familial ou autre), et à ceux qui en descendent, puis décider de la rendre ou non après étude de cas. Êtes-vous prêt à abandonner toute autre nationalité pour devenir Français ? Votre prénom ? Les prénoms de vos enfants ? Votre casier judiciaire ? Etc, etc.]

      Vous vous rendez compte de la complexité de ce que vous proposez ? D’abord, si vous « retirez la nationalité » à ceux qui l’ont obtenue après 1950, vous risquez de la retirer à beaucoup de parents qui ont des enfants français parfaitement assimilés. Ensuite, il vous faudrait examiner dans un temps très court – autrement l’insécurité juridique serait totale – des millions de dossiers. Enfin, que faites vous de ceux qui n’ont pas de deuxième nationalité ? Des apatrides ?

      Il faut avoir une vision claire des objectifs qu’on se fixe est des moyens qu’on est prêt à utiliser. L’objectif n’est pas de punir qui que ce soit, mais de préserver une société, une culture, un mode de vie, une identité. Beaucoup de naturalisés sont parfaitement assimilés. Quel message leur transmettez-vous ? Qu’ils sont « suspects » ? Non, il faut toujours rappeler le principe qui veut que tout le monde est présumé de bonne foi jusqu’à preuve contraire. Qu’on exige des double nationaux une renonciation explicite à leur nationalité d’origine, oui. Qu’on les soumette à une seconde procédure de naturalisation, non.

      [Ensuite, exclure toute personne ne disposant pas de la nationalité française du système d’aide sociale (logement, santé, RSA, CAF, etc).]

      Là encore, ce qui paraît simple à l’énoncé se révèle complexe dans la pratique. La question est : que fait-on des exclus que vous créez ainsi ? Que faites-vous de l’étranger en situation irrégulière qui se présente aux urgences d’un hôpital public ? Vous refusez de le soigner ?

      [Et enfin, offrir des billets d’avion « aller simple » à tous ceux qui s’engageraient à ne plus revenir en France.]

      Et que faites vous de ceux qui ne respectent pas cet engagement ?

    • bip dit :

      @ Descartes

      [C’est irréaliste]

      Beaucoup plus que de penser assimiler des millions de gens avec le corps enseignant, les tenants des « sciences humaines » à l’Université, les magistrats et la production cinématographique et musicale dont on dispose ?
      Dans ce que je décrivais comme mesures hypothétiques rendant réaliste une « remigration », ces gens là n’auraient pas leur mot à dire. Seuls des services sur lesquels l’État dispose de moyens de contraintes fortes pour appliquer ce qu’il décide le seraient (polices, préfectures, douanes, etc).

      De plus, le nombre de gens que vous proposez d’assimiler simultanément ne s’est jamais vue. Et les conditions, assimiler des gens là depuis plusieurs générations, non plus (ou alors dans des temps très lointains).
      Donc là encore, en ce qui concerne le nombre, l’« assimilation » ne m’apparaît pas moins « irréaliste ». Ce qui est vrai par contre, c’est que l’idée de « remigration » sonne beaucoup moins noblement, qu’elle catégorise comme « extrémiste » et ne permet pas vraiment de débat…

      [La première est la taille des populations concernées]
      &
      [Ensuite, il vous faudrait examiner dans un temps très court – autrement l’insécurité juridique serait totale – des millions de dossiers.]

      On peut imaginer étaler ça sur une période de plusieurs années. De toutes façons, on ne récupérera pas 50 ans d’incurie d’un claquement de doigts.
      Et puisqu’on vit bien dans l’insécurité d’un « mitraillage », d’un « écrasement » ou d’un égorgement (et pas uniquement venant de « terroristes » en l’occurrence), l’insécurité juridique ne me paraît pas si intolérable.

      [la deuxième est la nature du traumatisme qu’une telle politique inflige aux sociétés concernées.]

      Quand on voit que la traite sexuelle de fillettes blanches en G-B par des Pakistanais passe comme une lettre à la poste, on se dit qu’il va en falloir beaucoup pour traumatiser les européens d’aujourd’hui.
      Tant que la majorité des gens ne sont pas dérangés dans leurs petites vies, voir leur pays crever à petit feu ne les préoccupent pas outre mesure. En conséquence…

      De toutes façons, c’est à mettre en rapport avec la nature du risque encouru en cas de non action.

      [Il faut avoir une vision claire des objectifs qu’on se fixe est des moyens qu’on est prêt à utiliser. L’objectif n’est pas de punir qui que ce soit, mais de préserver une société, une culture, un mode de vie, une identité.]

      Et face à ce qui monte, et qui s’apparente à l’antisémitisme mais dont la cible serait les blancs (car ils sont ceux qui contrôlent le monde, fomentent les guerres et s’accaparent les richesses), l’objectif est d’exclure toute possibilité qu’ils se trouvent un jour en minorité sur leur terre. Un des objectifs est donc d’empêcher un possible génocide.
      Car si les Juifs ont maintenant Israël en cas de problème de ce genre, les blancs auraient quoi ? La Pologne ? Le Chili ?

      [D’abord, si vous « retirez la nationalité » à ceux qui l’ont obtenue après 1950, vous risquez de la retirer à beaucoup de parents qui ont des enfants français parfaitement assimilés.]

      Ajoutons « prénoms des petits-enfants » comme condition de ré-accès possible. Mais de toutes façons des familles seraient séparées. Ce serait inévitable.

      [Enfin, que faites vous de ceux qui n’ont pas de deuxième nationalité ? Des apatrides ?]

      Pourquoi pas ?

      [Beaucoup de naturalisés sont parfaitement assimilés. Quel message leur transmettez-vous ? Qu’ils sont « suspects » ?]

      Non. Que leur mérite est grand, qu’ils sont pleinement des nôtres et qu’on en est heureux. Et que procéder ainsi permettra justement que disparaisse le risque qu’ils puissent un jour être considérés comme « suspects ».

      [La question est : que fait-on des exclus que vous créez ainsi ?]

      Le but étant qu’ils partent, on leur indique le plus court chemin vers la sortie…

      [Que faites-vous de l’étranger en situation irrégulière qui se présente aux urgences d’un hôpital public ? Vous refusez de le soigner ?]

      On le renvoie après l’avoir soigné (s’il ne s’est pas blessé en attaquant des gens ou la police par exemple).

      [Et que faites vous de ceux qui ne respectent pas cet engagement ?]

      Il est clair que le contrôle aux frontières serait renforcé à un niveau très élevé pour empêcher cela. Et qu’il serait couplé à des peines automatiques suffisamment dissuasives pour que chacun sache qu’il aurait plus à perdre à ne pas respecter cet engagement.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Beaucoup plus que de penser assimiler des millions de gens avec le corps enseignant, les tenants des « sciences humaines » à l’Université, les magistrats et la production cinématographique et musicale dont on dispose ?]

      Oui, beaucoup plus réaliste. Bien sur, pour réaliser une politique d’assimilation, il vous faut peut-être le consentement du corps enseignant, de l’université, des tenants des sciences humaines, des magistrats et de la production cinématographique et musicale, autrement dit, des « classes moyennes ». Mais le problème est le même pour une politique de déplacement de populations… Maintenant, à laquelle des deux politiques à votre avis il sera plus facile d’obtenir ce consentement ?

      [Dans ce que je décrivais comme mesures hypothétiques rendant réaliste une « remigration », ces gens là n’auraient pas leur mot à dire. Seuls des services sur lesquels l’État dispose de moyens de contraintes fortes pour appliquer ce qu’il décide le seraient (polices, préfectures, douanes, etc).]

      Vous imaginez vraiment que l’Etat puisse disposer des corps exerçant la contrainte sans que le « block dominant » donne son accord ? Vous rêvez…

      [De plus, le nombre de gens que vous proposez d’assimiler simultanément ne s’est jamais vue. Et les conditions, assimiler des gens là depuis plusieurs générations, non plus (ou alors dans des temps très lointains).]

      Là encore, je vous renvoie à « l’assimilation intérieure », qui affectait une population bien plus importante, et qui a demandé à peine une génération et demie. Je vous renvoie aussi aux pays d’immigration (Argentine, Etats-Unis) qui ont assimilé une grande masse d’immigrants en à peine une génération…

      [On peut imaginer étaler ça sur une période de plusieurs années.]

      En d’autres termes, vous expliquerez à des gens qui ont été naturalisés dans les années 1950 que vous leur enlevez la citoyenneté française mais que s’ils sont patients vous leur rendrez peut-être dans plusieurs années ? Ou peut-être que vous leur laissez la citoyenneté mais qu’ils pourraient la perdre au cours des prochaines années sans savoir quand ? Vous ne pouvez pas mettre plusieurs millions de français – beaucoup d’entre eux parfaitement assimilés – dans une telle incertitude juridique.

      [Et puisqu’on vit bien dans l’insécurité d’un « mitraillage », d’un « écrasement » ou d’un égorgement (et pas uniquement venant de « terroristes » en l’occurrence), l’insécurité juridique ne me paraît pas si intolérable.]

      La probabilité d’être égorgé, écrasé ou mitraillé est infime. Vous pouvez donc sans trop de problème vivre comme si le risque n’existait pas. Par contre, votre idée de conduit, pour ceux qui ont été naturalisé depuis les années 1950 jusqu’à nos jours, à une probabilité inconnue de se voir retirer leur nationalité. Ce n’est pas un risque que quiconque peut ignorer.

      [Tant que la majorité des gens ne sont pas dérangés dans leurs petites vies, voir leur pays crever à petit feu ne les préoccupent pas outre mesure. En conséquence…]

      Je suis surpris de constater combien votre vision de la société est schématique. Les barrières qui protègent chacun d’entre nous sont bien plus fragiles que vous ne le pensez. Elles tiennent parce que pour l’immense majorité d’entre nous il est impensable de les franchir, et parce que ceux qui les franchisent sont symboliquement mis au ban de la société. Si vous proclamez demain qu’il est possible de priver de leur nationalité quelques millions de français au prétexte qu’ils ne sont pas suffisamment assimilés, la société saura qu’après demain on pourra priver de leur nationalité d’autres français parce que leur couleur de peau/leurs idées politiques/leurs préférences culinaires ne conviennent pas au gouvernement du jour. Si on peut priver de leur nationalité les citoyens non suffisamment assimilés, pourquoi ne le pourrait-on aussi des mangeurs de viande ?

      [Et face à ce qui monte, et qui s’apparente à l’antisémitisme mais dont la cible serait les blancs (car ils sont ceux qui contrôlent le monde, fomentent les guerres et s’accaparent les richesses), l’objectif est d’exclure toute possibilité qu’ils se trouvent un jour en minorité sur leur terre. Un des objectifs est donc d’empêcher un possible génocide.]

      Dans ce cas, la seule solution est d’exterminer tous les « non-blancs ». Car qu’est-ce qui vous garantit que les jaunes ou les noirs ne nous balanceront une bombe nucléaire sur la gueule sans même venir chez nous ? Vous noterez – avec d’autres lecteurs- que je me suis interdit de vous opposer des arguments de nature morale/ethique, en me tenant rigoureusement à des arguments pratiques. Votre fantasme d’un « possible génocide des blancs » – dont vous tenez la « possibilité » pour évidente – vous conduit à une logique de génocide généralisé.

      [« D’abord, si vous « retirez la nationalité » à ceux qui l’ont obtenue après 1950, vous risquez de la retirer à beaucoup de parents qui ont des enfants français parfaitement assimilés ».Ajoutons « prénoms des petits-enfants » comme condition de ré-accès possible. Mais de toutes façons des familles seraient séparées. Ce serait inévitable.]

      Là, je vous avoue que je ne vous suis plus. Si le problème est d’éviter un « génocide des blancs », vous devriez proposer de refuser la nationalité à tous les « non-blancs », quelque soient leurs prénoms ou leur degré d’assimilation…

      [« Que faites-vous de l’étranger en situation irrégulière qui se présente aux urgences d’un hôpital public ? Vous refusez de le soigner ? » On le renvoie après l’avoir soigné (s’il ne s’est pas blessé en attaquant des gens ou la police par exemple).]

      Autrement dit, vous ne lui refusez pas les soins. CQFD

    • @ bip,

      “l’objectif est d’exclure toute possibilité qu’ils se trouvent un jour en minorité sur leur terre. Un des objectifs est donc d’empêcher un possible génocide.”
      Pardon, mais je pense qu’il n’y aura pas de génocide… ce qui n’empêchera pas que les blancs de type européen (disons les “Caucasiens” pour reprendre la terminologie américaine) seront peut-être minoritaires sur “leur terre” (qui n’est déjà plus vraiment la leur selon moi). A cela deux explications: le différentiel de natalité (qui s’estompe cependant avec le temps) et surtout le métissage. Ce métissage qu’on nous vante et qu’on nous vend matin, midi et soir, ce métissage qui est le nouvel objectif de tous les progressistes, ce métissage que je vois à l’oeuvre dans mes classes, et de plus en plus. Contre le métissage, nous ne pouvons rien. Défendre une certaine homogénéité ethnique revient à se faire cataloguer comme “raciste” ou “nazi”. Et peu importe qu’au fond l’idéologie du métissage soit aussi raciste que celle de la “pureté de sang”.

      Vu le nombre d’Arabes et de Subsahariens présents en France (et dont le nombre va continuer à croître dans un avenir proche, ne rêvons pas, la présence maintenant bien établie de communautés immigrées et la persistance du marasme dans lequel sont plongés les états issus de la colonisation constituant un puissant moteur migratoire), ce métissage est inévitable, d’autant plus qu’il est vivement encouragé, surtout par ceux qui ne le pratiquent pas, mais c’est un autre débat. Quelle série, quel film, ne présente pas aujourd’hui un couple “mixte”, jeune, bien dans ses baskets, “défiant les préjugés de la société” comme le summum du progrès, de la tolérance, de l’ouverture? Le métissage, c’est le Beau, le Bien, le Vrai. Il n’y a pas grand-chose à faire contre cela.

      Au demeurant, si un noir et une blanche sont amoureux et veulent se marier, allons-nous le leur interdire? Non, c’est impossible, à moins d’établir une législation digne de l’Apartheid en Afrique du Sud. Il faut s’y résigner: la France de demain sera “brown”, comme sans doute d’autres pays d’Europe occidentale. A l’échelle de l’histoire géologique de la Terre, ce n’est pas bien grave. Je me demande quand même ce que diraient les bienpensants si demain la Côte d’Ivoire était peuplée majoritairement de “métis” blonds aux yeux bleus ou la Chine d’Aborigènes d’Australie…

      L’homme blanc européen va probablement disparaître de France. Sans massacre, sans effusion de sang. Il va s’effacer subrepticement, l’air de rien, un peu comme Neandertal (qui avant de disparaître se serait “métissé” avec homo sapiens… comme quoi le métissage ne vous sauve pas). La question que pose Descartes est de savoir si dans un siècle ou deux, les Français “brown” issus de ce merveilleux métissage s’appelleront Louis, Philippe, Paul ou bien Mamadou, Ibrahim, Othman. A titre personnel, je m’en fous parce que pour moi, ça ne fait aucune différence. Le Français blanc a créé l’universalisme, il est juste qu’il en crève.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Bien sur, pour réaliser une politique d’assimilation, il vous faut peut-être le consentement du corps enseignant, de l’université, des tenants des sciences humaines, des magistrats et de la production cinématographique et musicale, autrement dit, des « classes moyennes ». Mais le problème est le même pour une politique de déplacement de populations…]

      Non. Car ce ne serait pas l’ensemble des « classes moyennes » qui serait nécessaire mais des individus qui en font partie. Utiliser 10-20 % des « classes moyennes » qui partagerait ce but serait largement suffisant.

      Pour assimiler, vous avez besoin des médias (films, journaux, etc). Pour « remigrer », non. Ce qui laisse tout loisir de couper leurs financements publics et de couler le cinéma et les journaux français qui de toutes façons ne valent plus rien. Puis par le fait du prince, vous gardez les quelques-uns qui sont prêts à servir et au revoir aux autres.
      Mais espérer qu’ils se mettent à faire des films ou des articles favorables à la France… Ou alors ils feraient des trucs tellement nuls que ça en serait contre-productif.

      Les magistrats ne peuvent pas s’opposer à des lois ne prévoyant aucun recours. Et même s’ils le voulaient, ils feraient quoi ? Généraliser les balades à poneys pour les criminels ? Pour ce que ça changerait…
      Par contre, changer leur mentalité qui excuse tout aux « pov’ zimmigrés » relèverait du miracle.

      Quelle est la capacité de nuisance des tenants des sciences humaines ? Faire grève pour délivrer leurs diplômes en voies de garage ? Suffirait de les filer à tout le monde et le résultat serait identique. Par contre avant de voir sortir un truc utile à l’unité nationale de leurs cerveaux malades… (“De la culture du viol chez les chiens” : l'incroyable canular qui a piégé la sociologie américaine)

      Grève des enseignants ? Oui ça ça peut être chiant. Faudrait réussir à garder en poste les enseignants en maths, physique, français et ceux des filières techniques. Et utiliser à grande échelle les profs d’histoire qui vont bien. Le reste, on pourrait les laisser se lasser sans trop y perdre.

      J’ajoute que l’assimilation est un processus de longue haleine qui nécessite donc une politique de temps long. La « remigration » pourrait, elle, se faire sous un régime d’exception (du style de l’article 16 par exemple).

      [Maintenant, à laquelle des deux politiques à votre avis il sera plus facile d’obtenir ce consentement ?]

      Les seules possibilités qu’ils changent d’avis massivement, c’est ou une crise économique majeure ou la guerre. Dans l’un ou l’autre cas, ce sera trop tard. Si l’économie plonge, ça sera impossible de continuer d’acheter la tranquillité des immigrés et donc, avant d’avoir pu ne serait-ce que tenter d’en assimiler un seul, ça passera à l’étape guerre.

      Vous ne les aurez donc jamais avec vous…

      [Vous imaginez vraiment que l’Etat puisse disposer des corps exerçant la contrainte sans que le « block dominant » donne son accord ? Vous rêvez…]

      Ils n’ont ni le nombre, ni les armes, ni les sciences, ni les usines. Et encore moins le courage physique.
      Récupérer la bourgeoisie « nationale » ne semble pas trop difficile. Il faudra par contre briser la bourgeoisie « internationale » dans le genre de ce qu’a fait Poutine avec les oligarques en arrivant au pouvoir.
      On pourrait par contre tout simplement « oublier » les « classes moyennes » qui font des « call conf » en se brainstormant mutuellement. Elles sont loin d’être aussi utiles qu’elles le croient.

      [Là encore, je vous renvoie à « l’assimilation intérieure », qui affectait une population bien plus importante, et qui a demandé à peine une génération et demie. Je vous renvoie aussi aux pays d’immigration (Argentine, Etats-Unis) qui ont assimilé une grande masse d’immigrants en à peine une génération…]

      Aujourd’hui encore, en France, on assimile sans trop de difficultés les immigrés venant d’Europe et d’Asie (sauf Chine). Ceux que l’on n’assimile pas, et on n’a jamais vu nulle part leur assimilation en tel nombre, sont les populations arabes ou africaines.

      Et oui, les immigrés asiatiques cartonnent à l’école (aux USA comme en France) avec leurs prénoms français et ne remplissent pas les prisons. Ils sont la preuve, s’il le fallait, que toutes les populations ne sont pas égales à l’assimilation.
      A l’étonnement de ceux qui pensaient que l’assimilation des enfants de mineurs de fonds polonais, à qui leurs parents faisaient prendre des leçons de piano, était reproductible à des enfants dont les parents sont inemployables, sans aucun trait de culture européen et se foutent de savoir ce que leurs enfants font de leurs journées… (illustration : https://www.youtube.com/watch?v=cEkbX5zAZyk)

      [En d’autres termes, vous expliquerez à des gens qui ont été naturalisés dans les années 1950 que vous leur enlevez la citoyenneté française mais que s’ils sont patients vous leur rendrez peut-être dans plusieurs années ?]

      Je leur dirais que c’est arrivé aux meilleurs d’entre-nous. Charles de Gaulle lui-même a dû en passer par là pour le bien de la France. Et même déchu, il est resté parfaitement et pleinement Français.
      La France vaut bien quelques tracas administratifs !

      [Si vous proclamez demain qu’il est possible de priver de leur nationalité quelques millions de français au prétexte qu’ils ne sont pas suffisamment assimilés, la société saura qu’après demain on pourra priver de leur nationalité d’autres français parce que leur couleur de peau/leurs idées politiques/leurs préférences culinaires ne conviennent pas au gouvernement du jour. Si on peut priver de leur nationalité les citoyens non suffisamment assimilés, pourquoi ne le pourrait-on aussi des mangeurs de viande ?]

      On le pourrait bien sûr… Il pourrait même être décidé de les passer par les armes si le rapport de force le permet et que la volonté existe. Qu’est-il arrivé aux Vendéens restés fidèles à la monarchie ? Qu’est-il arrivé aux protestants lorsqu’ils ont menacé l’unité de la France ? Qu’est-il arrivé aux communards ?
      Si un régime est suffisamment fort pour imposer une chose alors cette chose est possible.

      Mais s’il y a encore des Vendéens monarchistes et des protestants en France, je me dis que la société a une capacité d’oubli et à passer outre certains faits suffisante.

      Si un régime peut aller jusqu’à tuer et se maintenir, il peut bien sûr modifier des règles. Aussi fondamentales soient-elle.

      [Si vous proclamez demain qu’il est possible de priver de leur nationalité quelques millions de français au prétexte qu’ils ne sont pas suffisamment assimilés]

      Mon « prétexte » pour priver quelques millions de gens de la nationalité française est qu’une large partie d’entre eux ne sont pas Français. L’anormalité réside donc dans leur présence en France et dans leurs papiers.

      [Dans ce cas, la seule solution est d’exterminer tous les « non-blancs ».]

      Non pourquoi ? Les minorités, et plus encore si elles sont en proportion faible de la population majoritaire, ne génocident personne.

      [Car qu’est-ce qui vous garantit que les jaunes ou les noirs ne nous balanceront une bombe nucléaire sur la gueule sans même venir chez nous ?]

      Le fait qu’ils n’aient rien à y gagner ?

      Car, en attendant, les seuls dont on sait d’expérience qu’ils n’ont pas cherché à anéantir les autres « couleurs » alors qu’ils en avaient le pouvoir, ce sont les blancs.
      Et ce serait à eux de faire place aux autres ?

      [Votre fantasme d’un « possible génocide des blancs » – dont vous tenez la « possibilité » pour évidente – vous conduit à une logique de génocide généralisé.]

      Non. A du simple bon sens : chacun chez soi et on se voit pour les vacances…

      D’ailleurs pourquoi tenez-vous cette hypothèse pour impossible ? Les génocides sont impossibles ? L’antisémitisme ne peut y conduire ?

      La situation en Afrique du Sud ne vous interroge pas ?

      Alors je ne dis pas que cette possibilité existe pour demain. Ni même pour après-demain. Mais si on continue comme ça (proportion de blancs qui diminue et discours dominant qui en fait l’ennemi de la société (surtout les « mâles » pour l’instant il est vrai)), ça ne me semble en rien absurde.
      Et comme c’est pas le genre de problème facile à régler quand il se présente, mieux vaut anticiper.

      On a aussi dit à Jean Raspail qu’il « fantasmait » son « Camp des Saints » mais l’idée à l’origine de son roman (rien de l’idéologie « moderne » ne pourra justifier d’empêcher que ne déferle chez nous le tiers-monde) est aujourd’hui vérifiée.

      Alors comment vous voyez les choses dans un siècle ? Quelle hypothèse est selon vous la plus probable ? La disparition des blancs de France par le métissage ou la fuite ? Des réserves comme pour les Amérindiens en Amérique ? Une invention qui inverse la récessivité de certains gênes ?

      [Là, je vous avoue que je ne vous suis plus. Si le problème est d’éviter un « génocide des blancs », vous devriez proposer de refuser la nationalité à tous les « non-blancs », quelque soient leurs prénoms ou leur degré d’assimilation…]

      C’est un peu l’idée : revenir à une proportion de blancs dans la société française proche de celle des années 60-70 et la coupler à des règles migratoires la maintenant stable.

      [Autrement dit, vous ne lui refusez pas les soins. CQFD]

      On met bien sûr le paquet pour ce qui est infectieux. Mais on ne fait pas cadeau de dentiers derniers cris, on n’offre pas des traitements anti-cancer à prix exorbitant pour prolonger des vies d’un mois ou deux, etc.

      Notre bienveillance sera présentée comme un cadeau de départ. Pour se quitter en bons termes !

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Pardon, mais je pense qu’il n’y aura pas de génocide… ce qui n’empêchera pas que les blancs de type européen (disons les “Caucasiens” pour reprendre la terminologie américaine) seront peut-être minoritaires sur “leur terre” (qui n’est déjà plus vraiment la leur selon moi). A cela deux explications: le différentiel de natalité (qui s’estompe cependant avec le temps) et surtout le métissage.]

      Mais… est-ce si grave, docteur ? Personnellement, je pleurerais la perte de la culture « de type européen », cette combinaison si subtile entre l’héritage gréco-latin, l’obscurantisme catholique, le rationalisme cartésien, etc. Mais j’avoue que la perte d’un type ethnique particulier n’est pas pour moi un motif d’angoisse.

      J’ai ‘impression que vous liez inconsciemment ethnicité et culture, comme si la culture « de type européen » ne pouvait avoir pour siège qu’un individu ethniquement « de type européen »…

      [Défendre une certaine homogénéité ethnique revient à se faire cataloguer comme “raciste” ou “nazi”.]

      Mais au-delà des qualificatifs, j’aimerais comprendre pourquoi dette « certaine homogénéité ethnique » est si importante pour vous. Après tout, les juifs français sont aussi éloignés du « type européen » que les arabes. Trouvez-vous qu’ils posent un problème particulier de ce fait ?

    • @ Descartes,

      “Mais… est-ce si grave, docteur ?”
      Non, objectivement, ce n’est pas grave, je l’ai dit d’ailleurs. Je ne me prends pas pour le centre du monde, et ce n’est pas parce que quelque chose me tourmente que j’en viens à considérer que c’est une question capitale pour la Terre entière. Mais je vous avouerais qu’appartenir au groupe qui va disparaître n’est pas une idée très plaisante. Dans votre logique, effectivement, et c’est notre différence, que tous les Français soient noirs ou arabes dans deux ou trois siècles, cela ne change rien, pourvu qu’ils soient assimilés. J’aimerais cependant qu’on me présente les pays de l’Ancien Monde qui envisagent sereinement un tel changement démographique. Est-ce que la Chine est prête à accepter que les Han (90 % de la population) s’effacent? Est-ce que le Maroc est prêt à accepter que les Arabes et les Berbères se diluent massivement en se mélangeant avec une population d’une autre origine?

      “J’ai ‘impression que vous liez inconsciemment ethnicité et culture, comme si la culture « de type européen » ne pouvait avoir pour siège qu’un individu ethniquement « de type européen »”
      Et ça se vérifie tous les jours. Montrez-moi un quartier de France où les blancs sont minoritaires et où la culture “de type européen” est dominante… Vous me direz cependant: “qu’on les assimile et le problème sera réglé!”
      Par ailleurs, je l’ai déjà dit, l’ethnicité est pour moi une composante de l’identité nationale, ce qu’elle n’est pas pour vous. En outre, je fais partie de ceux qui pensent que la culture et l’origine ne sont pas totalement étrangères l’une à l’autre. Je m’explique: je ne pense pas que l’origine conditionne TOUTE l’identité culturelle d’une personne, mais elle la conditionne nécessairement EN PARTIE. Autrement dit, un Français d’origine arabe n’est pas Français de la même manière qu’un Français d’origine bourguignonne. Vous et moi ne sommes pas Français de la même façon. Votre parcours d’immigré assimilé n’est pas étranger à votre conception de la nation, de la culture française, de l’assimilation, etc. Pour vous, la nation française est avant tout un creuset, et ce creuset est essentiellement républicain, urbain et industriel. Pour moi, le descendant de paysans, attachés durant des générations à la terre, au village, à l’Eglise, ayant vécu tant de siècles sous la monarchie, la France ne peut pas se résumer au seul creuset de la modernité urbaine et industrielle. Si dans un avenir plus ou moins lointain, les Français de vieille souche s’effacent, c’est tout un pan de l’identité française qui disparaîtra avec eux. Nous parlons souvent d’assimilation, vous et moi. On peut assimiler une langue, une littérature, peut-être adopter des “ancêtres symboliques” (même si je suis plus sceptique que vous sur ce point), mais on ne peut jamais assimiler les origines, l’histoire familiale, le rapport à la terre des autres. Cet été, je suis allé fleurir et me recueillir sur la tombe de mes arrière-grands-parents, que je n’ai pas connus, et qui sont enterrés dans un petit village de l’Allier, où ils sont nés et où ils ont vécu quasiment toute leur vie. Dans un rayon de 30 ou 40 km, on trouve les traces de mes ancêtres paternels jusqu’au XVII° siècle au moins. Ce rapport que j’ai avec ce petit bout de France (et avec d’autres car ma famille a des racines ailleurs dans le pays), aucun Français immigré ne peut l’avoir. Que mon propos ne soit pas mal interprété: je ne cherche nullement à vous offenser ou à vous rabaisser. J’ai pour vous du respect, et, j’ose le dire, de l’admiration, en dépit (ou peut-être à cause) de nos désaccords. J’essaie simplement de vous expliquer mon rapport complexe à la France et à son identité, et ce sont des choses qui sont tellement charnelles, tellement évidentes pour moi qu’il m’est parfois difficile de trouver les mots, encore que l’exercice soit intellectuellement stimulant. Pour me faire l’avocat du diable, je vous dirais qu’on ne se débarrasse jamais complètement du démon des origines.

      “Après tout, les juifs français sont aussi éloignés du « type européen » que les arabes.”
      Les Ashkénazes sont plutôt de type européen. Cela étant, certains juifs, en cultivant l’entre-soi, veillent soigneusement à ne pas se laisser diluer par le métissage. De ce point de vue, les choix matrimoniaux d’Anne Sinclair, de Simone Veil ou d’Agnès Buzyn en disent long… Le métissage, c’est bon pour les autres.
      Mais imaginons un instant que la France soit peuplée demain majoritairement de juifs assimilés. Pensez-vous que cela n’aurait aucune conséquence sur l’identité nationale?

    • Bannette dit :

      @Bip et N.E. : le problème de l’effacement on va dire démographique progressif du type caucasien (qui en plus, d’un point de vue strictement génétique, est “récessif” dans un couple mixte) est uniquement de sa faute, ce sont les caucasiens qui ne font pas assez d’enfants. On sait que la surnatalité africaine, qui a démenti toutes les prédictions de transitions démographiques des démographes médiatiques de type Todd, et son ampleur vont nous exploser à la gueule courant 2050 si on ne fait rien (j’ai toujours en mémoire l’interview d’adieu à la politique de Pierre Lellouche, qui expliquait que toute la classe politique sait que c’est un problème, qu’on ne sait pas faire, qu’on ne veut pas faire – pourtant on a modèle historique qui a pas mal marché, c’est Deng Xiao-ping en Chine). L’histoire a montré que la régulation se fait toujours par des moyens “naturels” : guerre, famine, épidémies.

      Le problème de l’homme de type caucasien c’est qu’il est devenu un homo festivus (si finement croqué par Murray) : la culture du loisir, qui produit une forme d’industrie ramassant des milliards, fait partie de ces innombrables activités parasitaires que le capital a investit (parasitaire, c’est un peu méchant, car la culture en fait partie, mais la culture avait d’autres canaux non marchants comme l’éducation). Quand on se battait pour des congés payés, ce fut bien pour une augmentation de salaire (quoi être payé sans travailler pendant 1 mois ?!) et pour renouveler la MO. Les 35 heures furent une approche totalement différentes, c’est pour dégager du temps pour une industrie en particulier, celle du loisir.

      Après il y a aussi les effets délétères de ce féminisme revanchard, hargneux, qui a cherché à couper la féminité de la maternité. Plutôt que de se battre pour multiplier les crèches et les aides sociales, promouvoir une forme de stoïcisme féministe dans l’acceptation sereine de la période très raccourcie de fécondité d’une femme (1/3 de sa vie) et organiser la vie sociale et le système économique autour, elles préfèrent militer pour des traitement lourds pour des maternités à 50 ans ou l’abominable GPA, dans la toute puissance narcissique individualiste.

      Pour pouvoir transmettre notre histoire millénaire, il faut un peuple à qui on transmet et des transmetteurs. Des venus d’ailleurs peuvent le faire bien sûr, mais le problème des venus d’ailleurs actuellement, c’est qu’il sont également dans la chaîne de non transmission.

      @Descartes, tu remarqueras que les hommes de types caucasiens n’ont pas qu’une identité totalement intellectuelle, ils ont aussi développé un type esthétique : les sculptures antiques qui nous ont été transmises n’ont pas grand chose à voir avec l’art africain ou les mystérieuses têtes de l’Ile de Pâques. L’architecture, l’agencement des paysages, la représentation, la sculpture, tout cela forment un tout harmonieux, et je pense que l’angoisse de N.E. (qu’il me corrige si je me trompe) est dans la perte de cette harmonie, et elle est quand même un peu beaucoup liée formellement à l’homme de type caucasien. Bien sûr que des venus d’ailleurs peuvent admirer et apprécier et transmettre cette harmonie, mais ceux qui se l’ont appropriés ont eu le souci de la faire perdurer (je pense à cette histoire de japonais à 2 doigts de se faire expulser, et qui étaient venus à la base pour faire du vin français authentique). D’ailleurs c’est ce qui rend l’art contemporain ou les horreurs architecturales depuis Pompidou si moches, cette absence de recherche d’harmonie. Et le grand déménagement du monde qui consiste à bouger tous les meubles et les habitants au nom d’une utopie mortifère brise aussi cette harmonie.

      Personnellement, je distingue la culture européenne qui m’est très chère, de ce qu’on appelle l’occidentalisme : ce miracle Athènes/Rome/Jerusalem qui a donné des fruits si différents et si féconds, et McWorld (même si McW est aussi un fruit du premier). Et le machin européïste qui cherche à transformer à marche forcée notre continent en mini-ONU, forcer nos vieux pays à être des mini-ONU est la dernière utopie à la mode. En face, on peut prendre dès à présent les paris que dans 100 ans, la Chine sera toujours la Chine, l’Inde, tjrs l’Inde, le Japon tjrs le Japon, etc…

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Non. Car ce ne serait pas l’ensemble des « classes moyennes » qui serait nécessaire mais des individus qui en font partie. Utiliser 10-20 % des « classes moyennes » qui partagerait ce but serait largement suffisant.]

      Non. Vous aurez du mal à mettre en œuvre une politique de « rémigration » si vous avez contre vous les « classes moyennes ». Ne sous-estimez pas leur pouvoir de nuisance : avoir les « classes moyennes » contre soi, c’est avoir les étudiants dans la rue, les médias qui vous pilonnent, les tribunaux qui refusent de punir ceux qui s’opposeront à votre politique y compris en se mettant en marge de la loi… sans oublier que dans ce domaine les « classes moyennes » peuvent compter sur le soutien sans faille de la bourgeoisie, qui après tout est la première à profiter des effets dépressifs de l’immigration sur les salaires.

      [J’ajoute que l’assimilation est un processus de longue haleine qui nécessite donc une politique de temps long. La « remigration » pourrait, elle, se faire sous un régime d’exception (du style de l’article 16 par exemple).]

      Je vois mal comment vous pourriez invoquer les pouvoirs de l’article 16. Vous devriez relire la Constitution…

      [Vous imaginez vraiment que l’Etat puisse disposer des corps exerçant la contrainte sans que le « block dominant » donne son accord ? Vous rêvez…]

      [Ils n’ont ni le nombre, ni les armes, ni les sciences, ni les usines. Et encore moins le courage physique. Récupérer la bourgeoisie « nationale » ne semble pas trop difficile. Il faudra par contre briser la bourgeoisie « internationale » dans le genre de ce qu’a fait Poutine avec les oligarques en arrivant au pouvoir.]

      Le pouvoir des « classes moyennes » n’est pas, comme vous le notez, un pouvoir autonome. Il repose en grande partie sur l’alliance entre celles-ci et la bourgeoisie pour créer un « block dominant ». Je doute que la bourgeoisie, fut-elle « nationale », aura très envie de payer de meilleurs salaires une fois la main d’œuvre immigrée indisponible. Et si les « classes moyennes » n’ont ni les armes ni les usines, la bourgeoisie, elle, les a.

      [Aujourd’hui encore, en France, on assimile sans trop de difficultés les immigrés venant d’Europe et d’Asie (sauf Chine). Ceux que l’on n’assimile pas, et on n’a jamais vu nulle part leur assimilation en tel nombre, sont les populations arabes ou africaines.]

      Ne croyez pas ça. Le plombier polonais a beaucoup moins tendance à s’assimiler que ne l’avait le mineur polonais du début du siècle. La crise de l’assimilation touche l’ensemble des migrants, et pas seulement les populations arabes ou africaines.

      [« En d’autres termes, vous expliquerez à des gens qui ont été naturalisés dans les années 1950 que vous leur enlevez la citoyenneté française mais que s’ils sont patients vous leur rendrez peut-être dans plusieurs années ? » Je leur dirais que c’est arrivé aux meilleurs d’entre-nous. Charles de Gaulle lui-même a dû en passer par là pour le bien de la France. Et même déchu, il est resté parfaitement et pleinement Français.]

      D’abord, je ne me souviens pas que De Gaule ait jamais été déchu de la nationalité française. Ensuite, la comparaison est totalement absurde. Une chose c’est une déchéance politique dans des circonstances exceptionnelles, une chose très différence est une déchéance de masse dans des circonstances normales. Que faites-vous par exemple de ceux de ces naturalisés qui sont fonctionnaires ? Vous les privez de leur travail ? Pensez-vous que leur expliquer que De Gaulle a du aller à Londres soit une histoire audible ?

      [La France vaut bien quelques tracas administratifs !]

      Ce n’est pas qu’un « tracas administratif ». C’est priver les gens de leur boulot !

      [On le pourrait bien sûr… Il pourrait même être décidé de les passer par les armes si le rapport de force le permet et que la volonté existe. Qu’est-il arrivé aux Vendéens restés fidèles à la monarchie ? Qu’est-il arrivé aux protestants lorsqu’ils ont menacé l’unité de la France ? Qu’est-il arrivé aux communards ? Si un régime est suffisamment fort pour imposer une chose alors cette chose est possible.]

      Possible peut-être. Mais souhaitable ? Le massacre des vendéens, des protestants ou des communards a traumatisé durablement la société française. J’ajoute que votre proposition est bien pire que n’importe lequel de ces évènements. Les protestants, les vendéens, les communards avaient fait un choix, et ont été massacrés en conséquence. Dans votre proposition, vous privez de nationalité même ceux qui sont assimilés, en attendant le réexamen de leur situation !

      [« Dans ce cas, la seule solution est d’exterminer tous les « non-blancs ». » Non pourquoi ? Les minorités, et plus encore si elles sont en proportion faible de la population majoritaire, ne génocident personne.]

      Mais qui vous dit qu’elles ne seront pas un jour majoritaires ? Non, la seule façon d’être vraiment sur, est de tuer tout le monde…

      [« Car qu’est-ce qui vous garantit que les jaunes ou les noirs ne nous balanceront une bombe nucléaire sur la gueule sans même venir chez nous ? » Le fait qu’ils n’aient rien à y gagner ?]

      Mauvaise réponse. Quel intérêt avaient les allemands à exterminer les juifs ? Aucun. Pour exterminer, nul besoin d’avoir quelque chose à y gagner. Il suffit d’être persuadé qu’il y a quelque chose à y gagner…

      [Car, en attendant, les seuls dont on sait d’expérience qu’ils n’ont pas cherché à anéantir les autres « couleurs » alors qu’ils en avaient le pouvoir, ce sont les blancs.]

      Auschwitz, ça ne vous dit rien ? Mon dieu, les choses qu’il ne faut pas entendre…

      [D’ailleurs pourquoi tenez-vous cette hypothèse pour impossible ? Les génocides sont impossibles ? L’antisémitisme ne peut y conduire ?]

      Je ne tiens pas cette hypothèse pour impossible. Je la tiens pour indésirable.

      [« Là, je vous avoue que je ne vous suis plus. Si le problème est d’éviter un « génocide des blancs », vous devriez proposer de refuser la nationalité à tous les « non-blancs », quelque soient leurs prénoms ou leur degré d’assimilation… » C’est un peu l’idée : (…)]

      Non ce n’est pas « l’idée », du moins celle que vous proposiez. Votre proposition était d’enlever la nationalité à ceux qui n’étaient pas suffisamment « assimilés ». Maintenant, vous expliquez qu’il faut la refuser à ceux qui n’ont pas le bon couleur de peau.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Dans votre logique, effectivement, et c’est notre différence, que tous les Français soient noirs ou arabes dans deux ou trois siècles, cela ne change rien, pourvu qu’ils soient assimilés.]

      Tout à fait. Parce que pour moi l’essentiel est la transmission et la perpétuation d’une culture, et non du couleur de peau ou de la couleur des cheveux.

      [“J’ai ‘impression que vous liez inconsciemment ethnicité et culture, comme si la culture « de type européen » ne pouvait avoir pour siège qu’un individu ethniquement « de type européen »”
      Et ça se vérifie tous les jours. Montrez-moi un quartier de France où les blancs sont minoritaires et où la culture “de type européen” est dominante…]

      La Rue des Rosiers ? Bon, redevenons sérieux : vous me demandez un exemple impossible tout simplement parce que dans les quartiers ou une « culture de type européen est dominante » on ne se soucie pas de savoir si les « blancs » – et encore, il faudrait s’entendre sur ce que ce terme veut dire : les juifs ne sont pas plus « blancs » que les arabes – sont ou non majoritaires. La concentration communautaire se présente précisément là où « la culture européenne n’est pas dominante ». Les assimilés n’ont aucune raison de se concentrer.

      [Par ailleurs, je l’ai déjà dit, l’ethnicité est pour moi une composante de l’identité nationale, ce qu’elle n’est pas pour vous.]

      C’est là, je crois, notre principal point de divergence. Je note quand même que votre propos est légèrement contradictoire. Ainsi, vous ne considérez pas que l’ethnicité des juifs – qui sont des sémites – soit un obstacle à leur capacité d’assumer l’identité nationale. Pourquoi en faites-vous un obstacle pour les arabes, qui sont là aussi des sémites ? Lorsqu’on gratte un peu votre raisonnement, on voit qu’il est plus ambigu qu’il n’y paraît, et que le critère culturel est finalement dominant.

      [En outre, je fais partie de ceux qui pensent que la culture et l’origine ne sont pas totalement étrangères l’une à l’autre. Je m’explique: je ne pense pas que l’origine conditionne TOUTE l’identité culturelle d’une personne, mais elle la conditionne nécessairement EN PARTIE. Autrement dit, un Français d’origine arabe n’est pas Français de la même manière qu’un Français d’origine bourguignonne.]

      Sur ce point, nous sommes d’accord. L’assimilation peut aboutir à l’adoption d’une filiation symbolique, mais ne peut effacer le passé. Mon point est que cette « différence » ne porte en rien atteinte à l’identité nationale.

      [Vous et moi ne sommes pas Français de la même façon. Votre parcours d’immigré assimilé n’est pas étranger à votre conception de la nation, de la culture française, de l’assimilation, etc. Pour vous, la nation française est avant tout un creuset, et ce creuset est essentiellement républicain, urbain et industriel. Pour moi, le descendant de paysans, attachés durant des générations à la terre, au village, à l’Eglise, ayant vécu tant de siècles sous la monarchie, la France ne peut pas se résumer au seul creuset de la modernité urbaine et industrielle.]

      Oui, nous ne sommes pas français de la même façon. Mais vous m’attribuez une conception de la nation qui n’est pas la mienne. Je ne vois pas dans « ma France » une histoire républicaine, urbaine et industrielle. Pour moi, une histoire est une continuité et une dialectique. Il n’y aurait pas de France républicaine telle que nous l’aimons s’il n’y avait pas eu avant une France monarchique, et je n’ai jamais adhéré à l’idée d’une « table rase » révolutionnaire, qui séduit tant mon camp politique d’origine. La France ne peut se résumer ni à la ville, ni à la campagne, ni à la monarchie, ni à la République, ni à l’industrie, ni à la paysannerie. C’est une dialectique de tout ça, modelée par l’histoire.

      Cela vous amusera peut-être de savoir que mon processus d’assimilation personnel fut d’abord un apprentissage de cette France « d’avant la France » – ou du moins d’avant la France telle qu’on la présente à l’étranger. Arrivé à ce pays, j’ai découvert – grâce à des amis qui appartiennent à cette France – qu’avant la France en souliers il y a eu une France en sabots. J’ai pu découvrir derrière le pays de Descartes et de Robespierre un pays de petits villages, d’églises, de paysans pauvres et indépendants…

      [Si dans un avenir plus ou moins lointain, les Français de vieille souche s’effacent, c’est tout un pan de l’identité française qui disparaîtra avec eux. Nous parlons souvent d’assimilation, vous et moi. On peut assimiler une langue, une littérature, peut-être adopter des “ancêtres symboliques” (même si je suis plus sceptique que vous sur ce point), mais on ne peut jamais assimiler les origines, l’histoire familiale, le rapport à la terre des autres.]

      On peut, pourvu qu’on organise la transmission. Il y a bien sur une déperdition, et c’est inévitable, mais cela n’a rien à voir avec l’origine. Lorsque les enfants vont vivre à la ville, l’attachement charnel à la terre ne peut plus être le même. Vous – enseignant urbain – n’aurez pas le même rapport à la terre, au village, à l’église que celui qu’avaient vos arrières grands parents.

      [Cet été, je suis allé fleurir et me recueillir sur la tombe de mes arrière-grands-parents, que je n’ai pas connus, et qui sont enterrés dans un petit village de l’Allier, où ils sont nés et où ils ont vécu quasiment toute leur vie. Dans un rayon de 30 ou 40 km, on trouve les traces de mes ancêtres paternels jusqu’au XVII° siècle au moins. Ce rapport que j’ai avec ce petit bout de France (et avec d’autres car ma famille a des racines ailleurs dans le pays), aucun Français immigré ne peut l’avoir.]

      Ce point je vous l’accorde. Mais ce que je trouve être la richesse de la France est justement que son identité est moins fondée sur ce qu’il y a dans les cimetières que sur la logique de citoyenneté.

      [Que mon propos ne soit pas mal interprété: je ne cherche nullement à vous offenser ou à vous rabaisser. J’ai pour vous du respect, et, j’ose le dire, de l’admiration, en dépit (ou peut-être à cause) de nos désaccords. J’essaie simplement de vous expliquer mon rapport complexe à la France et à son identité, et ce sont des choses qui sont tellement charnelles, tellement évidentes pour moi qu’il m’est parfois difficile de trouver les mots, encore que l’exercice soit intellectuellement stimulant. Pour me faire l’avocat du diable, je vous dirais qu’on ne se débarrasse jamais complètement du démon des origines.]

      Rassurez-vous, vos propos ne m’offensent nullement. Et ils m’aident à comprendre un volet de l’identité qui, pour des raisons culturelles, ne m’est pas naturel. Si je voulais aller me recueillir sur la tombe de mes ancêtres, je serais obligé de voyager dans les quatre coins du monde : en Palestine, en Russie, en Pologne, en Angleterre, en France, aux Etats-Unis, en Amérique Latine. L’idée, je l’avoue, ne m’est jamais venue de le faire. On dit que les juifs emportent les tombes de leurs ancêtres avec eux, et ce n’est pas tout à fait faux. D’ailleurs, si ça se trouve un ancêtre à moi a vécu en France du temps de Philippe Auguste, avant d’en être chassé 😉

      Cependant, je voudrais souligner un point : cela vous étonnera peut-être, mais votre façon d’exposer votre attachement à la France m’émeut souvent très fortement. Et si cela suscite chez moi une émotion, c’est que le processus d’assimilation m’y a rendu sensible… il y a donc espoir que les assimilés comme moi portent cette culture, même si elle n’est pas la leur à l’origine.

      [« Après tout, les juifs français sont aussi éloignés du « type européen » que les arabes. » Les Ashkénazes sont plutôt de type européen.]

      Oui… comme disait ma grand-mère avec une pointe d’humour, après chaque pogrom on trouvait beaucoup d’enfants juifs blonds aux yeux bleus… ou le viol comme instrument d’assimilation ! Mais il ne reste pas moins que les juifs européens conservent une certaine consistance ethnique.

      [Cela étant, certains juifs, en cultivant l’entre-soi, veillent soigneusement à ne pas se laisser diluer par le métissage. De ce point de vue, les choix matrimoniaux d’Anne Sinclair, de Simone Veil ou d’Agnès Buzyn en disent long… Le métissage, c’est bon pour les autres.]

      Vous êtes injuste. Vous oubliez que dans la bourgeoisie et la haute bourgeoisie française marier son fils à une juive ou sa fille à un juif reste, même aujourd’hui, assez mal vu. La stratégie matrimoniale des juifs dans ces couches sociales-là est d’abord conditionnée par les stratégies matrimoniales des non-juifs.

      [Mais imaginons un instant que la France soit peuplée demain majoritairement de juifs assimilés. Pensez-vous que cela n’aurait aucune conséquence sur l’identité nationale?]

      Cela aurait probablement des conséquences. Mais qu’est ce qui vous fait penser que ces conséquences seraient désastreuses ?

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Je vois mal comment vous pourriez invoquer les pouvoirs de l’article 16. Vous devriez relire la Constitution…]

      C’est pour ça que j’ai précisé « du style » et « un régime ». Nécessité fera loi et pourra changer l’existant.

      [Je doute que la bourgeoisie, fut-elle « nationale », aura très envie de payer de meilleurs salaires une fois la main d’œuvre immigrée indisponible.]

      C’est au choix entre assimilation, « remigration » ou guerre civile. A eux de faire leurs comptes…

      [Le plombier polonais a beaucoup moins tendance à s’assimiler que ne l’avait le mineur polonais du début du siècle. La crise de l’assimilation touche l’ensemble des migrants, et pas seulement les populations arabes ou africaines.]

      Vous parlez de celui qui alterne les périodes de travail en France et les retours en Pologne où reste sa famille ? Rien de plus logique…

      Alors peut-être cette crise touche-t-elle « l’ensemble des migrants », mais la différence dans le résultat produit (respect des lois, employabilité, résultats scolaires, prénoms, etc) suffit à valider l’idée que les populations ne sont pas égales à l’assimilation.

      [D’abord, je ne me souviens pas que De Gaule ait jamais été déchu de la nationalité française.]

      https://www.ledauphine.com/france-monde/2015/12/25/quand-de-gaulle-etait-dechu-de-sa-nationalite-par-petain

      [Ensuite, la comparaison est totalement absurde. Une chose c’est une déchéance politique dans des circonstances exceptionnelles, une chose très différence est une déchéance de masse dans des circonstances normales. Que faites-vous par exemple de ceux de ces naturalisés qui sont fonctionnaires ? Vous les privez de leur travail ? Pensez-vous que leur expliquer que De Gaulle a du aller à Londres soit une histoire audible ?]

      « Circonstances normales » = un président de la République déclare qu’on va vers la « partition » et le dernier ministre de l’intérieur en date qu’on va bientôt se retrouver « face-à-face ».

      Si vous jugez qu’éviter une guerre civile ne justifie pas quelques sacrifices et bien nous sommes en désaccord sur ce point.

      [Ce n’est pas qu’un « tracas administratif ». C’est priver les gens de leur boulot !]

      On pourrait tout à fait imaginer des compensations financières type chômage le temps d’étudier les cas. Ou privilégier l’examen rapide des cas les plus simples. Ou faire le travail avant pour les cas les plus sensibles. Etc, etc
      Mais c’est sûr que si on part du principe que tout est trop compliqué…

      [J’ajoute que votre proposition est bien pire que n’importe lequel de ces évènements. Les protestants, les vendéens, les communards avaient fait un choix, et ont été massacrés en conséquence. Dans votre proposition, vous privez de nationalité même ceux qui sont assimilés, en attendant le réexamen de leur situation !]

      J’admets qu’on puisse préférer mourir que de perdre la nationalité française. Mais si l’attachement est sincère, ils auraient l’assurance de la retrouver ! Ça ne me paraît donc pas « pire » que de n’avoir que le choix entre mourir ou vaincre pour la conserver…

      [Mais qui vous dit qu’elles ne seront pas un jour majoritaires ? Non, la seule façon d’être vraiment sur, est de tuer tout le monde…]

      C’est vous qui m’avez démontré que les taux de natalité convergeaient dans la durée pour les immigrés. Donc a fortiori, les assimilés ne devraient pas modifier autrement que de façon infinitésimale les rapports par ce biais. Et en nombre restreint, leurs différences iraient naturellement en s’estompant.

      [Mauvaise réponse. Quel intérêt avaient les allemands à exterminer les juifs ? Aucun. Pour exterminer, nul besoin d’avoir quelque chose à y gagner. Il suffit d’être persuadé qu’il y a quelque chose à y gagner…]

      Et qu’est-ce que les Allemands pensaient avoir à y gagner ?

      Mais mauvaise réponse pour vous aussi. Il faut aussi penser ne pas y avoir trop à perdre. D’où le fait que la guerre froide n’a vu l’explosion d’aucune bombe nucléaire et qu’aucun pays doté de l’arme nucléaire n’en a jamais attaqué directement un autre.

      [Auschwitz, ça ne vous dit rien ? Mon dieu, les choses qu’il ne faut pas entendre…]

      Combien les nazis ont-ils tué au final de gens de chaque « couleur » ? A une grande majorité, ceux qu’ils ont tués étaient des « blancs »… Sacrée politique d’extermination des « autres couleurs »…

      Ajoutons-y que les juifs « blancs » n’ont pas été épargnés. Que les slaves n’étaient pas beaucoup plus dans les petits papiers des nazis et qu’ils n’étaient pas vraiment « colorés ». Et que ce sont des « blancs » qui ont détruit les nazis…

      Je maintiens donc mon affirmation même si ça heurte vos oreilles et me fait considérer comme un idiot.

      Que vous le vouliez ou non, les « blancs » auraient pu faire en sorte qu’il n’y ait plus un seul « noir » sur la planète au cours des 19ème et 20ème siècle. A la place, on a favorisé leur explosion démographique.
      Qui d’autres s’est déjà retrouvé dans cette position ? Personne. CQFD.

      [Je ne tiens pas cette hypothèse pour impossible. Je la tiens pour indésirable.]

      Ah.. Et donc si vous ne le désirez pas ça n’arrivera pas ?

      [Non ce n’est pas « l’idée », du moins celle que vous proposiez. Votre proposition était d’enlever la nationalité à ceux qui n’étaient pas suffisamment « assimilés ». Maintenant, vous expliquez qu’il faut la refuser à ceux qui n’ont pas le bon couleur de peau.]

      Étant donné que les immigrés arrivés depuis les années 50 sont en grande majorité non blancs, retirer la nationalité à ceux parmi eux qui ne sont pas assimilés revient mécaniquement à faire baisser la proportion de non blancs dans la société française…
      Et l’estimation de la proportion restante dépend de l’estimation du nombre d’ « assimilés ».

    • @ Descartes,

      “Ainsi, vous ne considérez pas que l’ethnicité des juifs – qui sont des sémites – soit un obstacle à leur capacité d’assumer l’identité nationale. Pourquoi en faites-vous un obstacle pour les arabes, qui sont là aussi des sémites ? Lorsqu’on gratte un peu votre raisonnement, on voit qu’il est plus ambigu qu’il n’y paraît, et que le critère culturel est finalement dominant”
      Une pensée totalement dénuée d’ambiguïté, de subtilité et de nuance serait à mon sens terrifiante…

      Le critère culturel est évidemment pour moi très important. Sinon, vous pourriez me dire: “mais alors, mon cher NE, si dans deux ou trois siècles, tous les Français sont bien blancs tout en étant tous arabophones, musulmans ou bouddhistes, seriez-vous satisfait?” Et je vous répondrais: bien sûr que non, je ne serais pas satisfait.

      Maintenant sur les juifs, je prends en compte l’évolution démographique: c’est une minorité dont les effectifs sont à peu près stables. C’est aussi une population qui a presque réclamé l’assimilation avant qu’on la lui propose (ce qui est rare vous en conviendrez). Mais l’honnêteté m’oblige à vous dire que si la population séfarade avait connu la même croissance que la population arabe en France, si les synagogues sortaient de terre à grande vitesse, si un rappeur ashkénaze chantait qu’il faut “pendre les goyim”, oui, je pense que cela me conduirait à être très hostile aux juifs. Maintenant les juifs sont un cas particulier car ils ont le choix, parce qu’il y a un pays qui les réclame, qui les appelle, qui les somme de le rejoindre: Israël. Certains juifs d’ailleurs se dés-assimilent pour gagner Tel-Aviv. Mais croyez-vous que le Maroc ou l’Algérie soient pressés de voir revenir les enfants de leurs émigrés?

      “Si je voulais aller me recueillir sur la tombe de mes ancêtres, je serais obligé de voyager dans les quatre coins du monde : en Palestine, en Russie, en Pologne, en Angleterre, en France, aux Etats-Unis, en Amérique Latine.”
      Posez-vous cette question: est-il souhaitable que dans un siècle ou deux, 90 % des Français soient dans cette situation? Pensez-vous que cela n’aura aucun impact sur l’ “âme” de la France? Je ne le crois pas. Et si on me rétorque que cela ne pose aucun problème au Canada ou aux Etats-Unis, je réponds que la France n’est ni le Canada, ni les Etats-Unis. La France s’est construite pendant très longtemps avec un apport migratoire très modeste.

      “Vous – enseignant urbain – n’aurez pas le même rapport à la terre, au village, à l’église que celui qu’avaient vos arrières grands parents.”
      C’est certain. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde figé. Mais je conserve la mémoire du rapport que mes ancêtres avaient à la terre, au village, à l’église. Je veux pouvoir emmener mes enfants dans ces villages et leur dire: “voilà où nos ancêtres ont vécu, voilà la terre qu’ils ont cultivée, voilà l’église qu’ils fréquentaient; ce sont vos racines” Mais je ne retournerai pas vivre au village (sauf peut-être à l’heure de la retraite, ou en résidence secondaire). J’ai d’ailleurs toujours refusé d’habiter à la campagne, alors que cela tentait ma femme. Je suis citadin. Cultiver le souvenir du passé ne signifie pas vivre comme par le passé.

      “Mais ce que je trouve être la richesse de la France est justement que son identité est moins fondée sur ce qu’il y a dans les cimetières que sur la logique de citoyenneté.”
      Eh bien, je pense qu’il faut qu’il y ait les deux. Pour moi, “la terre et les morts” n’exclut pas le pacte républicain. Au contraire, les deux se nourrissent l’un de l’autre.

      “Oui… comme disait ma grand-mère avec une pointe d’humour, après chaque pogrom on trouvait beaucoup d’enfants juifs blonds aux yeux bleus… ou le viol comme instrument d’assimilation !”
      Ce n’est pas exactement à cela que je pensais. D’ailleurs, les pogroms revenant régulièrement, on ne peut pas dire que cette forme d’assimilation pour le moins brutale ait fonctionné…

      “Mais il ne reste pas moins que les juifs européens conservent une certaine consistance ethnique.”
      Diriez-vous que Francis Huster ou Daniel Cohn-Bendit ressemblent davantage à Abdelfatah al-Sissi ou à Saddam Hussein qu’à un Européen blanc? Je me souviens de cet excellent film, “Un Taxi pour Tobrouk” où Aznavour justement, qui est un peu typé “oriental”, joue un juif sans problème. J’ai longtemps cru pour ma part que Robert Hossein était juif (je trouvais qu’il en avait la tête) avant de découvrir qu’il n’en était rien. Alors la “consistance ethnique des juifs européens” me laisse sceptique, je vous l’avoue…

      “Vous oubliez que dans la bourgeoisie et la haute bourgeoisie française marier son fils à une juive ou sa fille à un juif reste, même aujourd’hui, assez mal vu.”
      Les choses changent: regardez qui a épousé la fille de Liliane Bettencourt. Quand on connaît le bord politique d’Eugène Schueller (le père de Liliane), avouez qu’il y a de quoi se fendre la poire. Demandez également à Henri de Lesquen qui a épousé une de ses filles (bon, Lesquen le vit très mal, je vous l’accorde).

      “Cela aurait probablement des conséquences. Mais qu’est ce qui vous fait penser que ces conséquences seraient désastreuses ?”
      Je ne dis pas que ce serait désastreux, pas plus qu’une France peuplée majoritairement d’Arabes et de Subsahariens ne le serait. Cela me rendrait triste, mais ce n’est que mon avis. Je dis en revanche que cela changerait en profondeur l’identité de la France, aussi bien l’image que les Français auraient de leur pays que l’image que la France renverrait d’elle-même à l’étranger. Que deviendrait l’identité catholique de la France si demain les Français de tradition catholique devenaient une petite minorité de la population? Et puis il y a toujours notre désaccord sur les “filiations fictives”: franchement, je ne me vois pas vivre dans un pays où tous les rois, les empereurs, les généraux, les scientifiques seraient noirs. Je me sentirais mal à l’aise.

      Pour moi, l’assimilation n’est possible que si elle concerne un très petit nombre d’immigrés, et si les Français “de souche” restent suffisamment nombreux pour absorber, culturellement et ethniquement, les autres. J’attire tout de même votre attention sur le fait que l’assimilation républicaine n’impose pas le changement de religion. Aznavour par exemple était resté fidèle à l’Eglise apostolique arménienne. Ce n’est pas un problème parce que les descendants d’Arméniens ne sont pas très nombreux. Mais, si demain les Français étaient majoritairement musulmans, et même en admettant que cet islam soit éclairé, tolérant, respectueux des autres cultes et que lesdits musulmans soient parfaitement assimilés, croyez-vous que cela ne changera pas considérablement le visage de la France? Ne faudra-t-il pas tôt ou tard transformer des églises en mosquées dans les villes et villages de France? Les Français accepteront-ils d’entretenir un énorme patrimoine religieux qui ne correspondrait plus du tout à leur identité religieuse? Il y a déjà des églises qui sont vendues ou reconverties, mais le phénomène reste marginal, et chaque village, en général, met un point d’honneur à entretenir son église. Mais si le catholicisme devenait ce qu’est le zoroastrisme en Iran aujourd’hui? Dieu sait que j’aime la culture gréco-romaine, mais je ne serais pas d’accord pour dépenser des sommes folles afin d’entretenir un temple de Jupiter dans chaque village, quand bien même tous dateraient de l’Antiquité… Et c’est là qu’à mon avis, la question culturelle ne peut pas être totalement séparée de la question ethnique: la plupart des Arabes et des Turcs, ainsi qu’un nombre important de Subsahariens, sont musulmans. Et même assimilés, beaucoup demeureront de tradition musulmane, comme Aznavour est resté chrétien d’obédience arménienne. Mais le remplacement du catholicisme français (car il y a un catholicisme français, ou plutôt gallican) par un catholicisme africain poserait le même type de problème.

      Enfin, je ne trouve pas scandaleux qu’il y ait de la diversité ethnique sur Terre. Après tout, c’est un héritage des migrations et des adaptations d’homo sapiens lorsqu’il a colonisé les différents domaines bioclimatiques de la planète. Le métissage conduit inexorablement à réduire la diversité au profit d’un type ethnique dominant (par le biais des allèles dominants qui l’emportent sur les récessifs). Je trouve ça dommage. La variété des couleurs de peau, d’yeux, de cheveux, eh bien cela fait partie de la richesse génétique de notre espèce. C’est aussi une part de la richesse de l’humanité selon moi.

    • bip dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Quelle série, quel film, ne présente pas aujourd’hui un couple “mixte”, jeune, bien dans ses baskets, “défiant les préjugés de la société” comme le summum du progrès, de la tolérance, de l’ouverture? Le métissage, c’est le Beau, le Bien, le Vrai. Il n’y a pas grand-chose à faire contre cela.]

      A ne pas rater, un des derniers en date, provenant du ministère de la Vérité d’Orwell (ou celui de l’égalité homme/femme de Schiappa je sais plus), le combo magique qui associe l’idéologie du métissage avec l’idée du « méchant mâle blanc » : https://www.dailymotion.com/video/x6uchuh
      et
      https://www.dailymotion.com/video/x6uchuj

      [Il faut s’y résigner: la France de demain sera “brown”, comme sans doute d’autres pays d’Europe occidentale.]

      Je ne pense pas que ce soit écrit. Ce n’est pas une simple « brownisation » mais un cocktail jamais vu et qui ne demande qu’à exploser car on y ajoute en nombre des pratiquants de l’islam et du judaïsme et des ethnies très diverses d’Asie, d’Afrique et du Moyen-orient.
      Et ce qui va « radicaliser » de plus en plus de monde, c’est l’insécurité que ça crée. Insécurité culturelle en partie mais surtout physique.

      La « brownisation » se fait donc dans le même temps que l’augmentation de l’insécurité mais aussi d’un déclin économique qui ne va pas aller en s’inversant. Or passer un certain seuil dans ces domaines va mécaniquement produire une réaction. Et comme tout est lié, ça va être très compliqué à démêler.

      Aussi, on voit déjà que plus un jeune a fréquenté de près la « diversité » durant son adolescence et plus il y est hostile ensuite (certes, une petite partie « en devient »). Il aura d’ailleurs appris auprès de cette « diversité » à racialiser les débats sans sourciller. Ce sont les « boomers » qui sont le socle de la société telle qu’elle est. Boomers qui n’ont pas eu à connaître la diversité de près à l’école par exemple. Or ils ne sont pas éternels… Et les générations qui arrivent ont été marquées au fer rouge par l’attaque du Bataclan au moment de leur maturation politique.

      Je suis persuadé qu’il y aura l’occasion d’un sursaut et que quelques milliers d’hommes déterminés pourront encore avoir l’occasion de sauver la France.

      [Le Français blanc a créé l’universalisme, il est juste qu’il en crève.]

      J’ai entendu Zemmour évoquer Renan qui pensait que les nations qui créaient de l’universel le payait de leur existence.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Le problème de l’effacement on va dire démographique progressif du type caucasien (qui en plus, d’un point de vue strictement génétique, est “récessif” dans un couple mixte) est uniquement de sa faute, ce sont les caucasiens qui ne font pas assez d’enfants.]

      Vous parlez des « caucasiens » comme si c’était un groupe constitué, capable de commettre collectivement des « fautes ». Franchement, j’ai du mal à comprendre comment on en arrive à donner une telle importance à l’ethnie. Céderiez-vous au même raisonnement que les communautaristes de tout poil, qui font passer l’éthique avant le culturel et le politique, au point de denier aux « blancs » la capacité de comprendre l’esclavage ?

      Revenons aux fondamentaux : ce qui fait que l’homme vit dans une société qui l’asservit ou au contraire qui permet son épanouissement, ce qui le bride dans sa créativité ou lui permet au contraire de se réaliser, ce qui fait que les ressources sont juste ou injustement reparties n’est pas l’ethnie, mais la culture. Il n’y a aucune raison « ethnique » qui empêche les noirs de vivre dans une démocratie socialiste, pas plus que leur couleur de peau n’empêche les « blancs » de vivre sous une dictature délirante – et les exemples ne manquent pas. Alors de grâce, soyons conscients que le combat des progressistes est d’abord un combat culturel et social, et continuons à proclamer l’universalité de l’esprit humain. Non pas la fausse universalité qui veut tout uniformiser, mais la vraie universalité, celle qui veut que tous les hommes, partout et quelle que soit leur « ethnie », font leur histoire par leurs choix.

      [On sait que la surnatalité africaine, qui a démenti toutes les prédictions de transitions démographiques des démographes médiatiques de type Todd, et son ampleur vont nous exploser à la gueule courant 2050 si on ne fait rien (j’ai toujours en mémoire l’interview d’adieu à la politique de Pierre Lellouche, qui expliquait que toute la classe politique sait que c’est un problème, qu’on ne sait pas faire, qu’on ne veut pas faire – pourtant on a modèle historique qui a pas mal marché, c’est Deng Xiao-ping en Chine). L’histoire a montré que la régulation se fait toujours par des moyens “naturels” : guerre, famine, épidémies.]

      Les démographes médiatiques, comme vous dites, oublient que les évolutions culturelles sont généralement en retard par rapport aux évolutions économiques. Les civilisations paysannes ou l’espérance de vie était faible avaient besoin de beaucoup d’enfants pour assurer leur reproduction dans le temps. Quand la productivité s’améliore et que les médicaments arrivent, on n’a plus besoin d’autant d’enfants mais on continue à en faire parce que les structures culturelles anciennes sont toujours en place. En Europe, la révolution technologique qui a apporté médicaments et productivité était endogène, et a coïncidé donc avec une révolution sociale et politique qui a accéléré l’évolution des structures culturelles. En Afrique, médicaments et technologies industrielles sont exogènes, et du coup elles s’implantent sans nécessairement révolutionner les structures culturelles. L’adaptation est donc beaucoup plus lente. C’est l’analyse qu’ont fait les Chinois, pour conclure que le pays ne pouvait pas attendre que l’adaptation se fasse naturellement… et qu’il fallait l’accélérer politiquement. Et ça a marché, parce que l’Etat chinois est capable de mettre en œuvre une décision politique avec une grande continuité et sans états d’âme. Ce que, malheureusement, aucun régime africain ne peut faire.

      [Le problème de l’homme de type caucasien c’est qu’il est devenu un homo festivus (si finement croqué par Murray) : la culture du loisir, qui produit une forme d’industrie ramassant des milliards, fait partie de ces innombrables activités parasitaires que le capital a investi (parasitaire, c’est un peu méchant, car la culture en fait partie, mais la culture avait d’autres canaux non marchants comme l’éducation). Quand on se battait pour des congés payés, ce fut bien pour une augmentation de salaire (quoi être payé sans travailler pendant 1 mois ?!) et pour renouveler la MO. Les 35 heures furent une approche totalement différentes, c’est pour dégager du temps pour une industrie en particulier, celle du loisir.]

      Tout à fait. Cela traduit d’ailleurs le poids des « classes moyennes », ce groupe social dont tous les besoins matériels sont raisonnablement satisfaits, et qui veut du temps libre pour pouvoir en profiter. La différence entre la conquête des congés payés et les 35 heures n’est pas aussi grande que vous le pensez. Dans les deux cas il s’agit d’une situation où, ayant vu satisfaits une partie de ses besoins, une classe sociale demande du temps pour en profiter. La différence est que dans un cas la mesure touchait la classe exploitée, alors que dans la seconde ont bénéficié essentiellement les « classes moyennes ».

      Par contre, tout à fait d’accord avec le côté « festif » de notre société. Même la politique est devenue « festive », avec le happening remplaçant les modes antérieurs de lutte. LFI est devenue spécialiste du sujet : à Hénin-Beaumont, on a envoyé des « brigades de clowns » faire la campagne de Mélenchon, et on ne parle plus de « manifestation », mais de « déambulation festive ». Tout un programme.

      [Après il y a aussi les effets délétères de ce féminisme revanchard, hargneux, qui a cherché à couper la féminité de la maternité. Plutôt que de se battre pour multiplier les crèches et les aides sociales, promouvoir une forme de stoïcisme féministe dans l’acceptation sereine de la période très raccourcie de fécondité d’une femme (1/3 de sa vie) et organiser la vie sociale et le système économique autour, elles préfèrent militer pour des traitement lourds pour des maternités à 50 ans ou l’abominable GPA, dans la toute puissance narcissique individualiste.]

      J’avoue que j’ai du mal à comprendre comment on en est arrivé là. Pourquoi les hommes semblent accepter plus facilement que les femmes l’idée que vivre implique des choix, et qu’on ne peut tout avoir dans ce bas monde ? Pendant des siècles l’homme est sorti chasser le mammouth pendant que la femme restait dans la caverne soigner les enfants. Et j’imagine que depuis cette époque les hommes regrettent de ne pas voir grandir leurs enfants, de ne pas pouvoir jouir des joies de la domesticité. Mais je ne me souviens pas que les hommes aient manifesté exigeant que la société change pour leur permettre de réussir leur carrière ET leur vie familiale ET leur vie sexuelle. En fait, tout se passe comme si les femmes avaient fantasmé sur les avantages et privilèges supposés ou réels des hommes, et qu’une fois ces avantages conquis, ces privilèges tombés, elles réalisent que finalement ce n’était pas le Pérou. D’où la frustration – et la suspicion que les hommes n’ont pas tout à fait lâché l’affaire…

      [@Descartes, tu remarqueras que les hommes de types caucasiens n’ont pas qu’une identité totalement intellectuelle, ils ont aussi développé un type esthétique : les sculptures antiques qui nous ont été transmises n’ont pas grande chose à voir avec l’art africain ou les mystérieuses têtes de l’Ile de Pâques.]

      Vrai. Mais je ne pense pas que cet idéal esthétique corresponde à un « type ethnique » particulier. L’art classique a produit d’ailleurs des sculptures d’africains. Si la culture occidentale en général et française en particulier peut se dire « universelle », c’est précisément parce qu’elle a réussi à dépasser les barrières du local, de l’ethnique, pour poser une éthique, une politique, une esthétique qui prétend appeller à tous les hommes. Cette « universalité » est bien entendu relative : cette culture n’est pas née de rien, elle plonge ses racines – comme le note justement N.E. – dans un passé, une histoire, des institutions qui sont bien locales. Mais je crois qu’i faut bien comprendre cette spécificité de notre culture : les Chinois ne pensent pas que tout le monde devrait devenir chinois, les Africains ne pensent pas que tout le monde doit penser africain. Les Japonais pensent même que les autres ne sauraient penser et parler comme eux, que seul un Japonais « de souche » peut être Japonais. Nous français, nous pensons avoir créé une civilisation, des idées, des institutions qui sont bonnes pour tout le monde, indépendamment de toute considération « ethnique »…

      [L’architecture, l’agencement des paysages, la représentation, la sculpture, tout cela forment un tout harmonieux, et je pense que l’angoisse de N.E. (qu’il me corrige si je me trompe) est dans la perte de cette harmonie, et elle est quand même un peu beaucoup liée formellement à l’homme de type caucasien. Bien sûr que des venus d’ailleurs peuvent admirer et apprécier et transmettre cette harmonie, mais ceux qui se l’ont appropriés ont eu le souci de la faire perdurer (je pense à cette histoire de japonais à 2 doigts de se faire expulser, et qui étaient venus à la base pour faire du vin français authentique).]

      De ce point de vue, je suis plus optimiste que N.E. : je crois à la puissance de cette harmonie, à sa capacité de séduire même ceux qui n’y sont pas nés dans cette lignée. Pendant que les milliardaires français investissent pour faire des musées de mochétés, ce sont les riches Américains et Chinois qui sponsorisent la restauration de Versailles. Je dirai même plus : ceux qui sont venus d’ailleurs et qui ont fait l’effort de l’assimilation sont peut-être encore plus sensibles que les français « de souche » à sa possible disparition. Quand vous aimez une culture au point de la faire votre, vous n’aimez pas l’idée de la voir disparaître…

      [D’ailleurs c’est ce qui rend l’art contemporain ou les horreurs architecturales depuis Pompidou si moches, cette absence de recherche d’harmonie. Et le grand déménagement du monde qui consiste à bouger tous les meubles et les habitants au nom d’une utopie mortifère brise aussi cette harmonie.]

      100% d’accord. On est passé de l’idée que l’art doit embellir la vie à l’idée que l’art doit déranger. Je ne suis pas persuadé que ce soit un progrès.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Maintenant sur les juifs, je prends en compte l’évolution démographique: c’est une minorité dont les effectifs sont à peu près stables.]

      En fait, on n’en sait rien. Selon les chiffres des organisations communautaires, il y aurait en France quelque 500.000 juifs. Mais comment compter ceux qui, totalement assimilés, ne participent à aucune activité communautaire ou religieuse ? Les statistiques ethniques étant interdites en France, aucun moyen de savoir combien de juifs « ethniques » il y a en France. En fait, leur fécondité est un peu supérieure à la moyenne du fait des juifs séfarades, qui tendent à avoir trois enfants et plus. Les juifs ashkénazes sont complètement assimilés et leur fécondité est à mon avis la même que pour les non-juifs de même niveau social.

      [C’est aussi une population qui a presque réclamé l’assimilation avant qu’on la lui propose (ce qui est rare vous en conviendrez).]

      C’est plus ambigu que cela. Les juifs de France étaient très attachés au « statut personnel » – c’est-à-dire la possibilité de conserver leurs règles en matière d’état des personnes et de droit civil. Mais il est vrai que dès lors que l’assimilation a été proposée comme possibilité par Bonaparte, la résistance a été tout à fait marginale. Et ce fut la même chose en Algérie avec le décret Crémieux. En fait, dès lors qu’elle a eu le choix entre citoyenneté et « statut personnel », la quasi-totalité des collectivités juives a préféré la citoyenneté.

      [Maintenant les juifs sont un cas particulier car ils ont le choix, parce qu’il y a un pays qui les réclame, qui les appelle, qui les somme de le rejoindre: Israël. Certains juifs d’ailleurs se dés-assimilent pour gagner Tel-Aviv. Mais croyez-vous que le Maroc ou l’Algérie soient pressés de voir revenir les enfants de leurs émigrés?]

      Probablement pas. D’abord, parce que ces pays ont assez de problèmes avec leurs populations autochtones sans aller chercher de nouveaux problèmes ailleurs. Et ensuite, parce que ces descendants d’immigrés ont souvent des rapports aussi conflictuels avec la société de leur pays d’origine qu’avec la société du pays d’accueil. C’est un peu le sort des immigrés non assimilés : ils sont de fait apatrides. Ils n’appartiennent pas vraiment à la société d’accueil, mais ils n’appartiennent pas non plus à la société d’origine.

      Le cas d’Israel est très particulier en effet, et probablement unique dans l’histoire. Mais il ne faut pas non plus idéaliser l’Aliyah. Si certains juifs français se « des-assimilent » pour aller à Tel Aviv ou a Jérusalem, dans beaucoup de cas cette expérience se solde par un échec et un retour vers la France. Pourquoi croyez-vous que l’Agence Juive – l’administration qui gère le retour en Israel des juifs de la Diaspora – refuse catégoriquement de publier les taux de retour ?

      [« Si je voulais aller me recueillir sur la tombe de mes ancêtres, je serais obligé de voyager dans les quatre coins du monde : en Palestine, en Russie, en Pologne, en Angleterre, en France, aux Etats-Unis, en Amérique Latine. » Posez-vous cette question: est-il souhaitable que dans un siècle ou deux, 90 % des Français soient dans cette situation? Pensez-vous que cela n’aura aucun impact sur l’ “âme” de la France?]

      Souhaitable, non. Il y a toujours quelque chose de rassurant à être proche de la tombe des gens qui nous on fait, et plus important encore de fréquenter encore les lieux où ils ont vécu. Mais je n’en fais pas quelque chose d’essentiel ou de fondamental. Par ailleurs, avec le passage du temps, les immigrés assimilés auront aussi leurs tombes familiales en France. Il n’y aura jamais 90% des Français qui seront immigrés de la première génération…

      Je ne pense pas que cela aura un impact sur « l’âme » de la France, sauf peut-être un impact marginal. On n’a pas besoin d’avoir un parent inscrit sur le monument aux morts pour ressentir de l’émotion à sa vue. Croyez-en mon expérience, les ancêtres symboliques sont aussi présents que les ancêtres réels.

      [Je ne le crois pas. Et si on me rétorque que cela ne pose aucun problème au Canada ou aux Etats-Unis, je réponds que la France n’est ni le Canada, ni les Etats-Unis. La France s’est construite pendant très longtemps avec un apport migratoire très modeste.]

      Ce n’est pas moi qui vous dira pareille chose, parce qu’aux Etats-Unis ou au Canada cela pose un certain nombre de problèmes. Mais il y a une différence de taille : dans ces pays, saut à adopter les coutumes des indiens, il n’y avait personne à qui « s’assimiler ». Les immigrants arrivant au Canada ou aux Etats-Unis n’avaient pas vraiment la possibilité d’adopter des « ancêtres symboliques » qui les rattachent à leur terre. Ce n’est pas le cas en France, ou l’assimilation implique assumer une histoire longue.

      [C’est certain. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde figé. Mais je conserve la mémoire du rapport que mes ancêtres avaient à la terre, au village, à l’église. Je veux pouvoir emmener mes enfants dans ces villages et leur dire: “voilà où nos ancêtres ont vécu, voilà la terre qu’ils ont cultivée, voilà l’église qu’ils fréquentaient; ce sont vos racines”.]

      Eh bien, moi aussi j’ai la mémoire. Mais j’ai la mémoire de VOS ancêtres, que j’ai adopté en m’assimilant à ce pays. Et je peux emmener mes enfants dans ces villages pour leur dire « voilà où ont vécu les gens qui ont construit ce pays, la terre qu’ils ont cultivée, l’église qu’ils ont fréquenté. Et c’est grâce a eux que nous avons ce pays aujourd’hui. Nous sommes donc leurs héritiers ». Est-ce vraiment si différent ? L’assimilation, c’est une forme d’adoption inversée. J’ai « adopté » vos ancêtres, puisque je suis leur héritier.

      [Ce n’est pas exactement à cela que je pensais. D’ailleurs, les pogroms revenant régulièrement, on ne peut pas dire que cette forme d’assimilation pour le moins brutale ait fonctionné…]

      Non, les gens ont fini par partir. Mais c’était juste une boutade. Vous savez, ma grand-mère et les gens de sa génération avaient beaucoup d’humour et une vision très distancée des choses. Quand on imagine qu’une femme aujourd’hui peut témoigner en pleurs au sénat américain parce qu’il y a quarante ans au cours d’une soirée de beuverie ils ont eu un contact intime… on croit rêver. En tout cas, ça aurait beaucoup fait rigoler ma grand-mere.

      [« Vous oubliez que dans la bourgeoisie et la haute bourgeoisie française marier son fils à une juive ou sa fille à un juif reste, même aujourd’hui, assez mal vu. » Les choses changent:]

      Certainement, mais très lentempent. A l’époque où Simone Veil ou Anne Sinclair ont fait leurs choix matrimoniaux, le poids de la tradition était encore lourd…

      [regardez qui a épousé la fille de Liliane Bettencourt.]

      Faudrait savoir : un jour vous me dites que les « stratégies matrimoniales » des juifs français restent endogamiques, le suivant vous me balancez des exemples de mariages mixtes ?

      [Je dis en revanche que cela changerait en profondeur l’identité de la France, aussi bien l’image que les Français auraient de leur pays que l’image que la France renverrait d’elle-même à l’étranger. Que deviendrait l’identité catholique de la France si demain les Français de tradition catholique devenaient une petite minorité de la population?]

      D’abord, il n’y a aucune raison pour que l’ethnie détermine la religion. On peut parfaitement être noir et catholique. Et accessoirement, la « tradition catholique » peut être parfaitement portée par des non catholiques. Après tout, on peut parfaitement conserver et mettre en valeur l’héritage de l’antiquité grecque sans croire en Zeus.

      [Et puis il y a toujours notre désaccord sur les “filiations fictives”: franchement, je ne me vois pas vivre dans un pays où tous les rois, les empereurs, les généraux, les scientifiques seraient noirs. Je me sentirais mal à l’aise.]

      Question d’habitude. Moi je vis dans un pays où pratiquement tous les rois, empereurs, généraux, scientifiques sont non-juifs, et je me porte très bien. Et cela ne me gêne nullement à l’heure de me considérer leur héritier.

      [J’attire tout de même votre attention sur le fait que l’assimilation républicaine n’impose pas le changement de religion.]

      Non, mais elle impose une certaine connaissance de la religion catholique – tout simplement parce qu’elle a façonné l’histoire et la sociabilité françaises – et surtout elle impose que la religion devienne une affaire privée. Et cela répond à votre deuxième question :

      [Mais, si demain les Français étaient majoritairement musulmans, et même en admettant que cet islam soit éclairé, tolérant, respectueux des autres cultes et que lesdits musulmans soient parfaitement assimilés, croyez-vous que cela ne changera pas considérablement le visage de la France?]

      Pas tant que ça, puisque l’assimilation implique que la religion se trouve dans la sphère privée. Mais bien sur, cela changerait beaucoup de choses. Et alors ? La société évolue, et on n’y peut rien. Quand les goûts musicaux changent, on ferme des opéras et on ouvre des zénith. Quand les goûts culinaires changent, on ferme des bistrots et on ouvre des restaurants de restauration rapide. Si les goûts religieux changent, on fermera peut-être des églises et on ouvrira des mosquées. Tant que les « masses de granite » – pour utiliser la formule napoléonienne – ne bougent pas, la France « éternelle » sera toujours là.

      [Ne faudra-t-il pas tôt ou tard transformer des églises en mosquées dans les villes et villages de France? Les Français accepteront-ils d’entretenir un énorme patrimoine religieux qui ne correspondrait plus du tout à leur identité religieuse?]

      Je ne suis pas catholique et je ne vois pas d’inconvénient à payer des impôts pour entretenir la cathédrale de Chartres ou l’église de mon village. Cela ne me viendrait pas à l’idée de dire « puisque je suis juif, je ne voudrais pas que mes impôts servent à entretenir autre chose que des synagogues ». Par définition, un musulmans – ou un juif, ou un bouddhiste – assimilé ne laissera jamais tomber en ruine les cathédrales, parce que c’est précisément cela que veut dire « assimilé ».

      [Dieu sait que j’aime la culture gréco-romaine, mais je ne serais pas d’accord pour dépenser des sommes folles afin d’entretenir un temple de Jupiter dans chaque village, quand bien même tous dateraient de l’Antiquité…]

      Pourtant, les grecs maintiennent leurs monuments… et rares sont ceux qui honorent encore Zeuz ou Athena. Je ne vous dis pas qu’une France à majorité non-catholique entretiendrait les églises dans chaque village. Mais celles qui ont un intérêt patrimonial, certainement. Et les autres seront reconverties à d’autres usages, comme ce fut le cas pour tant d’autres bâtiments dont l’évolution de la société a fait disparaître l’usage.

      J’ai l’impression que vous confondez deux choses. La réduction du nombre d’églises est inscrite dans la réalité dès lors que la pratique religieuse se réduit. ET CELA INDEPENDEMENT DE TOUT PHENOMENE MIGRATOIRE. Par ailleurs, on peut se poser la question du devenir des monuments dans un pays ou les « de souche » seraient remplacés par des « assimilés ». Je pense que l’effet serait le contraire de celui que vous anticipez : les assimilés sont souvent bien plus nationalistes que les « souchiens »…

      [La variété des couleurs de peau, d’yeux, de cheveux, eh bien cela fait partie de la richesse génétique de notre espèce. C’est aussi une part de la richesse de l’humanité selon moi.]

      Je le pense aussi. Mais je suis moins pessimiste que vous quant au fait que cette évolution soit ineluctable.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [« Je doute que la bourgeoisie, fut-elle « nationale », aura très envie de payer de meilleurs salaires une fois la main d’œuvre immigrée indisponible. » C’est au choix entre assimilation, « remigration » ou guerre civile. A eux de faire leurs comptes…]

      Il paraît que la guerre civile, ça rapporte pas mal…

      [Vous parlez de celui qui alterne les périodes de travail en France et les retours en Pologne où reste sa famille ? Rien de plus logique…]

      Non, je parle de celui qui vient avec sa famille, mais qui ne s’assimile pas.

      [« D’abord, je ne me souviens pas que De Gaule ait jamais été déchu de la nationalité française. » (…)]

      Mais c’était là l’acte d’un gouvernement illégitime dont les actes sont considérés nuls et non avenus…

      [« Circonstances normales » = un président de la République déclare qu’on va vers la « partition » et le dernier ministre de l’intérieur en date qu’on va bientôt se retrouver « face-à-face ».]

      Oui, tout à fait. Les présidents de la République et les ministres qui annoncent des catastrophes imminentes – tout en ne faisant rien pour les prévenir – c’est devenu le comble de la normalité. Vous me rappelez un roman de Terry Pratchett, dans lequel des magiciens prédisent la destruction de l’univers si le héros détruit la Machine, mais lorsque celui-ci prend la barre de fer et fait mine de frapper, ils prennent leurs jambes à leur cou pour s’enfuir de la pièce. Le héros déduit – à juste titre – que s’ils s’enfuient c’est qu’ils ne sont pas persuadés que l’univers sera détruit, car a moins de disposer d’un univers de réserve, la fuite ne les avance à rien. Je vous invite à faire comme le héros en question : ceux qui prédisent la fin du monde tout en prenant la fuite ne sont pas sérieux.

      [Si vous jugez qu’éviter une guerre civile ne justifie pas quelques sacrifices et bien nous sommes en désaccord sur ce point.]

      Ce que je « juge », c’est qu’il n’y a aucune « guerre civile » en vue. La question de savoir si éviter une guerre civile justifie telle ou telle action est donc purement théorique.

      [J’admets qu’on puisse préférer mourir que de perdre la nationalité française. Mais si l’attachement est sincère, ils auraient l’assurance de la retrouver !]

      Mais qui est juge de la « sincérité » ? Sauf à lire dans les pensées, impossible de savoir si une expression est « sincère » ou pas. J’aimerais d’ailleurs savoir quelle sorte de critères vous imaginez pour instruire ces dossiers.

      [« Mais qui vous dit qu’elles ne seront pas un jour majoritaires ? Non, la seule façon d’être vraiment sur, est de tuer tout le monde… » C’est vous qui m’avez démontré que les taux de natalité convergeaient dans la durée pour les immigrés.]

      Oui, mais je peux me tromper…

      [« Mauvaise réponse. Quel intérêt avaient les allemands à exterminer les juifs ? Aucun. Pour exterminer, nul besoin d’avoir quelque chose à y gagner. Il suffit d’être persuadé qu’il y a quelque chose à y gagner… » Et qu’est-ce que les Allemands pensaient avoir à y gagner ?]

      La défense de leur identité, de leur pays, de leurs libertés menacées par la grande conspiration juive pour les asservir.

      [« Auschwitz, ça ne vous dit rien ? Mon dieu, les choses qu’il ne faut pas entendre… » Combien les nazis ont-ils tué au final de gens de chaque « couleur » ? A une grande majorité, ceux qu’ils ont tués étaient des « blancs »…]

      Si les arabes ne sont pas pour vous des « blancs », alors les juifs ne le sont pas non plus puisque tous deux sont sémites. Cela donne quelque 7 millions d’individus…

      [Je maintiens donc mon affirmation même si ça heurte vos oreilles et me fait considérer comme un idiot.]

      Idiot non… buté, tout au plus ! 😉

      [« Je ne tiens pas cette hypothèse pour impossible. Je la tiens pour indésirable. » Ah.. Et donc si vous ne le désirez pas ça n’arrivera pas ?]

      En tout cas, je me battrai de toutes mes forces pour qu’elle n’arrive pas. Vous pouvez me croire.

      [« Non ce n’est pas « l’idée », du moins celle que vous proposiez. Votre proposition était d’enlever la nationalité à ceux qui n’étaient pas suffisamment « assimilés ». Maintenant, vous expliquez qu’il faut la refuser à ceux qui n’ont pas le bon couleur de peau. » Étant donné que les immigrés arrivés depuis les années 50 sont en grande majorité non blancs, retirer la nationalité à ceux parmi eux qui ne sont pas assimilés revient mécaniquement à faire baisser la proportion de non blancs dans la société française…]

      Mais c’est pas tout à fait ce que vous proposez maintenant, qui est de refuser la citoyenneté à tous ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau.

      [Et l’estimation de la proportion restante dépend de l’estimation du nombre d’ « assimilés ».]

      Pour cela, il faudrait connaître les critères que vous proposez d’appliquer pour juger de l’assimilation. Je serais intéressé de les connaître…

    • @ Descartes,

      “Mais j’ai la mémoire de VOS ancêtres, que j’ai adopté en m’assimilant à ce pays.”
      Vous auriez pu demander la permission 🙂 Mais je crois honnête de vous dire que quelques uns de mes ancêtres versaient dans l’antisémitisme…

      “Vous savez, ma grand-mère et les gens de sa génération avaient beaucoup d’humour et une vision très distancée des choses.”
      Plaisanter des choses graves, c’est donc cela l’humour juif?

      “Faudrait savoir : un jour vous me dites que les « stratégies matrimoniales » des juifs français restent endogamiques, le suivant vous me balancez des exemples de mariages mixtes ?”
      Attendez! C’est vous qui me dites que les juifs se marient entre eux parce que la bourgeoisie “de souche” ne veut pas d’eux. Je vous donne quelques exemples pour vous montrer que les juifs peuvent épouser des enfants de bourgeois non-juifs, et que quand ils choisissent de se marier entre eux, eh bien c’est un choix volontaire. Il n’y a pas de contradiction dans mon raisonnement.

      “Et alors ? La société évolue, et on n’y peut rien.”
      Mais… La domination des classes moyennes, la déliquescence des institutions, le communautarisme, la GPA, le véganisme, etc, tout cela c’est aussi “la société qui évolue”. Je ne comprends pas bien: au nom de quoi combattez-vous certaines évolutions tout en haussant les épaules face à d’autres? Sur quel critère vous fondez-vous pour définir les évolutions que vous rejetez et celles que vous estimez acceptables? Pourquoi la légalisation de la GPA ou l’obscurantisme écolo seraient-ils plus inquiétants que l’islamisation de la France ou l’effacement des Français de souche?

      “Tant que les « masses de granite » – pour utiliser la formule napoléonienne – ne bougent pas, la France « éternelle » sera toujours là.”
      Pouvez-vous expliquer précisément ce que vous mettez dans vos “masses de granite”? Je veux bien qu’on enlève la religion, l’ethnicité, la terre et les morts (toutes choses qui fondent quand même pas mal de nations par le monde), mais il reste quoi? Quelques vagues principes hérités de 1789, la langue et un souci de préservation patrimoniale, autrement dit les Droits de l’Homme, le dictionnaire et quelques vieilles pierres. N’est-ce pas un peu léger pour fonder une nation?

      “Pourtant, les grecs maintiennent leurs monuments…”
      Oui, m’enfin faut quand même voir ce qui reste par rapport à ce qui a existé. Il y a aujourd’hui beaucoup plus d’églises et de monastères orthodoxes en Grèce que de temples antiques encore debout.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [La « brownisation » se fait donc dans le même temps que l’augmentation de l’insécurité mais aussi d’un déclin économique qui ne va pas aller en s’inversant. Or passer un certain seuil dans ces domaines va mécaniquement produire une réaction. Et comme tout est lié, ça va être très compliqué à démêler.]

      Repentez vous ! Repentez vous ! La fin du monde est proche !

      [« Le Français blanc a créé l’universalisme, il est juste qu’il en crève. » J’ai entendu Zemmour évoquer Renan qui pensait que les nations qui créaient de l’universel le payaient de leur existence.]

      Les attaques contre « l’universalisme » français ne sont pas nouvelles. C’est un leitmotiv de la droite réactionnaire qui n’a toujours pas digéré la Révolution française. Le plus drôle, c’est que cette droite est souvent catholique, et que « catholique » en grec, veut précisément dire « universel »…

      Non, ce n’est pas le « Français blanc » qui a créé l’universalisme. C’est une petite secte juive en Palestine, autour du Ier siècle de notre ère, qui a bâti les fondements d’une religion qui n’était plus réservée à un peuple ou une nation, mais qui s’adressait à tous les hommes. L’universalisme des Lumières n’est qu’un héritier – lointain certes, mais héritier quand même – de cette conception « universelle » du monde.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« Mais j’ai la mémoire de VOS ancêtres, que j’ai adopté en m’assimilant à ce pays. » Vous auriez pu demander la permission :)]

      Je l’ai fait. J’ai exprimé cette demande le jour où j’ai déposé en préfecture mon dossier de demande de naturalisation… 😉

      [Mais je crois honnête de vous dire que quelques-uns de mes ancêtres versaient dans l’antisémitisme…]

      Et alors ? « On choisit ses amis, on ne choisit pas sa famille ». Je peux vous assurer que je savais tout de l’expulsion des juifs par Philippe Auguste lorsque j’ai demandé à être français, et que je ne rejette pas cet ancêtre-là.

      [« Vous savez, ma grand-mère et les gens de sa génération avaient beaucoup d’humour et une vision très distancée des choses. » Plaisanter des choses graves, c’est donc cela l’humour juif?]

      Tout à fait. Voici un bon exemple, signé Romain Gary:

      Question : « vous parlez un Yddish parfait. Berlitz ? »
      Réponse : « non, Auschwitz ».

      (Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est Berlitz, il s’agit de l’une des toutes premières académies privées d’enseignement des langues étrangères)

      [« Faudrait savoir : un jour vous me dites que les « stratégies matrimoniales » des juifs français restent endogamiques, le suivant vous me balancez des exemples de mariages mixtes ? » Attendez! C’est vous qui me dites que les juifs se marient entre eux parce que la bourgeoisie “de souche” ne veut pas d’eux. Je vous donne quelques exemples pour vous montrer que les juifs peuvent épouser des enfants de bourgeois non-juifs, et que quand ils choisissent de se marier entre eux, eh bien c’est un choix volontaire. Il n’y a pas de contradiction dans mon raisonnement.]

      Mais si vous me donnez des exemples de juifs qui épousent des non juifs, vous ne pouvez pas ensuite dire que les juifs se marient entre eux ! Un peu de cohérence. En fait, lorsque l’antisémitisme est faible les mariages mixtes deviennent très nombreux. Dans ma famille, nous sommes neuf cousins de ma génération : deux ont épousé des juifs, cinq des non-juifs.

      [« Et alors ? La société évolue, et on n’y peut rien. » Mais… La domination des classes moyennes, la déliquescence des institutions, le communautarisme, la GPA, le véganisme, etc, tout cela c’est aussi “la société qui évolue”. Je ne comprends pas bien: au nom de quoi combattez-vous certaines évolutions tout en haussant les épaules face à d’autres?]

      Vous m’avez je pense mal compris. Lorsque je dis que devant l’évolution de la société « on n’y peut rien », je veux dire que nous ne pouvons pas l’empêcher d’évoluer, nous ne pouvons pas la garder statique. Par contre, nous « pouvons » quelque chose lorsqu’il s’agit de choisir COMMENT elle évolue. Vous ne pourrez pas garder le village de vos ancêtres tel qu’il était de leur vivant. Il y aura chaque fois moins de lavoirs, et ceux qui resteront seront préservés comme des reliques, sans que personne n’y lave une chemise. Et de la même manière, il y aura de moins en moins d’églises parce que la religion ne joue plus le même rôle social. Par contre, nous pouvons faire en sorte que le village évolue tout en respectant l’esprit d’une civilisation. En ce sens, nous ne sommes pas impuissants.

      [Sur quel critère vous fondez-vous pour définir les évolutions que vous rejetez et celles que vous estimez acceptables? Pourquoi la légalisation de la GPA ou l’obscurantisme écolo seraient-ils plus inquiétants que l’islamisation de la France ou l’effacement des Français de souche?]

      Disons que je me pose la question de savoir si l’évolution en question permet de continuer à épanouir cette civilisation à laquelle je suis attaché, ou si au contraire elle menace les fondements de ce qui pour moi fait la France. C’est un choix subjectif, je vous l’accorde. Mais tout choix militant est subjectif. Pourquoi est-ce que je choisis de défendre l’intérêt des prolétaires plutôt que celui des bourgeois ?

      [« Tant que les « masses de granite » – pour utiliser la formule napoléonienne – ne bougent pas, la France « éternelle » sera toujours là. » Pouvez-vous expliquer précisément ce que vous mettez dans vos “masses de granite”?]

      « Précisément » je ne sais pas. Je peux vous donner quelques-uns sur lesquels j’ai réfléchi un peu. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas d’autres. Je dirais une vision de soi très particulière, qui conjugue l’amour pour la « petite patrie » et l’attachement complexe à la « grande patrie ». C’est un hédonisme spécifique qui nous fait accorder une importance toute particulière à ce qui est bon à manger et beau à regarder, alors que d’autres peuples préfèrent ce qui est utile ou pratique. C’est un cartésianisme qui imprègne nos comportements individuels et collectifs. Ce sont des institutions à l’histoire longue qui tiennent à la construction patiente de la nation.

      [Je veux bien qu’on enlève la religion, l’ethnicité, la terre et les morts (toutes choses qui fondent quand même pas mal de nations par le monde), mais il reste quoi? Quelques vagues principes hérités de 1789, la langue et un souci de préservation patrimoniale, autrement dit les Droits de l’Homme, le dictionnaire et quelques vieilles pierres. N’est-ce pas un peu léger pour fonder une nation?]

      Mais je ne vous propose pas d’enlever ni la religion – à distinguer de la croyance – ni la terre, ni les morts. Toutes choses à mon avis absolument indispensables. Ce que je vous dis, c’est que vous pouvez parfaitement être ému par une religion ou des morts qui ne sont pas matériellement les vôtres. Moi qui ne suis pas catholique, je suis ému aux larmes par la cathédrale de Chartres, et reconnaissants à ces catholiques qui m’ont légué ce joyau. Je suis ému visitant l’ossuaire de Douamont et je suis reconnaissant aux hommes qui sont morts pour que MON pays reste libre, et cela même s’ils ne sont « mes morts » que par adoption.

      [« Pourtant, les grecs maintiennent leurs monuments… » Oui, m’enfin faut quand même voir ce qui reste par rapport à ce qui a existé. Il y a aujourd’hui beaucoup plus d’églises et de monastères orthodoxes en Grèce que de temples antiques encore debout.]

      Peut-être. Mais aucun n’a la charge symbolique du Parthénon. Aucun auteur chrétien orthodoxe n’a la puissance d’évocation d’un Homère, aucun sculpteur orthodoxe n’est connu comme l’est Phidias. Les grecs aujourd’hui ont beau être chrétiens, ils restent les héritiers de dieux dont le culte a depuis longtemps disparu. Je ne sais pas si le culte chrétien existera dans mille ans en France. Mais ce n’est pas cela qui m’inquiète, tant que les gens se souviendront que leurs ancêtres pratiquaient ce culte, qu’ils connaîtront les principes, les oeuvres les légendes qui y sont attachées…

    • Bannette dit :

      @Descartes [Vous parlez des « caucasiens » comme si c’était un groupe constitué, capable de commettre collectivement des « fautes ». Franchement, j’ai du mal à comprendre comment on en arrive à donner une telle importance à l’ethnie.]

      En fait de ma part, c’est une boutade, car c’est ce que je réponds toujours à ceux qui s’effraient de la surnatalité des immigrés chez nous et la sous-natalité des autochtones : le problème vient des blancs qui ne font pas assez d’enfants, pas des autres. Les immigrés réservent encore souvent comme carrière à leurs femmes la maternité, d’où le fait que les allocations leur suffisent, là où nous avons un taux d’activité des femmes très élevé, il me semble l’un des plus élevés du monde entier, ce qui est tout à notre honneur. Chez nous, le problème c’est plus le report de natalité, il me semble avoir lu qu’on avait atteint les 30 ans de moyenne d’âge pour le 1er enfant chez les femmes françaises, sachant que la chute drastique de la fécondité d’une femme commence à 37/38 ans, c’est dire à quel point le report du 1er enfant s’en approche dangereusement…. C’est en ça que j’ai une dent envers les féministes, ce refus de la réalité biologique, alors que si on investissait massivement dans les crèches, même près des universités et des établissements de formation post-bac, je suis sûr qu’on pourrait avancer l’âge du 1er enfant plus tôt.
      Je n’aime pas du tout les situations du type de celles qu’on trouvait en Angleterre ou aux USA chez ceux qu’on appelle avec mépris les white-trash avec le phénomène des grossesses adolescentes, des abonnés éternels à Council House, cassos et foyers désunis, tous des blancs, c’est très éloigné de mon idéal d’émancipation, on ne règle pas un problème démographique comme ça.

      [En Europe, la révolution technologique qui a apporté médicaments et productivité était endogène, et a coïncidé donc avec une révolution sociale et politique qui a accéléré l’évolution des structures culturelles. En Afrique, médicaments et technologies industrielles sont exogènes, et du coup elles s’implantent sans nécessairement révolutionner les structures culturelles. L’adaptation est donc beaucoup plus lente. C’est l’analyse qu’ont fait les Chinois, pour conclure que le pays ne pouvait pas attendre que l’adaptation se fasse naturellement… et qu’il fallait l’accélérer politiquement. Et ça a marché, parce que l’Etat chinois est capable de mettre en œuvre une décision politique avec une grande continuité et sans états d’âme. Ce que, malheureusement, aucun régime africain ne peut faire.]

      Je suis bien d’accord sur tout ce que tu pointes notamment sur ce décalage temporel, mais il y a 2 défis :
      1. Qui prend en charge le coût du décalage ?
      2. Quelle perspective donner à toute la population-déjà-existante sur le continent africain ?

      Pour le 1., tout l’environnement médiatique, nos chères classes moyennes, les instances mêmes de l’ONU nous bombardent d’une propagande éhontée induisant que c’est à nous (comprenez nos classes populaires) de prendre en charge le coût de ce décalage. Inutile de développer pourquoi il en est hors de question.
      Pour le 2., revenons sur le cas chinois, et pourquoi il a si bien marché. Tu remarqueras que Deng Xiao-ping a lancé la politique de l’enfant unique en parallèle de l’ouverture relative avec les USA qui a commencé à être négociée dès Nixon… DXP n’a pas seulement ordonné aux chinois l’austérité démographique, il a également ordonné à ceux-qui-étaient-déjà-là de bosser et de se former, or on ne peut pas faire bosser tout en peuple en claquant des doigts sans activité préalable ou… capital, ce qui n’existait pratiquement pas en Chine et a été apporté par les américains. Rétrospectivement il faut admirer l’ingéniosité du plan de développement de DXP : cette alliance étonnante d’hyper-humilité et de lucidité par rapport à son sous-développement, et ce côté offensif dans la ruse chinoise qu’est le fait d’avoir volontairement accueilli et favorisé les délocalisations massives grâce aux salaires très bas, et le transfert à la fois matériel et technique, permettant de se hisser moins de ½ siècle plus tard comme 2ème puissance mondiale. Il s’agit là de l’application pratique et politique des leçons de leur grand maître Sun Tzu, : l’art de faire la guerre sans combattre. Donc une lucidité sur ses qualités (peuple forgé par des siècles de confucianisme donc obéissant et laborieux) et celles de l’adversaire (génie technique), mais aussi avoir perçu le principal défaut des américains pour s’en servir contre eux : leur cupidité. Une modération démographique imposée de façon autoritaire sans ouverture aux occidentaux pour le transfert d’usines n’aurait jamais marché, voilà où fut l’intelligence de DXP car il a pu donner une perspective à ceux-qui-étaient-déjà-là.

      Tu as du entendre parler de cette découverte de portes dérobées dans des serveurs sensibles aux USA, et le soupçon qu’elles sont dues à du matériel chinois. Cet article parle de l’inquiétude de l’establishment US sur l’extrême dépendance aux chinois http://www.opex360.com/2018/10/03/terres-rares-electronique-le-pentagone-sinquiete-de-sa-trop-grande-dependance-a-legard-des-importations-chinoises/ et qui chez moi provoque le rire de Dieu devant ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes : dans les auditions de membres du Pentagone (comme pour l’affaire des serveurs) la réponse qui revient toujours était en gros : ben en fait on le faisait avant, mais on a délocalisé,cf la ruse chinoise dont je parle plus haut (tiens ça me rappelle que le matos Orange chez nous est généralement Huawei, MDR comme disent les djeunz).
      Reconnaissons à Trump la lucidité d’avoir écouté ceux qui tirent la sonnette d’alarme et donc, par ses initiatives diplomatiques tonitruantes, d’en tirer les conclusions qui s’imposent : on ne peut pas continuer à mettre au chômage ses nationaux pour avoir du matos pas cher, et se retrouver potentiellement espionnable et vulnérable. Je désespère de voir cette lucidité chez nous vu la fascination de nos élites pour les allemands et leurs usines à produits intermédiaires, et les classes moyennes se maintenir dans l’illusion de la pseudo-fin de l’histoire de Fukuyama à savoir nous on garde les cerveaux, eux ils ont ont les bras corvéables, et cette division internationale du travail perdurera ad vitam aeternam. Comme si ceux qui ont des bras n’avaient des cerveaux, comme si nos découvertes techniques ne pouvaient pas tout simplement être aussi volées par nos ex-fournisseurs. Plutôt qu’une politique paranoïaque de vérification de chaque composé électronique importé de Chine, ce qui coûte de l’argent au passage, ne pourrait-on pas réactiver le patriotisme économique et la réindustrialisation ?

      Pour en revenir au 2. et à l’Afrique, à supposer même qu’ils s’imposent une austérité démographique à la chinoise (ce qui n’est pas du tout à l’ODJ), il reste la question de comment mettre en activité les centaines de millions de déjà-là, car on en revient à ce qui a marché avec DXP : la ruse chinoise ne pourra pas être rééditée une 2ème fois avec transfert massif du capital matériel et immatériel occidental cette fois-ci en Afrique (d’ailleurs l’héritage matériel de la décolonisation – qui était déjà un transfert à l’époque – a été totalement gâché), car je pense que même si la lucidité de nos élites bavardantes met trop de temps à arriver, il y aura un sursaut du même genre que Trump, trop délocaliser pour ne pas fabriquer nous-mêmes et se dispenser d’amélioration de la productivité a finit par rendre potentiellement vulnérables nos pays à des puissances étrangères. Et puis arrivera fatalement la question de la demande solvable avec les crises des dettes, et la RPC encore une fois fera tout pour que ce soit sa demande interne qui avale sa production, jamais ils n’accepteront que leur demande solvable endogène profite aux capitalistes étrangers (contrairement aux fantasmes des capitalistes qui comptent sur les bourgeoisies compradore des émergents pour écouler la production, une fois les classes populaires des pays occidentaux définitivement essorées).

      C’est pour ça que je trouve que tu sous-estimes le côté rouleau compresseur de la bombe démographique africaine : la surnatalité empêche de dégager quelques marges pour sortir de la simple survie, mais en plus leur anthropologie les empêche pour le moment de trouver des solutions globales comme l’ont fait les chinois, qui avaient les qualités objectives dues à leur histoire particulière pour se sortir du sous-développement.
      En plus, on oublie un des freins chroniques du sous-développement : l’instabilité juridique et institutionnelle qui empêche la bonne marche des affaires, là où les chinois ont un Etat certes autoritaire, mais sa légitimité est très majoritairement incontestée, et il sait faire scrupuleusement respecter les clauses des contrats quand une entreprise étrangère délocalise chez eux. Rien de ça en Afrique ou c’est magouilles et compagnie, et parfois l’emploi de forces plus ou moins paramilitaires pour sécuriser des convois (comme du temps du far-west) car il n’y a pas de force publique assez forte et pérenne pour faire ce travail.
      B. Lugan avait fait une suggestion que je trouve audacieuse : il fait remarquer que la seule chose qui marche bien en Afrique et qui a de l’avenir, ce sont les télécoms de la génération internet, il sous-entend que c’est une activité adaptée à leur anthropologie (même si à la base c’est pour communiquer avec des diasporas) qui pourrait, si politiquement bien dirigée, permettre l’intégration des économies africaines (trop tournées vers l’exportation vers les autres continents) et la communication entre les peuples (vu que l’un de leurs fléaux c’est la permanence des vieux conflits tribaux et ethniques). En fait il pense qu’il est inutile d’essayer d’aider les africains à s’industrialiser comme nous ou les chinois ou japonais, mais qu’ils devraient faire un saut direct d’une économie extractiviste et primaire-agricole vers la 3ème révolution industrielle (plus souple en équipement). J’avoue que je suis très dubitative vu que je suis plutôt du genre productiviste, et la souplesse équipementière, je veux bien, mais les relais ou les serveurs, il faut bien des producteurs (les chinois au hasard ?) mais au moins il a le mérite de proposer des analyses et des solutions hors des sentiers battus des pleurnicheries post-coloniales, de la condescendance dans le maintien d’une mentalité rentière chez les africains, et de l’impasse des aides au développement. C’est vrai qu’il est ethno-centriste de penser qu’un développement économique doit se faire dans les mêmes étapes que nous, mais qu’en penses-tu, est-ce possible de sauter des étapes ?

    • @ Descartes,

      “Voici un bon exemple, signé Romain Gary:”
      C’est spécial, quand même…

      “vous ne pouvez pas ensuite dire que les juifs se marient entre eux !”
      Vous ne pouvez pas nier que certains juifs se marient entre eux. Vous me donnez des exemples dans votre propre famille!

      “Pourquoi est-ce que je choisis de défendre l’intérêt des prolétaires plutôt que celui des bourgeois ?”
      C’est une bonne question, ça… Tenez, je vous la pose. Pourquoi les marxistes veulent-ils mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme? Quand on voit ce que cette exploitation a permis en terme de civilisation et d’avancée technique…

      “Aucun auteur chrétien orthodoxe n’a la puissance d’évocation d’un Homère, aucun sculpteur orthodoxe n’est connu comme l’est Phidias.”
      Je ne suis pas tout à fait de votre avis. Vous oubliez que nous autres, Occidentaux, nous n’avons récupéré que le volet antique de la culture grecque, et que le volet chrétien orthodoxe nous échappe largement. Mais je vous dirais que Sainte-Sophie vaut le Parthénon (même si elle n’est plus aux mains des Grecs), et certains peintres d’icônes médiévales sont considérés comme de très grands artistes par les Grecs orthodoxes. En fait, les milieux intellectuels grecs n’ont redécouvert l’héritage antique qu’au XIX° siècle. Byzance l’avait partiellement conservé, mais après la chute de Constantinople en 1453, le peuple grec a sombré dans une relative misère culturelle, il faut bien le dire.

      Pour le reste, je ne dirais pas que vous m’avez convaincu, mais je reconnais volontiers la qualité de vos arguments. Merci pour ces échanges enrichissants.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« Voici un bon exemple, signé Romain Gary: » C’est spécial, quand même…]

      Vous serez encore plus surpris de savoir d’où je l’ai tiré. C’est le « witz » (plaisanterie en Yddish) qui figure sur la couverture d’un numéro récent de la revue de la « Commission Centrale de l’Enfance » (CCE). La CCE est une organisation fondée par des communistes juifs pour prendre en charge après la guerre les orphelins dont les parents avaient été déportés en tant que juifs ou pour faits de résistance. Aujourd’hui elle est devenue une association qui regroupe beaucoup de juifs ashkénazes proches de la tradition communiste ou bundiste. Elle publie une revue en français, prend position sur des questions de politique française. Elle contient aussi des « witz », des articles sur la culture ou la littérature ashkénaze. Dans leur siège ils ont une petite salle de théâtre où ils montent des soirées et des spectacles, dans la tradition d’éducation populaire du PCF.

      Vous avez là un exemple de la manière dont la collectivité ashkénaze concilie une parfaite assimilation et un attachement à une tradition. Et aussi cet humour si particulier qui peut effectivement choquer ceux qui n’y sont pas habitués !

      [« vous ne pouvez pas ensuite dire que les juifs se marient entre eux ! » Vous ne pouvez pas nier que certains juifs se marient entre eux. Vous me donnez des exemples dans votre propre famille!]

      Certains oui, d’autres pas. Ce que je conteste, c’est l’idée qu’il y ait chez les juifs assimilés des « stratégies matrimoniales » qui excluent les mariages mixtes.

      [« Pourquoi est-ce que je choisis de défendre l’intérêt des prolétaires plutôt que celui des bourgeois ? » C’est une bonne question, ça… Tenez, je vous la pose. Pourquoi les marxistes veulent-ils mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme? Quand on voit ce que cette exploitation a permis en terme de civilisation et d’avancée technique…]

      Parce que les marxistes estiment qu’après deux ou trois siècles d’exploitation capitaliste de l’homme par l’homme, ce qui était hier le moteur du progrès est devenu depuis un obstacle à l’expansion des forces productives. Les marxistes sont historicistes : ils ne jugent pas in abstracto tel ou tel mode de production. L’esclavage antique était le comble de l’efficacité économique au temps de Périclès. Il était devenu un obstacle au progrès au temps de Constantin. L’organisation féodale était le dernier cri de la technique du temps de Charlemagne. En 1789, elle tirait la société en arrière.

      [« Aucun auteur chrétien orthodoxe n’a la puissance d’évocation d’un Homère, aucun sculpteur orthodoxe n’est connu comme l’est Phidias. » Je ne suis pas tout à fait de votre avis. Vous oubliez que nous autres, Occidentaux, nous n’avons récupéré que le volet antique de la culture grecque, et que le volet chrétien orthodoxe nous échappe largement. Mais je vous dirais que Sainte-Sophie vaut le Parthénon (même si elle n’est plus aux mains des Grecs), et certains peintres d’icônes médiévales sont considérés comme de très grands artistes par les Grecs orthodoxes.]

      Je me garderais bien de dire que le monde orthodoxe n’a pas produit des magnifiques œuvres d’art (au passage, Sainte-Sophie ne se rattache pas à l’orthodoxie : sa construction date du VIème siècle, alors que les églises orthodoxes se séparent de l’église catholique à la fin du VIIIème siècle). Mais je ne crois pas qu’il ait produit des archétypes comme Œdipe, Medée, Antigone, ou ceux du poème homérique. Si on récupéré le volet antique, ce n’est pas par hasard. C’est parce que la civilisation grecque, dans sa capacité à produire des idées, est un véritable miracle. Vous noterez d’ailleurs que c’est la seule civilisation ancienne qui connaît la tragédie : beaucoup de peuples ont des sagas. Mais tragédie ? J’en connais aucune qui ne soit pas grecque…

      [Pour le reste, je ne dirais pas que vous m’avez convaincu, mais je reconnais volontiers la qualité de vos arguments. Merci pour ces échanges enrichissants.]

      Merci. J’apprécie beaucoup moi aussi nos échanges.

    • bip dit :

      @ Bannette

      [le problème de l’effacement on va dire démographique progressif du type caucasien (qui en plus, d’un point de vue strictement génétique, est “récessif” dans un couple mixte) est uniquement de sa faute, ce sont les caucasiens qui ne font pas assez d’enfants.]

      Les Polonais font peu d’enfants ; mais s’ils maintiennent leurs politiques d’immigration, le « caractère caucasien » de la Pologne ne sera jamais en jeu avant des siècles.
      Si les caucasiens risquent de disparaître de France, ce n’est pas parce qu’ils ne font pas assez d’enfants, c’est parce qu’ils ont laissé, et laissent, les Africains s’installer chez eux… Pour « absorber » un tel flux, il aurait fallu faire quelque chose comme 4 ou 5 enfants par femme.

      Et ce n’est pas par volonté de disparaître que ça se passe ainsi. C’est un ensemble de contraintes économiques et un système politique désastreux qui rendent ça possible.

      [Le problème de l’homme de type caucasien c’est qu’il est devenu un homo festivus]

      Sans doute, mais même pour les non-« festivus », les contraintes sont nombreuses. Si les revenus d’un couple proviennent de leurs emplois, et pas d’aides et d’allocations diverses et variées, c’est compliqué de faire plus de 2 enfants (temps, logement, garde, voiture, etc).
      Quand un seul salaire médian suffisait pour faire vivre une famille et qu’un des deux membres du couple (la femme) s’occupait à « plein temps » des enfants, forcément c’était différent.

      [Après il y a aussi les effets délétères de ce féminisme revanchard, hargneux, qui a cherché à couper la féminité de la maternité. Plutôt que de se battre pour multiplier les crèches et les aides sociales, promouvoir une forme de stoïcisme féministe dans l’acceptation sereine de la période très raccourcie de fécondité d’une femme (1/3 de sa vie) et organiser la vie sociale et le système économique autour, elles préfèrent militer pour des traitement lourds pour des maternités à 50 ans ou l’abominable GPA]

      Oui, comme le dit Descartes, ça donne l’impression que ces femmes veulent tous les « avantages » qu’il y a à être un homme mais en conservant tous les « avantages » qu’il y a à être une femme.

      Et quand ce n’est pas possible, pour la prostitution par exemple, elles veulent interdire ! Louer son utérus pendant 9 mois c’est ok mais louer ce qui se trouve juste en-dessous de temps en temps c’est horrible !
      Comme les hommes, elles veulent pouvoir bénéficier de la possibilité de « profiter » des « services » d’une femme pour avoir des enfants. Donc la GPA leur convient. Par contre elles peuvent difficilement profiter des « services » d’une femme pour avoir des rapports sexuels tarifés, donc ça ne leur convient pas…

      En fait la logique qui sous-tend leurs actions n’est pas celle d’une égalité (même dans une version égalitariste) entre homme et femme mais une logique de domination.
      Domination sur les femmes des classes populaires qui fourniront le contingent dans lequel seront recrutées les mères-porteuses. Et domination sur les hommes de même classe sociale qu’elles en les privant d’une sorte d’alternative au couple qu’est la prostitution (les couples se formant en grande majorité au sein d’une même classe sociale).

      Ce qui montre bien l’escroquerie qu’il y a à prétendre embarquer toutes « les femmes » dans leur combat. « Les femmes » qui se sont déjà toutes vues mises à bord du bateau « réussir sa carrière », alors qu’on peut douter de l’immense bonheur de « réussir sa carrière » d’ouvrière ou d’employée plutôt que d’être libre de décider du temps à consacrer à sa vie de famille, vont maintenant toutes se trouver embarquées sur le bateau « faire porter son bébé par d’autres » alors qu’au final ça ne profitera toujours qu’à la même minorité.

      [dans la toute puissance narcissique individualiste.]

      Mais qui ne les empêche pas de vouloir un remboursement de la PMA par la sécu pour des femmes qui pourraient tout à fait procéder de manière naturelle…

      [Pour pouvoir transmettre notre histoire millénaire, il faut un peuple à qui on transmet et des transmetteurs. Des venus d’ailleurs peuvent le faire bien sûr, mais le problème des venus d’ailleurs actuellement, c’est qu’il sont également dans la chaîne de non transmission.]

      On peut remarquer aussi que quand des « Français de souche » à qui l’on n’a pas plus transmis qu’aux autres veulent se replacer dans cette chaîne de transmission, c’est vers l’histoire de France qu’ils se tournent. Des immigrés dans le même cas se tournent eux vers l’islam. D’autres vers une sorte de « civilisation noire ».

      Pour moi, culture et ethnie sont donc assez fortement liées. On n’a jamais vu une ethnie en remplacer une autre et faire sienne sa culture (ce qui est logique du point de vue de la théorie de l’évolution).
      Défaire ce lien revient donc bien à risquer de perdre notre culture. Risque pris sans rien avoir à y gagner…

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Pour le 1., tout l’environnement médiatique, nos chères classes moyennes, les instances mêmes de l’ONU nous bombardent d’une propagande éhontée induisant que c’est à nous (comprenez nos classes populaires) de prendre en charge le coût de ce décalage. Inutile de développer pourquoi il en est hors de question.]

      De toute façon, le « décalage » en question ne peut être payé que par la société qui le subit. En effet, comme les technologies continuent à évoluer, sans une véritable politique de rattrapage, le décalage se perpétue, avec une société qui reste toujours en retard par rapport aux outils qu’elle emploie. De ce point de vue, la politique des chinois a été exemplaire : ils ont bien compris que s’ils ne faisaient rien, ils entraient dans le cercle vicieux décrit par Malthus : toutes les ressources nouvelles créées par le développement industriel étaient bouffées par la démographie, ce qui rend impossible l’élévation du niveau de vie et donc la baisse de la natalité ! La « politique de l’enfant unique » a permis de casser ce cercle vicieux.

      [Rétrospectivement il faut admirer l’ingéniosité du plan de développement de DXP : cette alliance étonnante d’hyper-humilité et de lucidité par rapport à son sous-développement, et ce côté offensif dans la ruse chinoise qu’est le fait d’avoir volontairement accueilli et favorisé les délocalisations massives grâce aux salaires très bas, et le transfert à la fois matériel et technique, permettant de se hisser moins de ½ siècle plus tard comme 2ème puissance mondiale. Il s’agit là de l’application pratique et politique des leçons de leur grand maître Sun Tzu, : l’art de faire la guerre sans combattre.]

      Je ne crois pas qu’il faille attribuer cette politique à une quelconque « culture orientale ». Lénine était arrivé à la même conclusion lorsqu’il lance la NEP et essaye d’attirer des capitaux allemands, français ou britanniques pour combler le retard technologique russe. DXP n’a fait que suivre le même raisonnement. Si DXP a réussi là ou Lénine a – partiellement – échoué, c’est que DXP n’avait pas à ses portes une puissance militairement agressive, et un monde « occidental » prêt à l’envoyer vers l’Est…

      [Tu as du entendre parler de cette découverte de portes dérobées dans des serveurs sensibles aux USA, et le soupçon qu’elles sont dues à du matériel chinois. Cet article parle de l’inquiétude de l’establishment US sur l’extrême dépendance aux chinois (…) et qui chez moi provoque le rire de Dieu devant ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes : dans les auditions de membres du Pentagone (comme pour l’affaire des serveurs) la réponse qui revient toujours était en gros : ben en fait on le faisait avant, mais on a délocalisé,]

      Et on a délocalisé parce c’était moins cher. On arrive toujours au même dilemme : la puissance, l’indépendance, la souveraineté ont un coût. Si on n’est pas prêt à le payer, si on cherche à chaque fois le moins cher, on devient vassal. Après, on peut faire le choix de la vassalisation et essayer d’en tirer tous les avantages. Mais on ne peut pas vassaliser l’économie et prétendre parler fort dans les forums internationaux.

      [C’est pour ça que je trouve que tu sous-estimes le côté rouleau compresseur de la bombe démographique africaine : la surnatalité empêche de dégager quelques marges pour sortir de la simple survie, mais en plus leur anthropologie les empêche pour le moment de trouver des solutions globales comme l’ont fait les chinois, qui avaient les qualités objectives dues à leur histoire particulière pour se sortir du sous-développement.]

      Je ne « sous-estime » en rien la dynamique démographique de l’Afrique. Ce dont je doute est que cette dynamique puisse s’apparenter à un « rouleau compresseur ». Les théoriciens maoïstes de l’arme démographique se sont, nous le savons aujourd’hui, sérieusement fourré le doigt dans l’œil. La Chine est devenue un « rouleau compresseur » lorsqu’elle a réussi à contrôler sa démographie, et non lorsque celle-ci était galopante.

      [En plus, on oublie un des freins chroniques du sous-développement : l’instabilité juridique et institutionnelle qui empêche la bonne marche des affaires, là où les chinois ont un Etat certes autoritaire, mais sa légitimité est très majoritairement incontestée, et il sait faire scrupuleusement respecter les clauses des contrats quand une entreprise étrangère délocalise chez eux. Rien de ça en Afrique ou c’est magouilles et compagnie, et parfois l’emploi de forces plus ou moins paramilitaires pour sécuriser des convois (comme du temps du far-west) car il n’y a pas de force publique assez forte et pérenne pour faire ce travail.]

      Tout à fait. C’est là où pour moi le discours des « tiers mondistes » trouve ses limites. Le problème du tiers-monde n’est pas le capital : aujourd’hui, il y a au contraire un excès de capital presque partout qui cherche des débouchés. Le problème, ce sont les structures sociales et institutionnelles qui permettent à ce capital de produire. Doubler l’aide au développement ne changerait rien, parce que cette aide tombe, du fait du manque des structures sociales et institutionnelles capable de la faire fructifier, dans le trou noir – quand ce n’est pas dans la poche des corrompus.

      J’ai participé à une époque à une mission concernant le projet de centrale hydroélectrique d’Inga sur le fleuve Congo. Le projet était de construire un nouveau barrage, après celui de Inga 1 et 2. Lors de la visite, on découvre que le premier barrage tourne à mi capacité, d’une part parce que la ligne électrique qui évacue la puissance n’a jamais été terminée, et d’autre part parce que la moitié des turbines est en panne du fait de la désorganisation de la maintenance. Alors, à quoi sert d’investir des milliards pour construire un nouveau barrage alors qu’avec quelques millions bien utilisés on crée exactement la même puissance en terminant la ligne et en mettant tous les groupes en état ? Mais bien sûr, cela suppose un changement des mentalités : que les tribus dont la ligne traverse le territoire arrêtent de rançonner la compagnie publique, que des techniciens soient recrutés en fonction de leurs compétences et non de leurs attaches tribales… c’est bien plus difficile de changer les mentalités que de doubler les chèques. Et aussi longtemps que le barrage n’est pas vu comme un bien collectif mais plutôt comme une « vache à lait » dont chaque groupe cherche à tirer le plus grand profit pour lui…

      [B. Lugan avait fait une suggestion que je trouve audacieuse : il fait remarquer que la seule chose qui marche bien en Afrique et qui a de l’avenir, ce sont les télécoms de la génération internet, il sous-entend que c’est une activité adaptée à leur anthropologie (même si à la base c’est pour communiquer avec des diasporas) qui pourrait, si politiquement bien dirigée, permettre l’intégration des économies africaines (trop tournées vers l’exportation vers les autres continents) et la communication entre les peuples (vu que l’un de leurs fléaux c’est la permanence des vieux conflits tribaux et ethniques).]

      Le problème est que « l’économie des télécom », comme toute économie de services, doit s’appuyer sur une production matérielle. Lorsque l’infrastructure télécom est utilisée pour envoyer les photos de votre petite dernière, elle ne produit aucune richesse. Lorsque vous vous en servez pour envoyer des plans d’une usine, des descriptions d’un produit, pour accéder aux textes dans une bibliothèque, elle en produit. Les télécom COMME SERVICE marchent bien en Afrique parce qu’il est facile de créer une demande solvable (ce sont des infrastructures dont le coût se distribue sur un grand nombre de petits contributeurs) et qu’effectivement c’est un service qui s’insère bien dans l’anthropologie africaine en répondant au besoin des gens qui ont quitté leur village ou leur famille de rester en contact. Mais il ne faut pas imaginer qu’un service, par lui-même, puisse générer de la richesse sans un support matériel quelque part.

      [En fait il pense qu’il est inutile d’essayer d’aider les africains à s’industrialiser comme nous ou les chinois ou japonais, mais qu’ils devraient faire un saut direct d’une économie extractiviste et primaire-agricole vers la 3ème révolution industrielle (plus souple en équipement).]

      Il ne faut pas confondre la 3ème révolution industrielle – qui est toujours fondée sur une production matérielle – et ce qu’on appelle « l’économie des services ». Le problème est toujours le même : in fine, l’être humain a besoin de pain matériel pour se nourrir, d’une maison matérielle pour vivre. Il faut donc que quelqu’un continue à produire de la farine et des briques. L’entreprise qui fournit des services ne peut fonctionner que si quelqu’un, ailleurs, produit du pain et des briques que les employés de l’entreprise de services peuvent acheter. C’est pourquoi le modèle de l’économie de services est non généralisable : un pays peut fonctionner avec une économie de services… a condition d’avoir quelque part un autre pays qui lui vende du pain et des briques.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Les Polonais font peu d’enfants ; mais s’ils maintiennent leurs politiques d’immigration, le « caractère caucasien » de la Pologne ne sera jamais en jeu avant des siècles.]

      Pardon, pardon. Le royaume de Pologne avait accueilli un grand nombre de « non caucasiens ». En 1939, la population juive de la Pologne dépassait les deux millions d’âmes. C’est l’occupation allemande qui a permis de rétablir la « pureté caucasienne » de la Pologne… c’est pourquoi je vous invite à une certaine prudence dans la réflexion sur ce genre de sujets.

      [Quand un seul salaire médian suffisait pour faire vivre une famille et qu’un des deux membres du couple (la femme) s’occupait à « plein temps » des enfants, forcément c’était différent.]

      C’était quand, ça ? Vous savez, un seul « salaire médian » permet à une famille aujourd’hui de vivre aussi bien sinon mieux qu’à l’époque. Seulement voilà : qui est prêt à accepter aujourd’hui de vivre dans les conditions des années 1930 ?

      [Ce qui montre bien l’escroquerie qu’il y a à prétendre embarquer toutes « les femmes » dans leur combat.]

      Tout à fait. C’est l’un des – nombreux – exemples ou les « classes moyennes » confisquent la parole des couches populaires en prétendant parler au nom de tous. La « cause » de la femme de ménage est bien plus proche de celle de l’homme de ménage que de celle de la professeure de sociologie à Paris VIII.

      [On peut remarquer aussi que quand des « Français de souche » à qui l’on n’a pas plus transmis qu’aux autres veulent se replacer dans cette chaîne de transmission, c’est vers l’histoire de France qu’ils se tournent. Des immigrés dans le même cas se tournent eux vers l’islam. D’autres vers une sorte de « civilisation noire ».]

      Et bien, vous faites erreur. Beaucoup de français « de souche », lorsqu’ils cherchent à se replacer dans la chaine de transmission, se tournent vers l’Islam : ce n’est pas un hasard si 25% des français partis faire le djihad en Syrie ou en Iraq sont des convertis venus de familles « de souche ». Quant aux immigrés, beaucoup d’entre eux se tournent vers l’histoire de France. Pensez à un Aznavour ou un Ferrat… ou aux millions d’anonymes qui se sont assimilés en France et qui aujourd’hui « vibrent au souvenir du sacre de Reims ; lisent avec émotion le récit de la fête de la Fédération ».

    • bip dit :

      @ Descartes (08/10/2018 15:36)

      [Il paraît que la guerre civile, ça rapporte pas mal…]

      A la « bourgeoisie nationale » ? Dans une guerre « traditionnelle » (avec un pays étranger), sans doute. Mais pour une guerre civile dans la configuration actuelle, qui voit la richesse essentiellement concentrée dans les grands centres urbains, cette hypothèse me laisse un peu dubitatif.

      [Mais c’était là l’acte d’un gouvernement illégitime dont les actes sont considérés nuls et non avenus…]

      Pas au moment où cette décision a été prise.

      [Je vous invite à faire comme le héros en question : ceux qui prédisent la fin du monde tout en prenant la fuite ne sont pas sérieux.]

      Dans le cas de Collomb, on peut aussi penser qu’il a vu un tel écart entre la situation existante et les moyens dont il disposait qu’il a préféré arrêter les frais. Si vous pensez que ce qui est en votre pouvoir de faire est aussi efficace que de vider la mer avec une petite cuillère, autant faire autre chose.

      Pour Hollande, il n’a pas vraiment choisi de partir et a même l’air de vouloir essayer de revenir… Ce qui en effet ne fait pas sérieux. 😉

      [La défense de leur identité, de leur pays, de leurs libertés menacées par la grande conspiration juive pour les asservir.]

      Et pour les élites nazis ? Les juifs comme boucs émissaires pour mettre de côté les sujets clivants (communisme par exemple…) et faire l’unité de la population ? Mais pourquoi aller jusqu’à les tuer ?

      [Combien les nazis ont-ils tué au final de gens de chaque « couleur » ? A une grande majorité, ceux qu’ils ont tués étaient des « blancs »…]

      [Si les arabes ne sont pas pour vous des « blancs », alors les juifs ne le sont pas non plus puisque tous deux sont sémites. Cela donne quelque 7 millions d’individus…]

      Oui. Mais même sans les compter parmi les « blancs » (et sans compter non plus les Allemands qui se sont faits tués (puisque c’était eux les nazis…)), il y a eu combien de millions « blancs » tués par les nazis ? Une vingtaine (majoritairement russe) ?
      Au final l’action nazi a bien eu pour résultat de tuer en majorité des blancs (même en supposant que les juifs ne l’étaient pas).

      [Mais c’est pas tout à fait ce que vous proposez maintenant, qui est de refuser la citoyenneté à tous ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau.]

      Je pensais plutôt à des quotas. Pour 100 nouveaux immigrés en France, il y aura au plus tant de noirs, tant de maghrébins, tant d’asiatiques, etc.

      [Pour cela, il faudrait connaître les critères que vous proposez d’appliquer pour juger de l’assimilation. Je serais intéressé de les connaître…]

      Je ne sais pas. Faudrait que j’y réfléchisse plus en profondeur (a priori ça semble en effet compliqué). Mais je veux bien reconnaître que ma proposition était sans doute plus théorique que pratique.
      Il n’en reste pas moins que partir de cette conception des choses pour arriver à une politique applicable ne me semble pas moins réaliste que de partir d’une conception assimilationniste et d’arriver à une politique applicable à la situation actuelle.

      Un exemple de travail plus sérieux sur le sujet de la remigration (au moins sur un début) : https://www.les-identitaires.com/2017/04/30-mesures-pour-une-politique-didentite-et-de-remigration/

      @ Descartes (09/10/2018 12:33)

      [Repentez vous ! Repentez vous ! La fin du monde est proche !]

      Que des conditions objectives laissent espérer une occasion de modifier radicalement les politiques menées me semble plutôt de nature à donner de l’optimisme.
      Ce serait alors bien sûr la fin d’UN monde (en gros celui qui a suivi la mort de De Gaulle) mais j’ai du mal à voir ça d’un mauvais œil… Surtout si ça débouche sur un peu d’aventures !

      [J’ai entendu Zemmour évoquer Renan qui pensait que les nations qui créaient de l’universel le payaient de leur existence.]

      [Les attaques contre « l’universalisme » français ne sont pas nouvelles. C’est un leitmotiv de la droite réactionnaire qui n’a toujours pas digéré la Révolution française. Le plus drôle, c’est que cette droite est souvent catholique, et que « catholique » en grec, veut précisément dire « universel »…]

      J’ai retrouvé et calé la séquence (d’une minute) : https://www.youtube.com/watch?v=k6SZ-B-1IIQ#t=18m33s

      Il cite les exemples d’Israël de l’Antiquité qui apporte le monothéisme et de l’Allemagne de Luther qui apporte le protestantisme ; et qui toutes deux disparaissent ensuite. Puis dit qu’avec les droits de l’Homme viendra le tour de la France.

      @ Descartes (12/10/2018 08:40)

      [C’était quand, ça ? Vous savez, un seul « salaire médian » permet à une famille aujourd’hui de vivre aussi bien sinon mieux qu’à l’époque. Seulement voilà : qui est prêt à accepter aujourd’hui de vivre dans les conditions des années 1930 ?]

      J’ai peut-être ajouté « médian » un peu rapidement en me relisant car j’avais initialement écrit « un seul salaire », ce qui englobait les gros salaires… Et comme je voyais le SMIG/SMIC plus récent (je viens de vérifier c’était en 1950).

      Donc je pensais plutôt aux années 60.
      A cette époque, il était bien plutôt commun qu’un jeune ménage (a priori ceux qui font des enfants) d’ouvriers/employés se loge à proximité des bassins d’emploi, non ?
      Tandis qu’aujourd’hui le choix est entre s’éloigner des centres urbains (mais ça veut souvent dire deux voitures et les frais qui vont avec) ou vivre en zone de non-France. Car si les loyers et les revenus des ménages ont évolué au même rythme depuis 50 ans, les revenus des locataires ont eux baissé relativement (notamment du fait de l’augmentation de la précarité chez les jeunes).

      Donc j’ai pensé que la difficulté pour un couple d’ouvriers/employés d’élever 3-4 enfants aujourd’hui avec un seul salaire médian avait augmenté.
      Je me trompe ? Les cas où seul un mari ouvrier travaillait étaient exceptionnels ? Qu’est-ce qu’ils faisaient alors des enfants en bas âge ?

      [Et bien, vous faites erreur. Beaucoup de français « de souche », lorsqu’ils cherchent à se replacer dans la chaine de transmission, se tournent vers l’Islam]

      « Beaucoup », vous exagérez. La population « à risque » est principalement limitée à ceux qui vivent au contact d’un environnement islamisé. Et à ce contact, je dirais qu’il y a moins de Français « de souche » qui s’islamisent que de ceux qui s’« identitarisent » (c’est du doigt mouillé il est vrai…).
      Ensuite je ne dirais pas que parmi ces convertis sont majoritaires ceux qui cherchent à se « replacer dans la chaîne de transmission ». La plupart de ceux qui en arrivent là le font pour essayer de ne plus se faire « victimiser » (ou exclure de toute sociabilité) dans ces zones. Si par la suite ils trouvent ça bien c’est autre chose mais ce n’est pas d’eux-mêmes, sans pression extérieure, qu’ils se tournent vers ça.
      Enfin, je serais curieux de connaître de le nombre de « métis » dans ces conversions (ceux qui sont issues de deux cultures et qui ne savent pas vraiment d’où ils sont, type Abdel-Malik Petitjean) ou de ceux qui ont grandi sans cadre familial stable (divorce et abandon d’un des parents par exemple).

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Dans le cas de Collomb, on peut aussi penser qu’il a vu un tel écart entre la situation existante et les moyens dont il disposait qu’il a préféré arrêter les frais. Si vous pensez que ce qui est en votre pouvoir de faire est aussi efficace que de vider la mer avec une petite cuillère, autant faire autre chose.]

      Franchement, connaissez-vous beaucoup de politiciens de carrière qui aient quitté leur poste simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de résoudre les problèmes ? Non, c’est là toute la différence entre l’amateur et le professionnel. Et Collomb est tout sauf un amateur.

      [Et pour les élites nazis ? Les juifs comme boucs émissaires pour mettre de côté les sujets clivants (communisme par exemple…) et faire l’unité de la population ? Mais pourquoi aller jusqu’à les tuer ?]

      Je vous rappelle que la croyance parmi les Allemands de l’époque était que les juifs menaçaient l’Allemagne non seulement par leurs actions, mais génétiquement. L’extermination était la conclusion logique de cette peur. Mais je suis étonné de devoir démontrer devant vous un point aussi élémentaire. Dans la mesure où les actions des gens sont guidées par leur perception subjective, dire que les gens agissent en fonction de ce qu’ils croient être leurs intérêts semble plutôt évident. Je vous suspecte de pinailler pour le gout de pinailler. Est-ce que je me trompe ?

      [Oui. Mais même sans les compter parmi les « blancs » (et sans compter non plus les Allemands qui se sont faits tués (puisque c’était eux les nazis…)), il y a eu combien de millions « blancs » tués par les nazis ? Une vingtaine (majoritairement russe) ?]

      Sauf que les « blancs » dont vous parlez n’ont pas été tués PARCE QUE « blancs », tandis que les « non-blancs » ont été tués précisément pour cette raison. C’est là où se trouve toute la différence.

      [Au final l’action nazi a bien eu pour résultat de tuer en majorité des blancs (même en supposant que les juifs ne l’étaient pas).]

      Pour résultat, mais pas pour BUT. Voilà où se trouve le problème. Les nazis ont cherché à tuer leurs ennemis, ils n’ont pas cherché à tuer des « blancs ». Par contre, ils ont cherché, volontairement, à tuer des « non-blancs ». A la rigueur, vous pouvez invoquer les massacres de slaves sur le front est comme ayant une véritable motivation raciale. Mais difficile de faire de la deuxième guerre mondiale un « génocide de blancs ».

      [Je pensais plutôt à des quotas. Pour 100 nouveaux immigrés en France, il y aura au plus tant de noirs, tant de maghrébins, tant d’asiatiques, etc.]

      J’attends avec impatience les définitions ethniques de « noir », « maghrébin », « asiatique » etc. qui sont indispensables pour faire fonctionner une telle législation… vous pourriez esquisser une proposition ?

      [Un exemple de travail plus sérieux sur le sujet de la remigration (au moins sur un début) : (…)]

      Nous ne devons pas avoir la même vision de ce que constitue un travail « sérieux ». Sans rentrer dans l’analyse de ces mesures du point humain ou moral – je me suis interdit ce point de vue dès le début de notre échange pour éviter toute accusation de bienpensance – ce qui frappe c’est leur irréalisme. Ces gens-là semblent vivre dans un monde où il suffit de dire « je veux » pour que les choses se fassent…

      Prenons un exemple si vous le voulez bien. La mesure 4 : « déchéance RETROACTIVE de la nationalité française pour tout étranger naturalisé ayant commis un délit ou un crime ces dix dernières années » (c’est moi qui souligne). D’abord, notez que la date à laquelle la rétroactivité n’est pas précisée. La déchéance serait effective à la date de l’infraction ? A la date de la naturalisation ? On peut imaginer que c’est le dernier effet qui est visé. Ainsi, par exemple, un homme naturalisé dans en 1960 qui aurait battu sa femme ou acheté un sac Vuitton trop bon marché il y a un an se verrait « rétroactivement » déchu de la nationalité française. Que deviennent tous les actes juridiques qu’il a accompli EN TANT QUE FRANÇAIS PENDANT SOIXANTE ANS ? En bonne logique, tous ces actes devraient eux aussi devenir RETROACTIVEMENT nuls, comme s’ils n’avaient pas existé. Vous imaginez le désordre, l’incertitude juridique pour tous ceux qui sont bénéficiaires de ces actes ? Imaginez par exemple que la personne en question ait été à un moment de sa carrière maire de sa commune. Tous les permis de construire qu’il a signés seraient RETROACTIVEMENT nuls…

      Le principe de non rétroactivité (absolu en matière pénale, relatif en matière civile) n’est pas simplement une ruse de juriste. Il sert à éviter qu’une mesure prise dans le présent menace des situations juridiques acquises et établies dans le passé. Déchoir quelqu’un de sa nationalité en réponse à telle ou telle nature d’infraction est une proposition à discuter. Mais une déchéance RETROACTIVE, cela n’a ni queue ni tête.

      [Que des conditions objectives laissent espérer une occasion de modifier radicalement les politiques menées me semble plutôt de nature à donner de l’optimisme.]

      Tout dépend dans quel sens va cette « modification radicale ». Il paraît qu’en 1936 beaucoup d’Allemands étaient pessimistes. On ne peut pas dire que les faits leur aient donné tort…

      [Il cite les exemples d’Israël de l’Antiquité qui apporte le monothéisme et de l’Allemagne de Luther qui apporte le protestantisme ; et qui toutes deux disparaissent ensuite. Puis dit qu’avec les droits de l’Homme viendra le tour de la France.]

      Et bien, tout ça n’a ni queue ni tête, et ne sert qu’à montrer que l’histoire n’est pas la science avec laquelle Zemmour est le plus à l’aise. Israël a depuis longtemps « disparu » lorsque le judaïsme « apporte le monothéisme ». Du temps de l’existence d’Israël comme unité politique, le judaisme n’est en rien « universaliste » et n’aspire nullement à « apporter » quoi que ce soit à qui que ce soit. La loi judaïque est une loi confinée à un seul peuple – caractérise comme peuple élu – et donc fermée à tous les autres. Le monothéisme hébraïque ne devient « universel » qu’avec le christianisme, et à cette époque là Israël comme nation n’est plus qu’un souvenir.

      Il est aussi absurde de parler « d’Allemagne » du temps de Luther. Au XVème siècle, lorsque Luther lance sa réforme, l’Europe centrale est une mosaïque de principautés, de duchés, de villes libres sous la houlette plus ou moins effective du Saint-Empire. On voit mal d’ailleurs en quoi « l’Allemagne de Luther » aurait « disparue ensuite ».

      Zemmour a beaucoup de qualités, mais sa connaissance de l’histoire n’est pas la plus saillante.

      [Donc j’ai pensé que la difficulté pour un couple d’ouvriers/employés d’élever 3-4 enfants aujourd’hui avec un seul salaire médian avait augmenté. Je me trompe ? Les cas où seul un mari ouvrier travaillait étaient exceptionnels ? Qu’est-ce qu’ils faisaient alors des enfants en bas âge ?]

      Je pense que vous vous trompez parce que vous ne prenez pas en compte l’évolution des standards de vie. Oui, il était plus « facile » pour un couple d’ouvriers d’élever 3-4 enfants avec un seul salaire… non pas parce que le salaire achetait plus, mais parce qu’on se contentait de moins. Si aujourd’hui on vit à six dans quarante mètres carrés, sans télévision, sans internet, sans téléphone portable, qu’on part en congé une fois tous les trois ou quatre ans et qu’on les passe à la ferme chez grand-père, qu’on complémente son ordinaire avec les légumes du jardin et les champignons et baies ramassées en forêt, alors on peut vivre avec un salaire médian. Mais combien de gens accepteraient ça ?

      J’ajoute que le travail des femmes chez les ouvriers est devenu très courant après la première guerre mondiale, et massif après la seconde. L’ouvrier qui travaille pendant que sa femme s’occupe des mômes et fait tourner l’économie domestique est une figure de l’avant guerre.

      [Ensuite je ne dirais pas que parmi ces convertis sont majoritaires ceux qui cherchent à se « replacer dans la chaîne de transmission ». La plupart de ceux qui en arrivent là le font pour essayer de ne plus se faire « victimiser » (ou exclure de toute sociabilité) dans ces zones. Si par la suite ils trouvent ça bien c’est autre chose mais ce n’est pas d’eux-mêmes, sans pression extérieure, qu’ils se tournent vers ça.]

      Les études sur les jeunes français qui sont partis en Irak ou en Syrie ne montrent pas ce type de profil. C’est plutôt le cas de jeunes en rupture (sociale, familiale, scolaire) qui se cherchent des « racines » et une « cause ». La conversion par recherche d’une « sociabilité » ne semble pas être dominante. Le cas d’Erwan Guillard, le « djihadiste breton », est assez emblématique.

    • BolchoKek dit :

      @Descartes

      >Pour résultat, mais pas pour BUT. Voilà où se trouve le problème. Les nazis ont cherché à tuer leurs ennemis, ils n’ont pas cherché à tuer des « blancs ». Par contre, ils ont cherché, volontairement, à tuer des « non-blancs ». A la rigueur, vous pouvez invoquer les massacres de slaves sur le front est comme ayant une véritable motivation raciale. Mais difficile de faire de la deuxième guerre mondiale un « génocide de blancs ».< Oui, et il faudrait aussi rajouter que ce qu’est un “blanc” ou un “non-blanc” est assez subjectif. Dans la littérature médiévale dans le monde musulman, un “blanc” est essentiellement quelqu’un qui n’est pas noir ; pendant très longtemps aux États-Unis, les Irlandais n’étaient pas considérés comme vraiment “blancs”, car catholiques. Pour les nazis, les slaves sont des “untermenschen”, des sous-hommes… Par ailleurs, puisque c’est le sujet, il faut noter que le traitement volontairement inhumain et les exécutions sommaires pratiqué par les Allemands sur les prisonniers de guerre Soviétiques était justifié par des arguments qui mêlaient le racial et le politique : il s’agissait de n’avoir aucune pitié envers les “judéo-bolcheviques” qui pratiquaient la “barbarie asiatique” :
      https://en.wikipedia.org/wiki/Commissar_Order

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Oui, et il faudrait aussi rajouter que ce qu’est un “blanc” ou un “non-blanc” est assez subjectif.]

      Comme toute définition « ethnique ». C’était là mon point : toute politique « ethnique », outre les problèmes éthiques qu’elles posent, bute sur le fait que le concept « ethnique » est très difficile de définir avec un minimum de cohérence.

  12. Barbey dit :

    @ Descartes

    [Pour moi, ce discours s’explique très simplement : la solution proposée, celle d’une société fractionnée, est la plus économique pour les personnes concernées, qui sont généralement – car je pense que vous fréquentez le même milieu – les « classes moyennes ». Cela coûte moins cher de se payer sa maison dans un quartier fermé surveillée par des gardes privés, envoyer ses enfants dans une école privée, se soigner dans une clinique privée, que de supporter le coût d’une véritable politique d’assimilation. Alors, on se trouve des prétextes, de préférence des prétextes qui rejettent la responsabilité sur l’autre. Comme par exemple, cette idée que l’assimilation est impossible « parce que les principaux concernés n’accepteront jamais ». Qui a dit qu’il faut leur demander leur avis ?]

    Les arguments entendus de Marencau ne sont pas seulement ceux des classes moyennes. Cela dépasse, je pense, les 20 à 30% de la population que vous m´aviez donné la dernière fois. Les personnes sont dépitées par la petitesse des politiques, par l´idéologie de la justice qui marche sur la tête et le droit, par les médias bien pensants. Alors oui, les personnes se résignent. Mais avouez qu´il y a de quoi. La solution démocratique semble bouchée. Quelles sont les solutions ?

    En quoi le coût est moins cher pour les classes moyennes ? Je ne suis pas sur qu´on puisse bien longtemps augmenter leurs impôts. Elles n´auront plus de femmes de ménages à bas prix ? Elles voyageront en Corrèze au lieu des Maldives?
    Je suis sur qu´elles seront gagnantes sur le plan économique. Sur le plan moral, on peut en discuter.

    Pouvez vous détailler «  coût de l’assimilation » ?

    [ La « haine de soi » que le discours intellectuel des « classes moyennes » alimente depuis la fin des années 1960 n’est pas là par hasard. Il sert à bloquer l’assimilation et donc l’ascenseur social. Qui aurait envie de « s’assimiler » à une nation raciste, sexiste, dont l’histoire est parsemée de « crimes de guerre » et dont tous les apports à la civilisation humaine sont usurpés, car en fait le fait d’étrangers ?]

    J´ai du mal à y voir un moyen de bloquer «  l’ascenseur social ». Enfin que l´enchaînement ait été pensé ainsi. Quitte à noter un élément, on pourrait dire que les classes moyennes ne se sentent plus redevables et solidaires avec le reste de leur peuple.

    Vous avez une certaine grille de lecture. Soit. Mais la « haine de soi » et le parti de l´étranger ne date pas d´hier. J´ai l´impression qu´à vouloir faire des classes moyennes les coupables, vous les voyez à l´origine de tout.

    [Objection, votre honneur. ]

    La seule assimilation qui réussit en ce moment, c´est l´américaine 😉
    Et je rejoins Régis Debray sur le point que l´américanisation est bien plus présent voire dangereuse que l´islamisation.

    [Nous avons un « stock » de gens qui ont un passeport français. Savoir s’ils sont vraiment « français » ou non implique avoir une idée claire de ce qui fait que quelqu’un est ou non membre de la collectivité française. Personnellement, je ne pense pas que le statut administratif soit le seul élément, ni même le plus important.]

    Si des individus ne sont pas « membres de la collectivité française », mais en ont la nationalité, que pourrons nous faire ?
    S´ils ont la double nationalité, en fonction des pays, on pourra s´arranger. Et si ils ne sont que Français ?

    Petit aparté. Manuel Valls candidat à la mairie de Barcelone, député français et en mission pour une question ô combien importante : celle de l´indépendance de la Nouvelle Calédonie.
    Bel échec d´assimilation sur la durée ! Je préfère en rire, mais je ris bien jaune. Comment peut on imaginer une telle traîtrise ?

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [En quoi le coût est moins cher pour les classes moyennes ? Je ne suis pas sur qu´on puisse bien longtemps augmenter leurs impôts. Elles n´auront plus de femmes de ménages à bas prix ? Elles voyageront en Corrèze au lieu des Maldives? Je suis sur qu´elles seront gagnantes sur le plan économique. Sur le plan moral, on peut en discuter.]

      L’assimilation est coûteuse pour les « classes moyennes » à plusieurs titres. Il y a les avantages qu’elles tirent d’une population immigrée qui, n’étant pas assimilée, connaît mal ses droits et est moins armée pour les défendre, et fournit une main d’œuvre bon marché. Il y a aussi le coût des institutions – et notamment de l’école – capables d’assimiler. Mais ce n’est pas là l’essentiel. Le principal coût de l’assimilation pour les « classes moyennes », c’est le fait que l’immigré assimilé devient pour elles un concurrent, que le fils de l’immigré assimilé sera en mesure de disputer à leurs propres enfants leur place dans la société.

      On ne peut pas séparer l’assimilation de l’ascenseur social. Assimiler l’étranger implique passer avec lui un marché : l’abandon de sa culture d’origine contre les chances de promotion dans la culture d’accueil. Or, dans une société à la croissance faible, pour que le fils de l’ouvrier immigré puisse devenir médecin ou ingénieur, il faut que le fils du médecin ou de l’ingénieur puisse devenir ouvrier. Et cela, ni les médecins ni les ingénieurs ne l’accepteront. Il suffit de voir les débats actuels sur l’imposition de l’héritage. Tous les commentateurs pleurent des larmes de crocodile sur les inégalités, mais lorsqu’on parle de supprimer LE facteur le plus évident d’inégalité, il n’y a plus personne. Les « classes moyennes » ne sont pas prêtes à accepter que les cartes soient rebattues à chaque génération, que le mérite seul détermine le niveau social de leurs rejetons. Or, dans ces conditions, que peut-on proposer à l’immigré assimilé ? Que gagne-t-il à s’assimiler, puisqu’il est condamné à rester au même échelon dans l’échelle sociale ?

      [J´ai du mal à y voir un moyen de bloquer « l’ascenseur social ».]

      C’est extrêmement simple pourtant. Il suffit de démanteler les institutions qui permettent à l’ascenseur social de fonctionner. En France, c’est le système d’enseignement et le recrutement par concours qui a historiquement joué ce rôle depuis la Révolution. Je ne dis pas que le système scolaire français n’ait jamais été égalitaire. Il ne l’était pas et NE POUVAIT PAS L’ETRE. Aucun système scolaire ne peut corriger par lui-même les inégalités dans une société qui est structurellement inégalitaire. Mais si les fils de bonne famille accédaient plus facilement à Polytechnique, le recrutement par concours et la qualité du système scolaire permettait à une fraction minoritaire certes mais nullement négligeable de prendre sa place.

      Comment on a démantelé ces institutions ? Avec le discours le mieux intentionné qui soit. D’abord, il fallait éliminer la sélection sur des critères de mérite scolaire comme mode de promotion – ce qui laisse les coudées franches à d’autres modes de promotion fondés sur le « savoir être » et sur les réseaux familiaux. Ensuite, il fallait dévaloriser la connaissance elle-même, en encourageant chaque étudiant à être « fier » de ce qu’il est, ce qui élimine toute incitation à changer. Enfin, il fallait dévaloriser l’idée d’effort, de travail, de discipline, qui sont pourtant les seules armes qui permettent aux défavorisés d’échapper à leur condition.

      [Enfin que l´enchaînement ait été pensé ainsi.]

      En bon marxiste, je ne partage pas une vision machiavélique de la politique. Les « classes moyennes » ont élaboré une idéologie qui justifie et sert leurs intérêts, mais ses membres croient vraiment, sincèrement, dans cette idéologie. Ils pensent vraiment qu’en supprimant les notes, en baissant les niveaux d’exigence, en créant des « passerelles » permettant de contourner le recrutement par concours elles servent l’intérêt des couches populaires.

      [Vous avez une certaine grille de lecture. Soit. Mais la « haine de soi » et le parti de l´étranger ne date pas d´hier. J´ai l´impression qu´à vouloir faire des classes moyennes les coupables, vous les voyez à l´origine de tout.]

      Vous avez raison de dire que la « haine de soi » ne date pas d’hier. Elle date des années 1930, et dans un contexte qui n’est pas très différent du notre : celui d’une société bloquée, à faible croissance, et où les « classes moyennes » – beaucoup moins nombreuses et moins puissantes il est vrai qu’elles ne le sont aujourd’hui – craignaient de perdre leur statut.

      Quant au rôle des « classes moyennes », je ne peux que constater que depuis les années 1930 leur poids numérique et surtout économique n’a fait que croître. Pendant longtemps, elles ont été « adhérentes » à d’autres groupes sociaux. Elles n’apparaissent de manière autonome, avec des intérêts et des organisations politiques propres qu’à partir des années 1960. Elles deviennent politiquement dominante dans les années 1980, et à la fin des années 1990, elles ont réussi à occuper l’ensemble du spectre politique : tous les partis, sans exception, défendent leurs intérêts. Le « parti de la classe ouvrière » mais aussi ceux qui représentaient la bourgeoisie ont disparu. C’est pourquoi il est difficile de ne pas voir dans les processus sociaux à l’œuvre actuellement le poids des « classes moyennes »…

      [Et je rejoins Régis Debray sur le point que l´américanisation est bien plus présent voire dangereuse que l´islamisation.]

      Dangereuse pour qui ? That is the question…

      [Si des individus ne sont pas « membres de la collectivité française », mais en ont la nationalité, que pourrons nous faire ?]

      Les assimiler me paraît la meilleure réponse.

      [Petit aparté. Manuel Valls candidat à la mairie de Barcelone, (…) Bel échec d´assimilation sur la durée !]

      Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un « échec de l’assimilation ». Il faut voir là un autre effet, celui de l’effacement du politique derrière le gestionnaire. Le politique est conçu comme un chef d’entreprise. Le rapport charnel ou symbolique que l’élu entretenait avec son électeur et le territoire qu’il représentait est remplacé par le rapport de froid intérêt que peut entretenir le PDG avec ses actionnaires. Et du coup, la question de la nationalité n’a plus d’importance. Si le PDG d’Air Canada peut changer de crémerie et présider Air France, pourquoi un ancien maire d’Evry ne pourrait devenir maire de Barcelone ? Si l’actionnaire-électeur ne recherche que l’efficacité, pourquoi faire de la nationalité un critère ?

      On revient, comme toujours, à la question du tragique. L’homme politique n’est pas un simple gestionnaire. Il a à prendre position sur des questions qui ne touchent pas seulement les intérêts matériels de ses électeurs, mais aussi leur vie et celle de leurs enfants, des questions qui déterminent non seulement leur richesse, mais leur existence même en tant que citoyens. Si on réduit l’électeur à un consommateur de services, alors le maire idéal est celui qui organisera ces services au meilleur prix, et peut importe le fait de savoir s’il aime ou non les gens qu’il administre, le territoire qu’il dirige.

      Valls est un triste sire parce qu’il n’est même pas capable de se poser cette question fondamentale. Pour lui, faire carrière en politique ou faire carrière chez un vendeur de dentifrice, c’est exactement la même chose.

    • Barbey dit :

      @ Descartes

      [Le principal coût de l’assimilation pour les « classes moyennes », c’est le fait que l’immigré assimilé devient pour elles un concurrent, que le fils de l’immigré assimilé sera en mesure de disputer à leurs propres enfants leur place dans la société.]

      Le plus simple ne serait il donc pas de ne plus avoir recours à l´immigration si le coût de l´assimilation est si cher ?
      Si je résume, dis moi si je le fais bien, l´immigration pour les classes moyennes est intéressante sur le court terme pour les arguments évoques (coût moindre pour leurs services, non concurrence de ces populations, paupérisation des classes populaires). A moyen terme, sauf non assimilation (ie ascenseur social) le coût devient négatif.
      Mais à plus long terme, cette « population » est/sera un véritable fardeau qui faudra payer avec notamment les impôts des classes moyennes. Toujours rentable ?

      [ Il suffit de démanteler les institutions qui permettent à l’ascenseur social de fonctionner]

      Cela pénalise bien plus fortement les personnes non immigrées de classe modeste.
      Ce qui bloque le plus l´ascenseur social comme vous l´avez justement souligné est le démantèlement des institutions fondées sur la méritocratie. Donc pourquoi bloquer l´assimilation ? Deux protections valent mieux qu´une ?

      [ Il suffit de voir les débats actuels sur l’imposition de l’héritage. Tous les commentateurs pleurent des larmes de crocodile sur les inégalités, mais lorsqu’on parle de supprimer LE facteur le plus évident d’inégalité, il n’y a plus personne]

      Le point que vous soulignez est important ! D´ailleurs, on reconnaît sur ce point les personnes qui sont vraiment pour l´égalité. Recevoir de ces parents plusieurs dizaines et souvent centaines de milliers d´euros sans avoir rien fait si ce n´est de naître.
      Leurs arguments sont assez savoureux: la transmission et l´héritage deviennent importants, le sacrifice de leurs parents pour eux, etc. Ils le dénoncent au niveau collectif mais le sacralisent au niveau individuel.

      [Dangereuse pour qui ? That is the question…]

      Bonne question. L´américanisation change bien plus notre état d´esprit et culture, c´est une colonisation silencieuse et indolore. Pour l´islamisation, elle est frontale et brutale. Elle ne s´intégrera pas ; mais fait souffrir bien plus violemment les personnes qui y sont confrontés.

      [Il faut voir là un autre effet, celui de l’effacement du politique derrière le gestionnaire. Le politique est conçu comme un chef d’entreprise. ]

      Les politiques sont gestionnaires parce que la croissance augmentait, et qu´on pouvait contenter un peu près tout le monde. La croissance n´étant plus organique maintenant, il va falloir véritablement privilégier un type de classe/population.

      Un des problèmes n´est il pas que les politiques actuels sont formés pour être des gestionnaires alors que le modèle économique, social ne fait plus recette ; et que nous avons besoin de politiques qui soient des dirigeants ?

      [Si le PDG d’Air Canada peut changer de crémerie et présider Air France, pourquoi un ancien maire d’Evry ne pourrait devenir maire de Barcelone ? Si l’actionnaire-électeur ne recherche que l’efficacité, pourquoi faire de la nationalité un critère ?]

      Je suis d´accord avec vous. Je me demande toujours comment on a pu en arriver la. Il est temps que je relise mon « Etrange Défaite »

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Si je résume, dis-moi si je le fais bien, l´immigration pour les classes moyennes est intéressante sur le court terme pour les arguments évoques (coût moindre pour leurs services, non concurrence de ces populations, paupérisation des classes populaires). A moyen terme, sauf non assimilation (ie ascenseur social) le coût devient négatif. Mais à plus long terme, cette « population » est/sera un véritable fardeau qui faudra payer avec notamment les impôts des classes moyennes. Toujours rentable ?]

      Sauf que, comme le disait si bien Keynes, à long terme nous sommes tous morts. Et s’il y a une couche sociale qui n’a pas – de par sa structure – une vision de long terme, ce sont bien les « classes moyennes ». J’ajoute que dans leur mentalité plein d’option s’offrent à elles pour ne pas avoir à payer ce « fardeau » futur : l’émigration vers des cieux fiscalement plus accueillants est l’une d’elles, le morcellement de la société en est un autre.

      [Ce qui bloque le plus l´ascenseur social comme vous l´avez justement souligné est le démantèlement des institutions fondées sur la méritocratie. Donc pourquoi bloquer l´assimilation ? Deux protections valent mieux qu´une ?]

      Je dirais qu’il y a là une logique de « divide ut regnam ». Si vous permettez l’assimilation, vous tendez à unifier les couches populaires, en permettant aux ouvriers et employés français « de souche » et « d’adoption » d’entamer les mêmes combats. En bloquant l’assimilation, vous divisez les couches populaires. N’oubliez pas que les « classes moyennes » voient dans une société fragmentée en chapelles et en communautés le meilleur rempart pour leurs intérêts.

      [Le point que vous soulignez est important ! D´ailleurs, on reconnaît sur ce point les personnes qui sont vraiment pour l´égalité. Recevoir de ces parents plusieurs dizaines et souvent centaines de milliers d´euros sans avoir rien fait si ce n´est de naître. Leurs arguments sont assez savoureux: la transmission et l´héritage deviennent importants, le sacrifice de leurs parents pour eux, etc. Ils le dénoncent au niveau collectif mais le sacralisent au niveau individuel.]

      Exactement. Je pense que ce consensus général sur l’héritage dit beaucoup sur le véritable fonctionnement des sociétés, au-delà des discours et des idéologies. La reproduction sociale n’est pas simplement un mécanisme imposé par les classes dominantes sur les classes dominées. C’est un mécanisme fondamental de toute société, qui garantit sa conservation dans le temps. Une société ne peut pas intégralement se reconstruire socialement, politiquement, symboliquement à chaque génération. C’est pourquoi la filiation, la transmission, la reproduction sont à la base de toute société.

      [Un des problèmes n´est-il pas que les politiques actuels sont formés pour être des gestionnaires alors que le modèle économique, social ne fait plus recette ; et que nous avons besoin de politiques qui soient des dirigeants ?]

      Là encore, lorsque vous écrivez « ne fait plus recette », j’ai envie de me demander « chez qui ? ». Le modèle économique et social que nous avons fait parfaitement recette chez le « block dominant ». Si ce n’était pas le cas, ils se précipiteraient pour le changer. La logique qui a transformé le politicien en gestionnaire dérive des intérêts que la politique sert ou ne sert pas. Hier, les couches dominantes avaient besoin des couches populaires. Le politique était donc là pour négocier un consensus, un partage de la richesse. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que le « block dominant » n’a plus besoin, si ce n’est marginalement, des couches populaires. La fonction du politique est donc réduite à vérifier que les services fonctionnent, et qu’ils ne coûtent pas trop cher aux “classes moyennes”.

    • Antoine dit :

      @Barbey

      > La politique ne peut gérer la vie privée. Public oui, privée, ça ne les regarde pas !

      On parle d’état-civil, pas de vie privée. On peut avoir des surnoms dans la vie privée, et même les utiliser à la place de son prénom si ça nous chante (c’est assez courant avec les diminutifs, par exemple, dans certains pays). De même, on peut utiliser des pseudonymes (officieux) dans les communications courantes (comme sur Internet). Mais le prénom est un élément d’identification officielle.

      > Par ailleurs, vous allez avoir un grand problème avec les prénoms étrangers. De un les prénoms purement français sont rares plutot européens, de deux beaucoup de prénoms que vous apparentez à français sont bibliques comme Marie, Jean, Matthieu, Michel (ie non européens)

      Désolé, mais ce que vous dites est une absurdité. Votre argument revient à dire qu’un mot du lexique français n’est pas français puisqu’ils presque sont tous issus, soit du latin, soit du grec, etc. Mais comme les mots latins et grecs eux-mêmes ne sont pas sortis du néant (mais probablement d’emprunts à d’autres langues antérieures), et ainsi de suite jusqu’à l’aube de l’humanité, alors on ne peut rattacher un mot à aucune langue. On voit bien que ça n’a pas de sens.

      Les prénoms que vous citez sont bien français, et d’ailleurs la forme en est différente de la forme originelle. On dit “Jean” (prénom français) et non “Jehannus” (prénom romain ?). De même, “John” est un prénom anglais alors que “Giovanni” est un prénom italien.

      Et de toute façon, la proposition que j’ai émise lève déjà ce dilemme à l’avance. Car je propose qu’une liste soit *établie à l’avance* afin de ne pas laisser les fonctionnaires de l’état-civil décider au cas par cas. On peut donc sans ambiguïté y mettre, par exemple, “Éric” même si certains arguent que c’est un prénom d’origine scandinave…

    • @ Descartes,

      Vous dites que les classes moyennes bloquent l’ascenseur social, et je suis d’accord avec vous. Maintenant, admettons que, l’assimilation aidant, le fameux ascenseur social reparte. Nous sommes dans une société à faible croissance, la reconstruction d’après-guerre est bel et bien terminée, donc le nombre de bonnes places ne connaîtra pas une expansion exceptionnelle. Dans ce contexte, comme vous l’avez déjà dit, pour que le fils d’ouvrier immigré (ou pas) puisse “monter”, il faut que le fils d’enseignant, d’ingénieur ou de médecin puisse “descendre”, n’est-ce pas?

      Comme vous le dites à Barbey, la reproduction sociale est fondamentale dans l’organisation et la pérennisation d’une société. Et c’est très vrai: moi-même, j’ai pu acheter mon logement avec un crédit pas trop lourd uniquement parce que mes parents m’ont fait une avance sur héritage équivalent à la moitié de la valeur du bien immobilier en question. On pourrait arguer que ce faisant, ils m’ont donné une sécurité et de bonnes conditions pour élever les enfants qui vont assurer la continuité la famille, mais c’est un autre sujet. Être un héritier, je ne trouve pas cela honteux, tout dépend de ce que l’on fait de son héritage. Relancer l’ascenseur social, dans un contexte comme celui que nous connaissons, ce serait surtout relancer la compétition. Et ce serait en un sens très bien: l’école fonctionnerait mieux s’il y régnait une saine émulation, et les enfants des classes moyennes cesseraient de se reposer sur leurs lauriers, en fait sur l’entregent de leurs parents. On voit bien d’ailleurs que, depuis plusieurs années, les classes moyennes produisent plus de “sociologues de la discrimination”, de “philosophes de l’éthique animale” ou d’ “historiens des minorités” que de grands noms de la Science, la vraie, avec un “S” majuscule.

      Mes doutes portent en fait sur l’impact réel d’une relance de l’ascenseur social sur les populations immigrées qui dans le même temps s’assimileraient. Les classes moyennes ne veulent peut-être pas de la compétition, et pourtant elles ne sont pas si mal armées que cela pour l’affronter. Même si l’école retrouve sa grande et belle vocation d’instruction, le fils d’enseignant, d’ingénieur ou de médecin aura toujours un avantage sur le fils d’ouvrier, immigré ou pas d’ailleurs. L’école peut réduire cette différence, sans jamais pouvoir l’effacer totalement, vous le savez bien. Par conséquent, statistiquement, seule une toute petite minorité d’immigrés profitera réellement de l’assimilation, à moins d’imaginer que tous les enfants des classes moyennes “descendent”. Et les autres? Ils auront fait l’effort pour quelle récompense? Pour le même métier que s’ils ne s’étaient pas assimilés?

      Je pense que les populations immigrées, tout du moins une partie d’entre elles, tirent un bénéfice réel de l’absence d’assimilation. Il ne faut pas oublier que la société ferme les yeux sur toute une économie souterraine, et fort lucrative, dans les quartiers, économie qui fait vivre pas mal de monde dans certaines cités. Il ne faut pas oublier que le clientélisme électoral et le souci d’acheter la paix sociale conduisent à arroser de subventions nombre d’associations dont sont membres des habitants de ces quartiers dits sensibles, en même temps que des cohortes d’éducateurs œuvrent au milieu de jeunes de la même origine qu’eux. Et encore, tout cet argent donne parfois lieu à des libertés avec la loi (voir l’affaire dans laquelle trempe la famille du fameux Théo, ce jeune noir ayant eu une relation intime et douloureuse avec la matraque d’un policier). Il y a autre chose: le confort intellectuel de pouvoir se dire que si l’on a échoué, c’est la faute des autres, c’est parce qu’on est noir ou arabe, parce que la société est raciste. “Le racisme envers les minorités est institutionnel” déclare Sopo. Avec l’assimilation, finie cette excuse bien pratique.

      Résumons-nous: dans une société largement bloquée, vous proposez aux immigrés l’effort, le sacrifice même, que représente l’assimilation. En récompense, une petite partie améliorera sa situation pendant que les autres resteront en bas de l’échelle sociale, sans même l’excuse de pouvoir se dire que c’est à cause de leur origine ou de leur couleur de peau.

      Ma question est simple: est-ce que les immigrés eux-mêmes ont intérêt à s’assimiler?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Vous dites que les classes moyennes bloquent l’ascenseur social, et je suis d’accord avec vous. Maintenant, admettons que, l’assimilation aidant, le fameux ascenseur social reparte. Nous sommes dans une société à faible croissance, la reconstruction d’après-guerre est bel et bien terminée, donc le nombre de bonnes places ne connaîtra pas une expansion exceptionnelle. Dans ce contexte, comme vous l’avez déjà dit, pour que le fils d’ouvrier immigré (ou pas) puisse “monter”, il faut que le fils d’enseignant, d’ingénieur ou de médecin puisse “descendre”, n’est-ce pas?]

      Il faut je crois préciser mon idée. Dire que dans une société à faible croissance pour que certains d’en bas puissent « monter » il faut bien que ceux d’en haut acceptent de « descendre », c’est faire une simplification. C’est vrai si l’on parle en termes relatifs. Mais en termes absolus, c’est une autre histoire. Avec une croissance de 1,5% par an dont 1% due aux améliorations de la productivité, une répartition uniforme des gains pousserait tout le monde vers le haut de 1% par an. Ce n’est peut-être pas énorme, mais ce n’est pas tout à fait négligeable non plus.

      Pour le dire autrement : l’ascenseur social est en fait une batterie d’ascenseurs. Certains permettent d’épouser le mouvement d’ensemble de la société, l’autre de gravir les échelons à l’intérieur même de la pyramide sociale. J’ajoute que des opportunités peuvent être offertes par l’élargissement de la pyramide elle-même, par la création par exemple de nouveaux métiers très qualifiés.

      [Mes doutes portent en fait sur l’impact réel d’une relance de l’ascenseur social sur les populations immigrées qui dans le même temps s’assimileraient. Les classes moyennes ne veulent peut-être pas de la compétition, et pourtant elles ne sont pas si mal armées que cela pour l’affronter.]

      Tout à fait. Je trouve votre remarque sur l’héritage très juste, et lorsque je constate qu’il existe un consensus pour ne pas s’attaquer à l’héritage, ma constatation n’est qu’une constatation, sans jugement aucun. Parce que la reproduction est une fonction essentielle dans toute société, je n’imagine pas qu’on puisse rebattre TOUTES les cartes à chaque génération. Cela créerait une l’instabilité sociale dont le coût serait énorme : une société a besoin d’un minimum de prévisibilité, et une partie de cette prévisibilité consiste à savoir qu’en PRINCIPE chacun hérite le statut social de ses parents. Ce postulat peut apparaître comme un frein – il est difficile de monter – mais aussi comme une garantie – il est difficile de descendre.

      Mais à l’opposé de ceux qui imaginent rebattre TOUTES les cartes à chaque génération se trouvent ceux qui veulent une société totalement figée, ou chaque enfant aurait par postulat le même statut que ses parents. Et la vérité se trouve, comme toujours, dans un équilibre. Il faut un ascenseur social suffisamment large pour pousser les couches populaires à l’effort en termes d’investissement et notamment dans l’éducation, pour fournir du « sang frais » aux élites et, last but not least, pour empêcher les « classes moyennes » de s’endormir sur leurs lauriers se sentant protégées de toute compétition.

      [Même si l’école retrouve sa grande et belle vocation d’instruction, le fils d’enseignant, d’ingénieur ou de médecin aura toujours un avantage sur le fils d’ouvrier, immigré ou pas d’ailleurs. L’école peut réduire cette différence, sans jamais pouvoir l’effacer totalement, vous le savez bien.]

      Tout à fait. Cet « avantage » assure l’équilibre dont j’ai parlé plus haut : les cartes ne seront pas totalement rebattues. Mais il ne faut pas que cet « avantage » soit tel que l’enfant des « classes moyennes » voie son statut reconduit automatiquement sans avoir à travailler, et que l’enfant volontaire des « couches populaires » n’ait aucune chance de faire valoir ses mérites.

      [Par conséquent, statistiquement, seule une toute petite minorité d’immigrés profitera réellement de l’assimilation, à moins d’imaginer que tous les enfants des classes moyennes “descendent”. Et les autres? Ils auront fait l’effort pour quelle récompense? Pour le même métier que s’ils ne s’étaient pas assimilés?]

      Vous sous-estimez le pouvoir d’évocation d’une espérance. Quelle est « statistiquement » la chance de gagner au loto ? Et pourtant, chaque semaine des millions de nos compatriotes remplissent une grille…

      Oui, parmi ceux qui s’assimileront seule une petite minorité ira à Polytechnique. Mais aller à Polytechnique n’est pas la seule forme de promotion sociale, et en faisant l’effort d’étudier avec l’espoir d’aller à Polytechnique, même ceux qui in fine n’y arriveront pas s’amélioreront eux-mêmes et amélioreront la société. L’effet organisateur d’une espérance peut avoir un effet social positif sur l’ensemble de la collectivité, même si cette espérance ne se réalise que pour une petite minorité.

      [Je pense que les populations immigrées, tout du moins une partie d’entre elles, tirent un bénéfice réel de l’absence d’assimilation.]

      Vous avez parfaitement raison. Faire une politique d’assimilation aujourd’hui implique entre autres choses de faire la chasse à ces « trappes à désassimilation », c’est-à-dire, aux situations ou il est plus avantageux de ne pas s’assimiler. La règle doit être claire : dans toute politique publique, l’assimilé doit être en meilleure situation que le non-assimilé. Et même ainsi, vous connaissez ma position : l’assimilation ne peut être – sauf cas exceptionnel – une libre décision de l’individu : elle nécessite une pression de la société d’accueil.

      [Il y a autre chose: le confort intellectuel de pouvoir se dire que si l’on a échoué, c’est la faute des autres, c’est parce qu’on est noir ou arabe, parce que la société est raciste. “Le racisme envers les minorités est institutionnel” déclare Sopo. Avec l’assimilation, finie cette excuse bien pratique.]

      Oui. La liberté à un prix : la responsabilité. Mais ce problème ne touche pas que les immigrés : si je comptais le nombre d’amis qui m’expliquent que leur petit chéri a échoué parce que le méchant enseignant lui a dit qu’il était nul et lui a fait perdre sa « confiance en soi »…

      [Résumons-nous: dans une société largement bloquée, vous proposez aux immigrés l’effort, le sacrifice même, que représente l’assimilation. En récompense, une petite partie améliorera sa situation pendant que les autres resteront en bas de l’échelle sociale, sans même l’excuse de pouvoir se dire que c’est à cause de leur origine ou de leur couleur de peau.]

      Je me rends compte que j’ai du mal me faire comprendre. Vous résumez ma position comme si la seule récompense de l’assimilation était la promotion sociale. Oui, seule une petite partie montera fortement dans l’échelle sociale, c’est vrai. Mais même ceux qui resteront en bas ont intérêt à l’assimilation. Parce que s’assimiler améliore votre vie : sur le plan objectif, parce que vous êtes à même de mieux faire valoir vos droits. Sur le plan subjectif, parce qu’il est toujours plus sûr, plus agréable de vivre dans une société dont vous comprenez la langue, les règles, dont vous participez à la sociabilité, dans laquelle vous êtes reconnu par vos concitoyens et qui vous permet du coup de vous affranchir des règles communautaires.

      Oui, dans une société à faible croissance, on ne peut offrir à tout le monde la promotion sociale. Mais on peut lui offrir une vie plus agréable, plus sûre, plus libre. Même ainsi, je ne suis pas naïf : l’assimilation demande de l’immigré un investissement important, qu’il ne fera que très rarement spontanément tout simplement parce qu’il n’a pas une vision à long terme des avantages et inconvénients. C’est pourquoi il faut l’imposer par une pression sociale et des politiques publiques qui ne laissent pas le choix.

      Encore faut-il que la société soit prête à payer le prix de l’assimilation. Et cela suppose que le « block dominant » accepte de partager les fruits de la croissance – même si elle est faible. Autrement, l’ouvrier assimilé entrera en concurrence avec l’ouvrier natif, et sera rejeté.

      [Ma question est simple: est-ce que les immigrés eux-mêmes ont intérêt à s’assimiler?]

      Bonne question. La réponse pour moi est oui, sans ambiguïté. Je sais que la présence de certains immigrés vous rend malheureux, et qu’il est difficile d’expliquer à quelqu’un qui est malheureux que le responsable de son malheur l’est aussi. Mais je vais essayer quand même : croyez-en mon expérience, vivre dans un pays dont vous ne connaissez pas les codes, dont vous ne comprenez pas les règles, dont la sociabilité vous est fermée n’est pas une situation agréable. Et même si vous vous réfugiez dans une « communauté » faite de gens comme vous, ce n’est pas le bonheur : la protection communautaire se paye, généralement très cher.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Et de toute façon, la proposition que j’ai émise lève déjà ce dilemme à l’avance. Car je propose qu’une liste soit *établie à l’avance* afin de ne pas laisser les fonctionnaires de l’état-civil décider au cas par cas. On peut donc sans ambiguïté y mettre, par exemple, “Éric” même si certains arguent que c’est un prénom d’origine scandinave…]

      En fait, ce que vous proposez revient revenir au schéma originel établi par la loi du 11 Germinal de l’an XI, dont l’article 1 est ainsi rédigé : « À compter de la publication de la présente loi, les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus dans l’histoire ancienne, pourront seuls être reçus comme prénoms, sur les registres destinés à constater la naissance des enfants ; et il est interdit aux officiers publics d’en admettre aucun autre dans leurs actes ».

      Dans la pratique, l’instruction ministérielle du 12 avril 1966 élargit un peu le spectre. Elle permet de donner à un enfant certains prénoms en usage à l’étranger, admet les « prénoms coraniques » même si elle recommande de donner à l’enfant au moins un prénom à consonance française pour « permettre une meilleure intégration », mais interdit toujours «les prénoms de pure fantaisie ou vocables qui, en raison de leur nature, de leur sens ou de leur forme, ne peuvent normalement constituer des prénoms : noms de famille, de choses, d’animaux ou de qualités, vocables utilisés comme noms ou prénoms de théâtre ou pseudonymes, vocables constituant une onomatopée ou un rappel de faits politiques. »

    • Barbey dit :

      @ Antoine, Descartes

      [Et de toute façon, la proposition que j’ai émise lève déjà ce dilemme à l’avance. Car je propose qu’une liste soit *établie à l’avance* afin de ne pas laisser les fonctionnaires de l’état-civil décider au cas par cas. On peut donc sans ambiguïté y mettre, par exemple, “Éric” même si certains arguent que c’est un prénom d’origine scandinave…]

      Mon argument revenait à dire que votre liste ne va pas être simple à se constituer. Qui a le droit de décréter qu´un prénom est Français ? Et en vertu de quoi ? A cela, vous ne répondez pas.

      Descartes donne une piste avec la loi du 11 Germinal de l’an XI. Mais c´est largement incomplet. Le calendrier, soit je dirais 400 prénoms. Quand aux « personnages connus dans l’histoire ancienne », à quand remonte l´histoire ancienne ? Qu est ce qu´un personnage connu ? On pourra toujours vous trouver des Mohammed français qui ont été des philosophes, historiens, etc.

    • @ Descartes,

      “Vous sous-estimez le pouvoir d’évocation d’une espérance. Quelle est « statistiquement » la chance de gagner au loto ? Et pourtant, chaque semaine des millions de nos compatriotes remplissent une grille…”
      Pardon mais ce n’est pas tout à fait comparable: jouer au loto ne demande qu’un investissement minimal. Et chacun compte sur la chance. L’assimilation, surtout pour un immigré issu d’une culture très différente, l’investissement dans le travail scolaire, l’apprentissage des codes de la société d’accueil, tout cela demande un effort considérable. On ne peut pas proposer à ces gens une simple espérance. Il FAUT une récompense, d’une manière ou d’une autre. Je connais des immigrés peu assimilés qui sont techniciens d’usinage ou manœuvres dans le bâtiment. Qu’aura de plus le technicien d’usinage ou le manœuvre assimilé?

      “Je sais que la présence de certains immigrés vous rend malheureux, et qu’il est difficile d’expliquer à quelqu’un qui est malheureux que le responsable de son malheur l’est aussi.”
      Ne croyez pas ça. Je suis tout à fait conscient que nombre d’immigrés sont mal à l’aise et sans doute malheureux dans la société française. Je pense à ces jeunes filles turques ou marocaines que j’ai parfois comme élèves, et dont la seule perspective envisagée par la famille est un mariage et la “ponte” régulière de mioches. Je pense que certains de mes élèves perçoivent bien, à l’école notamment, le décalage entre le mode de vie “communautaire” ultra-conservateur et la société moderne et sécularisée dans laquelle vivent les autres. Simplement, je ne tire pas les mêmes conclusions que vous: là où vous voulez l’assimilation, je propose l’incitation à partir, non point forcément pour retourner dans le pays d’origine, mais pour aller dans un pays où le communautarisme est accepté. Dans un pays anglo-saxon par exemple.

      En même temps, je vois aussi des Français de souche tentés de rejoindre le communautarisme immigré, en se convertissant à l’islam par exemple. Vous dites que la protection communautaire se paye cher, mais je me demande si elle n’apporte pas des compensations en terme de sentiment d’appartenance et de fierté identitaire. Ce que je veux dire, c’est que la nation est une communauté vaste, abstraite, de solidarité impersonnelle. Les gens que vous fréquentez à la mosquée locale ou à l’association culturelle turque, c’est autre chose. Autrefois, les Français de souche aussi avaient ce type d’organisations locales: la paroisse, la fabrique, l’association de quartier,… Mais tout cela se perd. La vie en ville devient une vie anonyme et solitaire, et je crois que c’est insupportable pour beaucoup de monde. On peut aussi relier ça à l’affaiblissement de l’Eglise, des syndicats, des partis politiques. Il n’y a plus vraiment de corps intermédiaire, sauf dans quelques professions. Ailleurs, les gens se disent: “Il y a moi et le reste du monde”… S’affranchir des règles communautaires, c’est accéder à la liberté comme vous le dites. Mais la liberté n’est-elle pas effrayante? Au fond, l’homme ne préfère-t-il pas abdiquer sa liberté au profit d’un collectif rassurant? Je note aussi que le carcan communautaire nourrit chez certains le plaisir de surveiller et de “fliquer” les autres. Le communautarisme donne du pouvoir à des gens qui, sans cela, ne seraient rien.

      Deux autres remarques: la première est qu’en cas de relance de l’ascenseur social, les enfants d’immigrés entreront aussi en compétition avec les enfants des couches populaires “de souche”, non?

      Ensuite, après lecture de vos arguments, que je trouve au fond sages et recevables, je ne peux m’empêcher de vous dire ceci: dans la mesure où vous voulez imposer l’assimilation, dans un but finalement émancipateur, vous donnez l’impression de vouloir faire le bonheur des immigrés malgré eux. Or prétendre faire le bonheur des gens malgré eux, n’est-ce pas ce que vous reprochez à une certaine bienpensance?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« Vous sous-estimez le pouvoir d’évocation d’une espérance. Quelle est « statistiquement » la chance de gagner au loto ? Et pourtant, chaque semaine des millions de nos compatriotes remplissent une grille… » Pardon mais ce n’est pas tout à fait comparable: jouer au loto ne demande qu’un investissement minimal. Et chacun compte sur la chance.]

      Ne croyez pas ça. Je connais des gens qui dépensent au loto ou au PMU des sommes relativement importantes par rapport à leur revenu. Il est exact de dire que l’assimilation nécessite de la part de l’immigré un investissement bien plus important tant en termes d’efforts réels que de concessions symboliques. Mais la probabilité de toucher un lot est là aussi bien plus importante que pour le loto. En termes d’espérance statistique, je pense que l’analogie illustre bien mon propos.

      [On ne peut pas proposer à ces gens une simple espérance. Il FAUT une récompense, d’une manière ou d’une autre. Je connais des immigrés peu assimilés qui sont techniciens d’usinage ou manœuvres dans le bâtiment. Qu’aura de plus le technicien d’usinage ou le manœuvre assimilé?]

      Je vous répète ma réponse : il aura plus de moyens de défendre ses droits, d’accéder à une promotion. Il aura aussi l’opportunité de participer à une sociabilité avec ceux qui l’entourent, il pourra compter sur leur solidarité. Il pourra, finalement, comprendre le monde qui l’entoure. Vous trouvez que c’est peu ?

      L’assimilation est un jeu où tout le monde gagne. De ce point de vue, la « récompense » est là. La seule incertitude est la taille des lots. Certains auront la possibilité – via l’ascenseur social – d’accéder aux plus hautes responsabilités et fonctions. Ils ne seront pas très nombreux. Mais cela n’implique pas que les autres n’auront rien. Cela étant dit, l’espérance du « gros lot » est nécessaire pour que le système fonctionne.

      [Je pense que certains de mes élèves perçoivent bien, à l’école notamment, le décalage entre le mode de vie “communautaire” ultra-conservateur et la société moderne et sécularisée dans laquelle vivent les autres. Simplement, je ne tire pas les mêmes conclusions que vous: là où vous voulez l’assimilation, je propose l’incitation à partir, non point forcément pour retourner dans le pays d’origine, mais pour aller dans un pays où le communautarisme est accepté. Dans un pays anglo-saxon par exemple.]

      L’incitation à partir ne marchera pas. D’une part, parce que nolens voles ces gens sont intégrés dans la société d’accueil, on construit un réseau familial et communautaire dont le coût de reconstruction ailleurs est trop élevé. Et de l’autre, parce que les pays anglo-saxons ne sont pas forcément disposés à les accueillir, tout « communautaires » qu’ils soient. Pour obtenir un départ, il faudrait des méthodes « d’incitation » qui auraient un effet tellement traumatique sur la société qu’on finit par se demander si le remède ne serait pire que le mal.

      [En même temps, je vois aussi des Français de souche tentés de rejoindre le communautarisme immigré, en se convertissant à l’islam par exemple. Vous dites que la protection communautaire se paye cher, mais je me demande si elle n’apporte pas des compensations en terme de sentiment d’appartenance et de fierté identitaire. Ce que je veux dire, c’est que la nation est une communauté vaste, abstraite, de solidarité impersonnelle. Les gens que vous fréquentez à la mosquée locale ou à l’association culturelle turque, c’est autre chose. Autrefois, les Français de souche aussi avaient ce type d’organisations locales: la paroisse, la fabrique, l’association de quartier,… Mais tout cela se perd.]

      Je rejoins en partie votre analyse. La nation, collectivité impersonnelle, se construit aussi sur la base d’une sociabilité, et cette sociabilité ne peut être que locale et personnelle. Les « corps intermédiaires » associatifs, religieux, syndicaux jouent dans cette sociabilité un rôle indispensable, et la tension entre eux et l’Etat est une tension créative. Ce n’est pas par hasard si la commune a joué un tel rôle dans l’établissement de la république jacobine, si la loi sur les associations est aujourd’hui considérée comme faisant partie du block de constitutionnalité.

      Mais si certains Français « de souche » se tournent vers des expériences communautaires, cela ne date pas d’aujourd’hui. La fragmentation de la société française commence avec la vague anti-institutionnelle qui s’est levée à la fin des années 1960, avec la promotion de la toute puissance individuelle contre l’Etat et les institutions. Mais la toute-puissance implique la solitude, et pour ne pas être seul on promeut des « communautés d’élection » aux règles souples et ou chaque individu est censé pouvoir s’épanouir en toute liberté. Ces communautés deviennent très rapidement infiniment plus sectaires, plus tyranniques que ne peuvent l’être l’Etat ou les institutions, tout simplement parce que l’Etat et les institutions sont tenues au respect des barrières qui séparent la sphère publique de la sphère privée, obligation qui ne s’impose nullement aux « communautés ».

      Le mécanisme est le même aujourd’hui, peut-être plus exacerbé encore par le fait que l’Etat, en cachant ses symboles, en niant sa spécificité et en se frappant la poitrine à tort et à travers pour demander pardon de crimes réels ou imaginaires, a lui même renoncé à se présenter comme collectivité d’identification et de fierté identitaire. L’Islam, qui à ma connaissance ne s’est jamais excusé de rien, n’a jamais caché ses symboles ou nié sa spécificité, offre tout ça. Pas étonnant que certains se laissent séduire.

      [La vie en ville devient une vie anonyme et solitaire, et je crois que c’est insupportable pour beaucoup de monde. On peut aussi relier ça à l’affaiblissement de l’Eglise, des syndicats, des partis politiques. Il n’y a plus vraiment de corps intermédiaire, sauf dans quelques professions. Ailleurs, les gens se disent: “Il y a moi et le reste du monde”… S’affranchir des règles communautaires, c’est accéder à la liberté comme vous le dites. Mais la liberté n’est-elle pas effrayante?]

      Oui, terriblement effrayante, parce qu’être libre c’est aussi être responsable, et donc ne plus pouvoir rejeter la faute de ses échecs sur personne. C’est pourquoi la République est un idéal vers lequel on peu tendre, mais ne sera jamais une réalité. La République idéale suppose que les gens soient prêts à payer le prix de la liberté, ce que personne n’est totalement prêt à faire.

      [Deux autres remarques: la première est qu’en cas de relance de l’ascenseur social, les enfants d’immigrés entreront aussi en compétition avec les enfants des couches populaires “de souche”, non?]

      Ils le sont déjà. Mais je prefère qu’ils soient en concurrence pour une place à Polytechnique plutôt que qu’ils soient en concurrence pour une allocation chômage.

      [Ensuite, après lecture de vos arguments, que je trouve au fond sages et recevables, je ne peux m’empêcher de vous dire ceci: dans la mesure où vous voulez imposer l’assimilation, dans un but finalement émancipateur, vous donnez l’impression de vouloir faire le bonheur des immigrés malgré eux. Or prétendre faire le bonheur des gens malgré eux, n’est-ce pas ce que vous reprochez à une certaine bienpensance?]

      Non, parce que je ne cherche pas à imposer l’assimilation « dans un but émancipateur ». Mon « but » lorsque je prône l’assimilation, c’est d’empêcher la fragmentation de la société qui aboutira à une « guerre de tous contre tous ». Dans ma vision, si je suis légitime à imposer l’assimilation ce n’est nullement parce qu’elle est dans l’intérêt des immigrés dont je ferais le bonheur malgré eux, mais parce qu’elle est dans l’intérêt de la société française. C’est le « salus populo suprema lex esto » qui me guide, et non le bonheur ou l’émancipation des immigrés.

      Maintenant, vous me posez une question pratique : qu’est ce que les immigrés ont à gagner dans l’affaire, et qui les pousserait à accepter cette imposition ? Je vous réponds : à mon avis, l’assimilation est effectivement émancipatrice et profitable pour eux. Mais ce n’est pas là mon but, ce n’est pas de cette conviction que je retire ma légitimité. C’est là toute la différence avec les bienpensants qui, eux, affirment que le faire le bonheur des gens – même contre eux – est leur but et leur justification.

    • Antoine dit :

      @Barbey

      > Mon argument revenait à dire que votre liste ne va pas être simple à se constituer. Qui a le droit de décréter qu´un prénom est Français ? Et en vertu de quoi ? A cela, vous ne répondez pas.

      Je ne comprends pas votre argument. Dire « quelque chose n’est pas simple » n’est pas opposable à une décision publique : construire le TGV, c’était simple ? La tâche peut incomber à des hauts fonctionnaires et à des experts de l’histoire et de la démographie françaises. C’est un boulot probablement assez simple en réalité, à condition qu’on les laisse travailler tranquillement…

      Quant à dire « qui a le droit », là aussi, je ne comprends pas votre question. Il s’agit d’établir une liste conventionnelle, pas d’imposer des vérités à la science historique. C’est une décision aussi arbitraire que de décider des détails d’application de tel ou tel dispositif de subventions ou de niche fiscale. L’organisation des détails (l’établissement de la liste) revient à l’exécutif.

      Mais je trouve amusant, et révélateur de la paresse et du défaitisme contemporains, que vous opposiez des questions de difficulté et de droit au simple établissement d’une liste de prénoms… Qu’est-ce que vous auriez dit face au programme du CNR, ou au programme commun de 1981. À force d’avoir la frousse que tout soit impossible, forcément on ne fait plus rien.

    • Barbey dit :

      @ Antoine

      [Mais je trouve amusant, et révélateur de la paresse et du défaitisme contemporains,]

      La paresse, c´est de ne pas essayer de comprendre et de se conforter dans son idéologie.

      Dans les prénoms, il y a de l´affect ; rien à voir avec votre “dispositif de subventions ou de niche fiscal”. Vous pourrez certainement faire une liste légale, mais en quoi sera t elle légitime?

      Vous bottez constamment en touche pour l´établissement de cette liste. Vous ne donnez ni définition d´un prénom français ni comment savoir qu´un prénom est français ; tout juste une piste vaseuse ” à des hauts fonctionnaires et à des experts de l’histoire et de la démographie françaises”. C´est du Schiappa dans le texte!
      Est prénom français les 1000 1eres occurrences, ceux d´avant le regroupement familial, avant la colonisation française, ceux après la révolution ?

      [À force d’avoir la frousse que tout soit impossible, forcément on ne fait plus rien.]

      Pour être possible, cela doit être réalisable.
      Pour faire les choses, il faut comprendre les choses.
      Pour que cela dure, cela doit être légitime.

      Et une dernière remarque pour le ton, être de gauche vous donne certainement le sentiment d´être supérieur intellectuellement et moral mais n´en abusez pas surtout pour ce que vous dites…

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Dans les prénoms, il y a de l´affect ; rien à voir avec votre “dispositif de subventions ou de niche fiscal”. Vous pourrez certainement faire une liste légale, mais en quoi sera-t-elle légitime?]

      Des lors qu’on reconnaît la légitimité aux institutions, la question de la légitimité des lois faits par ces institutions ne se pose même pas. La loi qui vous donne le droit d’appeler votre enfant « Maeva » ou « Mégane » n’est ni plus ni moins « légitime » en soi que celle qui vous le refuserait. La légitimité d’une norme vient de l’autorité qui l’édicte, et non du contenu de la norme en question. Sauf à croire qu’il existe une sorte de « droit naturel » auxquels les lois humaines doivent se conformer pour être « légitimes ».

      [Pour être possible, cela doit être réalisable.]

      Admettons. Mais quel est le critère qui permet de dire que quelque chose est « réalisable » ou pas ?

    • Antoine dit :

      @Barbey

      > Vous bottez constamment en touche pour l´établissement de cette liste. Vous ne donnez ni définition d´un prénom français ni comment savoir qu´un prénom est français ; tout juste une piste vaseuse ” à des hauts fonctionnaires et à des experts de l’histoire et de la démographie françaises”. C´est du Schiappa dans le texte!

      Heu… allo ? Je n’ai jamais prétendu fournir un texte de loi clés en main, et je ne vois pas ce qu’il y a de « vaseux » à recourir à des experts sur un sujet qui mérite formalisation et étude rigoureuse.

      Schiappa est ministre, pas moi : désolé, je ne suis pas un personnage public, payé à temps plein, avec une équipe de conseillers à ma disposition. J’émets une idée en tant que simple citoyen : elle ne vous plaît pas, tant pis, mais il est possible d’être en désaccord tout en restant courtois.

      > Et une dernière remarque pour le ton, être de gauche vous donne certainement le sentiment d´être supérieur intellectuellement et moral mais n´en abusez pas surtout pour ce que vous dites…

      Votre remarque, et l’ensemble de votre message, me font penser à ces gens qui hurlent aux autres en leur reprochant d’être agressifs.

      Cette discussion devient stérile, et les combats de coq ne m’intéressent pas. Bonne continuation à vous.

    • Barbey dit :

      @Descartes

      [Des lors qu’on reconnaît la légitimité aux institutions, la question de la légitimité des lois faits par ces institutions ne se pose même pas. La loi qui vous donne le droit d’appeler votre enfant « Maeva » ou « Mégane » n’est ni plus ni moins « légitime » en soi que celle qui vous le refuserait.]

      Les lois s´auto légitiment donc par les institutions. Et comme vous le dites après, une nouvelle loi émise par ces institutions délégitime toujours la loi en vigueur émise par ces mêmes institutions. A quoi sert donc le mot légitimité?
      Est ce qu´une loi disant que les fils d´ouvriers doivent rester ouvriers serait elle légitime à notre époque?

      Pour qu´une loi soit légitime, elle doit être juste et fondée sur la raison. Comment savoir qu´une loi est légitime ? Elle survit au temps.

      [Admettons. Mais quel est le critère qui permet de dire que quelque chose est « réalisable » ou pas ? ]
      Aucun !
      Le réalisable n´est que l´interprétation du réel pour chacun.
      Je pense que votre idéal que tous les prénoms soient français -si vous en arrivez à en faire une liste- se soldera par un échec,

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Les lois s´auto légitiment donc par les institutions.]

      Non. Elles ne « s’auto légitiment ». Elles sont légitimées par les institutions. Ce sont les institutions – lorsqu’elles sont reconnues légitimes – qui apportent la légitimité aux lois qu’elles font.

      [Et comme vous le dites après, une nouvelle loi émise par ces institutions délégitime toujours la loi en vigueur émise par ces mêmes institutions. A quoi sert donc le mot légitimité?]

      Je ne me souviens pas d’avoir dit pareille chose. Une nouvelle loi peut ABROGER ou REMPLACER une loi antérieure. Elle ne la « délégitime » pas. La constitution de la IVème République n’est pas moins « légitime » que celle de la Vème.

      A quoi sert donc le mot « légitimité » ? A désigner un concept fondamental, qui est le principe qui fait que les lois sont obéies par une société. Pourquoi les citoyens obéissent à la loi ? Pourquoi obéissons nous aux lois votées par le parlement ? Certains vous diront que c’est la peur du gendarme, mais cette explication est de toute évidence incomplète parce qu’elle ne fait que reporter le problème. Car… pourquoi le gendarme lui-même fait respecter la loi ? Si l’obéissance aux décisions du parlement dépendait exclusivement de l’usage de la force publique, pourquoi ceux qui détiennent cette force ne prennent pas le pouvoir en se passant du président et du parlement ? Pourquoi la police, la gendarmerie, les tribunaux s’obstinent à appliquer une loi faite par d’autres au lieu de la faire eux-mêmes ?

      [Est ce qu´une loi disant que les fils d´ouvriers doivent rester ouvriers serait-elle légitime à notre époque? Pour qu´une loi soit légitime, elle doit être juste et fondée sur la raison.

      J’avoue que votre idéalisme me fait sourire. Pour vous, semble-t-il, la légitimité est un concept moral, donc subjectif. En fonction de votre perception de ce qui est « juste » ou « fondé sur la raison », une loi serait ou non légitime. Mais à quoi sert la notion de « légitimité » ainsi définie ? Une loi peut être parfaitement « légitime » au sens que vous le dites (c’est-à-dire juste et fondée sur la raison) et en même temps ne pas être obéie.

      [Comment savoir qu´une loi est légitime ? Elle survit au temps.]

      En d’autres termes, les lois instituant l’esclavage sont probablement le comble de la « légitimité ». Elles datent de plus de six mille ans…

      En fait le test est beaucoup plus simple. Une loi est reconnue comme légitime lorsqu’elle est perçue collectivement comme devant être obéie. Ce qui n’est pas la même chose qu’une obéissance réelle. Beaucoup de gens violent les limitations de vitesse. Mais très peu de personnes considèrent avoir le droit de le faire.

      [Je pense que votre idéal que tous les prénoms soient français (…)]

      D’où sortez-vous que ce soit là mon “idéal” ? Vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre. Moi, j’ai dit exactement le contraire. Pour moi, la multiplication des prénoms étrangers ou de fantaisie n’est pas un problème en soi, c’est un symptôme d’un désordre profond dans la logique de transmission. Traitez la maladie, et le symptôme disparaîtra de lui même.

  13. BJ dit :

    Bonjour Descartes
    Est-il possible de vous demander d’écrire un article sur un sujet hors actualité, histoire de pouvoir le commenter sans faire du hors-sujet ?
    Il s’agit du nucléaire versus réchauffement climatique. J’ai cru comprendre que vous étiez plutôt versé sur le sujet, non ?
    Je suis de ceux qui pensent que les risques dus au réchauffement climatique (risque global) sont infiniment plus graves que ceux dus au nucléaire (risque local). Mais peut-être me me trompé-je …

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Est-il possible de vous demander d’écrire un article sur un sujet hors actualité, histoire de pouvoir le commenter sans faire du hors-sujet ?]

      J’écris les articles comme ils me viennent… et même lorsque je traite un sujet “hors actualité”, ma réflexion est en général stimulée par quelque chose que je lis ou que j’observe. Mais je n’ai jamais réprimé sur ce blog les “hors-sujet”. D’ailleurs, les échanges les plus intéressants ont surgi souvent d’un “hors-sujet”, alors ne vous censurez pas.

      [Il s’agit du nucléaire versus réchauffement climatique. J’ai cru comprendre que vous étiez plutôt versé sur le sujet, non ?]

      Je ne suis pas vraiment versé sur le sujet climatique. Je connais par contre bien le nucléaire, et je sais que c’est aujourd’hui avec l’hydraulique la seule source d’énergie à la fois “dispatchable” – c’est à dire, disponible lorsqu’on en a besoin indépendamment de l’heure du jour et de la météo – et non émettrice de gaz à effet de serre. A partir de là, pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre que le nucléaire est l’allié de tous ceux qui veulent VRAIMENT combattre le réchauffement climatique. Et devrait nous interroger sur le discours de ceux qui proclament que la lutte contre le changement climatique est la priorité des priorités, mais qui passent ensuite le plus clair de leur temps à exiger la sortie du nucléaire.

      [Je suis de ceux qui pensent que les risques dus au réchauffement climatique (risque global) sont infiniment plus graves que ceux dus au nucléaire (risque local). Mais peut-être me me trompé-je…]

      Oui. Et il faut aussi relativiser le risque nucléaire sur l’échelle des risques industriels et sanitaires. Le discours terroriste du “risque à nul autre pareil” est en fait une escroquerie. Les déchets nucléaires sont dangereux pour longtemps, mais pas plus dangereux que les déchets chimiques, mercureux ou arsénieux, qu’on enfouit tous les jours et qui, eux, sont éternels. L’accident nucléaire ferait des morts, mais beaucoup moins qu’un accident chimique à grande échelle – pensez à Bhopal ou Seveso.

  14. Vincent dit :

    Comme souvent, vous aviez bien vu venir, avec un peu d’avance.

    Voici ce que vous écriviez dans votre billet de Juillet :
    > Dans « l’ancien monde », celui des partis politiques organisés, la politique était une question
    > collective. On allait au pouvoir derrière un leader, bien sur. Mais on y allait aussi derrière une
    > idéologie, une conception du monde, un projet politique. Et la continuité de ce projet passait
    > devant les hommes. C’est pourquoi les acteurs – hommes politiques et hauts fonctionnaires
    > engagés – trouvaient normal de se sacrifier pour protéger le projet.

    Je la rapproche d’un off récent du ministre de l’intérieur :

    «Ça n’est pas parce que je reçois le futur empereur du Japon que j’ai une vocation de kamikaze. Le sabre dans le ventre, très peu pour moi»

    De manière imagée, il confirme très exactement ce que vous écriviez : il est hors de question que je me sacrifie pour Macron ; et, sous-entendu : je me suis mis avec lui parceque je pensais qu’il allait réussir ; si je pense qu’il va finir par se planter, je n’ai aucune envie de rester et de prendre le risque de me planter avant tout.

    Ce qui peut se résumer aussi par : “ma carrière avant tout :”

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [De manière imagée, il confirme très exactement ce que vous écriviez : il est hors de question que je me sacrifie pour Macron ; et, sous-entendu : je me suis mis avec lui parceque je pensais qu’il allait réussir ; si je pense qu’il va finir par se planter, je n’ai aucune envie de rester et de prendre le risque de me planter avant tout.]

      Je n’ai que peu de mérite à l’avoir prévu. Pour quiconque observe le fonctionnement de la caste politico-médiatique, l’évolution d’une logique d’attachement aux idées et aux institutions à une logique purement individualiste est assez évidente. Le mot « fidélité » – à des idées, à des hommes, à des institutions – a de moins en moins de signification. Il y a quelques années un De Rugy – un homme qui a trahi son parti en se présentant à la primaire PS, puis à trahi ses engagements dans cette primaire en appelant à voter Macron – aurait été considéré par ses pairs comme un traître, une girouette, un homme sans principes. Aujourd’hui, il est donné par beaucoup comme l’exemple de la suprême habileté, l’exemple à suivre pour les jeunes loups qui se lancent en politique.

      [Ce qui peut se résumer aussi par : “ma carrière avant tout :”]

      Des carriéristes, il y en a toujours eu – pensez à Mitterrand. La différence n’est pas tant dans la tendance, somme toute naturelle, au carriérisme des hommes politiques, mais dans l’affaiblissement des mécanismes qui permettaient de mettre des limites à ce carriérisme. L’existence d’un long et difficile « cursus honorum » dans une institution avant d’accéder aux plus hautes fonctions était l’un d’entre eux. L’exigence de l’électeur en était un autre. Le fait qu’un homme sans expérience politique puisse être élu président de la République montre combien ces garde-fous se sont délités avec le temps. Comment exiger de Macron une fidélité à un parti politique et à ses idées, lui qui n’a jamais eu une carte de militant ?

  15. @Descartes
    “Je ne suis pas vraiment versé sur le sujet climatique.”

    Et moi donc. Malheureusement, il y a des gens qui dans l’ensemble ne sont pas spécialistes non plus de la question, et qui en tirent pourtant tous les jours des conclusions politiques décidées à la télé ou la radio. Je me suis donc livré à une petite synthèse de points de vue scientifiques “sceptiques”, afin d’inciter les esprits à ne pas se laisser terroriser trop facilement: http://oratio-obscura.blogspot.com/2018/09/sur-un-pretendu-consensus-dans-les.html

  16. JMP dit :

    bonjour
    excusez moi pour le hors sujet ; mais vous avez manifestement des compétences dans le domaine, donc j’aimerai bien avoir votre avis sur ceci:
    https://progresnucleaire.files.wordpress.com/2018/09/lettre-ouverte-pn-pour-signatures-27-09-2018-v3.pdf

    • Descartes dit :

      @ JMP

      [bonjour, excusez moi pour le hors sujet ; mais vous avez manifestement des compétences dans le domaine, donc j’aimerai bien avoir votre avis sur ceci: (…)]

      Les réacteurs à sels fondus – c’est l’objet de votre question – constituent une famille que les experts regardent avec attention depuis les années 1950. Dans un réacteur, vous avez trois fonctions. Vous avez du combustible nucléaire, c’est-à-dire, des noyaux fissiles qui peuvent donner lieu à une réaction en chaîne. Vous avez un « modérateur », un matériau capable de ralentir les neutrons pour les ajuster à la « bonne vitesse » pour que la réaction en chaîne ait lieu de façon optimale. Et finalement, vous avez un « caloporteur », c’est-à-dire un liquide ou un gaz dont la circulation permet d’enlever la chaleur produite par la réaction et la transformer en vapeur pour faire tourner une turbine.

      Dans les réacteurs a eu pressurisée, le combustible est solide et est refroidi par de l’eau qui joue à la fois le rôle de caloporteur et celui de modérateur. Dans les réacteurs graphite-gaz, le combustible est solide, le graphite joue le rôle de modérateur, et un gaz emporte la chaleur produite. Dans les réacteurs à sels fondus, le combustible est liquide, et ce liquide joue à la fois le rôle de caloporteur et de combustible, le modérateur étant solide.

      Le problème est que les matières fissiles – uranium, plutonium – ont des points de fusion très élevés. Pour les avoir en phase liquide, il faut donc trouver un solvant. Or, les composés des matières fissiles sont peu solubles dans l’eau. Ils sont par contre solubles dans certains sels métalliques (fluorures et chlorures de lithium ou de béryllium) fondus. Ces sels ont en plus le bon goût d’être relativement transparentes aux neutrons, et de ne pas s’activer sous rayonnement. Le problème est qu’elles ont des points de fusion plus raisonnables (entre 500 et 700 °C).

      Le réacteur à sels fondus a beaucoup d’avantages, notamment du point de vue de la sûreté intrinsèque, notamment parce que le combustible et le caloporteur ne font plus qu’un, ce qui élimine la problématique du transfert de chaleur entre l’un et l’autre. Le problème, c’est qu’il faut gérer un important volume de sel fondu chaud, avec tous les problèmes de corrosion et de dépôt que vous pouvez imaginer. C’est cette problématique qui explique pourquoi les réacteurs à sels fondus restent des objets de laboratoire, et n’ont fait pour le moment l’objet d’aucun développement industriel.

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