Alors que tous nos doctes déblatèrent quotidiennement sur la légitimité de l’usage de la violence par les Gilets Jaunes, un évènement violent est passé presque inaperçu. Il n’est pas inutile de rappeler ici les faits, parce qu’ils nous disent beaucoup sur l’état de déliquescence de nos élites intellectuelles.
Philippe Brunet est professeur de grec ancien. Normalien, auteur d’une thèse sur « Le vers dactylique lyrique dans la tragédie grecque », il a enseigné à Tours et à Rouen. Passionné de théâtre antique, il a derrière lui une longue carrière dans la mise en scène des pièces du répertoire de la Grèce classique dans la langue originale. Il dirige depuis 2006 un festival de théâtre antique (« Les Dionysies ») qui recherche à reconstruire la manière de jouer antique, avec la complicité des professeurs et des étudiants de la Sorbonne qui participent au spectacle. Autant dire qu’il s’agit d’un travail patient, constant et érudit qui mérite le respect.
Le 25 mars dernier était programmée, dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne et dans le cadre des « Dionysies », la pièce « Les Suppliantes » d’Eschyle. Mais le spectacle n’a pas eu lieu. Pourquoi ? Parce qu’une cinquantaine de militants du « Conseil représentatif des organisations noires » (CRAN pour les intimes), de la « Ligue de défense noire africaine » (LDNA) et de la « Brigade anti-negrophobie » ont empêché par la force l’accès à la salle de la troupe – qui fut même brièvement séquestrée – et des spectateurs. La raison de cette violence ? Conformément à la tradition grecque, Philippe Brunet souhaitait que ses acteurs portent des masques. Des masques clairs pour les Argiens natifs de Grèce, des masques cuivrés et sombres pour les Danaïdes venues d’Egypte. Et cela en suivant strictement le texte grec qui indique que les Danaïdes ont un visage obscur « bruni par le soleil ». C’en était trop pour les militants du CRAN & Associés qui, toujours à la recherche d’une opportunité pour se déclarer offensés, y ont vu une manifestation du « blackface » (1) honni.
On peut s’étonner que certains s’imaginent que les rôles dans une pièce – rappelons, pour ceux qui l’auraient oublié qu’une pièce de théâtre est une FICTION – doivent être tenus par des acteurs dont le sexe/ethnie/religion correspondent à celui de leur personnage. Pourquoi un catholique ne pourrait-il pas jouer Shylock ? Un noir jouer Alceste ? Doit-on forcer les théâtres d’Afrique à importer des acteurs blancs pour jouer le répertoire français classique au prétexte que les personnages sont blancs ? Personnellement, je trouve tout cela absurde. L’acteur ne se confond pas avec son rôle. Il joue un personnage, et sa qualité se mesure justement à sa capacité à rendre vraisemblable un personnage qui n’existe pas. C’est pourquoi historiquement les plus grands acteurs se sont mis dans la peau de personnages avec lesquels ils n’avaient rien en commun : ainsi Laurence Olivier était extraordinaire en Shylock sans être juif et en Othello sans être noir. Et des acteurs noirs ou asiatiques jouent quotidiennement Shakespeare ou Molière sans que ces auteurs éprouvent le moindre dommage, du moins de ce fait. La prétention de réserver aux juifs l’exclusivité à l’heure de jouer des juifs, aux noirs celle de jouer des noirs, aux trisomiques celle de jouer des trisomiques et aux femmes noires lesbiennes enceintes et syndicalistes celle de jouer les personnages de femme noire lesbienne enceinte et syndicaliste est non seulement la négation même du métier d’acteur, mais l’abolition de l’universel humain qui proclame que chacun de nous est capable de comprendre les désirs, les souffrances, les peines et les joies d’un autre être humain, quand bien même il ne nous ressemblerait pas.
Cela étant dit, chacun a le droit de penser ce qu’il veut et si des militants veulent croire qu’en jouant grimé ou masqué pour devenir ce qu’il n’est pas un acteur offense les dieux et la nature, c’est leur problème. Cela devient le nôtre quand ces militants s’arrogent le droit d’empêcher les autres de jouer ou d’assister à un spectacle parce que les choix esthétiques ou politiques du metteur en scène ne leur conviennent pas. Et cela devient tout simplement terrifiant lorsque les élites intellectuelles, par conviction ou par lâcheté, excusent ou soutiennent la censure ou gardent tout simplement le silence. Et ne parlons même pas des institutions qui, comme l’université de Paris-Sorbonne laissent faire, se dédouanant par un simple communiqué indigné. Pas d’appel à la police, pas de dépôt de plainte. Les universitaires n’ont toujours pas admis que la police et la justice sont là pour protéger les libertés, y compris celle de jouer une pièce de théâtre. Triste société où l’on appelle la police quand un magasin est saccagé, et on se contente d’un communiqué quand on saccage le travail d’un professeur et de sa troupe.
C’est que dans ce genre d’affaire, tout le monde marche sur des œufs. Surtout à gauche, ou un faux pas peut vous valoir une accusation de « racisme » ou de « quelque-chose-phobie » infamante et – c’est beaucoup plus grave – électoralement ou professionnellement dangereuse. C’est pourquoi ce genre d’affaire est accueillie dans un silence gêné ou par des interventions qui sous le manteau de la neutralité renvoient dos à dos les organisateurs du spectacle et ceux qui l’ont empêché. Je pense en particulier à l’article de George Sideris publié par Libération le 2 avril. Un article qui devrait faire honte à son auteur et à ceux qui l’ont publié : comment un historien peut écrire à propos d’une pièce écrite plusieurs siècles avant notre ère si « son dénouement est-il crédible voire souhaitable après Auschwitz et la Shoah ». Il était bête, Eschyle, il ne savait même pas que deux mille cinq cents ans plus tard on allait massacrer les juifs en Pologne… l’aurait-il su, il aurait certainement changé le dénouement des « Suppliantes » pour le rendre plus « souhaitable » selon les critères de Libération. On aurait d’ailleurs envie de demander à Sideris ce qu’est pour lui un « dénouement souhaitable » pour une pièce de théâtre. Propose-t-il une sorte de Code Hays, ce texte qui forçait les cinéastes hollywoodiens à modifier la fin de leurs films au nom de la protection de la morale et du « american way of life » ?
Quant aux élites politiques, si promptes à se draper dans les droits de l’homme, c’est le silence absolu. Qu’attendent nos bonnes consciences « de gauche » pour appeler à une manifestation pour la liberté d’expression ? C’est triste à dire, mais les seuls qui ont exprimé une position critique sans ambiguïté de cette violence inacceptable sont… les médias classés « à droite ». Si l’on m’avait dit il y a trente ans que je verrai la gauche approuver la censure et la droite la rejeter (3)…
Oui, Shakespeare était probablement antisémite et Eschyle sans doute raciste et sexiste. Cela n’implique nullement un jugement moral à leur propos : l’un et l’autre partageaient peu ou prou les préjugés de leur époque, de la même manière que nous partageons, que nous le voulions ou pas, les préjugés de la nôtre – ce que nos descendants nous reprocherons probablement dans quelques siècles. Est-ce à dire qu’il ne faut plus jouer Shakespeare ou Eschyle ? Qu’il faut les « adapter », changer le dénouement et les personnages pour éviter d’offenser tel ou tel groupe ? C’est la tentation d’une société infantilisée qui n’arrive pas à assumer les ambiguïtés de son histoire, avec ses pages brillantes et sa part d’ombre. Comme les enfants, elle a besoin de princes charmants et de méchantes sorcières, de figures idéalisées pour incarner le « bien » et le « mal ». Alors on réécrit l’histoire et les récits originaux, quitte à les falsifier : Carmen tue Don José et Desdémone fait un procès à Othello pour violence domestique. La morale est sauve, même si la culture y perd.
Cette affaire montre une incapacité à contextualiser, qui tient aussi de l’ignorance de l’histoire elle-même. Il n’existe pas d’auteur « universel » au sens qu’ils peuvent être compris en dehors de leur temps. « Le marchand de Venise » parait antisémite aujourd’hui, parce que le personnage de Shylock apparaît comme rapace et vindicatif, mais pensez-le dans son époque, dans une société ou les juifs étaient méprisés, discriminés et spoliés, et l’on comprend mieux son désir de revanche. On se souvient de la célèbre tirade :
« Un Juif n’a-t-il pas des yeux ? Un Juif n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé
aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »
Dans notre société égalitaire, ce plaidoyer relève presque de l’évidence. Au XVIIème siècle, il était révolutionnaire. Et ce plaidoyer coexiste pourtant avec un texte qui reprend une bonne partie des préjugés antisémites ou sexistes de son époque. Faut-il pour autant défenestrer à titre posthume Shakespeare, ou changer le magnifique texte du « Marchand » pour l’accommoder au politiquement correct ? Remarquez, c’est un peu ce qu’on fait : la vengeance étant dans notre société une faute morale, on omet souvent la dernière interrogation de la tirade, transformant ainsi ce qui est en fait une revendication de l’égalité devant la vengeance en un plaidoyer abstrait pour l’égalité…
En fait, l’action du CRAN, de la LDNA ou des « Brigades anti-négrophobie » relève du terrorisme (2). Si les politiques de gauche se taisent, si les professeurs les excusent, si le rectorat s’abstient d’appeler la police pour faire cesser le désordre, c’est parce qu’ils ont peur. Peur d’abord des représailles : Quel professeur a envie d’avoir cinquante militants perturbant son cours, sachant par ailleurs que l’institution ne le défendra pas ? Quel politicien de gauche tient à voir ces militants perturber ses meetings ou affronter les accusations de racisme dans les médias ? C’est cette terreur qui permet à des groupuscules comme le CRAN – mais il n’est pas le seul, dans le milieu foisonnant des sectes d’offensés divers – d’exercer une forme de tyrannie sur des individus et des institutions trop lâches pour réagir.
Mais il y a une peur différente, peut-être plus lourde que la menace physique. C’est celle de devoir admettre qu’on se sont trompés. Qu’en soutenant l’antiracisme victimaire, si sympatique du temps de SOS-Racisme et sa petite main « touche pas à mon pote » on a fait le lit de ceux qui gagnent leur vie en attisant les feux de la recherche obsessionnelle d’opportunités d’être « offensé ». Appeler la police pour faire dégager les militants « antiracistes » et permettre la tenue du spectacle, c’est admettre que la raison se trouve du côté des institutions, et non des « antiracistes » qu’on porte par ailleurs aux nues. Pour nos chers intellectuels, qui depuis 1968 se pensent contre des institutions – forcément répressives – et du côté des faibles et des opprimés, c’est une révision majeure que d’admettre que ces « faibles et opprimés » menacent leur travail.
Nous sommes – par naissance ou par adoption – les héritiers d’une histoire qui a ses pages magnifiques et ses parts d’ombre, et ces deux aspects sont intimement liés. Nous ne pouvons pas avoir une sans l’autre. Nous avons le choix d’assumer ce passé en entier, ou de le rejeter. Et comme notre société infantile ne tolère pas la moindre frustration, nous choisissons le second terme. Comme aucun de nos grands hommes n’est un saint – et ne peut l’être – nous concluons un peu vite qu’ils sont tous des salauds. Comme aucune de nos institutions n’a un pedigree irréprochable, nous déclarons qu’elles sont toutes criminelles. Le problème est qu’une fois que nous avons admis cela, nous sommes culturellement nus. Comment persuader les jeunes générations – surtout lorsqu’elles viennent de cultures différentes – de l’intérêt d’étudier Eschyle le raciste, Shakespeare l’antisémite, Molière le sexiste, Einstein qui a abandonné son fils handicapé si avant de les lire ou de les jouer nous exigeons d’eux qu’ils présentent un casier moral vierge, qui plus est selon les standards de notre époque ? Si nous n’arrivons pas à prendre de la distance, à comprendre que ces individus restent exemplaires parce qu’ils étaient en avance sur leur époque, et que nous avons intérêt à les étudier parce que leurs travaux ont construit notre civilisation, nous nous automutilons. Est-ce raisonnable de penser qu’une société qui ne lirait pas le raciste Eschyle ou l’antisémite Shakespeare serait plus égalitaire, moins « raciste » qu’une société où ils sont lus et joués ? Je ne le crois pas. Au contraire.
Quant à notre « gauche », ou ce qu’il en reste, elle ferait bien de revenir à ses valeurs fondatrices, celles du rationalisme, du libre débat et du libre examen, au lieu de céder par opportunisme ou par lâcheté aux sirènes de l’obscurantisme victimiste déguisé en « antiracisme » et porté par des petits caporaux qui prétendent nous imposer par la force ce qu’on peut penser, ce qu’on peut dire, ce qu’on peut jouer. Nous avons besoin de plus de gens comme Philippe Brunet, qui font un travail patient, constant, sérieux pour mieux mettre en valeur notre patrimoine commun, et de moins de militants dont le seul but est de trouver une opportunité pour se déclarer « offensés » et empêcher les autres de faire, d’exprimer, de créer. Et nous avons surtout besoin d’institutions qui aient le courage de protéger les premiers contre les agissements des seconds.
Descartes
(1) Pour ceux qui ne connaissent pas le terme, il s’agit d’une pratique théâtrale américaine dans laquelle le rôle caricatural d’un noir était joué par un acteur blanc grimé. Les militants soi-disant « antiracistes » confondent souvent cette pratique avec le fait de grimer un acteur blanc pour jouer un personnage noir mais sans intention caricaturale, comme c’était le cas dans le théâtre élisabéthain – pensez au personnage d’Othello dans « Le maure de Venise ».
(2) Accessoirement, il n’est pas inutile de rappeler au CRAN et ses amis que le racisme n’est pas en lui-même une tare morale, mais un préjugé fort répandu y compris parmi les noirs. Alors que nous commémorons le génocide au Rwanda – qui a vu hier des noirs d’une ethnie massacrer des noirs d’une autre ethnie – et que nous voyons nos chers intellectuels se répandre sur la « responsabilité de l’homme blanc », et tout particulièrement français, dans cette affaire, cette vérité me semble bonne à dire. Car contrairement à ce que s’imaginent les communautaristes du CRAN ou de la LDNA, les « noirs » ne constituent pas, loin de là, un groupe homogène…
(3) Remarquez, on ne devrait pas être surpris. Ces dernières années ont donné un grand nombre d’exemples où des organisations et/ou des personnalités classées « à gauche » ont prétendu imposer par la force la censure d’un spectacle au prétexte qu’il offensait leur sensibilité. On se souvient de la campagne contre le chanteur Orelsan que j’avais commenté sur ce blog (http://descartes-blog.fr/2009/03/29/interdire-othello/ et http://descartes-blog.fr/2009/07/14/segolene-royal-le-feminisme-et-la-censure-tranquile/)
je suis très indécis sur le politiquement correct, la censure et la politique éducative et j’aimerai que vous m’éclairiez.
En effet toute société, aujourd’hui comme hier, a ses règles majoritaires, ses points de vue majoritaires et tente de les imposer via tous les moyens à sa disposition, dont fait partie le politiquement correct. C’est ainsi que l’on entend nos gouvernements de droite et de gauche déclarer vouloir, non pas essayer de convaincre, mais décider de faire de la “pédagogie” (c’est à dire enseigner comme à des enfants).
Ces politiques sont quand même efficaces: on voit beaucoup moins de papiers gras joncher nos routes et chemins. Les actes antisémitisme, le racisme ont beaucoup reculé (en moyenne, hors populations musulmanes immigrées). L’égalité homme-femme a beaucoup progressé …
Dans cette logique censurer, expurger dans les oeuvres présentées au public de tout ce qui est contraire à la morale d’aujourd’hui est sans doute efficace. Certes une pièce de théatre à la Sorbonne ne risque guère d’influencer en mal le grand public. Mais il faut le voir comme un avertissement à tous de faire très attention à ce qu’ils disent en public.
On ne gardera la possibilité de débattre que dans des enceintes privées, closes (j’espère que ce blog ne sera pas “criminalisé”, mais mon pronostic est qu’il le sera un jour au nom du politiquement correct)
Certes cela implique une vision très triste de la société, incapable de comprendre, de contextualiser, d’agir bien de son propre mouvement. Mais hélas l’histoire a abondamment prouvé que c’est le cas.
En résumé n’est-il pas souhaitable d’avoir une société “totalitaire” du “bien” ? Orwell a déjà écrit sur le sujet.
@ marc.malesherbes
[je suis très indécis sur le politiquement correct, la censure et la politique éducative et j’aimerai que vous m’éclairiez.]
Vous me faites bien trop d’honneur… mais je vais essayer quand même :
[En effet toute société, aujourd’hui comme hier, a ses règles majoritaires, ses points de vue majoritaires et tente de les imposer via tous les moyens à sa disposition, dont fait partie le politiquement correct.]
Vous généralisez un peu vite. D’abord, il faut faire une distinction entre « règles » et « points de vue ». Ce que nous ont apporté les Lumières, c’est précisément cette distinction : le citoyen est tenu à obéir aux lois, il n’est pas tenu d’être d’accord avec elles. Et qui plus est, il y a une séparation des ordres, entre la sphère publique, domaine ou la société est légitime pour imposer des règles, et la sphère privée, ou chaque individu est souverain.
Ensuite, toutes les sociétés ne cherchent pas à « imposer par tous les moyens à sa disposition » son point de vue. On ne tue pas ceux qui s’écartent du « politiquement correct », du moins pas encore.
[Ces politiques sont quand même efficaces: on voit beaucoup moins de papiers gras joncher nos routes et chemins. Les actes antisémitisme, le racisme ont beaucoup reculé (en moyenne, hors populations musulmanes immigrées). L’égalité homme-femme a beaucoup progressé…]
Vous allez un peu vite en besogne : pour montrer que « ces politiques sont efficaces », il faudrait pouvoir établir un rapport de causalité entre les politiques en question et les observations que vous faites. Pour certaines, le rapport semble d’ailleurs inverse : les actes antisémites étaient pratiquement inconnus après la Libération et jusqu’aux années 1960, et on peut dire que les politiques de lutte contre l’antisémitisme sont la conséquence de l’augmentation des actes antisémites, et non la cause de leur diminution. Les principales avancées en ce qui concerne l’égalité hommes/femmes datent de bien avant que les « politiques de genre » soient mises en œuvre. Ainsi, l’entrée massive des femmes dans le marché du travail date de la première guerre mondiale, le vote des femmes de 1945, la liberté de la contraception de 1967, l’avortement de 1976.
[Dans cette logique censurer, expurger dans les œuvres présentées au public de tout ce qui est contraire à la morale d’aujourd’hui est sans doute efficace.]
Le lavage de cerveau est en effet efficace, mais son efficacité a des limites. Cela fait trente ans que l’expression antisémite et négationniste est réprimée, et il ne semble pas que cela ait empêché un regain d’antisémitisme ces dernières années.
[Certes une pièce de théâtre à la Sorbonne ne risque guère d’influencer en mal le grand public. Mais il faut le voir comme un avertissement à tous de faire très attention à ce qu’ils disent en public.]
Je pense qu’il faudrait brûler Brunet sur le bûcher en place de grève, comme on faisait dans l’ancien temps. L’avertissement ne serait que plus explicite… Franchement, en lisant votre message j’ai du mal à imaginer que vous pensiez vraiment ce que j’y lis. Vous pensez vraiment que le lavage de cerveau soit une bonne idée au prétexte qu’il est « efficace » pour empêcher les gens de jeter des papiers gras ?
[On ne gardera la possibilité de débattre que dans des enceintes privées, closes (j’espère que ce blog ne sera pas “criminalisé”, mais mon pronostic est qu’il le sera un jour au nom du politiquement correct)]
Un peu comme en URSS, en somme ? Il faudra tout de même veiller qu’aucun « dragon de vertu » ne s’infiltre dans ces « enceintes »…
[Certes cela implique une vision très triste de la société, incapable de comprendre, de contextualiser, d’agir bien de son propre mouvement. Mais hélas l’histoire a abondamment prouvé que c’est le cas.]
Personnellement, je ne m’y résignerai jamais.
[En résumé n’est-il pas souhaitable d’avoir une société “totalitaire” du “bien” ? Orwell a déjà écrit sur le sujet.]
Oui. Je pense qu’il concluait que ce n’est pas souhaitable. Et je partage son diagnostic.
> > Dans cette logique censurer, expurger dans les œuvres présentées
> > au public de tout ce qui est contraire à la morale d’aujourd’hui est
> > sans doute efficace.
> Le lavage de cerveau est en effet efficace, mais son efficacité a des
> limites. Cela fait trente ans que l’expression antisémite et négationniste
> est réprimée, et il ne semble pas que cela ait empêché un regain
> d’antisémitisme ces dernières années.
Je pense que ce point est le bon point à opposer : la répression dans le domaine des idées est inefficace !
Vous prenez l’excellent exemple de l’antisémitisme et du négationnisme. Ce dernier n’existait quasiment pas il y a quelques décennies, et le principal argument de ses promoteurs est : “s’il est interdit de tenir des propos négationnistes, c’est parce que le pouvoir a peur d’une vérité qui dérange”.
Si on dépénalisait ces propos, ne leur retirerait on pas leur principal argument ?
La répression de la diffusion de propos, non seulement, n’est pas efficace, mais elle peut avoir des effets contre-productifs (effet Streisand).
Même à l’époque où internet n’existait pas, dans des pays comme l’URSS, les informations qui devaient rester cachées finissaient par passer. Imaginer mettre un contrôle complet de l’information aujourd’hui me semble tout à fait illusoire.
D’ailleurs, c’est, je pense, une grosse inquiétude des gouvernements actuels : tant qu’une immense majorité de français ne s’informait que par la télévision, il suffisait de faire ami ami avec les journalistes des télés pour garantir un contrôle de l’opinion, sans qu’il soit nécessaire de mettre en place la moindre répression.
Maintenant qu’internet et des médias étrangers en langue française commencent à faire de la concurrence, on sent une inquiétude pointer, avec des volontés (je pense vouées à l’échec) d’un contrôle de l’information.
@ Vincent
[Je pense que ce point est le bon point à opposer : la répression dans le domaine des idées est inefficace !]
Je n’irais pas jusque-là. Tout est une question de contexte et surtout des possibilités répressives.
[Vous prenez l’excellent exemple de l’antisémitisme et du négationnisme. Ce dernier n’existait quasiment pas il y a quelques décennies, et le principal argument de ses promoteurs est : “s’il est interdit de tenir des propos négationnistes, c’est parce que le pouvoir a peur d’une vérité qui dérange”. Si on dépénalisait ces propos, ne leur retirerait on pas leur principal argument ?]
Là encore ce n’est pas aussi simple. L’expression publique de l’antisémitisme avait disparu avec la fin de la guerre. Elle réapparait vers la fin des années 1960, associé au conflit israélo-arabe et favorisé par l’oubli progressif des années 1940 et de la contestation du récit de la « France résistante ». C’était donc bien avant la promulgation de la loi Gayssot. Ensuite, il ne faut pas confondre antisémitisme et négationnisme. Le négationnisme a un objectif politique : remettre en selle une partie de la droite catholique et réactionnaire française, pour qui le fait d’avoir contribué à la Shoah reste problématique. C’est pourquoi la loi Gayssot n’est pas vraiment une « loi mémorielle » – d’ailleurs elle ne prend pas position sur la réalité ou non de la Shoah – mais une loi d’ordre public, destinée à éviter la propagation d’un discours exculpatoire.
[Même à l’époque où internet n’existait pas, dans des pays comme l’URSS, les informations qui devaient rester cachées finissaient par passer. Imaginer mettre un contrôle complet de l’information aujourd’hui me semble tout à fait illusoire.]
Complet non, mais le contrôle des moyens de communication se révèle fort utile lorsqu’il s’agit d’influencer l’opinion. Cela ne marche pas à tous les coups, mais tout de même…
@ Vincent
[Imaginer mettre un contrôle complet de l’information aujourd’hui me semble tout à fait illusoire.]
“Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes.”
Sur le sujet, et si vous ne l’avez pas déjà lu, vous devriez lire 1984 d’Orwell.
Et vous verrez qu’on n’en est pas si loin…
Je me permets une réponse… Mais ces combats et ces façons de faire occultes toujours les rapports de classes qui existent dans la société. On vise l’égalité devant la méritocratie en lieu et place de l’égalité.
C’est pour ça que ces combats sont, malgré le crédo de l’intersectionalisme, “bourgeois” (même s’ils disent l’opposé). Et que c’est véhiculer par cette classe sociale.
Et donc cela contribue a l’effacement des classes laborieuses, qui se retrouve prise dans un savant jeu du capitalisme de mise en concurrence des personnes, certaines ayant des “passes droits” devant la méritocratie, car issues de contexte particulier (origine géographique, couleur de peau, genre, réfugiés/migrants, transsexualité… ). C’est vécu comme une rupture dans l’égalité, et des courants politiques n’ont plus qu’a se servir (Trump aux USA, Le Pen chez nous) pour la “rétablir”. La bourgeoisie elle dort tranquille.
@ Yoann
[Mais ces combats et ces façons de faire occultes toujours les rapports de classes qui existent dans la société. On vise l’égalité devant la méritocratie en lieu et place de l’égalité.]
Excusez-moi, mais j’ai du mal à comprendre. C’est quoi « l’égalité devant la méritocratie » ? La méritocratie est un système ou l’accès à certaines fonctions, places ou niveaux de rémunération se fait sur le critère du mérite – mérite qui d’ailleurs est défini différemment selon les fonctions en question, car on ne juge pas le mérite de la même façon pour nommer un chef de service de chirurgie ou un commissaire de police. La méritocratie suppose donc une double « inégalité » : une hiérarchie des places et des postes, avec certains plus élevés que d’autres ; et une hiérarchie dans le « mérite », avec des gens plus méritants que d’autres.
Le but de la méritocratie n’est pas l’égalité, mais faire en sorte que chaque fonction soit occupée par celui qui est le plus capable de la remplir. Exiger d’un pompier qu’il ait l’usage de ses deux jambes revient à instaurer une « inégalité » entre les biens portants et les culs-de-jatte. Mais pensez-vous que la société se porterait mieux si les culs-de-jatte pouvaient devenir pompiers ? C’est pourquoi je ne comprends pas l’idée qu’il faudrait viser « l’égalité ». Pensez-vous qu’un médecin et un boulanger devraient avoir les mêmes chances de devenir chefs d’un service hospitalier ? Que devient « l’égalité » dans ce cas ?
On peut parler d’égalité d’opportunités, d’égalité de droits. Mais cela veut dire quoi « l’égalité » tout court ?
[Et donc cela contribue à l’effacement des classes laborieuses, qui se retrouve prise dans un savant jeu du capitalisme de mise en concurrence des personnes, certaines ayant des “passes droits” devant la méritocratie, car issues de contexte particulier (origine géographique, couleur de peau, genre, réfugiés/migrants, transsexualité… ).]
J’ai du mal quels sont les « passe droit » que l’origine géographique, la couleur de peau, le genre, le fait d’être réfugié ou migrant ou la transsexualité procurent à l’heure de passer un examen de mathématiques. Et lorsque je recrute un ingénieur, je préfère qu’il soit bon en mathématiques quelle que soit sa couleur de peau ou son « genre ».
@Descartes
C’était malhabile de ma part de formuler comme tel mon argument, il était un peu confus.
La méritocratie c’est une bonne chose en effet : je préfère un médecin compétent durement sélectionné que le premier venu.
Le problème c’est que l’idée de méritocratie permet a une caste (appelons la bourgeoisie) de se reproduire, d’amasser du capital sans limite, tout en justifiant qu’elle le mérite (par son effort). Comme si le chef d’entreprise ou le cadre produisait un effort plus important que l’ouvrier de l’usine, et donc qu’il mérite un revenu plus important.
Et en bonus elle masque cette notion que j’ai découvert, moi fils de prolo, en rentrant en école d’ingénieur : les compétences ne sont RIEN face au réseau. Je t’invite si ce n’est pas déjà fait a lire le Crépuscule de la République de Juan Branco, qui s’est amusé a dénouer tout ces liens ténus et subtiles du réseau de Macron.
C’est la que Bourdieu est fort : il montre que dans les études sont valorisées des compétences et des savoirs qui n’ont aucun rapport avec les compétences, dans le but de favoriser les enfants d’une certaine classe sociale artificiellement.
L’idée de méritocratie permet donc de justifier une répartition inégalitaire de la plus-value, ainsi que de masquer la nature de la répartition des postes importants. Donc le problème, et j’aurais du le formuler comme tel, c’est que ceux qui défendent son existence
Aujourd’hui au lieu de s’attaquer a cette répartition (des postes comme du capital monétaire) la “gauche” libérale – mais aussi la droite – ont choisie le postulat que la méritocratie fonctionne mais qu’il y a juste quelque barrière a enlever pour favoriser <>. Quitte a artificiellement favoriser l’accession de certaines personnes, sans jamais remettre en cause le mode de production.
Pour étayer ce que j’essaie de dire je te renvoie a l’article <> paru sur le Monde Diplomatique en aout dernier, article de Arlie Hochschild.
@ Yoann
[C’était malhabile de ma part de formuler comme tel mon argument, il était un peu confus.
La méritocratie c’est une bonne chose en effet : je préfère un médecin compétent durement sélectionné que le premier venu.]
Nous sommes donc d’accord.
[Le problème c’est que l’idée de méritocratie permet a une caste (appelons la bourgeoisie) de se reproduire, d’amasser du capital sans limite, tout en justifiant qu’elle le mérite (par son effort). Comme si le chef d’entreprise ou le cadre produisait un effort plus important que l’ouvrier de l’usine, et donc qu’il mérite un revenu plus important.]
Je crois qu’il y a une incompréhension sur le terme « méritocratie ». La « méritocratie » est un mode de sélection : elle implique que la sélection de ceux qui doivent occuper les postes de pouvoir se fasse sur le fondement d’un mérite évalué objectivement. Il est rare que le chef d’entreprise ou le cadre se soumettent à une évaluation OBJECTIVE de leur « mérite » à l’heure de calculer leur salaire. D’ailleurs, il ne faut pas confondre mérite et effort…
[Et en bonus elle masque cette notion que j’ai découvert, moi fils de prolo, en rentrant en école d’ingénieur : les compétences ne sont RIEN face au réseau.]
A ta sortie de l’école d’ingénieur, quel poste as-tu occupé ? Aurais-tu occupé le même sans ton diplôme d’ingénieur, par la simple grâce de ton « réseau » ?
Je n’ai jamais dit que le système méritocratique garantisse la parfaite égalité. Nous vivons dans une société inégalitaire, et le but premier de toute société est de se reproduire. Il serait donc très étonnant que le système scolaire aboutisse à des résultats « égalitaires » alors que toutes les institutions sont conçues pour perpétuer les inégalités. Ce que j’ai dit, c’est que parmi tous les moyens de sélection sociale possibles dans une société capitaliste, la sélection au mérite est à la fois la plus efficace à l’heure d’assurer que les postes soient occupés par des personnes compétentes, et la moins inégalitaire parce qu’elle permet la plus grande mobilité sociale. C’est imparfait, mais c’est mieux que rien.
Oui, c’est vrai, un fils de prolétaire a peu de chances d’être admis à Polytechnique, mais une fois qu’il et à Polytechnique il aura une carrière de polytechnicien. Dans une société ou la sélection se ferait exclusivement par réseau familial ou par héritage, il n’aurait aucune chance. Sans compter que ni le réseau ni l’héritage ne garantissent que les postes seront occupés par des gens compétents…
[C’est la que Bourdieu est fort : il montre que dans les études sont valorisées des compétences et des savoirs qui n’ont aucun rapport avec les compétences, dans le but de favoriser les enfants d’une certaine classe sociale artificiellement.]
Peut-être. Mais Bourdieu était lui-même l’exemple que cette « valorisation » est loi d’être absolue : lui-même fils de petits paysans béarnais, il sera admis en hypokhâgne à Louis-le-Grand, la plus prestigieuse de Paris, puis reçu à l’Ecole Normale Supérieure et finira sa carrière comme professeur au Collège de France, le plus grand honneur qu’un enseignant universitaire puisse recevoir. Quel rôle à votre avis ont joué dans ce parcours les réseaux de sa famille et les « compétences et des savoirs » sans aucun rapport avec ses compétences professionnelles ?
Je pense que vous – et rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul – lisez mal Bourdieu, et lui faites dire des choses qu’il n’a pas dit. Que les réseaux familiaux ou les « savoir être » sociaux puissent vous aider dans votre carrière, c’est un fait. Mais croire que ces éléments DETERMINENT celle-ci est à mon avis faux. Il est certainement plus difficile pour un fils de paysan d’arriver au Collège de France que pour un fils de bourgeois, mais difficile est une chose, et impossible une autre.
[L’idée de méritocratie permet donc de justifier une répartition inégalitaire de la plus-value, ainsi que de masquer la nature de la répartition des postes importants.]
Je pense que vous faites erreur. Ceux qui empochent la plus-value, c’est-à-dire les propriétaires du capital, ne ressentent aucun besoin d’invoquer un quelconque « mérite » à l’heure de justifier leur position. Les capitalistes ne passent aucun examen, aucun concours, ils ne sont jamais évalués et n’ont pas à montrer de diplôme pour pouvoir investir leur argent. L’idéologie bourgeoise justifie la rémunération du capital par le « risque » pris par le capitaliste lorsqu’il investit, et certainement pas par son « mérite ».
[Pour étayer ce que j’essaie de dire je te renvoie a l’article paru sur le Monde Diplomatique en aout dernier, article de Arlie Hochschild.]
L’article n’est accessible qu’aux abonnés, je ne peux donc pas le consulter. Mais je me méfie beaucoup des sociologues américains de gauche tels que Le Monde Diplomatique les aime, parce qu’ils représentent la quintessence du discours des classes intermédiaires qui ont profité de la promotion sociale méritocratique des « trente glorieuses », et qui maintenant entendent enlever derrière eux l’échelle qui a permis leur ascension pour empêcher des nouveaux venus de concurrencer leurs enfants, au prétexte hypocrite qu’elle ne permet à tous de monter.
Nous vivons dans une société inégalitaire. C’est regrettable, mais c’est un fait. Et on ne voit pas cette situation changer dans un avenir prévisible à court ou même à moyen terme. Alors, qu’est ce qu’on fait ? A l’heure de choisir la procédure pour pourvoir aux emplois et aux postes dirigeants, quelle est la proposition pratique du Monde Diplomatique en attendant que le paradis de l’égalité advienne ? Qu’on sélectionne en fonction de quoi ? De la naissance ? Par tirage au sort ? Par quotas ethniques/sociaux/religieux/de genre ? Ou bien du mérite constaté par un examen ou un concours ?
Posez-vous la question : si demain vous devez être opéré, préfereriez-vous que le chirurgien soit choisi a) parce qu’il est bien né ; b) parce qu’il a tiré le bon numéro ; c) parce que c’est le tour de telle minorité de nommer un candidat ou d) parce qu’il a eu les meilleures notes en anatomie ?
[Je crois qu’il y a une incompréhension sur le terme « méritocratie]
Non, non. C’est moi qui a des difficultés a construire mon argument je pense.
Je ne dis pas que la méritocratie n’est autre chose qu’un mode de sélection. Je dis qu’elle sert a justifier des inégalités fortes entre les travailleurs, parce que certains seraient plus méritant que d’autres de part la position sociale qu’ils ont, les études qu’ils ont fait. Ils peuvent avoir accès a une meilleure rémunération et stature sociale. Je suis pour la reconnaissance des qualifications, mais…
C’est assez con, mais moi qui suit bac+5 ça me semble fou de penser que je gagne plus que mon père a la fin de sa vie. Il s’est usé au travail, moi je trouve le temps de te répondre sur ton blog… Qui mérite mon salaire, moi ou lui ?
Et ces inégalités sont finalement justifié en disant “il avait qu’a travailler pour être ingénieur”. Mais l’école république imparfaite comme elle est ne le permet pas du tout !
[A ta sortie de l’école d’ingénieur, quel poste as-tu occupé ? Aurais-tu occupé le même sans ton diplôme d’ingénieur, par la simple grâce de ton « réseau » ?]
On va dire que les postes les plus importants ne sont accessibles qu’au réseau. Après en bon fils de prolo ce genre de chose je ne l’ai pas vu, car incapable de la voir et même de l’imaginer (un autre frein, entre l’autocensure et la non connaissance du fonctionnement du système). C’est la découverte de la gauche et de Bourdieu qui m’a aidé a comprendre la bourgeoisie que je côtoyais, et les choix de ces gamins de riches.
(le plus amusant c’est que mes amis d’école d’ingénieurs sont tous des fils de prolos, ou plus rarement de famille bourgeoise déchue – et personne de la grande bourgeoisie)
[C’est imparfait, mais c’est mieux que rien]
C’est certain. Mais il existe quand même des plafonds de verres. Tu n’imagines pas l’incompétence qu’il peut y avoir a un certain niveau…
Je regardais hier le reportage fait pas Arte <> qui observe pendant 15 ans des enfants de la haute du 7e arrondissement de Paris. Tu en as une qui t’explique très bien qu’elle a obtenu un stage par le réseau (en se moquant du fait qu’il ne faut absolument pas dire “piston”).
[Dans une société ou la sélection se ferait exclusivement par réseau familial ou par héritage, il n’aurait aucune chance (…) Mais croire que ces éléments DETERMINENT celle-ci est à mon avis faux. Il est certainement plus difficile pour un fils de paysan d’arriver au Collège de France que pour un fils de bourgeois, mais difficile est une chose, et impossible une autre.]
1% de fils de prolo, plus de 50% d’enfants de cadre a l’X. C’est possible, mais les dés sont pipés à la naissance. C’est ça que dit Bourdieu, c’est ce que je dis aussi. Je m’excuse si j’ai pu laisser penser que je disais que c’était déterminent, voir le seul déterminent. Je suis la preuve que non, comme Bourdieu, comme d’autres. Et nous on sert de cotions pour justifier le fonctionnement du système…
[L’idéologie bourgeoise justifie la rémunération du capital par le « risque » pris par le capitaliste lorsqu’il investit, et certainement pas par son « mérite ».]
Bonne remarque.
[L’article n’est accessible qu’aux abonnés, je ne peux donc pas le consulter]
Le gros du propos c’est de dire que les gens font la queues pour atteindre le rêve Américains (et travaillent dur pour monter). Et que Trump exploite l’idée que certain (basé sur la couleur de peau, la religion, l’origine…) les doublerait dans la file. En gros que le mérite paye et que certains ont un passe-droit.
[Posez-vous la question : si demain vous devez être opéré, préfereriez-vous que le chirurgien soit choisi a) parce qu’il est bien né ; b) parce qu’il a tiré le bon numéro ; c) parce que c’est le tour de telle minorité de nommer un candidat ou d) parce qu’il a eu les meilleures notes en anatomie ?]
C’est pas comme ça que j’envisage le problème. La question c’est de savoir pourquoi un ouvrier se tue au travail pour un SMIC quand j’ai le temps de débattre sur internet en ayant 2.5 SMIC de revenu.
Justement je suis contre la sélection sur autre chose que la qualification. Je suis pour que les gens aient des vies dignes et une rémunération correct, peut importe s’ils ont réussi ou non a l’école (ou une minorité est en position de force). Je déteste les discours autant que toi qui veulent faire un process de sélection ou tout le monde est équitable, autant que ceux qui blâme les conditions de vies a des problèmes individuels.
@ Yoann
[Je dis qu’elle sert a justifier des inégalités fortes entre les travailleurs, parce que certains seraient plus méritant que d’autres de par la position sociale qu’ils ont, les études qu’ils ont fait. Ils peuvent avoir accès a une meilleure rémunération et stature sociale. Je suis pour la reconnaissance des qualifications, mais…]
Au fond, votre problème est le suivant : si la « position sociale » et « les études », l’accès à une « meilleure rémunération et stature sociale » n’est pas lié au « mérite », a quoi doit-il être lié ? Quel devrait être le critère qui permet de dire « untel est payé 50 alors qu’untel est payé 100 » ?
[C’est assez con, mais moi qui suis bac+5 ça me semble fou de penser que je gagne plus que mon père a la fin de sa vie. Il s’est usé au travail, moi je trouve le temps de te répondre sur ton blog… Qui mérite mon salaire, moi ou lui ?]
Vous, bien entendu. Parce que avec votre bac+5 vous êtes beaucoup plus productif que votre père, et que la rémunération est en dernière instance issue de la production.
[Et ces inégalités sont finalement justifié en disant “il avait qu’a travailler pour être ingénieur”. Mais l’école république imparfaite comme elle est ne le permet pas du tout !]
Alors, comment y êtes vous arrivé ?
[« A ta sortie de l’école d’ingénieur, quel poste as-tu occupé ? Aurais-tu occupé le même sans ton diplôme d’ingénieur, par la simple grâce de ton « réseau » ? » On va dire que les postes les plus importants ne sont accessibles qu’au réseau.]
Mais ne pensons pas aux postes « les plus importants ». Il y a quand même pas mal d’échelons entre l’ouvrier et le PDG de Microsoft. Et voudriez pouvoir les gravir en une génération ? Le fait est que tu as occupé des postes bien plus importants – et bien mieux payés – grâce à ton diplôme d’ingénieur. Dire donc que la promotion sociale par le mérite est impossible me semble donc une terrible exagération…
[Après en bon fils de prolo ce genre de chose je ne l’ai pas vu, car incapable de la voir et même de l’imaginer (un autre frein, entre l’autocensure et la non connaissance du fonctionnement du système). C’est la découverte de la gauche et de Bourdieu qui m’a aidé a comprendre la bourgeoisie que je côtoyais, et les choix de ces gamins de riches.]
Méfie-toi… tes gamins ont quelque chance d’être des « gamins de riche » !
[C’est certain. Mais il existe quand même des plafonds de verres. Tu n’imagines pas l’incompétence qu’il peut y avoir a un certain niveau…]
Je n’ai pas besoin d’imaginer, je la constate tous les jours !
[1% de fils de prolo, plus de 50% d’enfants de cadre a l’X.]
Ca pourrait être pire : c’aurait pu être 0% fils de prolo… En fait, le pourcentage de fils d’ouvriers dans les grandes écoles d’ingénieurs à la fin des années 1970 était loin d’être négligeable. De l’ordre de 10% à l’Ecole Centrale, pour ne donner qu’un exemple.
[Et que Trump exploite l’idée que certain (basé sur la couleur de peau, la religion, l’origine…) les doublerait dans la file. En gros que le mérite paye et que certains ont un passe-droit.]
Ce n’est pas une « idée », c’est une réalité, celle des politiques de discrimination positive.
[« Posez-vous la question : si demain vous devez être opéré, préfereriez-vous que le chirurgien soit choisi a) parce qu’il est bien né ; b) parce qu’il a tiré le bon numéro ; c) parce que c’est le tour de telle minorité de nommer un candidat ou d) parce qu’il a eu les meilleures notes en anatomie ? » C’est pas comme ça que j’envisage le problème.]
Mais c’est comme ça que j’ai posé la question…
[La question c’est de savoir pourquoi un ouvrier se tue au travail pour un SMIC quand j’ai le temps de débattre sur internet en ayant 2.5 SMIC de revenu.]
Parce que grâce à tes connaissances, tu es bien plus productif que l’ouvrier. Imaginez que demain on avait un régime socialiste. Proposeriez-vous que l’ingénieur et l’ouvrier, le médecin et la femme de ménage aient le même salaire ? Dans ces conditions, pensez-vous que vous trouveriez beaucoup d’étudiants pour se casser le cul pour faire des études d’ingénieur ou de médecine ?
[Justement je suis contre la sélection sur autre chose que la qualification. Je suis pour que les gens aient des vies dignes et une rémunération correct, peu importe s’ils ont réussi ou non à l’école (ou une minorité est en position de force).]
Pardon, mais comment faites-vous pour séparer la qualification de la « réussite à l’école » ? Estimez-vous avoir plus ou moins de « qualifications » que votre père ?
@Descartes
[Vous, bien entendu. Parce que avec votre bac+5 vous êtes beaucoup plus productif que votre père, et que la rémunération est en dernière instance issue de la production]
Là on rentre dans un débat passionnant d’économiste, et j’avoue que très vite j’aurais besoin de faire « l’appelle à un ami .
.Je pense sincèrement qu’il y a des rapports de forces qui explique mon salaire, et que si tout le monde avait la même débrouillardise que moi en informatique le travail que j’effectue serait rémunéré au smic (ou plutôt il serait déjà délocalisé, c’est pas l’envie qui manque dans ce secteur de tout dégager en Inde mais la barrière de la langue freine, et le niveau technique en Inde est encore insuffisant).
A productivité égale la voiture Chinoise coute moins chère que la voiture Française pour une raison…
Puis rappelons que les vrais gros salaires aujourd’hui ce ne sont pas des gens qui produisent, ce sont des gens qui spécules avec les titres financiers.
[Alors, comment y êtes vous arrivé ?]
Déjà si on devenait tous ingénieur, il y aurait un problème assez simple à comprendre…
Ensuite ma phrase était bien entendu mal formulée. Il y a de la mobilité sociale, mais les exceptions ne remettent pas en cause la tendance. Le jeu est biaisé en faveur des bourgeois. Moi je ne propose pas l’égalité des chances, juste une vie digne pour tous (et si pour cela il faut prendre sur mon salaire pour que le SMIC augmente, très bien).
[Méfie-toi… tes gamins ont quelque chance d’être des « gamins de riche » ]
Ils le seront, c’est évident. A l’image des enfants de profs, qui ne sont pas forcément riche mais dont la connaissance du système scolaire permet aux enfants en général de très bien réussir l’école.
[En fait, le pourcentage de fils d’ouvriers dans les grandes écoles d’ingénieurs à la fin des années 1970 était loin d’être négligeable. De l’ordre de 10% à l’Ecole Centrale, pour ne donner qu’un exemple.]
Frank Lepage explique très bien cela dans sa conférence sur l’école d’ailleurs. Demande forte d’ingénieurs, croissance et développement productif important.
[Mais c’est comme ça que j’ai posé la question… ]
La réponse est « parce qu’il est le meilleur ». Evidement.
[Proposeriez-vous que l’ingénieur et l’ouvrier, le médecin et la femme de ménage aient le même salaire ?]
Une différence moins importante, dans le but d’améliorer le niveau de vie des ouvriers, femmes de ménage, etc.
Un SMIC a 1800e brute, un plafond de revenu maximal 5x supérieur. Une reconnaissance des qualifications avec une vraie politique de formation. Les bases de cela existent déjà en France, merci le PCF.
[Dans ces conditions, pensez-vous que vous trouveriez beaucoup d’étudiants pour se casser le cul pour faire des études d’ingénieur ou de médecine ?]
Sincèrement, oui. Je gagne 10 ans d’espérance de vie, même si c’est mensonger dans une certaine mesure je gagne un travail intéressant, avec des possibilités d’évolutions (donc de faire autre chose si je m’ennuie) sans prendre de risques.
Puis bon, des étés a l’usine a bosser… J’en retiens une force pour ne pas arrêter mes études.
[Pardon, mais comment faites-vous pour séparer la qualification de la « réussite à l’école » ? Estimez-vous avoir plus ou moins de « qualifications » que votre père ?]
Le diplôme est déjà reconnu comme qualification dans les grilles salariales.
Et je suis plus qualifié que mon père, c’est évident.
@ Yoann
[« Vous, bien entendu. Parce que avec votre bac+5 vous êtes beaucoup plus productif que votre père, et que la rémunération est en dernière instance issue de la production » Là on rentre dans un débat passionnant d’économiste, et j’avoue que très vite j’aurais besoin de faire « l’appel à un ami ».]
Pas de problème, sur ce blog, vous avez autant de jokers que vous voulez !
[Je pense sincèrement qu’il y a des rapports de forces qui explique mon salaire, et que si tout le monde avait la même débrouillardise que moi en informatique le travail que j’effectue serait rémunéré au smic (ou plutôt il serait déjà délocalisé, c’est pas l’envie qui manque dans ce secteur de tout dégager en Inde mais la barrière de la langue freine, et le niveau technique en Inde est encore insuffisant).]
Oui et non. Les salaires sont fixés par un marché, donc par un rapport entre l’offre et la demande. Mais le marché fonctionne à l’intérieur de certaines contraintes. Votre travail produit une valeur, dont une partie vous est reversée, et une autre est conservé par votre patron et constitue la plusvalue. Il est clair que, quel que soit le rapport de force, votre salaire ne pourra dépasser la valeur produite, autrement votre employeur n’aurait aucun intérêt à vous embaucher ! (en fait c’est un peu plus compliqué parce qu’il existe des travaux qui, même s’ils produisent une valeur limité, sont indispensables, mais c’est une autre affaire).
Il y a donc une limite supérieure au salaire, qui est la valeur produite par le travail. Votre père était moins productif que vous, et cette limite était donc plus basse dans son cas que dans le vôtre. C’est pourquoi même avec un rapport de forces favorable votre père n’aurait jamais gagné autant que vous : son patron aurait eu intérêt à le licencier plutôt que de lui payer un tel salaire.
[Déjà si on devenait tous ingénieur, il y aurait un problème assez simple à comprendre…]
Bonne remarque que je partage. Mais si vous pensez qu’on ne peut « tous devenir ingénieurs », alors vous admettez d’une part que même dans un monde idéal il y aurait une hiérarchie des métiers, et d’autre part qu’il faut trouver un moyen de décider qui sont ceux qui « deviendront ingénieurs » et ceux qui ne le deviendront pas.
[Ensuite ma phrase était bien entendu mal formulée. Il y a de la mobilité sociale, mais les exceptions ne remettent pas en cause la tendance. Le jeu est biaisé en faveur des bourgeois.]
Certes. Mais nous vivons dans une société capitaliste, donc inégalitaire. TOUTE l’organisation sociale est « biaisée en faveur des bourgeois ». Il serait étonnant que ce ne soit pas le cas du système éducatif. Je soutiens par contre que de toutes les institutions, c’est le système éducatif et le recrutement de la fonction publique qui, du fait de l’héritage méritocratique, reste le moins biaisé. Partout ailleurs, l’argent parle plus fort. C’est pourquoi je pense que ceux qui attaquent le système sur ce point ont tort – à moins qu’ils défendent des intérêts inavouables, celui de détruire le peu qui reste de l’ascenseur social.
[Moi je ne propose pas l’égalité des chances, juste une vie digne pour tous (et si pour cela il faut prendre sur mon salaire pour que le SMIC augmente, très bien).]
On est d’accord sur ce point.
[Frank Lepage explique très bien cela dans sa conférence sur l’école d’ailleurs. Demande forte d’ingénieurs, croissance et développement productif important.]
Tout à fait. La promotion sociale fonctionnait parce que dans un contexte d’expansion l’ascenseur social pouvait faire monter les fils d’ouvrier sans que les fils des « classes intermédiaires » soient obligés de descendre pour leur faire de la place. Dans un contexte de faible croissance, cette logique n’est plus possible : pour que ceux d’en bas puissent monter, il faut que ceux d’en haut descendent. Comment alors s’étonner que ceux d’en haut aient bloqué l’ascenseur ?
[« Dans ces conditions, pensez-vous que vous trouveriez beaucoup d’étudiants pour se casser le cul pour faire des études d’ingénieur ou de médecine ? » Sincèrement, oui. Je gagne 10 ans d’espérance de vie,]
Vous gagnez dix ans d’espérance de vie parce que votre meilleur salaire vous permet de mieux manger, de mieux vous soigner, de mieux vivre. Si vous aviez le même salaire qu’un ouvrier, votre espérance de vie serait probablement bien plus proche de la sienne.
[Même si c’est mensonger dans une certaine mesure je gagne un travail intéressant, avec des possibilités d’évolutions (donc de faire autre chose si je m’ennuie) sans prendre de risques.
Puis bon, des étés à l’usine a bosser… J’en retiens une force pour ne pas arrêter mes études.]
Eh bien, ne prenez pas votre cas pour une généralité. Le fait est que les pays qui ont essayé l’uniformité des salaires – c’est le cas de Cuba, par exemple – en sont très vite revenus, tout simplement parce qu’ils ne trouvaient pas de cadres. Les gens qui spontanément veulent prendre des responsabilités alors qu’ils peuvent avoir la même rémunération sans en avoir aucune sont rares…
[« Pardon, mais comment faites-vous pour séparer la qualification de la « réussite à l’école » ? Estimez-vous avoir plus ou moins de « qualifications » que votre père ? » Le diplôme est déjà reconnu comme qualification dans les grilles salariales. Et je suis plus qualifié que mon père, c’est évident.]
Là, je ne vous comprends pas. D’un côté, vous me dites que vous trouvez injuste que la paye soit liée à la réussite scolaire et aux diplômes, et qu’elle devrait être liée plutôt à la qualification. D’un autre, vous reconnaissez maintenant que la qualification et la réussite scolaire sont intimement liées. Vous me dites que vous trouvez injuste d’être mieux rémunéré que votre père, mais vous me dites par ailleurs qu’il faut payer en fonction des qualifications, et que vous êtes plus qualifié que lui…
J’évite en général de faire des interprétations sur des histoires personnelles, parce que j’ai toujours peur d’offenser. Mais dans votre cas, je vais faire une prudente exception. Je pense qu’il y a dans votre discours une prémisse cachée : si rationnellement vous reconnaissez que la paye doit être proportionnelle à la qualification (ce qui correspond à la rationalité économique qui aligne le salaire et la productivité), dans votre for intérieur vous êtes dans la logique qui lie la paye à la SOUFFRANCE au travail. Vous pensez moralement que vous devriez gagner moins que votre père parce qu’il SOUFFRAIT à la tâche plus que vous. Je vous rassure, vous n’êtes pas le seul : vous rejoignez une vision « judéo-chrétienne » de rédemption par la souffrance, du travail comme malédiction qui fait écho aux paroles de Yahvé à Adam : « tu gagneras le pain à la sueur de ton front ».
Mais quelle est la consistance de cette vision ? Pourquoi un travail pénible et peu productif devrait être payé plus qu’un travail très productif et très facile ? Et si on arrive à la conclusion qu’il faudrait qu’il en soit ainsi, comment la société organise le transfert entre les uns et les autres ?
@ Descartes
[Pas de problème, sur ce blog, vous avez autant de jokers que vous voulez !]
Merci pour ce blog, que je regrette de ne pas avoir découvert avant. Un vrai plaisir.
[Il y a donc une limite supérieure au salaire, qui est la valeur produite par le travail. Votre père était moins productif que vous, et cette limite était donc plus basse dans son cas que dans le vôtre.]
Je maintiens que c’est impossible de dire à chaque travailleur la quantité de valeur ajoutée qu’il a pu produire. Comment peut-on dire que l’OS produit moins de richesse que l’ingénieur, alors que c’est l’usine dans son ensemble qui produit une voiture (sans OS, point de voiture ; sans ingénieur point de voiture).
[alors vous admettez d’une part que même dans un monde idéal il y aurait une hiérarchie des métiers, et d’autre part qu’il faut trouver un moyen de décider qui sont ceux qui « deviendront ingénieurs » et ceux qui ne le deviendront pas.]
Oui, bien sûr, basée sur les capacités à le faire (la méritocratie, mais la noble, pas l’excuse pour justifier un monde inégalitaire – mais ça on en a bien parlé).
La division du travail me semble nécessaire (tient une divergence avec Marx). Même si je me dis que dans une organisation communiste du travail, une partie de la spécialisation du travail pourrait disparaitre et l’organisation du travail pourrait changer, que ça soit du temps libre pour participer à la direction de l’entreprise ou des formes de travail que je peine à imaginer (« What do bosses do », de Stephen Marglin ; quand l’économie néoclassique nous apprend que le rôle d’un patron c’est faire de la rétention d’information pour être le seul capable de gouverner l’entreprise, et donc d’en tirer un revenu).
[Comment alors s’étonner que ceux d’en haut aient bloqué l’ascenseur ?]
Je ne m’étonne pas. Une fois que j’ai compris ça, j’ai abandonné (à tort ?) l’idée de continuer de défendre l’ascenseur sociale, l’ascension sociale, et le discours sur « l’égalité des chances ». Pour me concentrer sur « comment faire en sorte que ceux qui travaillent vivre ».
D’où mes réflexions sur les revenus tirés du travail, les différences de revenus entre les travailleurs, la méritocratie comme excuse pour justifier un tel monde.
[Si vous aviez le même salaire qu’un ouvrier, votre espérance de vie serait probablement bien plus proche de la sienne.]
Réduire mon salaire diminuerait peut être mon espérance de vie. Mais devant un bureau, avec une activité sportive régulière, je risque a maxima une sciatique du poignet.
Pas de dos brisé, d’os cassé, d’expositions a des produits chimiques, de cancers professionnels, de TMS sévère…
[D’un côté, vous me dites que vous trouvez injuste que la paye soit liée à la réussite scolaire et aux diplômes, et qu’elle devrait être liée plutôt à la qualification.]
D’où l’importance de discuter avec des gens comme vous, et de ce blog. J’en apprends sur moi-même.
[Mais quelle est la consistance de cette vision ? Pourquoi un travail pénible et peu productif devrait être payé plus qu’un travail très productif et très facile ? Et si on arrive à la conclusion qu’il faudrait qu’il en soit ainsi, comment la société organise le transfert entre les uns et les autres ?]
Des réponses que je n’ai pas.
@ Yoann
[Je maintiens que c’est impossible de dire à chaque travailleur la quantité de valeur ajoutée qu’il a pu produire. Comment peut-on dire que l’OS produit moins de richesse que l’ingénieur, alors que c’est l’usine dans son ensemble qui produit une voiture (sans OS, point de voiture ; sans ingénieur point de voiture).]
Pas si « impossible » que ça. Il faut raisonner en termes de productivité marginale. « sans OS », point de voiture dites vous. Mais que se passe-t-il si vous prenez un OS de moins ? De combien la production de l’usine se verra affectée ? Faites le même raisonnement avec l’ingénieur…
[Oui, bien sûr, basée sur les capacités à le faire (la méritocratie, mais la noble, pas l’excuse pour justifier un monde inégalitaire – mais ça on en a bien parlé).]
Oui mais… comment décider ? Par quelle procédure ?
[La division du travail me semble nécessaire (tient une divergence avec Marx).]
Je ne vois pas la « divergence avec Marx ». De mémoire, Marx signale au contraire l’importance de la division du travail dans l’histoire de l’humanité. Tout au plus, il critique l’idée d’une séparation entre travail manuel et travail intellectuel.
[« Comment alors s’étonner que ceux d’en haut aient bloqué l’ascenseur ? » Je ne m’étonne pas. Une fois que j’ai compris ça, j’ai abandonné (à tort ?) l’idée de continuer de défendre l’ascenseur sociale, l’ascension sociale, et le discours sur « l’égalité des chances ». Pour me concentrer sur « comment faire en sorte que ceux qui travaillent vivre ».]
En d’autres termes, plutôt que vouloir une société dynamique vous préférez une société statique ou chacun reste là où il est né, à condition qu’il puisse y vivre décemment ? Désolé, mais je ne partage pas du tout cette vision d’une société idéale. Il faut prendre chez le libéralisme ce qu’il y a de meilleur, c’est-à-dire, la promesse d’une mobilité sociale fondée sur le mérite, et en faire une réalité. Se contenter d’un système hiérarchisé ou ceux qui sont en bas y restent – même s’ils peuvent « vivre » – me semble manquer d’ambition.
[D’où mes réflexions sur les revenus tirés du travail, les différences de revenus entre les travailleurs, la méritocratie comme excuse pour justifier un tel monde.]
Sauf que cette « excuse », vous êtes le seul à la voir. Car aujourd’hui, où voyez-vous le discours selon lequel le « mérite » justifierait les différences de revenu ? Dans notre société, c’est tout le contraire : les « méritants » sont montrés du doigt – pensez à toutes les campagnes contre le recrutement par concours à tous les niveaux – et le système médiatique porte au contraire au pinacle ceux qui ont eu « de la chance ». Qui a plus de mérite, le chirurgien qui a sauvé des vies avec une invention extraordinaire, ou le type qui sait mettre un ballon dans un filet ? Lequel est le mieux payé ?
[« Si vous aviez le même salaire qu’un ouvrier, votre espérance de vie serait probablement bien plus proche de la sienne ». Réduire mon salaire diminuerait peut être mon espérance de vie. Mais devant un bureau, avec une activité sportive régulière, je risque a maxima une sciatique du poignet. Pas de dos brisé, d’os cassé, d’expositions a des produits chimiques, de cancers professionnels, de TMS sévère…]
Ne croyez pas ça : la sédentarité du bureau est très mauvaise pour votre cœur… en fait, l’essentiel des gains d’espérance de vie tiennent aux progrès dans la qualité des soins, du logement et surtout de l’alimentation. Les changements des conditions de travail ne jouent qu’un rôle secondaire.
[« Mais quelle est la consistance de cette vision ? Pourquoi un travail pénible et peu productif devrait être payé plus qu’un travail très productif et très facile ? Et si on arrive à la conclusion qu’il faudrait qu’il en soit ainsi, comment la société organise le transfert entre les uns et les autres ? » Des réponses que je n’ai pas.]
Dans ce cas, il faut les chercher. C’est toute la différence entre l’utopie et le projet politique. Pour passer de l’un à l’autre, il faut se poser la question qui tue : comment cela pourrait marcher ?
@Descartes
[Eh bien, ne prenez pas votre cas pour une généralité. Le fait est que les pays qui ont essayé l’uniformité des salaires – c’est le cas de Cuba, par exemple – en sont très vite revenus, tout simplement parce qu’ils ne trouvaient pas de cadres. Les gens qui spontanément veulent prendre des responsabilités alors qu’ils peuvent avoir la même rémunération sans en avoir aucune sont rares…]
Je relisais un article de Eco-Po sur Bernard Friot et je cite :
“« la dévalorisation des métiers de chercheurs et d’ingénieurs dans le système éducatif et
dans la production : alors qu’en 1940 le rapport entre le salaire des ingénieurs chercheurs et techni-ciens et celui des ouvriers était de 215/100 il passe à 145 à 100 en 1965 et 111/100 en 1984. L’écart s’est même inversé dans certains secteurs
». Est-ce que le rapport de un à quatre dans l’échelle des
salaires préconisée par B. Friot sera suffisant pour éviter les déboires de l’économie soviétique
? Est-ce que, comme il le propose, l’attribution arbitraire du premier niveau de qualification à tout jeune quel que soit son niveau d’éducation est de nature à valoriser les professions scientifiques et techniques ? Là encore,
c’est une question de « travail concret » qui ne semble
pas l’intéresser.”
Réflexions intéressantes sur les différences de salaires, qui vont dans votre sens.
@ Yoann
[Je relisais un article de Eco-Po sur Bernard Friot et je cite : « la dévalorisation des métiers de chercheurs et d’ingénieurs dans le système éducatif et dans la production : alors qu’en 1940 le rapport entre le salaire des ingénieurs chercheurs et techniciens et celui des ouvriers était de 215/100 il passe à 145 à 100 en 1965 et 111/100 en 1984. L’écart s’est même inversé dans certains secteurs ».] [Est-ce que le rapport de un à quatre dans l’échelle des salaires préconisée par B. Friot sera suffisant pour éviter les déboires de l’économie soviétique ?]
Je ne sais pas si Friot donne dans son article plus d’informations, mais avec les éléments qu’il donne dans ce paragraphe il est difficile de tirer la conclusion qu’il en tire. En effet, alors qu’il parle « de la dévalorisation des métiers de chercheurs et d’ingénieurs », les chiffres qu’il présente agrègent les ingénieurs, les chercheurs… et les techniciens ! Or, comme les techniciens sont beaucoup plus nombreux que les ingénieurs ou les chercheurs, c’est leur évolution salariale qui domine l’échantillon !
Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si ces chiffres sont calculés à définition constante. En effet, ce qu’on appelle un « chercheur » en 1940 et en 1984 n’est pas tout à fait la même chose. En 1940, le « chercheur » n’existe que dans les sciences « dures » : un historien, un sociologue ne sont pas considérés comme des « chercheurs » : lorsque le CNRS est créé en 1936, il ne prend pas en compte les sciences humaines. Or, l’extension de la notion de « recherche » à ces disciplines – ou les salaires sont notoirement plus faibles – a un effet sur la moyenne des rémunérations…
Finalement, j’ai beaucoup de mal à croire que les chercheurs, ingénieurs et techniciens en 1984 aient été payés en moyenne à peine 10% de plus que le salaire ouvrier moyen, et pire encore, que « dans certains secteurs » ils soient moins payés que les ouvriers. Savez-vous d’où Friot tire ses chiffres ?
[Est-ce que le rapport de un à quatre dans l’échelle des salaires préconisée par B. Friot sera suffisant pour éviter les déboires de l’économie soviétique ?]
Un écart de salaires de un à quatre entre qui et qui ? Si c’est de un à quatre entre l’ingénieur et l’ouvrier, c’est même mieux que ce que nous avons aujourd’hui. Mais s’il s’agit d’un écart de un à quatre entre le plus fort et le plus faible salaire, alors avec une pyramide ayant la même forme que celle d’aujourd’hui, cela entraînerait un aplatissement tel de l’échelle que l’intérêt financier de faire des études deviendrait nul. Faisons le calcul : aujourd’hui, le plus faible salaire se situe vers 1200€ brut par mois, et les plus hauts salaires dépassent le million d’euros. Cela fait un rapport de l’ordre de 1000. Pour réduire l’écart à un sur quatre sans toucher au minimum, il faut donc diviser par 250 tout ce qui dépasse de 1200 €. Ainsi, un ingénieur payé aujourd’hui 5000 € toucherait 1200+(5000-1200)/250=1215€. Pensez-vous que pour 15€ mensuels de supplément cela vaille la peine d’user les fonds de culotte sur les bancs d’une école d’ingénieurs ?
L’écart de un sur quatre sans changement de la distribution conduit donc tout droit aux déboires de l’économie cubaine ou soviétique. C’est la forme de la pyramide moins que l’écart total qui compte…
[Est-ce que, comme il le propose, l’attribution arbitraire du premier niveau de qualification à tout jeune quel que soit son niveau d’éducation est de nature à valoriser les professions scientifiques et techniques ?]
Là, je ne comprends pas la question. C’est quoi « l’attribution arbitraire du premier niveau de qualification à tout jeune » ? Cela veut dire lui donner un diplôme certifiant des compétences qu’il n’a pas ? Quel employeur acceptera de l’embaucher dans ces conditions ?
[Réflexions intéressantes sur les différences de salaires, qui vont dans votre sens.]
En fait, je n’ai rien inventé. Je pars de l’hypothèse que si l’un des plus anciens textes qui soient parvenus jusqu’à nous font du travail une malédiction (« tu gagneras le pain à la sueur de ton front »), il doit bien y avoir une raison. S’il y a des métiers qu’on fait par plaisir, des gens qui étudient par le simple plaisir d’apprendre, ils sont plutôt l’exception que la règle. Le reste de l’humanité va à l’école, l’université ou l’usine dans l’attente d’une récompense, et de préférence en fournissant un effort minimum.
En dehors d’une petite minorité, si l’on veut que les gens travaillent et étudient, on en est réduit à devoir les récompenser. Pas nécessairement en argent : certains métiers mal payés trouvent des candidats sans difficulté du fait des récompenses sociales ou symboliques qui y sont attachées. Mais il faut quelque chose. Si en faisant la fête avec les copains on gagne autant qu’en passant des nuits sur les livres, personne ne passera des nuits sur les livres. Ou alors une toute petite minorité de passionnés.
@Descartes
[Je ne sais pas si Friot donne dans son article plus d’informations]
Ce n’est pas un texte de Friot mais de Alain Tournebise, qui commente Friot.
[Finalement, j’ai beaucoup de mal à croire que les chercheurs, ingénieurs et techniciens en 1984 aient été payés en moyenne à peine 10% de plus que le salaire ouvrier moyen, et pire encore, que « dans certains secteurs » ils soient moins payés que les ouvriers. Savez-vous d’où Friot tire ses chiffres ?]
J. Radvanyi, L’URSS en révolution, Messidor, 1987
[Mais s’il s’agit d’un écart de un à quatre entre le plus fort et le plus faible salaire, alors avec une pyramide ayant la même forme que celle d’aujourd’hui]
Ca serait complètement con de faire ça en effet, pour les raisons que vous soulignez après (mais la moi, vous et Friot sommes d’accord).
[Là, je ne comprends pas la question. C’est quoi « l’attribution arbitraire du premier niveau de qualification à tout jeune » ? Cela veut dire lui donner un diplôme certifiant des compétences qu’il n’a pas ? Quel employeur acceptera de l’embaucher dans ces conditions ?]
Là il faut connaitre l’idée de Friot, qui propose de verser un salaire à tout le monde, sans conditions. Perso je n’accroche pas pour plein de raison, donc je ne suis pas la bonne personne pour le défendre.
Bon je propose que l’on s’arrête la pour cette discussion. Merci d’avoir pris ce précieux temps pour me répondre, c’était passionnant. 🙂
J’ai hâte de lire vos prochains articles !
@ Yoann
[“Finalement, j’ai beaucoup de mal à croire que les chercheurs, ingénieurs et techniciens en 1984 aient été payés en moyenne à peine 10% de plus que le salaire ouvrier moyen, et pire encore, que « dans certains secteurs » ils soient moins payés que les ouvriers. Savez-vous d’où Friot tire ses chiffres ?” J. Radvanyi, L’URSS en révolution, Messidor, 1987]
Vous n’aviez pas précisé que les chiffres en question concernaient l’URSS. J’étais persuadé à vous lire que vous parliez de la France!
[“Mais s’il s’agit d’un écart de un à quatre entre le plus fort et le plus faible salaire, alors avec une pyramide ayant la même forme que celle d’aujourd’hui”. Ca serait complètement con de faire ça en effet, pour les raisons que vous soulignez après (mais la moi, vous et Friot sommes d’accord).]
Vous peut-être, mais je ne suis pas sûr que Friot soit d’accord avec moi sur ce point. Dans ses écrits, il insiste surtout sur l’amplitude des écarts salariaux, beaucoup plus que sur la distribution des salaires. Vous noterez que consciemment ou pas, en faisant de la hausse du smic leur cheval de bataille, les penseurs de la gauche française ont contribué à donner à la pyramide des revenus cette forme très “pointue”…
Pardon de m’immiscer dans votre conservation, le sujet m’intéresse.
[C’est la que Bourdieu est fort : il montre que dans les études sont valorisées des compétences et des savoirs qui n’ont aucun rapport avec les compétences, dans le but de favoriser les enfants d’une certaine classe sociale artificiellement. ]
Bourdieu fait un lien entre culture des élites et culture de l’école. Il montre que les enfants des classes supérieures réussissent beaucoup mieux en cours car l’enseignement donné correspond à la culture transmise à la maison. Il ne fait aucun jugement sur le contenu de ses cours. Il ne fait que expliquer le processus de reproduction des élites, à travers le fonctionnement du système scolaire. Des chercheurs ont repris les travaux de Pierre Bourdieu pour décrédibiliser le savoir enseigné à l’école, jugé élitiste et inégalitaire. On aurait très bien pu permettre au plus grand nombre d’avoir accès à un savoir académique, au lieu de ça on a préféré remettre en cause ce savoir, au nom d’une vision plus égalitaire. Il se trouve que je suis attaché à cette culture ancienne, je pense que c’est surtout à travers les œuvres classiques que l’on apprend à réfléchir et à se construire une vision du monde, mais cela n’engage que moi. Je déplore néanmoins qu’elle ne soit plus enseigné.
Pour Juan Branco, si je trouve certaines de ses analyses intéressantes, je reste prudent face à ses engagements politiques.
@ Jacques Use
[Pardon de m’immiscer dans votre conservation, le sujet m’intéresse.]
Vous n’avez pas à vous excuser, ce blog est fait pour ça !
[Bourdieu fait un lien entre culture des élites et culture de l’école. Il montre que les enfants des classes supérieures réussissent beaucoup mieux en cours car l’enseignement donné correspond à la culture transmise à la maison. Il ne fait aucun jugement sur le contenu de ses cours. Il ne fait qu’expliquer le processus de reproduction des élites, à travers le fonctionnement du système scolaire.]
D’accord. C’est en ce sens que j’écrivais qu’on a fait dire à Bourdieu des choses qu’il n’a jamais dites. Bourdieu décrit un mécanisme en scientifique. Il ne fait pas de jugement moral pas plus qu’il ne pointe le doigt accusateur sur un quelconque « complot » des élites.
[Des chercheurs ont repris les travaux de Pierre Bourdieu pour décrédibiliser le savoir enseigné à l’école, jugé élitiste et inégalitaire. On aurait très bien pu permettre au plus grand nombre d’avoir accès à un savoir académique, au lieu de ça on a préféré remettre en cause ce savoir, au nom d’une vision plus égalitaire.]
Oui… mais « permettre au plus grand nombre d’avoir accès au savoir académique » aurait été plus cher, et surtout aurait permis aux enfants des couches populaires de concurrencer les enfants des élites – bourgeoisie et classes intermédiaires – pour l’accès aux postes et fonctions. Une concurrence particulièrement mal supportée dans un pays où, le recrutement par concours aidant, l’accès au savoir reste un vrai moyen de promotion sociale.
C’est cela qui explique que les élites aient, sous prétexte « d’égalité », choisi la voie qui leur permet de réserver à ses enfants le savoir académique et d’une façon plus générale, la culture. Ce qui les entraîne d’ailleurs sur une voie paradoxale : celle qui consiste à dévaluer en public cette même culture qu’ils tiennent à transmettre à leurs enfants.
[Il se trouve que je suis attaché à cette culture ancienne, je pense que c’est surtout à travers les œuvres classiques que l’on apprend à réfléchir et à se construire une vision du monde, mais cela n’engage que moi. Je déplore néanmoins qu’elle ne soit plus enseignée.]
Non, cela engage bien plus que vous. Ce n’est pas une simple question de goût : si ce que vous appelez la « culture ancienne » est arrivée jusqu’à nous, si ses œuvres ne sont pas pas tombées dans l’oubli, si des générations se sont passées le flambeau, ou cherché à le redécouvrir, il doit bien y avoir une raison. Les œuvres « classiques » ne sont le sont pas devenues par hasard. Ces œuvres sont notre filiation, le témoignage des ancêtres qui nous ont fait, et elles propagent un message universel, au point qu’il peut intéresser non seulement des gens d’un autre âge.
Le rêve fou de la République était d’apporter au plus grand nombre – sinon à tous – la possibilité d’étudier la tragédie classique ou la démonstration des théorèmes de mathématiques. Ce projet généreux a vécu dans une société en expansion qui avait besoin de cadres et dont les élites pouvaient se permettre d’ouvrir les portes de la promotion sociale. Il est mort dès que l’expansion s’est arrêtée, et que les élites se sont senties menacées par la concurrence des éventuels promus.
@Jacques Use
[ Il ne fait aucun jugement sur le contenu de ses cours]
Je partage parfaitement, même si j’ai pu laisser penser l’inverse.
Je ne crois pas (ou plus) à l’égalité des chances. D’où le sens de ma réflexion sur le revenu par exemple (si l’ascenseur sociale est cassé, impossible de justifier des inégalités).
[Il se trouve que je suis attaché à cette culture ancienne, je pense que c’est surtout à travers les œuvres classiques que l’on apprend à réfléchir et à se construire une vision du monde, mais cela n’engage que moi.]
Moi j’ai toujours été nul en Français. J’ai eu de la chance d’avoir une prof ou deux qui savaient conseiller des livres qui pouvait quand même m’intéressé (la quête d’Ewilan de Pierre Bottero est sans doute la plus belle chose qui me soit arrivé), car globalement je n’y comprenais rien aux « classiques ».
Cela reste mon point de vu, mais on devrait enseigner le gout de la lecture avant d’envoyer des gamins vers les « classiques ». Surtout que l’art étant l’art, c’est-à-dire référencé et inscrit dans l’époque où il est produit, la barrière culturelle est très dure à dépasser (un Zola ça va, de la poésie ça me semble en générale abscons).
D’où peut-être aussi les forme de rejets, la haine du premier de la classe, de la littérature, etc. Ce n’est pas un rejet pour rejeter, juste le reflet d’une inégalité tellement grande et bloquante devant la demande de faire un « double effort » : celui d’acquérir quelque choses que les parents ne peuvent enseigner (la littérature, la musique, la poésie DANS son contexte, par rapport à ce qui la précède), puis la compétition scolaire contre ceux qui fréquente les musées depuis tout petit.
Les dés sont totalement pipés… Je me dis que ceux qui défendent cette culture « classiques » on soit envie de défendre et de partager par l’école ce qu’ils aiment (dans ce cas j’aimerais qu’on montre des épisodes de Black Mirror en cours, et qu’on fasse travailler les jeunes sur le jeu vidéo : de l’art contemporain qui devrait les intéressés plus que Colette). Soit ils ont dû passer par là, l’ont acquis, ont souffert et trouve intolérable que les jeunes ne souffrent pas à leur tour (c’est aussi valable pour la grammaire et l’orthographe de la langue Française – et que je suis incapable de maitriser par ailleurs : c’est une invention hors sol de la noblesse pour tenir les gens à l’écart de la langue, ils se sont servi de l’étymologie pour latiniser la langue car c’était la mode de l’époque ).
[Pour Juan Branco, si je trouve certaines de ses analyses intéressantes, je reste prudent face à ses engagements politiques.]
Tu veux dire que « regardez je suis le seul à dire que … » c’est suspect ?
@ Yoann
[@Jacques Use
[Je ne crois pas (ou plus) à l’égalité des chances. D’où le sens de ma réflexion sur le revenu par exemple (si l’ascenseur sociale est cassé, impossible de justifier des inégalités).]
Je vais devoir me répéter : il est parfaitement possible de justifier les inégalités sans aucun recours à l’ascenseur social. Il y a des sociétés – pensez à la Grande Bretagne – ou la promotion sociale n’a jamais été une valeur, au contraire : la promotion sociale état vue comme une trahison à sa classe d’origine. On peut justifier les inégalités de bien d’autres façons : par la volonté divine, par la prédestination génétique…
[Moi j’ai toujours été nul en Français. J’ai eu de la chance d’avoir une prof ou deux qui savaient conseiller des livres qui pouvait quand même m’intéressé (la quête d’Ewilan de Pierre Bottero est sans doute la plus belle chose qui me soit arrivé), car globalement je n’y comprenais rien aux « classiques ».]
Il faut penser ; sans quoi l’homme devient,
Malgré son âme, un vrai cheval de somme.
Il faut aimer ; c’est ce qui nous soutient ;
Sans rien aimer il est triste d’être homme.
Il faut avoir douce société,
Des gens savants, instruits, sans suffisance,
Et de plaisirs grande variété,
Sans quoi les jours sont plus longs qu’on ne pense.
Il faut avoir un ami, qu’en tout temps,
Pour son bonheur, on écoute, on consulte,
Qui puisse rendre à notre âme en tumulte,
Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.
Il faut, le soir, un souper délectable
Où l’on soit libre, où l’on goûte à propos,
Les mets exquis, les bons vins, les bons mots
Et sans être ivre, il faut sortir de table.
Il faut, la nuit, tenir entre deux draps
Le tendre objet que notre coeur adore,
Le caresser, s’endormir dans ses bras,
Et le matin, recommencer encore.
Voltaire
Ne me dites pas que vous ne « comprenez rien » à ce poème délicieux…
[Cela reste mon point de vu, mais on devrait enseigner le gout de la lecture avant d’envoyer des gamins vers les « classiques ».]
Mais quoi de mieux que les « classiques » pour enseigner la lecture ?
[Surtout que l’art étant l’art, c’est-à-dire référencé et inscrit dans l’époque où il est produit, la barrière culturelle est très dure à dépasser (un Zola ça va, de la poésie ça me semble en générale abscons).]
Justement. Si les « classiques » sont toujours lus alors que des siècles nous séparent quelquefois d’eux, c’est parce qu’ils ont su écrire comme personne après eux. A votre avis, lira-t-on « la quête d’Ewilan » dans deux, trois, quatre siècles ? Oui, il y a une « barrière culturelle » à dépasser pour accéder à la culture « classique ». Mais c’est justement son intérêt : celui d’encourager les enfants à se dépasser.
[D’où peut-être aussi les forme de rejets, la haine du premier de la classe, de la littérature, etc. Ce n’est pas un rejet pour rejeter, juste le reflet d’une inégalité tellement grande et bloquante devant la demande de faire un « double effort » : celui d’acquérir quelque choses que les parents ne peuvent enseigner (la littérature, la musique, la poésie DANS son contexte, par rapport à ce qui la précède), puis la compétition scolaire contre ceux qui fréquente les musées depuis tout petit.]
Si l’école ne sert pas à donner aux enfants ce que leurs parents ne peuvent pas leur donner, à quoi sert-elle ? A garder les enfants quand les parents sont au boulot ? Je vous conseille de lire « La fabrique du crétin » de Brighelli. Enseignant en Seine-Saint-Denis, il raconte l’émerveillement de ses élèves à qui il avait décidé d’enseigner la poésie de la Renaissance. Enfin ces enfants avaient l’impression d’être pris au sérieux, de recevoir la même nourriture intellectuelle qu’ils croyaient réservée aux lycées de centre-ville.
[Les dés sont totalement pipés… Je me dis que ceux qui défendent cette culture « classiques » on soit envie de défendre et de partager par l’école ce qu’ils aiment (dans ce cas j’aimerais qu’on montre des épisodes de Black Mirror en cours, et qu’on fasse travailler les jeunes sur le jeu vidéo : de l’art contemporain qui devrait les intéressés plus que Colette).]
L’école n’est pas là pour que les élèves « partagent ce qu’ils aiment » – sans quoi il faudrait prévoir des salles pour des séances de branlette collective. L’école est là pour donner aux élèves les instruments intellectuels pour aimer et apprécier ce qu’il y a de meilleur dans la création humaine. Et laissez-moi vous dire que ni Black Mirror ni le meilleur des jeux vidéo en font partie. Dans quatre siècles, on lira toujours Aragon ou Molière, mais je doute qu’on regarde Black Mirror.
[Soit ils ont dû passer par là, l’ont acquis, ont souffert et trouve intolérable que les jeunes ne souffrent pas à leur tour (c’est aussi valable pour la grammaire et l’orthographe de la langue Française – et que je suis incapable de maitriser par ailleurs : c’est une invention hors sol de la noblesse pour tenir les gens à l’écart de la langue, ils se sont servi de l’étymologie pour latiniser la langue car c’était la mode de l’époque).]
Le Grand Komplot fonctionnait déjà au XVIème siècle ?
Les grammaires de la création artistique, ce sont toujours les classes dominantes qui les ont faites. Que ce soit en peinture, en sculpture, en musique ou en littérature, les paysans étaient trop occupés à survivre pour pouvoir créer. Oui, la noblesse et le clergé ont codifié la langue française, lui ont donnée son orthographe et sa grammaire. Et alors ? Ils ont créé une langue magnifique, qui est presque une œuvre d’art en elle-même. Pensez-vous qu’un poème d’Aragon serait aussi beau s’il était écrit avec une orthographe phonétique, style SMS ?
[ L’école n’est pas là pour que les élèves « partagent ce qu’ils aiment » – sans quoi il faudrait prévoir des salles pour des séances de branlette collective. ]
De très bon aloi !
Je remets 10 francs dans le nourrain !
Ce lien pour les moins de 30 ans…
http://les-blablas-de-vivi.over-blog.com/article-maitre-cappello-tire-sa-reverence-69992922.html
@Yoann
[Je partage parfaitement, même si j’ai pu laisser penser l’inverse.
Je ne crois pas (ou plus) à l’égalité des chances. D’où le sens de ma réflexion sur le revenu par exemple (si l’ascenseur sociale est cassé, impossible de justifier des inégalités).]
C’est un peu la différence entre la philosophie matérialiste et la philosophie idéaliste. La philosophie matérialiste s’attaque aux faits, elle décrit très bien le réel, mais ne permet pas d’en tirer une explication.
[Moi j’ai toujours été nul en Français. J’ai eu de la chance d’avoir une prof ou deux qui savaient conseiller des livres qui pouvait quand même m’intéressé (la quête d’Ewilan de Pierre Bottero est sans doute la plus belle chose qui me soit arrivé), car globalement je n’y comprenais rien aux « classiques ».]
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui étaient opposés à la télé, ce qui m’a permis d’avoir assez tôt accès aux livres. S’en est suivie une boulimie de lecture à l’adolescence, qui s’est calmé quand j’ai commencé mes études. Aujourd’hui j’apprécie autant lire un livre, même si je regrette de n’avoir pas plus de temps à y consacrer.
[Cela reste mon point de vu, mais on devrait enseigner le gout de la lecture avant d’envoyer des gamins vers les « classiques ». Surtout que l’art étant l’art, c’est-à-dire référencé et inscrit dans l’époque où il est produit, la barrière culturelle est très dure à dépasser (un Zola ça va, de la poésie ça me semble en générale abscons).]
Je n’aime pas opposé culture classique et culture contemporaine, Don Quichotte ou les contes de Perrault ont été écrit dans leurs époques, ce qui ne les empêches pas d’être toujours actuel aujourd’hui. Beaucoup de livres contemporains sont très bon, même si ils n’ont la notoriété des livres plus classiques. Je suis par exemple un grand fan de Naruto. Mais il faut se demander qu’est ce qui permet à Homère d’être toujours aussi pertinent 3000 ans après son écriture. Des livres aident à nous faire grandir, à nous construire une vision du monde, à nous donner un cadre de valeurs. Homère garde de ce côté là toute son acuité . Je ne dirais pas à tout le monde de se lancer dans du Tolstoï ou du Dostoïevski tout de suite, mais quand on a suffisamment évolué, il est intéressant d’aller vers des ouvrages plus ardues, même si ça demande un peu plus d’effort. Mais lire doit rester un plaisir.
[D’où peut-être aussi les forme de rejets, la haine du premier de la classe, de la littérature, etc. Ce n’est pas un rejet pour rejeter, juste le reflet d’une inégalité tellement grande et bloquante devant la demande de faire un « double effort » : celui d’acquérir quelque choses que les parents ne peuvent enseigner (la littérature, la musique, la poésie DANS son contexte, par rapport à ce qui la précède), puis la compétition scolaire contre ceux qui fréquente les musées depuis tout petit.]
Il y a beaucoup de chose qui ne s’enseigne pas. Je pense que se former à l’art ou être capable d’apprécier une bonne œuvre doit venir d’une démarche personnelle. Après faire partie des classes supérieures ne fait pas tout. Dans ses milieux, comme dans tous milieux, il y règne beaucoup de conformisme.
[Les dés sont totalement pipés… Je me dis que ceux qui défendent cette culture « classiques » on soit envie de défendre et de partager par l’école ce qu’ils aiment (dans ce cas j’aimerais qu’on montre des épisodes de Black Mirror en cours, et qu’on fasse travailler les jeunes sur le jeu vidéo : de l’art contemporain qui devrait les intéressés plus que Colette). Soit ils ont dû passer par là, l’ont acquis, ont souffert et trouve intolérable que les jeunes ne souffrent pas à leur tour (c’est aussi valable pour la grammaire et l’orthographe de la langue Française – et que je suis incapable de maitriser par ailleurs : c’est une invention hors sol de la noblesse pour tenir les gens à l’écart de la langue, ils se sont servi de l’étymologie pour latiniser la langue car c’était la mode de l’époque ).]
Je me méfie de l’art trop conceptuel. Je ne dénie pas l’intérêt des jeux-vidéos ou de l’art contemporain, mais ça reste pour la plupart très abstrait ou trop ancré dans des problématiques présentes.
[Tu veux dire que « regardez je suis le seul à dire que … » c’est suspect ?]
Je retrouve surtout chez lui tout le discours et les interrogations de la gauche radicale. On peut y adhérer mais il y a quand même de sa part un certain prisme. Il faut savoir rester critique, surtout quand ça nous plaît.
@Descartes
très chouette poésie au passage.
@ Jacques Use
[J’ai eu la chance d’avoir des parents qui étaient opposés à la télé, ce qui m’a permis d’avoir assez tôt accès aux livres. S’en est suivie une boulimie de lecture à l’adolescence, qui s’est calmé quand j’ai commencé mes études.]
C’est drôle, c’est aussi mon cas. J’ai eu aussi une enfance sans télé, mes parents refusant de laisser rentrer dans leur salle à manger « le meuble qui parle », comme l’appelait ma grand-mère. J’ai eu donc une enfance et une adolescence avec beaucoup de livres, et des copains qui parlaient de choses qui me semblaient aussi stratosphériques que les personnages de Star Trek ! Au décès de ma grand-mère, nous avons hérité sa télé mais mes parents n’autorisaient son utilisation que « quand il y avait quelque chose de bon ». C’est-à-dire en moyenne deux fois par semaine (les dossiers de l’écran, le grand échiquier…).
[Il y a beaucoup de chose qui ne s’enseigne pas. Je pense que se former à l’art ou être capable d’apprécier une bonne œuvre doit venir d’une démarche personnelle. Après faire partie des classes supérieures ne fait pas tout. Dans ces milieux, comme dans tous milieux, il y règne beaucoup de conformisme.]
On ne peut quand même échapper à une constatation simple : dans les foyers ou les parents sont cultivés, les enfants accèdent beaucoup plus fréquemment aux œuvres de l’esprit que chez les autres. Je ne sais pas si on peut « enseigner » la chose, mais il est pour moi incontestable qu’il y a ne transmission en jeu. Nous recevons de nos parents un langage, un système de valeurs qui donne de l’importance à certaines choses plutôt qu’à d’autres. Nous recevons aussi d’eux un « surmoi » qui nous pousse à faire certains efforts « personnels » pour atteindre certains buts. C’est pourquoi l’intervention de l’école est si importante, particulièrement pour les enfants qui ne reçoivent pas ces éléments chez eux.
[très chouette poésie au passage.]
C’est Voltaire qu’il faut remercier… 😉
@Descartes
[C’est drôle, c’est aussi mon cas. J’ai eu aussi une enfance sans télé]
Mon pauvre…
[On ne peut quand même échapper à une constatation simple : dans les foyers ou les parents sont cultivés, les enfants accèdent beaucoup plus fréquemment aux œuvres de l’esprit que chez les autres. Je ne sais pas si on peut « enseigner » la chose, mais il est pour moi incontestable qu’il y a ne transmission en jeu. Nous recevons de nos parents un langage, un système de valeurs qui donne de l’importance à certaines choses plutôt qu’à d’autres. Nous recevons aussi d’eux un « surmoi » qui nous pousse à faire certains efforts « personnels » pour atteindre certains buts. C’est pourquoi l’intervention de l’école est si importante, particulièrement pour les enfants qui ne reçoivent pas ces éléments chez eux.]
J’étais sûr que ce passage allait faire polémique. Mais je maintiens l’éducation ne fait pas tout. Il est bon d’apporté l’instruction à tous, mais il faut aussi savoir dépassé cette instruction pour exercer librement son jugement, ce qui n’est pas à la portée de tous. Vous m’avez parlé de Jack Lang. Pour moi Jack Lang n’est pas un homme cultivé, ses goûts sont conformes à ceux de son milieu.
@ Jacques Use
[« C’est drôle, c’est aussi mon cas. J’ai eu aussi une enfance sans télé » Mon pauvre…]
Il est vrai qu’à l’époque j’en avais souffert, parce que socialiser avec mes petits camarades n’était pas évident. Ils parlaient de choses qui m’étaient totalement étrangères, et je suppose que l’inverse était aussi vraie. Il ne faut pas plus pour se faire cataloguer de « bizarre » dans la communauté infantile. Mais rétrospectivement, je suis reconnaissant à mes parents d’avoir tenu bon. Et j’ai fait de même avec mes enfants qui j’espère seront reconnaissants à leur tour…
[J’étais sûr que ce passage allait faire polémique. Mais je maintiens l’éducation ne fait pas tout.]
« Tout » je ne sais pas. Mais elle peut faire beaucoup. Je ne crois pas à l’idée de Malraux qu’une œuvre d’art ou de culture contient en elle-même tout ce qu’il faut pour l’apprécier. Elle n’acquiert un sens que lorsqu’on possède le langage pour la décrypter. Imaginez un martien descendant de son vaisseau et contemplant une affiche publicitaire et la Joconde côté à côté. Qu’est ce qui lui permettrait de savoir que l’une est une œuvre d’art considérée comme un des sommets de la création, et l’autre non ?
Le langage qui nous permet de comprendre les œuvres issues d’une culture, ce qu’on appelait à une époque « civilisation », est un langage historique, et il ne peut être acquis que par transmission. Et quand les parents ne peuvent transmettre ce langage, il faut bien qu’une autre institution prenne le relais, du moins si l’on veut augmenter le nombre de gens capable d’apprécier…
[Il est bon d’apporté l’instruction à tous, mais il faut aussi savoir dépassé cette instruction pour exercer librement son jugement, ce qui n’est pas à la portée de tous.]
Oui, mais avant de la dépasser, il faut l’avoir acquise. Cette acquisition n’est peut-être pas une condition suffisante, mais c’est une condition nécessaire.
[Vous m’avez parlé de Jack Lang. Pour moi Jack Lang n’est pas un homme cultivé, ses goûts sont conformes à ceux de son milieu.]
Je ne suis pas d’accord – et pourtant dieu sait si je n’aime pas Jack Lang et tout ce qu’il représente. Lang est un homme cultivé en ce qu’il a suffisamment vu, lu et connu pour pouvoir apprécier un objet de culture. Mais on peut être « cultivé » sans être original ou travailleur. Lang est paresseux, au sens qu’il suit dans ses choix culturels ceux du consensus mou de ses amis.
@Descartes
[Il est vrai qu’à l’époque j’en avais souffert, parce que socialiser avec mes petits camarades n’était pas évident. Ils parlaient de choses qui m’étaient totalement étrangères, et je suppose que l’inverse était aussi vraie. Il ne faut pas plus pour se faire cataloguer de « bizarre » dans la communauté infantile. Mais rétrospectivement, je suis reconnaissant à mes parents d’avoir tenu bon.]
Je fais partie d’une génération qui a connu les premières playstations, les premiers jeux en ligne. Inutile de dire qu’avec les copains ça ne le faisait pas trop. Non seulement il fallait avoir la télé mais aussi la manette qui va avec. Après oui l’adolescence ce sont les années où on se construit, ne pas avoir la télé m’a permis de m’ouvrir à d’autres centres d’intérêts, et aujourd’hui je ne le regrette pas du tout.
[Et j’ai fait de même avec mes enfants qui j’espère seront reconnaissants à leur tour…]
Tout se passe bien alors.
[« Tout » je ne sais pas. Mais elle peut faire beaucoup. Je ne crois pas à l’idée de Malraux qu’une œuvre d’art ou de culture contient en elle-même tout ce qu’il faut pour l’apprécier. Elle n’acquiert un sens que lorsqu’on possède le langage pour la décrypter. Imaginez un martien descendant de son vaisseau et contemplant une affiche publicitaire et la Joconde côté à côté. Qu’est ce qui lui permettrait de savoir que l’une est une œuvre d’art considérée comme un des sommets de la création, et l’autre non ?]
Et pourtant vous aimez l’art gothique, et vous ne vivez pas dans les mêmes conditions qu’au Moyen-Age. Une partie du sens qui présidait à l’élaboration d’une cathédrale s’est perdu. On ne visite plus une église comme on la visitait à l’époque. Ce qui n’empêche pas d’être encore touché aujourd’hui, par leurs beautés. Il y a des codes de représentations qui nous permettent de mieux appréhender une œuvre quand on entre dedans, qu’on fait l’effort de s’y intéresser, mais même sans cela je pense qu’on peut être ému sans rien savoir de l’œuvre.
[Le langage qui nous permet de comprendre les œuvres issues d’une culture, ce qu’on appelait à une époque « civilisation », est un langage historique, et il ne peut être acquis que par transmission. Et quand les parents ne peuvent transmettre ce langage, il faut bien qu’une autre institution prenne le relais, du moins si l’on veut augmenter le nombre de gens capable d’apprécier…]
Pour aimer ce savoir faut-il encore qu’il soit transmit, que des générations prennent le soin de conserver et de partagez toutes ces connaissances. Je trouve assez dramatique cette rupture avec les liens du passé. Mais c’est aussi à une nouvelle génération de se réapproprier cette culture, de la faire sienne, de l’entretenir… Et peut-être au passage de l’enrichir !
@ Jacques Use
[« Et j’ai fait de même avec mes enfants qui j’espère seront reconnaissants à leur tour… » Tout se passe bien alors.]
On le saura dans quelques années…
[« « Tout » je ne sais pas. Mais elle peut faire beaucoup. Je ne crois pas à l’idée de Malraux qu’une œuvre d’art ou de culture contient en elle-même tout ce qu’il faut pour l’apprécier. Elle n’acquiert un sens que lorsqu’on possède le langage pour la décrypter. Imaginez un martien descendant de son vaisseau et contemplant une affiche publicitaire et la Joconde côté à côté. Qu’est ce qui lui permettrait de savoir que l’une est une œuvre d’art considérée comme un des sommets de la création, et l’autre non ? » Et pourtant vous aimez l’art gothique, et vous ne vivez pas dans les mêmes conditions qu’au Moyen-Age.]
Non, mais je ne débarque pas fraîchement de mars non plus. J’entends parler du moyen-âge depuis que je suis tout petit. Je vis dans des villes ou l’architecture, l’urbanisme, l’art du moyen-âge sont présents. On m’a enseigné à l’école l’histoire de cette période. Même si je ne vis pas dans les mêmes conditions que ceux qui ont construit les cathédrales et qu’il m’est impossible de penser comme eux, j’ai un langage qui me permet de décrypter le langage iconographique, architectural, urbanistique du moyen-âge.
[Une partie du sens qui présidait à l’élaboration d’une cathédrale s’est perdu. On ne visite plus une église comme on la visitait à l’époque. Ce qui n’empêche pas d’être encore touché aujourd’hui, par leurs beautés.]
C’est tout à fait vrai. Nous ne regardons certainement pas la cathédrale comme pouvaient la regarder ses contemporains. C’est d’ailleurs pourquoi un contemporain n’aurait probablement pas hésité à modifier tel ou tel détail, telle ou telle sculpture que nous préservons précieusement aujourd’hui en hommage à son ancienneté. Mais nous ne la regardons pas non plus avec un regard vierge. Nous ne sommes pas ceux qui ont bâti, mais nous sommes leurs héritiers. Ils ne nous ont pas tout transmis, mais ils nous ont transmis beaucoup, suffisamment en tout cas pour que le monument nous parle.
Je pense à la nouvelle de H. P. Lovecraft, « Par delà les montagnes hallucinées ». Dans cette nouvelle, il crée un véritable sentiment d’étrangeté en présentant une ville dont l’architecture ne dit absolument rien au lecteur, précisément parce que celui-ci n’a aucune clé de lecture pour décrypter la description – très détaillée d’ailleurs – qui lui est donnée…
[Il y a des codes de représentations qui nous permettent de mieux appréhender une œuvre quand on entre dedans, qu’on fait l’effort de s’y intéresser, mais même sans cela je pense qu’on peut être ému sans rien savoir de l’œuvre.]
Si on l’est, c’est parce qu’on la rattache – abusivement d’ailleurs – à notre propre culture. On peut trouver une œuvre venue d’une culture qu’on ne connaît pas « jolie » au même titre qu’on peut trouver « jolie » une formation géologique ou un paysage naturel. Mais pour lui trouver une beauté liée à l’intention humaine, il nous faut avoir les moyens de décoder cette intention, sauf à projeter sur l’objet une intention issue de notre propre héritage.
Prenons un exemple. Certaines cultures fabriquent masque ou statues pour effrayer les esprits, et dans ce but ces statues doivent être aussi laides, aussi difformes que possible. Les colonisateurs, qui les ont regardées sans rien connaître à leur signification, les ont trouvés belles et les ont amenées dans nos musées. Mais comment en arrive à voir ce que les auteurs voulaient rendre laid et difforme comme beau et harmonieux ? C’est parce que nous plaquons sur ces objets notre histoire culturelle.
[Pour aimer ce savoir faut-il encore qu’il soit transmit, que des générations prennent le soin de conserver et de partagez toutes ces connaissances. Je trouve assez dramatique cette rupture avec les liens du passé. Mais c’est aussi à une nouvelle génération de se réapproprier cette culture, de la faire sienne, de l’entretenir… Et peut-être au passage de l’enrichir !]
C’est le sens de la Renaissance, qui après la « rupture » médiévale a renoué avec la culture grecque et latine.
@Descartes
Comment expliquez-vous que les hommes de la renaissance ont eu ce besoin de renouer avec l’héritage classique, alors qu’il avait quasiment disparu, et que par ailleurs la civilisation chrétienne avait atteint des sommets de l’art ?
@ Jacques Use
[Comment expliquez-vous que les hommes de la renaissance ont eu ce besoin de renouer avec l’héritage classique, alors qu’il avait quasiment disparu, et que par ailleurs la civilisation chrétienne avait atteint des sommets de l’art ?]
Je pense qu’on va chercher les références en fonction des problèmes du moment. A la fin du moyen-âge, le problème était la domination intellectuelle du dogme catholique qui empêchait tout progrès. Comment progresser dans la navigation alors qu’on était envoyé au feu parce qu’on prétendait que la terre était ronde ? Comment progresser dans la connaissance de la matière alors que l’alchimie – ancêtre de notre chimie moderne – était considérée comme diabolique ? Comment avancer dans la connaissance du corps humain alors que l’Eglise interdisait la dissection ?
Pour faire pièce à l’Eglise, il fallait trouver une idéologie pouvant se réclamer d’une légitimité supérieure. Et dans une société ou l’ancienneté était une source de légitimité, un retour au classicisme était la solution idéale. Cela tient au fait que grecs et romains ont développé une forme de rationalisme avant l’heure. Vous noterez qu’on a fait de même à la fin du XVIIIème siècle, lorsque là encore il s’est agi de combattre la « monarchie de droit divin » appuyée sur l’Eglise… et vous noterez qu’on revient chercher des références classiques chaque fois qu’il s’agit de lutter contre l’obscurantisme.
@Descartes
Si on à fait appel à plusieurs reprises à l’héritage classique, c’est qu’il véhicule des idéaux d’ordres, de raisons, de beautés. Ces valeurs ont mieux correspondu à l’époque moderne dans sa tentative de rationalisation. Encore faut-il s’entendre sur le terme de classicisme, l’idéologie des lumières si elle s’inspire de la Grèce antique, rajoute des notions de progrès et d’individualisme. Toutes choses qui étaient absentes dans la pensée des anciens.
@ Jacques Use
[Si on à fait appel à plusieurs reprises à l’héritage classique, c’est qu’il véhicule des idéaux d’ordres, de raisons, de beautés. Ces valeurs ont mieux correspondu à l’époque moderne dans sa tentative de rationalisation. Encore faut-il s’entendre sur le terme de classicisme, l’idéologie des lumières si elle s’inspire de la Grèce antique, rajoute des notions de progrès et d’individualisme. Toutes choses qui étaient absentes dans la pensée des anciens.]
Bien entendu. Ni la Renaissance ni les Lumières ne sont des mouvements réactionnaires de retour au passé. Plus que des mouvements de retour aux idées classiques, ce sont des mouvements de réinterprétation de ces idées dans un sens moderne. La vision que pouvaient avoir les hommes des Lumières de la démocratie grecque aurait certainement provoqué beaucoup de scepticisme chez Périclès…
J’ai une question et une remarque :
La question : pourquoi le titre ? En quoi le professeur est il un titan ? Le combat semble déséquilibré, non ?
La remarque : dans ce cas, comme dans celui d’Orelsan, ou d’ailleurs aussi de Dieudonné, se pose en filligramme la question de savoir si la création artistique doit être soumis à la loi ordinaire, sans considération pour le fait qu’il s’agit justement d’une création artistique.
On voit régulièrement des “créations”, qui pourraient, si elles n’étaient pas artistiques, être interdites pour outrages aux bonnes mœurs (qui n’existe plus sous cette dénomination), mais pour les délits qui y ont succédé (exhibitionnisme, portant atteinte à la dignité humaine…)
En particulier, un cas amusant m’a interpellé : Buren a “saccagé” le Palais Royal, mais il s’agissait de création artistique (le Palais Royal n’en est pas une ?).
Si ça avait été des ingénieurs qui avaient eu besoin de mettre des colonnes similaires, ça aurait été interdit par les architectes des bâtiments de France, mais au nom de la création artistique, c’est autorisé.
Le plus amusant dans cet exemple : Un artiste a récemment voulu compléter l’œuvre de Buren en mettant de manière temporaire des bandes horizontales sur les colonnes qui sont à coté de celles de Buren, mais ça a du être enlevé, au nom du droit moral des auteurs et créateurs (de Buren en l’occurrence).
Mais on ne dit rien du droit moral de l’artiste de “street art”… Bref, tout ceci se mord un peu la queue.
Je n’ose pas imaginer si un artiste voulait peindre un truc sur des colonnes… Aurait on le droit d’effacer son œuvre d’art, se trouvant elle même sur une œuvre d’art ? Bref, c’est inextricable…
@ Vincent
[La question : pourquoi le titre ? En quoi le professeur est il un titan ? Le combat semble déséquilibré, non ?]
Lisez bien le titre : ce n’est pas le professeur, c’est Eschyle qui est un « titan ». Et le combat est en effet très déséquilibré : Eschyle sera certainement lu et joué dans cent ans, alors que le CRAN ira probablement dans une poubelle de l’histoire… s’il a de la chance.
[La remarque : dans ce cas, comme dans celui d’Orelsan, ou d’ailleurs aussi de Dieudonné, se pose en filligramme la question de savoir si la création artistique doit être soumise à la loi ordinaire, sans considération pour le fait qu’il s’agit justement d’une création artistique.]
Non. Personne ne conteste que la création artistique doive être soumise à la loi ordinaire. Le problème posé par le cas de Brunet comme celui d’Orelsan, c’est de savoir si la création doit être soumise à des lois « extraordinaires », faites par des groupuscules « offensés ». Vous noterez que ni Orelsan ni Brunet n’ont pas fait l’objet de plaintes en justice. Le CRAN n’a pas déposé de recours en référé demandant l’interdiction de la pièce, pas plus que les féministes n’ont demandé au juge d’interdire « sale pute ». De ce point de vue, le cas de Dieudonné est très différent. C’est vers la justice que les partisans de l’interdiction de son spectacle se sont tournés.
[On voit régulièrement des “créations”, qui pourraient, si elles n’étaient pas artistiques, être interdites pour outrages aux bonnes mœurs (qui n’existe plus sous cette dénomination), mais pour les délits qui y ont succédé (exhibitionnisme, portant atteinte à la dignité humaine…)]
D’une manière générale, les juges sont indulgents lorsque l’acte délinquant est motivé par un but d’intérêt général. Et la création artistique est censée avoir un but d’intérêt général. Mais cela ne retire pas à l’acte son caractère délinquant.
[En particulier, un cas amusant m’a interpellé : Buren a “saccagé” le Palais Royal, mais il s’agissait de création artistique (le Palais Royal n’en est pas une ?).]
C’est une opinion. Mais le juge n’a que faire des opinions. Buren avait été autorisé par le ministère de la culture et par l’architecte des monuments historiques. Son acte était peut-être indécent, mais il n’était pas illégal.
Merci pour ce texte. Je relève deux petites fautes, si je puis me permettre: “Dionysies” (le “y” n’est pas après le “D”), et vous avez mis deux “l” à Eschyle dans le titre.
J’ajouterai que le CRAN a réclamé une “conférence de rééducation” où Brunet et ses acteurs sont sommés d’être présents. Mais la Sorbonne a apporté son soutien à l’universitaire et a promis qu’une autre représentation aurait lieu. Le Ministère semble tenir le même langage. Globalement, je dois dire que je ne suis pas trop inquiet: dans deux siècles, on lira encore Eschyle alors que les dirigeants du CRAN, de la LDNA, de la BAN mais aussi de l’UNEF (qui a soutenu cette censure) auront rejoint les poubelles de l’histoire.
Je me permettrai deux autres remarques:
D’abord, les apprentis-sorciers “antiracistes” des années 80 ont créé des monstres (Indigènes de la République, Collectif contre l’Islamophobie en France, CRAN, LDNA, et j’en passe) dont ils ont perdu le contrôle. Et ce sont ces groupes, aujourd’hui, qui tiennent le haut du pavé de la mouvance antiraciste, conduisant les vieilles associations à un silence gêné (que disent SOS-Racisme et la Licra de cette affaire?) ou à une surenchère (il y a quelques années, c’était la voie adoptée par le MRAP). Au nom d’une “convergence des luttes” poussée jusqu’à l’absurde, on voit des partis de gauche radicale, comme le NPA, jadis féministes, pro-avortement, athées déclarés, présenter des candidates voilées. Ce que ces gens n’ont pas vu, ou n’ont pas voulu voir, c’est qu’en diffusant une idéologie différentialiste, car c’est de cela qu’il s’agit, eh bien ils préparaient en réalité le retour d’un discours raciste ou du moins racialiste. Que Jules Ferry dise: “il est du devoir des races supérieures d’apporter la civilisation aux races inférieures” ou qu’un responsable (blanc) du syndicat SUD justifie une réunion réservée aux “racisés” en déclarant que: “nous, en tant que membres du groupe dominant, ne pouvons pas nous mettre à la place des racisés victimes de discrimination”, il n’y a finalement pas tant de différence que cela dans la conception “racialiste” du monde… Enfin si: Ferry, lui, pensait que l’échange était possible et que les “racisés” pouvaient apprendre quelque chose des blancs, alors que l’antiraciste contemporain estime que le non-blanc n’a tellement rien à apprendre des blancs qu’il vaudrait presque mieux qu’il les évite.
Maintenant, à qui profite le crime? Je m’étonne, Descartes, que vous n’ayez pas rappelé que, selon vous, tout ce discours antiraciste, qui au final est un discours ségrégationniste, a été élaboré par les “classes intermédiaires” en espérant ainsi que les “indigènes” resteraient sagement à leur place. Mais le prix à payer, c’est la censure, la reconnaissance des particularismes, le “respect” des coutumes et des traditions même quand elles sont contraires à “nos valeurs”. Le prix à payer, c’est la haine des uns étalée au grand jour et considérée avec une relative bienveillance par les élites, et l’obligation pour les autres de taire leur ressentiment qui, sitôt exprimé, est tout de go diabolisé. Tiens une petite question: devant combien de boucheries hallal les vegans ont-ils manifesté?
Pour ma part, je suis convaincu que cet incident (mais il y en a d’autres, moins spectaculaires) montre une réalité, peut-être désagréable, mais à mon sens indéniable: le retour de “la question raciale”. Des années 60 aux années 90, du combat de Martin Luther King à l’élection de Nelson Mandela, l’Occident s’est bercé d’illusions, nous avons cru que la “question raciale” était dépassée, que l’égalité était à portée de main et que la couleur de peau n’aurait plus aucune importance. Eh bien l’on s’aperçoit qu’on s’est trompé. On a cru également qu’en bâtissant des sociétés multiculturelles, pluriconfessionnelles, polyethniques, métissées, le racisme allait s’évanouir comme par enchantement. Grave erreur, et pourtant certains y croient encore.
Un peu partout dans les pays d’Occident, on commence à s’apercevoir que l’origine, la couleur de peau, la religion, tout cela n’est pas aussi anodin qu’il y paraît, et qu’une citoyenneté abstraite saupoudrée de liberté ne suffit pas à faire l’unité de la société. Même aux Etats-Unis, pays d’immigration, pays fier de son “melting-pot”, une partie de la population blanche non-hispanique commence à comprendre que son déclin démographique va avoir des conséquences sur la culture et l’identité du pays. Les noirs et les latinos ont beau parler anglais, appeler leurs enfants “John” ou “Hillary”, une société américaine où les blancs en général et les WASP en particulier seront minoritaires (et d’après les projections, ce pourrait être le cas avant le milieu du siècle), ce ne sera plus vraiment l’Amérique. Dans un autre contexte, les Pays-Bas ou la Suède, des pays nordiques, policés, prospères, accueillants, libéraux et tolérants, voient la montée (spectaculaire dans le cas néerlandais) de formations politiques anti-immigration et islamophobes. Comme si, finalement, l’idée que les grands blonds aux yeux bleus ne soient plus majoritaires dans ces pays n’était pas si réjouissante que cela…
Ce que je vais dire va paraître très étrange, mais je pense que la couleur de peau n’a aucune importance… quand tout le monde a à peu près la même! Mais si, dans un pays, vous faites cohabiter des populations présentant des phénotypes très différents, la question de la visibilité finit par se poser. Il faut voir quelle alchimie subtile préside aujourd’hui au casting d’une série américaine: il faut un noir, un latino, un Asiatique, un homosexuel, sans oublier une relative parité. Et c’est pratiquement la même chose en France: beaucoup de publicités présentent aujourd’hui des couples biraciaux. Un couple français type, c’est une femme blanche et un homme arabe ou noir; et s’il y a deux blancs, ce sont de préférence des homosexuels. Vous allez me dire: après tout est-ce grave? D’abord, je trouve que c’est une façon insidieuse d’imposer un modèle de société “métisse” qui est un modèle discutable. Ensuite, cela conduit à des aberrations: vous vous demandez, Descartes, si l’Afrique devrait faire venir des comédiens blancs pour jouer Molière, mais est-ce qu’a contrario on doit se sentir obligé de mettre un noir au casting quand cela ne se justifie pas? Je regardais il y a peu la bande-annonce d’un film retraçant la vie de la reine d’Ecosse Mary Stuart (une reconstitution historique donc, plus ou moins romancée) et, à un moment, un aristocrate black vêtu à la mode du XVI° siècle, apparaît au milieu d’une Cour peuplée uniquement de blancs. C’est ridicule, d’autant qu’il est le seul personnage noir que l’on voit. A quand des biopic avec Djamel Debbouzze dans le rôle de Clemenceau ou Omar Sy dans le rôle de De Gaulle?
La cohabitation des différentes ethnies en France n’est pas possible, d’autant que le discours bienpensant a opéré une distinction lourde de sens: si tous les non-blancs sont invités à cultiver leurs racines, à être fiers de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, le même droit n’est pas accordé aux blancs! Malheur à celui qui se dira fier de ses origines françaises, de sa religion catholique, de ses traditions. Quant à la “fierté d’être blanc”, n’en parlons même pas: c’est du nazisme. Mais j’entends régulièrement dire: “il n’y a pas assez de noirs à l’Assemblée”, “il n’y a pas assez de noirs dans les postes de direction”, “il n’y a pas assez d’Arabes à la télé”. Mais s’il n’y a pas assez de gens de couleur, c’est donc qu’il y a trop des autres. Et qui sont les autres? Les blancs. Il y a donc trop de blancs en France. Il faudra qu’on m’explique comment on peut exiger de moi que je considère comme des compatriotes des gens qui estiment que je suis de trop dans ce pays…
@ nationaliste-ethniciste
[J’ajouterai que le CRAN a réclamé une “conférence de rééducation” où Brunet et ses acteurs sont sommés d’être présents. Mais la Sorbonne a apporté son soutien à l’universitaire et a promis qu’une autre représentation aurait lieu. Le Ministère semble tenir le même langage.]
Trop peu, trop tard. L’Etat a une responsabilité régalienne de permettre l’exercice paisible des activités licites par les citoyens. C’est pour cela que nous entretenons avec nos impôts une police. « Promettre qu’une autre représentation aura lieu » (on ne sait pas où, quand ou comment) ne suffit pas. L’Université et le ministère auraient dû marquer le fait que ce genre de violence est inacceptable en faisant appel à la police pour dégager les entrées et en portant plainte. En s’abstenant, elles accréditent l’idée que ce genre de procédés sont admissibles dans les enceintes universitaires.
Les appels très « révolution culturelle » à la rééducation de Brunet et son équipe rentrent dans la logique totalitaire du CRAN. C’est déjà plus inquiétant lorsque l’UNEF se fait l’écho de ces discours. Remarquez, il suffit d’aller faire un petit tour dans le site internet de l’UNEF pour voir combien cette organisation est devenue une succursale du communautarisme faussement « antiraciste ». Dans la page de présentation, on ne trouve que des articles sur les discriminations raciales ou sexuelles. Pas un mot sur les problèmes des étudiants – et pourtant, la matière ne manque pas. Et on se souvient de la récente campagne « antiraciste » de l’UNEF ou des étudiants se proclamaient « racisés »…
[Globalement, je dois dire que je ne suis pas trop inquiet: dans deux siècles, on lira encore Eschyle alors que les dirigeants du CRAN, de la LDNA, de la BAN mais aussi de l’UNEF (qui a soutenu cette censure) auront rejoint les poubelles de l’histoire.]
J’ai souri devant ce paragraphe, identique presque mot pour mot à celui que j’avais écrit dans ma réponse à un autre commentateur. Comme quoi les grands esprits se rencontrent… Comme vous, je ne suis pas très inquiet pour Eschyle, qui en a vu d’autres. Je suis plus inquiet pour notre université et ses étudiants, et pour les Brunet du futur. Si l’institution ne protège pas les professeurs qui, comme lui, font un véritable effort d’étude et de transmission du patrimoine classique, il y a fort à craindre que demain l’Université devienne une institution intellectuellement stérile, gouvernée par les dogmes des minorités agissantes. Ce n’est pas Eschyle qu’il faut défendre, c’est l’institution universitaire.
[Au nom d’une “convergence des luttes” poussée jusqu’à l’absurde, on voit des partis de gauche radicale, comme le NPA, jadis féministes, pro-avortement, athées déclarés, présenter des candidates voilées.]
Vous noterez quand même que « au nom d’une convergence des luttes », ces gens ont surtout atomisé les luttes. Là où hier les grands partis comme le PCF entrainaient des Français et des immigrés, qu’ils soient catholiques, juifs, musulmans ou athées, blancs ou noirs, hommes et femmes, dans des luttes politiques et syndicales communes, on se trouve devant une sorte de « marché politique » ou s’affrontent les revendications spécifiques de « communautés » chaque fois plus petites. Les féministes noires reprochent aux féministes blanches de prendre toute la place, les féministes noires lesbiennes reprochent aux féministes noires hétérosexuelles de faire de même, et ainsi de suite.
[Ce que ces gens n’ont pas vu, ou n’ont pas voulu voir, c’est qu’en diffusant une idéologie différentialiste, car c’est de cela qu’il s’agit, eh bien ils préparaient en réalité le retour d’un discours raciste ou du moins racialiste.]
Je pense qu’il l’ont vu, et qu’ils l’ont fait en connaissance de cause. Vous semblez croire que ces gens-là étaient des vrais antiracistes, mais vous avez tort. Ces gens sont vraiment, profondément racistes, en ce sens qu’ils sont convaincus qu’il y a des races et que l’appartenance à telle ou telle race détermine des comportements. Comment, sinon, expliquer une idéologie qui demande une plus grande diversité ethnique des élus, ce qui implique admettre qu’un noir ne peut être représenté que par un noir, un arabe que par un arabe ?
[Maintenant, à qui profite le crime? Je m’étonne, Descartes, que vous n’ayez pas rappelé que, selon vous, tout ce discours antiraciste, qui au final est un discours ségrégationniste, a été élaboré par les “classes intermédiaires” en espérant ainsi que les “indigènes” resteraient sagement à leur place.]
Je l’ai tellement dit, que je n’ai pas vu l’intérêt de le rappeler. Mais vous savez que je suis à 100% d’accord avec vous. Toute idéologie qui pousse les gens à se contenter de ce qu’ils sont est une idéologie immobiliste, qui contribue à reproduire la structure sociale.
[Pour ma part, je suis convaincu que cet incident (mais il y en a d’autres, moins spectaculaires) montre une réalité, peut-être désagréable, mais à mon sens indéniable: le retour de “la question raciale”.]
Plus qu’un retour, je pense qu’il s’agit d’une « importation ». Car la « question raciale » ne s’est jamais posée chez nous dans ces termes. Même la pratique du « blackface » en ce qu’elle avait de dégradante est une pratique américaine. Si chez nous des acteurs blancs se sont grimés pour représenter des personnages noirs – Othello est l’exemple le plus connu – c’était sans intention de mise en scène de préjugés raciaux. Depuis la Révolution française, il n’y a jamais eu en France de ségrégation. On n’a jamais vu à Paris des toilettes ou des bus réservés aux noirs. Il n’a jamais été question de faire une distinction ethnique en droit, que ce soit en matière de droits politiques, de droit du travail ou de droit de la famille. Notre droit ne fait d’ailleurs référence au mot « race » que pour interdire toute discrimination basé sur ce critère. La « question raciale » est chez nous importée tout droit des USA. En France, le racisme est une attitude individuelle, pas une politique d’Etat.
[Des années 60 aux années 90, du combat de Martin Luther King à l’élection de Nelson Mandela, l’Occident s’est bercé d’illusions, nous avons cru que la “question raciale” était dépassée, que l’égalité était à portée de main et que la couleur de peau n’aurait plus aucune importance. Eh bien l’on s’aperçoit qu’on s’est trompé.]
Je ne crois pas qu’on se soit trompé. Et je ne partage pas l’idée qu’aujourd’hui en France la couleur de peau aurait une « importance » quelconque. Les mouvements « antiracistes » genre CRAN sont d’ailleurs ultra-marginaux, et leur influence ne se fait sentir que chez les intellectuels et les bobos. Je me demande combien d’ouvriers noirs en France savent que le CRAN existe – et viceversa. Le NPA peut présenter une candidate voilée, mais franchement, en dehors de ce que cela témoigne de la dégradation de la pensée politique à gauche, tout le monde s’en fout.
Marx disait que l’histoire se répète, la première fois c’est une tragédie, la deuxième, une farce. La « question raciale » d’aujourd’hui est une farce, un prétexte qui permet à des personnages comme Tin et à des groupuscules qui ne représentent pas grande chose d’exploiter la faiblesse des institutions pour se tailler une petite parcelle de pouvoir.
[Un peu partout dans les pays d’Occident, on commence à s’apercevoir que l’origine, la couleur de peau, la religion, tout cela n’est pas aussi anodin qu’il y paraît, et qu’une citoyenneté abstraite saupoudrée de liberté ne suffit pas à faire l’unité de la société.]
Je reconnais là un thème qui vous est cher, et que je partage avec quelques nuances.
[Ce que je vais dire va paraître très étrange, mais je pense que la couleur de peau n’a aucune importance… quand tout le monde a à peu près la même! Mais si, dans un pays, vous faites cohabiter des populations présentant des phénotypes très différents, la question de la visibilité finit par se poser. Il faut voir quelle alchimie subtile préside aujourd’hui au casting d’une série américaine: il faut un noir, un latino, un Asiatique, un homosexuel, sans oublier une relative parité.]
C’est là la nuance dont je parlais plus haut. Je ne crois pas que la question de la visibilité soit un problème. Après tout, un marseillais et un strasbourgeois, un brestois et un flamand, un juif « pied noir » et un juif alsacien ont des « phénotypes » fort différents, et je ne crois pas que cela ait posé un véritable problème dans la construction de la France. Pourquoi la couleur de la peau poserait plus de difficultés que la couleur des cheveux, par exemple ?
La question de la visibilité commence à poser un problème lorsqu’on rattache cette visibilité à une logique de communauté. S’il y avait une « communauté des bruns », une « communauté des roux » et une « communauté des blonds », censées avoir chacune sa propre culture, sa propre économie, ses propres intérêts, et dont les membres se doivent solidarité les uns aux autres, la couleur de cheveux poserait un problème et dans le casting des séries on devrait faire gaffe à avoir un blond, un brun et un roux parmi les héros. Le problème n’est donc pas la « visibilité », mais la manière comme cette visibilité s’interprète. C’est là que la « citoyenneté abstraite » peut nous aider. Parce qu’admettre une citoyenneté abstraite revient justement à dire que le fait d’être noir n’implique en rien partager avec les autres noirs une culture, une économie, une intérêt commun ni leur devoir une solidarité particulière. Et si je sais que mon collègue noir et mon collègue blanc se comporteront de la même manière vis-à-vis de moi, en quoi leur « visibilité » me poserait-elle un problème ?
[Et c’est pratiquement la même chose en France: beaucoup de publicités présentent aujourd’hui des couples biraciaux. Un couple français type, c’est une femme blanche et un homme arabe ou noir; et s’il y a deux blancs, ce sont de préférence des homosexuels. Vous allez me dire: après tout est-ce grave?]
Oui, je le pense. Mais pas pour la raison que vous pensez. Je suis convaincu que cette présentation témoigne du fait que de plus en plus on rattache les identités « visibles » à des identités « communautaires ». Pour le dire autrement, on est blanc ou noir, femme ou homme, avant d’être citoyen. Si je suis noir, seul un noir peut me représenter (au Parlement comme sur l’affiche) parce qu’il partage avec moi une culture, un intérêt, une solidarité qui n’est pas ouverte aux autres.
[mais est-ce qu’a contrario on doit se sentir obligé de mettre un noir au casting quand cela ne se justifie pas? Je regardais il y a peu la bande-annonce d’un film retraçant la vie de la reine d’Ecosse Mary Stuart (une reconstitution historique donc, plus ou moins romancée) et, à un moment, un aristocrate black vêtu à la mode du XVI° siècle, apparaît au milieu d’une Cour peuplée uniquement de blancs. C’est ridicule, d’autant qu’il est le seul personnage noir que l’on voit.]
Il y a pire. Dans la série « Merlin », censée se dérouler du temps du roi Arthur, on trouve un chevalier de la table ronde noir… Oui, tout ça est ridicule. Mais cela tient plus à la logique « communautaire » qu’à la logique raciale. Pour exister, pour demander sa place à table et pouvoir concurrencer les autres communautés dans la course aux prébendes, chaque communauté doit se rendre visible. C’est cela qui explique l’injonction permanente de rendre visible son appartenance communautaire. Alors que pendant des siècles les juifs ont cherché à échapper aux obligations qui leur étaient faites de se singulariser en portant des vêtements distinctifs, aujourd’hui les institutions communautaires encouragent le port de la kipa dans l’espace public. Chez les musulmans, c’est le voile ou le kamis et la barbe qui sont chaudement recommandés, alors que la génération précédente cherchait au contraire à se fondre dans la masse. Et c’est normal : puisque la visibilité rapporte, tout le monde cherche à se rendre visible. Le problème n’est donc pas la « visibilité » raciale de telle ou telle population, mais le fait que la société encourage la différenciation communautaire par une « culture de l’offense » qui rapporte gros. L’affichage de ces différences dans les séries télévisées ou les castings de films ne sont que la conséquence.
[La cohabitation des différentes ethnies en France n’est pas possible, d’autant que le discours bienpensant a opéré une distinction lourde de sens: si tous les non-blancs sont invités à cultiver leurs racines, à être fiers de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, le même droit n’est pas accordé aux blancs! Malheur à celui qui se dira fier de ses origines françaises, de sa religion catholique, de ses traditions.]
Personnellement, je trouve idiot d’être « fier » de ce qu’on EST par hasard. Etre « fier » d’être né dans tel ou tel bled, dans telle ou telle famille, dans telle ou telle religion me paraît le comble de l’absurde. La seule « fierté » rationnelle est liée à ce qu’on a FAIT. Etre « fier » d’être français a un sens si l’on se conçoit en continuateur de la construction de la France – et c’est pourquoi cette « fierté » est ouverte tant aux français de naissance comme vous qu’aux français d’élection comme moi. On peut être « fier » d’une tradition lorsqu’on se donne pour devoir de l’enrichir et de la maintenir. Mais cela veut dire quoi « être fier d’être catholique » ? C’est un peu comme être fier d’aimer le gâteau à l’orange…
Je pense par ailleurs que vous inversez la cause et la conséquence : la cohabitation entre les différentes ethnies en France n’a rien « d’impossible ». La France n’a jamais été un pays ethniquement homogène. Pour moi, c’est la « distinction lourde de sens » en communautés qui a rendu la cohabitation des différentes ethnies non pas « impossible » en général, mais impossible dans la logique républicaine française. C’est parce qu’on a trahi le discours des Lumières qu’on en arrive là. Inviter les gens à « être fiers de leur couleur de peau » ou « fiers de leurs origines », c’est postuler que la « couleur de peau » ou les « origines » ont une importance. A partir de là, la tentation d’organiser la société en fonction du « couleur de peau » ou des « origines » est irrésistible.
[Quant à la “fierté d’être blanc”, n’en parlons même pas: c’est du nazisme. Mais j’entends régulièrement dire: “il n’y a pas assez de noirs à l’Assemblée”, “il n’y a pas assez de noirs dans les postes de direction”, “il n’y a pas assez d’Arabes à la télé”. Mais s’il n’y a pas assez de gens de couleur, c’est donc qu’il y a trop des autres. Et qui sont les autres? Les blancs. Il y a donc trop de blancs en France. Il faudra qu’on m’explique comment on peut exiger de moi que je considère comme des compatriotes des gens qui estiment que je suis de trop dans ce pays…]
Là, vous exagérez un peu. Qu’on dise « il y a trop de blancs à l’Assemblée », « il y a trop de blancs à la télé » ou « il y a trop de blancs dans les postes de direction » n’équivaut pas à dire « il y a trop de blancs dans le pays ». Une chose c’est demander une représentation proportionnelle au poids ethnique de chaque groupe, une autre de changer la composition ethnique du pays.
Au risque de me répéter, je vois dans le discours que vous dénoncez une manifestation de l’idéologie « communautaire ». L’idée sous-jacente est que les communautés ont des « droits », et en particulier le « droit » de voir leurs membres accéder aux postes, grades et fonctions en proportion à leur poids démographique. Ainsi, si les noirs représentent 10% de la population, ils auraient « droit » à 10% des sièges de député, à 10% des postes dans les conseils d’administration, à 10% des titres de docteur en médecine, et cela sans référence à un quelconque critère objectif de compétence. Tout écart à cette norme est un « déni de droits ». Vous noterez que c’est exactement le même raisonnement qui préside aux demandes de « parité » en matière de sexe…
@ Descartes,
Merci pour votre réponse courtoise et détaillée, comme toujours.
“« Promettre qu’une autre représentation aura lieu » (on ne sait pas où, quand ou comment) ne suffit pas.”
Je crois me rappeler que la représentation doit avoir lieu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Une manière (peut-être) de défier les groupuscules afro-identitaires.
“Remarquez, il suffit d’aller faire un petit tour dans le site internet de l’UNEF pour voir combien cette organisation est devenue une succursale du communautarisme faussement « antiraciste ».”
L’UNEF? C’est pour ainsi dire l’antenne étudiante des Indigènes de la République. Cela nous rappelle que, pour peu nombreux qu’ils soient, ces “militants” sont organisés, influents et leur capacité de nuisance est grande, surtout au regard de leurs effectifs. Mais même du temps où l’UNEF n’était pas le mouvement des jeunesses indigénistes, leur rhétorique était abjecte. Je me souviens, quand j’étais étudiant, d’un document affiché par l’UNEF où il était écrit: “si vous êtes pris à tricher durant une épreuve, exigez de pouvoir terminer l’épreuve, le professeur n’a pas le droit de vous prendre votre copie ou de vous exclure; puis adressez-vous à nous pour que nous défendions vos droits”. Défendre les droits des tricheurs? C’est admirable, en effet.
“il y a fort à craindre que demain l’Université devienne une institution intellectuellement stérile, gouvernée par les dogmes des minorités agissantes.”
Notez bien que je ne veux pas noircir le tableau, mais le processus est déjà avancé. Pour vous donner un exemple, un universitaire spécialiste de préhistoire et de proto-histoire, dont je ne citerai pas le nom, fait régner la terreur dans le milieu des chercheurs qui s’intéressent à la question des Indo-européens (leur origine, leur migration, etc). Ce monsieur a décidé que le concept d’ “Indo-européens” était un relent de nazisme, donc il est interdit de l’utiliser. Sauf que la linguistique a établi depuis longtemps qu’il existe un groupe de “langues indo-européennes”, et ces langues ne sont pas descendues du ciel, elles sont arrivées en Europe avec des populations (qui bien sûr, se sont mélangées avec les populations déjà présentes, il ne s’agit pas d’imaginer des grands blonds aux yeux bleus arrivant sur des chars pour civiliser les populations du néolithique).
“Car la « question raciale » ne s’est jamais posée chez nous dans ces termes. Même la pratique du « blackface » en ce qu’elle avait de dégradante est une pratique américaine.”
Il y a eu le Code noir sous l’Ancien Régime et le statut d’indigène durant l’époque coloniale, mais il est vrai que la métropole n’était pas véritablement concernée. Je le dis parfois aux collègues: les Afro-américains venus en 1917 par exemple, ont été frappés par le fait que les Français (blancs s’entend) se montraient bien moins racistes et plus respectueux que les blancs américains. Mais que voulez-vous, je prêche dans le désert. Que peuvent des types comme nous face à Lilian Thuram, Rockaya Diallo, quand en plus ces identitaires noirs reçoivent la caution d’universitaires comme François Durpaire?
“Les mouvements « antiracistes » genre CRAN sont d’ailleurs ultra-marginaux, et leur influence ne se fait sentir que chez les intellectuels et les bobos.”
Là, je ne vous suis qu’à moitié. Certes, les effectifs du CRAN et son pouvoir réel sont au fond dérisoires. Mais le discours identitaire “afro-” dépasse de beaucoup le cercle de ces activistes de salon. Il prospère sur le terreau du communautarisme des banlieues. Même si peu de noirs connaissent le CRAN, l’idée que les noirs forment une population à part, avec un passé d’opprimés, victimes de l’esclavage comme de la colonisation, cette idée est redoutablement répandue parmi les noirs, y compris de milieux modestes. J’ai des exemples précis en tête. Le CRAN est la partie visible d’une idéologie qui travaille les populations noires de France. Le discours des médias, de certains politiques, de plus en plus d’universitaires encourage le phénomène, peut-être plus que le CRAN lui-même.
“Je reconnais là un thème qui vous est cher”
C’est ma marotte, que voulez-vous. On ne se refait pas.
“Personnellement, je trouve idiot d’être « fier » de ce qu’on EST par hasard. Etre « fier » d’être né dans tel ou tel bled, dans telle ou telle famille, dans telle ou telle religion me paraît le comble de l’absurde.”
Je ne suis pas tout à fait d’accord. On peut être fier de sa famille, de sa religion, de sa patrie. La logique de la lignée s’est toujours bâtie sur la fierté tirée des exploits des ancêtres. Mais, et là peut-être nous nous rejoignons, cette fierté implique à mes yeux un devoir, une obligation, très forte: perpétuer, préserver, transmettre. Je le redis: être un héritier, ce n’est pas déshonorant, à condition de se montrer digne de l’héritage. Moi-même, je vous l’avoue, je ne me considère pas toujours comme étant à la hauteur de ce que mes ancêtres m’ont légué. J’ai tendance à perdre la foi dans mon pays, alors que dans une situation bien plus dramatique, certains de mes ancêtres ont combattu et vaillamment.
“Mais cela veut dire quoi « être fier d’être catholique » ?”
Je ne me permettrai pas de parler au nom de tous les catholiques. En ce qui me concerne, c’est la fierté d’être affilié directement à une tradition religieuse qui a beaucoup contribué à l’identité de la France ainsi qu’à son patrimoine. Bien sûr, quand vous visitez la cathédrale de Reims, Descartes, vous êtes comme moi ému dans ce lieu chargé d’histoire, vous admirez la splendide architecture gothique, vous vibrez au souvenir du sacre de ces rois “qui ont fait la France” alors que vous n’êtes pas catholique. Je ne conteste pas (et de quel droit le ferai-je?) que vous aussi vous fassiez vôtre cette filiation. Malgré tout, l’héritage est plus direct pour moi que pour vous, d’autant que de votre côté, il y a une autre filiation religieuse dont peut-être vous tirez quelque fierté même si vous n’êtes pas croyant.
“La France n’a jamais été un pays ethniquement homogène.”
Si je m’en tiens aux dernières études génétiques sur les populations européennes, il y a une relative homogénéité des Européens de l’Ouest, qui descendent essentiellement des populations d’agriculteurs néolithiques originaires du Proche-Orient, mélangés à une population originaire des steppes pontiques (les possibles locuteurs des langues indo-européennes d’après certains chercheurs). La différence entre un Flamand et un Breton est plus culturelle que “raciale”. Je côtoie d’ailleurs pas mal de gens d’origine bretonne, et je n’ai pas réussi à définir un phénotype breton… En fait, les différences de phénotypes tiennent à la proportion: il y a des Portugais et des Italiens blonds, simplement ils sont proportionnellement moins nombreux que les Allemands ou les Flamands blonds. Les Subsahariens blonds, ça reste rare…
“Là, vous exagérez un peu. Qu’on dise « il y a trop de blancs à l’Assemblée », « il y a trop de blancs à la télé » ou « il y a trop de blancs dans les postes de direction » n’équivaut pas à dire « il y a trop de blancs dans le pays ».”
J’exagère, oui, mais on y viendra. Quant à l’idée de changer la composition ethnique de la France, elle a déjà été exprimée clairement et sans détour par certains identitaires noirs, dont Rockaya Diallo.
“je vois dans le discours que vous dénoncez une manifestation de l’idéologie « communautaire ».”
Mais cette idéologie communautaire est profondément raciste. C’est elle qui a réintroduit (ou importé, si vous préférez) la question raciale. C’est moins Le Pen que les antiracistes qui ont produit un discours sur la race ces trente dernières années. Seulement, ce discours a produit ses effets et nous devons vivre avec les conséquences.
Vous savez, je suis en plein désarroi. Je ne reconnais plus mon pays. Que ce soit au travail ou dans mon quartier, je vis au milieu d’un patchwork de cultures, de religions, d’ethnies. Et, d’une certaine manière, je finis par me définir en fonction de cet environnement: parce que les autres sont noirs, Arabes ou Cambodgiens, je suis blanc de type européen; parce que les autres sont musulmans ou protestants évangéliques, je suis catholiques, et ainsi de suite. Je ne pense pas avoir fondamentalement de problème avec l’altérité, simplement la multiplication des altérités et leur affichage ostensible finit par créer un monde qui m’apparaît insupportable. Et je suis d’accord avec vous que ce n’est pas qu’un problème de race mais quand on en arrive à se dire “voyons, ah, on ne peut pas prendre un verre avec machin, il ne boit pas d’alcool à cause de l’islam, pas de viande avec bidule, il est vegan, ne parlons pas de tel ou tel sujet, truc est féministe et se sentira offensée”, pour moi, c’est invivable. Peut-être est-ce condamnable mais je l’admets: j’aspire à vivre dans une société plus homogène, ethniquement, religieusement, culturellement. Une société où les hommes et les femmes ont les mêmes droits sans que cela efface les différences ou empêche la galanterie et la séduction. Une société où la famille “normale”, c’est un père et une mère, sans pour autant persécuter les homosexuels.
Vous le savez, j’ai toujours voulu que nos échanges soient placés sous le sceau de l’honnêteté. Aujourd’hui, je vous le dis, Descartes: je suis de plus en plus tenté par une redéfinition ethnico-religieuse de la nation française. Une France blanche, appuyée sur les trois religions “historiques” (catholicisme bien sûr, protestantisme “traditionnel”, judaïsme ashkénaze), une France qui restreindrait fortement le droit du sol pour privilégier le droit du sang, une France qui imposerait prénoms à consonance française et francisation des patronymes aux descendants d’étrangers destinés à rester. Dans ce contexte, je l’avoue, je ne puis me départir d’une certaine sympathie pour des gens comme Salvini, Orban, Wilders, ceux que notre président désigne comme les méchants nationalistes. La conception jacobine et républicaine de l’identité française me paraît bien malade et pour tout vous dire sans grand avenir. A droite, où sont les jacobins? Isolés, dispersés, sans influence. A gauche, je ne parlerai pas du PCF, devenu écolo-diversitaire, mais où sont les héritiers de Chevènement? Ils sont inaudibles. Les seuls que je vois en mesure de peser pour défendre mon identité culturelle, pour redonner des cadres à cette société déliquescente, ce sont les nationalistes identitaires.
@ nationaliste-ethniciste
[Je crois me rappeler que la représentation doit avoir lieu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Une manière (peut-être) de défier les groupuscules afro-identitaires.]
Si l’institution organise une représentation en grande pompe, dans le grand amphithéâtre et avec la présence des plus hautes autorités universitaires, je me considérerai comme satisfait. Mais franchement, je doute fort que ce soit le cas, lorsque je lis les réactions de nos chers intellectuels…
[Là, je ne vous suis qu’à moitié. Certes, les effectifs du CRAN et son pouvoir réel sont au fond dérisoires. Mais le discours identitaire “afro-” dépasse de beaucoup le cercle de ces activistes de salon. Il prospère sur le terreau du communautarisme des banlieues. Même si peu de noirs connaissent le CRAN, l’idée que les noirs forment une population à part, avec un passé d’opprimés, victimes de l’esclavage comme de la colonisation, cette idée est redoutablement répandue parmi les noirs, y compris de milieux modestes.]
Nous sommes d’accord aux nuances près : le discours « afro » n’est que la variante noire de l’idéologie communautariste que nos « élites » intellectuelles ont importé des Etats-Unis et continuent à diffuser malgré des résultats catastrophiques qui sont aujourd’hui de plus en plus visibles. Mais la bataille « culturelle » du CRAN qui prétend chasser Eschyle de l’Université est un combat ultraminoritaire. A mon avis, les deux discours sont parallèles, mais ne sont pas forcément liés.
[Je ne suis pas tout à fait d’accord. On peut être fier de sa famille, de sa religion, de sa patrie. La logique de la lignée s’est toujours bâtie sur la fierté tirée des exploits des ancêtres. Mais, et là peut-être nous nous rejoignons, cette fierté implique à mes yeux un devoir, une obligation, très forte: perpétuer, préserver, transmettre.]
Pour moi, c’est cette obligation et elle seule qui donne un sens à la « fierté » en question, parce que c’est elle qui transforme la personne de simple héritier involontaire en acteur.
[« La France n’a jamais été un pays ethniquement homogène. » Si je m’en tiens aux dernières études génétiques sur les populations européennes, il y a une relative homogénéité des Européens de l’Ouest, qui descendent essentiellement des populations d’agriculteurs néolithiques originaires du Proche-Orient, mélangés à une population originaire des steppes pontiques (les possibles locuteurs des langues indo-européennes d’après certains chercheurs). La différence entre un Flamand et un Breton est plus culturelle que “raciale”.]
Je ne suis pas d’accord. Le « type celte » et le « type germanique » sont reconnaissables aujourd’hui encore à l’œil nu. La politique de brassage des populations des jacobins a beaucoup fait pour atténuer ces différences, mais pour la plus longue partie de l’histoire de France ces différences restaient très fortes, au point qu’encore au XIXème siècle certains écrivains parlaient de « race provençale » ou de « race bretonne ».
[« je vois dans le discours que vous dénoncez une manifestation de l’idéologie « communautaire ». »
Mais cette idéologie communautaire est profondément raciste. C’est elle qui a réintroduit (ou importé, si vous préférez) la question raciale.]
L’idéologie communautaire est profondément « différentialiste ». Elle est donc raciste, sexiste et xénophobe puisqu’elle fait des différences de race, de sexe ou d’origine des essences qui déterminent les individus. Le paradoxe est que sous le paravent de lutter contre le racisme, le sexisme et la xénophobie on diffuse une idéologie qui va dans le sens contraire.
[Je ne pense pas avoir fondamentalement de problème avec l’altérité, simplement la multiplication des altérités et leur affichage ostensible finit par créer un monde qui m’apparaît insupportable. Et je suis d’accord avec vous que ce n’est pas qu’un problème de race mais quand on en arrive à se dire “voyons, ah, on ne peut pas prendre un verre avec machin, il ne boit pas d’alcool à cause de l’islam, pas de viande avec bidule, il est vegan, ne parlons pas de tel ou tel sujet, truc est féministe et se sentira offensée”, pour moi, c’est invivable.]
Je suis à 100% d’accord avec vous. C’est pourquoi je suis un assimilationniste radical (ce qui suppose l’existence d’une culture dominante à laquelle on puisse s’assimiler). Comme vous le soulignez, c’est la seule manière de sauvegarder une sociabilité commune. Sans ça, on en sera réduit – c’est le cas déjà – à socialiser exclusivement avec ceux qui ont les mêmes origines, la même couleur de peau, la même culture, les mêmes habitudes que nous. Pour moi, c’est un appauvrissement.
[Peut-être est-ce condamnable mais je l’admets: j’aspire à vivre dans une société plus homogène, ethniquement, religieusement, culturellement. Une société où les hommes et les femmes ont les mêmes droits sans que cela efface les différences ou empêche la galanterie et la séduction. Une société où la famille “normale”, c’est un père et une mère, sans pour autant persécuter les homosexuels.]
Là encore, je suis d’accord. Là ou nous différons, c’est dans la manière de construire cette société « plus homogène ». Moi je défends l’assimilation, vous pensez qu’il n’y a d’autre solution que d’expulser une partie de la population.
[Vous le savez, j’ai toujours voulu que nos échanges soient placés sous le sceau de l’honnêteté.]
C’est pourquoi j’apprécie hautement ce dialogue.
[Aujourd’hui, je vous le dis, Descartes: je suis de plus en plus tenté par une redéfinition ethnico-religieuse de la nation française.]
C’est peut-être sur ce point que nous différons le plus. Pour moi, cette redéfinition serait une trahison de ce qu’est la France, c’est-à-dire, une nation avant tout politique. Cela étant dit, être français c’est l’adhésion à une histoire, et cette histoire est, qu’on le veuille ou non, construite autour des institutions héritées de Rome, du judéo-christianisme, des peuplades germaniques venues de l’Est. Je ne vois aucune rationnalisé à réécrire ce passé artificiellement pour faire plaisir à telle ou telle communauté. Et cela vaut autant pour les nationalistes bretons qui veulent fabriquer une Bretagne idéalisée, que ceux qui veulent enseigner que la France est ce qu’elle est grâce aux arabes.
Il faut répéter que la France est d’abord une nation politique, et que pour cette raison elle n’admet pas une défintion « ethnico-religieuse ». Elle a par contre une définition institutionnelle, et ce sont ces institutions qu’il faut défendre et transmettre. Si on réfléchit, on s’aperçoit que le catholicisme a marqué plus en tant qu’institution qu’en tant que doctrine.
[une France qui restreindrait fortement le droit du sol pour privilégier le droit du sang,]
Personnellement, je n’aime ni l’un ni l’autre. Ma France privilégierait le « droit d’assimilation ». Est Français celui qui accepte de faire sienne l’histoire de France, les devoirs de solidarité inconditionnelle avec ses concitoyens et la sociabilité qui va avec. Le reste importe peu.
[une France qui imposerait prénoms à consonance française et francisation des patronymes aux descendants d’étrangers destinés à rester.]
Oui, sans hésiter. Ou pour être plus précis, on devrait imposer des prénoms à consonance française à tous ceux, nés ou naturalisés, qui prétendent à la citoyenneté.
[La conception jacobine et républicaine de l’identité française me paraît bien malade et pour tout vous dire sans grand avenir. A droite, où sont les jacobins? Isolés, dispersés, sans influence. A gauche, je ne parlerai pas du PCF, devenu écolo-diversitaire, mais où sont les héritiers de Chevènement? Ils sont inaudibles. Les seuls que je vois en mesure de peser pour défendre mon identité culturelle, pour redonner des cadres à cette société déliquescente, ce sont les nationalistes identitaires.]
Je crains, malheureusement, que ces « identitaires » ne soient des nationalistes en peau de lapin, exploitant un « filon » électoral mais prêts à devenir eurolâtres si le vent venait à tourner. Mais je vous accorde qu’aujourd’hui le souverainisme « républicain » n’est porté que par quelques figures intellectuelles, plus ou moins prestigieuses mais sans véritable poids politique. Je n’exclus pas – ça va me valoir de méchantes accusations dans certains quartiers – que la défense de la nation, qui me semble une priorité, passe aujourd’hui par la droite populiste.
@N-E et Descartes
[A droite, où sont les jacobins? Isolés, dispersés, sans influence. A gauche, je ne parlerai pas du PCF, devenu écolo-diversitaire, mais où sont les héritiers de Chevènement? Ils sont inaudibles. Les seuls que je vois en mesure de peser pour défendre mon identité culturelle, pour redonner des cadres à cette société déliquescente, ce sont les nationalistes identitaires.]
Je partage votre désarroi, mais ici, face à des “colons africains” (le véritable sens de l’anti-racisme “décolonial”, puisqu’ils prétendent nous éduquer…), jouer le jeu des “identitaires” reviendrait surtout à tomber dans le piège du tribalisme. Sans remonter jusqu’à l’histoire des Gaulois, cette plaie a déjà fait tant de dégâts à l’Afrique chère à nos “racisés” (cf.R.Diallo et compagnie) qu’il serait malvenu de la renforcer sur notre propre sol!
En plus, en matière de patriotisme, les “identitaires” ne valent pas mieux que les “anti-racistes” (je devrais plutôt dire les “vrais racistes”…) qu’ils combattent, dans le sens où ils sont plus européistes et cosmopolites que véritablement français! Ils défendent l’idée d’une Europe blanche et chrétienne, qui n’a jamais réellement été unie, y compris contre leur propre pays! Pourquoi pas, mais alors il faut qu’ils aillent au bout de leur logique historique: pourquoi ne pas s’allier avec les autres européistes “mainstream” pour appeler à la disparition de la France? D’ailleurs, les régionalistes et autonomistes ne m’ont pas attendu: supplétifs des Verts et de la gauche girondine, ils sont avant tout des…IDENTITAIRES.
Etant patriote, je reste persuadé que la nation française est certainement plus à même de défendre notre art de vivre (langue, moeurs, gastronomie, culture, science, etc…) pour peu que les Français se réveillent et renversent notre “élite” comprador (guillemets de rigueur !): les Gilets Jaunes sont déjà un premier pas assez spectaculaire en ce sens…
@ CVT
[Etant patriote, je reste persuadé que la nation française est certainement plus à même de défendre notre art de vivre (langue, moeurs, gastronomie, culture, science, etc…) pour peu que les Français se réveillent et renversent notre “élite” comprador (guillemets de rigueur !):]
Je suis d’accord.
[les Gilets Jaunes sont déjà un premier pas assez spectaculaire en ce sens…]
Là, par contre, je suis plus sceptique…
@ CVT,
Je m’excuse mais j’ai employé le mot “identitaire” dans un sens générique. Je ne pensais pas au “Bloc identitaire” qui est un conglomérat de régionalistes, d’europhiles, qui veulent faire de l’Europe une vaste confédération tribale.
J’ai utilisé le terme “identitaire” dans le sens “qui défend les identités nationales traditionnelles”. J’entendais récemment à la radio un expert (je ne sais plus en quoi) expliquer que “Salvini propose une redéfinition ethnico-religieuse de la nation italienne: blanche et chrétienne (tout en se retrouvant en totale contradiction avec le discours du pape, sur les migrants notamment)”. Dans ce contexte, Salvini tient de mon point de vue un discours “identitaire italien”. Il est d’ailleurs savoureux (et plutôt encourageant je trouve) de relever que Salvini vient du régionalisme, et même d’un régionalisme assez dur, mais qu’il a dépassé ce régionalisme pour en fait adopter un discours nationaliste. C’est ce qui rend le personnage intéressant à mes yeux. Quant à l’UE… J’ignore si Salvini est capable de faire un “Italexit” (mais les Italiens le souhaitent-ils?) cependant il me paraît injuste de le qualifier d’eurolâtre.
Dans le même genre, Orban me semble tenir un discours “national-identitaire”. Et il n’est pas dans le faux lorsqu’il déclare, par exemple: “en ouvrant les frontières, l’UE en réalité détruit l’identité européenne qu’elle prétend construire. Car si les Européens et les migrants sont interchangeables, alors que signifie être Européen?”.
Il y a deux types d’identitaires: les “nationaux-identitaires” et, comme vous le signalez, les identitaires “euro-régionalistes”. Je me situe bien évidemment parmi les premiers.
@NE,
donc, vous semblez reprendre à votre compte la fameuse citation de De Gaulle, que je cite de mémoire: “c’est très bien qu’il y ait des Français Noirs, Jaunes ou bronzés, cela prouve que notre pays est ouvert; seulement ils doivent rester une minorité, car si jamais ils devenaient la majorité, alors la France deviendrait autre chose. Notre un pays BLANC, de tradition judéo-chrétienne et de culture gréco-latine, et doit le rester.”
A titre strictement personnel, étant descendant d’immigrés africains, ces propos ne m’ont JAMAIS choqué, et mieux, plus le temps passe, plus je les approuve. Chaque pays doit être souverain afin d’être en mesure de défendre ses traditions, ses moeurs et sa culture (je n’utilise pas le mot “valeur” à dessein, beaucoup trop vague). De plus, vivre dans un “pays de Blancs” a été ma condition de toujours, et donc cela ne me choque pas d’être minoritaire, tant que je suis accepté comme un citoyen français soumis aux mêmes devoirs et droits que le reste de mes compatriotes. Contrairement aux “vrais racistes” (plutôt qu'”anti-racistes”), je ne suis pas nombriliste au point d’exiger que la majorité des Français devienne Noirs comme moi, et adopte des usages et des moeurs “africains” tellement incompatibles avec notre histoire que cela finira en guerres tribales…
Pour en revenir aux “nationaux-identitaires” que vous citez plus hauts, Orban et Salvini doivent se donner les moyens de leurs ambitions: iront-ils contre la Kaiserin Merkel en exigeant d’être souverains, à savoir de faire prévaloir toute loi nationale sur le droit européen? C’est à ce moment-là que je mesurerai la sincérité de leur démarche, parce qui veut les fins veut les moyens…
@ CVT
[A titre strictement personnel, étant descendant d’immigrés africains, ces propos ne m’ont JAMAIS choqué, et mieux, plus le temps passe, plus je les approuve. Chaque pays doit être souverain afin d’être en mesure de défendre ses traditions, ses moeurs et sa culture (je n’utilise pas le mot “valeur” à dessein, beaucoup trop vague).]
Je suis d’accord sur la défense des « traditions, mœurs et culture ». Mais les caractères ethniques ne font pas partie d’aucune de ces trois catégories, que je sache. Que la France ait été pour la plus longue partie de son histoire et qu’elle soit encore aujourd’hui majoritairement « blanche » est un fait historique. Mais est-il indispensable de maintenir une homogénéité ethnique de ce type ? Je n’en suis pas convaincu.
@ Descartes,
“Mais est-il indispensable de maintenir une homogénéité ethnique de ce type ? Je n’en suis pas convaincu.”
En effet, c’est un point sur lequel nous divergeons. Pour moi, cette homogénéité ethnique est une condition de l’unité nationale. Elle met en cohérence les Français d’aujourd’hui avec les représentations de leurs ancêtres. Je me reconnais en effet dans la citation (apocryphe?) attribuée à de Gaulle, et que rappelle CVT.
@ Descartes
[Vous noterez quand même que « au nom d’une convergence des luttes », ces gens ont surtout atomisé les luttes.]
C’est pas plutôt parce que les luttes se sont atomisées qu’ils ont, contraints, proposé une hypothétique « convergence » ?
[Là où hier les grands partis comme le PCF entrainaient des Français et des immigrés, qu’ils soient catholiques, juifs, musulmans ou athées, blancs ou noirs, hommes et femmes, dans des luttes politiques et syndicales communes]
Hier, lorsque la France était blanche à plus de 90 % ? Lorsque la France était musulmane à moins de 1 % ? Lorsque les mœurs « catholiques » étaient encore d’actualité ?
A défaut d’exemple dans un pays où les proportions des caractéristiques d’hétérogénéité seraient d’échelle comparable, je doute que cet exemple soit vraiment d’actualité.
[on se trouve devant une sorte de « marché politique » ou s’affrontent les revendications spécifiques de « communautés » chaque fois plus petites. Les féministes noires reprochent aux féministes blanches de prendre toute la place, les féministes noires lesbiennes reprochent aux féministes noires hétérosexuelles de faire de même, et ainsi de suite.]
Non. On est plutôt dans une situation où les différents critères de séparation sont hiérarchisés. La race avant le sexe (en tout cas pour les groupes non-Blancs) par exemple.
[Vous semblez croire que ces gens-là étaient des vrais antiracistes, mais vous avez tort. Ces gens sont vraiment, profondément racistes, en ce sens qu’ils sont convaincus qu’il y a des races et que l’appartenance à telle ou telle race détermine des comportements. Comment, sinon, expliquer une idéologie qui demande une plus grande diversité ethnique des élus, ce qui implique admettre qu’un noir ne peut être représenté que par un noir, un arabe que par un arabe ?]
Ce qui caractérise et rassemble les « anti-racistes », c’est d’abord le racisme envers les Blancs autochtones.
C’est une idéologie de conquête.
[En France, le racisme est une attitude individuelle, pas une politique d’Etat.]
L’État français mène depuis des années des politiques de « discrimination positive ». Qu’est-ce d’autre, en fait, qu’une « politique d’État » raciste à l’encontre des Blancs ?
Donc oui on peut dire qu’il y a un racisme d’État en France. Et il vise les Blancs.
[Après tout, un marseillais et un strasbourgeois, un brestois et un flamand, un juif « pied noir » et un juif alsacien ont des « phénotypes » fort différents, et je ne crois pas que cela ait posé un véritable problème dans la construction de la France.]
Sauf que les uns ne sont pas allés chez les autres pour modifier le cadre de vie…
[Pourquoi la couleur de la peau poserait plus de difficultés que la couleur des cheveux, par exemple ?]
Vous noterez que seuls les Blancs ont de multiples couleurs de cheveux. Les autres groupes humains n’ont jamais été confrontés à cette altérité par exemple (qui est la vraie… « Diversité » ?). Ce qui expliquerait le retard à l’allumage du groupe blanc dans la racialisation avancée de la société.
[S’il y avait une « communauté des bruns », une « communauté des roux » et une « communauté des blonds », censées avoir chacune sa propre culture, sa propre économie, ses propres intérêts, et dont les membres se doivent solidarité les uns aux autres, la couleur de cheveux poserait un problème et dans le casting des séries on devrait faire gaffe à avoir un blond, un brun et un roux parmi les héros.]
Sauf que les croisements entre ces groupes ont de bonnes chances de donner des enfants qui perpétueront la variété des couleurs de cheveux.
[Pour moi, c’est la « distinction lourde de sens » en communautés qui a rendu la cohabitation des différentes ethnies non pas « impossible » en général, mais impossible dans la logique républicaine française.]
Mais si cette idéologie est générée par la simple présence massive de personnes d’ethnies étrangères alors c’est cette présence qui est problématique.
C’est je pense un désaccord : je considère que la multi-ethnicité, dès lors que le nombre des groupes devient d’ordre comparable, implique le communautarisme.
[C’est parce qu’on a trahi le discours des Lumières qu’on en arrive là. Inviter les gens à « être fiers de leur couleur de peau » ou « fiers de leurs origines », c’est postuler que la « couleur de peau » ou les « origines » ont une importance.]
On, on, on… C’est toujours de notre faute. Comme si on était responsables de tout ce que les Africains font ou ne font pas.
Peut-être que l’intelligence moyenne (j’insiste sur le « moyenne ») des groupes humains est inégale et que ça crée de la jalousie en cas de « rapprochement » ? Et, partant, la volonté chez certains de se regrouper pour se « venger »… De la même manière que les Ashkénazes, qui sont sans doute un des groupes humains à l’intelligence la plus développée au monde, ont été plus qu’haïs pour ça sans qu’ils n’y soient pour grand chose.
Mais réfléchir à ce genre d’hypothèses est un tabou absolu de l’époque et donc on cherche des causes ailleurs. Parce qu’il doit en être ainsi. Et non parce qu’elles ont été réfutées. (J’ai bien conscience que même ici, ça me place pas loin de la ligne rouge (avant ou après je ne sais pas) et je comprendrais si vous vouliez faire sauter cette partie. Mais en tout cas ça fait clairement partie des idées qui m’interrogent…).
@ bip
[« Vous noterez quand même que « au nom d’une convergence des luttes », ces gens ont surtout atomisé les luttes. » C’est pas plutôt parce que les luttes se sont atomisées qu’ils ont, contraints, proposé une hypothétique « convergence » ?]
Il y a deux visions des moyens de renforcer la lutte. La première, c’est qu’il faut engager le peuple dans des luttes communes, c’est-à-dire, dont le résultat satisfasse un intérêt général. La deuxième, est que chaque groupuscule poursuive sa propre « lutte » avec les objectifs qui lui sont propres, la force venant d’une hypothétique « convergence des luttes » dans lequel ceux qui poursuivent l’objectif A soutiendront ceux qui poursuivent l’objectif B et vice-versa.
Jusqu’ici, personne n’a expliqué par quel mécanisme les ouvriers défendant leur pouvoir d’achat et les homosexuels défendant la GPA pour tous devraient « converger ». Mais comme disait Napoléon, une absurdité n’est pas une impossibilité, et depuis 1968, la « convergence des luttes » est resté le grand fantasme groupusculaire, le grand alibi qui permet à chaque groupuscule de camper sur ses « luttes » particulières au lieu de rechercher des luttes communes. C’est en ce sens que cette vision a contribué à « atomiser » les luttes.
[« Là où hier les grands partis comme le PCF entrainaient des Français et des immigrés, qu’ils soient catholiques, juifs, musulmans ou athées, blancs ou noirs, hommes et femmes, dans des luttes politiques et syndicales communes » Hier, lorsque la France était blanche à plus de 90 % ? Lorsque la France était musulmane à moins de 1 % ? Lorsque les mœurs « catholiques » étaient encore d’actualité ?]
Je ne saisis pas le rapport. D’abord, il faut réviser vos chiffres : cela fait très longtemps que les musulmans représentent plus de 1% de la population (souvenez-vous que l’Algérie est départementalisée en 1848, et que les musulmans algériens étaient citoyens français depuis 1944). Et la France reste « blanche » à plus de 90% : les immigrés noirs et leurs descendants ne représentent guère que 5% de la population. Mais surtout, je vois mal ce que l’hétérogénéité ethnique ou religieuse vient faire dans ce débat. Pensez-vous vraiment que si les grands partis politiques n’arrivent plus à entraîner dans des luttes communes Français et immigrés, c’est à cause de cette hétérogénéité ? Franchement, j’ai du mal à l’imaginer. Aujourd’hui les partis politiques ne sont même pas capables d’entraîner les Français blancs et catholiques… et pourtant, c’est une population parfaitement homogène !
J’ajoute qu’il est difficile d’établir une corrélation entre le désintérêt pour la politique et la faiblesse de la participation des populations aux luttes politiques.
[Non. On est plutôt dans une situation où les différents critères de séparation sont hiérarchisés. La race avant le sexe (en tout cas pour les groupes non-Blancs) par exemple.]
Ca dépend pour qui. Vous avez là aussi des débats extrêmement violents entre militants pour savoir s’il faut mettre origine avant race, race avant sexe, sexe avant préférence sexuelle, et ainsi de suite. Dans certains amphis universitaires, on se déchire pour savoir si une femme africaine congolaise noire et lesbienne est d’abord femme, d’abord africaine, d’abord congolaise, d’abord noire ou d’abord lesbienne. Et selon la manière dont les pièces s’ajustent vous occupez une place différente dans le grand arbre des « victimismes ». Ces débats tiennent bien à la compétition entre communautés pour savoir laquelle est la plus « victime » et donc plus méritante des aides publiques et du statut moral.
[Ce qui caractérise et rassemble les « anti-racistes », c’est d’abord le racisme envers les Blancs autochtones.]
On ne se comprend pas. Pour vous, le racisme n’existe que « envers » quelqu’un. Moi je vous parle du racisme en tant qu’idéologie, c’est-à-dire, d’un prisme d’analyse du réel. Pour moi, est raciste celui qui considère que les caractères ethniques déterminent les capacités intellectuelles et sociales et le comportement d’un individu. Et cela indépendamment d’une « hiérarchie des races » donnée. Une idéologie raciste aboutit nécessairement à une telle hiérarchie, car dès lors qu’on établit une différence, chacun veut être du « bon » côté de la barrière.
C’est pourquoi je trouve absurde de combattre le « racisme anti-blanc » ou le « racisme anti-noir ». Il faut combattre le racisme tout court, en tant qu’idéologie. Il faut soutenir l’idée que blancs et noirs pensent, sentent, et agissent essentiellement en fonction des mêmes mécanismes, des mêmes intérêts, des mêmes craintes. Que les différences ne proviennent pas de la génétique, mais de la culture.
[C’est une idéologie de conquête.]
De conquête de quoi ? Je dirais plutôt que c’est une idéologie qui sert à se rassurer, à se convaincre qu’on est parmi les « élus ». Dès lors que vous êtes convaincu que l’appartenance ethnique vous différentie, vous voudrez à tout prix que cela vous différentie en bien, que cette différence vous place parmi les meilleurs. Et vous chercherez – et en cherchant bien on trouve toujours, surtout lorsqu’on veut croire à tout prix – des éléments qui justifient votre supériorité.
[« En France, le racisme est une attitude individuelle, pas une politique d’Etat. » L’État français mène depuis des années des politiques de « discrimination positive ». Qu’est-ce d’autre, en fait, qu’une « politique d’État » raciste à l’encontre des Blancs ?]
Il faut raison garder. Pourriez-vous donner un exemple de « politique de discrimination positive » mise en œuvre par l’Etat ? En dehors des dispositions visant la parité, dont on peut discuter le caractère discriminatoire, je n’en connais pas. Certains partis politiques ont mis en place une discrimination positive dans la constitution de leurs listes, mais l’Etat, que je sache, reste sur une logique égalitaire. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs jugé très clairement les politiques de discrimination positive non conformes à la Constitution.
[« Après tout, un marseillais et un strasbourgeois, un brestois et un flamand, un juif « pied noir » et un juif alsacien ont des « phénotypes » fort différents, et je ne crois pas que cela ait posé un véritable problème dans la construction de la France. » Sauf que les uns ne sont pas allés chez les autres pour modifier le cadre de vie…]
C’est donc bien ce qu’on FAIT et non pas ce qu’on EST qui pose problème. C’était précisément mon point.
[« Pourquoi la couleur de la peau poserait plus de difficultés que la couleur des cheveux, par exemple ? » Vous noterez que seuls les Blancs ont de multiples couleurs de cheveux. Les autres groupes humains n’ont jamais été confrontés à cette altérité par exemple (qui est la vraie… « Diversité » ?).]
Peut-être, je n’ai pas vérifié. Mais quoi qu’il en soit, vous ne répondez pas à ma question…
[« Pour moi, c’est la « distinction lourde de sens » en communautés qui a rendu la cohabitation des différentes ethnies non pas « impossible » en général, mais impossible dans la logique républicaine française. » Mais si cette idéologie est générée par la simple présence massive de personnes d’ethnies étrangères alors c’est cette présence qui est problématique.]
Je ne crois pas justement que cette idéologie soit générée par la « simple présence » massive de personnes d’ethnies étrangères. Je pense qu’elle est générée par des classes intermédiaires bien blanches et bien de chez nous, qui ne veulent pas ou plus payer le coût de l’assimilation, et qui trouvent leur avantage dans une « communautarisation » de la société qui permet de disposer d’une main d’œuvre étrangère bon marché et qui restera à sa place.
[C’est je pense un désaccord : je considère que la multi-ethnicité, dès lors que le nombre des groupes devient d’ordre comparable, implique le communautarisme.]
Tout à fait. Moi, je pense que le communautarisme a comme cause principale non pas la multiplicité ethnique, mais l’absence d’une volonté forte d’assimiler. Et je retire cette conviction de deux expériences historiques : celle de « l’assimilation intérieure » qui en deux générations est venue à bout des différences ethniques et linguistiques en France même, et celle de l’assimilation des étrangers tout au long des années 1930 et jusqu’à la fin des années 1960. J’ajoute mon expérience d’assimilation personnelle… qui même si elle n’a aucune valeur statistique, compte pour moi.
[« C’est parce qu’on a trahi le discours des Lumières qu’on en arrive là. Inviter les gens à « être fiers de leur couleur de peau » ou « fiers de leurs origines », c’est postuler que la « couleur de peau » ou les « origines » ont une importance. » On, on, on… C’est toujours de notre faute. Comme si on était responsables de tout ce que les Africains font ou ne font pas.]
Nous ne sommes pas responsables de ce que les Africains font ou ne font pas, mais nous sommes responsables de ce que nous leur faisons. Si nous avons renoncé à imposer l’assimilation, il est normal que nous en assumions la responsabilité. Et lorsque je dis « nous », ce n’est pas aux Français que je pense, mais au bloc dominant.
Mon propos n’est pas de culpabiliser qui que ce soit. Il n’y a pas de « faute », mais il y a des responsabilités. Les classes intermédiaires, en réponse au coup d’arrêt de la croissance économique à partir de la fin des années 1960, on cassé l’ascenseur social. Et cela s’est traduit par l’abandon des politiques d’assimilation. Le bloc dominant veut des travailleurs taillables et corvéables à merci, et continue donc à importer de la main d’œuvre. Mais elle ne veut pas que les fils des immigrés « assimilés » concurrencent leurs propres enfants. D’où l’abandon des politiques d’assimilation et l’insistance sur le fait que chacun doit « fier de ce qu’il est » au lieu de désirer d’être autre chose. Ces deux logique combinées conduisent tout droit à la constitution de communautés immigrées qui gardent la culture, le droit, les logiques des pays d’origine. Et donc au communautarisme.
[Peut-être que l’intelligence moyenne (j’insiste sur le « moyenne ») des groupes humains est inégale et que ça crée de la jalousie en cas de « rapprochement » ? Et, partant, la volonté chez certains de se regrouper pour se « venger »… De la même manière que les Ashkénazes, qui sont sans doute un des groupes humains à l’intelligence la plus développée au monde, ont été plus qu’haïs pour ça sans qu’ils n’y soient pour grand chose.]
Scientifiquement, on n’a jamais pu établir la moindre corrélation entre l’intelligence et l’appartenance à telle ou telle ethnie. Et si tel ou tel groupe a produit un nombre remarquable de penseurs ou d’artistes supposés avoir une intelligence particulièrement développée, cela semble plus attaché à des questions culturelles qu’ethniques. Le cas des Ashkénazes que vous citez est particulièrement notable, parce qu’il s’agit d’un groupe essentiellement culturel, qui n’a aucune cohérence ethnique. Les juifs ashkénazes se sont plus ou moins mélangés selon les pays avec les populations locales. Dans l’espace germanique ce mélange a été tellement étroit qu’il a fallu imposer le port d’un signe distinctif pour pouvoir les reconnaître.
[Mais réfléchir à ce genre d’hypothèses est un tabou absolu de l’époque et donc on cherche des causes ailleurs. Parce qu’il doit en être ainsi. Et non parce qu’elles ont été réfutées. (J’ai bien conscience que même ici, ça me place pas loin de la ligne rouge (avant ou après je ne sais pas) et je comprendrais si vous vouliez faire sauter cette partie. Mais en tout cas ça fait clairement partie des idées qui m’interrogent…).]
Je ne vois pas pourquoi la faire sauter. Même si cela sent le souffre, des travaux scientifiques ont été faits et montrent qu’il n’y a pas de corrélation entre capacités intellectuelles et appartenance ethnique. Qu’en ce domaine, il y a une véritable universalité du genre humain en ce qui concerne l’inné, et que les différences de capacité intellectuelle dépendent d’abord de l’acquis culturel.
Ce que j’aimerais comprendre, c’est pourquoi vous tenez tellement à cette hypothèse. Pourquoi l’idée que tous les hommes amènent – en moyenne, s’entend – lors de leur arrivée sur cette terre le même patrimoine intellectuel indépendamment de la lignée dont ils sont issus vous semble si étrangère.
@ Descartes
[Je ne saisis pas le rapport.]
Vous dites qu’à l’époque « les grands partis comme le PCF entraînaient des Français » qu’ils viennent de tel ou tel continent, qu’ils soient de telle ou telle confession, de tel ou tel sexe, etc. Sauf que les Français étaient alors en très grande majorité d’origine européenne, de culture catholique et qu’à une époque où un homme et une femme avaient vocation à vivre leur vie sous un même toit, ça devait aider à rendre chacun moins sensible à la question de l’« égalité des sexes ».
[Pensez-vous vraiment que si les grands partis politiques n’arrivent plus à entraîner dans des luttes communes Français et immigrés, c’est à cause de cette hétérogénéité ? Franchement, j’ai du mal à l’imaginer.]
Je sais que vous n’êtes pas d’accord mais le résultat des votes des différents groupes ethniques montre pourtant que l’appartenance ethnique est un (le ?) critère primordial à l’heure du vote des « minorités » (et ça se vérifie dans tous les pays). Votre argument, si je ne fais pas d’erreur, est de dire que c’est l’abstention qui rend possible un tel écart entre le résultat global d’une élection et le résultat au sein de tel ou tel groupe. Or les votants de tel ou tel groupe représentent un échantillon si important qu’il est quand même statistiquement peu probable que le reste du groupe vote très différemment. De la même manière que si l’ensemble des Français votait à une élection, les différences seraient minimes avec le résultat de cette même élection où l’on pourrait s’abstenir (loi des grands nombres).
Il suffit qu’un parti apparaisse comme plus favorable à l’immigration de masse que l’autre pour qu’il soit celui pour lequel l’immigré et ses descendants votent…
[Aujourd’hui les partis politiques ne sont même pas capables d’entraîner les Français blancs et catholiques… et pourtant, c’est une population parfaitement homogène !]
Mais qui ne se pense pas encore comme un groupe particulier. Conséquence de l’universalisme français et catholique et d’une analyse datée de la société. Mais on peut penser qu’au fur et à mesure des changements ethniques, qui par leur ampleur se rendent maintenant clairement visibles à tous, ça va changer (avec également la mort des boomers qui n’ont pas eu à fréquenter directement la diversité. Les jeunes blancs, même issus des classes intermédiaires, sont dans un tout autre état d’esprit (qu’ils s’en rendent déjà compte ou non)).
[De conquête de quoi ?]
De la France aux autochtones et à leur mode de vie.
[Pourriez-vous donner un exemple de « politique de discrimination positive » mise en œuvre par l’Etat ?]
A l’époque du Sarkozy ministre de l’intérieur, un préfet a été nommé car musulman.
[C’est donc bien ce qu’on FAIT et non pas ce qu’on EST qui pose problème. C’était précisément mon point.]
L’accent c’est qu’on fait ou ce qu’on est ? Si des dizaines de milliers d’Alsaciens étaient venus dans un temps très court habiter Marseille, ça n’aurait rien changé à la façon de parler ?
Si l’accent parisien populaire a laissé place au parlé wesh, ça n’a aucun lien avec l’immigration ?
[Peut-être, je n’ai pas vérifié. Mais quoi qu’il en soit, vous ne répondez pas à ma question…]
J’y répondais sous le paragraphe suivant.
[Je ne crois pas justement que cette idéologie soit générée par la « simple présence » massive de personnes d’ethnies étrangères. Je pense qu’elle est générée par des classes intermédiaires bien blanches et bien de chez nous, qui ne veulent pas ou plus payer le coût de l’assimilation, et qui trouvent leur avantage dans une « communautarisation » de la société qui permet de disposer d’une main d’œuvre étrangère bon marché et qui restera à sa place.]
Et pourquoi ça marche sur eux et pas sur les classes populaires « bien blanches et bien de chez nous » qui ont été jusqu’à s’en remettre au Front National, avec tout ce qu’il traîne de casseroles et d’incompétences, pour combattre cette idéologie ?
[Moi, je pense que le communautarisme a comme cause principale non pas la multiplicité ethnique, mais l’absence d’une volonté forte d’assimiler. Et je retire cette conviction de deux expériences historiques : celle de « l’assimilation intérieure » qui en deux générations est venue à bout des différences ethniques et linguistiques en France même, et celle de l’assimilation des étrangers tout au long des années 1930 et jusqu’à la fin des années 1960.]
De la même manière que toutes les « communautés » ne sont pas égales devant le communautarisme (elles ne le vivent pas de la même façon), les « communautés » ne sont pas égales à l’assimilation.
Vous allez sans doute m’opposer qu’on assimile des individus et non des « communautés ». Et vous aurez raison.
J’y opposerai alors la phrase d’Engels, souvent rappelée par Zemmour : « à partir d’un certain nombre, la quantité devient une qualité ».
[Nous ne sommes pas responsables de ce que les Africains font ou ne font pas, mais nous sommes responsables de ce que nous leur faisons. Si nous avons renoncé à imposer l’assimilation, il est normal que nous en assumions la responsabilité. […] D’où l’abandon des politiques d’assimilation et l’insistance sur le fait que chacun doit « fier de ce qu’il est » au lieu de désirer d’être autre chose. Ces deux logique combinées conduisent tout droit à la constitution de communautés immigrées qui gardent la culture, le droit, les logiques des pays d’origine. Et donc au communautarisme.]
A noter tout de même que les populations originaires d’Europe et d’Asie ayant immigré sur la même période ne posent pas les mêmes problèmes. Que les tenants de l’assimilation mettent alors cartes sur table : assimiler un Africain a un coût de très loin supérieur à l’assimilation d’un Européen ou d’un Asiatique.
[Le cas des Ashkénazes que vous citez est particulièrement notable, parce qu’il s’agit d’un groupe essentiellement culturel, qui n’a aucune cohérence ethnique.]
Je ne sais pas ce que ça vaut mais certains chercheurs pensent différemment : https://psycnet.apa.org/record/2019-03287-001
[Ce que j’aimerais comprendre, c’est pourquoi vous tenez tellement à cette hypothèse.]
Je n’y tiens pas « tellement ». Cette idée vient en réaction à ceux qui, eux, pour le coup, tiennent « tellement » à prétendre qu’il est possible de poursuivre l’histoire de France sans que la population qui l’a faite puisse demeurer dans son être.
[Pourquoi l’idée que tous les hommes amènent – en moyenne, s’entend – lors de leur arrivée sur cette terre le même patrimoine intellectuel indépendamment de la lignée dont ils sont issus vous semble si étrangère.]
Elle ne m’est en rien « étrangère ». Ça allait même de soi jusqu’à ce que je me trouve confronter à cette question. Je dirais qu’à force de « vous ne devez votre richesse qu’au pillage de l’Afrique », j’ai peut-être été amené à prendre conscience que la richesse (en l’absence de ressources naturelles providentielles) provient avant tout des capacités créatives et organisatrices, autrement dit de l’intelligence. Et, par suite, si d’autres n’ont pas été capables de faire grand-chose…
Après il y a plein d’éléments qui viennent s’ajouter en vrac.
Les premiers qui me viennent en tête :
Les théories évolutionnistes : si les peuples eurasiens ont été confrontés pendant des dizaines de milliers d’années à une nature hostile, peut-être leur a-t-il fallu développer ou augmenter certaines caractéristiques particulières pour survivre. Les Africains semblent courir plus longtemps et plus vite que les Européens et les Asiatiques (les compétitions sportives internationales l’induisent en tout cas). Pourquoi d’autres capacités n’auraient-elles pas été amenées à être elles aussi plus ou moins développées ?
D’autres plus « génétiques » : les populations eurasiennes ont la particularité de posséder en beaucoup plus grand nombre des gênes issus de Neandertal. Quelle influence cela a-t-il ? On n’en sait rien.
La lecture d’articles qui montrent une large part d’hérédité du QI.
Le QI moyen qui baisse en France avec pour pistes proposées « les écrans » ou les « perturbateurs endocriniens ». Comme si la télé venait d’apparaître ou que les pays asiatiques (où il n’y a pas de baisse) n’en avaient pas autant que nous. Par contre les niveaux d’immigrations qui ont largement augmenté ces deux dernières décennies en France, et qui n’existent pas en Asie, ne sont pas discutés.
James Watson, co-découvreur de la structure de l’ADN, affirme de telles choses (bon après ce ne serait le premier type brillant dans un domaine qui dit des conneries quand il sort de son labo mais ce n’est pas non plus n’importe quel généticien).
J’entends bien évidemment que rien de ceci ne constitue une preuve. Mais seulement des éléments qui alimentent chez moi le doute.
@ bip
[Vous dites qu’à l’époque « les grands partis comme le PCF entraînaient des Français » qu’ils viennent de tel ou tel continent, qu’ils soient de telle ou telle confession, de tel ou tel sexe, etc. Sauf que les Français étaient alors en très grande majorité d’origine européenne, de culture catholique et qu’à une époque où un homme et une femme avaient vocation à vivre leur vie sous un même toit, ça devait aider à rendre chacun moins sensible à la question de l’« égalité des sexes ».]
Mais si votre interprétation était juste, les grands partis politiques devraient être capables encore aujourd’hui « d’entrainer » les français d’origine européenne, de culture catholique et qui vivent mariés. Est-ce le cas ?
[Je sais que vous n’êtes pas d’accord mais le résultat des votes des différents groupes ethniques montre pourtant que l’appartenance ethnique est un (le ?) critère primordial à l’heure du vote des « minorités » (et ça se vérifie dans tous les pays).]
Je ne connais pas de statistique « ethnique » du vote en France qui permettrait de tirer une telle conclusion. On observe au contraire que c’est le niveau social des quartiers qui détermine le vote, bien plus que la composition ethnique (sauf pour ce qui concerne le vote FN).
[Votre argument, si je ne fais pas d’erreur, est de dire que c’est l’abstention qui rend possible un tel écart entre le résultat global d’une élection et le résultat au sein de tel ou tel groupe.]
Ou bien je n’ai pas compris votre propos, ou bien vous avez mal compris le mien.
[De la même manière que si l’ensemble des Français votait à une élection, les différences seraient minimes avec le résultat de cette même élection où l’on pourrait s’abstenir (loi des grands nombres).]
Vous faites erreur. Pour que votre affirmation soit vraie, il faudrait que le choix de voter ou de s’abstenir soit aléatoire. C’est la seule façon de garantir que l’échantillon de « ceux qui votent » soit statistiquement représentatif de l’ensemble. Or, on sait bien que ce n’est pas le cas. Les classes intermédiaires votent plus que la classe ouvrière, les vieux votent plus que les jeunes…
[Il suffit qu’un parti apparaisse comme plus favorable à l’immigration de masse que l’autre pour qu’il soit celui pour lequel l’immigré et ses descendants votent…]
Mais est-ce le cas en pratique ? Avez-vous une statistique qui permette de soutenir cette hypothèse ? Personnellement, j’ai du mal à voir comment elle pourrait se concilier avec les résultats connus. Ainsi, par exemple, les écologistes font dans les quartiers à forte population immigrée des scores minables, alors que les écologistes sont probablement le groupe politique le plus favorable à l’immigration de masse…
[« Aujourd’hui les partis politiques ne sont même pas capables d’entraîner les Français blancs et catholiques… et pourtant, c’est une population parfaitement homogène ! » Mais qui ne se pense pas encore comme un groupe particulier.]
C’est bien mon point : comment se fait que les partis qui hier réussissaient à entrainer ce groupe n’ont plus cette possibilité aujourd’hui, alors que ce groupe hier comme aujourd’hui ne se pense pas en groupe particulier ?
[« Pourriez-vous donner un exemple de « politique de discrimination positive » mise en œuvre par l’Etat ? » A l’époque du Sarkozy ministre de l’intérieur, un préfet a été nommé car musulman.]
Franchement, vous appelez un acte individuel et isolé de propagande une « politique d’Etat » ? Je vous rassure tout de suite : il n’y a pas dans le corps préfectoral de « quota » réservé aux musulmans – ou a aucune autre catégorie d’ailleurs.
[« C’est donc bien ce qu’on FAIT et non pas ce qu’on EST qui pose problème. C’était précisément mon point. » L’accent c’est qu’on fait ou ce qu’on est ? Si des dizaines de milliers d’Alsaciens étaient venus dans un temps très court habiter Marseille, ça n’aurait rien changé à la façon de parler ?]
La façon de parler de qui ? Non, je ne pense pas que les marseillais se seraient mis à parler avec un accent germanique pour faire plaisir aux nouveaux venus. Le plus probable est que les Alsaciens et leurs enfants auraient pris l’accent du sud… c’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans d’autres circonstances : Lorsque les descendants des Alsaciens-Lorrains qui se sont installés en Algérie après la guerre de 1870 ont été rapatriés, ils parlaient avec l’accent pied-noir, et pas avec l’accent alsacien… L’assimilation avait fait son travail.
[Si l’accent parisien populaire a laissé place au parlé wesh, ça n’a aucun lien avec l’immigration ?]
Non, je ne le pense pas. Si l’accent parisien populaire a disparu, c’est parce qu’il ne reste guère de quartiers populaires à Paris. Et si le « parlé wesh » a pu se développer, c’est parce que les populations immigrées, au lieu d’être assimilées au contact de la population parisienne, ont été parqués – et se sont parqués, parce que le processus à été symétrique – dans des quartiers communautaires. Mais ne croyez pas que l’un a remplacé l’autre. Allez à la sortie du lycée Henri IV ou Louis-le-Grand, et vous verrez qu’on ne parle guère « wesh »…
[« Je ne crois pas justement que cette idéologie soit générée par la « simple présence » massive de personnes d’ethnies étrangères. Je pense qu’elle est générée par des classes intermédiaires bien blanches et bien de chez nous, qui ne veulent pas ou plus payer le coût de l’assimilation, et qui trouvent leur avantage dans une « communautarisation » de la société qui permet de disposer d’une main d’œuvre étrangère bon marché et qui restera à sa place. » Et pourquoi ça marche sur eux et pas sur les classes populaires « bien blanches et bien de chez nous » qui ont été jusqu’à s’en remettre au Front National, avec tout ce qu’il traîne de casseroles et d’incompétences, pour combattre cette idéologie ?]
Parce que si pour les classes intermédiaires les immigrés sont une main d’œuvre bon marché et qui ne risque pas de les concurrencer, pour les couches populaires c’est une autre histoire : les immigrés sont pour eux des concurrents. Des concurrents pour les postes de travail peu qualifiés qui se raréfient, des concurrents pour le logement, des concurrents pour l’accès aux services publics et aux allocations de solidarité.
[De la même manière que toutes les « communautés » ne sont pas égales devant le communautarisme (elles ne le vivent pas de la même façon), les « communautés » ne sont pas égales à l’assimilation. Vous allez sans doute m’opposer qu’on assimile des individus et non des « communautés ». Et vous aurez raison.]
Non, je ne vous opposerai pas cet argument, mais un autre : je pense que là ou vous écrivez « communauté », il aurait fallu écrire « culture ». Oui, toutes les cultures ne se valent pas, et il est évident que le fossé à franchir, l’effort à fournir pour s’assimiler dépend très fortement de l’héritage culturel. La proximité joue un rôle : parler une langue qui s’écrit avec le même alphabet et qui est de la même racine que la culture d’accueil facilite certainement les choses ; venir d’une société ayant une sociabilité proche aussi ; venir d’une culture dans laquelle le religieux et le civil est séparé est un avantage certain.
[A noter tout de même que les populations originaires d’Europe et d’Asie ayant immigré sur la même période ne posent pas les mêmes problèmes. Que les tenants de l’assimilation mettent alors cartes sur table : assimiler un Africain a un coût de très loin supérieur à l’assimilation d’un Européen ou d’un Asiatique.]
Cela dépend quel « européen ». Mais oui, comme je l’ai dit plus haut, toutes les cultures ne présentent pas les mêmes difficultés d’assimilation. Les asiatiques viennent d’une culture où les rapports à l’Etat sont structurés et la séparation du civil et du religieux acquise. Ces deux éléments font que leur assimilation est relativement facile, alors même que du point de vue religieux ou linguistique ils sont plus loin de nous que les natifs d’Afrique francophone. Pour moi, c’est là que se joue l’essentiel de l’assimilation.
[« Le cas des Ashkénazes que vous citez est particulièrement notable, parce qu’il s’agit d’un groupe essentiellement culturel, qui n’a aucune cohérence ethnique. » Je ne sais pas ce que ça vaut mais certains chercheurs pensent différemment (…)]
Seul le résumé de l’article étant disponible, il est difficile de savoir ce qu’il vaut. Mais je crains que ce ne soit l’un de ces nombreux articles américains qui cherchent à donner une base scientifique aux préjugés raciaux. Le résumé en tout cas fait preuve d’une grande prudence, considérant que les résultats observés « sont cohérents » avec l’hypothèse…
[Les théories évolutionnistes : si les peuples eurasiens ont été confrontés pendant des dizaines de milliers d’années à une nature hostile, peut-être leur a-t-il fallu développer ou augmenter certaines caractéristiques particulières pour survivre. Les Africains semblent courir plus longtemps et plus vite que les Européens et les Asiatiques (les compétitions sportives internationales l’induisent en tout cas). Pourquoi d’autres capacités n’auraient-elles pas été amenées à être elles aussi plus ou moins développées ?]
Parce que, pour qu’une caractéristique puisse être sélectionnée par le mécanisme de l’évolution, il faut qu’elle soit transmissible par l’hérédité. Or, jusqu’à maintenant toutes les études montrent que l’intelligence n’est pas une caractéristique transmissible de cette façon.
[La lecture d’articles qui montrent une large part d’hérédité du QI.]
Un bon conseil : changez de lectures…
[Le QI moyen qui baisse en France avec pour pistes proposées « les écrans » ou les « perturbateurs endocriniens ». Comme si la télé venait d’apparaître ou que les pays asiatiques (où il n’y a pas de baisse) n’en avaient pas autant que nous. Par contre les niveaux d’immigrations qui ont largement augmenté ces deux dernières décennies en France, et qui n’existent pas en Asie, ne sont pas discutés.]
Vous regardez trop Arte et ses reportages pseudo-scientifiques. Pour commencer, le QI n’est pas une mesure scientifique, mais un agrégat de mesures effectuées sur des exercices normés. Le problème est que ce type de mesures de l’intelligence dépend beaucoup du type d’exercice que vous choisissez. Ainsi, par exemple, on peut dire que nos ancêtres étaient bien plus forts que nous en calcul mental ou en mémorisation, sans que pour autant on puisse dire qu’ils étaient plus intelligents que nous en général.
Mais surtout, selon les études auxquelles fait référence le reportage, on observe l’effet dans des pays comme la France, mais aussi en Norvège et en Finlande, pays ou l’immigration est très faible voire inexistante…
@ Descartes (17 avril 2019 à 13 h 49 min) (je poste à cet endroit sinon le décalage rend moins facilement lisible le texte).
[Mais si votre interprétation était juste, les grands partis politiques devraient être capables encore aujourd’hui « d’entrainer » les français d’origine européenne, de culture catholique et qui vivent mariés. Est-ce le cas ?]
Non. Mais ce n’est pas étranger au fait que les groupes « minoritaires » le sont de moins en moins. Et à l’heure du bipartisme, les grands partis ont pensé que les élections se jouaient sur le vote des minorités qui apportaient les quelques % qui faisaient basculer les élections.
La fin du bipartisme et la démonstration trumpienne pourraient ouvrir de nouvelles perspectives.
[Je ne connais pas de statistique « ethnique » du vote en France qui permettrait de tirer une telle conclusion.]
J’ai en tête les sondages du vote musulman lors des 2nds tours Sarkozy-Royal et Sarkozy-Hollande. Même dans les CSP+++, il n’y avait pas un tel écart vis-à-vis du vote global…
[Vous faites erreur. Pour que votre affirmation soit vraie, il faudrait que le choix de voter ou de s’abstenir soit aléatoire. C’est la seule façon de garantir que l’échantillon de « ceux qui votent » soit statistiquement représentatif de l’ensemble. Or, on sait bien que ce n’est pas le cas. Les classes intermédiaires votent plus que la classe ouvrière, les vieux votent plus que les jeunes…]
La taille des échantillons est toutefois telle que ça compense pas mal le caractère non-aléatoire d’une partie du vote abstentionniste.
[Ainsi, par exemple, les écologistes font dans les quartiers à forte population immigrée des scores minables, alors que les écologistes sont probablement le groupe politique le plus favorable à l’immigration de masse…]
Mais ils n’ont aucune chance de gagner. Et en plus ils veulent légaliser la beuh…
[Franchement, vous appelez un acte individuel et isolé de propagande une « politique d’Etat » ?]
Ce genre d’action et de propagande est reçu comme une consigne par certains.
Selon vous la SNCF, la RATP, l’armée ou… EDF n’ont jamais été invitées à « discriminer positivement » et ne l’ont jamais fait ? Alors effectivement, ça ne s’est pas fait avec clairons et trompettes mais ça s’est fait.
[Allez à la sortie du lycée Henri IV ou Louis-le-Grand, et vous verrez qu’on ne parle guère « wesh »…]
Allez à la sortie de lycées moins prestigieux mais encore en majorité « blancs » et préparez vos oreilles à souffrir…
[Parce que si pour les classes intermédiaires les immigrés sont une main d’œuvre bon marché et qui ne risque pas de les concurrencer, pour les couches populaires c’est une autre histoire : les immigrés sont pour eux des concurrents.]
On ne s’est pas compris. Ce que je vous demandais c’est pourquoi le discours des classes intermédiaires fonctionne sur les populations immigrées et pas sur les classes populaires autochtones « qui ont été jusqu’à s’en remettre au Front National, avec tout ce qu’il traîne de casseroles et d’incompétences, pour combattre cette idéologie » ?
[Mais surtout, selon les études auxquelles fait référence le reportage, on observe l’effet dans des pays comme la France, mais aussi en Norvège et en Finlande, pays ou l’immigration est très faible voire inexistante…]
Pour la Norvège je ne sais pas mais pour la Finlande ce n’est plus le cas :
« Of Finland’s population of just over 5.5million, some 321,500 people are born in a foreign country, nearly six per cent. » (https://www.dailymail.co.uk/news/article-6589765/Finnish-President-expresses-disgust-migrant-grooming-gangs-child-sex-scandal-escalates.html)
« Environ 200 000 habitants de la région de la capitale Helsinki parlent une langue maternelle autre que le finnois ou le suédois. » (http://www.fdesouche.com/1184413-finlande-la-police-veut-recruter-des-immigres-pour-laider-a-entrer-en-contact-avec-une-population-de-plus-en-plus-diversifiee)
@ bip
[« Je ne connais pas de statistique « ethnique » du vote en France qui permettrait de tirer une telle conclusion. » J’ai en tête les sondages du vote musulman lors des 2nds tours Sarkozy-Royal et Sarkozy-Hollande. Même dans les CSP+++, il n’y avait pas un tel écart vis-à-vis du vote global…]
Vous oubliez qu’il y a dans ce type d’enquête un « artefact ». Pour savoir si un électeur est « musulman » ou non, la seule méthode consiste à lui demander. Mais un électeur d’origine musulmane a d’autant plus de chance de se dire « musulman » s’il est très pratiquant. Une enquête dans laquelle vous demandez aux gens de se définir eux-mêmes contient donc un biais. C’est d’ailleurs classique lorsqu’on essaye de caractériser un « vote juif ». Les seuls juifs qui se déclarent « juif » sont les juifs religieux.
[La taille des échantillons est toutefois telle que ça compense pas mal le caractère non-aléatoire d’une partie du vote abstentionniste.]
La taille de l’échantillon ne fait rien à l’affaire : Si vous avez un biais de sélection, quelle que soit la taille de votre échantillon vous trouverez le même biais.
[« Franchement, vous appelez un acte individuel et isolé de propagande une « politique d’Etat » ? » Ce genre d’action et de propagande est reçu comme une consigne par certains.
Selon vous la SNCF, la RATP, l’armée ou… EDF n’ont jamais été invitées à « discriminer positivement » et ne l’ont jamais fait ? Alors effectivement, ça ne s’est pas fait avec clairons et trompettes mais ça s’est fait.]
Personnellement, je n’ai eu connaissance dans ma longue carrière d’instructions de ce type, sauf dans le domaine des rapports homme/femme.
[On ne s’est pas compris. Ce que je vous demandais c’est pourquoi le discours des classes intermédiaires fonctionne sur les populations immigrées et pas sur les classes populaires autochtones « qui ont été jusqu’à s’en remettre au Front National, avec tout ce qu’il traîne de casseroles et d’incompétences, pour combattre cette idéologie » ?]
Ok, je n’avais en effet pas compris. Les couches populaires autochtones ont une longue histoire de luttes. La marque des luttes ouvrières du XXème siècle n’a pas totalement disparu. Et en particulier, elles ont avec la nation un rapport très différent, qu’on pourrait qualifier de rapport de propriété. Les nouveaux venus – sauf bien entendu ceux qui sont assimilés – n’ont pas ce sentiment de propriété. C’est pourquoi le discours du « on est chez nous » ne résonne pas de la même manière pour les deux catégories. Il faut aussi ajouter que les « classes intermédiaires » ont fait après 1968 de l’immigré le substitut symbolique de l’ouvrier, trop imperméable à l’idéologie « libérale-libertaire ».
[“Of Finland’s population of just over 5.5million, some 321,500 people are born in a foreign country, nearly six per cent. »]
Oui. Ils sont nés en Russie… 😉
@ Descartes (18 avril 2019 à 21 h 16 min)
[Une enquête dans laquelle vous demandez aux gens de se définir eux-mêmes contient donc un biais.]
Il suffit alors de poser des questions pour connaître la nature de la pratique (Ramadan, voile, hallal, etc).
Parce que je veux bien qu’on me dise qu’il est impossible d’affirmer que les musulmans votent très peu pour le FN, ça n’empêche que c’est une des clés de lecture, à mon avis importante, pour comprendre la société française. Or si toute estimation du vote « communautaire » est impossible, on s’en prive…
D’autre part, le fait que de tels résultats soient observables dans des pays qui, eux, font des statistiques « ethnico-raciales », c’est un hasard ? La société française qui se rapproche chaque jour plus d’une société communautarisée à l’américaine (sans d’ailleurs les grands espaces et le libre marché intégral qui permet de s’éloigner des « autres » et de se regrouper « entre nous », ce qui la rend infiniment plus inflammable en cas d’étincelle) ne produirait pas les mêmes effets ?
[La taille de l’échantillon ne fait rien à l’affaire : Si vous avez un biais de sélection, quelle que soit la taille de votre échantillon vous trouverez le même biais.]
Quand l’échantillon représente au moins la moitié d’une population de dizaine de millions d’individus, libres de leur choix de voter ou non, le biais de sélection peut, sans trop de dégâts, être vu comme relativement atténué.
Par exemple, entre une élection européenne et une présidentielle, avec une participation qui varie du simple au double, les forces en présence restent les mêmes et il n’y a pas, hors cas exceptionnels, de grosses variations (avec pourtant des têtes d’affiche et des contextes différents) (vous me direz qu’à quelques points près on aurait pu avoir Fillon-Mélenchon au 2nd tour de la dernière présidentielle…).
Bien sûr ce sont des statistiques « avec les mains », et ça ne vaut rien scientifiquement, mais n’ayant pas connaissance de l’existence de sondages le jour même de l’élection sur ce que serait un choix « forcé » des abstentionnistes, il est difficile d’avoir une idée plus précise. On pourrait recouper par catégorie sociale, âge, etc, pour estimer un peu plus précisément le vote « forcé » des abstentionnistes mais ça resterait là aussi, peu précis…
@ bip
[« Une enquête dans laquelle vous demandez aux gens de se définir eux-mêmes contient donc un biais. » Il suffit alors de poser des questions pour connaître la nature de la pratique (Ramadan, voile, hallal, etc).]
Pas si simple. Quelles sont les « bonnes » questions, celles qui permettent de caractériser un musulman, un catholique, un juif ? Prenez par exemple la question des fêtes : si vous considérez que celui qui fête le Aid est un « musulman » et celui qui célèbre Kippur est un juif, ne devrait-on considérer que celui qui célèbre noël est un chrétien ? Vous voyez bien que cela pose un petit problème… par ailleurs, on peut appartenir à une « communauté » sans avoir aucune pratique religieuse. C’est le cas de la plupart des juifs français…
[Parce que je veux bien qu’on me dise qu’il est impossible d’affirmer que les musulmans votent très peu pour le FN, ça n’empêche que c’est une des clés de lecture, à mon avis importante, pour comprendre la société française. Or si toute estimation du vote « communautaire » est impossible, on s’en prive…]
Le problème est que vous voulez créer une donnée qui n’existe pas. Le sexe est un caractère objectif – n’en déplaise aux partisans de la théorie du « genre » – et on peut donc faire une statistique objective sur ce que votent les hommes ou les femmes. Mais l’appartenance à telle ou telle communauté, religieuse ou pas, est une question subjective, et aucune statistique objective n’est donc possible. Vous pouvez à la rigueur affirmer que « les gens qui SE DISENT musulmans votent peu pour le FN », mais vous ne pouvez pas dire « les gens qui SONT musulmans votent peu pour le FN », tout simplement parce que vous n’avez pas de moyen de juger qui est ou n’est pas musulman.
[Quand l’échantillon représente au moins la moitié d’une population de dizaine de millions d’individus, libres de leur choix de voter ou non, le biais de sélection peut, sans trop de dégâts, être vu comme relativement atténué. Par exemple, entre une élection européenne et une présidentielle, avec une participation qui varie du simple au double, les forces en présence restent les mêmes et il n’y a pas, hors cas exceptionnels, de grosses variations (avec pourtant des têtes d’affiche et des contextes différents) (vous me direz qu’à quelques points près on aurait pu avoir Fillon-Mélenchon au 2nd tour de la dernière présidentielle…).]
Votre exemple est mal choisi. La liste EELV menée par Cohn-Bendit avait fait 16,28% aux européennes de 2009, alors qu’à la présidentielle deux ans plus tôt le candidat EELV, Eva Joli, avait fait 2,3%, soit un rapport de un à sept. Entre ces deux élections, les candidats FN sont passés de 10,5% à 6,3%, une perte de 40%, le parti socialiste est passé de 25% à 16% (là encore, une perte de 40%). Difficile donc d’écrire que « les forces en présence restent les mêmes »…
@ Descartes (26 avril 2019 à 15 h 33 min)
[Votre exemple est mal choisi. La liste EELV menée par Cohn-Bendit avait fait 16,28% aux européennes de 2009, alors qu’à la présidentielle deux ans plus tôt le candidat EELV, Eva Joli, avait fait 2,3%, soit un rapport de un à sept.]
C’était à cet exemple que je pensais lorsque je disais « hors cas exceptionnels ». Dans mes souvenirs, il y avait eu une polémique à l’époque sur un documentaire écolo à forte audience diffusé la veille du scrutin sur France 2.
[Difficile donc d’écrire que « les forces en présence restent les mêmes »…]
Vous m’accorderez quand même que les mêmes partis sont toujours à peu près aux mêmes places.
Eur 2014 (Abst 58%) : 1-FN, 2-UMP, 3-PS, 4-UDI/Modem, 5-Verts, 6-FdG
Prés 2012 (Abst 21%) : 1-PS, 2-UMP, 3-FN, 4-FdG, 5-Modem, 6-Verts
Eur 2009 (Abst 59%) : 1-UMP, 2-PS, 3-Verts, 4-Modem, 5-FdG, 6-FN
Prés 2007 (Abst 16%) : 1-UMP, 2-PS, 3-UDF, 4-FN
Eur 2004 (Abst 57%) : 1-PS, 2-UMP, 3-UDF, 4-FN
Prés 2002 (Abst 28%) : 1-UMP, 2-FN, 3-PS, 4-UDF
Classement UMP : 1-2-1-1-2-2
Classement PS : 3-1-2-2-1-3
Classement FN : 2-4-4-6-3-1
Classement UDF : 4-3-3-4-5-4
Etc
Des variations en termes de candidats, de mode de scrutin, de contexte, et d’abstention donc, pour au final peu de variations dans les positions. Si on enlève 2009 avec un JMLP en fin de parcours et le « coup » de Cohn-Bendit, les variations en terme de «position» sont quasi nulles…
J’ai donc du mal à voir une force politique qui modifierait radicalement les scrutins en fonction de l’abstention. Et donc que les taux d’abstention ne changent au final pas grand chose au résultat… Quand les abstentionnistes votent, leurs votes s’éparpillant beaucoup.
@ bip
[« Votre exemple est mal choisi. La liste EELV menée par Cohn-Bendit avait fait 16,28% aux européennes de 2009, alors qu’à la présidentielle deux ans plus tôt le candidat EELV, Eva Joli, avait fait 2,3%, soit un rapport de un à sept. » C’était à cet exemple que je pensais lorsque je disais « hors cas exceptionnels ».]
En d’autres termes, votre loi s’applique à tous les cas sauf les cas où elle ne s’applique pas ?
[« Difficile donc d’écrire que « les forces en présence restent les mêmes »… » Vous m’accorderez quand même que les mêmes partis sont toujours à peu près aux mêmes places.]
« A peu près » laisse une large latitude ». Je vous rappelle qu’il ne s’agissait pas ici des « places » mais des pourcentages, puisque la question en débat était celle de savoir si les votants aux différentes élections constituaient un « échantillon représentatif » d’un même ensemble. Or, si les « places » sont relativement stables (et encore… le FN passe ainsi de la 6ème à la 3ème et de là à la 1ère…le tout en cinq ans), les pourcentages ne le sont certainement pas.
[J’ai donc du mal à voir une force politique qui modifierait radicalement les scrutins en fonction de l’abstention. Et donc que les taux d’abstention ne changent au final pas grand chose au résultat… Quand les abstentionnistes votent, leurs votes s’éparpillant beaucoup.]
Tout au plus, vous auriez – et j’utilise le conditionnel car il y a beaucoup trop « d’exceptions » pour que votre règle ait un sens – montré que l’abstention ne change pas l’ordre de classement, mais certainement pas « le résultat ».
@ Descartes (29 avril 2019 à 14 h 34 min)
[En d’autres termes, votre loi s’applique à tous les cas sauf les cas où elle ne s’applique pas ?]
Si vous ne m’accordez même pas que le résultat des Verts en 2009 est plutôt atypique, même en référence aux précédentes européennes où ils « surperforment » en général leur score des présidentielles (on peut y voir les conséquences du peu de pouvoir des députés européens)…
[« A peu près » laisse une large latitude]
Effectivement c’est une tentative d’estimation du vote « forcé » des abstentionnistes. Par définition, ça peut difficilement être exact… Et le peu d’éléments de preuve possibles rend bien sûr l’analyse assez grossière.
Mais que les résultats soient aussi similaires avec pourtant un nombre de variables très conséquents sous-tend quand même que le vote des abstentionnistes ne serait pas sans rapport avec celui du reste de la population.
Il n’est bien sûr pas interdit de penser que tous les abstentionnistes, s’ils étaient contraints de faire un choix, voteraient tous pour un candidat qui ne recueillerait aucune voix chez les votants non forcés. Ce n’est pas l’hypothèse que je vois comme la plus plausible… mais je ne peux pas le prouver.
@ bip
[Si vous ne m’accordez même pas que le résultat des Verts en 2009 est plutôt atypique, même en référence aux précédentes européennes où ils « surperforment » en général leur score des présidentielles (on peut y voir les conséquences du peu de pouvoir des députés européens)…]
Non, je ne vous l’accorde pas parce que même si le résultat des Verts en 2009 est exceptionnel, il rentre dans la logique de l’élection européenne, une élection sans enjeu et à la proportionnelle ou tout le monde peut se faire plaisir sans que cela ait la moindre conséquence. C’est un peu le point que je voulais montrer : prendre les électeurs des européennes ou des présidentielles comme deux échantillons représentatifs de l’électorat est statistiquement erroné, puisque le critère de sélection des deux électorats est très différent.
[Mais que les résultats soient aussi similaires avec pourtant un nombre de variables très conséquents sous-tend quand même que le vote des abstentionnistes ne serait pas sans rapport avec celui du reste de la population.]
Difficile à savoir. On sait qu’il y a une corrélation entre l’abstention et le résultat des extrêmes, ce qui laisse à penser que les électeurs abstentionnistes ne voteraient pas tout à fait de la même façon que les électeurs qui se déplacent. Mais je ne vois aucun moyen d’estimer ce que serait le vote des abstentionnistes si demain le vote devenait obligatoire.
Bonjour @N-E
> A quand des biopic avec Djamel Debbouzze dans le rôle de Clemenceau ou Omar Sy dans le rôle de De Gaulle?
Il me semble que cela poserait le même problème que de faire endosser ces rôles par Louis de Funès… à savoir un acteur spécialisé dans le registre du comique et de la guignolade.
@ Antoine
[Il me semble que cela poserait le même problème que de faire endosser ces rôles par Louis de Funès… à savoir un acteur spécialisé dans le registre du comique et de la guignolade.]
Pour un grand acteur, cela ne poserait pas de problème. Pour reprendre votre exemple, Louis de Funès a été magistral dans ses rares rôles dramatiques – pensez à “La traversée de Paris”. En France, les acteurs tendent à être marqués et jouer toujours les mêmes personnages, mais en Grande Bretagne vous trouvez facilement des acteurs shakespeariens qui jouent aussi des rôles comiques. Le problème, c’est que ni Omar Sy ni Djamel Debbouze ne sont de grands acteurs. Ils sont tout juste capables de jouer leur propre rôle.
@ Antoine,
Bonjour,
Vous savez, enfant, je voyais presque toujours Bourvil dans des rôles de gentils imbéciles (la Grande Vadrouille, le Corniaud, la Cuisine au beurre…). Un jour, je l’ai découvert dans les Grandes Gueules, qui n’est pas un film drôle. J’en ai été bouleversé.
Vous noterez cependant que même aux Etats-Unis, on ne demande pas à Morgan Freeman ou Danny Glover de jouer Nixon ou Roosevelt…
Dans la même veine…
“A chaque fois qu’une femme musulmane réclame des droits et prouve qu’elle n’est pas soumise, on lui rappelle qu’elle doit rester invisible”, dixit Rockaya Dhialo, “afro-féministe”… ou comment retourner la chose ! C’est bien tout de même le voile qui a pour but de rendre la femme invisible. Pourquoi cette militante est-elle régulièrement invitée sur LCI chez Pujadas ? Pourquoi lui faire autant de pub ? Ce n’est bien évidemment pas Romain Goupil, dont je me demande aussi pourquoi on l’invite régulièrement, qui la contrera.
Ce racialisme est irritant, je ne saurais dire si cela peut prêter à conséquence, mais il alimente un climat délétère. Je te rejoins dans cette notion d’infantilisation de notre société où le roman national devra être remplacé par un conte de fée permanent.
@ Paul I
[“A chaque fois qu’une femme musulmane réclame des droits et prouve qu’elle n’est pas soumise, on lui rappelle qu’elle doit rester invisible”, dixit Rockaya Dhialo, “afro-féministe”… ou comment retourner la chose ! C’est bien tout de même le voile qui a pour but de rendre la femme invisible.]
Non, justement. Le voile a originalement pour but de rendre la femme invisible, mais dans notre société il a pour but de rendre la femme MUSULMANE visible. Ou pour être plus précis, de rendre visible l’adhésion à l’Islam de telle ou telle femme. Le voile est aux musulmans ce que le drapeau arc-en-ciel est aux homosexuels (pardon, LGBT++++) et l’habit noir aux juifs orthodoxes : une manière d’affirmer leur appartenance communautaire dans l’espace public. En ce sens, Dhialo a raison : notre société demande – pas trop fort et de moins en moins – une certaine discrétion dans les manifestations communautaires au nom du « vivre ensemble ».
[Pourquoi cette militante est-elle régulièrement invitée sur LCI chez Pujadas ? Pourquoi lui faire autant de pub ? Ce n’est bien évidemment pas Romain Goupil, dont je me demande aussi pourquoi on l’invite régulièrement, qui la contrera.]
On invite ces gens-là parce qu’ils viennent gratuitement – les autres n’acceptent de venir que quand ils ont un livre à vendre – et parce qu’avec leurs déclarations à l’emporte-pièce ils attirent du public. Inviter quelqu’un d’intelligent c’est contre-indiqué: cela oblige les téléspectateurs à réfléchir, et les gens n’aiment pas ça. C’est la raison du succès de personnages comme Hannouna.
Autre chose qui est passé inaperçu et qui concerne mon domaine professionnel: la Secrétaire d’Etat au Handicap qui a exclu la psychiatrie du domaine de compétence concernant l’autisme. La psychanalyse avait déjà subi le même sort il y a quelques années. Ce serait le médecin généraliste qui aurait la fonction de diagnostic et d’orientation chez l’orthophoniste ou la psychomotricien.
Je vous laisse imaginer le résultat… je pense que cette intention ne sera pas vraiment suivie d’effet, du moins je l’espère…
Sachez seulement que c’est une manoeuvre destinée à satisfaire les parents d’autistes qui peuvent nourrir une défiance, peu rationnelle, quant à la prise en charge psychologique des autistes. Clientélisme pour un lobbying actif.
Cependant, il devient de plus en plus difficile de s’autoriser à penser son travail, au milieu de ces injonctions ou “recommandations” et “démarches qualité”.
@ Paul I
[Autre chose qui est passé inaperçu et qui concerne mon domaine professionnel: la Secrétaire d’Etat au Handicap qui a exclu la psychiatrie du domaine de compétence concernant l’autisme. La psychanalyse avait déjà subi le même sort il y a quelques années. Ce serait le médecin généraliste qui aurait la fonction de diagnostic et d’orientation chez l’orthophoniste ou la psychomotricien.]
De toute façon, vu que le terme « autisme » est appliqué à peu près à n’importe quoi, on pourrait aussi bien confier le diagnostic à un plombier. Le problème est que les parents qui ont des enfants avec des difficultés d’apprentissage ou de sociabilité préfèrent s’entendre dire que leur enfant est « autiste » – handicap auquel le monde littéraire et médiatique a donné des lettres de noblesse – plutôt qu’admettre qu’il est oligophrène (i.e. débile). Avoir un enfant Asperger – « comme Greta Tunberg, ma chèèèère » – c’est du dernier chic chez certains bobos, paraît-il.
[Sachez seulement que c’est une manœuvre destinée à satisfaire les parents d’autistes qui peuvent nourrir une défiance, peu rationnelle, quant à la prise en charge psychologique des autistes.]
Je ne connais pas le sujet, alors j’aurais du mal à donner un avis sur le « sérieux » de la prise en charge de l’autisme par les psychiatres. J’ai tendance à penser – mais c’est un préjugé, je l’avoue – que la prise en charge par les psychanalystes n’était pas très sérieuse…
[Cependant, il devient de plus en plus difficile de s’autoriser à penser son travail, au milieu de ces injonctions ou “recommandations” et “démarches qualité”.]
Celui qui paye les musiciens choisit la partition, et cela est aussi vrai aujourd’hui qu’il y a cinq siècles. Quand c’était le patient qui payait, le professionnel devait choisir entre céder à ses injonctions ou perdre le client. Maintenant que c’est la collectivité qui paye, ce sont les « recommandations » et autres « démarches qualité » qui les ont remplacées.
Lorsque Ferrand , tête pensante de LREM , s’indigne en stigmatisant le fait que certains critiquent Macron pour avoir été membre de la commission Attali et salarié de la banque Rotshild , nous sommes aussi dans le terrorisme intellectuel .
@Descartes
[Quant à notre « gauche », ou ce qu’il en reste, elle ferait bien de revenir à ses valeurs fondatrices, celles du rationalisme, du libre débat et du libre examen].
Cette conception de la gauche est la mienne,mais apparemment pour de nombreuses parts de la population,non : être de gauche , pour les gens , c’est être ‘ gentil gnan-gnan’.
Ce revirement date t il de Mitterand ou de la libération , ou pour contraster avec le cauchemard de l’Hitlérisme , un vent d’utopie où l’avenir était radieux , a soufflé sur le monde ?
Car le réel est têtu.
Tenez ce matin,nous apprenons qu’un nouveau retard dans la construction de l’EPR,se manifeste.
Que nous apprends ce chantier des projets de progrès dont la gauche rationnaliste est porteuse?
Qu’en penserez Lénine,pour qui le communisme,c’était les soviets plus l’électricité ?
@ luc
[Lorsque Ferrand , tête pensante de LREM , s’indigne en stigmatisant le fait que certains critiquent Macron pour avoir été membre de la commission Attali et salarié de la banque Rotshild , nous sommes aussi dans le terrorisme intellectuel.]
Vous pensez vraiment que Ferrand fait peur à quelqu’un ? Pour qu’il y ait « terrorisme », il faut se donner les moyens de faire régner la terreur… Quant à qualifier Ferrand de « tête pensante », je trouve que vous lui faites bien trop d’honneur.
[Ce revirement date-t-il de Mitterand ou de la libération, ou pour contraster avec le cauchemar de l’Hitlérisme, un vent d’utopie où l’avenir était radieux, a soufflé sur le monde ?]
L’idée que la gauche est le parti de la gentillesse est en fait très ancien, presque aussi ancien que la gauche. C’est Saint-Just, peut-être le premier gauchiste, qui proclama « le bonheur est une idée nouvelle en Europe ». Et en effet, c’était la première fois qu’on associait le « bonheur », catégorie fondamentalement subjective s’il en est, et la politique. Depuis, la gauche a toujours oscillé entre la version « gnan-gnan » et le cynisme.
[Tenez ce matin, nous apprenons qu’un nouveau retard dans la construction de l’EPR, se manifeste.]
Le défaut était connu. La position du groupe permanent ne fait que confirmer ce que tout le monde disait tout bas. Mais il faut tirer les conclusions de cette affaire : lorsqu’on laisse pendant deux décennies se dégrader notre potentiel technique et industriel, lorsqu’on externalise à mort et qu’on encourage nos jeunes les plus brillants à devenir trader ou avocat, on perd la capacité de conduire des grands projets. Le problème n’est pas l’EPR : celui de Taishan 1 est maintenant en opération et le chargement du combustible dans Taishan 2 commence ces jours-ci.
@Descartes
> Et en effet, c’était la première fois qu’on associait le « bonheur », catégorie fondamentalement subjective s’il en est, et la politique.
Est-ce que ce n’est pas plutôt dans la déclaration d’indépendance américaine ? (et dans ce contexte il semble qu’il faille entendre le mot au sens de bien-être, prospérité)
« We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness.
“That to secure these rights, Governments are instituted among Men, deriving their just powers from the consent of the governed, That whenever any Form of Government becomes destructive of these ends, it is the Right of the People to alter or to abolish it, and to institute new Government, laying its foundation on such principles and organizing its powers in such form, as to them shall seem most likely to effect their Safety and Happiness. »
@ Antoine
[« Et en effet, c’était la première fois qu’on associait le « bonheur », catégorie fondamentalement subjective s’il en est, et la politique. » Est-ce que ce n’est pas plutôt dans la déclaration d’indépendance américaine ? (et dans ce contexte il semble qu’il faille entendre le mot au sens de bien-être, prospérité)]
Relisez l’échange. La question était quand la gauche FRANCAISE était devenue « gnan gnan » (« Ce revirement date-t-il de Mitterand ou de la libération, »). Parler de Saint-Just comme celui qui le premier a formulé EN FRANCE le bonheur comme principe politique me paraît juste. Mais la référence à la constitution américaine est intéressante parce qu’elle est, elle aussi, le produit des Lumières.
Bonjour Descartes,
En phase avec le contenu de l’article, mais quelques remarques pour alimenter le débat néanmoins !
[les actes antisémites étaient pratiquement inconnus après la Libération et jusqu’aux années 1960, et on peut dire que les politiques de lutte contre l’antisémitisme sont la conséquence de l’augmentation des actes antisémites, et non la cause de leur diminution ]
Je suis d’accord que les “campagnes contre l’antisémitisme” ne sont probablement pas les plus efficaces, mais les arguments évoqués ici me paraissent un peu faibles.
On pourrait tout aussi bien attribuer le très faible nombre d’acte antisémites en France après la 2ème guerre mondiale au “traumatisme” que celle-ci a généré (avec une tolérance 0 avec l’antisémitisme pour “se rattraper” ?).
Et la reprise de ces actes, on pourrait l’associer avec justement l’éloignement de la guerre, ou tout simplement l’import du conflit israélo-palestinien sur notre territoire… dont nos banlieues.
[Les principales avancées en ce qui concerne l’égalité hommes/femmes datent de bien avant que les « politiques de genre » soient mises en œuvre. ]
Là aussi, ça ne me paraît pas être le bon argument. Ce que disent les “féministes de genre”, c’est que l’égalité s’est faite dans la loi mais pas dans les faits – et qu’il faut maintenant “forcer cette égalité”. Elles ne nient pas que l’égalité en droits existe, mais qu’elles subissent certains éléments qu’il serait soit compliqué de contraindre dans la loi ou d’appliquer sauf à changer les mentalités, d’où leur combat. Par exemple, que certes une femme peut devenir membre d’un conseil d’administration du CAC40, mais que dans les faits elle se fait refuser des postes à compétence égale. Que des femmes subissent multitudes d’insultes, attouchements dans les transports en commun ou autre, quand bien même elles seraient “égales”.
Je ne défend pas leur combat car à mon avis cela se réglera petit à petit le temps que les mentalités évoluent. Je sais, ça doit être frustrant, mais c’est comme ça… ce n’est pas en créant des nouvelles inégalités “inversées” qu’on réglera le problème.
[Même la pratique du « blackface » en ce qu’elle avait de dégradante est une pratique américaine]
Pour être précis, les membres de l’UNEF par exemple attribuent le blackface non seulement aux “Minstrel show” américains” mais aussi au Vaudeville Français (je n’ai pas d’exemple cela dit..).
Cela ne change rien au fait qu’ils soient ridicules et qu’on ne va certainement pas censurer des siècles de biens culturels sous prétexte qu’à l’époque on partageait pas les tâches ménagères…
[ainsi Laurence Olivier était extraordinaire en Shylock sans être juif et en Othello sans être noir]
Et c’est très bien que Laurence Olivier ait pu jouer ces rôles, mais… se grimer en noir était-il nécessaire pour le faire ? Un noir peut jouer un blanc, un blanc un noir, tout simplement. Pourquoi devoir se grimer ? Personnellement je trouve ça un peu kitsch et cela ne sert que rarement la mise en scène… (en l’occurrence dans la pièce de Brunet je trouve que cela rendait vraiment très bien).
Bon weekend,
Marencau
@ Marencau
[On pourrait tout aussi bien attribuer le très faible nombre d’acte antisémites en France après la 2ème guerre mondiale au “traumatisme” que celle-ci a généré (avec une tolérance 0 avec l’antisémitisme pour “se rattraper” ?). Et la reprise de ces actes, on pourrait l’associer avec justement l’éloignement de la guerre, ou tout simplement l’import du conflit israélo-palestinien sur notre territoire… dont nos banlieues.]
C’était bien mon analyse. Nous sommes d’accord.
[Là aussi, ça ne me paraît pas être le bon argument. Ce que disent les “féministes de genre”, c’est que l’égalité s’est faite dans la loi mais pas dans les faits – et qu’il faut maintenant “forcer cette égalité”.]
Elles le disent, mais elles ont tort. L’entrée massive des femmes dans le marché du travail avec la première guerre mondiale n’est pas une question de « loi », c’est une question de fait. Idem pour le droit de vote, que les femmes ont massivement utilisé dès 1945. Les principales avancées dans la condition féminine – je parle bien de la condition, et non pas du droit – précèdent l’arrivée du « féminisme de genre ».
[Par exemple, que certes une femme peut devenir membre d’un conseil d’administration du CAC40, mais que dans les faits elle se fait refuser des postes à compétence égale.]
Mais… est-ce vrai ? Si l’on se tient à un raisonnement matérialiste, on a du mal à voir pourquoi. Après tout, un patron a tout intérêt à nommer à un poste la personne qui rendra son investissement le plus rentable possible. Pourquoi se priverait-il de gens compétents au prétexte du sexe ? Doit-on admettre que les capitalistes sont guidés par autre chose que leur intérêt ?
[Que des femmes subissent multitudes d’insultes, attouchements dans les transports en commun ou autre, quand bien même elles seraient “égales”.]
Les hommes aussi, je vous rassure. Seulement, j’imagine mal un homme aller porter plainte au commissariat au prétexte qu’une femme lui a touché les fesses dans les transports, ou parce que sa patronne lui a proposé de coucher avec elle.
[« Même la pratique du « blackface » en ce qu’elle avait de dégradante est une pratique américaine » Pour être précis, les membres de l’UNEF par exemple attribuent le blackface non seulement aux “Minstrel show” américains” mais aussi au Vaudeville Français (je n’ai pas d’exemple cela dit..).]
Moi non plus, et je vois mal le rôle qu’un noir pourrait jouer dans le vaudeville, qui est avant tout un drame bourgeois. A ma connaissance, aucun des grands auteurs de vaudeville n’a écrit un personnage noir.
[Cela ne change rien au fait qu’ils soient ridicules et qu’on ne va certainement pas censurer des siècles de biens culturels sous prétexte qu’à l’époque on partageait pas les tâches ménagères…]
C’est là que vous faites erreur. On est en train de censurer – ou de rectifier – des siècles de biens culturels. Des pièces ne peuvent plus être représentées, des livres ne peuvent plus être édités parce qu’ils déplaisent à divers gardiens de vertu. Dont les choix sont quelquefois étranges : ainsi, par exemple, le Marquis de Sade, dont le sexisme est assez évident, reste une référence pour tous les intello-bobos y compris ceux qui ne perdent pas d’occasion pour parler du « genre »…
[« ainsi Laurence Olivier était extraordinaire en Shylock sans être juif et en Othello sans être noir » Et c’est très bien que Laurence Olivier ait pu jouer ces rôles, mais… se grimer en noir était-il nécessaire pour le faire ?]
Oui. Si Shakespeare a décidé de placer son drame à Venise et de faire du personnage d’Othello un « maure », ce n’est pas par hasard. Il y a bien une raison. L’avantage de la mise en scène classique, c’est de donner à voir au spectateur le spectacle tel que l’auteur l’a pensé, et de le pousser donc à s’interroger sur les raisons qui ont fait que l’auteur a fait tel ou tel choix.
[Les principales avancées dans la condition féminine – je parle bien de la condition, et non pas du droit – précèdent l’arrivée du « féminisme de genre ».]
Admettons que les principales avancées sur une sorte de “Pareto de l’égalité” aient été obtenues. Comment obtenir le reste en pratique ?
[Pourquoi se priverait-il de gens compétents au prétexte du sexe ? Doit-on admettre que les capitalistes sont guidés par autre chose que leur intérêt ?]
Oui, c’est comme pour l’écart de salaire. En réalité, les femmes s’orientent vers des métiers moins rémunérateurs en moyenne et c’est ça qui explique les écarts homme/femme, les employeurs ne sont pas idiots.
Ceci étant dit (et je le constate dans l’entreprise où je travaille), les femmes, maternité oblige, font plus souvent des choix de vie (subis par le conjoint ou choisis ?) qui les mettent légèrement en désavantage à une période charnière de leur carrière (mettons 30-40 ans).
Rien d’incroyable, mais même chez des cadres sortis de grande école, c’est plus souvent la femme que l’homme qui fait des horaires allégés ou doit partir tôt chercher ses enfants à la crèche. Ce qui fait hurler les féministes justement.
[Les hommes aussi, je vous rassure. Seulement, j’imagine mal un homme aller porter plainte au commissariat au prétexte qu’une femme lui a touché les fesses dans les transports, ou parce que sa patronne lui a proposé de coucher avec elle.]
Je crains fort ne pas avoir votre charme… honnêtement, quasi toutes mes amies sont unanimes sur ce point. Se passe rarement un jour sans à minima une insulte/phrases déplacées très vulgaires, surtout dans le métro. Sans compter l’occasionnel pervers qui vient exhiber les bijoux de famille quand il est sûr que personne d’autre ne le voit…
En tant qu’homme, je comprend que ce soit très usant. Moi aussi j’ai peur de me faire agresser dans certains endroits, mais je n’ai pas de harcèlement en permanence.
[Moi non plus, et je vois mal le rôle qu’un noir pourrait jouer dans le vaudeville, qui est avant tout un drame bourgeois. A ma connaissance, aucun des grands auteurs de vaudeville n’a écrit un personnage noir.]
J’ai trouvé une référence de Vaudeville incluant des personnages noirs… joués par des hommes noirs. Difficilement imaginable à la même époque aux USA: https://www.nonfiction.fr/article-8929-le-vaudeville-en-noir-et-blanc.htm
[L’avantage de la mise en scène classique, c’est de donner à voir au spectateur le spectacle tel que l’auteur l’a pensé, et de le pousser donc à s’interroger sur les raisons qui ont fait que l’auteur a fait tel ou tel choix.]
Je ne suis pas sûr que cela retranscrive forcément l’état d’esprit de l’auteur. Après tout, à l’époque Shakespeare mettait un monticule de terre sur scène avec un drapeau “hill” et voilà tout pour le décor mettant en scène une colline. Il me semble d’ailleurs que les personnes “d’époque” étaient joués en tenue “actuelle” (celle de Shakespeare donc).
Pour nous, jouer donc les pièces de l’époque en tenues d’époque ressemble donc certes à ce qui était joué, mais pas dans la même optique. L’équivalent est pour nous de jouer Molière en costume trois pièces sans trop de bric à brac sur scène, et je ne trouve pas que ce soit dérangeant.
Quoiqu’il en soit, on rentre ici dans des considérations “artistiques” et des goûts personnels de mise en scène. Et s’il y a bien une chose que je souhaite, c’est que les réalisateurs ou metteurs en scène puissent conserver leur totale liberté à ce sujet. Il y aura des “offensés”, il y aura des personnes qui auraient voulu une mise en scène plus classique ou moderne, mais tant pis. C’est le jeu de la création artistique.
@ Marencau
[Admettons que les principales avancées sur une sorte de “Pareto de l’égalité” aient été obtenues. Comment obtenir le reste en pratique ?]
« Benign neglect », avait répondu le sénateur Moinyhan à cette question… il faut laisser faire le temps. Dès lors que les femmes rentrent dans l’enseignement au même niveau que les hommes, elles accéderont aux postes y compris les plus hauts sur la base du mérite. J’imagine mal un patron perdre de l’argent en refusant un poste à une femme compétente pour mettre un homme incompétent. Je ne suis pas totalement convaincu qu’il « reste » tant que ça à conquérir pour atteindre l’égalité…
[« Pourquoi se priverait-il de gens compétents au prétexte du sexe ? Doit-on admettre que les capitalistes sont guidés par autre chose que leur intérêt ? » Oui, c’est comme pour l’écart de salaire. En réalité, les femmes s’orientent vers des métiers moins rémunérateurs en moyenne et c’est ça qui explique les écarts homme/femme, les employeurs ne sont pas idiots.]
Oui, mais pourquoi « les femmes s’orientent vers les métiers moins rémunérateurs » ? Sont-elles moins intelligentes à l’heure de choisir leur métier ? Ou est-ce parce qu’elles font d’autres arbitrages (par exemple, temps libre et flexibilité plutôt que le salaire) ? Après tout, on ne peut pas tout avoir.
[Ceci étant dit (et je le constate dans l’entreprise où je travaille), les femmes, maternité oblige, font plus souvent des choix de vie (subis par le conjoint ou choisis ?) qui les mettent légèrement en désavantage à une période charnière de leur carrière (mettons 30-40 ans).]
Pardon, mais la maternité n’est pas une OBLIGATION, c’est un CHOIX. Mais on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière : vouloir être présent à la maison pour ses enfants ET faire une brillante carrière de PDG, de scientifique ou de concertiste international, ce n’est simplement pas possible.
[Rien d’incroyable, mais même chez des cadres sortis de grande école, c’est plus souvent la femme que l’homme qui fait des horaires allégés ou doit partir tôt chercher ses enfants à la crèche. Ce qui fait hurler les féministes justement.]
Sur ces questions, je suis libéral : laissons les gens choisir. Aujourd’hui, les femmes – comme les hommes – ont le choix de privilégier l’épanouissement professionnel ou l’épanouissement familial. Mais on ne peut pas avoir les deux.
[« Les hommes aussi, je vous rassure. Seulement, j’imagine mal un homme aller porter plainte au commissariat au prétexte qu’une femme lui a touché les fesses dans les transports, ou parce que sa patronne lui a proposé de coucher avec elle. » Je crains fort ne pas avoir votre charme…]
Nobody is perfect…
[honnêtement, quasi toutes mes amies sont unanimes sur ce point. Se passe rarement un jour sans à minima une insulte/phrases déplacées très vulgaires, surtout dans le métro. Sans compter l’occasionnel pervers qui vient exhiber les bijoux de famille quand il est sûr que personne d’autre ne le voit…]
J’ai passé une partie de ma jeunesse dans le quartier de Pigalle. Je peux vous assurer que j’essuyais tous les jours des phrases tout aussi « déplacées » et ne parlons même pas des bijoux de famille : toute la marchandise était sur l’étalage. Et il ne me serait pas venu à l’idée d’aller porter plainte…
[« L’avantage de la mise en scène classique, c’est de donner à voir au spectateur le spectacle tel que l’auteur l’a pensé, et de le pousser donc à s’interroger sur les raisons qui ont fait que l’auteur a fait tel ou tel choix. » Je ne suis pas sûr que cela retranscrive forcément l’état d’esprit de l’auteur. Après tout, à l’époque Shakespeare mettait un monticule de terre sur scène avec un drapeau “hill” et voilà tout pour le décor mettant en scène une colline. Il me semble d’ailleurs que les personnes “d’époque” étaient joués en tenue “actuelle” (celle de Shakespeare donc).]
Je pense que vous avez une fausse idée du théâtre shakespearien. Loin d’utiliser un décor minimaliste, les hommes de la Renaissance étaient fascinés par les décors recherchés et les machineries permettant « de faire jaillir des diables de l’enfer et des dieux du firmament » pour utiliser une formule de l’époque. Il est vrai que les compagnies ambulantes jouaient dans des décors minimalistes (car il fallait les transporter) mais la « sédentarisation » du théâtre avait entre autres objectifs de permettre l’usage de décors plus complexes. Dans tous les cas, une grande attention était prêtée au costume. Si les pièces « contemporaines » étaient joués en costumes « contemporains », ce n’était pas le cas des pièces « romaines » (comme Jules César) ou celles situées dans un passé lointain et indéfini (Macbeth, le Roi Lear). Par ailleurs, on plaçait l’action souvent dans des pays considérés comme « exotiques » (Venise, Vérone, Malte, Alger) pour permettre l’usage de costumes tout aussi exotiques qui rehaussaient le spectacle.
[Pour nous, jouer donc les pièces de l’époque en tenues d’époque ressemble donc certes à ce qui était joué, mais pas dans la même optique. L’équivalent est pour nous de jouer Molière en costume trois pièces sans trop de bric à brac sur scène, et je ne trouve pas que ce soit dérangeant.]
C’est en partie vrai, mais en partie seulement. C’est vrai pour Molière, dont les pièces sont des comédies de mœurs dans un contexte contemporain de son auteur. Mais c’est moins vrai pour Racine, Corneille ou Shakespeare, dont les pièce se déroulent en général à une époque soit indéfinie, soit bien antérieure à celle de l’auteur. Les toges dans « Jules Cesar » ou dans « Titus et Bérénice » étaient aussi anachroniques au XVIIème qu’elles le sont aujourd’hui.
[Quoiqu’il en soit, on rentre ici dans des considérations “artistiques” et des goûts personnels de mise en scène. Et s’il y a bien une chose que je souhaite, c’est que les réalisateurs ou metteurs en scène puissent conserver leur totale liberté à ce sujet. Il y aura des “offensés”, il y aura des personnes qui auraient voulu une mise en scène plus classique ou moderne, mais tant pis. C’est le jeu de la création artistique.]
Je suis d’accord. Personnellement, j’aime les mises en scène classiques parce qu’elles replacent la pièce dans son contexte mais surtout parce qu’elles mettent en valeur le texte plutôt que de distraire le spectateur avec des « gadgets ». J’aime les mises en scène « modernes » quand elles font l’effort de réinterpréter le texte pour conserver la cohérence de la pièce : rien n’est plus ridicule qu’un acteur proclamant « est-ce une dague que je vois là » quand son assassin porte un révolver…
[Oui, mais pourquoi « les femmes s’orientent vers les métiers moins rémunérateurs » ?]
Mes amies féministes me dirait que la représentation des femmes dans la société les invites, par des mécanismes subtiles, a se fermer des portes et s’en ouvrir d’autres. En gros le choix est biaisé de part l’éducation, la représentation dans les oeuvres culturels, etc. Donc il faudrait que en moyenne on est autant d’homme que de femme PDG pour que les femmes petits a petits ne se ferment plus cette porte.
C’est peut être ces mêmes mécanismes d’auto-censure qui font que des hommes dans les métiers de la santé ce n’est pas légion, que des enfants d’ouvrier peines a s’imaginer scientifique, etc. Forcément les féministes ne voient pas plus loin que “le combat des femmes”, et oublie le combat de classe.
@ Yoann
[« Oui, mais pourquoi « les femmes s’orientent vers les métiers moins rémunérateurs » ? » Mes amies féministes me diraient que la représentation des femmes dans la société les invites, par des mécanismes subtils, à se fermer des portes et s’en ouvrir d’autres.]
Oui, mais ces « représentations », elles viennent d’où ? Vos amies féministes vous diront probablement qu’il existe quelque part, dans un sous-sol secret, un Grand Directoire de la conspiration masculine mondial qui fabrique ces « représentations » et donne les ordres nécessaires pour que toutes les institutions – écoles, entreprises, églises, etc. – les diffusent. Mais si l’on adopte une approche plus réaliste, il faut se demander qui peut avoir intérêt à maintenir une telle « représentation ». Certainement pas la bourgeoisie, qui a intérêt à ce que l’offre de talents et compétences soit la plus étendue possible, de manière à ce qu’il y ait la plus grande compétition possible pour faire baisser les prix. Ouvrir aux femmes les métiers « les mieux rémunérés », c’est augmenter l’offre et donc réduire les prix. Pourquoi la bourgeoisie ferait obstacle à ça ? Et jusqu’à nouvel ordre, c’est la bourgeoisie qui est la classe dominante…
Les sociétés ne fabriquent pas des « représentations » au hasard. Ces « représentations » ont une fonction. Si la société fabrique des « représentations » de ce que doit faire un homme ou une femme (mais aussi un enfant, un adulte, un vieillard, d’un instituteur, d’un policier, d’un médecin, d’un prêtre ou d’un juge) c’est parce que ces « représentations » jouent un rôle de stabilisateur social. Le fait de savoir à l’avance quel est le comportement que la société attend de vous en fonction de votre sexe, de votre âge, de votre statut est un facteur puissant de stabilité. Mais ces « représentations » visent aussi à un optimum économique, en divisant le travail et en assurant que chacun est préparé à le faire. Si la « représentation » dit que « maman fait la cuisine et papa répare la voiture », alors les petites filles apprendront à faire la cuisine et les petits garçons à réparer la voiture. Et lorsqu’ils seront grands et se marieront, on peut être sûr qu’il y aura dans chaque foyer quelqu’un qui saura faire la cuisine et quelqu’un qui saura réparer la voiture. Mais imaginons maintenant une société ou cette représentation n’existe pas, ou les petits enfants et les petites filles peuvent choisir librement leur voie. Quand ils se marieront plus tard, on aura des couples dans lesquels les deux savent réparer la voiture, mais aucun ne sait faire la cuisine…
Quand on mange des plats à réchauffés au microondes et qu’à la moindre panne on donne sa voiture à réparer au garagiste, on peut ne rien savoir faire. Il suffit de se concentrer sur son savoir professionnel, qui permet de gagner de quoi payer les plats préparés et le garage. C’est à ce prix que notre société peut se permettre l’indifférenciation des rôles. Mais cela se paye : si les hommes et les femmes ne sont plus complémentaires, si aucun n’a besoin de l’autre, ils n’ont pas beaucoup de raisons de rester ensemble…
[En gros le choix est biaisé de part l’éducation, la représentation dans les œuvres culturels, etc. Donc il faudrait que en moyenne on est autant d’homme que de femme PDG pour que les femmes petits a petits ne se ferment plus cette porte.]
Ce genre de discours revient à prendre les gens – et notamment les femmes – pour des imbéciles. Ou pire, pour des gourdes qui ne savent pas ce qu’elles veulent, et qui ne réalisent pas qu’elles peuvent piloter des avions parce qu’elles ne voient pas assez de femmes pilote de ligne.
[C’est peut être ces mêmes mécanismes d’auto-censure qui font que des hommes dans les métiers de la santé ce n’est pas légion, que des enfants d’ouvrier peines a s’imaginer scientifique, etc.]
Faudrait vous décider. Dans un autre message, vous m’avez convaincu – ou du moins essayé de me convaincre – en citant Bourdieu que les enfants d’ouvrier n’ont aucune chance de devenir scientifique, quand bien même ils s’imagineraient tels… et maintenant vous me dites que c’est « la peine à s’imaginer scientifique » qui est l’obstacle à leur poursuite dans cette voie ?
[C’est à ce prix que notre société peut se permettre l’indifférenciation des rôles]
C’est intéressant tout ce que vous dites la. Il va falloir que j’y réfléchisse quelques jours maintenant.
Est évident que le capitalisme nous permet de ne plus avoir de rôle spécialisé en famille. Me concernant j’accueille ça favorablement.
[Faudrait vous décider. Dans un autre message, vous m’avez convaincu – ou du moins essayé de me convaincre – en citant Bourdieu que les enfants d’ouvrier n’ont aucune chance de devenir scientifique, quand bien même ils s’imagineraient tels… et maintenant vous me dites que c’est « la peine à s’imaginer scientifique » qui est l’obstacle à leur poursuite dans cette voie ?]
Pour les histoires de représentation je reprends les arguments de mes amies féministes. J’ai mes doutes quant à la démonstration pour être honnête.
Mais ce n’est pas deux choses opposable :
– Il y a la capacité a réussir (<> aide a gagner la compétition que sont les études). Cela favorise une reproduction de classe.
– Il y a les choix de filières. A capacité de réussite égale (cf au dessus), il y a des choix de vie différent selon si la personne est un homme ou une femme.
@ Yoann
[Est évident que le capitalisme nous permet de ne plus avoir de rôle spécialisé en famille. Me concernant j’accueille ça favorablement.]
Moi, je suis plus sceptique. La différentiation des rôles a des conséquences économiques mais aussi symboliques. Si le Père et la loi et la mère la transgression, alors l’enfant sait où il doit aller selon ce qu’il cherche. Si les rôles sont indifférenciés – ou pire, fluctuants – l’enfant ne sait plus de quel côté se tourner.
[– Il y a la capacité a réussir (<> aide a gagner la compétition que sont les études). Cela favorise une reproduction de classe.]
Pourquoi ? Les bourgeois sont plus intelligents ?
[– Il y a les choix de filières. A capacité de réussite égale (cf au dessus), il y a des choix de vie différent selon si la personne est un homme ou une femme.]
Mais ces choix sont-ils volontaires ou pas ? Parce que si j’admets qu’une femme est majeure et vaccinée et capable de faire des choix informés, alors je ne vois pas de quel droit il faudrait lui imposer un « choix de vie ». Or c’est précisément ce que font les féministes… ce qui revient donc a considérer la femme comme mineure, incapable de faire un choix rationnel. Comme au bon vieux temps de la Reine Victoire…
@Descartes
[Pourquoi ? Les bourgeois sont plus intelligents ?]
Plus informés sur les parcours scolaires existant (mes parents ne savaient ni les types de BAC, ni les parcours post-bac, encore moins l’existence de la Prépa par exemple. La dessus je dois tout a une professeur bien informé.
Sans parler de la culture et son accès par la famille, les cours particulier, les écoles privées, et bien entendu les roues de secours (école de commerce payante par exemple).
@ Yoann
[La dessus je dois tout a une professeur bien informé.]
C’est le rôle assumé des enseignants de détecter les talents et de les encourager qui a fait de notre système scolaire le lieu de la promotion sociale – dans les limites tolérables dans un système capitaliste dont inégalitaire, bien entendu. Mais l’exemple que vous donnez tend à invalider votre argument selon lequel le système scolaire répond à une détermination sociale. Car c’est bien au système scolaire, dans votre cas, que vous devez votre promotion…
@Yoann et @Descartes
Je suis tombé il y a peu sur ce docu de 2013 qui pourrait compléter votre échange :
Le paradoxe norvégien https://www.youtube.com/watch?v=hQYiub1hkSw.
Pourquoi donc, dans un pays, la Norvège, où l’égalité H/F semble plus accomplie que partout ailleurs, les clichés sexués (sexiste ?) ont-ils la peau si dure ?
Le docu porte sur l’hypothèse innée largement évacuée des débats en général. Une autre question me vient : pourquoi ? Si on nous enjoint tant à nous concentrés sur nos identités, nos racines, à les connaître, les fantasmer, voire à en être fiers, pourquoi certaines d’entres-elles (naître homme ou femme, naître français, dans un milieu bourgeois ou prolétaire) passent-elles par pertes et profits ? l’effet du relativisme mondialisé ? où il faudrait passer sur le corps de nos féministes engagées pour faire une proposition indécente à une congénère, et où, “en même temps”, parmi elles, certaines nous feraient une haie d’honneur pour aller combattre le vil Assad avec le concours de Ben Salmane. Je m’égare pardon.
Merci pour ces échanges.
Montescalier
@ Montescalier
[Je suis tombé il y a peu sur ce docu de 2013 qui pourrait compléter votre échange :
Le paradoxe norvégien (…)]
Le documentaire est excellent. En particulier, parce qu’il met en évidence combien l’affirmation d’une égalité comportementale entre les hommes et les femmes est pour les féministes de genre un article de dogme, qui ne supporte pas de contradiction fut-elle scientifique. Tout argument contre le dogme est évacué non pas sur le fondement d’un raisonnement, mais sur celui des « mauvaises intentions » de ses défenseurs…
[Pourquoi donc, dans un pays, la Norvège, où l’égalité H/F semble plus accomplie que partout ailleurs, les clichés sexués (sexiste ?) ont-ils la peau si dure ?]
Tout simplement parce que ce ne sont pas des « clichés », mais le résultat d’une différentiation liée à l’évolution. La thèse des évolutionnistes est que dans la mesure où hommes et femmes avaient des rôles différents vis-à-vis de la reproduction de l’espèce, le mécanisme de sélection favorisera dans le patrimoine génétique les comportements qui optimisent la capacité à le transmettre aux générations futures. Ainsi, la femme portant les enfants et les nourrissant dans leur jeune âge, il est essentiel pour elle d’être bien intégrée au groupe, d’éviter les situations de conflit, d’avoir des comportements qui suscitent un réflexe de protection de la part de l’autre.
Curieusement, la thèse de l’égalité génétique va contre le raisonnement évolutionniste. Car pourquoi diable femmes et hommes auraient évolué le même cerveau, alors que les conditions de transmission de leur patrimoine génétique est différente ?
[Le docu porte sur l’hypothèse innée largement évacuée des débats en général. Une autre question me vient : pourquoi ?]
Parce que l’hypothèse de l’inné est profondément dérangeante dans une société libérale, puisqu’elle ressuscite peu ou prou l’idée d’une prédestination, d’une détermination par des mécanismes sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Le libéralisme des Lumières s’est construit sur la fiction d’un être humain abstrait et universel, n’étant déterminé que par sa raison. Le libéralisme romantique s’est construit sur un être humain dominé par ses passions. Mais l’idée que l’homme pourrait être déterminé par quelque chose d’extérieur (les dieux, la génétique…) nous est profondément étranger.
[Si on nous enjoint tant à nous concentrés sur nos identités, nos racines, à les connaître, les fantasmer, voire à en être fiers, pourquoi certaines d’entres-elles (naître homme ou femme, naître français, dans un milieu bourgeois ou prolétaire) passent-elles par pertes et profits ?]
Il ne faut pas confondre les identités essentielles et celles qui sont contingentes. On nait noir ou blanc, on nait homme ou femme, et on n’y peut rien, on le restera le reste de sa vie quoi qu’on fasse, car cela fait partie de notre essence. Par contre, naître français ou prolétaire ne détermine pas l’avenir : on peut changer de nationalité ou de classe. Aujourd’hui, on insiste surtout sur des « identités d’appartenance » sur lesquelles ont maintient un flou artistique : sont-elles des identités essentielles ou contingentes ? Avec l’idée qu’on peut « choisir » son identité, on se met plutôt du côté du contingent, ce qui est logique dans une société qui a du mal à accepter les déterminations…
@Descartes
“C’était la première fois qu’on associait le « bonheur », catégorie fondamentalement subjective s’il en est, et la politique.”
Pas vraiment. Le bonheur -et non plus le salut de l’âme- était la grande idée philosophique du 18ème siècle, il était assez prévisible qu’il finisse par devenir une norme politique (cf le préambule de la DDHC). Ce qui, d’un certain côté, n’était qu’une réinvention de la conception païenne de la politique qu’on trouve chez Aristote ou Cicéron:
« Celui qui préside aux destinées de la République doit avoir pour but le bonheur de ses concitoyens. Qu’il travaille constamment à donner à l’État puissance, richesse, attitude glorieuse, sans s’écarter des voies de l’honneur et de la vertu. »
-Cicéron, Ad Atticum, VIII, 11.
@ Jonhathan R. Razorback
[« C’était la première fois qu’on associait le « bonheur », catégorie fondamentalement subjective s’il en est, et la politique. » Pas vraiment. Le bonheur -et non plus le salut de l’âme- était la grande idée philosophique du 18ème siècle, il était assez prévisible qu’il finisse par devenir une norme politique (cf le préambule de la DDHC).]
C’était peut-être « prévisible », mais cela ne retire rien à mon commentaire. En France, la formulation politique de ce principe apparaît pour la première fois dans la bouche de Saint-Just. Le préambule de la DDHC parle effectivement des « malheurs publics », mais l’expression désigne à l’époque les guerres, les scandales, les injustices. Ce n’était pas du tout le contraire du « bonheur » dont parle Saint-Just (et qui figuraient déjà dans la Constitution américaine). Mais vous avez raison sur un point : la remarque de Saint-Just était l’aboutissement logique de l’individualisme des lumières.
[Ce qui, d’un certain côté, n’était qu’une réinvention de la conception païenne de la politique qu’on trouve chez Aristote ou Cicéron:]
Encore faudrait-il savoir le sens que donnaient Aristote ou Ciceron au mot « bonheur »…
Bonjour ami et camarade,
Vous savez, l’an dernier, le CRAN a obtenu sous la pression, l’abandon de la marque de café “Négrillon” du torréfacteur stéphanois Chapuis. Cette marque existait depuis 1945. Les supermarchés qui la distribuaient étaient dénoncés.
À l’annonce de cette ânerie, j’ai eu une pensée pour l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau et son beau “Antan d’enfance”. Il y raconte son jeune âge aux Antilles et le groupe de petits qui partageaient ses jeux. Il les appelle avec beaucoup de tendresse “les négrillons”… Je ne suis pas certain que Chamoiseau soit raciste.
Et sans remonter à Eschyle, on a déjà essayé de faire interdire les “Dix petits nègres” d’Agatha Christie. D’ailleurs, dans des adaptations télévisées, la plupart du temps on a dix petits “autre-chose” (des soldats notamment…)
Ergé aussi est sur la sellette avec des demandes d’interdiction de “Tintin au Congo”…
Quand j’étais étudiant dans les années soixante-dix, je fréquentais un groupe d’étudiants sénégalais du PAI, le parti africain de l’indépendance. Ces militants très diserts se revendiquaient comme “nègres”. Je me souviens : “Je ne suis pas plus noir que tu es blanc ; je suis plus ou moins marron et tu es plus ou moins rose !” Ils énonçaient cela avec le plus grand sérieux. Leur combat pour l’indépendance, très panafricain, était très politique et très peu ethnique. Même si évidemment, leur “négritude”, les conduisait à revendiquer pour l’Homme noir le statut d’homme “tout court”. Pour autant, ils se posaient en militants ; jamais en victimes.
D’ailleurs, j’ai commencé ma carrière de coco en 1971, lors d’une grande manifestation parisienne organisée par la JC pour la libération d’Angela Davis. Et si, bien entendu, on était solidaire de cette militante des droits civiques des Noirs américains, on était tout autant solidaire de la militante communiste qu’elle était. Notre combat était très politique là aussi !
@ Gugus69
[Vous savez, l’an dernier, le CRAN a obtenu sous la pression, l’abandon de la marque de café “Négrillon” du torréfacteur stéphanois Chapuis. Cette marque existait depuis 1945. Les supermarchés qui la distribuaient étaient dénoncés. À l’annonce de cette ânerie, j’ai eu une pensée pour l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau et son beau “Antan d’enfance”. Il y raconte son jeune âge aux Antilles et le groupe de petits qui partageaient ses jeux. Il les appelle avec beaucoup de tendresse “les négrillons”… Je ne suis pas certain que Chamoiseau soit raciste.]
J’imagine que bientôt les dragons de vertu exigeront le retrait du chocolat Poulain au prétexte que ce nom est d’un specisme insupportable… quant aux catholiques, je me demande ce qu’ils attendent pour exiger qu’on cesse de vendre des « pets de nonne », une atteinte intolérable à la dignité de ces vénérables religieuses…
[Et sans remonter à Eschyle, on a déjà essayé de faire interdire les “Dix petits nègres” d’Agatha Christie. D’ailleurs, dans des adaptations télévisées, la plupart du temps on a dix petits “autre-chose” (des soldats notamment…)]
Cette référence est intéressante. Le roman d’Agatha Christie apparaît en Grande Bretagne sous le titre « ten little niggers », en référence à une comptine très populaire en ce temps, et qui n’était considérée « offensante » par personne. Mais la publication aux Etats-Unis, presque simultanée, se fait sous le titre « and then threre was none » (qui est le dernier vers de la comptine) parce que le terme « nigger » était considéré méprisant dans ce pays. Le livre continue à être vendu en Grande Bretagne sous son titre original jusqu’aux années 1970 (dernière publication sous ce titre en 1977), lorsqu’on commence à importer en Europe la « culture de l’offense » américaine.
[Hergé aussi est sur la sellette avec des demandes d’interdiction de “Tintin au Congo”…]
Là, le cas est différent. Hergé, que tout le monde porte aujourd’hui aux nues, était un homme proche de l’extrême droite catholique dans l’entre-deux-guerres. Ses albums de l’époque (notamment « Tintin chez les Soviets » et « Tintin au Congo ») dans leurs versions originales – elles ont été amendées après 1945 – contiennent nombre d’éléments racistes et antisémites. Contrairement au roman d’Agatha Christie (ou la race des « niggers » ne joue aucun rôle) ou les pièces d’Eschyle ou de Shakespeare, qui s’en tiennent aux préjugés de leur époque, Hergé était un homme engagé avec la frange la plus extrémiste de son temps sur ces questions. Et cela mérite d’être rappelé.
On peut aussi se demander pourquoi, alors qu’on va chercher des poux dans la tête d’Eschyle ou de Shakespeare, que tout suspect de racisme/antisémitisme/sexisme est instantanément exécuté par l’establishment médiatique, ce cher Hergé reste la coqueluche de nos culturo-bobos malgré ses mauvaises fréquentations, alors que celles-ci – tout comme le fait que ses albums ont été modifiés après la guerre – sont de notoriété publique.
[Quand j’étais étudiant dans les années soixante-dix, je fréquentais un groupe d’étudiants sénégalais du PAI, le parti africain de l’indépendance. Ces militants très diserts se revendiquaient comme “nègres”. Je me souviens : “Je ne suis pas plus noir que tu es blanc ; je suis plus ou moins marron et tu es plus ou moins rose !” Ils énonçaient cela avec le plus grand sérieux. Leur combat pour l’indépendance, très panafricain, était très politique et très peu ethnique. Même si évidemment, leur “négritude”, les conduisait à revendiquer pour l’Homme noir le statut d’homme “tout court”. Pour autant, ils se posaient en militants ; jamais en victimes.]
C’était le temps ou l’universalisme des Lumières n’était pas encore contesté par la vision différentialiste et communautaire. En ce temps-là, la libération des opprimés passait par leur conquête d’un statut équivalent à celui des oppresseurs, et non pas par une différentiation qui les enferme dans un statut de victimes.
[Là, le cas est différent. Hergé, que tout le monde porte aujourd’hui aux nues, était un homme proche de l’extrême droite catholique dans l’entre-deux-guerres. Ses albums de l’époque (notamment « Tintin chez les Soviets » et « Tintin au Congo ») dans leurs versions originales – elles ont été amendées après 1945 – contiennent nombre d’éléments racistes et antisémites. Contrairement au roman d’Agatha Christie (ou la race des « niggers » ne joue aucun rôle) ou les pièces d’Eschyle ou de Shakespeare, qui s’en tiennent aux préjugés de leur époque, Hergé était un homme engagé avec la frange la plus extrémiste de son temps sur ces questions. Et cela mérite d’être rappelé.]
Vous avez raison et je sais cela.
Ce que je veux dire, c’est que je n’accepterais pas pour autant que “Tintin au Congo” soit interdit de publication…
@ Gugus69
[Ce que je veux dire, c’est que je n’accepterais pas pour autant que “Tintin au Congo” soit interdit de publication…]
“Interdit” certainement pas. Mais je pense qu’il faudrait l’éditer dans la version originale et sans “coupures” pour qu’apparaisse la cohérence originale – raciste et antisémite – de l’œuvre. Et avec une introduction qui permette au lecteur de contextualiser ce qu’il lit. Voyez-vous, je me place dans une position diamétralement opposée aux dragons de vertu: eux voudraient qu’on censure ce qu’il y a d’antisémite ou raciste, moi je veux qu’on le présente contextualisé. Au fond, ils cherchent à cacher l’antisémitisme ou le racisme de l’auteur, moi je cherche à le mettre en perspective.
Oui, votre position est juste.
Dans le même esprit, je possède une édition de 1938 de “Mein Kampf” édité en français et en version intégrale par des antinazis, avec un avant-propos de mise en garde.
Dans les années trente, c’est… Hitler (!) qui avait essayé de faire interdire sa parution en France, parce qu’il craignait que cela dresse les Français contre lui.
@ Descartes,
“On peut aussi se demander pourquoi, alors qu’on va chercher des poux dans la tête d’Eschyle ou de Shakespeare, que tout suspect de racisme/antisémitisme/sexisme est instantanément exécuté par l’establishment médiatique, ce cher Hergé reste la coqueluche de nos culturo-bobos malgré ses mauvaises fréquentations”
Pourquoi en effet? C’est surprenant. Avez-vous une explication?
Personnellement, j’apprécie l’oeuvre d’Hergé, même s’il est vrai que je n’ai pas lu “Tintin chez les Soviets” et que j’ai eu accès, sans doute, aux versions “corrigées” d’après 1945. “Tintin au Congo”, je le lis comme un manifeste de l’idéologie colonialiste des années 30. Pour le reste, au risque de choquer, je suis assez indulgent avec l’antisémitisme des auteurs d’avant la Seconde Guerre Mondiale, car le fait est que dans certains milieux de droite, l’antisémitisme était un préjugé presque “normal”. Si on doit cesser de lire les auteurs antisémites de la première moitié du XX° siècle, on se prive de beaucoup d’écrivains de talent, selon moi. Cependant, il ne faut pas cacher l’antisémitisme de ces auteurs, il faut le signaler et le contextualiser, comme vous le proposez, sans pour autant nier la valeur littéraire ou artistique des œuvres.
@ nationaliste-ethniciste
[« On peut aussi se demander pourquoi, alors qu’on va chercher des poux dans la tête d’Eschyle ou de Shakespeare, que tout suspect de racisme/antisémitisme/sexisme est instantanément exécuté par l’establishment médiatique, ce cher Hergé reste la coqueluche de nos culturo-bobos malgré ses mauvaises fréquentations » Pourquoi en effet? C’est surprenant. Avez-vous une explication?]
J’avoue ma perplexité devant cette question. Pourquoi certaines figures intellectuelles continuent à être portées aux nues, leurs peccadilles antisémites, racistes ou sexistes pardonnées lorsqu’elles ne sont pas carrément occultées, et d’autres sont vouées aux gémonies pour des crimes bien moins graves ? Mais le cas de Hergé n’est pas unique. Pensez à Martin Heidegger…
[Personnellement, j’apprécie l’oeuvre d’Hergé, même s’il est vrai que je n’ai pas lu “Tintin chez les Soviets” et que j’ai eu accès, sans doute, aux versions “corrigées” d’après 1945.]
Pour le dire franchement, je n’ai jamais aimé Hergé. Peut-être parce que je ne l’ai pas lu dans mon enfance, et que je n’ai pas l’attachement nostalgique qu’on peut avoir pour les objets qui nous ont accompagné pendant cette période de la vie. Je trouve ses personnages caricaturaux, ses histoires cousues de fil blanc et d’un manichéisme presque ridicule. Quant au dessin, il est d’une esthétique assez basique.
[“Tintin au Congo”, je le lis comme un manifeste de l’idéologie colonialiste des années 30.]
Sauf que vous le lisez incomplet… c’est un fait un manifeste de l’idéologie colonialiste des années 1930 passé par la machine à laver politiquement correcte des années 1960.
[Pour le reste, au risque de choquer, je suis assez indulgent avec l’antisémitisme des auteurs d’avant la Seconde Guerre Mondiale, car le fait est que dans certains milieux de droite, l’antisémitisme était un préjugé presque “normal”.]
Je ne suis vois pas pourquoi il faudrait être « indulgent » avec les antisémites de n’importe quelle époque. Êtes-vous « indulgent » avec les partisans de l’Inquisition espagnole ou les chasseurs de sorcières du XVIème siècle ? Non ? Alors pourquoi réserver aux antisémites un traitement spécial ?
Pour moi, ce n’est pas une question « d’indulgence ». Pour ce qui concerne les auteurs du XVIIIème siècle ou antérieurs, je me refuse à juger tout simplement parce que je prends en compte le contexte. Leur antisémitisme n’est qu’une variante d’une condamnation générale de tous ceux qui n’adhéraient pas aux principes, règles et interdits communs. Les juifs étaient ciblés non parce qu’ils étaient juifs, mais parce qu’ils étaient différents, extérieurs à la communauté des sujets du roi, de la même façon qu’étaient ciblés les hérétiques ou les protestants. On peut dire que dans le cadre mental de leur époque, ils ne pouvaient pas être autre chose, ils ne pouvaient pas avoir conscience de mal faire, et par conséquence ils ne sont pas moralement responsables.
Mais le cas des auteurs de la fin du XIXème et du XXème siècle est différent, parce que la société a changé, les idées avec, et les juifs – ou les protestants, ou les athées, ou le hérétiques – ne sont plus extérieurs à une société où l’Eglise n’a plus le monopole de l’identité. Les antisémites de cette période sont des gens qui s’attachent à un ordre ancien, qui rêvent de rétablir un monde disparu. Mais dans le monde où ils vivaient les instruments intellectuels pour distinguer le bien et le mal existaient. Contrairement aux gens du XVIème siècle, pour qui l’antisémitisme était une évidence, ils avaient d’autres choix. Ils sont donc responsables.
Pour reprendre vos termes : l’antisémitisme était dans les années 1930 « un préjugé normal dans les milieux d’extrême droite ». En 1730, c’était un « préjugé normal dans toute la société ». C’est là toute la différence : on ne peut vous reprocher de partager les préjugés généraux de la société ou vous vivez, on peut vous reprocher d’avoir choisi les préjugés particuliers de tel ou tel groupe puisque vous aviez le choix.
[Si on doit cesser de lire les auteurs antisémites de la première moitié du XX° siècle, on se prive de beaucoup d’écrivains de talent, selon moi. Cependant, il ne faut pas cacher l’antisémitisme de ces auteurs, il faut le signaler et le contextualiser, comme vous le proposez, sans pour autant nier la valeur littéraire ou artistique des œuvres.]
Je suis d’accord. J’ai toujours pensé que c’est une faute intellectuelle – même si dans certains cas cela peut être une nécessité d’ordre public, mais c’est une autre affaire – de se priver de la lecture de tel ou tel auteur au prétexte qu’il aurait arboré telle ou telle opinion politique ou philosophique. On ne gagne jamais à nier la réalité, et l’antisémitisme est une réalité qu’on aura du mal à comprendre sans écouter et lire ce que disent et écrivent les antisémites. Mais ce qui est insupportable, c’est qu’on publie un antisémite en jouant du sécateur pour le faire passer pour moins antisémite qu’il n’était.
@ Descartes,
Pour ce qui est d’Hergé, en ce qui me concerne, j’apprécie le côté “tour du monde” dépaysant (en Inde, en Chine, en Amérique latine…) et également le fait que l’oeuvre d’Hergé est un petit condensé de la géopolitique du XX° siècle (expansion japonaise en Extrême-Orient, guerre du Chaco en Amérique latine, guerre froide entre Bordurie et Syldavie…). J’avoue que je suis sensible au charme un peu désuet de ce monde du milieu du XX° siècle.
“Êtes-vous « indulgent » avec les partisans de l’Inquisition espagnole ou les chasseurs de sorcières du XVIème siècle ?”
Je suis extrêmement indulgent avec l’Inquisition, parce que l’Inquisition est l’objet d’une légende noire sans commune mesure avec la réalité historique. Oui, pour son époque, les procédures utilisées dans les procès de l’Inquisition étaient “modernes”. De surcroît, on se trompe en partie sur le rôle de l’Inquisition espagnole: je me souviens d’une très intéressante conférence d’un universitaire espagnol quand j’étais étudiant, qui expliquait qu’au XVII° siècle, l’essentiel de l’activité de l’Inquisition consiste à fournir des brevets de “vieux-chrétiens” dans le cadre de la politique de la “limpieza de sangre”. Et nombre de familles qui n’avaient pas que des ancêtres catholiques recevaient lesdits brevets… Je ne dis pas que l’Inquisition n’a envoyé personne au bûcher, je dis simplement que ce n’était pas tout à fait la Gestapo cléricale qu’on nous présente parfois.
Mais je vous dirais que la même indulgence s’applique aux massacres commis il y a des siècles par les rois de Juda et par les Maccabées… Comme vous le voyez, je me montre équitable!
“Mais dans le monde où ils vivaient les instruments intellectuels pour distinguer le bien et le mal existaient. Contrairement aux gens du XVIème siècle, pour qui l’antisémitisme était une évidence, ils avaient d’autres choix.”
C’est très discutable. On est le produit d’un milieu, d’une éducation. Vous-même citez régulièrement votre père, votre grand-père (que vous avez qualifié de “sage”), votre grand-mère… Croyez-vous qu’il soit si simple pour quelqu’un élevé dans un milieu antisémite de se débarrasser de ce préjugé? Ce n’est pas impossible, mais ça reste difficile.
“Les antisémites de cette période sont des gens qui s’attachent à un ordre ancien, qui rêvent de rétablir un monde disparu.”
Etant un fervent réactionnaire, vous comprendrez que je ne peux reprocher cela aux antisémites d’il y a un siècle… Pour des nostalgiques d’une société catholique et cléricale, l’antisémitisme était pour ainsi dire dans la logique des choses. On peut commettre des crimes au nom de la nostalgie (comme au nom de l’avènement d’un “monde nouveau” d’ailleurs) mais est-ce un crime d’être nostalgique? Je ne le pense pas. Faut-il condamner toute velléité révolutionnaire sous prétexte que les jacobins français ou les bolcheviks russes ont commis des exactions? Je ne le pense pas davantage. Vous avez l’air de penser que les principes des Lumières se sont imposés une bonne fois pour toute avec la Révolution, mais ce n’est pas le cas. Et il y aurait beaucoup à dire du romantisme et des valeurs qu’il a véhiculées, qui pourtant vient après les Lumières… N’y aurait-il pas, d’ailleurs, un “antisémitisme romantique”?
Ce que je voulais surtout dire, c’est qu’être antisémite avant la Shoah ne signifie pas qu’on est complice de cette dernière. Pour ma part, je récuse l’idée qu’être antisémite conduit nécessairement à approuver Auschwitz.
@ nationaliste-ethniciste
[Pour ce qui est d’Hergé, en ce qui me concerne, j’apprécie le côté “tour du monde” dépaysant (en Inde, en Chine, en Amérique latine…)]
Dites plutôt « le tour du monde des clichés », parce que ses albums sont un prétexte pour faire défiler les préjugés…
[« Êtes-vous « indulgent » avec les partisans de l’Inquisition espagnole ou les chasseurs de sorcières du XVIème siècle ? » Je suis extrêmement indulgent avec l’Inquisition, parce que l’Inquisition est l’objet d’une légende noire sans commune mesure avec la réalité historique.]
L’indulgence consiste à traiter les coupables avec bienveillance. Quand il s’agit de rétablir la réalité, ça s’appelle « justice ».
[Oui, pour son époque, les procédures utilisées dans les procès de l’Inquisition étaient “modernes”.]
Il paraît qu’à Auschwitz, les méthodes étaient le comble de la modernité. Je ne pense pas que la « modernité » des méthodes puisse servir de justification.
[De surcroît, on se trompe en partie sur le rôle de l’Inquisition espagnole: je me souviens d’une très intéressante conférence d’un universitaire espagnol quand j’étais étudiant, qui expliquait qu’au XVII° siècle, l’essentiel de l’activité de l’Inquisition consiste à fournir des brevets de “vieux-chrétiens” dans le cadre de la politique de la “limpieza de sangre”.]
Il y a des Faurisson partout… je peux comprendre que certains cherchent à redorer les blasons de la Sainte Inquisition, mais il y a des limites. L’Inquisition est avant tout une institution créée pour combattre l’hérésie, c’est-à-dire, pour mettre hors d’état de nuire tous ceux qui contestaient le dogme tel qu’établi par la hiérarchie catholique. Cela incluait non seulement l’envoi au bûcher des dissidents – et parmi eux ceux qui avaient l’outrecuidance de dire que la terre était ronde et tournait autour du soleil – mais aussi la destruction des ouvrages interdits, la persécution des juifs marranes ou des musulmans espagnols. On n’est pas obligé de croire la légende noire qui a exagéré considérablement ses exactions, mais il faut pas tomber dans l’excès inverse. Quant à la « limpieza de sangre », elle ne consistait pas seulement à « fournir des brevets de vieux chrétiens », mais aussi à les refuser à ceux pour qui ce refus signifiait l’exil ou la mort.
[Mais je vous dirais que la même indulgence s’applique aux massacres commis il y a des siècles par les rois de Juda et par les Maccabées… Comme vous le voyez, je me montre équitable!]
J’ai du mal à comprendre ce que veut dire « indulgence » dans ce contexte…
[« Mais dans le monde où ils vivaient les instruments intellectuels pour distinguer le bien et le mal existaient. Contrairement aux gens du XVIème siècle, pour qui l’antisémitisme était une évidence, ils avaient d’autres choix. » C’est très discutable. On est le produit d’un milieu, d’une éducation.]
Certes. Mais si on admet que notre milieu, notre éducation nos déterminent, alors on arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de libre arbitre, et par conséquent pas de responsabilité possible. Si je ne peux reprocher à Hergé son antisémitisme parce que, produit de son éducation, il ne pouvait pas choisir librement, pourquoi irais-je faire des reproches à Céline, à Brasillach ou a Goebbels ?
[Vous-même citez régulièrement votre père, votre grand-père (que vous avez qualifié de “sage”), votre grand-mère… Croyez-vous qu’il soit si simple pour quelqu’un élevé dans un milieu antisémite de se débarrasser de ce préjugé? Ce n’est pas impossible, mais ça reste difficile.]
Je cite régulièrement mon père ou mon grand-père… mais je sais choisir mes citations. Il ne me viendrait pas à l’idée de vous citer mon père après qu’il soit devenu écologiste.
[« Les antisémites de cette période sont des gens qui s’attachent à un ordre ancien, qui rêvent de rétablir un monde disparu. » Etant un fervent réactionnaire, vous comprendrez que je ne peux reprocher cela aux antisémites d’il y a un siècle…]
Je ne crois pas que vous soyez vraiment « réactionnaire ». Je pense plutôt que, et nous sommes d’accord sur ce point, vous aimeriez conserver ce qu’il y a de meilleur dans notre passé. Mais ça, ce n’est pas être « réactionnaire ». Etre « réactionnaire », c’est vouloir retourner à ce passé. Voudriez-vous vraiment revenir au temps où les juifs n’étaient pas citoyens et les protestants persécutés, où il était interdit d’enseigner des idées contraires au dogme catholique, où les serfs peinaient sous la domination d’un seigneur ? Franchement, je ne crois pas que ce soit le cas. Tel que je vous perçois, vous êtes un traditionnaliste, pas un réactionnaire.
[Pour des nostalgiques d’une société catholique et cléricale, l’antisémitisme était pour ainsi dire dans la logique des choses. On peut commettre des crimes au nom de la nostalgie (comme au nom de l’avènement d’un “monde nouveau” d’ailleurs) mais est-ce un crime d’être nostalgique? Je ne le pense pas.]
Quand on est un « faiseur d’opinion », être nostalgique du genre de nostalgie qui fait commettre des crimes est un crime, oui. Pensez à Brasillach…
[Faut-il condamner toute velléité révolutionnaire sous prétexte que les jacobins français ou les bolcheviks russes ont commis des exactions?]
Il y a une différence de nature entre la mort donnée par haine de l’autre dans une logique d’extermination, et la mort donnée en fonction d’une nécessité politique. C’est pourquoi je trouve absurde la comparaison des « exactions » des révolutionnaires français ou russes avec la Shoah.
[Je ne le pense pas davantage. Vous avez l’air de penser que les principes des Lumières se sont imposés une bonne fois pour toute avec la Révolution, mais ce n’est pas le cas. Et il y aurait beaucoup à dire du romantisme et des valeurs qu’il a véhiculées, qui pourtant vient après les Lumières… N’y aurait-il pas, d’ailleurs, un “antisémitisme romantique”?]
Bien sûr que si. Je n’ai jamais cru que les principes des Lumières « se sont imposés d’une bonne fois pour toutes » dans la société en général. Grâce à Napoléon, les principes des Lumières ont été gravés dans la pierre des « masses de granit » que sont nos institutions politiques. Mais dans beaucoup de domaines les Lumières ne sont pas arrivées ou ont vite cédé le pas, comme vous le signalez.
[Ce que je voulais surtout dire, c’est qu’être antisémite avant la Shoah ne signifie pas qu’on est complice de cette dernière. Pour ma part, je récuse l’idée qu’être antisémite conduit nécessairement à approuver Auschwitz.]
Cela dépend de l’époque. Au XVIIIème siècle, l’antisémitisme n’a pas conduit à approuver Auschwitz. Au XXème, si. Connaissez-vous beaucoup d’auteurs du XXème siècle qui aient professé un antisémitisme assumé tout en rejetant la Shoah ? Moi, j’en connais pas…
@ Descartes,
“Dites plutôt « le tour du monde des clichés », parce que ses albums sont un prétexte pour faire défiler les préjugés…”
Bien sûr. Comme les dessins animés Disney alignent les poncifs. Ou comme Astérix fait également défiler les clichés (avez-vous lu “Astérix en Corse” ou “Astérix chez les Goths”?). Je suppose que quand on a dix ans, on n’est pas trop difficile… Si ce n’est pas indiscret, que lisiez-vous étant enfant?
“L’indulgence consiste à traiter les coupables avec bienveillance.”
Mais qui décide de la culpabilité? Et selon quelle échelle de valeur? Dans la société dans laquelle ils évoluaient, les inquisiteurs n’étaient certainement pas vus comme des “coupables”.
“Il paraît qu’à Auschwitz, les méthodes étaient le comble de la modernité.”
Je parlais de la procédure concernant les enquêtes. Je voulais dire que l’Inquisition n’était pas si expéditive qu’on l’a dit.
“Il y a des Faurisson partout… je peux comprendre que certains cherchent à redorer les blasons de la Sainte Inquisition, mais il y a des limites.”
Cette accusation me paraît très grave. Cet universitaire intervenait dans le cadre d’un colloque sur la question de moderne au Capes cette année-là. Il avait été invité par des enseignants de mon université qui n’étaient pas précisément réputés pour être proches des milieux négationnistes. Mais je pense que vous vous méprenez: son intervention portait uniquement sur le XVII° siècle, donc à un moment où les dissidents ont pour l’essentiel été déjà éliminés, au siècle précédent, sous Philippe II notamment. Une fois les marranes et hérétiques morts ou partis, il n’est pas étonnant que la répression se soit atténuée.
“J’ai du mal à comprendre ce que veut dire « indulgence » dans ce contexte…”
“Indulgence” veut dire ici “refus de condamner à l’aune des valeurs de notre temps”.
“Mais si on admet que notre milieu, notre éducation nos déterminent, alors on arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de libre arbitre, et par conséquent pas de responsabilité possible.”
Je ne dis pas qu’il n’y a pas de libre-arbitre. Je dis que s’en extraire n’est pas aisé, nuance. Je ne crois pas avoir écrit que les nazis n’étaient pas responsables de leurs actes sous prétexte qu’ils avaient été éduqués dans l’antisémitisme. J’estime cependant qu’il y a une distinction à faire entre “ne pas aimer les juifs” et “exterminer les juifs”.
“Voudriez-vous vraiment revenir au temps où les juifs n’étaient pas citoyens et les protestants persécutés, où il était interdit d’enseigner des idées contraires au dogme catholique, où les serfs peinaient sous la domination d’un seigneur ?”
Evidemment non. Mon “retour dans le passé” se situe entre les années 50 et 70, au temps des films de Gabin et de Ventura. Je ne suis pas favorable à un système clérical, mais je pense que, paradoxalement, la République était bien plus solide idéologiquement du temps où l’Eglise se posait pratiquement en institution rivale. Il y a eu une période d’émulation patriotique entre catholiques et républicains laïcards. La République et l’Eglise avaient cette particularité d’être toutes les deux les grandes héritières légitimes de l’histoire nationale, et l’identité française, c’était en grande partie cette impossible synthèse. Je suis d’accord avec Sardou quand il chante la France “fille aînée de l’Eglise et de la Convention”, car tout est dit. Sans adversaire digne de ce nom, la République a dépéri.
“Il y a une différence de nature entre la mort donnée par haine de l’autre dans une logique d’extermination, et la mort donnée en fonction d’une nécessité politique.”
Euh… Pour celui qui se fait tuer, avouez que la différence est ténue. Mais je vous invite à relire les textes des révolutionnaires français: le vocabulaire de la haine, la volonté d’exterminer l’ennemi, n’en sont pas absents. On peut aussi discuter de la “nécessité politique”: quelle définition en donnez-vous?
“Connaissez-vous beaucoup d’auteurs du XXème siècle qui aient professé un antisémitisme assumé tout en rejetant la Shoah ?”
Je connais des antisémites qui ont fini dans la résistance en estimant que la lutte contre le III° Reich était prioritaire, quitte à faire cause commune avec des juifs.
@ nationaliste-ethniciste
[Bien sûr. Comme les dessins animés Disney alignent les poncifs. Ou comme Astérix fait également défiler les clichés (avez-vous lu “Astérix en Corse” ou “Astérix chez les Goths”?). Je suppose que quand on a dix ans, on n’est pas trop difficile…]
Je vous accorde le point pour Disney, mais pas pour Astérix. Une constante de l’œuvre de Goscinny (Astérix mais aussi Lucky Luke) c’est l’utilisation des clichés au second degré dans une approche satirique. Ce second degré humoristique est totalement absent chez Hergé, et marginale chez Disney (pensez à « Kuzco », par exemple).
[Si ce n’est pas indiscret, que lisiez-vous étant enfant?]
J’ai passé mon enfance à l’étranger, et les noms des bandes dessinées que je lisais ne vous diraient pas grande chose. En fait, je lisais très peu de bande dessinée, et beaucoup de livres : tout Jules Verne d’abord, J. R. R. Tolkien (« Le Hobbit » venait d’être traduit et publié par l’un de mes oncles), les classiques soviétiques de la bibliothèque de mon grand père comme Makarenko(« Poème pédagogique), Ilf et Petrov (« les douze chaises », « le veau d’or », « l’amérique d’un étage »), Ostrovsky (« et l’acier fut trempé »)…
[« L’indulgence consiste à traiter les coupables avec bienveillance. » Mais qui décide de la culpabilité? Et selon quelle échelle de valeur? Dans la société dans laquelle ils évoluaient, les inquisiteurs n’étaient certainement pas vus comme des “coupables”.]
Mais comment les voyez vous-même ?
[Je parlais de la procédure concernant les enquêtes. Je voulais dire que l’Inquisition n’était pas si expéditive qu’on l’a dit.]
La critique de l’Inquisition ne porte pas seulement sur ses méthodes, mais aussi et surtout sur ses finalités. Je veux bien croire qu’elle a bien fait son boulot, comme disait Rudolf Höss…
[Cette accusation me paraît très grave.]
Je veux bien la retirer si j’ai mal compris votre propos. Mais si vous me confirmez que cet enseignant à cherché à minimiser les persécutions organisées par l’Inquisition dans le but d’obtenir une conformité idéologique avec la vision de l’Eglise catholique et de supprimer tout foyer d’opposition, je la maintiens. Et peu importe que l’Inquisition ait bien ou mal fait son boulot : c’est l’objectif qui est en cause, pas l’exécution.
[Je ne crois pas avoir écrit que les nazis n’étaient pas responsables de leurs actes sous prétexte qu’ils avaient été éduqués dans l’antisémitisme. J’estime cependant qu’il y a une distinction à faire entre “ne pas aimer les juifs” et “exterminer les juifs”.]
Certainement. Mais dans certaines circonstances historiques, l’un conduit à l’autre. Et lorsqu’on est « faiseur d’opinion » dans des temps troubles, on a une responsabilité. Dans le cas d’Hergé, si ma mémoire ne me fait pas défaut, il n’y a jamais eu la moindre autocritique sur cette question.
[Evidemment non. Mon “retour dans le passé” se situe entre les années 50 et 70, au temps des films de Gabin et de Ventura.]
Vous voulez dire, du temps ou l’avortement était un crime, par exemple ? Encore une fois, je n’imagine pas que vous vouliez revenir sur la loi de 1976. En fait, je suis persuadé que vous ne voudriez pas revenir vraiment au passé. Vous voudriez un avenir qui garde ce qu’il y a de meilleur dans le passé, tout en éliminant ce qu’il y avait de pire. C’est cela que j’appellerai moi un progressisme intelligent…
[Je ne suis pas favorable à un système clérical, mais je pense que, paradoxalement, la République était bien plus solide idéologiquement du temps où l’Eglise se posait pratiquement en institution rivale. Il y a eu une période d’émulation patriotique entre catholiques et républicains laïcards.]
Je suis d’accord sur le constat, mais j’en fais une interprétation différente. Comme Marcel Gauchet, vous vous concentrez sur la décadence d’une institution particulière, l’Eglise. Mais à l’époque dont vous parlez, il n’y avait pas que l’Eglise et la République, il y avait aussi l’Université, l’Armée, la Marine, les Académies, la Magistrature, la Faculté (de médecine) mais aussi le Père et la Mère. La vie de la cité était conçue dans un cadre institutionnel, et l’individu était conçu dans son rapport aux institutions. Lorsque vous passerez la prochaine fois par une gare parisienne ou un ministère, allez voir le monument aux morts : vous trouverez à côté de chaque nom le grade et la fonction de la personne. Même dans la mort, les individus se définissent d’abord par leur insertion institutionnelle.
Ce que nous vivons depuis la fin des années 1960 – à mon avis, lorsque vous placez votre passé idéal « entre les années 50 et 70 » ce n’est pas un hasard – c’est la fin de cette conception « institutionnelle » de la cité. Les individus sont renvoyés à eux-mêmes, à leur essence, et non pas à leur statut. On n’est plus Docteur, Instituteur, Professeur, Curé, Père ou Directeur. On est blanc ou noir, hétéro ou homosexuel, jeune ou vieux. L’affaiblissement de l’Eglise n’est qu’un symptôme d’un affaiblissement général des corps collectifs.
[« Il y a une différence de nature entre la mort donnée par haine de l’autre dans une logique d’extermination, et la mort donnée en fonction d’une nécessité politique. » Euh… Pour celui qui se fait tuer, avouez que la différence est ténue.]
Certes. Mais de ce point de vue, se faire guillotiner ou se faire écraser par un camion, c’est du pareil au même. Ceux qui jugent de la différence, ce sont ceux qui survivent. Ceux qui meurent n’ont pas de voix au chapitre.
[Mais je vous invite à relire les textes des révolutionnaires français: le vocabulaire de la haine, la volonté d’exterminer l’ennemi, n’en sont pas absents. On peut aussi discuter de la “nécessité politique”: quelle définition en donnez-vous?]
Que les révolutionnaires aient tenu des discours de haine pour motiver les troupes et leur donner du cœur a ventre (car ce n’est pas facile de tuer quelqu’un que vous ne haïssez pas) est un fait. Mais on peut difficilement en conclure que l’extermination fut leur principale motivation. Lorsque Robespierre instaure la terreur, il affirme clairement que le but est de frapper les ennemis de la République de stupeur, de paralyser leur action, pas d’anéantir une population.
La « nécessité politique » se rapporte à la question du pouvoir. Lorsque Robespierre instaure la terreur, son but est d’empêcher un autre groupe d’abattre la République et de prendre le pouvoir. Lorsque les nazis font exterminer les fous ou les handicapés dans les asiles, on imagine mal quelle est la menace politique que ces groupes pouvaient représenter.
[« Connaissez-vous beaucoup d’auteurs du XXème siècle qui aient professé un antisémitisme assumé tout en rejetant la Shoah ? » Je connais des antisémites qui ont fini dans la résistance en estimant que la lutte contre le III° Reich était prioritaire, quitte à faire cause commune avec des juifs.]
Je connais des antisémites qui, comme vous dites, « ont fini dans la résistance ». Mais je n’en connais aucun qui, après la guerre, aient continué à s’affirmer antisémites. C’était bien mon point : à partir du moment ou l’antisémitisme a abouti à l’extermination, il est devenu impossible de séparer l’un de l’autre.
@ Descartes,
“En fait, je lisais très peu de bande dessinée, et beaucoup de livres”
Les auteurs soviétiques que vous citez ne me disent pas grand-chose, je l’avoue. Mais que pensez-vous de Tolkien et de Jules Verne? Votre avis m’intéresse.
“Mais comment les voyez vous-même ?”
Comment je vois les inquisiteurs espagnols? Vous voulez vraiment que nous nous fâchions… Eh bien, je vais vous dire le fond de ma pensée: l’Espagne a eu l’Inquisition et sa féroce répression aux XVI° et XVII° siècles, la France a eu les Guerres de Religion avec la Saint-Barthélémy et le Saint Empire a eu la Guerre de Trente Ans avec son cortège de massacres. Si on fait le bilan, je pense que la répression de l’Inquisition a fait moins de morts et de destructions que les conflits religieux qui ont ravagé la France et le Saint-Empire.
Vous avez défini la “nécessité politique”, alors je vous invite à bien réfléchir au point suivant: les rois d’Espagne (car ne nous voilons pas la face, l’Inquisition espagnole est un instrument du pouvoir royal) ont utilisé l’Inquisition pour éliminer les dissidences, assurer leur pouvoir et, in fine, une relative paix intérieure à leur royaume. Oui, c’est choquant, mais je vois l’Inquisition espagnole comme un outil d’unification et de pacification, à une époque où la diversité religieuse était synonyme de guerre civile, et les Espagnols avaient l’exemple du voisin français…
D’ailleurs, à la même époque, Elisabeth 1ère d’Angleterre persécute les catholiques avec la même ferveur que les Espagnols mettent dans la persécution des juifs et des protestants.
“Je veux bien croire qu’elle a bien fait son boulot, comme disait Rudolf Höss…”
Sauf votre respect, je me demande ce que ce parallèle apporte à notre débat, qui me paraît pourtant intéressant.
“l’Inquisition dans le but d’obtenir une conformité idéologique avec la vision de l’Eglise catholique et de supprimer tout foyer d’opposition,”
Mais là où nous différons, je pense, c’est que derrière l’objectif religieux, je vois pour ma part un objectif politique: la monarchie espagnole rassemble en fait plusieurs royaumes (Castille, Aragon, Navarre, et je ne parle pas des territoires flamands ou américains) avec chacun ses institutions, ses privilèges, sa langue parfois. Les rois d’Espagne ont choisi le catholicisme comme ciment de leurs états, c’est un choix politique, qui d’ailleurs a entraîné la révolte puis la perte des Pays-Bas passés au protestantisme. A partir du moment où le monarque espagnol choisit d’être “le roi catholique”, il en assume les conséquences politiques.
“C’est cela que j’appellerai moi un progressisme intelligent…”
Je reconnais là votre incorrigible optimisme. Ma position est en fait un mélange de libéralisme (dans le sens d’attachement à la liberté individuelle), de défense des acquis des sociaux (sécurité sociale, statut de fonctionnaire, code du travail protecteur) et un très fort conservatisme sociétal (hostilité au mariage pour tous, à la théorie du genre, aux nouveaux modèles familiaux, etc). J’ajouterai l’attachement aux institutions, à la tradition (comme une façon de perpétuer un héritage) et à une certaine rationalité scientifique. Je vous accorde volontiers que tout cela n’est pas toujours très cohérent.
“Lorsque vous passerez la prochaine fois par une gare parisienne ou un ministère, allez voir le monument aux morts : vous trouverez à côté de chaque nom le grade et la fonction de la personne.”
Dans les gares parisiennes, peut-être, mais pas sur les monuments aux morts des villages.
“Lorsque les nazis font exterminer les fous ou les handicapés dans les asiles, on imagine mal quelle est la menace politique que ces groupes pouvaient représenter.”
C’est vrai. Le problème est que pour un nazi, une menace sur la “race aryenne” équivaut à une menace politique, puisque la race est au centre de la “grille de lecture” politique du nazisme.
“Mais je n’en connais aucun qui, après la guerre, aient continué à s’affirmer antisémites.”
J’avoue que je n’ai pas d’éléments pour vous contredire sur ce point.
@ nationaliste-ethniciste
[Les auteurs soviétiques que vous citez ne me disent pas grand-chose, je l’avoue.]
Pourtant, je n’ai retenu que ceux dont je sais qu’ils sont traduits en français 😉
Mais je ne suis pas étonné que ces noms ne vous disent rien. Une chape de plomb est tombée sur la production soviétique des années 1920-60, sauf quand l’auteur est une pauvre victime du régime, ce qui permet de faire un peu d’antisoviétisme… On en arrive à des extrémités ridicules : ainsi, la traduction française des « douze chaises » d’Ilf et Petrov est agrémentée de nombreuses notes interprétant le texte et cherchant à tout prix à le tourner en texte anti-régime alors que ses auteurs étaient des bolchéviks – et des staliniens – convaincus…
[Mais que pensez-vous de Tolkien et de Jules Verne? Votre avis m’intéresse.]
Jules Verne est intéressant parce qu’il résume toute une époque, celle du positivisme de la fin du XIXème siècle, avec la croyance naïve que le progrès allait résoudre tous les problèmes et ses préjugés. On y voit aussi dans ses livres les traces des conflits de l’époque : la guerre franco-prussienne (« Les 500 millions de la Begum »). Mais il a des qualités littéraires indéniables, avec des personnages intéressants (comme le Capitaine Nemo).
Tolkien, pour moi, est l’un des plus grands écrivains de langue anglaise du XXème siècle, et un personnage unique dans son genre. Beaucoup ont essayé de l’imiter – et de profiter de la vogue de la « héroic fantasy », mais aucun auteur n’a son pouvoir d’évocation. C’était aussi un grand travailleur, qui mettait un temps infini à écrire et à polir ses récits (quinze ans pour le « Seigneur des Anneaux »). J’avais adoré « Le Hobbit » quand j’avais dix ans – peut-être parce que j’avais une tante qui aimait nous le lire à haute voix – dans ma famille on a toujours aimé lire ou réciter – et qu’elle savait rendre vivants les personnages… Je l’ai lu bien des années plus tard dans sa langue originale, et je l’ai trouvé magique, très profond sous une fausse apparence de légèreté. « Le Seigneur des Anneaux », un ouvrage beaucoup plus sombre et complexe, je l’ai lu adolescent, d’abord en français – la traduction du Livre de Poche, excellente – puis dans la langue originale, et c’est un régal. Il y a aussi des nouvelles de styles très différents (je vous conseille « Le Fermier Gilles de Ham ». Cela étant dit, Tolkien était d’abord un philologue, et si on le lit traduit on perd la moitié…
[« Mais comment les voyez vous-même ? » Comment je vois les inquisiteurs espagnols? Vous voulez vraiment que nous nous fâchions…]
Je ne pense pas qu’on en arrive là, on se connaît trop…
[Eh bien, je vais vous dire le fond de ma pensée: l’Espagne a eu l’Inquisition et sa féroce répression aux XVI° et XVII° siècles, la France a eu les Guerres de Religion avec la Saint-Barthélémy et le Saint Empire a eu la Guerre de Trente Ans avec son cortège de massacres. Si on fait le bilan, je pense que la répression de l’Inquisition a fait moins de morts et de destructions que les conflits religieux qui ont ravagé la France et le Saint-Empire.]
Pour faire une comparaison équilibrée, il vous faudrait inclure les massacres d’indiens américains – dans lesquels l’Inquisition a joué un rôle important. Je ne suis pas sûr que le bilan soit en leur faveur. Mais pour moi, le principal n’est pas là. Les guerres de réligion en France et la Guerre de Trente Ans dans l’espace germanique ont tué beaucoup de monde, mais n’ont pas freiné la marche des idées. Les Rois de France ont persécuté les protestants parce qu’ils représentaient une menace politique, et non parce qu’ils s’attaquaient au dogme. La guerre de Trente Ans fut d’abord un prétexte pour piller les riches villes allemandes, et les princes allemands n’ont pas consacré beaucoup de travail à brûler des livres ou ceux qui les écrivaient. Ce qui singularise l’Inquisition, c’est la recherche d’une conformité idéologique, la volonté de détruire ceux qui pensaient différemment. L’Espagne a payé son action d’un retard intellectuel et civique qu’elle n’a jamais rattrapé.
[Vous avez défini la “nécessité politique”, alors je vous invite à bien réfléchir au point suivant: les rois d’Espagne (car ne nous voilons pas la face, l’Inquisition espagnole est un instrument du pouvoir royal) ont utilisé l’Inquisition pour éliminer les dissidences, assurer leur pouvoir et, in fine, une relative paix intérieure à leur royaume.]
J’ai du mal à comprendre en quoi le fait de brûler les rouleaux de la Torah ou les livres de médecine d’Avicenne contribuait à la « paix intérieure du royaume ».
[Oui, c’est choquant, mais je vois l’Inquisition espagnole comme un outil d’unification et de pacification, à une époque où la diversité religieuse était synonyme de guerre civile, et les Espagnols avaient l’exemple du voisin français…]
Franchement, pouvez-vous citer une seule occasion depuis la chute du Temple ou les juifs aient participé à une « guerre civile » ou conspiré contre le pouvoir royal dans quelque nation que ce soit ?
[D’ailleurs, à la même époque, Elisabeth 1ère d’Angleterre persécute les catholiques avec la même ferveur que les Espagnols mettent dans la persécution des juifs et des protestants.]
Mais pas pour les mêmes raisons. Pour Elisabeth, c’est une question politique. Les catholiques étant soumis aux ordres du Pape, ils représentaient une menace. Mais Elisabeth n’a pas fait brûler que je sache les livres des médecins catholiques… J’ai l’impression que vous avez du mal à voir la différence entre une persécution civile et une persécution cléricale.
[« Je veux bien croire qu’elle a bien fait son boulot, comme disait Rudolf Höss… » Sauf votre respect, je me demande ce que ce parallèle apporte à notre débat, qui me paraît pourtant intéressant.]
C’est simple : vous considérez que le fait que l’Inquisition ait conduit la persécution avec efficacité est une justification. Je vous fait noter qu’à d’autres moments de l’histoire des gens extrêmement « efficaces » ont fait des choses que ni vous ni moins ne songerions à justifier.
[Mais là où nous différons, je pense, c’est que derrière l’objectif religieux, je vois pour ma part un objectif politique: la monarchie espagnole rassemble en fait plusieurs royaumes (Castille, Aragon, Navarre, et je ne parle pas des territoires flamands ou américains) avec chacun ses institutions, ses privilèges, sa langue parfois. Les rois d’Espagne ont choisi le catholicisme comme ciment de leurs états, c’est un choix politique, qui d’ailleurs a entraîné la révolte puis la perte des Pays-Bas passés au protestantisme. A partir du moment où le monarque espagnol choisit d’être “le roi catholique”, il en assume les conséquences politiques.]
Mais quel besoin, pour assurer l’unité de son royaume, de brûler les livres d’Avicenne ou les rouleaux de la Torah ? A quel moment les juifs ont représenté un danger POLITIQUE pour la couronne espagnole ? Pour moi, le fait qu’on ait persécuté TOUTES les dissidences intellectuelles, qu’elles fussent dangereuses ou pas, montre que le but était la conformité intellectuelle, plus que religieuse.
[« Lorsque vous passerez la prochaine fois par une gare parisienne ou un ministère, allez voir le monument aux morts : vous trouverez à côté de chaque nom le grade et la fonction de la personne. » Dans les gares parisiennes, peut-être, mais pas sur les monuments aux morts des villages.]
Ca dépend. Je me souviens d’avoir vu dans le monument aux morts de modestes villages un nom précédé par « Dr » ou bien « RP ». Quelquefois, on trouve les grades dans l’armée. Mais il est vrai que l’immense majorité des morts dans les villages étaient des paysans et donc sans attaches avec une institution autre que la nation elle même.
[« Lorsque les nazis font exterminer les fous ou les handicapés dans les asiles, on imagine mal quelle est la menace politique que ces groupes pouvaient représenter. » C’est vrai. Le problème est que pour un nazi, une menace sur la “race aryenne” équivaut à une menace politique,]
Non, justement. Tout n’est pas « politique ». Avec votre raisonnement, toute menace devient subjectivement politique…
@ Descartes,
Je n’ai pas lu énormément d’ouvrages de Jules Verne, mais je garde un très bon souvenir de “Cinq semaines en ballon” et “Voyage au centre de la Terre”. Mais mon préféré reste Michel Strogoff et ses aventures haletantes en Sibérie.
Pour Tolkien, je suis d’accord avec vous. J’ai pour ainsi dire tout lu de lui, mon seul regret est de ne pas avoir le niveau d’anglais pour le lire en version originale. Ce que j’admire chez lui, c’est le soin immense à construire un monde imaginaire d’une remarquable cohérence. Comme vous le dites, Tolkien est un éminent philologue et sa capacité à créer des langues, à travailler la toponymie et l’onomastique, force l’admiration.
“il vous faudrait inclure les massacres d’indiens américains – dans lesquels l’Inquisition a joué un rôle important.”
Pouvez-vous préciser ce point? Dans mes souvenirs, l’hécatombe des Indiens est d’abord liée aux massacres de la conquête, bien sûr, à la dure servitude imposée par les Espagnols et aux épidémies qui ont décimé la population. Les deux premiers points ont d’ailleurs été reconnus par certains auteurs espagnols, comme Las Casas, lui-même dominicain.
“Ce qui singularise l’Inquisition, c’est la recherche d’une conformité idéologique, la volonté de détruire ceux qui pensaient différemment.”
Je vais vous provoquer et je m’en excuse d’avance: diriez-vous que Staline a procédé d’une manière différente? Et si vous me dites que Staline voulait bâtir un monde plus égalitaire et plus juste, je vous répondrai que l’Inquisition voulait assurer le Salut des hommes en les préservant de l’erreur…
“L’Espagne a payé son action d’un retard intellectuel et civique qu’elle n’a jamais rattrapé.”
Vous allez un peu vite en besogne, je trouve. D’abord, il y a d’autres raisons, économiques et sociales: une partie de la population dynamique de l’Espagne est partie pour les colonies (dans la première moitié du XVII°, 200 à 300 000 immigrés français font les “sales boulots” dans l’Espagne du Siècle d’or), ensuite l’afflux de métaux précieux a en partie tué l’activité productive espagnole pour faire de l’économie du pays une économie de rente. Je vous accorde volontiers que, dans ce contexte, l’Inquisition n’a pas aidé. Mais attribuer tous les maux de l’Espagne à l’Inquisition me paraît excessif.
J’ajoute que le XVIII° siècle, avec l’avènement des Bourbons, est un siècle de modernisation et de réformes administratives menées par des rois dont certains peuvent être qualifiés d’éclairés, comme Charles III.
“J’ai du mal à comprendre en quoi le fait de brûler les rouleaux de la Torah ou les livres de médecine d’Avicenne contribuait à la « paix intérieure du royaume ».”
La censure est toujours plus spectaculaire lorsqu’elle s’accompagne d’autodafés. Mais elle a existé ailleurs, y compris en France. L’Encyclopédie n’a pas terminé sa publication légalement, que je sache…
“vous considérez que le fait que l’Inquisition ait conduit la persécution avec efficacité est une justification”
Je me suis mal fait comprendre: je ne cherche pas à “justifier” quoi que ce soit, je cherche à comprendre. De la même façon que le nazisme n’est pas une anomalie de l’histoire allemande, je pense que l’Inquisition s’inscrit dans l’histoire espagnole. A un moment, il y a eu dans la société espagnole un “besoin” d’inquisition. Pourquoi? C’est ce que j’essaie de comprendre. Mais l’Inquisition espagnole se place aussi à une période d’apogée pour l’Espagne, une époque où la production artistique et culturelle n’est pas méprisable. Il y eut Cervantès et Vélasquez, entre autres. Peut-être est-ce malgré l’Inquisition, mais c’est un fait. Donc l’idée que l’Inquisition ait entraîné un retard culturel et intellectuel me paraît discutable. Le siècle des catastrophes pour l’Espagne, c’est surtout le XIX°.
@ nationaliste-ethniciste
[Je n’ai pas lu énormément d’ouvrages de Jules Verne, mais je garde un très bon souvenir de “Cinq semaines en ballon” et “Voyage au centre de la Terre”. Mais mon préféré reste Michel Strogoff et ses aventures haletantes en Sibérie.]
Je vous conseille « les 500 millions de la Begum ».
[« il vous faudrait inclure les massacres d’indiens américains – dans lesquels l’Inquisition a joué un rôle important. » Pouvez-vous préciser ce point? Dans mes souvenirs, l’hécatombe des Indiens est d’abord liée aux massacres de la conquête, bien sûr, à la dure servitude imposée par les Espagnols et aux épidémies qui ont décimé la population. Les deux premiers points ont d’ailleurs été reconnus par certains auteurs espagnols, comme Las Casas, lui-même dominicain.]
En Europe, tous les morts des guerres de religion n’ont pas été tués de la main des prêtres, et pourtant on les appelle « guerres de religion » parce que la motivation des acteurs apparait, du moins en première approximation, comme religieuse. C’est un peu la même chose en Amérique : la conquête a été présentée comme un devoir religieux, comme un moyen de faire entrer ces populations dans la « vraie foi ». Même si l’Inquisition n’a pas tué les indiens elle-même, elle en fut largement l’inspiratrice, et a assuré le service après-vente : pensez à Diego de Landa réduisant en cendres les manuscrits mayas…
[« Ce qui singularise l’Inquisition, c’est la recherche d’une conformité idéologique, la volonté de détruire ceux qui pensaient différemment. » Je vais vous provoquer et je m’en excuse d’avance: diriez-vous que Staline a procédé d’une manière différente?]
Je vais vous provoquer, mais si votre conclusion est que l’action de l’Inquisition et du stalinisme sont comparables, ça me va tout à fait. Dois-je conclure que vous réservez au stalinisme la même « indulgence » que mérite pour vous l’Inquisition ?
Je vous fais tout de même remarquer un point qui a son importance. Le régime stalinien était celui d’un socialisme en construction, entouré d’ennemis qui voulaient sa peau à tout prix. L’Inquisition est la création d’un catholicisme installé depuis plus de mille ans et exerçant un pouvoir quasi absolu sur la société. Le besoin de conformité idéologique d’un régime naissant n’est pas tout à fait de même nature que celui d’un régime mourant.
Vous noterez d’ailleurs que si le régime stalinien a persécuté ceux qui n’étaient pas « en conformité idéologique » avec lui, il n’a pas détruit leurs œuvres. Le stalinisme n’aura pas organisé des autodafés. Au contraire, le matériel « non orthodoxe » était conservé, ce qui laisse penser que pour le régime leur occultation n’était pas définitive. En d’autres termes, le stalinisme se concevait comme un régime de guerre, un régime temporaire faisant face à une terrible menace. L’Inquisition, elle, se plaçait dans une logique intemporelle.
[Et si vous me dites que Staline voulait bâtir un monde plus égalitaire et plus juste, je vous répondrai que l’Inquisition voulait assurer le Salut des hommes en les préservant de l’erreur…]
Si vous voulez me convaincre que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions, je vous l’accorde volontiers… 😉
[« L’Espagne a payé son action d’un retard intellectuel et civique qu’elle n’a jamais rattrapé. » Vous allez un peu vite en besogne, je trouve. D’abord, il y a d’autres raisons, économiques et sociales: une partie de la population dynamique de l’Espagne est partie pour les colonies (dans la première moitié du XVII°, 200 à 300 000 immigrés français font les “sales boulots” dans l’Espagne du Siècle d’or), ensuite l’afflux de métaux précieux a en partie tué l’activité productive espagnole pour faire de l’économie du pays une économie de rente. Je vous accorde volontiers que, dans ce contexte, l’Inquisition n’a pas aidé. Mais attribuer tous les maux de l’Espagne à l’Inquisition me paraît excessif.]
Je n’ai pas parlé de retard « économique », j’ai parlé de retard « intellectuel et civique ». Bien sûr, l’afflux de métaux précieux a fait que les classes dominantes sont restés rentières, là où la Grande Bretagne, les Pays-Bas, la Hanse, l’Italie et en moindre mesure la France développaient une bourgeoisie artisanale et commerçante, avec les valeurs qui vont avec. Une bourgeoisie qui allait être le terreau des Lumières et le protagoniste des grandes révolutions, celle de 1640 en Angleterre, celle de 1789 en France. Mais ce retard a été rendu possible par un régime clérical qui maintenait mordicus les valeurs aristocratiques et envoyait au bûcher celui qui disait le contraire, empêchant ainsi toute pénétration des idées nouvelles.
[« J’ai du mal à comprendre en quoi le fait de brûler les rouleaux de la Torah ou les livres de médecine d’Avicenne contribuait à la « paix intérieure du royaume ». » La censure est toujours plus spectaculaire lorsqu’elle s’accompagne d’autodafés.]
Mais vous m’accorderez que l’autodafé est une forme de censure assez particulière. Je dirais même que c’est une « mise en scène » de la censure, l’apanage des régimes pour qui la censure n’est pas une honteuse nécessité, mais un motif de fierté, une manière de réaffirmer publiquement « la foi » (c’est d’ailleurs l’étymologie du mot « autodafé »).
[Mais elle a existé ailleurs, y compris en France. L’Encyclopédie n’a pas terminé sa publication légalement, que je sache…]
Oui, mais justement, on censurait « ailleurs » les ouvrages qui représentaient un danger politique, qui ridiculisaient le roi ou attaquaient les doctrines – y compris religieuses – du pouvoir. Je ne me souviens pas qu’on n’ait après le XVIème siècle censuré en France les rouleaux de la Torah ou les ouvrages de médecine. J’ajoute qu’en France la censure était plus formelle qu’autre chose. Il est vrai que Descartes – le vrai – a fini par publier à La Haye, et que l’encyclopédie a eu pas mal de démêlées avec l’autorité. Mais même interdits, ces ouvrages circulaient très largement sous le manteau, y compris dans les cercles du pouvoir. Alors qu’en Espagne on brûle des livres, en France le pouvoir les interdit pour faire plaisir à l’Eglise, mais ne fait guère d’efforts pour empêcher leur circulation. Je ne peux résister à la tentation de reproduire la célèbre anecdote contée par Voltaire :
« Un domestique de Louis XV me contait qu’un jour, le roi, son maître, soupant à Trianon en petite compagnie, la conversation roula d’abord sur la chasse, et ensuite sur la poudre à tirer. Quelqu’un dit que la meilleure poudre se faisait avec des parties égales de salpêtre, de soufre et de charbon. Le duc de La Vallière, mieux instruit, soutint que, pour faire de bonne poudre à canon, il fallait une seule partie de soufre et une de charbon sur cinq parties de salpêtre bien filtré, bien évaporé, bien cristallisé.
Il est plaisant, dit M. le duc de Nivernais, que nous nous amusions tous les jours à tuer des perdrix dans le parc de Versailles, et quelquefois à tuer des hommes ou à nous faire tuer sur la frontière, sans savoir précisément avec quoi l’on tue.
Hélas ! nous en sommes réduits là sur toutes les choses de ce monde, répondit Mme de Pompadour ; je ne sais de quoi est composé le rouge que je mets sur mes joues, et on m’embarrasserait fort si on me demandait comment on fait les bas de soie dont je suis chaussée.
– C’est dommage, dit alors le duc de La Vallière, que Sa Majesté nous ait confisqué nos Dictionnaires encyclopédiques, qui nous ont coûté chacun cent pistoles ; nous y trouverions bientôt la décision de toutes nos questions.
Le roi justifia sa confiscation ; il avait été averti que les vingt et un volumes in-folio, qu’on trouvait sur la toilette de toutes les dames, étaient la chose du monde la plus dangereuse pour le royaume de France, et il avait voulu savoir par lui-même si la chose était vraie, avant de permettre qu’on lût ce livre. Il envoya, sur la fin du souper, chercher un exemplaire par trois garçons de sa chambre, qui apportèrent chacun sept volumes avec bien de la peine. On vit à l’article POUDRE que le duc de La Vallière avait raison ; et bientôt Mme de Pompadour apprit la différence entre l’ancien rouge d’Espagne, dont les dames de Madrid coloraient leurs joues, et le rouge des dames de Paris. Elle sut que les dames grecques et romaines étaient peintes avec de la pourpre qui sortait du murex, et que, par conséquent, notre écarlate était la pourpre des anciens ; qu’il entrait plus de safran dans le rouge d’Espagne et plus de cochenille dans celui de France. Elle vit comme on lui faisait ses bas au métier, et la machine de cette manœuvre la ravit d’étonnement.
– Ah ! le beau livre ! s’écria-t-elle. Sire, vous avez donc confisqué ce magasin de toutes les choses utiles, pour le posséder seul et pour être le seul savant de votre royaume.
Chacun se jetait sur les volumes, comme les filles de Lycomède sur les bijoux d’Ulysse ; chacun y trouvait à l’instant tout ce qu’il cherchait. » (Voltaire, « de l’encyclopédie », 1774)
Voltaire a peut-être exagéré le trait – ou inventé l’anecdote, il en était bien capable – mais son récit sonne juste. Contrairement à la cour espagnole, la dévotion religieuse de la cour de France était assez superficielle. Là aussi, l’effet pesant du système clérical dont l’Inquisition était la clé de voute a joué son rôle.
[De la même façon que le nazisme n’est pas une anomalie de l’histoire allemande, je pense que l’Inquisition s’inscrit dans l’histoire espagnole. A un moment, il y a eu dans la société espagnole un “besoin” d’inquisition. Pourquoi? C’est ce que j’essaie de comprendre. Mais l’Inquisition espagnole se place aussi à une période d’apogée pour l’Espagne, une époque où la production artistique et culturelle n’est pas méprisable. Il y eut Cervantès et Vélasquez, entre autres.]
L’Inquisition est devenue une nécessité du fait d’un choix politique : celui de construire l’Etat sur le fondement de la conformité religieuse. Après la « Reconquista », les rois d’Espagne se sont trouvés avec une situation inédite en Europe : leurs sujets n’étaient pas pratiquants de la même religion. Aujourd’hui, cela paraît un détail – et encore. Mais à l’époque, alors que le pouvoir royal tirait sa légitimité de l’onction divine, cela posait un problème politique de premier plan. On concevait mal l’idée que les sujets puissent ne pas partager la religion de leur prince (le principe « cujus regio ejus religio », invoqué par exemple à la Paix d’Augsbourg de 1555, et encore vivace à la fin de la guerre de Trente Ans et du traité de Westphalie). D’où les pressions – allant jusqu’à la torture et la mort – pour forcer la conversion des juifs et des musulmans au catholicisme, et la création d’une police religieuse pour séparer les « vrais » convertis des faux.
Mais une fois le sort des juifs et des musulmans réglé, l’Inquisition devient l’instrument de l’Eglise pour imposer à la société une conformité non seulement religieuse, mais intellectuelle. Il ne s’agit plus seulement de détecter les « faux convertis », mais de détruire tout ce qui, de l’avis de l’Inquisition, ne doit être lu ni étudié. Cela n’a pas empêché un Cervantès d’écrire, me direz-vous. Mais vous aurez du mal à trouver dans son œuvre la moindre réflexion critique sur la religion, sur le pouvoir, ou sur n’importe quel autre sujet qui aurait pu déplaire à l’Inquisition. Quant à Vélasquez, on voit mal en quoi sa peinture, qui cherche à présenter les puissants sous le meilleur jour, aurait pu déplaire à l’Inquisition.
[Donc l’idée que l’Inquisition ait entraîné un retard culturel et intellectuel me paraît discutable. Le siècle des catastrophes pour l’Espagne, c’est surtout le XIX°.]
Mais ces catastrophes ont des racines lointaines. Vous avez en Espagne un Cervantès ou un Vélasquez, mais vous auriez du mal à y trouver un Descartes, un Erasme, un Grotius, un Galilée, un Hobbes. La chape de plomb imposée par l’Inquisition – et d’une façon générale par le système clérical – n’a peut-être pas brimé les romanciers et les peintres, mais a certainement limité le travail des juristes, des philosophes, des scientifiques. Alors que les autres pays européens innovaient en matière institutionnelle, scientifique, politique, l’Espagne est resté figée dans des institutions et dans une pensée surannée jusqu’au XXème siècle – et certains diront jusqu’au XXIème.
@ Descartes,
“Dois-je conclure que vous réservez au stalinisme la même « indulgence » que mérite pour vous l’Inquisition ?”
Mais oui, mais oui. Je tiens à vous dire que je suis réfractaire à l’antistalinisme primaire. Pour moi, Staline était peut-être un sale bonhomme, mais c’était l’homme de la situation, l’homme dont l’URSS, pays en construction, au peuplement hétérogène, sortant de plusieurs siècles d’autocratie, avait besoin. Et il s’est révélé un très précieux allié contre Hitler.
Pour le reste, je reconnais que vos arguments emportent l’adhésion, et je choisis la reddition.
Deux bémols cependant:
1) Concernant la conquête de l’Amérique, je pense que l’argument religieux a assez souvent masqué ce qui s’apparente à de la cupidité pure et simple, surtout chez les premiers conquistadors. Ni Cortés, ni Pizarro n’ont été envoyés par l’Inquisition. Après, sur des territoires désormais assujettis à l’Espagne, il n’était pas illogique que l’Inquisition s’installât…
2) La distinction que vous faites entre la situation de Staline et celle de l’Inquisition, je la partage en partie. N’oubliez pas cependant qu’avec la Réforme protestante, l’Eglise s’est quand même sentie en grand danger, au point de convoquer le Concile de Trente et de prendre des mesures si importantes qu’on n’hésite pas aujourd’hui à parler de “Réforme catholique” (et pas seulement de “Contre-réforme”) et à qualifier d’ “Eglise tridentine” l’Eglise catholique ainsi réformée.
Je voudrais pour finir saluer votre grande culture historique (l’anecdote de Voltaire me paraît assez plausible pour ce que je sais de Louis XV) et vous redire le plaisir que j’ai à échanger avec vous.
@ nationaliste-ethniciste
[@ Descartes,
[1) Concernant la conquête de l’Amérique, je pense que l’argument religieux a assez souvent masqué ce qui s’apparente à de la cupidité pure et simple, surtout chez les premiers conquistadors. Ni Cortés, ni Pizarro n’ont été envoyés par l’Inquisition.]
Bien entendu. Ce n’est pas un marxiste comme moi qui vous dira le contraire : c’est l’intérêt économique et non pas la religion qui a été le moteur de la conquête. Mais la religion a fourni l’idéologie qui a permis la conquête, et ce faisant elle lui a donné une certaine orientation. Ce n’est pas un hasard si les territoires conquis par les pays catholiques sont restés à la traine, alors que les colonies protestantes sont devenues des puissances. Dans un cas, on a propagé une culture de la rente terrienne, une vision figée d’une société d’ordres. Dans l’autre, une logique de mobilité sociale, de travail, de salvation par les œuvres…
[2) La distinction que vous faites entre la situation de Staline et celle de l’Inquisition, je la partage en partie. N’oubliez pas cependant qu’avec la Réforme protestante, l’Eglise s’est quand même sentie en grand danger, au point de convoquer le Concile de Trente et de prendre des mesures si importantes qu’on n’hésite pas aujourd’hui à parler de “Réforme catholique” (et pas seulement de “Contre-réforme”) et à qualifier d’ “Eglise tridentine” l’Eglise catholique ainsi réformée.]
Je partage votre point de vue : l’Eglise a compris assez vite que la préservation de son autorité passait par une unité indéfectible de doctrine. D’où l’organisation verticale du pouvoir ecclésiastique et la chasse aux hérétiques dès les premiers conciles. Laisser se développer des visions différentes du rapport à dieu – et donc potentiellement des autorités concurrentes – c’était prendre le risque de l’atomisation. Le mouvement communiste a fait face à une problématique assez semblable, et la position léniniste de constituer une Internationale centralisée imposant une doctrine et une stratégie unique (et chassant impitoyablement les hérétiques) rappelle elle aussi les premiers papes…
[Je voudrais pour finir saluer votre grande culture historique (l’anecdote de Voltaire me paraît assez plausible pour ce que je sais de Louis XV) et vous redire le plaisir que j’ai à échanger avec vous.]
Je vous remercie, et je serais ravi de pouvoir échanger de visu, si l’occasion se présentait. Après tout, nous ne sommes pas si éloignés géographiquement…
@ Descartes
[Mais la religion a fourni l’idéologie qui a permis la conquête, et ce faisant elle lui a donné une certaine orientation. Ce n’est pas un hasard si les territoires conquis par les pays catholiques sont restés à la traine, alors que les colonies protestantes sont devenues des puissances. Dans un cas, on a propagé une culture de la rente terrienne, une vision figée d’une société d’ordres. Dans l’autre, une logique de mobilité sociale, de travail, de salvation par les œuvres…]
Je me permets d’intervenir sur ce sujet. Bien que je sois globalement d’accord, j’ai des réserves concernant la séparation entre « colonies protestantes » et « colonies catholiques ». Je pencherais plutôt pour une explication qui tient à l’histoire économique des régions du nouveau monde : les régions qui reposaient sur l’exploitation de matières premières dont l’exportation apportait un fort profit (exploitations minières, mais aussi « cash crops » comme coton, café, sucre, tabac) n’avaient pas les mêmes pressions au développement que les régions aux ressources naturelles plus limitées. On peut citer comme exemple Cuba, ancienne « colonie catholique », et la Jamaïque, ancienne « colonie protestante », qui malgré les différences culturelles et religieuses majeures des colonisateurs, ont eu un développement très similaire. Un autre exemple est bien entendu les profondes différences entre le sud et le nord des jeunes Etats-Unis, qui culmineront en guerre civile : un nord protestant entrepreneurial, en voie d’industrialisation, et un sud fermement agraire encore plus protestant mais aristocratique. Une parfaite illustration de ce qui tu nommes « une culture de la rente terrienne, une vision figée d’une société d’ordres ».
Je ne dis pas que l’arrière-plan culturel et religieux ne joue aucun rôle, mais la simple observation historique me force à constater que le développement au-delà d’économies de rente semble bien plus corrélé à la nature de l’économie coloniale dans laquelle les sociétés se sont développées.
Cela me rappelle un peu les conclusions que la plupart des intellectuels arabes ont à la question qui est plus ou moins la seule qu’ils se posent depuis un demi-siècle (ce qui est en soi assez révélateur ), à savoir : « pourquoi, avec tant d’atouts de notre côté depuis les indépendances, sommes-nous toujours aussi nuls ? ». L’idée que la richesse des sous-sols est à la fois « la bénédiction et la malédiction » des sociétés arabes fait son chemin. Je ne sais pas s’il faut être aussi catégorique, mais je trouve que ce n’est pas dénué d’une certaine logique. En rétrospective, cela tendrait à faire considérer l’extrême prudence avec laquelle les Norvégiens ont utilisé leur rente pétrolière comme d’une particulière sagesse.
@ BolchoKek
[Je me permets d’intervenir sur ce sujet. Bien que je sois globalement d’accord, j’ai des réserves concernant la séparation entre « colonies protestantes » et « colonies catholiques ». Je pencherais plutôt pour une explication qui tient à l’histoire économique des régions du nouveau monde : les régions qui reposaient sur l’exploitation de matières premières dont l’exportation apportait un fort profit (exploitations minières, mais aussi « cash crops » comme coton, café, sucre, tabac) n’avaient pas les mêmes pressions au développement que les régions aux ressources naturelles plus limitées.]
Bien entendu, la religion des colonisateurs n’explique pas tout. Mais on ne peut que constater que les colonies de peuplement protestantes incluent plusieurs puissances mondiales ou régionales (Etats-Unis, Canada, Australie, Afrique du Sud) alors que les colonies de peuplement catholiques sont restés largement en arrière. Est-ce une coïncidence ?
[On peut citer comme exemple Cuba, ancienne « colonie catholique », et la Jamaïque, ancienne « colonie protestante », qui malgré les différences culturelles et religieuses majeures des colonisateurs, ont eu un développement très similaire.]
Pas si « similaire » que ça : la Jamaïque est à la fin du XIXème siècle beaucoup plus riche que Cuba.
[Un autre exemple est bien entendu les profondes différences entre le sud et le nord des jeunes Etats-Unis, qui culmineront en guerre civile : un nord protestant entrepreneurial, en voie d’industrialisation, et un sud fermement agraire encore plus protestant mais aristocratique.]
Pas « encore plus protestant ». C’est dans le sud ou l’on trouve le plus de catholiques, notamment en Louisiane et dans la vallée du Mississipi.
[L’idée que la richesse des sous-sols est à la fois « la bénédiction et la malédiction » des sociétés arabes fait son chemin. Je ne sais pas s’il faut être aussi catégorique, mais je trouve que ce n’est pas dénué d’une certaine logique.]
Je suis d’accord. Mais ce n’est pas aussi simple. Certains pays dont le sous-sol était particulièrement riche (pensez à la Grande Bretagne ou aux Etats-Unis) ont développé des économies industrielles. Ce sont souvent, il faut le constater, des pays protestants. On peut d’ailleurs se poser la question inverse: se sont-ils industrialisés parce qu’ils étaient protestants, ou bien sont-ils devenus protestants parce qu’ils commençaient leur révolution industrielle ? Un bon marxiste repondra qu’il y a un rapport dialectique entre les deux.
@ Descartes
[Bien entendu, la religion des colonisateurs n’explique pas tout. Mais on ne peut que constater que les colonies de peuplement protestantes incluent plusieurs puissances mondiales ou régionales (Etats-Unis, Canada, Australie, Afrique du Sud) alors que les colonies de peuplement catholiques sont restés largement en arrière. Est-ce une coïncidence ?]
Certainement pas, et je n’ai jamais d’ailleurs dit que la « éthique protestante » du capitalisme n’avait aucune influence. Je limitais d’ailleurs ma remarque aux Amériques, il est vrai de façon peut-être un peu réductrice, mais dans le souci de comparer des sociétés qui se sont formées parallèlement. Et honnêtement, je ne sais pas si le Suriname ou le Guyana sont plus prospères que le Venezuela, ou si Belize se porte mieux ou pire qu’un autre pays-carte-postale qu’est Saint-Domingue. On peine également à voir ce qui différencierait les colonies « protestantes » des « catholiques » dans le semis de « confetti d’empire » que forment les Antilles…
[Pas si « similaire » que ça : la Jamaïque est à la fin du XIXème siècle beaucoup plus riche que Cuba.]
Je dirais qu’il serait malhonnête de ne pas considérer l’état respectif des puissances tutélaires à ce moment précis : à la fin du XIXème siècle, l’empire Britannique est au zénith de sa puissance, alors que les Espagnols sont en plein marasme. Mais il faut noter que les deux pays sont assez comparables de nos jours. Mais peut-être es-tu un peu castriste, et tu m’expliqueras des choses 😉 j’avoue que je ne sais pas grand-chose de Cuba et de la Jamaïque après leurs indépendances.
[[Un autre exemple est bien entendu les profondes différences entre le sud et le nord des jeunes Etats-Unis, qui culmineront en guerre civile : un nord protestant entrepreneurial, en voie d’industrialisation, et un sud fermement agraire encore plus protestant mais aristocratique.]
Pas « encore plus protestant ». C’est dans le sud ou l’on trouve le plus de catholiques, notamment en Louisiane et dans la vallée du Mississipi.]
C’est très discutable si on parle du nombre. Je pourrais retrouver les chiffres exacts, mais il me semble que dès les années 1840, les francophones sont en minorité à New Orleans. De même, les peuplements de la vallée du Mississipi sont assez sporadiques, et assez vite submergés par les anglophones. La population du « deep south » a connu un accroissement considérable entre l’indépendance et les années 1850 : ce qui était des territoires tribaux indiens – toute la zone au sud des Appalaches, les états actuels du Missouri, Alabama, et le nord de la Floride – administrés vaguement comme « territoires » au moment de l’indépendance sont des Etats esclavagistes assez densément peuplés de la confédération au moment de la guerre de sécession.
Et il ne faut pas aussi oublier que les Etats du nord ont un afflux considérable, sur la même période, d’Irlandais majoritairement catholiques qui fuient la misère et la famine, qui réduiront la population Irlandaise de façon spectaculaire.
Pour ce qui est de l’aspect qualitatif, je maintiens que le Sud est « encore plus protestant ». C’est là que se développe le « second great awakening » principalement chez les baptistes et méthodistes, qui donnera son caractère si étrangement féroce et prosélyte pour nous européens au christianisme américain, là où les églises traditionnelles (« mainline » disent les américains) se maintiennent dans le Nord : presbytériens/calvinistes, épiscopaliens (anglicans), avec un afflux de luthériens germano-scandinaves dans la région des grands lacs, et une communauté catholique qui devient massive dans les grandes villes portuaires.
Je dirais que ça dépend fondamentalement d’à quel moment on se place pour déterminer si les états du Sud sont ou non « plus protestants », et si l’on choisit des critères plus quantitatifs ou qualitatifs pour fournir cette réponse. J’avoue que je pensais surtout à l’époque de la guerre de sécession – épisode historique qui me fascine – et après toutes ces précisions, je reste catégorique sur un point précis : les états du sud sont autant quantitativement que « qualitativement » « plus protestants » que ceux du nord en 1861.
[Je suis d’accord. Mais ce n’est pas aussi simple. Certains pays dont le sous-sol était particulièrement riche (pensez à la Grande Bretagne ou aux Etats-Unis) ont développé des économies industrielles.]
Riche tout de même d’une ressource particulière : le charbon, qui a surtout été mis en valeur par l’industrialisation. Maintenant, tu vas me dire qu’il faut une mentalité et un état de développement spécifique pour transformer cette denrée qui, après tout, ne vend pas aussi bien à l’export que l’or ou le tabac juste en elle-même. Et tu auras sûrement raison 😉
[Un bon marxiste repondra qu’il y a un rapport dialectique entre les deux.]
Bien entendu. Maintenant, si les sous-sols anglais n’avaient pas été aussi riches en charbon, on peut se demander aussi si l’ère Victorienne aurait été ce qu’elle fut…
@ BolchoKek
[Certainement pas, et je n’ai jamais d’ailleurs dit que la « éthique protestante » du capitalisme n’avait aucune influence. Je limitais d’ailleurs ma remarque aux Amériques, il est vrai de façon peut-être un peu réductrice, mais dans le souci de comparer des sociétés qui se sont formées parallèlement.]
Justement. Comparons donc ce qui est comparable : si l’on veut comparer deux pays qui ont eu une économie de plantation, on peut penser à la Virginie et au Brésil. Ils ont été colonisés à peu près en même temps, par des populations de même nature et niveau social. Mais on ne peut que constater que la virginie se dote d’une constitution démocratique en 1776, le Brésil le fera un siècle plus tard. C’est un exemple parmi d’autres. Il n’est peut-être pas significatif, mais il montre que du point de vue institutionnel, les colonies de peuplement « protestantes » étaient bien plus avancées que les colonies « catholiques ». Et l’aspect institutionnel est un bon reflet des autres aspects de la vie d’une société.
[Pas si « similaire » que ça : la Jamaïque est à la fin du XIXème siècle beaucoup plus riche que Cuba.]
Je dirais qu’il serait malhonnête de ne pas considérer l’état respectif des puissances tutélaires à ce moment précis : à la fin du XIXème siècle, l’empire Britannique est au zénith de sa puissance, alors que les Espagnols sont en plein marasme.]
Si vous admettez la théorie selon laquelle les colonies n’étaient que des réservoirs de matières premières que la métropole se contentait d’exploiter jusqu’à la corde, alors cela ne devrait pas faire la différence, au contraire : un empire « au zénith de sa puissance » a les moyens de mettre à bas n’importe quelle révolte, alors qu’un empire « en plein marasme » doit composer et donc céder aux revendications de ses colonies… Maintenant, si on accepte une théorie un peu différente selon laquelle les empires coloniaux étaient des « proto-nations » ou les colonies partageaient en partie la prospérité de l’ensemble, votre commentaire prend tout son sens. Mais je vous préviens que vous allez vous faire beaucoup d’ennemis…
[Mais il faut noter que les deux pays sont assez comparables de nos jours. Mais peut-être es-tu un peu castriste, et tu m’expliqueras des choses j’avoue que je ne sais pas grand-chose de Cuba et de la Jamaïque après leurs indépendances.]
La comparaison aujourd’hui n’a pas de sens, parce que « l’esprit protestant du capitalisme » est devenu dominant même dans les pays de tradition catholique, et que l’évolution économique de Cuba est plus lié aux rapports internationaux entre puissances qu’aux performances de l’économie cubaine, et celle de la Jamaïque à son statut de paradis fiscal. On peut quand même noter que les paradis fiscaux curieusement sont installés dans les îles… de tradition protestante ! Est-ce une coïncidence ? Ou faut-il voir le fait que leur institutionnalisation précoce leur a permis de conquérir la confiance des investisseurs là où l’instabilité chronique dans les îles « catholiques » était au contraire un frein à l’investissement ?
[Pour ce qui est de l’aspect qualitatif, je maintiens que le Sud est « encore plus protestant ». C’est là que se développe le « second great awakening » principalement chez les baptistes et méthodistes, qui donnera son caractère si étrangement féroce et prosélyte pour nous européens au christianisme américain, là où les églises traditionnelles (« mainline » disent les américains) se maintiennent dans le Nord : presbytériens/calvinistes, épiscopaliens (anglicans), avec un afflux de luthériens germano-scandinaves dans la région des grands lacs, et une communauté catholique qui devient massive dans les grandes villes portuaires.]
Je vous concède le point. Effectivement, je pensais aux protestants « traditionnels » (calvinistes et luterains) mais j’oubliais les « sectes » qui ont fleuri dans le sillage du « second great awakening ». Cependant, vous noterez qu’une partie de ces mouvements dont on peut se demander s’il faut les considérer « protestants » (leur motivation essentielle n’étant plus la contestation de la hiérarchie catholique) n’ont pas tout à fait le même contenu idéologique que le protestantisme européen. Certains de ces groupes sont agrariens et rétrogrades, alors que le protestantisme européen est plutôt lié au commerce et à l’industrie. Je me demande jusqu’à quel point on peut les inclure parmi les porte-drapeaux de « l’esprit protestant du capitalisme ».
[« Je suis d’accord. Mais ce n’est pas aussi simple. Certains pays dont le sous-sol était particulièrement riche (pensez à la Grande Bretagne ou aux Etats-Unis) ont développé des économies industrielles. » Riche tout de même d’une ressource particulière : le charbon, qui a surtout été mis en valeur par l’industrialisation. Maintenant, tu vas me dire qu’il faut une mentalité et un état de développement spécifique pour transformer cette denrée qui, après tout, ne vend pas aussi bien à l’export que l’or ou le tabac juste en elle-même. Et tu auras sûrement raison.]
Tu fais erreur. Le charbon était valorisé dès le XVème siècle comme moyen de chauffage, valorisation directe s’il en est. La possession des mines de Newcastle était déjà un enjeu des guerres civiles du XVII siècle puisque c’était le moyen de couper le chauffage des londoniens. L’étain – extrait surtout en Cornouailles – était depuis les temps romains exporté dans toute l’Europe, et l’argent étaient relativement abondant au point de devenir la base traditionnelle du système monétaire (« sterling silver » est le nom d’un alliage contenant 92% d’argent). L’Angleterre a une tradition minière très ancienne.
[« Un bon marxiste repondra qu’il y a un rapport dialectique entre les deux. » Bien entendu. Maintenant, si les sous-sols anglais n’avaient pas été aussi riches en charbon, on peut se demander aussi si l’ère Victorienne aurait été ce qu’elle fut…]
Probablement pas. Mais il y a d’autres pays dont le sous-sol est riche en charbon, en fer, et en toutes sortes de ressources minérales, et qui n’ont pas eu d’ère Victorienne. Il faut croire que si l’existence de telles ressources est un facteur aidant, ce n’est pas une condition suffisante…
@ nationaliste-ethniciste et Descartes
[ Je vous remercie, et je serais ravi de pouvoir échanger de visu, si l’occasion se présentait. Après tout, nous ne sommes pas si éloignés géographiquement… ]
Ah, que j’aimerais être petite souris ce jour là !
@ BJ
[Ah, que j’aimerais être petite souris ce jour là !]
Pourquoi, vous pensez que des secrets seraient échangés ?
@ Descartes
[ Pourquoi, vous pensez que des secrets seraient échangés ? ]
Hou-là ! Loin de moi cette idée !
Ce serait juste pour assister à une discussion de bonne tenue !
Sachez que ce blog est ma seule source de débat d’idées dans l’océan de platitude de mon entourage.
Sans doute n’ai-je pas su choisir mes relations, mais il m’est impossible d’aborder des thèmes de ce blog dans mes discussions quotidiennes ou occasionnelles sans passer pour un casse-c… qui “se prend la tête” continuellement, et qui n’est jamais content.
Ne voulant pas me désocialiser complètement, je dois me satisfaire de discussions sur la pluie et le beau temps, ou pire, le programme télé de la veille !
Le désert provincial, quoi…
Heureusement, il reste les livres, les conférences sur youtube et… le blog de Descartes !
@ BJ
[Sachez que ce blog est ma seule source de débat d’idées dans l’océan de platitude de mon entourage. Sans doute n’ai-je pas su choisir mes relations, mais il m’est impossible d’aborder des thèmes de ce blog dans mes discussions quotidiennes ou occasionnelles sans passer pour un casse-c… qui “se prend la tête” continuellement, et qui n’est jamais content.]
Eh oui… je connais ce sentiment, il m’a accompagné une bonne partie de ma vie ! Je suis ravi que ce blog vous soit utile.
[Ne voulant pas me désocialiser complètement, je dois me satisfaire de discussions sur la pluie et le beau temps, ou pire, le programme télé de la veille ! Le désert provincial, quoi…]
Soyez subtil. Vous savez, à partir d’une discussion sur la pluie et le beau temps ou du programme télé de la veille on peut faire surgir des débats politiques et sociaux passionnants. Il fut un temps où l’on apprenait à faire ça au PCF… je me souviens du temps où je faisais du porte-à-porte dans une cité avec un vieux militant. Il avait une capacité extraordinaire à partir du résultat du foot ou des problèmes scolaires du petit dernier de faire surgir les problèmes politiques… c’était un plaisir de militer avec lui !
@ Descartes,
“je serais ravi de pouvoir échanger de visu, si l’occasion se présentait. Après tout, nous ne sommes pas si éloignés géographiquement…”
Eh bien, si d’aventure vos pérégrinations vous amenaient à faire étape à Blois, faites-le moi savoir. Bon, je ne vous cacherai pas que ce serait plus pratique pour moi si c’est un week-end ou durant les congés scolaires de la zone B. Si je suis disponible (et que vous n’êtes pas allergique aux jeunes enfants), je connais un petit restaurant convivial et je m’engage à vous y inviter. Pour apprendre à se connaître, rien ne vaut une bonne table.
@ BJ,
“Ah, que j’aimerais être petite souris ce jour là !”
Vous savez, je ne crois pas que ce qui se dirait serait plus intéressant que ce que nous écrivons ici. C’est le cadre de l’échange qui changerait.
@ nationaliste-ethniciste
[« je serais ravi de pouvoir échanger de visu, si l’occasion se présentait. Après tout, nous ne sommes pas si éloignés géographiquement… » Eh bien, si d’aventure vos pérégrinations vous amenaient à faire étape à Blois, faites-le moi savoir.]
Ca se pourrait… ou alors je peux y aller exprès (Paris-Blois, c’est pas le bout du monde !). Je ne suis pas allergique aux enfants, au contraire ! Et ok pour la table !
@ Descartes
[Ses albums de l’époque (notamment « Tintin chez les Soviets » et « Tintin au Congo ») dans leurs versions originales – elles ont été amendées après 1945 – contiennent nombre d’éléments racistes et antisémites. Contrairement au roman d’Agatha Christie (ou la race des « niggers » ne joue aucun rôle) ou les pièces d’Eschyle ou de Shakespeare, qui s’en tiennent aux préjugés de leur époque, Hergé était un homme engagé avec la frange la plus extrémiste de son temps sur ces questions. Et cela mérite d’être rappelé.]
Pour me faire l’avocat du diable, il me semble – et les Belges qui fréquentent les commentaires peuvent volontiers me corriger – que pendant les années 1930 et l’occupation, c’est plus ou moins toute la droite belge qui s’est précipitée dans le lit du fascisme. Hergé, un homme sans conteste ancré dans la droite catholique, et au final assez représentatif d’une époque de l’histoire politique belge. Non pas que cela l’excuse, tout au plus ça replace sa production de l’époque dans son contexte historique, et permet de souligner que la vision antisémite, raciste, et hystériquement anticommuniste dont il fait preuve était à peu près dans la moyenne de la droite belge de l’époque.
[ce cher Hergé reste la coqueluche de nos culturo-bobos malgré ses mauvaises fréquentations]
J’avoue que je n’ai pas vraiment remarqué cela. Pourquoi, d’après toi, cela serait-il le cas ?
[Mais je pense qu’il faudrait l’éditer dans la version originale et sans “coupures” pour qu’apparaisse la cohérence originale – raciste et antisémite – de l’œuvre. ]
Il me semble que cela a été fait pour Tintin au Congo – sur la version d’après-guerre, bien sûr.
@ BolchoKek
[Pour me faire l’avocat du diable, il me semble – et les Belges qui fréquentent les commentaires peuvent volontiers me corriger – que pendant les années 1930 et l’occupation, c’est plus ou moins toute la droite belge qui s’est précipitée dans le lit du fascisme.]
Ce n’est pas faux. Les droites catholiques étaient tellement effrayées par le fantôme du communisme – mais aussi par une modernité qui reléguait l’Eglise à la sphère privée – qu’elles étaient prêtes à s’allier avec n’importe qui pour ramener le « bon vieux temps ». Mais cela ne vaut guère justification de l’attitude d’Hergé. De Gaulle a refusé la grâce de Brasillach au motif qu’un intellectuel a des responsabilités. Et ce qui était vrai de Brasillach est vrai aussi d’Hergé.
[Hergé, un homme sans conteste ancré dans la droite catholique, et au final assez représentatif d’une époque de l’histoire politique belge. Non pas que cela l’excuse, tout au plus ça replace sa production de l’époque dans son contexte historique, et permet de souligner que la vision antisémite, raciste, et hystériquement anticommuniste dont il fait preuve était à peu près dans la moyenne de la droite belge de l’époque.]
D’accord. Mais ce qui est intéressant dans cette affaire n’est pas tant l’attitude d’Hergé – qui après tout est assez typique, comme vous le dites, de la droite catholique belge – mais celle de ses admirateurs. Dans un monde ou au moindre soupçon d’antisémitisme ou de racisme on déboulonne des grandes figures de leur piédestal, Hergé reste protégé.
[« ce cher Hergé reste la coqueluche de nos culturo-bobos malgré ses mauvaises fréquentations » J’avoue que je n’ai pas vraiment remarqué cela. Pourquoi, d’après toi, cela serait-il le cas ?]
Je ne sais pas, j’avoue n’avoir aucune explication satisfaisante à proposer. Peut-être parce que pour beaucoup de ses fans ses albums sont attachés à l’enfance, cette maladie dont aucun de nous ne guérit jamais vraiment ?
[« Mais je pense qu’il faudrait l’éditer dans la version originale et sans “coupures” pour qu’apparaisse la cohérence originale – raciste et antisémite – de l’œuvre ». Il me semble que cela a été fait pour Tintin au Congo – sur la version d’après-guerre, bien sûr.]
Pas vraiment. Le « Tintin au Congo » original – celui de 1931 – n’a pas été republié depuis 1945 et est à ma connaissance introuvable aujourd’hui sauf chez des collectionneurs. La version courante est la version en couleurs – et lourdement réduite – de 1946, dans laquelle beaucoup d’éléments devenus gênants ont disparu…
@ Descartes
[Pas vraiment. Le « Tintin au Congo » original – celui de 1931 – n’a pas été republié depuis 1945 et est à ma connaissance introuvable aujourd’hui sauf chez des collectionneurs. ]
C’est dommage, imagine si on avait un réseau mondial qui permette d’accéder gratuitement à tout un tas de documents, surtout ceux qu’on aimerait bien faire oublier 😉
http://www.bellier.org/tintin%20au%20congo%20petit%20vingtieme/vue1.htm
En outre, il me semble que les polémiques même concernant les versions d’après-guerre resurgissent périodiquement.
@ Bolchokek
[C’est dommage, imagine si on avait un réseau mondial qui permette d’accéder gratuitement à tout un tas de documents, surtout ceux qu’on aimerait bien faire oublier]
Merci de cette référence… intéressant à comparer avec la version post 1945!
Cher Monsieur,
je n’écris pas “cher descartes” car je sais que ce n’est pas votre nom, et que je cherche à être plus direct : votre blog n’est pas une scène de théâtre.
Mais ce faisant, je vous masculinise. Or, qui me dit que vous êtes un Monsieur?
Qu’importe à vrai dire (je m’adresse de fait à ce que vous avez écrit) … comme qu’importe que Laurence Olivier soit juif pour jouer le Marchand de Venise (le spectateur sait que Shylock est juif).
Par contre, vous en serez d’accord, pas qu’importe qu’il soit blanc … pour jouer Othello. Et a -t-il jouer dans ‘Hamlet’ le rôle d’Ophélie ou celui de la reine? Tout le monde connaît la réponse, négative, et tout le monde sait, ceci étant dit, que Shakespeare et sa troupe n’étaient que des hommes.
Alors, pour jouer Othello, le blanc se grime. Pourquoi pas? Cela relève du costume. La véritable question, c’est celle du casting. Pourquoi ne pas prendre tout simplement un acteur pour lequel le mot ‘Maure’ correspond? “Tout simplement” est une façon de parler. Car finalement, chacun, c’est à dire chaque metteur en scène, fait comme il sent : la caravane passe et le CRAN aboie.
Mais ce qui est plus rare, c’est de blanchir un noir. Qu’à Dakar se joue “Les Suppliantes” d’Eschyle, et que la mise en scène se fasse avec des acteurs locaux. Que va faire le metteur en scène?
Si c’est ‘Hamlet’ qu’il monte, je pense qu’il n’y aura aucun problème : tous les comédiens seront noirs, et personne ne sera dérangé. Mais dans le cas d’une opposition? Va-t-il blanchir la partie non grimée dans la mise en scène de Brunet?
Il me semble qu’ici se pose un problème que vous ne pouvez pas balayer du revers de la main d’un universel “tout comédien peut jouer tout rôle”. Eschyle est blanc, voilà l’affaire. Le théâtre est occidental. L’Afrique a d’autres activités. Salif Keita n’est pas blanc, il est albinos.
@ Cahen
[je n’écris pas “cher descartes” car je sais que ce n’est pas votre nom, et que je cherche à être plus direct : votre blog n’est pas une scène de théâtre.]
Mais si, mais si… « Le monde entier est un théâtre, et tous les hommes et les femmes seulement des acteurs; Ils ont leurs entrées et leurs sorties, et un homme dans le cours de sa vie joue différents rôles… » (Shakespeare, « Comme il vous plaira », acte II scène 7).
[Mais ce faisant, je vous masculinise. Or, qui me dit que vous êtes un Monsieur?]
Moi, je vous le dis. Mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Après tout, peut-être que je ne joue qu’un rôle…
[comme qu’importe que Laurence Olivier soit juif pour jouer le Marchand de Venise (le spectateur sait que Shylock est juif).]
Faut croire qu’il y a des gens pour qui cela « importe » suffisamment pour faire censurer une pièce. Au Canada, le spectacle « Kanata » de Robert Lepage et Ariane Mnouchkine, a été annulé. La raison ? L’absence d’acteurs amérindiens dans la troupe. Pourquoi la communauté juive n’aurait pas le droit d’exiger la présence de juifs sur scène lors de la représentation du « Marchand de Venise » ?
[Par contre, vous en serez d’accord, pas qu’importe qu’il soit blanc … pour jouer Othello. Et a -t-il jouer dans ‘Hamlet’ le rôle d’Ophélie ou celui de la reine? Tout le monde connaît la réponse, négative, et tout le monde sait, ceci étant dit, que Shakespeare et sa troupe n’étaient que des hommes.]
Si un metteur en scène décidait de donner le rôle de Desdémone ou celui de Juliette à un homme pour nous donner un aperçu de ce que pouvait être une représentation d’époque, je ne verrai franchement aucun inconvénient, et je trouverais absurde que les féministes protestent et empêchent le spectacle de se dérouler. Vous noterez d’ailleurs que dans l’opéra baroque ou classique on fait jouer couramment des rôles masculins à des femmes (pensez à Cherubino dans « Le mariage de Figaro » de Mozart), sans que les hommes aient jamais protesté contre cet abus…
[Alors, pour jouer Othello, le blanc se grime. Pourquoi pas?]
Ça veut dire quoi « le blanc se grime » ? Un acteur se grime pour jouer. S’il joue un personnage noir il se grime en noir, de la même manière que s’il joue un bossu il se met une fausse bosse, s’il joue un roi il mettra un manteau de velours et une couronne. Mais ce n’est pas « le blanc » en lui qui se grime, pas plus que ce n’est « le roturier » en lui qui met une couronne. Pourquoi essentialiser son couleur de peau ?
[Cela relève du costume. La véritable question, c’est celle du casting. Pourquoi ne pas prendre tout simplement un acteur pour lequel le mot ‘Maure’ correspond?]
Et pour jouer un bossu on prend un vrai bossu ? Pour jouer Cléopâtre on prend une égyptienne ? Avec ce critère, ça va être difficile de trouver quelqu’un pour jouer le fantôme dans Hamlet…
Pourquoi ne pas prendre un acteur noir pour jouer le « maure » ? Pourquoi pas, en effet. Mais pourquoi ne pas prendre un blanc ? « Pourquoi pas » ne constitue pas un argument. Le choix de prendre un acteur noir pour jouer Othello (ou Hamlet, d’ailleurs) est aussi légitime que celui de prendre un blanc. Tout dépend de ce que le metteur en scène veut exprimer. Choisir un acteur blanc grimé dans une mise en scène classique nous permet de saisir la pièce aussi proche que possible de celle qu’avaient vu les spectateurs de la Renaissance. Mais les autres choix sont de mon point de vue tout aussi acceptable.
[“Tout simplement” est une façon de parler. Car finalement, chacun, c’est à dire chaque metteur en scène, fait comme il sent : la caravane passe et le CRAN aboie.]
Pardon. Dans le cas présent, la caravane a été bien arrêtée net. La représentation des « suppliantes » n’a pas eu lieu.
[Mais ce qui est plus rare, c’est de blanchir un noir.]
Vous posez là un point important. Le raisonnement symétrique n’est pas possible parce qu’en fin de comptes le théâtre est un art créé par les grecs, et qui s’est essentiellement développé en Europe, chez les « blancs ». Je pense surtout que l’affaire des « Suppliantes » met en évidence une particularité très spécifique des civilisations de filiation gréco-latine, c’est qu’il s’agit de civilisations ouvertes, alors que dans leur immense majorité, les autres civilisations sont des civilisations fermées. J’ai pris conscience de ce fait en voyageant au Japon pour un stage de judo. J’ai réalisé là-bas que si nous apprécions que les étrangers qui viennent chez nous s’habillent comme nous, parlent notre langue et adoptent nos coutumes, ce n’est pas du tout le cas ailleurs. Les japonais considèrent de tels gestes comme une dépossession au mieux, au pire un acte de moquerie. Et on trouve exactement le même réflexe en Afrique. Imaginez-vous qu’on montait demain à Dakar « Hamlet » avec des acteurs noirs grimés en blancs. Combien de « blancs » s’estimeraient offensés par un tel spectacle, au point de manifester pour empêcher la représentation ? Vous, personnellement, vous y trouveriez quelque chose à redire ?
[Qu’à Dakar se joue “Les Suppliantes” d’Eschyle, et que la mise en scène se fasse avec des acteurs locaux. Que va faire le metteur en scène?]
S’il veut respecter le texte grec, il fera comme Brunet : des masques clairs pour les uns, des masques
obscurs pour les autres. Et je pense que personne ne trouvera à redire.
[Si c’est ‘Hamlet’ qu’il monte, je pense qu’il n’y aura aucun problème : tous les comédiens seront noirs, et personne ne sera dérangé.]
Je ne sais pas. Les cas que je connais de mise en scène « classique » d’Hamlet en Afrique. Ce sont en général des adaptations, ou l’on transporte l’action dans les cours de rois africains, ce qui permet de rendre vraisemblable le fait que tous les personnages sont noirs.
[Il me semble qu’ici se pose un problème que vous ne pouvez pas balayer du revers de la main d’un universel “tout comédien peut jouer tout rôle”.]
Je ne vois pas le « problème ».
[Eschyle est blanc, voilà l’affaire. Le théâtre est occidental. L’Afrique a d’autres activités.]
Faudrait expliquer ca au CRAN… et à une bonne partie nos « élites » intellectuelles !
Je sais pas si Descartes est au courant mais il y a vraiment un metteur en scene qui a pensé ne pas faire mourir Carmen (https://www.france24.com/fr/20180109-carmengate-carmen-opera-florence-italie-violences-femmes-maggio) …
Le politiquement correct a la sauce US est en train de rendre la societe folle.
Le pire c est que ca contamine tout. Je lisais l interview d un professeur d astronomie australien. Il expliquait qu il allait faire ses recherches en chine car au moins on lui foutait la paix avec les histoires de genre (apparemment en australie si vous pretendez a un poste technique a luniversite vous devez cependant expliquer ce que vous avez fait pour l egalite homo/hetero, homme/femme et je ne sais quoi). Il disais qu au moins en Chine on le laisserai travailler en paix (les chercheurs chinois ont probablement droit a une surveillance pour etre sur qu ils suivent la ligne de Xi mais pas les etrangers)
On est entrain de rejouer a l envers de qu il s est passé au XVIII sciecle. A cet epoque la chine etait sur bien des points plus avancee que l europe mais un pouvoir fort et la conviction d etre les meilleurs les ont mene a la catastrophe au XIX sciecle (cf guerre de l opium)
On est un peu dans cette situation. Nous sommes persuadé d etre encore les meilleurs (techniquement mais aussi comme societe). Nous ne voyons pas les signaux d alertes (par ex Huawei a une technologie superieure a tout ce qu on a en europe sur la 5G: ils ne sont plus des copieurs mais les maitres a copier).
Pire nous brimons nos esprits brillants car pas politiquement correct ou nous promouvons des gens dont le seul merite est d appartenir a un quota (noir/femme/homo …)
PS: comtrairement a la chine, il n y avait pas d empereur d europe au XVIII qui pouvait interdire la navigation en haute mer ou je ne sais quelle innovation ou simplement une idee. au contraire, les etats europeens etant rivaux, ils maintenaient une emulation et si quelque chose deplaisait au souverain X, il suffisait de se refugier chez Y (par ex les opposants a Louis XVI imprimaient des pamphlets a londres)
@ cdg
[Je ne sais pas si Descartes est au courant mais il y a vraiment un metteur en scène qui a pensé ne pas faire mourir Carmen (…).]
Oui, je connaissais cette mise en scène et c’est à elle que je faisais référence. Le plus amusant est le commentaire du metteur en scène pour justifier le changement (qui consiste à faire tuer Don José par Carmen) : « Il estime qu’à notre époque, marquée par le fléau des violences faites aux femmes, il est inconcevable qu’on applaudisse le meurtre de l’une d’elles ». Il faut croire que le fait d’applaudir au meurtre d’un homme – à notre époque, ou les victimes de violences restent très majoritairement du sexe masculin – ne lui pose aucun problème.
[Le politiquement correct à la sauce US est en train de rendre la société folle.]
N’exagérons rien. La « société » continue à tourner comme elle a toujours tourné. C’est surtout les élites – et tout particulièrement les élites intellectuelles – que ce « politiquement correct » rend folles. Ce qui est déjà assez grave, parce que ce sont ces élites-là qui fabriquent les idées. Il ne faut pas oublier que ce « politiquement correct » fait vivre beaucoup de monde, depuis les « conseillers à la diversité » qui fleurissent dans toutes les structures publiques et privées, jusqu’aux metteurs en scène médiocres qui se taillent un succès en saccageant les patrimoine intellectuel, un peu comme ces censeurs qui mutilaient les génitaux des statues classiques pour leur coller des feuilles de vigne.
[Le pire c’est que ça contamine tout. Je lisais l’interview d’un professeur d’astronomie australien. Il expliquait qu’il allait faire ses recherches en Chine car au moins on lui foutait la paix avec les histoires de genre (apparemment en Australie si vous prétendez a un poste technique a l’Université vous devez cependant expliquer ce que vous avez fait pour l’égalité homo/hetero, homme/femme et je ne sais quoi).]
Oui. On peut se moquer de nos dragons de vertu locaux, mais à côté de ce qu’on trouve dans les pays anglo-saxons, nos Schiappa et autres Tin sont des enfants de cœur. Un professeur d’astronomie peut se voir accusé de « sexisme » parce que les noms des constellations qu’il enseigne contiennent plus de personnages masculins que féminins…
[On est un peu dans cette situation. Nous sommes persuadé d etre encore les meilleurs (techniquement mais aussi comme société). Nous ne voyons pas les signaux d’alerte (par ex Huawei a une technologie supérieure a tout ce qu’on a en Europe sur la 5G: ils ne sont plus des copieurs mais les maitres a copier). Pire nous brimons nos esprits brillants car pas politiquement correct ou nous promouvons des gens dont le seul mérite est d’appartenir à un quota (noir/femme/homo …)]
Tout à fait. Comme la société chinoise du XVIIIème siècle, nous formons et donnons une place de plus en plus importante aux administrateurs et de moins en moins importante aux scientifiques et aux ingénieurs. Nous privilégions l’être plutôt que le faire. Comment s’étonner que les autres nous dépassent ?
[PS: contrairement a la chine, il n’y avait pas d’empereur d’Europe au XVIII qui pouvait interdire la navigation en haute mer ou je ne sais quelle innovation ou simplement une idée. Au contraire, les états européens étant rivaux, ils maintenaient une émulation et si quelque chose déplaisait au souverain X, il suffisait de se réfugier chez Y (par ex les opposants à Louis XVI imprimaient des pamphlets à Londres)]
Aujourd’hui, nous avons un « Empereur d’Europe », qui se charge de faire en sorte qu’aucune idée, qu’aucun projet politique ne se différentie : c’est Juncker. C’est dire qu’on est tombés bien bas…
[Je lisais l interview d un professeur d astronomie australien. Il expliquait qu il allait faire ses recherches en chine car au moins on lui foutait la paix avec les histoires de genre]
Ce qui est terrifiant, c’est qu’on sent qu’on est plus à l’abris d’une nouvelle “affaire Lyssenko” à l’occidentale, asservie à je ne sais quelle théorie du genre, ou “idéologie” écolo-bon-marché…
Certains aspects des échanges autour du thème de ce billet me plongent dans un abîme de perplexité : le théâtre qui me semble difficile à séparer du jeu, devrait être « vérité » donc si l’on met en scène un « maure », il faudrait absolument « un maure » lequel, nonobstant la thématique raciale nord américaine, n’est pas ce qu’il est convenu d’appeler « noir » mais, et c’est plus drôle, entre dans la catégorie de peau « blanche ».
On peut voir le type de débilité induit par ce genre de raisonnement.
On pourrait tout autant pour la « vérité » de la représentation théâtrale exiger que l’Avare en soit un véritable et, plus compliqué, rechercher dans les prisons d’authentiques assassins…
Mais, sans aller aussi loin, ce raisonnement pourrait consister à exiger des acteurs qu’ils soient d’authentiques Vénitiens. Raisonnement aussitôt battu en brèche en objectant que Shakespeare écrivait pour des acteurs anglais et que, pour en retrouver l’authenticité, il faudrait en faire de même…
Ou, tout simplement, il n’est pas interdit de penser que ce qui importe et qui a traversé les âges, c’est le message universel et tant pis pour les gardiens sourcilleux de leur petit nombril.
@ morel
[On pourrait tout autant pour la « vérité » de la représentation théâtrale exiger que l’Avare en soit un véritable et, plus compliqué, rechercher dans les prisons d’authentiques assassins…]
De ce point de vue, je pense que le fantôme dans « Hamlet » restera le personnage le plus difficile du « casting »…
[Ou, tout simplement, il n’est pas interdit de penser que ce qui importe et qui a traversé les âges, c’est le message universel et tant pis pour les gardiens sourcilleux de leur petit nombril.]
N’oubliez pas que si pour vous et pour moi le terme « universel » est un terme positif, pour la plupart de nos dragons de vertu c’est presque une insulte. Et j’hésite sur le mot « presque ».
Je ne serai sûrement pas le seul à commenter sur le sujet, mais Notre-Dame est en train de brûler… J’éprouve une grande tristesse. Je ne serai probablement pas le seul, non plus, à y voir une petite métaphore de l’état de notre pays. Difficile de rationaliser en se disant qu’un tel événement relève de l’impondérable, que toutes les mesures seront prises etc.
@ Antoine
[Je ne serai sûrement pas le seul à commenter sur le sujet, mais Notre-Dame est en train de brûler… J’éprouve une grande tristesse.]
Moi aussi. Très triste. J’avais envie d’écrire un papier sur cet évènement, mais je n’ai pas la force. J’essaierai demain.
En d’autres époques moins rationnelles, on aurait vu dans cet incendie, arrivé justement le soir ou le président de la République comptait expliquer comment il comptait provoquer une “rupture”, un mauvais augure. Mais c’est dans tous les cas une triste métaphore…
[Mais c’est dans tous les cas une triste métaphore…]
Pas forcément. Cet incendie nous rappelle aussi que la cathédrale n’est pas si facile à détruire, à l’instar de la France. Toutes deux renaîtront de leurs cendres, comme elles l’ont toujours fait depuis des siècles.
@ Jean-François
[Pas forcément. Cet incendie nous rappelle aussi que la cathédrale n’est pas si facile à détruire, à l’instar de la France. Toutes deux renaîtront de leurs cendres, comme elles l’ont toujours fait depuis des siècles.]
Merci d’essayer de me remonter le moral. Mais comme l’a dit hier Stéphane Bern – un type bien plus profond qu’on ne le croit généralement – on reconstruira certainement, mais je ne le verrai pas de mon vivant… remarquez, Macron a promis ce soir que ce sera reconstruit dans cinq ans, alors c’est comme si c’était fait…
[Merci d’essayer de me remonter le moral. Mais comme l’a dit hier Stéphane Bern – un type bien plus profond qu’on ne le croit généralement – on reconstruira certainement, mais je ne le verrai pas de mon vivant… remarquez, Macron a promis ce soir que ce sera reconstruit dans cinq ans, alors c’est comme si c’était fait…]
On reconstruira, comme on a reconstruit des tas de choses qui ont été détruites, par accident, par des catastrophes naturelles ou par l’homme.
Sous le coup de l’émotion, on oublie que les monuments ne sont pas figés dans le temps; ils ne cessent d’être rénovés, consolidés, adaptés.
Le discours ambiant nie ce phénomène et prétend restaurer une pureté originelle qui n’a jamais existé. Ce n’est qu’une chimère, mais une chimère dangereuse. On en vient aujourd’hui à parler d’une restauration de la toiture à l’ancienne, avec des poutres de chêne, assemblage par tenons et mortaises. Sérieusement ? On souhaite réellement reproduire à grande échelle des techniques de construction qui sont complètement dépassées ? Et qui vont donner un bâtiment qui sera du moderne affecté des vices de l’ancien ? Qui, partant, présentera le risque de partir en fumée à plus ou moins brève échéance ? On compte sérieusement, comme le disait hier Blanquer, insister dans l’enseignement professionnel sur la maîtrise de techniques anciennes ?
Tout cela me fait penser au musée d’antiquailles de Bloch.
@ Luxy Luxe
[On reconstruira, comme on a reconstruit des tas de choses qui ont été détruites, par accident, par des catastrophes naturelles ou par l’homme.]
Ou pas. Parce que beaucoup de choses détruites par accident, par des catastrophes naturelles ou par l’homme ont été tout simplement perdues.
[Sous le coup de l’émotion, on oublie que les monuments ne sont pas figés dans le temps; ils ne cessent d’être rénovés, consolidés, adaptés. Le discours ambiant nie ce phénomène et prétend restaurer une pureté originelle qui n’a jamais existé.]
La question n’est pas de rechercher une pureté originelle. Je vais vous paraître très égoïste, mais je me fous de voir Notre-Dame telle qu’elle était au XIIIème siècle. J’ai envie de la voir telle que je l’ai toujours vue et admirée, telle qu’elle m’est devenue familière, telle que je l’associe avec des épisodes tristes ou joyeux de ma vie. Que le monument évolue ? Oui, pourquoi pas, mais lentement et sans rupture, de manière que chaque génération puisse retrouver en lui une partie de son passé.
[On en vient aujourd’hui à parler d’une restauration de la toiture à l’ancienne, avec des poutres de chêne, assemblage par tenons et mortaises. Sérieusement ? On souhaite réellement reproduire à grande échelle des techniques de construction qui sont complètement dépassées ?]
Personnellement, je ne tiens pas aux poutres en chêne per se. Tant que la charpente était originale, cela avait un sens de la conserver précieusement, mais la refaire pour avoir un truc moderne qui imite l’ancien, je suis d’accord, cela ne sert pas à grande chose. Par contre, je demanderai qu’on utilise une technique – ancienne ou moderne – qui assure dans la mesure du possible qu’elle sera là dans sept siècles, de manière que nos successeurs aient le même privilège que nous pouvions avoir en admirant cette charpente aujourd’hui perdue.
[On compte sérieusement, comme le disait hier Blanquer, insister dans l’enseignement professionnel sur la maîtrise de techniques anciennes ?]
Je pense qu’il y a toujours un intérêt à conserver une maîtrise des techniques anciennes, d’une part parce que nous avons un patrimoine important à entretenir, et d’autre part parce que cela a une valeur pédagogique.
[Tout cela me fait penser au musée d’antiquailles de Bloch.]
Sur ce point, je ne suis pas d’accord. Ce que Bloch critiquait, c’était le refus de la modernité dans le domaine utilitaire, et non pas l’attachement aux monuments et aux symboles du passé. Il ne s’agit pas de construire un lycée ou une usine avec des poutres de chêne, mais de restaurer une cathédrale.
[J’éprouve une grande tristesse.]
Vous en faites pas. On va reconstruire…
Cette scène surréaliste où, tandis que le brasier continue, le président annonce la reconstruction… L’air de dire qu’on peut s’en foutre que telle ou telle chose disparaisse, on peut tout reconstruire à volonté. Ben non, on peut pas.
Ou entendre les journalistes revenir sans cesse sur le nombre de touristes… Que des générations et des générations de Français se soient succédés pour construire et préserver ce lieu durant presque 1000 ans, qu’ils y aient versé leur sang, leur sueur, leur génie, leur force, leur foi, et que nous, le progrès incarné ou quelque chose du genre, on doive “appeler ce qui se fait de mieux à l’international” pour reconstruire…
Ça en dit long sur le vide qui habite ces gens. Ni passé ni avenir. Bougez pas les touristes, on va reconstruire…
@ bip
[« J’éprouve une grande tristesse. » Vous en faites pas. On va reconstruire…]
Je préfère le terme « restaurer ». Ma grande crainte, c’est précisément une « reconstruction » style pyramide du Louvre, qui ne respecterait pas l’intégrité historique du bâtiment, pour satisfaire les penchants « modernes » de certains culturo-bobos. Et qu’on ne vienne pas me dire que la flèche perdue date du XIXème. On peut reprocher beaucoup de choses à Viollet-le-Duc, mais c’était un homme profondément amoureux de l’architecture médiévale qu’il avait étudié à fond, et dont il cherchait à restituer l’esprit. Peu de gens, en regardant la flèche de Notre Dame, imaginaient qu’elle n’était pas contemporaine du reste du bâtiment. Et j’entends avec horreur certains architectes médiatiques expliquer que « on n’est pas obligé de reconstruire à l’identique… ».
Et même s’il y a une véritable restauration, je risque de ne pas retrouver ma Notre Dame avant de quitter définitivement cette terre… un désastre comme celui-ci vous fait prendre conscience que le temps nous est compté…
[Cette scène surréaliste où, tandis que le brasier continue, le président annonce la reconstruction… L’air de dire qu’on peut s’en foutre que telle ou telle chose disparaisse, on peut tout reconstruire à volonté. Ben non, on ne peut pas.]
Il a complété le ridicule en annonçant une reconstruction en cinq ans, ce que tous les spécialistes considèrent impossible sauf à sacrifier la qualité. J’ajoute que la formule « on la reconstruira plus belle qu’avant » m’a fait vraiment peur… comment fera-t-on pour la rendre « plus belle qu’avant » ?
[Ou entendre les journalistes revenir sans cesse sur le nombre de touristes… Que des générations et des générations de Français se soient succédés pour construire et préserver ce lieu durant presque 1000 ans, qu’ils y aient versé leur sang, leur sueur, leur génie, leur force, leur foi, et que nous, le progrès incarné ou quelque chose du genre, on doive “appeler ce qui se fait de mieux à l’international” pour reconstruire…]
Oui, c’est triste. Tout comme ces appels au mécénat ou des entreprises ont le beau rôle en promettant des millions alors que le 60% – au moins, ça peut monter à 90% – de la somme sera fournie par l’Etat par le biais des réductions d’impôts. Je n’ai pas envie que demain il y ait une plaque à l’entrée de Notre Dame disant « ce monument a été restauré grâce à Bolloré ou à Bouygues ».
J’ai été frappé d’ailleurs par l’ignorance des journalistes et des politiques. Ils lisaient tous les mêmes éléments de langage. Pas un seul n’a été capable de faire une intervention personnelle sur un trésor artistique, un élément de la cathédrale qui lui était particulièrement cher. Je mets de côte Stéphane Bern, à qui je dois rendre hommage. C’est le seul qui a parlé avec une véritable émotion de la valeur du monument en lui-même, et en tant que trésor du patrimoine national. Ce qui est d’autant plus remarquable que ses parents sont des juifs polonais naturalisés…
[Ça en dit long sur le vide qui habite ces gens. Ni passé ni avenir. Bougez pas les touristes, on va reconstruire…]
Malheureusement, ces temps-ci, il n’y a pas que la charpente de Notre Dame qui brule…
@ Descartes
[” Je n’ai pas envie que demain il y ait une plaque à l’entrée de Notre Dame disant « ce monument a été restauré grâce à Bolloré ou à Bouygues ».”]
Bof. J’avoue que je m’étais interrogé sur la raison d’être de ce délai de cinq ans fixé par Macron pour la reconstruction de Notre Dame. Or, selon certains, ceci pourrait tenir à la volonté d’être prêt pour les JO de 2024. Alors, je vous dirais que dans ce cas, pourquoi pas une reconstruction aux frais de Coca Cola, voire même de Disneyland Paris, à qui on laisserait, en échange, la possibilité d’y organiser ses animations ?
@ dsk
[Alors, je vous dirais que dans ce cas, pourquoi pas une reconstruction aux frais de Coca Cola, voire même de Disneyland Paris, à qui on laisserait, en échange, la possibilité d’y organiser ses animations ?]
Vous voulez vraiment me foutre le cafard…
@ Descartes
[Vous voulez vraiment me foutre le cafard…]
Absolument pas ! Cela étant dit, je vous avoue que pour ma part, je n’arrive pas à me départir d’un certain sentiment d’angoisse crépusculaire face à cet incendie, que je ne peux m’empêcher de percevoir comme révélateur d’une déchéance morale et spirituelle de la France en général. Voici sans doute pourquoi, d’ailleurs, cet objectif inexpliqué de reconstruction en 5 ans de Macron m’interpelle. La véritable raison d’être, en effet, de Notre-Dame n’était-elle pas déjà en ruines ? Or, dans ce cas, pourquoi vouloir se précipiter à la reconstruire matériellement, si ce n’est, peut-être, pour se dissimuler cette déchéance morale et spirituelle fondamentale ?
@ dsk
[Absolument pas ! Cela étant dit, je vous avoue que pour ma part, je n’arrive pas à me départir d’un certain sentiment d’angoisse crépusculaire face à cet incendie, que je ne peux m’empêcher de percevoir comme révélateur d’une déchéance morale et spirituelle de la France en général.]
Je ne dirais pas « révélateur », mais plutôt « métaphore ». Mais au-delà de cette nuance, je partage largement votre sentiment. En discutant avec des gens, je me suis trouvé plusieurs fois devant les arguments du genre « pourquoi tant de bruit sur cette affaire, après tout, il n’y a pas eu de blessés ou de morts, ce n’est qu’un bâtiment » quand ce n’est le « on va dépenser des millions pour refaire un bâtiment alors qu’il y a des SDF dans la rue ». J’avoue que je suis effrayé à l’idée que mes concitoyens aient perdu la capacité de symboliser, de voir derrière les pierres et les poutres ce que ces pierres et ces poutres représentent. Et encore plus effrayé à l’idée que la beauté de la cathédrale ne signifie rien pour eux, au point que sa destruction ne provoque chez eux la moindre émotion.
Il n’y a pas si longtemps, des gens sont morts pour un drapeau, un morceau de toile sans valeur aux yeux de ces nouveaux philistins. D’autres ont risqué leur vie pour sauver les trésors du Louvre durant la guerre, ou pour sauver des œuvres d’art. Serions-nous capables de le faire aujourd’hui ? Je ne sais pas, mais je commence à en douter. Cette affaire me fait penser au récit de Gibbons sur la décadence de l’empire romain, quand il parle de ces gens qui vivaient dans les palais hérités de leurs ancêtres mais qu’ils n’auraient plus été capables de construire.
[Or, dans ce cas, pourquoi vouloir se précipiter à la reconstruire matériellement, si ce n’est, peut-être, pour se dissimuler cette déchéance morale et spirituelle fondamentale ?]
Macron appartient à une génération Amazon, qui ne supporte pas la frustration de l’attente. Quand elle veut quelque chose, il faut qu’elle soit là tout de suite. Hors de question d’attendre, d’accumuler, de construire avec le temps : on est ministre à 25 ans, président à 39. Et c’est la même chose avec Notre-Dame. L’idée que la restauration pourrait prendre dix, vingt, trente ans est insupportable.
@ Descartes
[“Macron appartient à une génération Amazon, qui ne supporte pas la frustration de l’attente. Quand elle veut quelque chose, il faut qu’elle soit là tout de suite. Hors de question d’attendre, d’accumuler, de construire avec le temps : on est ministre à 25 ans, président à 39. Et c’est la même chose avec Notre-Dame. L’idée que la restauration pourrait prendre dix, vingt, trente ans est insupportable.”]
Sans doute. Même si, à propos de l’unique véritable projet de construction, à ma connaissance, de ce fameux “bâtisseur”, à savoir l’européenne, il me semble qu’il se montre déjà nettement plus patient. Quoi qu’il en soit, je me serais permis d’avancer une autre explication de ces 5 ans, qui n’exclut pas la vôtre : peut-être Macron aurait-il aussi eu, tout comme nous, ce sentiment que Notre-Dame en flammes symbolisait la France, de sorte qu’au travers de ce délai, il aurait alors songé inconsciemment à son propre quinquennat. Remarquez, en passant, que s’il l’avait plutôt fixé à dix ans, cela aurait alors transmis un message assez clair quant à son éventuel espoir d’accomplir un second mandat.
@ dsk
[Sans doute. Même si, à propos de l’unique véritable projet de construction, à ma connaissance, de ce fameux “bâtisseur”, à savoir l’européenne, il me semble qu’il se montre déjà nettement plus patient.]
J’ai surtout l’impression que l’Allemagne ayant dit « nein » à ses ambitieuses propositions, il est passé à autre chose. Je trouve d’ailleurs la campagne de LREM pour les élections européennes particulièrement terne et peu imaginative, loin des perspectives lyriques qu’ouvrait le candidat Macron sur cette question.
[Quoi qu’il en soit, je me serais permis d’avancer une autre explication de ces 5 ans, qui n’exclut pas la vôtre : peut-être Macron aurait-il aussi eu, tout comme nous, ce sentiment que Notre-Dame en flammes symbolisait la France, de sorte qu’au travers de ce délai, il aurait alors songé inconsciemment à son propre quinquennat.]
Sauf que, dans cinq ans, sont quinquennat sera terminé depuis plus d’un an… sauf à imaginer que Macron a oublié qu’il est président depuis bientôt deux ans, votre explication ne tient pas. Non, je pense que la sortie de Macron sur les « 5 ans » tient de la logique de toute puissance infantile de sa génération, la génération du « tout, tout de suite », la génération qui croît naïvement que l’argent peut tout, y compris reconstruire un joyau du XIIIème siècle « plus beau qu’avant » en cinq ans. Ou pourquoi pas en trois ans ? Avec de la volonté et de l’argent, tout est possible…
@Descartes,
[Malheureusement, ces temps-ci, il n’y a pas que la charpente de Notre Dame qui brule…]
honnêtement, la Une de Charlie Hebdo de ce mercredi est parfaite: elle résume à quel point l’incurie et le cynisme règne au sommet de l’Etat…
Je suis effaré par l’indécence de Micronléon, qui pourtant vient d’une ville de cathédrale, à savoir Amiens: annoncer que tout sera réparé en cinq ans, histoire d’inaugurer une “new Notre-Dame” avant la fin de son second mandat, en dit long sur son nombrilisme et son absence de sens de l’histoire! Comme vous le dites, je pense qu’il y aura pour une génération de travaux avant de restaurer Notre Dame de Paris à l’identique!
Le vrai scandale, outre les larmes de crocodile, et sans verser dans le complotisme (dans ce qui va suivre, j’exclus la malveillance, sinon ce serait vraiment abject…), c’est que peu de personnes ont relevé au sommet de l’Etat que nous étions pendant la Semaine Sainte, ce qui en dit long sur l’inculture de nos dirigeants. Inculture qui s’est manifestée de façon sonnante et trébuchante dans les moyens mis en oeuvre pour restaurer ce monument national: beaucoup de journalistes signalent que les feux de chantiers sont monnaie courante, mais c’est vrai pour des prestations au rabais! Notre-Dame serait-elle à ce point ravalée au rang de vieille bicoque qu’on doivent justifier d’une économie de moyen pour l’entretenir? Il semblerait qu’une extension de budget a été refusée par l’Etat pour les monuments historiques, et donc notre chère cathédrale en a fait les frais…
Voilà pourquoi je suis furieux: Macron n’arrive qu’en bout de chaîne, mais l’incendie de Notre Dame de Paris met en exergue la médiocrité de nos gouvernants face à un monument qui fait partie de notre histoire et de notre image, même dans le monde, et l’absence de soin apporté à son entretien, avant la catastrophe d’avant-hier, ne semblait nullement émouvoir nos “élites”…
@ CVT
[honnêtement, la Une de Charlie Hebdo de ce mercredi est parfaite: elle résume à quel point l’incurie et le cynisme règne au sommet de l’Etat…]
Oui. Elle m’a choqué quand je l’ai vue la première fois, mais après avoir entendu mardi soir le président de la République ânonner son discours, je me suis dit que c’était plutôt bien vu.
[Comme vous le dites, je pense qu’il y aura pour une génération de travaux avant de restaurer Notre Dame de Paris à l’identique!]
Si tant est que ce soit l’intention. Quand j’écoute les discours de Philippe et le lancement d’un « concours d’architecte », je tremble. Ce n’est pas tant la charpente qui m’inquiète – il y a de bons arguments pour remplacer les matériaux anciens par les modernes, et la seule chose que je demanderais personnellement est qu’on utilise des matériaux « nobles », susceptibles de durer autant que les poutres de chêne que nos ancêtres ont mis – mais l’idée qu’on fera une flèche « moderne » sans rapport stylistique avec le reste de l’édifice.
[Voilà pourquoi je suis furieux: Macron n’arrive qu’en bout de chaîne, mais l’incendie de Notre Dame de Paris met en exergue la médiocrité de nos gouvernants face à un monument qui fait partie de notre histoire et de notre image, même dans le monde, et l’absence de soin apporté à son entretien, avant la catastrophe d’avant-hier, ne semblait nullement émouvoir nos “élites”…]
De toute façon, nos « élites » s’en foutent. Elles n’ont pas assez de culture pour apprécier ces trésors. En fait, le seul personnage public qui m’ait vraiment ému, c’est Stéphane Bern. Etrange que ce soit justement le fils de juifs polonais naturalisé qui montre l’attachement plus intense au monument et qui rappelle combien celui-ci est un symbole de la nation…
Vous noterez aussi qu’on a reçu des offres d’argent de beaucoup de pays… mais aucune de l’Union européenne. Un oubli, peut-être…
@ Descartes
[il y a de bons arguments pour remplacer les matériaux anciens par les modernes, et la seule chose que je demanderais personnellement est qu’on utilise des matériaux « nobles », susceptibles de durer autant que les poutres de chêne que nos ancêtres ont mis]
A titre personnel, je pense que refaire une charpente en chêne juste parce qu’elle était en chêne est un non-sens. L’intérêt de l’ancienne charpente était justement d’être du chêne médiéval, et un témoignage du savoir-faire des bâtisseurs de l’époque. Mais de nos jours, ne ne vois pas l’intérêt.
@ BolchoKek
[A titre personnel, je pense que refaire une charpente en chêne juste parce qu’elle était en chêne est un non-sens. L’intérêt de l’ancienne charpente était justement d’être du chêne médiéval, et un témoignage du savoir-faire des bâtisseurs de l’époque. Mais de nos jours, ne ne vois pas l’intérêt.]
Je suis d’accord avec vous pour la charpente, dans la mesure où elle était invisible et son remplacement par des matériaux modernes ne modifie pas l’esthétique du bâtiment. Le choix d’un matériau moderne ne me pose donc aucun problème. Par contre, j’aimerais qu’on choisisse un matériel aussi « noble » que le chêne d’antan. J’aime l’idée que dans huit siècles des gens admireront la nouvelle charpente en titane ou en fibre de carbone en se disant « les gens du XXIème siècle, ils savaient construire… et ils pensaient à nous ».
@Descartes
Je suis curieux : quels sont les critères pour vous d’un matériau « noble » dans la construction ?
Le bois brûle tout de même un peu trop facilement, raison pour laquelle on lui a toujours préféré la pierre, autant que faire se peut, pour les monuments appelés à durer. Mais au XXè siècle, on a fait des choses magnifiques en béton (penser par exemple aux réalisations d’Auguste Perret, ou à certains grands bâtiments industriels comme la halle Freyssinet).
En d’autres termes, je ne vois pas comment un matériau est « noble » a priori. Ce qu’on peut dire, c’est qu’un matériau nous fait belle impression parce qu’il nous rappelle de grands monuments construits avec ce matériau. C’est donc le monument qui fait le matériau « noble », et pas l’inverse. Si toutes nos cathédrales étaient construites en béton armé, beaucoup de gens trouveraient le béton armé « noble ».
@ Antoine
[Je suis curieux : quels sont les critères pour vous d’un matériau « noble » dans la construction ?]
Ok, avec trois quartiers de noblesse, je me déclare satisfait. On va pas être plus exigeant que Louis XIV… 😉
Bon, ok, la blague n’est pas très bonne. Redevenons donc sérieux : j’utilisais le mot « noble » pour les matériaux au sens qu’on donne à « noble » pour les métaux, c’est-à-dire, leur capacité à conserver leurs propriétés dans le temps, d’être insensibles aux attaques. Le chêne est plus « noble » que le sapin, le bois plus noble que l’agloméré ou le carton, la pierre plus noble que le parpaing.
[Le bois brûle tout de même un peu trop facilement, raison pour laquelle on lui a toujours préféré la pierre, autant que faire se peut, pour les monuments appelés à durer. Mais au XXè siècle, on a fait des choses magnifiques en béton (penser par exemple aux réalisations d’Auguste Perret, ou à certains grands bâtiments industriels comme la halle Freyssinet).]
C’est vrai. Mais vous savez bien qu’un des grands problèmes de ces « réalisations » est leur conservation, justement parce que le béton utilisé n’est pas un matériel « noble » et qu’au bout d’à peine trente ou quarante ans il a besoin de très lourdes réparations. Il faut dire que depuis Perret ou Freyssinet les bétons ont beaucoup progressé, et on fait aujourd’hui des ciments et des bétons qu’on pourrait qualifier de « nobles ».
[Si toutes nos cathédrales étaient construites en béton armé, beaucoup de gens trouveraient le béton armé « noble ».]
Si toutes nos cathédrales avaient été construites en béton armé, aucune ne serait encore debout…
@Descartes
> Il faut dire que depuis Perret ou Freyssinet les bétons ont beaucoup progressé, et on fait aujourd’hui des ciments et des bétons qu’on pourrait qualifier de « nobles ».
Je ne suis vraiment pas spécialiste du sujet. Mais la coupole du Panthéon romain a été construite en béton et, même si j’imagine qu’elle a été rénovée plusieurs fois au fil des siècles, elle est toujours là.
Mais peut-être le béton romain était-il différent du béton moderne ?
@ Antoine
[Je ne suis vraiment pas spécialiste du sujet. Mais la coupole du Panthéon romain a été construite en béton et, même si j’imagine qu’elle a été rénovée plusieurs fois au fil des siècles, elle est toujours là.]
En fait, le Panthéon de Rome n’a pas eu besoin de beaucoup de rénovation pour survivre jusqu’à nos jours. Mais le terme “béton” est ici équivoque. Le “béton” utilisé par les romains était un mortier d’argile et de chaux, le béton moderne est un mortier de ciment. Le béton de ciment a des propriétés mécaniques bien supérieures, mais une durabilité beaucoup plus limitée. En particulier, le béton de chaux ne peut être armé…
@Descartes
> J’ajoute que la formule « on la reconstruira plus belle qu’avant » m’a fait vraiment peur… comment fera-t-on pour la rendre « plus belle qu’avant » ?
On pourrait mettre au pinacle une oeuvre de Jeff Koons.
@ Antoine
[On pourrait mettre au pinacle une oeuvre de Jeff Koons.]
Vous voulez vraiment me pousser au suicide…
[Ma grande crainte, c’est précisément une « reconstruction » style pyramide du Louvre, qui ne respecterait pas l’intégrité historique du bâtiment, pour satisfaire les penchants « modernes » de certains culturo-bobos.]
Je verrais bien une mini-kaaba à la place de la flèche pour promouvoir le multiculturalisme et mettre tout le monde d’accord. Comme ça au prochain incendie, ça rigolera moins sur les réseaux “sociaux”.
@bip
[Ou entendre les journalistes revenir sans cesse sur le nombre de touristes… Que des générations et des générations de Français se soient succédés pour construire et préserver ce lieu durant presque 1000 ans, qu’ils y aient versé leur sang, leur sueur, leur génie, leur force, leur foi, et que nous, le progrès incarné ou quelque chose du genre, on doive “appeler ce qui se fait de mieux à l’international” pour reconstruire…]
J’ai travaillé dans le tourisme pendant un certain temps… Et ce sentiment de désespoir que vous semblez éprouver, je le connais si bien…
J’ai tiré de cette expérience la conviction que le tourisme – et cet effet est incroyablement puissant plus il est massif – ne peut que transformer tout lieu en parc d’attractions. C’est un peu l’idiosyncrasie du touriste : il paye surtout pour voir des choses, mais avant tout des choses auxquelles il s’attend, le touriste déteste largement être surpris. Et comme c’est lui qui paye, il choisit la partition… On se retrouve donc avec Djerba, où des salariés du club med jouent aux marchands de souk “typique” avec les chameaux et tout, ou avec Montmartre, où des sri-lankais au noir jouent aux garçons de café parisiens “typiques”.
C’est pour cela qu’à chaque fois qu’on propose de “développer le tourisme”, je blêmis. Bien sûr, on se raconte souvent des histoires de “mise en valeur du patrimoine”, mais au final, on se retrouve toujours avec une sorte de parc d’attractions qui ne s’assume pas. A partir du moment où on transforme le patrimoine en produit marchand, il ne faut pas s’étonner qu’il ne nous appartienne plus…
Un des exemples le plus frappant de ce phénomène se trouve en Bretagne, sur la butte Saint Gildas – qui était jadis un endroit extraordinaire – sur lequel les nationalistes ont fait ériger des horreurs “celtiques” via le financement du lobby patronal. Je n’ai rien à retirer au commentaire d’André Markowicz à ce sujet :
https://www.facebook.com/andre.markowicz/posts/1675459799332992
Certains trouveront peut-être que j’exagère. Eh bien, je suis prêt à parier qu’il se trouvera des gens pour réfléchir à inclure des représentations des personnages du “Bossu de Notre Dame” de Disney dans les rénovations de la cathédrale.
@ BolchoKek
[J’ai tiré de cette expérience la conviction que le tourisme – et cet effet est incroyablement puissant plus il est massif – ne peut que transformer tout lieu en parc d’attractions. C’est un peu l’idiosyncrasie du touriste : il paye surtout pour voir des choses, mais avant tout des choses auxquelles il s’attend, le touriste déteste largement être surpris. Et comme c’est lui qui paye, il choisit la partition… On se retrouve donc avec Djerba, où des salariés du club med jouent aux marchands de souk “typique” avec les chameaux et tout, ou avec Montmartre, où des sri-lankais au noir jouent aux garçons de café parisiens “typiques”.]
Comme souvent, le plus grand danger vient de l’ignorance. Le touriste moyen vient pour se faire un selfie avec Notre-Dame, un selfie avec la Tour Eiffel, un selfie avec la Joconde. Il ne sait rien de l’histoire ou de la signification esthétique ou symbolique de la Cathédrale, de la Tour ou des tableaux du Louvre excepté que tout le monde en parle, et donc ils doivent être très importants. Et que l’essentiel était de dire « j’y étais, la preuve, j’ai le selfie ». Moi qui adore Paris, j’ai quelquefois du mal à reconnaître ma ville – et à y vivre !
[C’est pour cela qu’à chaque fois qu’on propose de “développer le tourisme”, je blêmis. Bien sûr, on se raconte souvent des histoires de “mise en valeur du patrimoine”, mais au final, on se retrouve toujours avec une sorte de parc d’attractions qui ne s’assume pas. A partir du moment où on transforme le patrimoine en produit marchand, il ne faut pas s’étonner qu’il ne nous appartienne plus…]
Tout à fait. Ce que vous vendez ne vous appartient plus.
[Un des exemples le plus frappant de ce phénomène se trouve en Bretagne, sur la butte Saint Gildas – qui était jadis un endroit extraordinaire – sur lequel les nationalistes ont fait ériger des horreurs “celtiques” via le financement du lobby patronal. Je n’ai rien à retirer au commentaire d’André Markowicz à ce sujet :]
Excellent !
[Moi qui adore Paris, j’ai quelquefois du mal à reconnaître ma ville – et à y vivre !]
Il y a deux Paris : celui des amoureux de l’art et de l’histoire, et celui des touristes.
Je ne vais jamais au Louvre, jamais a Notre-Dame, jamais a la tour Eiffel. Ces endroits sont insupportable et invivable.
Heuresement que l’histoire d’Hugo ne se passe pas a la Sainte-Chapelle. Sinon l’adaptation de Disney aurait envoyé des hordes de touristes dans le plus belle endroit de Paris a mes yeux…
@ Yoann
[Il y a deux Paris : celui des amoureux de l’art et de l’histoire, et celui des touristes.]
Il y a aussi celui des bobos insupportables qui veulent que Paris ressemble à New York ou à Londres, avec ses Starbucks et ses Pubs…
[Je ne vais jamais au Louvre, jamais à Notre-Dame, jamais à la tour Eiffel. Ces endroits sont insupportables et invivables.]
Je suis désolé, mais je ne vois pas pourquoi je renoncerais aux merveilles de Notre-Dame. Mais je prends la précaution de bien choisir mes moments : entre 12h30 et 14h00, quand les touristes sont en train de bâfrer au McDo, par exemple… Quant au Louvre, je dois dire que les autorités l’ont assez bien aménagé. Ils ont mis ce que les touristes veulent photographier dans le même coin, ce qui vous laisse tout loisir pour admirer le reste en paix. Bien entendu, il est impossible d’admirer en paix la Joconde, mais il y a assez d’autres tableaux au Louvre qui méritent le déplacement.
[Heureusement que l’histoire d’Hugo ne se passe pas à la Sainte-Chapelle. Sinon l’adaptation de Disney aurait envoyé des hordes de touristes dans le plus bel endroit de Paris à mes yeux…]
Oui, je me suis toujours demandé par quel miracle ce joyau reste caché.
@Descartes, @Yoann
> Oui, je me suis toujours demandé par quel miracle ce joyau [la Sainte-Chapelle] reste caché.
Hum, il y a fréquemment une file de touristes pour y rentrer. Cela dépend de l’horaire et de la saison, mais il est loin d’être inconnu des touristes.
@BolchoKek
[J’ai tiré de cette expérience la conviction que le tourisme – et cet effet est incroyablement puissant plus il est massif – ne peut que transformer tout lieu en parc d’attractions. C’est un peu l’idiosyncrasie du touriste : il paye surtout pour voir des choses, mais avant tout des choses auxquelles il s’attend, le touriste déteste largement être surpris. Et comme c’est lui qui paye, il choisit la partition…]
« Le tourisme est le moyen qui consiste à amener des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »
[A partir du moment où on transforme le patrimoine en produit marchand, il ne faut pas s’étonner qu’il ne nous appartienne plus…]
Et encore moins quand l’économie est de plus en plus dépendante de l’activité touristique. Ce qui est d’ailleurs signature de faiblesse économique.
[Certains trouveront peut-être que j’exagère. Eh bien, je suis prêt à parier qu’il se trouvera des gens pour réfléchir à inclure des représentations des personnages du “Bossu de Notre Dame” de Disney dans les rénovations de la cathédrale.]
Pour ajouter au ridicule, ils ne se rendraient alors même pas compte que ce serait scier la branche sur laquelle ils reposent… Si les gens s’intéressent à la France, c’est parce qu’ils ont en tête la France « éternelle », les « vieilles pierres », les traditions, la carte postale.
@ bip
[« Le tourisme est le moyen qui consiste à amener des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »]
Belle citation de Jean Mistler… voilà une autre :
« Quel conseil peut-on donner à un intellectuel ?
D’abord, ne pas penser. S’il ne peut s’en empêcher, de ne pas parler. S’il ne peut s’en empêcher, de ne pas écrire. S’il ne peut s’en empêcher, de ne pas signer. S’il ne peut s’en empêcher, de ne pas s’étonner. »
[Pour ajouter au ridicule, ils ne se rendraient alors même pas compte que ce serait scier la branche sur laquelle ils reposent… Si les gens s’intéressent à la France, c’est parce qu’ils ont en tête la France « éternelle », les « vieilles pierres », les traditions, la carte postale.]
Oui et non. On vient aussi à Paris pour le centre Pompidou…
[Belle citation de Jean Mistler…]
Ou de Philippe Meyer ! De tête je l’aurais attribuée à Philippe Muray et en vérifiant j’ai vu que le Monde la créditait en effet à Jean Mistler mais qu’il y avait énormément de liens qui la mettaient au compte de Philippe Meyer.
Donc j’aurais penché davantage vers Meyer mais ne connaissant ni l’un ni l’autre, et n’ayant pas envie de creuser ça, je me suis abstenu de trancher !
@ bip
[Ou de Philippe Meyer ! De tête je l’aurais attribuée à Philippe Muray et en vérifiant j’ai vu que le Monde la créditait en effet à Jean Mistler mais qu’il y avait énormément de liens qui la mettaient au compte de Philippe Meyer.]
Il y a en effet conflit d’attribution. Et dans ces cas, j’ai tendance à donner la priorité à l’attribution la plus ancienne. En effet, il est parfaitement possible que Meyer ait lu ou entendu la formule de Mistler et qu’il l’ait utilisée, conscient ou inconsciemment. L’inverse n’est pas possible, ou en tout cas très difficile, puisque Mistler est mort en 1988 et qu’il était depuis quelques années éloigné de la scène littéraire…
En cherchant à savoir qui était Jean Mistler, j’ai trouvé ça :
« Parmi les romans-fleuves, bien peu sont navigables. »
Pas mal non plus !
@ BJ
De Mistler, ma préférée: “La politique est l’ensemble des procédés par lesquels des hommes sans prévoyance mènent des hommes sans mémoire.”
Que ne l’eut-il pas appliquée à lui même en 40 !
Mais peut-être l’a-t-il écrite plus tard, puisqu’il n’a plus fait de politique ensuite.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Mistler
@ BJ
[Que ne l’eut-il pas appliquée à lui même en 40 !]
Ou après… Mistler est resté un homme de droite, même s’il a été d’une parfaite discrétion sur son passé vichyste. A la fin de sa vie, il sera toujours associé au GRECE.
@Descartes
“Le préambule de la DDHC parle effectivement des « malheurs publics », mais l’expression désigne à l’époque les guerres, les scandales, les injustices.”
La dernière partie du préambule est la suivante: ” ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.”
Le bonheur (collectif voire universel) est bien la valeur qui clôture le préambule, donc la valeur politique ultime (les droits individuels et la constitution n’étant qu’un moyen de celui-ci). On trouve explicitement cette idée dans des œuvres philosophiques pré-révolutionnaires, par exemple celles du philosophe matérialiste encyclopédiste Paul-Henri Thierry d’Holbach. L’idée est aussi implicite dans la déclaration indépendance américaine puisque les droits naturels et la souveraineté nationale doivent permettre de pouvoir “rechercher” le bonheur (pour chaque individu). Voltaire, dans les Lettres philosophiques, opposait déjà à l’aristocrate improductif la figure du négociant international qui “contribue au bonheur du monde”.
L’eudémonisme semble un élément relativement commun aux différents courants politiques favorables à la modernité (libéraux ou socialistes*). C’est bien ce qui explique qu’ils soient tous ensemble voués aux gémonies par une certaine droite antimoderne, “héroïsante” ou religieuse (Nietzsche, Maistre, Carlyle, Georges Valois, etc)- ce qui est tout à fait cohérent avec son anti-individualisme radical.
* « La philosophie a longtemps discuté au sujet de la nature du bien suprême. La philosophie moderne a tranché ce débat. L’eudémonisme est aujourd’hui hors de contestation. Tous les arguments que les philosophes ont pu produire contre lui, de Kant à Hegel, n’ont pas réussi à séparer à la longue les concepts de moralité et de bonheur. » -Ludwig von Mises, Le Socialisme, 1922.
« N’est-ce pas le bonheur qui compte ? N’est-ce pas pour le bonheur qu’on fait la révolution ? » -Pier Paolo Pasolini, Écrits corsaires, Flammarion, coll. champ.arts, 1976 (1975 pour la première édition italienne), 281 pages, p.96. On pourrait aussi avancer des textes de Pierre Leroux, de socialistes utopiques (Fourier, Cabet, William Morris), de Jaurès, d’Albert Camus… Mais évidemment pas de socialistes influencés par le traditionalisme (Proudhon, Sorel et Édouard Berth, etc).
@ Johnathan R. Razorback
[L’eudémonisme semble un élément relativement commun aux différents courants politiques favorables à la modernité (libéraux ou socialistes*). C’est bien ce qui explique qu’ils soient tous ensemble voués aux gémonies par une certaine droite antimoderne, “héroïsante” ou religieuse (Nietzsche, Maistre, Carlyle, Georges Valois, etc)- ce qui est tout à fait cohérent avec son anti-individualisme radical.]
Je suis d’accord. C’est d’ailleurs assez logique : s’il n’y a plus de transcendance, qu’elle soit religieuse ou collective, que reste-t-il comme finalité à la vie humaine autre que le bonheur ? Or, le modernisme des Lumières conteste à la fois la transcendance religieuse, et fait de l’individu la mesure de toute chose…
Plus tard, certains socialistes et communistes chercheront à créer une transcendance collective permettant de demander à l’individu de sacrifier son bonheur au collectif.
Presqu’un milliard d’euros pour restaurer Notre ème ,ont été récolté.
Or l’église catholique grés riche peut rénover seule .
Ne sommes nous pas dans un état laïc ?
@ Luc
[Or l’église catholique grés riche peut rénover seule. Ne sommes nous pas dans un état laïc ?]
Notre Dame est un monument public, appartenant à l’Etat.
Et, soit dit en passant, je ne suis pas sûr que l’Église catholique française soit si riche… L’intérieur des églises françaises n’est pas toujours en très bel état. Rien à voir avec les églises pimpantes et richement décorées qu’on peut voir en Italie.
@ Antoine
[Et, soit dit en passant, je ne suis pas sûr que l’Église catholique française soit si riche… L’intérieur des églises françaises n’est pas toujours en très bel état. Rien à voir avec les églises pimpantes et richement décorées qu’on peut voir en Italie.]
L’église de France est très riche en patrimoine immobilier, beaucoup moins riche en revenus. Mais surtout, elle a d’autres priorités que d’entretenir les bâtiments… d’autant plus que ceux-ci sont la propriété de l’Etat ou des communes.
Comment dire que l’Église est riche en patrimoine immobilier, puisque les édifices religieux appartiennent à l’État, justement ? Du reste, ce patrimoine immobilier est extrêmement illiquide…
@ Antoine
[Comment dire que l’Église est riche en patrimoine immobilier, puisque les édifices religieux appartiennent à l’État, justement ?]
Le patrimoine de l’Eglise ne se réduit pas aux édifices religieux. Il inclut aussi un énorme patrimoine civil, hérité du passé ou résultat de dons manuels ou testamentaires. Vous seriez surpris de savoir combien de gens sans enfants laissent leur patrimoine immobilier à l’Eglise. Rien qu’à Paris, l’Eglise possède appartements, magasins, centres de conférences, couvents et monastères…
”Une révolution qui n’en a pas l’air. Le Rassemblement national (ex-Front national) acte, avec ce projet européen, l’abandon du Frexit. Lors des dernières européennes, en 2014, cela restait la pierre angulaire du projet : la sortie de la France de l’Union européenne et de la zone euro. Il en était également question dans le programme présidentiel de 2017.”On a appris de nos erreurs”. “Il nous manquait un vrai projet européen, solide : le voici !”
https://www.franceinter.fr/politique/marine-le-pen-renonce-officiellement-au-frexit-dans-son-projet
Toutes ces contorsions du RN,vous semblent elles,liées à de la tactique ou de la stratégie ?
Ces nouvelles considérations du RN , brisent elles chez vous un certain atavisme plus ou moins réel ,vis à vis du FN devenu ce RN ?
@ luc
[Toutes ces contorsions du RN, vous semblent elles liées à de la tactique ou de la stratégie ?]
Je ne vois pas de « contorsion » là-dedans, juste un changement d’orientation. Il y avait depuis des années deux lignes qui s’affrontaient au RN : une ligne « social-national » dont Florian Philippot était la tête pensante et qui se situait dans la continuité du projet gaullien, une ligne « traditionnaliste » qui était celle d’un certain nombre d’historiques du FN et qui reste proche des thématiques habituelles de l’extrême droite réactionnaire française.
Pendant presque dix ans, Marine Le Pen s’est appuyé sur la ligne « social-nationale », allant jusqu’à rompre courageusement avec son père. Mais elle a bien senti qu’une partie importante des cadres et militants du FN dans les implantations historiques du mouvement ne la suivaient plus. Elle a donc fait le choix de changer de taquet, et donc de s’appuyer sur la ligne « traditionnaliste ».
[Ces nouvelles considérations du RN brisent elles chez vous un certain atavisme plus ou moins réel vis à vis du FN devenu ce RN ?]
Il n’y avait chez moi aucun « atavisme » vis-à-vis du FN. Tant que les « sociaux-nationaux » étaient aux commandes, je voyais une possibilité que le FN devienne le parti « populaire » qui manque dans le paysage français, capable de porter les intérêts des couches populaires et devenir le noyau autour duquel un mouvement de récupération des instruments de la souveraineté et de mise en œuvre d’une politique « gaullienne », et à ce titre j’étais intéressé par l’expérience au point de la soutenir. Je ne crois pas un instant que les « traditionnalistes » aient ni l’outillage idéologique ni l’intention d’aller dans cette direction, et je n’ai donc aucune raison de leur apporter le moindre soutien.
J’ai toujours eu de sérieux doutes quant à un « syndicat » étudiant, d’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une couche sociale en soit qui, plus est, n’a rien à voir avec le salariat mais peut-être y a t-il d’autres raisons pour cela. Toujours est-il que j’ai été révulsé d’apprendre la réaction de responsables de l’UNEF suite à l’incendie de Notre-Dame : Hafsa Askar, vice-présidente de l’UNEF Lille : «Je m’en fiche de Notre-Dame-de-Paris car je m’en fiche de l’histoire de France jsp quoi, allez y mentionnez moi » et puis, plus tard : ( sic, y compris pour le niveau d’expression française de la part d’une étudiante) «Jusqu’à les gens ils vont pleurer pour des bouts de bois. Wallah vous aimez trop l’identité française alors qu’on s’en balek objectivement, c’est votre délire de petits blancs.» le tout, sur fond de BD écrite en arabe sans doute pour mieux situer où le respect « identitaire » doit aller ? Le second, aussi élu national, d’Edouard Le Bert, : «Ça y est, drame national, une charpente de cathédrale brûle.»…
Pour ma part, la perte de patrimoine historique en tout ou partie m’attriste. N’ayant pas de talent à l’écriture, je ne peux que répéter maladroitement plus savant que moi : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? ». Ce lien jauressien à la petite patrie ( qui vous semble complètement étranger) indissolublement lié à la grande ((ce qui n’a rien de contradictoire et inutile de parler du romantisme de Lamartine qui n’a pas grand-chose à voir avec le romantisme allemand).
Regretter profondément toute perte de patrimoine ne doit pas empêcher les interrogations qui, d’ailleurs, préexistaient en ce qui me concerne et qui, peut-être, ne sont que le produit d’un manque de connaissance : Notre-Dame de Paris n’est ni le premier, ni le plus bel édifice qualifié (bêtement à mon sens) de gothique par ceux d’Italie du Nord dont leur art succédera. La « fine dentelle » de la Sainte Chapelle, les antériorités de Sens, Noyons et surtout Saint Denis et plus tard Amiens…
Parlant d’historicité, il faut plutôt évoque la magnifique cathédrale de Reims… (et sans doute St Denis déjà cité)… D’autres églises de Paris même ont une histoire longue…
De fait, j’ai l’impression que Notre-Dame de Paris ne surgit véritablement dans l’histoire qu’après la Révolution : sacre de Napoléon et surtout le grand Victor Hugo qui fit beaucoup pour sauver un édifice ruiné et peu prisé, entraînant l’action publique via Viollet-le-Duc.
A propos des restaurations opérées par ce dernier, une rencontre récente qui m’a permis de renouer avec un camarade d’école primaire qui, parti d’un métier manuel, par la suite est devenu très qualifié en matière de rénovation historique ( une merveille ce qu’il sait créer de ses mains et aussi à l’aide de ce qu’il a acquis intellectuellement !), je crois maintenant me pénétrer en partie de ce qui peut présider lorsqu’on tente de remplacer ce qui a disparu en restant dans le même esprit me semble t-il du moins car pour le reste, je n’ai pas ce talent. Peut-être aussi que parfois d’une langue que d’aucuns qualifient de « morte » naissent des idées vives.
Pour être net, l’état de la cathédrale nécessitait de gros travaux incluant de nouvelles édifications dont la flèche, malheureusement consumée, est la plus connue.
Je mets ceci en rapport avec des lectures relatives à des édifices chinois où ce qui compte en fait est l’historicité des lieux plus que des bâtiments eux-mêmes.
Lorsque les temps sont difficiles, j’ai toujours (c’est peut-être idiot) tenté de prendre du champ, je peux maintenant l’avouer alors que je n’ai plus guère d’ engagements. Aussi, tout en pensant que la cause de Notre-Dame (et c’est heureux) est acquise penser à d’autres moins évidentes : tel historien qui dit aux collectivités que leur patrimoine historique mérite votre attention et ressources (trop loin des écoutes internationales) et, aussi, ce dessin du « canard enchaîné » de cette semaine où il est écrit (de mémoire) Pinault 100 millions pour N-D, Arnault 200 millions avec un « gilet jaune » qui demande à un autre qui tente d’enflammer un rond-point : « qu’est-ce que tu fais ? » – « Je fous le feu au rond-point !»,
C’est, du moins, mon point de vue.
@ morel
[J’ai toujours eu de sérieux doutes quant à un « syndicat » étudiant, d’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une couche sociale en soit qui, plus est, n’a rien à voir avec le salariat mais peut-être y a t-il d’autres raisons pour cela.]
Que les étudiants aient un « syndicat » (c’est-à-dire, une organisation regroupant des gens qui sont dans la même situation pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux), pourquoi pas. L’absurde commence quand on prétend mettre sur pied d’égalité les syndicats étudiants et les syndicats ouvriers, notamment sur les moyens de lutte et tout particulièrement la grève. Un ouvrier qui fait grève fait pression sur son patron en le privant de la force de travail. Un étudiant qui fait grève ne se prive que lui-même.
[Toujours est-il que j’ai été révulsé d’apprendre la réaction de responsables de l’UNEF suite à l’incendie de Notre-Dame : Hafsa Askar, vice-présidente de l’UNEF Lille : «Je m’en fiche de Notre-Dame-de-Paris car je m’en fiche de l’histoire de France jsp quoi, allez y mentionnez moi » et puis, plus tard : ( sic, y compris pour le niveau d’expression française de la part d’une étudiante) «Jusqu’à les gens ils vont pleurer pour des bouts de bois. Wallah vous aimez trop l’identité française alors qu’on s’en balek objectivement, c’est votre délire de petits blancs.» le tout, sur fond de BD écrite en arabe sans doute pour mieux situer où le respect « identitaire » doit aller ? Le second, aussi élu national, d’Edouard Le Bert, : «Ça y est, drame national, une charpente de cathédrale brûle.»…]
Pardonnez-leur seigneur, ils ne savent pas ce qu’ils disent. Vous me direz que des gens ignorants ou stupides il y en a toujours eu, la différence est que grâce aux réseaux sociaux maintenant des petits imbéciles peuvent étaler leur ignorance en public et sans filtre. Que Hafsa Askar soit incapable de vibrer au sacre de Reims et à la fête de la fédération, c’est déjà triste. Mais qu’elle ne soit pas émue par la beauté de la cathédrale au point de ne pas être touchée par sa possible destruction, c’est consternant. Je la plains, et je plains encore plus ceux qui ont fait d’elle une « vice-présidente ». Je note en tout cas que si l’UNEF s’est désolidarisée de cette expression, aucune sanction n’a été annoncée contre son auteur, qui s’était distinguée dans le passé par des tweets du genre « il faut gazer tous les blancs, cette sous race ».
[Pour ma part, la perte de patrimoine historique en tout ou partie m’attriste.]
Il y a l’histoire, oui. Mais je voudrais insister sur quelque chose d’autre : il y a la beauté. Notre-Dame n’est pas seulement un morceau de notre patrimoine – et donc de nous-mêmes. C’est aussi un lieu de beauté. C’est cela que je trouve le plus effrayant dans le tweet de Hafsa Askar. Qu’elle ne se reconnaisse pas dans l’identité française que Notre-Dame incarne, c’est son problème. Mais qu’elle ne soit pas émue d’imaginer que les grandes rosaces, les orgues, les tableaux pourraient être détruits, c’est ça pour moi le pire.
[Regretter profondément toute perte de patrimoine ne doit pas empêcher les interrogations qui, d’ailleurs, préexistaient en ce qui me concerne et qui, peut-être, ne sont que le produit d’un manque de connaissance : Notre-Dame de Paris n’est ni le premier, ni le plus bel édifice qualifié (bêtement à mon sens) de gothique par ceux d’Italie du Nord dont leur art succédera. La « fine dentelle » de la Sainte Chapelle, les antériorités de Sens, Noyons et surtout Saint Denis et plus tard Amiens…]
Je ne suis pas d’accord avec vous. Les rosaces de Notre-Dame sont les plus belles que je connaisse. L’orgue a un son et une richesse elle aussi inégalée. Le voile du cœur sculpté contient lui aussi des merveilles. C’est un peu absurde de dire laquelle est la plus belle : Chartres, Noyon, Amiens, Saint-Denis, Reims ou Strasbourg… chacune a son charme, son ambiance.
[De fait, j’ai l’impression que Notre-Dame de Paris ne surgit véritablement dans l’histoire qu’après la Révolution : sacre de Napoléon et surtout le grand Victor Hugo qui fit beaucoup pour sauver un édifice ruiné et peu prisé, entraînant l’action publique via Viollet-le-Duc.]
Ce n’est pas le cas. Elle joue un rôle important jusqu’à la Révolution. Elle est alors délaissée et même utilisée comme entrepôt après avoir été temple de la Raison. Après la tempête révolutionnaire, elle est très délabrée, et c’est grâce à Victor Hugo, amoureux de l’édifice, que l’attention des autorités fut attirée sur le bâtiment.
Bonjour,
et merci pour votre article revigorant sur la troupe de Philippe Brunet et ses difficultés. L’ignorance crasse est une calamité et permet que de plus en plus de groupuscules de tous bords expriment leurs instincts primaires, sans aucune réflexion. L’instruction devrait jouer un rôle ici mais on (hommes politiques, parents, marchands, …) a mis l’école dans un tel état que la reconstruction s’annonce difficile ; celle de Notre-Dame sera plus facile et rapide…
@ Bernardin
[L’ignorance crasse est une calamité et permet que de plus en plus de groupuscules de tous bords expriment leurs instincts primaires, sans aucune réflexion.]
Oui, l’ignorance – et ce qui est pire, l’ignorance décomplexée – est le fléau de notre époque. Les réactions à l’incendie de Notre-Dame sont de ce point de vue effrayantes. Mais comme je vais faire un papier la dessus, je n’en dirais pas plus.
@Descartes
Rassurez-vous, votre cathédrale sera reconstruite, encore plus belle, plus grande qu’avant. On n’a qu’à voir l’empressement que mettent quelques milliardaires à sortir leurs chéquiers, et à contribuer à sa reconstruction. Ses milliardaires seront-ils touchés d’un nouvel humanisme ? On peut se poser la question devant un tel revirement.
(PS) Je suis favorable à la construction d’une nouvelle flèche, tant que l’on ne donne pas la réalisation à Jean Nouvel.
@ Jacques Use
[Rassurez-vous, votre cathédrale sera reconstruite, encore plus belle, plus grande qu’avant. On n’a qu’à voir l’empressement que mettent quelques milliardaires à sortir leurs chéquiers, et à contribuer à sa reconstruction. Ses milliardaires seront-ils touchés d’un nouvel humanisme ? On peut se poser la question devant un tel revirement.]
Pour être milliardaire, on n’est pas moins homme. Je ne trouve pas très rationnel de critiquer ces milliardaires qui ont mis la main au portefeuille – et pour des montants loin d’être négligeables – pour la restauration de la cathédrale. C’est une regrettable confusion, courante dans une « gauche radicale » qui a mal lu Marx : la lutte contre le capitalisme n’est pas une lutte MORALE. On combat le capitalisme comme système, pas le capitaliste comme personne. Paraphrasant Shakespeare, un capitaliste n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ? Je conçois parfaitement que monsieur Pinault, qui est un être humain comme vous et moi, puisse être émerveillé par la beauté de Notre-Dame, et ému par sa destruction au point de sortir son carnet de chèques comme j’ai sorti le mien (bien entendu, pour une somme plus modique, nous n’avons pas les mêmes moyens, Pinault et moi). Je trouve même que ce sont des sentiments à encourager plutôt qu’à dénoncer. Après tout, le prolétariat serait-il mieux servi dans un monde ou les riches préféreraient garder leur argent plutôt que de le dépenser dans la restauration et la promotion du patrimoine culturel ?
[(PS) Je suis favorable à la construction d’une nouvelle flèche, tant que l’on ne donne pas la réalisation à Jean Nouvel.]
Je n’ai rien contre l’architecture moderne, au contraire. J’aime le CNIT (l’œuvre du grand ingénieur français Esquillan), la Grande Arche ou le Ministère des Finances à Bercy. Mais l’architecture n’est pas un art déconnecté du contexte, et je n’aime pas cette manie de « moderniser » des monuments anciens pour fabriquer quelque chose déconnectée de toute époque. L’exemple le plus voyant de ce genre de monstruosité est la Pyramide du Louvre.
Personnellement, je ne confierais pas la restauration d’un monument ancien à un architecte qui n’aime pas profondément le style du monument en question. Les restaurations de Viollet-le-Duc n’étaient pas historiquement fidèles, mais elles étaient conduites par un amoureux du gothique dont le but premier était de préserver le caractère du monument. Qu’il ait ou non réussi est une autre affaire, mais au moins il aura essayé. Je doute que Pei ait soit un amoureux du baroque ou du style Renaissance, et que son intention ait été de préserver le caractère du Louvre…
@Descartes
[Pour être milliardaire, on n’est pas moins homme. Je ne trouve pas très rationnel de critiquer ces milliardaires qui ont mis la main au portefeuille – et pour des montants loin d’être négligeables – pour la restauration de la cathédrale. C’est une regrettable confusion, courante dans une « gauche radicale » qui a mal lu Marx : la lutte contre le capitalisme n’est pas une lutte MORALE. On combat le capitalisme comme système, pas le capitaliste comme personne. Paraphrasant Shakespeare, un capitaliste n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ? Je conçois parfaitement que monsieur Pinault, qui est un être humain comme vous et moi, puisse être émerveillé par la beauté de Notre-Dame, et ému par sa destruction au point de sortir son carnet de chèques comme j’ai sorti le mien (bien entendu, pour une somme plus modique, nous n’avons pas les mêmes moyens, Pinault et moi). Je trouve même que ce sont des sentiments à encourager plutôt qu’à dénoncer. Après tout, le prolétariat serait-il mieux servi dans un monde ou les riches préféreraient garder leur argent plutôt que de le dépenser dans la restauration et la promotion du patrimoine culturel ?]
Je connais bien le grand cœur de Mr Pinault, et je lui accorde le droit de contribuer à la reconstruction de Notre-Dame. De même je trouve ça bien que vous contribuer à sa reconstruction. On a la chance en France de posséder un patrimoine magnifique, et il est important de pouvoir le préserver. J’espère juste que ce drame nous avertira sur sa fragilité. Mais quand ce sont plusieurs milliardaires, il est bon d’y prêter attention. Je pense qu’ils ne font plus confiance à Emmanuel Macron pour préserver leurs intérêts, et ils préfèrent prendre une assurance sur l’avenir. Les classes moyennes après s’être considérablement enrichie, se trouve dans la même difficulté que la bourgeoisie au XIXe siècle, de conserver les positions qu’elles ont acquises. Or on a vue que Emmanuel Macron était prêt à s’enfuir en hélicoptère pendant la mobilisation des gilets jaunes. Elles doutent fortement de sa capacité à maintenir l’ordre en cas de difficultés. Certes il reste quelques cartouches dans la gibecière de Macron, l’aéroport de Paris, la française des jeux, mais qu’est ce que ça devant le risque de tout perdre le lendemain ?
[Je n’ai rien contre l’architecture moderne, au contraire. J’aime le CNIT (l’œuvre du grand ingénieur français Esquillan), la Grande Arche ou le Ministère des Finances à Bercy. Mais l’architecture n’est pas un art déconnecté du contexte, et je n’aime pas cette manie de « moderniser » des monuments anciens pour fabriquer quelque chose déconnectée de toute époque. L’exemple le plus voyant de ce genre de monstruosité est la Pyramide du Louvre.]
Je trouve le CNIT effectivement très beau. J’aime beaucoup aussi la Grande Arche et le Ministère de Bercy, même si je suis un peu moins fan. Je trouve que la Pyramide du Louvre est un très beau bâtiment en lui même, le Louvre également est magnifique, le problème est qu’ils n’interagissent pas ensemble, pour des raisons qu’il sera un peu long à expliquer içi. De manière générale je ne pense pas qu’il restera grand chose de la présidence de François Mitterrand. Pourtant c’était un authentique amoureux de l’art…
Ce que je lui reprocherai le plus, ce sont les colonnes de Buren, je trouve que le Palais-Royal est le plus beau bâtiment de Paris.
[Personnellement, je ne confierais pas la restauration d’un monument ancien à un architecte qui n’aime pas profondément le style du monument en question. Les restaurations de Viollet-le-Duc n’étaient pas historiquement fidèles, mais elles étaient conduites par un amoureux du gothique dont le but premier était de préserver le caractère du monument. Qu’il ait ou non réussi est une autre affaire, mais au moins il aura essayé. Je doute que Pei ait soit un amoureux du baroque ou du style Renaissance, et que son intention ait été de préserver le caractère du Louvre…]
Je ne vois pas d’opposition à reconstruire une nouvelle flèche, tant qu’on reste fidèle à l’esprit du bâtiment. Il n’y a rien de pire que le pastiche, de faire ancien pour faire ancien. Après je doute fortement qu’on trouve un architecte de la qualité de Viollet-le-Duc.
@ Jacques Use
[Mais quand ce sont plusieurs milliardaires, il est bon d’y prêter attention. Je pense qu’ils ne font plus confiance à Emmanuel Macron pour préserver leurs intérêts, et ils préfèrent prendre une assurance sur l’avenir.]
Vous croyez vraiment que Pinault pense que la révolution prolétarienne est pour demain, et qu’elle sera plus tendre avec lui parce qu’il aura fait un gros chèque pour restaurer Notre Dame ? Franchement ?
[Je trouve que la Pyramide du Louvre est un très beau bâtiment en lui même, le Louvre également est magnifique, le problème est qu’ils n’interagissent pas ensemble, pour des raisons qu’il sera un peu long à expliquer içi.]
Le Louvre est un bâtiment magnifique et chargé d’histoire. La Pyramide n’est qu’une pyramide, qui n’a rien de très original.
[De manière générale je ne pense pas qu’il restera grand chose de la présidence de François Mitterrand. Pourtant c’était un authentique amoureux de l’art…]
C’est ce que tout le monde – enfin, tout le monde autour de Jack Lang – dit. Personnellement, j’en doute. « Vous les reconnaitrez à leurs fruits » (Mathieu 7:16).
[Ce que je lui reprocherai le plus, ce sont les colonnes de Buren, je trouve que le Palais-Royal est le plus beau bâtiment de Paris.]
Un des plus beaux, en effet, du moins avant qu’on installe les colonnes. Mais il a fait pas mal d’autres désastres. Pensez à la BNF…
un petit exemple bien loin d’Eschyle et de la Sorbonne :
lors de la réédition du Dr Dolittle en français :
“… Le texte a …. été entre temps expurgé dans sa version originale de termes racistes propres à l’époque coloniale…”
https://blogs.mediapart.fr/edition/aux-lecteurs-emancipes/article/200419/un-siecle-de-docteur-dolittle
Que penser dans ce cas ?
ce livre est avant tout destiné aux enfants, et il n’est pas bon de leur laisser considérer des propos racistes comme normaux, voire recommandables (puisqu’on leur a offert le livre).
N’est-ce pas une “bonne” censure ?
L’alternative aurait été de ne pas republier le livre, ou de faire un pastiche politiquement correct. Serait-ce mieux ? Cette alternative aurait conduit à gommer encore plus complètement le passé.
nb: je ne sais pas comment on fait avec Tintin. Pareil ?
@ marc.malesherbes
[un petit exemple bien loin d’Eschyle et de la Sorbonne : lors de la réédition du Dr Dolittle en français: « … Le texte a …. été entre temps expurgé dans sa version originale de termes racistes propres à l’époque coloniale… ».]
Le pire, c’est que la critique de l’ouvrage d’Hugh Lofting que vous citez parle de « l’expurgation » d’un livre comme si cela allait de soi, comme si un tel acte ne posait aucun problème vis-à-vis de l’intégrité d’une œuvre littéraire. Peut-être verrons-nous bientôt une édition de Céline « expurgée » des mentions antisémites ? Et pourquoi pas une version de Mein Kampf « expurgée » des mentions racistes ?
[Que penser dans ce cas ?]
Qu’on banalise la mutilation des œuvres littéraires pour satisfaire les lubies du jour. On sourit aujourd’hui lorsqu’on nous explique que d’innombrables sculptures classiques ont été mutilées et pourvues d’une feuille de vigne pour satisfaire la pudibonderie du temps, sans nous rendre compte que nous faisons la même chose.
[ce livre est avant tout destiné aux enfants, et il n’est pas bon de leur laisser considérer des propos racistes comme normaux, voire recommandables (puisqu’on leur a offert le livre). N’est-ce pas une “bonne” censure ?]
Pour moi, il n’existe pas de « bonne » censure. Sans doute, le livre original nécessite l’accompagnement de l’adulte, pour expliquer à l’enfant qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on lit dans les livres (ils ne peuvent pas dire tous vrais, puisqu’ils se contredisent), que le livre qu’il lit a été écrit à une autre époque, et qu’à cette époque on considérait normales des choses qu’aujourd’hui nous semblent inacceptables – ce qui accessoirement permet d’introduire l’enfant à l’idée que les sociétés humaines évoluent. J’avais des parents qui m’ont toujours fait lire des versions « adultes » des livres, et je n’ai pas l’impression d’être devenu raciste pour autant.
Il ne faut pas prendre les enfants pour des imbéciles. Avec un peu d’aide, les enfants comprennent très bien le décalage entre le monde des livres et le monde réel. Quand ils lisent « les trois mousquetaires », cela ne fait pas d’eux des monarchistes. Ils comprennent bien que « il y a longtemps » on trouvait normal d’avoir un roi, et qu’aujourd’hui on n’en a plus. Je trouve que c’est appauvrir leur univers que de ne leur offrir que des ouvrages rendus gentillets à force « d’expurger » les aspérités. On n’éduque pas le goût en offrant des saveurs douces et vaguement sucrées façon McDonalds.
[L’alternative aurait été de ne pas republier le livre, ou de faire un pastiche politiquement correct.]
Non, l’alternative aurait été de republier le livre tel qu’il a été écrit, et laisser aux parents le soin de répondre aux questions et aux inquiétudes de l’enfant. Ou va-t-on s’arrêter ? Faut-il « expurger » les Trois Mousquetaires de la figure du Cardinal (trop catholique), de la Reine (trop royaliste), et ainsi de suite ?
[nb: je ne sais pas comment on fait avec Tintin. Pareil ?]
Non. On le publie tel qu’il était à l’origine, avec les notes qu’il faut pour expliquer au lecteur. Si on ne peut faire confiance à l’intelligence du lecteur, alors autant ne pas publier des livres.
merci de cette réponse circonstanciée et … convaincante
J’ai vu qu’un groupuscule gauchiste a voulu interdire une conférence de Finkielkraut à Sciences Po. La conférence s’est tenue néanmoins après un jeu de cache-cache, mais avec peu de participants.
Jusqu’où peut-aller la censure ?
@ Paul I
[J’ai vu qu’un groupuscule gauchiste a voulu interdire une conférence de Finkielkraut à Sciences Po. La conférence s’est tenue néanmoins après un jeu de cache-cache, mais avec peu de participants. Jusqu’où peut-aller la censure ?]
Ce que ces groupuscules ne réalisent peut-être pas, c’est qu’en empêchant un adversaire de parler ils reconnaissent implicitement leur incapacité de réfuter ses arguments par un autre moyen de convaincre une audience qu’il a tort. Que cela puisse se justifier lorsqu’il s’agit d’une audience n’ayant pas les moyens de distinguer un discours mensonger ou démagogique, on peut en discuter. Mais le faire dans une enceinte universitaire, c’est à dire devant un public censé être capable de raisonner et de peser les arguments, c’est reconnaître la supériorité intellectuelle de l’autre. Une supériorité telle que le seul moyen qui vous reste pour l’empêcher de conquérir une audience est de le faire taire par la force.
Ce qui me choque peut-être le plus, c’est la passivité des représentants des enseignants et des autorités universitaires. Ceux-là même qui sont prêts à dénoncer hautement les atteintes à la liberté d’expression et de débat dans les pays lointains ont des timidités de violette lorsqu’il s’agit de défendre le même droit chez nous. Qu’attendent les syndicats universitaires pour exiger qu’on respecte la liberté d’enseigner – mais aussi d’apprendre, car dans cette affaire ce n’est pas seulement les droits de Finkielkraut à s’exprimer qui sont en cause, il y a aussi le droit de ses auditeurs à l’entendre ? Qu’attendent les autorités universitaires pour faire respecter l’ordre public dans leurs enceintes ?
Je suis effrayé par la passivité de notre société – et notamment par ses élites – à l’heure de défendre les droits et libertés chèrement conquis par nos ancêtres. Tous ces combats pour obtenir la liberté de publication, de réunion, d’association, pour en finir avec les délits de blasphème ou celui de coalition… et tout ça pour qu’un siècle à peine plus tard des groupuscules exigent la censure, empêchent les réunions, rétablissent de fait le délit de blasphème…
@Descartes
En effet, l’anomie de la société sur ces questions est plutôt inquiétante. Question : est-ce que Finkelkraut aurait une chance d’arriver à quelque chose en portant plainte ? Ou est-ce que c’est absolument l’institution qui devrait le faire ?
@ Ian Brossage
[Question : est-ce que Finkelkraut aurait une chance d’arriver à quelque chose en portant plainte ? Ou est-ce que c’est absolument l’institution qui devrait le faire ?]
Normalement, seule la victime – c’est à dire la personne à qui l’infraction a porté un préjudice, que celui-ci soit matériel, corporel ou moral – peut porter plainte. Finkielkraut et l’institution peuvent porter plainte, ou se joindre à la plainte présentée par l’autre. Mais cela n’a pas la même signification: Finkielkraut peut porter plainte en invoquant un préjudice à titre personnel, l’institution elle défend un intérêt collectif.
Par ailleurs, sans porter plainte toute personne peut porter à la connaissance du procureur de la République des faits qu’elle estime délictuels ou criminels, et c’est le procureur dans ce cas qui décide s’il y a lieu ou non d’initier l’action publique.
Même chose au Québec avec Mathieu Bock-Côté :
https://www.journaldemontreal.com/2019/04/26/une-conference-de-bock-cote-annulee-a-cause-de-menaces?fbclid=IwAR2myNE_qas9XxEUzS4Zo7L_aKcT0mZkRC_Jz-9k9Bp6nhfaZOi-tHZKjlc
Merci pour l’ensemble de cette tribune, à laquelle je souscris entièrement.
Mais permettez-moi un clin d’oeil vers une récente page de votre blog (http://descartes-blog.fr/2019/04/05/refonder-la-gauche-mission-impossible/) où vous expliquiez qu’on pouvait abandonner les obsolètes notions de gauche/droite, alors que vous rappelez ici, clairement, que la gauche, dont nul n’est censé ignorer “les valeurs fondatrices”, ce n’est pas la droite ni l’ethno-identitarisme (se prétendît-il du camp des opprimés du Système) :
[ ” Quant à notre « gauche », ou ce qu’il en reste, elle ferait bien de revenir à ses valeurs fondatrices, celles du rationalisme, du libre débat et du libre examen, au lieu de céder par opportunisme ou par lâcheté aux sirènes de l’obscurantisme victimiste déguisé en « antiracisme » et porté par des petits caporaux qui prétendent nous imposer par la force ce qu’on peut penser, ce qu’on peut dire, ce qu’on peut jouer. “]
Bien à vous, camarade !
@ Claustaire
[Mais permettez-moi un clin d’oeil vers une récente page de votre blog (…) où vous expliquiez qu’on pouvait abandonner les obsolètes notions de gauche/droite, alors que vous rappelez ici, clairement, que la gauche, dont nul n’est censé ignorer “les valeurs fondatrices”, ce n’est pas la droite ni l’ethno-identitarisme (se prétendît-il du camp des opprimés du Système) :]
Vous noterez que je fais une différence entre « la gauche » – entendue comme un secteur différentié du monde politique – et « les valeurs fondatrices de la gauche ». C’est bien là mon point : pour moi, ces « valeurs fondatrices » sont toujours d’actualité. Seulement, ce n’est plus « la gauche » qui les porte, bien au contraire. Vous trahissez ma pensée lorsque vous me faites dire que je rappellerai « que la gauche ce n’est pas la droite ni l’ethno-identitarisme ». La « gauche » aujourd’hui ce sont les privatisations, le traité de Maastricht, la loi El Khomri. La « gauche » aujourd’hui, ce sont les sympathies pour le CRAN, les « indigènes de la République » et autres groupes ethno-identitaires. Ou est la différence fondamentale avec la « droite » ?
Relisez le titre de mon article : « refonder la gauche : mission impossible ». Oui, j’aimerais que la gauche renoue avec ses valeurs fondatrices, que la division droite/gauche redevienne signifiante. Mais je suis pleinement conscient que c’est une impossibilité !