Deliveroo est notre avenir

Parmi les informations qui ont secoué un peu la torpeur estivale des rédactions, il y eut cette information comme quoi Pôle Emploi – l’agence publique qui, comme son nom ne l’indique plus, est censée chercher à équilibrer au mieux l’offre et la demande de travail – publiait des annonces proposant aux chômeurs de se mettre au service aux plateformes de livraison de repas comme Uber Eats ou Deliveroo, ce qui suppose bien entendu un statut de non-salarié (auto-entrepreneur ou autre).

Je vais peut-être choquer mes lecteurs, mais dans le contexte actuel je ne vois pas ce qu’on peut reprocher à Pôle Emploi. Après tout, ce n’est pas cette vénérable agence qui est responsable de la destruction des statuts, de la désindustrialisation du pays, d’une politique européenne qui a permis la délocalisation massive des emplois. Pôle Emploi ne fait que se plier à une réalité : dans « l’économie des services » qui, nous promet-on, va remplacer chez nous l’économie de production, le nombre d’emplois nécessitant une compétence particulière et donc justifiant pour le patron de payer le salarié même lorsqu’il n’est pas occupé à cent pour cent pour le fidéliser se réduira de plus en plus. Pour les autres, ils auront le choix entre le chômage – de moins en moins bien indemnisé au fur et à mesure que le nombre de chômeurs croîtra et que la société s’habitue au chômage de masse – ou les emplois de services à très faible productivité et donc à très faible rémunération sans quoi ils ne seront pas compétitifs.

C’est cela qu’il faut comprendre : le travail de coursier ne sera jamais bien rémunéré, parce que la valeur qu’il produit est relativement faible. Le sortir du statut d’auto-entrepreneur pour en faire un salarié ne changera rien à ce fait. Lorsque vous commandez votre Big Mac – beurk ! – préféré, combien êtes-vous prêt à payer de surcoût pour la livraison ? Un euro ? Cinq euros ? Dix euros ? Bien entendu, si vous commandez du champagne par magnum et du caviar par kilo, la livraison ne représentera qu’une faible fraction du coût. Mais la clientèle qui commande ce genre de denrées n’est pas assez nombreuse pour faire vivre le modèle économique d’Uber Eats ou Deliveroo. La moyenne des repas livrés par ces coursiers tourne autour de la vingtaine d’euros – du moins c’est ce que j’ai pu observer au McDonalds de mon quartier, devant lequel une petite dizaine de livreurs stationne en permanence. Difficile donc de rémunérer le coursier autrement qu’à un taux faible. D’autant qu’il faut compter les périodes d’attente d’une commande, qui ne sont pas productives.

Nous voyons sous nos yeux se multiplier ces « nouveaux métiers » : livreur de repas, chargeur de trottinettes, promeneurs de chiens…  qui en fait n’ont rien d’un véritable « métier », au sens qu’ils ne demandent ni développent aucune compétence particulière dont le caractère cumulatif permet une progression. Un livreur, un chargeur, un promeneur ont appris au bout de quelques mois tout ce qu’il y a à savoir de leur pratique. Il n’y a donc aucune progression professionnelle possible. On gagne peu au début… et à peine plus avec l’expérience. 

Voilà donc le monde de demain. Un monde qui ressemble drôlement à celui non pas d’hier, mais d’avant-hier. Du temps où il y avait des porteurs dans les gares, des coursiers dans les entreprises et des poinçonneurs dans le métro. Si ces métiers ont disparu, c’est parce que le développement industriel a créé des emplois beaucoup plus productifs et donc mieux payés, et que cela a provoqué une élévation du niveau général des salaires. Personne aujourd’hui n’est prêt à payer un SMIC pour poinçonner des tickets, attendre qu’on ait une lettre à poster ou porter des valises du train au taxi. Au fur et à mesure que la déflation salariale s’impose – que ce soit par la diminution relative du SMIC ou par des procédures de contournement comme le statut de l’auto-entrepreneur – ces petits métiers renaissent… et la misère et la précarité avec.

Mais si cette dérive est terrible pour les travailleurs concernés, elle est désastreuse pour la société toute entière. Une société qui offre à ses travailleurs des emplois qui développent une véritable compétence, un vrai savoir-faire, est une société où les individus progressent au cours de leur vie. Et cette progression dessine une vision optimiste de la vie ou le temps qui passe est synonyme de perfectionnement, d’amélioration, d’accumulation de savoirs, d’enrichissement matériel et immatériel. Une société de « petits boulots », c’est une société sans progression, dans laquelle demain ressemblera à hier. Quelle progression peut espérer un promeneur de chiens, un livreur de Deliveroo ? C’est pourquoi tous les emplois ne se valent pas, et que pour une société ce n’est pas la même chose de produire de l’acier ou des bonbons (pour reprendre la formule d’un économiste de triste mémoire).

Reprocher à Pôle Emploi de traduire cette réalité économique dans ses offres d’emploi, c’est reprocher au thermomètre la fièvre. Ce sont les politiques qui conduisent une partie de la population à devoir choisir entre ces petits métiers et le chômage qu’il faudrait mettre au banc des accusés. Mais il est tellement plus facile de crier « cachez ce sein que je ne saurais voir… ».

Descartes

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81 réponses à Deliveroo est notre avenir

  1. Sami dit :

    “Ce sont les politiques qui conduisent une partie de la population à devoir choisir entre ces petits métiers et le chômage qu’il faudrait mettre au banc des accusés”…

    Cela s’appelle une “révolution”.
    En 1789, lorsque la féodalité a été “mise au banc des accusés” et au final, “rangée sur les étagères du musée de l’histoire” (avec, certes, quand il l’a fallu, un peu de terreur, mais bon, on ne fait pas lâcher au pitbull son os sans parfois devoir lui … couper la tête), il y avait la bourgeoisie pour organiser l’affaire, assurer la transition, et prendre les choses en main, jusqu’à aujourd’hui. Mais aujourd’hui, qui est prêt à assurer le rôle de la bourgeoisie (qu’il faudrait donc ranger au musée) ? Personne, à ma connaissance. Le prolétariat a été … émasculé (je ne vois pas d’autre terme). Le peuple Français (et même les peuples Européens, pour en rester à un ensemble significatif au niveau mondial) a été peu à peu conditionné pour se sentir terrorisé par la moindre allusion à quelque forme que ce soit de violence. On l’a vu, lors de la révolte (toujours en cours, par ailleurs) des Gilets Jaunes : l’incendie à peine partiel du Fouquet’s a plongé l’ensemble de la presse et des politiques dans l’effroi et la terreur (hypocritement, bien entendu), et les pauvres GJ ont été quasiment assimilés à la peste brune ! etc etc. (Cela dit, si la bourgeoisie a réussi à transformer de plus en plus les citoyens en “toutous”, elle ne se prive pas de continuer elle-même à pratiquer cette violence, allant de la répression dure des mouvements sociaux, jusqu’au bombardement des contrées lointaines et exotiques…).
    Bref, oui, il faut certainement mettre les politiques au banc des accusés, mais qui le fera ?
    La bourgeoisie a réussi un coup de maître, en émasculant l’ultime classe sociale qui pouvait prétendre la remplacer un jour. Mais en faisant le vide autour d’elle, elle a détruit tout espoir qu’un jour, les choses puissent évoluer. Elle finira par s’effondrer, par simple effet de pourrissement, mais le danger est grand qu’elle n’entraîne avec elle tout le reste. Ce qui signifierait rien de moins que la fin de la civilisation Occidentale.
    Pour en rester juste à la France, on ne dira jamais assez à quel point le mouvement des GJ, est une forme d’appel désespéré, de réaction brutale du corps social…
    Espérons que ces ultimes spasmes n’en sonnent pas le glas, mais le réveil.
    PS : si justement les GJ n’ont pas de représentants, c’est bien la preuve que l’ensemble du corps politique est caduc.

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [« Ce sont les politiques qui conduisent une partie de la population à devoir choisir entre ces petits métiers et le chômage qu’il faudrait mettre au banc des accusés » Cela s’appelle une “révolution”.]

      Ne demandons pas trop. Si des voix intellectuelles, politiques et médiatiques se levaient dans ce sens, ce serait déjà un grand pas en avant. Ce qui me choque personnellement est que toutes les voix se soient levées accusant Pôle Emploi du forfait, alors qu’il n’y est pour rien.

      [Mais aujourd’hui, qui est prêt à assurer le rôle de la bourgeoisie (qu’il faudrait donc ranger au musée) ? Personne, à ma connaissance. Le prolétariat a été … émasculé (je ne vois pas d’autre terme).]

      Votre question est très intéressante. Je dirais même qu’elle est absolument fondamentale. Le rôle révolutionnaire du prolétariat, sa capacité à remplacer la bourgeoisie comme classe dominante, tient toute entière au fait qu’elle est la seule classe qui produit de la valeur. En d’autres termes, c’est la classe sur laquelle la production matérielle repose exclusivement. Mais que se passe-t-il dans une économie mondialisée, où la production matérielle repose de moins en moins sur le prolétariat national, et de plus en plus sur un prolétariat périphérique situé dans un autre pays ?

      La condition sine qua non pour que le prolétariat national reprenne son rôle viril dans l’histoire – pour reprendre la formule de Marx – est qu’il reprenne sa fonction première de producteur de valeur. Ce qui suppose une crise du modèle mondialisé et libre-échangiste, sous l’effet par exemple des revendications sociales du prolétariat des pays ou la production matérielle a lieu aujourd’hui.

      [Le peuple Français (et même les peuples Européens, pour en rester à un ensemble significatif au niveau mondial) a été peu à peu conditionné pour se sentir terrorisé par la moindre allusion à quelque forme que ce soit de violence.]

      Pourquoi dites-vous ça ? Je ne vois aucune trace d’un quelconque « conditionnement ». Je dirais plutôt que le peuple français a une expérience historique de ce que la violence signifie et où elle peut conduire, et qu’à juste titre il tient à l’ordre public comme à la prunelle de ses yeux. Si vous réfléchissez un peu, vous verrez que ce que vous appelez « conditionnement » est en fait un immense progrès. Parce que l’horreur de la violence va dans les deux sens : il empêche les ouvriers d’incendier la maison du patron, mais il empêche aussi le patron de faire tirer sur les ouvriers. Sur le long terme, ce n’est pas un mauvais compromis. La violence, c’est une boîte de Pandore. Une fois qu’une société est prête à accepter un haut niveau de violence, on ne s’ait pas où cela s’arrête. On commence par trouver normal que des milices s’affrontent à coups de bâton, et on finit par faire des camps de concentration.

      [On l’a vu, lors de la révolte (toujours en cours, par ailleurs) des Gilets Jaunes : l’incendie à peine partiel du Fouquet’s a plongé l’ensemble de la presse et des politiques dans l’effroi et la terreur (hypocritement, bien entendu), et les pauvres GJ ont été quasiment assimilés à la peste brune !]

      Demandez-vous ce qui se passe dans les pays on l’on trouve normal que des manifestants mettent le feu aux locaux qui leur déplaisent. En général, ce n’est pas vers une politique progressiste que ces pays s’inclinent. Ceux qui pensent que le monde serait meilleur si l’Etat n’avait pas le monopole de la violence légitime devraient lire Hobbes.

      [etc etc. (Cela dit, si la bourgeoisie a réussi à transformer de plus en plus les citoyens en “toutous”, elle ne se prive pas de continuer elle-même à pratiquer cette violence, allant de la répression dure des mouvements sociaux, jusqu’au bombardement des contrées lointaines et exotiques…).]

      Faudrait pas trop exagérer. La dernière fois que la bourgeoisie a eu recours en France à la « répression dure des mouvements sociaux » doit dater de 1947 (ou alors vous ne savez pas ce que « répression dure » veut dire). Quant aux bombardements de contrées lointaines et exotiques, ils sont hors de propos dans le contexte de cet échange. On aura du mal à me démontrer qu’en bombardant la Libye de Kadhafi la France a défendu les intérêts de la bourgeoisie libyenne…

      [PS : si justement les GJ n’ont pas de représentants, c’est bien la preuve que l’ensemble du corps politique est caduc.]

      Cela dépend ce que vous appelez le « corps politique »…

      • Sami dit :

        Merci pour vos réponses, qui me donnent matière à réflexion.

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Votre question est très intéressante. Je dirais même qu’elle est absolument fondamentale. Le rôle révolutionnaire du prolétariat, sa capacité à remplacer la bourgeoisie comme classe dominante, tient toute entière au fait qu’elle est la seule classe qui produit de la valeur.

        Qu’est-ce qui justifie, rationnellement, que la classe « produisant de la valeur » soit aussi la classe dominante ? (je dis bien rationnellement et non sur un plan moral…)

        Historiquement, il est clair que produire la valeur n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour devenir classe dominante. Donc quelle est l’argumentation derrière cette théorie, dont je conçois qu’elle soit séduisante, mais qui n’a vraiment pas prouvé sa validité ?

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Qu’est-ce qui justifie, rationnellement, que la classe « produisant de la valeur » soit aussi la classe dominante ? (je dis bien rationnellement et non sur un plan moral…)]

          En étant un peu schématique, je dirais que la raison principale tient au fait que la domination de la classe qui produit la valeur – domination qui en fait amène la disparition des classes – est une condition sine qua non pour permettre « d’optimiser le bonheur global » selon la formule consacrée. En effet, aussi longtemps que la classe dominante est une classe non productive, il y aura une minorité qui accaparera une partie de la valeur produite, et tous les rapports sociaux seront organisés de manière à augmenter cette part, donc à diminuer la part des autres. On aboutit ainsi à une société dont une classe possède plus qu’elle ne peut consommer – ce qui la pousse d’ailleurs à détruire de la richesse dans une consommation somptuaire – et où une autre classe manque de quoi satisfaire des besoins élémentaires.

          Conclusion : une société ou la classe dominante n’est pas la classe productive conduit à un gâchis de ressources, à une utilisation sous-optimale des biens, et à une situation ou le « bonheur » (entendu comme la capacité à satisfaire ses besoins élémentaires) est mal partagé. Sans avoir recours à une notion « morale », on voit l’intérêt d’aboutir à la société sans classes.

          On pourrait aussi avoir recours à un raisonnement rawlsien : si on vous donnait à choisir entre vivre dans une société où le 10% est extrêmement riche et le 90% très pauvre, ou bien vivre dans une société où 100% est dans une fourchette de richesse étroite, et que vous deviez faire ce choix sans savoir dans quel groupe vous seriez à priori, que choisiriez-vous ? Il est assez évident que le choix rationnel est la deuxième solution…

          [Historiquement, il est clair que produire la valeur n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour devenir classe dominante.]

          Je pense que vous raisonnez à l’envers : historiquement, le travail est une malédiction. C’est écrit dans la Génèse : quand l’archange dit à Adam « tu gagneras le pain à la sueur de ton front », ce n’était pas précisément un cadeau. C’est pourquoi la première chose qu’une classe dominante fait, c’est s’affranchir autant que faire se peut de l’obligation de travailler. C’est pourquoi certaines classes cessent de travailler lorsqu’elles deviennent « dominantes ». Ce fut le cas de la bourgeoisie, par exemple : de la bourgeoisie laborieuse du XVIIIème siècle on passe à la bourgeoisie rentière de la fin du XIXème.

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            > En effet, aussi longtemps que la classe dominante est une classe non productive, il y aura une minorité qui accaparera une partie de la valeur produite, et tous les rapports sociaux seront organisés de manière à augmenter cette part, donc à diminuer la part des autres.

            Ce discours me paraît procéder d’une confusion entre valeur économique (sur laquelle, d’ailleurs, les économistes sont loin d’être d’accord) et utilité sociale. Je sais que vous êtes un adepte de la théorie de la valeur-travail… mais cette théorie ne fait pas l’unanimité. Surtout, c’est une description *économique* de la valeur qui ne préjuge pas de son utilité. D’ailleurs, historiquement, les partisans de la valeur-travail s’opposent à ceux de la valeur-utilité, ce qui rend AMHA l’équivalence hasardeuse (si vraiment les deux étaient interchangeables, comment expliquer qu’elles s’opposent à ce point sur le plan théorique ?).

            Donc ce n’est pas parce que la classe dominante est « non productive » sur le plan de la production de biens matériels qu’elle n’a pas une utilité sociale en tant qu’organisatrice du système social (notamment productif). Son surcroît de rémunération peut éventuellement être justifié par une certaine utilité (dans une certaine mesure, bien sûr, et on est en droit de penser que le régime économique a depuis quelques décennies perdu cette mesure).

            Le deuxième point qui me paraît poser problème est celui de la minorité qui s’accapare la plus-value. Certes, c’est vrai actuellement, mais en quoi serait-ce faux dans un régime où la classe « dominante » serait la classe productive ? On est bien en peine de répondre, car à ma connaissance aucun schéma précis d’un tel régime a été proposé. Les affirmations au sujet de ce régime tiennent en général de l’utopie (« société sans classe »). Il est très délicat de comparer d’un côté des systèmes concrets (avec toutes leurs imperfections ou leurs contradictions dans le langage marxiste) et de l’autre un idéal faiblement défini.

            Cependant on voit que les sociétés qui ont *voulu* transitionner vers ce régime idéal (et qui y ont échoué) n’ont pas vraiment réussi à éviter qu’une minorité, improductive sur le plan de la production des biens, s’accapare un certain nombre d’avantages.

            > Conclusion : une société ou la classe dominante n’est pas la classe productive conduit à un gâchis de ressources, à une utilisation sous-optimale des biens

            Le premier problème, c’est qu’il faudrait expliquer ce qu’est une utilisation optimale des biens. Le deuxième problème, c’est que les biens produits ne sont pas indépendants du régime de production. On ne peut donc pas poser uniquement le problème de l’utilisation des biens produits sans le lier au problème de la production, qui n’est également pas un problème statique (c’est-à-dire pas seulement l’allocation des ressources productives ici et maintenant, mais le développement historique de ces ressources productives).

            Donc peut-être que toutes choses égales par ailleurs à un instant donné, une société sans classes serait préférable, mais comment sait-on qu’une société sans classes serait capable du dynamisme historique dont ont été capables les sociétés avec classes ?

            Concrètement, on n’a pas trop d’exemples de sociétés sans classes… à part justement les sociétés « primitives », sans villes, sans division du travail poussée, qui sont toujours restées à un niveau de développement économique très fruste.

            Vaut-il mieux être pauvre en France ou « à l’égal de tous » dans une société de chasseurs-cueilleurs du Pacifique ? Difficile de répondre. Cependant, il semble que les intéressés répondent d’eux-mêmes : la plupart de ces sociétés ont progressivement décidé d’abandonner leur régime économique traditionnel pour se convertir à un mode de vie moderne.

            > On pourrait aussi avoir recours à un raisonnement rawlsien : si on vous donnait à choisir entre vivre dans une société où le 10% est extrêmement riche et le 90% très pauvre, ou bien vivre dans une société où 100% est dans une fourchette de richesse étroite, et que vous deviez faire ce choix sans savoir dans quel groupe vous seriez à priori, que choisiriez-vous ? Il est assez évident que le choix rationnel est la deuxième solution…

            Si la quantité totale de richesse est le même dans les deux cas, oui… La pauvreté est une notion relative à la richesse globale (en tout cas, la définition économique du taux de pauvreté l’est).

            Si la quantité totale de richesse est très différente d’un cas à l’autre, l’argument n’est plus valable en toute généralité.

            > C’est pourquoi la première chose qu’une classe dominante fait, c’est s’affranchir autant que faire se peut de l’obligation de travailler.

            Pardon, mais je ne comprends pas ce que vous faites de cette affirmation. Vous parlez ici du travail-labeur. Il y a des formes de « travail », ou d’activité si vous préférez, qui sont gratifiantes pour celui qui l’exerce et qui correspondent aussi à une utilité sociale.

            Prenons un scientifique : il a l’obligation de travailler pour nourrir sa famille, mais il tire aussi une gratification de son travail au point qu’il travaille parfois sans compter, et qu’un scientifique qui se serait mis à l’abri du besoin continuera néanmoins à exercer son activité.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Ce discours me paraît procéder d’une confusion entre valeur économique (sur laquelle, d’ailleurs, les économistes sont loin d’être d’accord) et utilité sociale. Je sais que vous êtes un adepte de la théorie de la valeur-travail… mais cette théorie ne fait pas l’unanimité.]

              J’ai un peu de mal à comprendre cette opposition parce que la théorie de la valeur-travail inclut à mon sens la théorie de la valeur-utilité. Dans la théorie de la valeur-travail on ne parle de des biens et services qui sont effectivement produits, et si ces biens et services sont effectivement produits, c’est qu’ils ont une utilité. Personne ne s’amuse à produire économiquement un bien inutile. La question est de savoir quelle est la mesure de la valeur : le travail investi dans la production ou bien la pure « utilité » ? Utiliser l’utilité conduit à des contradictions avec l’expérience : l’eau potable est infiniment plus utile que les diamants, et pourtant sa valeur d’échange ne rejoint celle du diamant dans aucune économie connue, pas même chez les bédouins du désert. Par contre, la théorie de la valeur-travail donne une description adéquate des valeurs relatives entre l’eau et le diamant.

              [Surtout, c’est une description *économique* de la valeur qui ne préjuge pas de son utilité.]

              D’une certaine façon, oui. Comme je l’ai dit plus haut, la théorie de la valeur-travail présuppose l’utilité parce qu’elle ne s’intéresse qu’aux biens effectivement produits. Si un bien n’est pas « utile », il n’est pas effectivement produit et s’interroger sur sa valeur n’a pas de sens. On peut d’ailleurs dire que si un bien est produit, c’est parce que sa « valeur-travail » est suffisante pour compenser sa « valeur-utilité », ce qui d’une certaine façon unifie les deux théories.

              [D’ailleurs, historiquement, les partisans de la valeur-travail s’opposent à ceux de la valeur-utilité, ce qui rend AMHA l’équivalence hasardeuse (si vraiment les deux étaient interchangeables, comment expliquer qu’elles s’opposent à ce point sur le plan théorique ?).]

              Par des raisons idéologiques, bien sûr. La théorie de la « valeur-travail » aboutit inévitablement à la conclusion que « celui qui ne travaille pas ne devrait pas manger », pour citer les mots de Paul de Tarse. Or, cette conclusion est éminemment dangereuse pour une bourgeoisie qui ne travaille pas mais qui mange mieux que les autres. D’où la construction d’une théorie qui permet d’attribuer de la valeur non pas en fonction du travail fourni, mais de la simple existence.

              [Donc ce n’est pas parce que la classe dominante est « non productive » sur le plan de la production de biens matériels qu’elle n’a pas une utilité sociale en tant qu’organisatrice du système social (notamment productif).]

              J’aimerais que vous m’expliquiez en quoi le capitaliste est « organisateur du système social, notamment productif ». J’attire votre attention sur le fait que ma question porte sur le CAPITALISTE, c’est-à-dire, celui qui est rémunéré pour la simple possession du capital, et non pas le GESTIONNAIRE d’une entreprise, qui peut être la même personne que le capitaliste – mais agissant dans une fonction différente – mais qui peut tout aussi bien être un salarié. Franchement, j’ai du mal à voir la fonction « organisatrice » du rentier.

              [Le deuxième point qui me paraît poser problème est celui de la minorité qui s’accapare la plus-value. Certes, c’est vrai actuellement, mais en quoi serait-ce faux dans un régime où la classe « dominante » serait la classe productive ?]
              J’avoue que la réponse me paraît tellement évidente que je me demande si j’ai bien compris la question. Un régime ou la classe productive est majoritaire est parfaitement concevable. Un régime ou la classe exploiteuse est majoritaire paraît difficile à concevoir, sauf à imaginer que la minorité qui travaille ait une productivité énorme, suffisante pour soutenir une majorité oisive. En d’autres termes, si la classe dominante est la classe productive, on peut imaginer une société ou la classe dominante est majoritaire. Si on pense une société ou la classe dominante est improductive, on ne peut l’imaginer qu’en acceptant la domination par une minorité.

              J’irai même plus loin : si la classe dominante est la classe productive, alors elle imposera son éthos à l’ensemble de la société, c’est-à-dire que tout le monde deviendra productif, et c’est la fin de la société de classe. Par contre, lorsque la classe dominante est improductive elle ne peut étendre son éthos à l’ensemble de la société, tout simplement parce que tout le monde ne peut pas devenir improductif sans que la société s’effondre.

              [On est bien en peine de répondre, car à ma connaissance aucun schéma précis d’un tel régime n’a été proposé. Les affirmations au sujet de ce régime tiennent en général de l’utopie (« société sans classe »). Il est très délicat de comparer d’un côté des systèmes concrets (avec toutes leurs imperfections ou leurs contradictions dans le langage marxiste) et de l’autre un idéal faiblement défini.]

              Oui, il y a une difficulté à comparer des « systèmes concrets » avec d’autres qui n’existent pas encore. Mais si on s’était laissé arrêter par ce genre de considérations, on en serait encore à vivre sous le système tribal, le seul qui soit « naturel » à notre espèce. Les gens qui les premiers ont coupé la tête d’un roi pour installer une République étaient eux-mêmes effrayés par leur audace, et beaucoup se demandaient si un tel acte n’était pas la fin d’une société organisée et le début du chaos.

              Des expériences de sociétés sans classes ont été faites – je pense en particulier à l’expérience soviétique – et ont donné des résultats qui sont loin d’être négligeables. En termes économiques, la « société sans classes » a quand même produit deux rattrapages économiques parmi les plus rapides de l’histoire (celui des années 1930, celui d’après 1945). Bien entendu, cette expérience est ambigüe du fait qu’elle s’est déroulé dans un contexte d’hostilité généralisée et dans un pays dont les structures mentales étaient très arriérées. On peut toujours se demander si dans d’autres conditions il n’aurait pas donné des résultats différents. Mais on ne peut le balayer d’un revers de manche.

              [Cependant on voit que les sociétés qui ont *voulu* transitionner vers ce régime idéal (et qui y ont échoué) n’ont pas vraiment réussi à éviter qu’une minorité, improductive sur le plan de la production des biens, s’accapare un certain nombre d’avantages.]

              Les premières Républiques (l’anglaise de 1650, la française de 1792) ont toutes échoué. Elles n’ont pas pu empêcher la formation d’une nouvelle aristocratie. Personne n’a jamais dit qu’un changement social de cette ampleur peut réussir du premier coup…

              [Le premier problème, c’est qu’il faudrait expliquer ce qu’est une utilisation optimale des biens.]

              Le terme « optimale » est utilisé ici dans le sens purement économique. C’est le fait de tirer la plus grande utilité possible d’un bien, d’un service, d’un outil de production.

              [Le deuxième problème, c’est que les biens produits ne sont pas indépendants du régime de production. On ne peut donc pas poser uniquement le problème de l’utilisation des biens produits sans le lier au problème de la production, qui n’est également pas un problème statique (c’est-à-dire pas seulement l’allocation des ressources productives ici et maintenant, mais le développement historique de ces ressources productives).]

              Je n’ai pas très bien compris cette remarque. Pourriez-vous développer ?

              [Donc peut-être que toutes choses égales par ailleurs à un instant donné, une société sans classes serait préférable, mais comment sait-on qu’une société sans classes serait capable du dynamisme historique dont ont été capables les sociétés avec classes ?]

              Une société sans classes n’aura certainement pas le « dynamisme historique » d’une société de classes. C’est Marx lui-même qui le dit : si la lutte des classes est le moteur de l’histoire, alors la société sans classes est la fin de l’histoire. C’est pourquoi la société sans classes est à mon avis une impossibilité pratique. Comme la démocratie, c’est un idéal vers lequel on peut tendre, une abstraction théorique, mais pas un objet réel.

              [Concrètement, on n’a pas trop d’exemples de sociétés sans classes… à part justement les sociétés « primitives », sans villes, sans division du travail poussée, qui sont toujours restées à un niveau de développement économique très fruste.]

              Ce que Marx appelle « le communisme primitif ». Clairement, le but des marxistes n’est pas d’y revenir !

              [Vaut-il mieux être pauvre en France ou « à l’égal de tous » dans une société de chasseurs-cueilleurs du Pacifique ? Difficile de répondre. Cependant, il semble que les intéressés répondent d’eux-mêmes : la plupart de ces sociétés ont progressivement décidé d’abandonner leur régime économique traditionnel pour se convertir à un mode de vie moderne.]

              Comme je vous le disais plus haut, on peut accuser les marxistes de tout, sauf de passéisme. Ni Marx ni aucun de ses commentateur ne considère le retour au communisme primitif comme un objectif politique raisonnable. J’aurais tendance à dire que la particularité du marxisme qui l’oppose à tous les gauchismes est justement une vision historique progressiste. Le règne de la bourgeoisie pour le marxiste n’est pas un recul par rapport à l’état antérieur, mais un progrès. La bourgeoisie est une « classe révolutionnaire » (c’est écrit noir sur blanc dans le Manifeste). Seulement, la révolution bourgeoise contient des contradictions qui à terme seront des obstacles au progrès et nécessiteront une nouvelle révolution, faite par une autre classe.

              Aucun marxiste digne de ce nom ne vous dira qu’il vaut mieux être « égal » dans une tribu amazonienne (puisque c’est la mode) que prolétaire en France.

              [« C’est pourquoi la première chose qu’une classe dominante fait, c’est s’affranchir autant que faire se peut de l’obligation de travailler. » Pardon, mais je ne comprends pas ce que vous faites de cette affirmation. Vous parlez ici du travail-labeur. Il y a des formes de « travail », ou d’activité si vous préférez, qui sont gratifiantes pour celui qui l’exerce et qui correspondent aussi à une utilité sociale.]

              Vous n’avez pas lu avec attention… je n’ai pas dit que les classes dominantes s’affranchissent du TRAVAIL, j’ai écrit qu’elles s’affranchissent de L’OBLIGATION DE TRAVAILLER. Ce qui est très différent. Bien entendu, les classes dominantes travaillent, soit parce que cela leur procure un plaisir, soit parce que cela leur permet d’augmenter leur revenu. Mais deux qu’ils le peuvent, elles s’affranchissent de l’OBLIGATION de travailler.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes

              [C’est pourquoi la société sans classes est à mon avis une impossibilité pratique. Comme la démocratie, c’est un idéal vers lequel on peut tendre, une abstraction théorique, mais pas un objet réel.]

              Je suis content de voir que je ne suis pas le seul communiste à ne pas réellement croire au communisme en tant que société envisageable… En tout cas à l’horizon concevable par nous. J’ai toujours trouvé un côté formule magique à l’idée propagée par certains que le socialisme amènerait quasi-instantanément au communisme – et corolairement, que la preuve que l’URSS ne fut pas socialiste est qu’elle ne s’est pas magiquement transformée en Éden terrestre, l’anti-soviétisme n’étant jamais loin dans ce genre de discours idéaliste…

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Je suis content de voir que je ne suis pas le seul communiste à ne pas réellement croire au communisme en tant que société envisageable… En tout cas à l’horizon concevable par nous. J’ai toujours trouvé un côté formule magique à l’idée propagée par certains que le socialisme amènerait quasi-instantanément au communisme – et corolairement, que la preuve que l’URSS ne fut pas socialiste est qu’elle ne s’est pas magiquement transformée en Éden terrestre, l’anti-soviétisme n’étant jamais loin dans ce genre de discours idéaliste…]

              Tout à fait. Ce fut un des débats intellectuels du début de la « mutation ». C’était Lucien Sève je crois qui reprochait aux communistes de s’être fourvoyés en cherchant à construire le socialisme alors qu’il aurait fallu viser le communisme directement (voir sa conférence « Alternative socialiste ou visée communiste ? »).

              Il faut sans cesse rappeler que si Marx en tant qu’homme était certainement « communiste », en tant que théoricien, historien et économiste il se consacra surtout à l’étude du capitalisme. Aucun texte théorique marxien ne décrit une société communise – ou socialiste, d’ailleurs. Aucun texte n’explique comment une telle société pourrait être régulée, comment optimiser l’utilisation des facteurs de production, comment garantir une cohésion sociale dans un contexte socialiste ou communiste. Marx se contente de mettre en évidence les contradictions du capitalisme, et en déduit qu’à un moment donné ces contradictions donneront naissance à un nouveau mode de production, dont il se contente d’esquisser les grandes lignes. Mais ensuite, tout reste à inventer.

              Le problème, c’est que cette invention se fait dans un idéalisme qui stérilise la réflexion. On s’imagine encore dans la gauche radicale – PCF compris – qu’une fois la bourgeoisie mise à bas la fraternité universelle entre les hommes ferait le reste. Or, là où cela a été essayé il a fallu déchanter : l’homme reste fainéant par nature, il préfère tant qu’à faire regarder les autres travailler, et le mettre à la tâche n’est pas chose facile sans une carotte et un bâton adéquats. Les idéologues de cette gauche ont rejeté le marché par principe, mais ne proposent un mécanisme de régulation efficace pour le remplacer. Et du coup, le projet de société qu’on présente est une sorte de communauté à la mode soixante-huitarde ou tout le monde déciderait de tout et les biens seraient produits un peu comme par magie.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes

              Tiens, cette discussion sur la valeur-travail et la définition économique de la valeur me rappelle que je voulais te demander ton avis sur la critique que j’avais lue sur un blog tenu par un post-keynésien :

              http://socialdemocracy21stcentury.blogspot.com/2015/06/why-marxs-labour-theory-of-value-is.html

              Personnellement, je trouve les arguments assez spécieux, mais ils semblent avancés en bonne foi, et par quelqu’un qui expose calmement et amplement ses opinions – j’encourage tout les anglophones à parcourir le blog, il est très intéressant pour comprendre le point de vue dit “post-keynésien”.

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Tiens, cette discussion sur la valeur-travail et la définition économique de la valeur me rappelle que je voulais te demander ton avis sur la critique que j’avais lue sur un blog tenu par un post-keynésien : (…) Personnellement, je trouve les arguments assez spécieux, mais ils semblent avancés en bonne foi, et par quelqu’un qui expose calmement et amplement ses opinions]

              On peut parfaitement croire de très bonne foi des choses archifausses. La bonne foi n’est donc pas une excuse…

              Effectivement, les arguments sont peu recevables. Ils résultent d’une lecture formaliste du texte de Marx. Prenons par exemple la soi-disant « contradiction » dans laquelle tomberait Marx à propos de la valeur d’usage. L’auteur voit une contradiction entre l’affirmation que « l’échange des biens est une opération qui fait abstraction de la valeur d’usage » (une évidence, je dois ajouter, dans une logique de marché, sans quoi l’eau serait plus chère que les diamants) et celle qui veut que « rien ne peut avoir de valeur s’il n’a pas une valeur d’usage ». Or, les deux affirmations sont parfaitement compatibles : un bien PRODUIT n’a pas de valeur s’il n’a pas une valeur d’usage tout simplement parce que dans cette hypothèse il ne sera pas produit. Qui consacrerait du travail et du capital à produire quelque chose qui ne sert à rien ? Ce que Marx dit sur ce point est que la valeur d’usage fait partie de l’essence d’un bien produit. Mais cela n’implique pas que cette « valeur d’usage » soit prise en compte lorsqu’il s’agit d’échanger deux biens.

              Sur le deuxième point, la question de trouver un équivalent général à la valeur des différents produits, l’explication de Marx est au contraire assez convaincante. L’affirmation que Marx « n’explique pas comment » n’est donc qu’une opinion personnelle sans fondement argumenté.

              Le quatrième point est plus intéressant. Il est trivial de dire que le marxisme est d’abord et avant tout un humanisme, c’est-à-dire, qu’il établit une différence fondamentale entre l’être humain d’une part et le reste de la Création de l’autre. En d’autres termes, Marx ne s’est pas préoccupé du rapport d’exploitation qui peut s’établir entre l’homme et son âne, l’homme et l’arbre, l’homme et la rivière. L’âne, l’arbre, la rivière sont considérés comme des choses. Elles peuvent être utilisées, et rien de plus.

              Le point de vue marxiste – mais c’est vrai de l’ensemble de l’économie classique – sous-tend l’idée que l’homme est sorti de l’état de nature. On peut bien entendu se dire que la théorie de la valeur-travail ne serait pas d’une grande utilité pour étudier l’économie d’une civilisation qui tous ses désirs satisfaits par des biens « produits » par la nature en dehors de tout travail humain. On peut même se dire que dans une telle société, il n’y aurait pas beaucoup d’intérêt à étudier l’économie. Seulement, cet état d’abondance parfaite n’existe pas : dès lors que la nature ne « produit » suffisamment pour satisfaire les désirs de l’homme, l’homme se voit poussé à compléter la panoplie de ce que la nature lui offre par son travail. Et c’est là le début de la véritable économie.

              Sur le cinquième point, il est clair qu’on ne peut demander à la théorie marxiste d’anticiper sur les objets qui n’existaient pas du temps de Marx. L’étude de la monnaie fiduciaire nécessite de nouveaux développements qu’on ne trouvera pas dans les écrits du maître. Mais cela n’implique qu’il faille, comme le suggère le texte, qu’il faudrait jeter l’ensemble du « Capital » aux orties. On ne jette pas une machine à éplucher les pommes de terre au prétexte qu’elle ne peut éplucher les ananas.

              Le sixième point ne contredit pas vraiment la théorie marxienne. Le prix ne correspond à la valeur économique d’un bien que dans l’hypothèse d’une concurrence pure et parfaite. Or, les marchés de biens qui satisfont cette condition sont relativement rares.

              Le septième point est franchement comique. Non, dans une société ou tout le travail serait fait par des machines il ne peut y avoir de profit monétaire. En effet, imaginons que vous soyez le propriétaire de toutes les machines. Vous ne pourriez pas vendre le produit de vos machines à personne car… d’où vos consommateurs potentiels tireraient un revenu pour pouvoir vous payer ? Une société ou la production serait exclusivement le fait de machines – c’est-à-dire sans travail humain – serait nécessairement une société de la gratuité. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs arguments hypothétiques en faveur de la théorie de la valeur-travail…

            • Gugus69 dit :

              Bonjour ami et camarade,
              Dans ce débat, comment situez-vous le travail artistique ? Quelle est sa valeur d’usage, et comment expliquer les montants faramineux qu’atteignent certaines œuvres ?
              Je suis personnellement incapable d’avoir un avis sur ce point de détail…

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Dans ce débat, comment situez-vous le travail artistique ? Quelle est sa valeur d’usage, et comment expliquer les montants faramineux qu’atteignent certaines œuvres ?]

              Cela dépend de ce qu’on appelle l’œuvre d’art. Un livre – c’est-à-dire l’objet matériel fait de papier et d’encre – a une valeur d’usage, en ce sens qu’il satisfait chez moi un besoin. Mais ce n’est pas le livre qui est l’œuvre d’art, mais le texte lui-même. L’écrivain ne produit pas un livre, il produit un texte.

              Pour une œuvre d’art plastique, la différence est plus difficile à faire. Prenons par exemple la Joconde. Où est l’œuvre d’art dont la valeur est inestimable ? Est-ce dans le fait d’avoir imaginé le tableau, ou dans le fait de l’avoir exécuté ? Imaginons que demain nous ayons un moyen de reproduction si précis, si fin qu’il pourrait réaliser des copies de la Joconde tellement parfaites qu’un être humain ne pourrait voir la différence avec l’original. Ces copies, de tout évidence, ont la même « valeur d’usage » que l’original, puisque du point de vue de la satisfaction du besoin esthétique ils sont physiquement identiques. Et pourtant, il y a fort à parier que l’original conservera une valeur très supérieure.

              Il y a dans l’œuvre d’art un élément de fétiche, de symbole. L’original de la Joconde a une valeur inestimable du fait que la main de l’artiste s’est posée sur elle. Une copie, fut-elle parfaite et identique à l’original dans tous ses détails, n’aura jamais ce contenu symbolique. Un contenu d’ailleurs purement subjectif : pour que le tableau ait de la valeur, il suffit que nous croyons dans la paternité de Leonardo da Vinci. Le fait qu’il soit ou non l’auteur de l’œuvre n’a aucune importance.

              Le prix des œuvres d’art traduit en fait un fétichisme. Tout comme le salaire des footballeurs ou des stars de cinéma il est moins déterminé par la valeur d’usage de ce qu’ils produisent que par un mécanisme sacrificiel : ces paiements faramineux sont le témoignage d’un statut symbolique de celui qui paye, tout comme le sacrifice antique confirmait le statut social de celui qui l’offrait.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Utiliser l’utilité conduit à des contradictions avec l’expérience : l’eau potable est infiniment plus utile que les diamants, et pourtant sa valeur d’échange ne rejoint celle du diamant dans aucune économie connue, pas même chez les bédouins du désert. Par contre, la théorie de la valeur-travail donne une description adéquate des valeurs relatives entre l’eau et le diamant.
              > […]
              > On peut d’ailleurs dire que si un bien est produit, c’est parce que sa « valeur-travail » est suffisante pour compenser sa « valeur-utilité », ce qui d’une certaine façon unifie les deux théories.

              Je ne vois pas comment on unifie deux théories qui produisent des résultats très différents, et qui sont donc en toute rigueur incompatibles (votre exemple de l’eau potable et des diamants).

              Il faut bien faire un choix : si on tient que la valeur découle de la quantité de travail incorporée dans un bien (ou un service), alors cette valeur n’est pas nécessairement corrélée à l’utilité. Mais alors, rien ne garantit que ce qui vaut plus cher (qui a une plus grande « valeur ») soit forcément plus utile.

              > Franchement, j’ai du mal à voir la fonction « organisatrice » du rentier.

              Moi non plus. Mais je ne parlais pas du rentier individuel, mais de la classe dominante. Il émerge de l’action des capitalistes une certaine organisation des rapports sociaux, non ?

              > En d’autres termes, si la classe dominante est la classe productive, on peut imaginer une société ou la classe dominante est majoritaire. Si on pense une société ou la classe dominante est improductive, on ne peut l’imaginer qu’en acceptant la domination par une minorité.

              C’est un bon point. Mais les conséquences économiques ne me paraissent pas évidentes.

              > En termes économiques, la « société sans classes » a quand même produit deux rattrapages économiques parmi les plus rapides de l’histoire (celui des années 1930, celui d’après 1945). Bien entendu, cette expérience est ambigüe du fait qu’elle s’est déroulé dans un contexte d’hostilité généralisée et dans un pays dont les structures mentales étaient très arriérées.

              À ce que j’en ai compris, il s’agissait d’une économie organisée comme une économie de guerre, avec une direction étatique forte de la production et une rhétorique de mobilisation générale. C’est efficace pour développer les grands moyens de production. Mais est-ce viable à long terme, ou seulement en guise d’expérience transitoire ? La déchéance puis l’effondrement des années 70-80 semble montrer que la perpétuation du modèle pose problème.

              Mais surtout, le terme « société sans classe » passe sous silence que la société était dirigée et administrée par une fraction de la population (le Parti, les fonctionnaires) qui n’était nullement productive au sens matériel. Les travailleurs étaient-ils vraiment la classe dominante en URSS ? On peut en douter, non ?

              En fait, la notion de « société sans classe » pose la question : comment fait-on pour éviter l’apparition d’une classe dominante, distincte de la classe productive, dans une société à division du travail, alors même que la fonction de direction et de pilotage est *forcément* séparée des fonctions de production ? Par construction, ceux qui exercent les fonctions de direction et de pilotage ont une grande capacité à dominer les autres. Et comme leurs intérêts sont vraisemblablement convergents, ils peuvent constituer une classe qui dominera le reste de la population devenu classe productive.

              > Le terme « optimale » est utilisé ici dans le sens purement économique. C’est le fait de tirer la plus grande utilité possible d’un bien, d’un service, d’un outil de production.

              La question reste de comment mesurer l’utilité, ou même s’il existe une utilité objective. Dans votre société dans classes, comment se fait la répartition des ressources productives entre la production d’eau potable, de diamants, de matériel hospitalier, de télévisions, de fruits et légumes, etc. ?

              > Les gens qui les premiers ont coupé la tête d’un roi pour installer une République étaient eux-mêmes effrayés par leur audace, et beaucoup se demandaient si un tel acte n’était pas la fin d’une société organisée et le début du chaos.

              Ils savaient tout de même qu’une société sans roi était possible, puisque de telles sociétés ont existé dans des conditions de développement pas radicalement différentes (par exemple certaines cités-États à la Renaissance). Je retiens cependant votre point, qui est vrai en théorie, mais qui en pratique suppose une situation de crise politique et sociale très grave (comme celle qui existait au moment de guillotiner Louix XIV).

              > Une société sans classes n’aura certainement pas le « dynamisme historique » d’une société de classes. C’est Marx lui-même qui le dit : si la lutte des classes est le moteur de l’histoire, alors la société sans classes est la fin de l’histoire. C’est pourquoi la société sans classes est à mon avis une impossibilité pratique. Comme la démocratie, c’est un idéal vers lequel on peut tendre, une abstraction théorique, mais pas un objet réel.

              Cela me paraît poser un problème théorique. L’existence de classes est binaire : soit elles existent, soit elles n’existent pas. Comment une fonction fait-elle pour « tendre » vers zéro quand elle ne peut prendre que deux valeurs (zéro et un) ?

              On peut toujours répondre qu’on ne veut pas abolir les classes mais amoindrir le plus possible les effets néfastes de la division de classes. Mais alors il s’agit d’un discours plus réformiste que révolutionnaire. J’ai l’impression que ce n’est pas votre optique.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« On peut d’ailleurs dire que si un bien est produit, c’est parce que sa « valeur-travail » est suffisante pour compenser sa « valeur-utilité », ce qui d’une certaine façon unifie les deux théories. » Je ne vois pas comment on unifie deux théories qui produisent des résultats très différents, et qui sont donc en toute rigueur incompatibles (votre exemple de l’eau potable et des diamants).]

              « Unifier » était un terme très mal choisi. J’aurais dû dire que par ce biais l’idée d’utilité est bien présente dans la théorie marxiste. Mais vous avez raison, il n’y a pas « d’unification » possible entre les deux théories.

              [« Franchement, j’ai du mal à voir la fonction « organisatrice » du rentier. » Moi non plus. Mais je ne parlais pas du rentier individuel, mais de la classe dominante. Il émerge de l’action des capitalistes une certaine organisation des rapports sociaux, non ?]

              Oui. La question serait de savoir si cette « organisation », qui ne vise qu’à protéger les intérêts d’une minorité, est optimale vis-à-vis de l’ensemble de la société…

              [À ce que j’en ai compris, il s’agissait d’une économie organisée comme une économie de guerre, avec une direction étatique forte de la production et une rhétorique de mobilisation générale. C’est efficace pour développer les grands moyens de production. Mais est-ce viable à long terme, ou seulement en guise d’expérience transitoire ? La déchéance puis l’effondrement des années 70-80 semble montrer que la perpétuation du modèle pose problème.]

              Sans aucun doute. Mais la même chose aurait pu être dite par un observateur du capitalisme qui en 1940 aurait contemplé les conséquences de la crise de 1929. Mon point était qu’on ne peut pas évaluer l’expérience économique que fut l’URSS uniquement à l’aune de son échec des années 1980. On ne peut pas d’ailleurs sérieusement contester que cet « échec » ait pour cause au moins en partie la campagne d’étranglement économique à laquelle le pays a été soumis pendant toute son histoire. Mais il y a aussi, et je ne le nie pas, une question non réglée dans l’expérience soviétique, qui est celle de la régulation. La question du marché est une question que les marxistes devraient prendre à bras le corps. Le marché, lorsque les conditions sont réunies, reste le mode de régulation le plus économique.

              [Mais surtout, le terme « société sans classe » passe sous silence que la société était dirigée et administrée par une fraction de la population (le Parti, les fonctionnaires) qui n’était nullement productive au sens matériel. Les travailleurs étaient-ils vraiment la classe dominante en URSS ? On peut en douter, non ?]

              Une société sans classes n’est pas forcément une société homogène ou parfaitement égalitaire. Je ne suis pas persuadé que le Parti ou la fonction publique soviétique aient formé une « classe » au sens marxiste du terme. Pour commencer, elles ne se sont guère reproduites : les enfants de Rockefeller sont millionnaires, les enfants de Staline n’ont rien eu en héritage.

              [En fait, la notion de « société sans classe » pose la question : comment fait-on pour éviter l’apparition d’une classe dominante, distincte de la classe productive, dans une société à division du travail, alors même que la fonction de direction et de pilotage est *forcément* séparée des fonctions de production ? Par construction, ceux qui exercent les fonctions de direction et de pilotage ont une grande capacité à dominer les autres. Et comme leurs intérêts sont vraisemblablement convergents, ils peuvent constituer une classe qui dominera le reste de la population devenu classe productive.]

              Il suffit d’empêcher que « ceux qui exercent les fonctions de direction et de pilotage » puissent se constituer en classe, c’est-à-dire, qu’ils puissent accumuler un capital qui leur permette d’échapper au travail. Une société sans classe n’est pas nécessairement une société où le pouvoir est également partagé.

              [La question reste de comment mesurer l’utilité, ou même s’il existe une utilité objective. Dans votre société dans classes, comment se fait la répartition des ressources productives entre la production d’eau potable, de diamants, de matériel hospitalier, de télévisions, de fruits et légumes, etc. ?]

              C’est pour moi la grande question. Personnellement, je reste persuadé que le marché est encore le mécanisme de régulation le plus économique et rationnel dans les domaines où les conditions d’un marché pur et parfait sont remplies. Dans les autres domaines, il faut prévoir une régulation administrative.

              [Cela me paraît poser un problème théorique. L’existence de classes est binaire : soit elles existent, soit elles n’existent pas. Comment une fonction fait-elle pour « tendre » vers zéro quand elle ne peut prendre que deux valeurs (zéro et un) ?]

              Si on se place dans une logique binaire, en effet le problème est insoluble. Mais je ne crois pas que la réalité le soit. En fait, je pense que de la même façon qu’il n’existe pas de démocratie parfaite, il n’existe pas de société parfaitement sans classes. Je pense plutôt à un effacement relatif des frontières de classe, à la soustraction progressive de certains champs de l’économie aux règles capitalistes.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [ Le marché, lorsque les conditions sont réunies, reste le mode de régulation le plus économique.]

              Les Chinois l’ont fait. Socialisme de marché.

              Et Bernard Friot aussi accepte la nécessité du marché.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Les Chinois l’ont fait. Socialisme de marché.]

              Jusqu’à un certain point. On peut se demander jusqu’à quel point il s’agit d’un “socialisme” et non un retour pur et simple au capitalisme. On voit quand même se constituer une bourgeoisie qui rétablit les rapports d’exploitation. Cela étant dit, je ne crois pas qu’il y ait des modèles “purs” dans ce monde et les chinois font certainement une expérience intéressante de mariage entre la régulation mercantile et la socialisation des grands moyens de production et d’échange, pour reprendre la formule consacrée.

            • Ian Brossage dit :

              Bonjour @Descartes,

              Encore une réponse dans ce fil…

              > Mais il y a aussi, et je ne le nie pas, une question non réglée dans l’expérience soviétique, qui est celle de la régulation. La question du marché est une question que les marxistes devraient prendre à bras le corps.

              Est-ce que votre analyse, ou votre critique, correspond à celle donnée par Henri Denis (dans son Histoire de la pensée économique) ? J’imagine que vous connaissez…

              > Une société sans classes n’est pas forcément une société homogène ou parfaitement égalitaire. Je ne suis pas persuadé que le Parti ou la fonction publique soviétique aient formé une « classe » au sens marxiste du terme.

              La question est certainement ouverte. Pour ma part, elle en appelle une autre : est-ce que l’élimination des classes est un but en soi (si oui, pourquoi ?), ou est-ce qu’elle est un moyen en vue d’autre chose, et alors quelle est cette autre chose ?

              Si elle est un simple moyen, alors est-ce qu’il n’y a pas d’autres moyens aussi efficaces d’atteindre cet objectif ?

              > Je pense plutôt à un effacement relatif des frontières de classe, à la soustraction progressive de certains champs de l’économie aux règles capitalistes.

              Cela me paraît séduisant. Est-ce que le PCF avait effectué un travail d’élaboration sur ce sujet, au-delà du simple slogan de la nationalisation des grands moyens de production ?

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Est-ce que votre analyse, ou votre critique, correspond à celle donnée par Henri Denis (dans son Histoire de la pensée économique) ? J’imagine que vous connaissez…]

              Non, j’avoue mon ignorance. J’ai lu des articles de Denis, mais pas celui-là.

              [La question est certainement ouverte. Pour ma part, elle en appelle une autre : est-ce que l’élimination des classes est un but en soi (si oui, pourquoi ?), ou est-ce qu’elle est un moyen en vue d’autre chose, et alors quelle est cette autre chose ?]

              Non, bien sûr que non. Le but, c’est d’obtenir une efficacité aussi grande que possible des forces productives. C’est là que se trouve le sens de l’histoire. La société sans classe n’adviendra que parce que la société de classes deviendra à partir d’un certain point un obstacle à l’expansion des forces productives.

              [« Je pense plutôt à un effacement relatif des frontières de classe, à la soustraction progressive de certains champs de l’économie aux règles capitalistes. » Cela me paraît séduisant. Est-ce que le PCF avait effectué un travail d’élaboration sur ce sujet, au-delà du simple slogan de la nationalisation des grands moyens de production ?]

              Oui, il y a très longtemps, lorsque le PCF travaillait au projet du « socialisme aux couleurs de la France ». Au cours de mes déménagements successifs la plupart des papiers que j’ai gardés de cette période se sont perdus, alors je ne peux que parler de mémoire. Il faudrait aller regarder dans les travaux de la commission économie du CC de l’époque, et notamment ceux de Philippe Herzog – c’était avant qu’il ne soit converti à la religion européenne – et de Boccara père… Le Pors avait aussi trempé là dedans, mais plus comme juriste que comme économiste.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [. Il faudrait aller regarder dans les travaux de la commission économie du CC de l’époque, et notamment ceux de Philippe Herzog – c’était avant qu’il ne soit converti à la religion européenne – et de Boccara père… Le Pors ]

              Ce sont encore des grandes figures du parti. J’ai découvert Boccara (père par la lecture, et fils de visu qui est un monsieur très sympathique) et j’y ai trouvé de vraie proposition de dépassement du capitalisme loin des slogans classiques de la gauche : la socialisation qui règle tout les problèmes, le “a bas les classes sociales” qui n’est pas un projet vraiment lisible, etc. Les nouveaux critères de gestion c’est d’une grande intelligence, comme le rôle du crédit bancaire (mais comme beaucoup de chose intelligente on en voie pas facilement la force… ). Même la SEF c’est intéressant…

              Tu penses quoi de tout ces travaux ? (si on met de côté “l’éléphant dans la pièce”, c’est à dire la non sortie de l’euro, de l’UE… On verra si sa change prochainement, y’en a qui y travail de près ou de loin… Il y a d’ailleurs eu a la fête de l’Huma un débat entre Denis Durand et Remi Herrera, ou ce dernier l’a bien coincé sur ces enjeux).

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Ce sont encore des grandes figures du parti. J’ai découvert Boccara (père par la lecture, et fils de visu qui est un monsieur très sympathique) et j’y ai trouvé de vraie proposition de dépassement du capitalisme loin des slogans classiques de la gauche : la socialisation qui règle tout les problèmes, le “a bas les classes sociales” qui n’est pas un projet vraiment lisible, etc. Les nouveaux critères de gestion c’est d’une grande intelligence, comme le rôle du crédit bancaire (mais comme beaucoup de chose intelligente on en voie pas facilement la force… ). Même la SEF c’est intéressant…]

              Tout à fait. Dans les années 1970 et 80 on trouve beaucoup de travaux intéressants, notamment celui sur les nouveaux critères de gestion, ceux sur la gestion du secteur public… par contre, la « sécurité emploi formation » ne vaut pas tripette.

              [(si on met de côté “l’éléphant dans la pièce”, c’est à dire la non sortie de l’euro, de l’UE… On verra si sa change prochainement, y’en a qui y travail de près ou de loin… Il y a d’ailleurs eu a la fête de l’Huma un débat entre Denis Durand et Remi Herrera, ou ce dernier l’a bien coincé sur ces enjeux).]

              La position du PCF était claire en 1992. Depuis, il a suivi les couches sociales qu’il voulait séduire.

  2. CVT dit :

    @Descartes,
    et donc, nous y sommes, dans cette fameuse “société de la connaissance”, celle dont on nous promettait monts et merveilles au début des années 90, alors que nous sacrifiions nos usines et nos industries pour en “précipiter” son avènement. Une société nouvelle, à base de connaissance et surtout de services à la personne, qui avait la vertu d’être sans inertie car sans usines!
    Etrangement, je me rappelle aussi que concomitamment (“et en même temps”, comme dirait aujourd’hui notre cher président de la République😈…) notre élite avait pris soin de mettre l’élève au centre du système éducatif suite à la réforme Jospin-Allègre-Ferry de sinistre mémoire, et ce au détriment de la transmission des savoirs et de la connaissance…
    Je sais que Charlie Hebdo n’est pas vraiment votre tasse de thé, mais du temps où je lisais ce journal, vers la fin des années 90-début 2000, je me rappelle d’un article du regretté François Cavana à propos de cette fameuse “société de la connaissance et des services à la personne” qu’on nous promettait alors: il avait affirmé qu’une société de service, c’était une société de valets, le corollaire étant que ça ne pouvait être une société d’égaux! Et encore, les valets d’antan étaient des domestiques, donc des salariés, contrairement aux prestataires d’Uber et autres Deliveroo, qui ne sont que les loueurs de bras du XXIè siècle.
    D’ailleurs, j’ai du mal à plaindre ces derniers, dont le comportement égoïste à l’égard des autres travailleurs ressemblent étrangement à celui aux briseurs de grèves de jadis: ils permettent à Macron, ses électeurs et ses bailleurs de fonds, bref au fameux “bloc bourgeois”, de légitimer la mise à mort de fait du code du Travail.

    La sentence définitive me hante encore aujourd’hui…

    • Yoann dit :

      [D’ailleurs, j’ai du mal à plaindre ces derniers, dont le comportement égoïste à l’égard des autres travailleurs ressemblent étrangement à celui aux briseurs de grèves de jadis]

      C’était une remarque d’un syndicaliste à une conférence sur le travail : malgré les difficultés rencontrés par ces tâcherons, ils préfèrent bosser avec comme patron une application qu’une vraie personne… On peut aussi accuser le système de briser par nature la solidarité entre travailleurs (déjà que des gens en CDI ne font pas grève !).

      Sans forcément mépriser, il faut le noter. Les débats sur l’autogestion ne date pas d’aujourd’hui et sont peut être à réactualiser ?

      • Descartes dit :

        @ Yoann

        [Sans forcément mépriser, il faut le noter. Les débats sur l’autogestion ne date pas d’aujourd’hui et sont peut être à réactualiser ?]

        Je ne vois pas très bien ce que vient faire l’autogestion là dedans. L’autogestion, ce sont les travailleurs gérant collectivement la production, ce n’est pas chaque travailleur gérant de façon autonome son travail. Par ailleurs, je ne sais pas s’il faut réactualiser ces débats. Après un demi-siècle de discussions, les partisans de l’autogestion ne sont toujours pas arrivés à définir clairement le concept…

  3. VIO59 dit :

    Hélas d’accord avec vous sur le fond, mais comme vous recherchez plutôt les contradicteurs (ce n’est pas un reproche, j’ai le même défaut que vous) je ferai 3 observations :
    1) ” l’agence publique qui, comme son nom ne l’indique plus, est censée chercher à équilibrer au mieux l’offre et la demande de travail”
    Elle n’a jamais eu ce pouvoir, il lui faudrait pour cela le statut d’employeur en dernier ressort autorisé à recruter sans limite.
    2) Pôle Emploi qui n’a pas d’emploi à fournir aux chômeurs qui cherchent un patron, et leur propose à la place de devenir leur propres patrons (cela n’est pas nouveau, cela date de Giscard) c’est comme une agence matrimoniale qui dirait : “Monsieur vous cherchez une femme mais nous n’avons pas, alors nous vous proposons de faire la femme vous-même et de rencontrer un autre homme”
    3) Pôle Emploi qui menace de sanctions les chômeurs qui ne justifient pas de “démarches actives de recherche d’emploi” c’est comme une agence immobilière qui vous demanderait de faire son travail à sa place et de chercher vous-même votre futur appartement.

    Que des aberrations aussi grossières passent comme lettres à la poste depuis plus de 40 ans illustre bien le pouvoir corrosif, profondément destructeur du chômage de masse.

    • Descartes dit :

      @ VIO59

      [1) ” l’agence publique qui, comme son nom ne l’indique plus, est censée chercher à équilibrer au mieux l’offre et la demande de travail” Elle n’a jamais eu ce pouvoir, il lui faudrait pour cela le statut d’employeur en dernier ressort autorisé à recruter sans limite.]

      Absolument pas. Pôle Emploi est censée chercher à équilibrer au mieux l’offre et la demande créée par les acteurs privés – par exemple en portant à la connaissance des demandeurs les offres des employeurs, ou en présentant aux employeurs les profils disponibles. Mais elle n’a pas pour mission de créer artificiellement de l’offre ou de la demande de travail pour parer au déséquilibre.

      [2) Pôle Emploi qui n’a pas d’emploi à fournir aux chômeurs qui cherchent un patron, et leur propose à la place de devenir leur propres patrons (cela n’est pas nouveau, cela date de Giscard) c’est comme une agence matrimoniale qui dirait : “Monsieur vous cherchez une femme mais nous n’avons pas, alors nous vous proposons de faire la femme vous-même et de rencontrer un autre homme”]

      Non, pas tout à fait. Pôle Emploi, comme son nom l’indique, a pour fonction de faire en sorte que ses usagers trouvent un emploi – c’est-à-dire, une situation ou leur force de travail est utilisé et rémunérée. Ce n’est pas « Pôle Salariat », c’est « Pôle Emploi ».

      [3) Pôle Emploi qui menace de sanctions les chômeurs qui ne justifient pas de “démarches actives de recherche d’emploi” c’est comme une agence immobilière qui vous demanderait de faire son travail à sa place et de chercher vous-même votre futur appartement.]

      La non plus, la comparaison n’est pas bien choisie. Parce que l’inscription à Pôle Emploi vous permet de bénéficier d’une indemnisation. Une agence qui vous payerait l’hôtel avec de l’argent public le temps de trouver un logement aurait bien le droit d’exiger que vous justifiez de vos recherches. Pourquoi l’argent des cotisants devrait servir à aider ceux qui ne font aucun effort pour s’aider eux-mêmes ?

      [Que des aberrations aussi grossières passent comme lettres à la poste depuis plus de 40 ans illustre bien le pouvoir corrosif, profondément destructeur du chômage de masse.]

      Je ne sais pas à quelles « aberrations grossières » vous faites référence. Le chômage de masse a certainement un effet corrosif. Mais ce n’est pas Pôle Emploi qui est à l’origine du chômage de masse. La cause en est l’ouverture des frontières à la circulation des capitaux et des marchandises, qui a permis de délocaliser massivement les productions, supprimant du même coup les emplois dans la production pour les recréer dans les pays à faible coût de main d’œuvre. A cela s’ajoutent les politiques libérales dans un pays ou le patronat est notoirement frileux à l’heure d’investir dans la modernisation de l’outil de production et la recherche lorsque l’Etat ne porte pas le projet. On ne peut reprocher à une agence d’essayer de vider un lac avec une cuiller alors que c’est le seul outil dont elle dispose.

      • VIO59 dit :

        Aucun déséquilibre n’a jamais été corrigé du seul fait qu’il avait été précisément mesuré par un tiers impartial et les résultats dûment communiqués à tous les intéressés. D’ailleurs on est quasiment d’accord : “Mais elle n’a pas pour mission de créer artificiellement de l’offre ou de la demande de travail pour parer au déséquilibre.” Donc elle ne peut pas équilibrer.

        “Parce que l’inscription à Pôle Emploi vous permet de bénéficier d’une indemnisation.”

        C’est une condition presque toujours nécessaire, jamais suffisante. La moitié des chômeurs inscrits à Pôle Emploi n’ont droit à aucune indemnisation.

        “Une agence qui vous payerait l’hôtel avec de l’argent public le temps de trouver un logement aurait bien le droit d’exiger que vous justifiez de vos recherches.”

        Vous raisonnez comme si le fait de pointer à Pôle Emploi n’était pas en soi une démarche positive de recherche d’emploi. Ce point de vue est encore plus choquant de la part de Pôle Emploi, l’organisme chargé officiellement de trouver du travail au chômeurs.

        “Pourquoi l’argent des cotisants devrait servir à aider ceux qui ne font aucun effort pour s’aider eux-mêmes ?”

        C’est un faux problème puisqu’un chômeur qui refuse 2 offres “raisonnables” successivement est radié de Pôle Emploi. Si Pôle Emploi vous dit qu’il n’y a rien, pourquoi ne pas le croire ? Que peut encore vouloir dire “s’aider soi-même” dans ces conditions ?

        La réponse de Pôle Emploi (du temps où elle s’appelait ANPE en tout cas) est édifiante. J’ai eu des brochures ANPE en main qui m’expliquaient que 2 emplois sur 3 n’étaient pas publiés (c’était d’ailleurs illégal à l’époque), et que pour y accéder il fallait absolument “cultiver ses réseaux” En bon français : trouver des pistons !

        Accessoirement, et encore plus scandaleux, l’ANPE mettait en garde contre les concours de la FPT, au motif (juridiquement faux, mais factuellement exact) qu’il fallait avoir déjà trouvé un poste pour pouvoir ensuite faire valider le concours qui permet d’être titularisé au grade correspondant.

        • Descartes dit :

          @ VIO59

          [Aucun déséquilibre n’a jamais été corrigé du seul fait qu’il avait été précisément mesuré par un tiers impartial et les résultats dûment communiqués à tous les intéressés.]

          C’est inexact. Si vous regardez l’histoire économique, vous verrez que l’un des grands problèmes a toujours été de mettre en relation ceux qui offraient un bien et ceux qui étaient prêts à l’acheter. Car comment voulez-vous équilibrer un marché si ceux qui peuvent produire ne savent pas qui est prêt à acheter, et ceux qui sont prêts à acheter ne savent pas qui peut leur vendre ? C’est toute l’histoire de la création de lieux géographiques où un « tiers impartial » recensait les offres et les demandes et fixait un prix de manière à maximiser les quantités échangées. Ces lieux, ce sont les « bourses », les « échanges » et autres institutions de ce type. Certaines survivent encore aujourd’hui : ce ne sont bien entendu plus des « lieux géographiques » définis… mais ils gardent cette fonction de « tiers impartial » dont la mission est de faire se rencontrer l’offre et la demande.

          [“Une agence qui vous payerait l’hôtel avec de l’argent public le temps de trouver un logement aurait bien le droit d’exiger que vous justifiez de vos recherches.” Vous raisonnez comme si le fait de pointer à Pôle Emploi n’était pas en soi une démarche positive de recherche d’emploi.]

          Parce que je ne pense pas que ce soit le cas. Aller à Pôle emploi tous les jours pour examiner les nouvelles offres, cela peut être considéré comme une « démarche positive de recherche ». Mais le fait d’aller pointer – c’est-à-dire, de répondre à une convocation dont le but est purement de vérifier que la personne est toujours à la recherche d’un emploi – n’en est pas.

          [Ce point de vue est encore plus choquant de la part de Pôle Emploi, l’organisme chargé officiellement de trouver du travail au chômeurs.]

          Je vous prie de m’indiquer où il est écrit que Pôle Emploi est « chargé de trouver du travail aux chômeurs ». Et je trouverais cela assez choquant. Cela reviendrait à réduire les chômeurs à un rôle purement passif, puisque ce n’est plus le chômeur qui trouve du travail, mais une agence officielle qui trouve le travail pour lui. A ma connaissance, la mission de Pôle Emploi est D’AIDER les chômeurs à trouver du travail, et non pas de leur trouver du travail à leur place.

          [“Pourquoi l’argent des cotisants devrait servir à aider ceux qui ne font aucun effort pour s’aider eux-mêmes ?” C’est un faux problème puisqu’un chômeur qui refuse 2 offres “raisonnables” successivement est radié de Pôle Emploi.]

          Je ne saisis pas le rapport. Il me semble parfaitement normal de demander aux gens qui prétendent bénéficier de la solidarité collective de s’aider eux-mêmes, c’est-à-dire, de chercher à trouver du travail. Et cela indépendamment de ce que Pôle Emploi peut ou non proposer. Autant je suis un ferme partisan de la solidarité collective, autant je ne veux pas vivre dans une société d’assistés ou des organismes publics sont censés trouver un logement, un travail, une école et ainsi de suite à ceux qui ne font aucun effort.

          [Si Pôle Emploi vous dit qu’il n’y a rien, pourquoi ne pas le croire ?]

          Pôle Emploi peut tout au plus vous dire qu’ils n’ont rien trouvé pour vous. Mais ils peuvent difficilement affirmer que « il n’y a rien ». Pôle Emploi n’est pas omniscient, que je sache.

          [Que peut encore vouloir dire “s’aider soi-même” dans ces conditions ?)

          Envoyer des CV. Passer des coups de téléphone. Chercher des tuyaux chez des collèges. Pôle Emploi n’a pas forcément la totalité de l’information disponible.

          [La réponse de Pôle Emploi (du temps où elle s’appelait ANPE en tout cas) est édifiante. J’ai eu des brochures ANPE en main qui m’expliquaient que 2 emplois sur 3 n’étaient pas publiés (c’était d’ailleurs illégal à l’époque), et que pour y accéder il fallait absolument “cultiver ses réseaux” En bon français : trouver des pistons !]

          Pas nécessairement des « pistons ». Souvent le simple fait de savoir qu’un poste se libère avant que l’employeur ait choisi le remplaçant peut vous donner une opportunité, et cela sans avoir le moindre « piston » ou traitement préférentiel. Il y a des métiers où la recherche de candidats se fait par réseau, et les postes ne sont jamais publiés ou bien publiés après que l’heureux élu est choisi lorsque la publication est obligatoire. Et il y a finalement certains métiers – c’est courant dans l’artisanat ou les métiers très spécialisés – où l’embauche se fait par connaissance et recommandation.

          Il faut arrêter de faire croire aux gens qu’il suffit d’attendre sagement assis que les cailles leur tombent toutes rôties dans le bec. Il ne me semble pas déraisonnable de conseiller aux gens de cultiver leurs rapports avec leurs supérieurs, leurs collègues, leurs voisins, dans une perspective professionnelle. Dans le monde réel, c’est comme ça qu’on trouve du boulot – et qu’on dégote les bons boulots – et cela est aussi vrai pour le polytechnicien que pour le balayeur. Pôle Emploi serait bien hypocrite s’il racontait aux chômeurs qu’ils n’ont qu’à attendre que les offres viennent toutes seules.

          [Accessoirement, et encore plus scandaleux, l’ANPE mettait en garde contre les concours de la FPT, au motif (juridiquement faux, mais actuellement exact) qu’il fallait avoir déjà trouvé un poste pour pouvoir ensuite faire valider le concours qui permet d’être titularisé au grade correspondant.]

          Je ne savais pas que l’ANPE décourageait les gens de passer un concours, quel qu’il soit d’ailleurs. Je ne vois pas trop leur intérêt à agir de la sorte. Tout au plus, j’imagine qu’on avertissait les candidats qu’aux termes du statut de la FPT (et c’est factuellement mais aussi juridiquement exact) la réussite au concours ne garantit nullement un travail. Il faut en effet qu’une collectivité décide de vous embaucher dans les deux ans qui suivent le concours, sans quoi vous perdez le bénéfice de celui-ci.

          • VIO59 dit :

            En ce qui concerne le tiers impartial chargé de faire se rencontrer l’offre et la demande : comme vous le faites remarquer cela existait avant Pôle Emploi avec les bourses du travail, il n’y avait donc aucune carence de l’initiative privée. Cette mission ne suffit donc pas à justifier l’existence de Pôle Emploi.

            Renouveler son inscription à Pôle Emploi (“pointer”) ce n’est pas seulement reconnaître qu’on n’a toujours pas trouvé de travail, c’est attester qu’on n’a pas renoncé à en trouver un. Or à l’époque où je fréquentais cet organisme la loi imposait aux employeurs de déclarer toutes les offres à l’ANPE. Et au lieu de faire quoi que ce soit contre les patrons hors-la-loi l’ANPE incitait les chômeurs à jouer leur jeu, j’espère que vous comprendrez que j’ai été horrifié quand j’ai compris cela.

            “Je vous prie de m’indiquer où il est écrit que Pôle Emploi est « chargé de trouver du travail aux chômeurs ». Et je trouverais cela assez choquant. Cela reviendrait à réduire les chômeurs à un rôle purement passif, puisque ce n’est plus le chômeur qui trouve du travail, mais une agence officielle qui trouve le travail pour lui. ”

            L’ANPE était officiellement dépositaire de toutes les offres d’emplois légalement déposées par les patrons respectueux de la loi. Cette agence n’avait donc aucune légitimité à exiger de moi que j’aille chercher ailleurs. Bien sûr je le faisais quand même, et même, à quelques jours près, si je n’avais pas trouvé un piston au dernier moment, j’aurai perdu le premier concours de la FPT que j’ai réussi (catégorie C, entretemps j’ai aussi réussi la catégorie A, mais là, pas assez de piston… j’ai perdu le bénéfice de ma réussite au concours d’attaché.)

            Je reste néanmoins scandalisé par la prétention de Pôle Emploi à vérifier périodiquement si j’avais bien entrepris des démarches pour trouver du travail sans passer par eux, c’est-à-dire illégalement. Il s’agissait bien entendu d’une question de principe de ma part, je ne risquais aucune sanction.

            En effet il y avait une page pour les commentaires, et je ne me suis jamais privé de leur demander si tenter et réussir un concours de la fonction publique cela leur suffisait comme démarche positive de recherche d’emploi, et s’ils comptaient faire quelque chose contre les collectivités territoriales qui déclarent des postes aux concours sans aucune intention de recruter un lauréat du concours.

            Ils se gardaient bien de me répondre autre chose que “après examen de votre dossier, votre indemnisation est reconduite pour une nouvelle période de …”

            “Autant je suis un ferme partisan de la solidarité collective, autant je ne veux pas vivre dans une société d’assistés ou des organismes publics sont censés trouver un logement, un travail, une école et ainsi de suite à ceux qui ne font aucun effort.”

            Pour le logement, c’est bien l’état qui est responsable de la pénurie, non ? L’état organise une terrible pénurie en envoyant la force publique détruire les logements construits sans permis, sans jamais se soucier de savoir si les règlements d’urbanisme autorisent un nombre de logements suffisant pour satisfaire les besoins de la population, et il n’aurait aucun compte à rendre aux victimes de ce crime ?

            Pour l’école, je croyais aussi que c’était l’état qui l’avait rendue obligatoire.

            “Souvent le simple fait de savoir qu’un poste se libère avant que l’employeur ait choisi le remplaçant peut vous donner une opportunité, et cela sans avoir le moindre « piston » ou traitement préférentiel. ”

            Dans la finance on appelle cela un délit d’initié, parce que c’est déloyal vis-à-vis des autres.

            “Il y a des métiers où la recherche de candidats se fait par réseau, et les postes ne sont jamais publiés ou bien publiés après que l’heureux élu est choisi lorsque la publication est obligatoire.”

            En droit administratif on appelle cela un détournement de procédure.

            “Il faut arrêter de faire croire aux gens qu’il suffit d’attendre sagement assis que les cailles leur tombent toutes rôties dans le bec.”

            Qui le croit ? Certainement pas ceux qui se désespèrent de ne pas avoir de piston.

            “Tout au plus, j’imagine qu’on avertissait les candidats qu’aux termes du statut de la FPT (et c’est factuellement mais aussi juridiquement exact) la réussite au concours ne garantit nullement un travail. Il faut en effet qu’une collectivité décide de vous embaucher dans les deux ans qui suivent le concours, sans quoi vous perdez le bénéfice de celui-ci.”

            C’est pire que vous imaginez. Quand une collectivité déclare un poste vacant, celui-ci est mis au concours suivant. Si la collectivité refuse d’embaucher un lauréat du concours et se contente de reconduire le contrat de celui qui occupait le poste et n’a pas réussi le concours (voire ne l’a pas tenté) elle condamne mécaniquement un lauréat à en perdre le bénéfice (au bout de 4 ans maintenant, mais cela n’a rien changé)

            C’est pour cela que l’ANPE décourageait ceux qui n’étaient pas déjà en poste (sans concours, donc forcément par piston) de tenter les concours de la FPT.

            • Descartes dit :

              @ VIO59

              [En ce qui concerne le tiers impartial chargé de faire se rencontrer l’offre et la demande : comme vous le faites remarquer cela existait avant Pôle Emploi avec les bourses du travail, il n’y avait donc aucune carence de l’initiative privée. Cette mission ne suffit donc pas à justifier l’existence de Pôle Emploi.]

              Cela existait, mais était très inefficace. Les bourses du travail, par exemple, ne fonctionnaient qu’au niveau local. Lorsqu’une région était en crise alors qu’une autre était en expansion, il n’était pas possible aux chômeurs de l’une d’avoir connaissance des offres dans l’autre. L’ANPE a été créée pour permettre une rencontre de l’offre et la demande au niveau national.

              [Renouveler son inscription à Pôle Emploi (“pointer”) ce n’est pas seulement reconnaître qu’on n’a toujours pas trouvé de travail, c’est attester qu’on n’a pas renoncé à en trouver un. Or à l’époque où je fréquentais cet organisme la loi imposait aux employeurs de déclarer toutes les offres à l’ANPE. Et au lieu de faire quoi que ce soit contre les patrons hors-la-loi l’ANPE incitait les chômeurs à jouer leur jeu, j’espère que vous comprendrez que j’ai été horrifié quand j’ai compris cela.]

              Bienvenu au monde réel… On peut toujours rêver d’un monde idéal. Mais l’ANPE se trouvait à devoir gérer un marché réel, dans lequel les acteurs ne respectaient pas nécessairement les règles. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a.

              [L’ANPE était officiellement dépositaire de toutes les offres d’emplois légalement déposées par les patrons respectueux de la loi. Cette agence n’avait donc aucune légitimité à exiger de moi que j’aille chercher ailleurs. Bien sûr je le faisais quand même,]

              En d’autres termes, vous faisiez preuve de pragmatisme mais vous reprochez à l’ANPE de faire de même ?

              [“Autant je suis un ferme partisan de la solidarité collective, autant je ne veux pas vivre dans une société d’assistés ou des organismes publics sont censés trouver un logement, un travail, une école et ainsi de suite à ceux qui ne font aucun effort.” Pour le logement, c’est bien l’état qui est responsable de la pénurie, non ?

              [L’état organise une terrible pénurie en envoyant la force publique détruire les logements construits sans permis, sans jamais se soucier de savoir si les règlements d’urbanisme autorisent un nombre de logements suffisant pour satisfaire les besoins de la population, et il n’aurait aucun compte à rendre aux victimes de ce crime ?]

              Là, vous mélangez tout. Les règlements d’urbanisme sont là pour organiser et préserver le tissu urbain et les espaces naturels. Faut-il autoriser la construction de tours de trente étages dans le Paris historique ou le bétonnage du littoral au prétexte que les besoins de la population en logements ne sont pas satisfaits ? En fait, ce ne sont pas les « règlements d’urbanisme » qui posent problème, mais la problématique d’aménagement du territoire. Il y a des logements en suffisance, mais ils ne sont pas situés au bon endroit.

              [Pour l’école, je croyais aussi que c’était l’état qui l’avait rendue obligatoire.]

              C’est l’Etat qui a rendu l’assurance voiture et la ceinture de sécurité obligatoire. Et à ma connaissance. Pensez-vous que c’est à l’Etat de vous trouver une assurance qui vous convienne et de réparer la ceinture de sécurité de votre voiture si elle venait à casser ?

              [“Souvent le simple fait de savoir qu’un poste se libère avant que l’employeur ait choisi le remplaçant peut vous donner une opportunité, et cela sans avoir le moindre « piston » ou traitement préférentiel. ” Dans la finance on appelle cela un délit d’initié, parce que c’est déloyal vis-à-vis des autres.]

              Pas tout à fait. Le délit d’initié consiste pour une personne qui en raison de ses fonctions a accès à des informations confidentielles et privilégiées à les utiliser pour un gain financier. Il ne s’agit pas dans mon exemple d’avoir accès à une information confidentielle, mais d’avoir accès plus rapidement que les autres à une information publique.

              [“Il y a des métiers où la recherche de candidats se fait par réseau, et les postes ne sont jamais publiés ou bien publiés après que l’heureux élu est choisi lorsque la publication est obligatoire.” En droit administratif on appelle cela un détournement de procédure.]

              Peut-être. Mais c’est comme ça que le monde fonctionne. Je n’ai pas fait le monde comme il l’est, j’essaye juste de vivre dedans…

              [“Il faut arrêter de faire croire aux gens qu’il suffit d’attendre sagement assis que les cailles leur tombent toutes rôties dans le bec.” Qui le croit ? Certainement pas ceux qui se désespèrent de ne pas avoir de piston.]

              Plein de gens, malheureusement. Combien de jeunes j’ai vu passer en entretien qui s’attendent encore à ce que l’institution s’adapte à leurs exigences et pas l’inverse…

            • VIO59 dit :

              “Bienvenu au monde réel… On peut toujours rêver d’un monde idéal. Mais l’ANPE se trouvait à devoir gérer un marché réel, dans lequel les acteurs ne respectaient pas nécessairement les règles. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a.”

              Les acteurs ? L’ANPE n’a jamais cessé de sanctionner les chômeurs qui ne respectent pas les règles, mais toujours pas commencé à sanctionner les employeurs dans le même cas.

              “Faut-il autoriser la construction de tours de trente étages dans le Paris historique ou le bétonnage du littoral au prétexte que les besoins de la population en logements ne sont pas satisfaits ?”

              Oui.

              (et je dirais la même chose s’il était question d’autoriser de nouvelles surfaces à la culture pour combattre une famine)

              On ne peut raconter aux français qu’ils sont à la fois trop nombreux et pas assez. Il faut choisir entre une politique familiale nataliste et une politique d’urbanisme malthusienne, mais avoir les deux en même temps nous conduit à la catastrophe.

              Déjà la rareté et la cherté du logement constituent un handicap de compétitivité majeur pour notre économie, le plus ancien d’ailleurs puisqu’il s’est manifesté dès la fin des années 1970, et le seul qui ne soit pas encore gravé dans le marbre des traités européens ni prescrit par les GOPE que nous adresse chaque année la commission européenne.

              “En fait, ce ne sont pas les « règlements d’urbanisme » qui posent problème, mais la problématique d’aménagement du territoire. Il y a des logements en suffisance, mais ils ne sont pas situés au bon endroit.”

              Évidemment puisqu’on n’a pas le droit de construire au bon endroit. Le promoteur construit là où il ne faut pas parce qu’il n’a pas le droit de construire là où il faut, et si l’acheteur s’en inquiète il répond c’est pas grave, c’est défiscalisé.

              Mais mon propos était ailleurs. Comment peut-on accepter que Pôle Emploi (entre autres) continue d’appliquer aux chômeurs une injonction de mobilité professionnelle drastique alors que la mobilité résidentielle est devenue taboue ? Le devoir de mobilité professionnelle sans droit à la mobilité résidentielle c’est le marteau et l’enclume.

              J’ajouterai que les normes d’urbanisme malthusiennes, qui chassent les classes populaires et moyennes très loin de la ville et de ses emplois, sont à mon avis l’outil principal utilisé par ce que vous appelez les classes intermédiaires pour protéger leurs enfants de la concurrence des enfants du peuple sur le marché du travail.

              Même le sabotage de l’enseignement dispensé par les écoles et les collèges des quartiers populaires ne servirait à rien si les élèves concernés n’y étaient pas impitoyablement relégués sous prétexte qu’on ne va quand même pas construire des tours de HLM à Paris.

              “Plein de gens, malheureusement. Combien de jeunes j’ai vu passer en entretien qui s’attendent encore à ce que l’institution s’adapte à leurs exigences et pas l’inverse…”

              C’est normal, moi aussi très jeune je croyais naïvement le discours officiel selon lequel l’ANPE était à l’écoute des chômeurs et des employeurs sur un pied d’égalité, mais j’ai vite perdu cette illusion.

              Pour un candidat qui est arrivé jusqu’à l’oral d’un concours de la fonction publique (je suppose que c’est ce à quoi vous faites allusion) une telle naïveté me semble plus étonnante, en effet.

            • Descartes dit :

              @ VIO59

              [Les acteurs ? L’ANPE n’a jamais cessé de sanctionner les chômeurs qui ne respectent pas les règles, mais toujours pas commencé à sanctionner les employeurs dans le même cas.]

              Je vois mal quels sont les moyens de sanction dont dispose l’ANPE à l’égard des employeurs. Pourriez-vous développer ?

              Soyez réaliste : l’ANPE travaille dans un contexte où il y a excès de l’offre de travail sur la demande. Il faut donc choyer les demandeurs, et décourager les offreurs. Quand le marché était déséquilibré dans le sens inverse, les services de la main d’œuvre choyaient les employés et rudoyaient les employeurs.

              [“Faut-il autoriser la construction de tours de trente étages dans le Paris historique ou le bétonnage du littoral au prétexte que les besoins de la population en logements ne sont pas satisfaits ?” Oui.]

              Et bien, de toute évidence nous n’avons pas les mêmes priorités. Vous pensez dans le temps court des besoins individuels, je pense dans le temps long des besoins collectifs. Oui, je sais, je suis démodé mais je ne pense pas qu’il faille transformer le château de Versailles en HLM ou couper les chênes de la forêt de Fontainebleau parce que les gens ont besoin de meubles.

              [On ne peut raconter aux français qu’ils sont à la fois trop nombreux et pas assez. Il faut choisir entre une politique familiale nataliste et une politique d’urbanisme malthusienne, mais avoir les deux en même temps nous conduit à la catastrophe.]

              Je pense surtout que cela pèche du côté de l’aménagement du territoire. L’abandon des territoires périphériques et la concentration des services publics dans les métropoles accentue le phénomène de désertification d’un côté, de densification de l’autre. En d’autres termes, il y a largement assez de logements pour tout le monde, mais ils ne sont pas placés aux bons endroits. J’ajoute qu’on peut s’interroger aussi sur la demande : alors que nos parents et grands-parents se contentaient d’un deux pièces cuisine pour une famille de quatre personnes, on exige aujourd’hui que chacun ait sa chambre. Les surfaces disponibles par personne ont explosé dans Paris et dans les grandes villes. Je veux bien que chacun ait droit à un logement décent, mais la « décence » n’inclut pas 80 m2 à Paris pour une famille de quatre personnes. Une manière de multiplier les logements dans les zones denses, c’est de réduire la taille des logements…

              J’ajoute que bien plus que les règles d’urbanisme, ce sont les aides à la pierre qui contribuent à rendre le coût du logement prohibitif. En effet, dans un marché à offre limitée, la subvention à l’achat n’a d’autre effet que faire monter les prix. Les crédits bon marché n’aident pas les gens à accéder à la propriété, au contraire : ce sont les propriétaires vendeurs qui empochent la différence puisque le crédit bon marché augmente la demande, donc les prix des logements…

              [Déjà la rareté et la cherté du logement constituent un handicap de compétitivité majeur pour notre économie, le plus ancien d’ailleurs puisqu’il s’est manifesté dès la fin des années 1970, et le seul qui ne soit pas encore gravé dans le marbre des traités européens ni prescrit par les GOPE que nous adresse chaque année la commission européenne.]

              Je ne vois pas pourquoi la rareté et la cherté du logement seraient un « handicap à la compétitivité ». Ce serait plutôt l’inverse : les régions les plus compétitives sont généralement celles qui ont le logement le plus cher. Si votre théorie était exacte, on verrait un déplacement des activités économiques vers les régions où le logement est bon marché, puisqu’elles seraient toutes choses égales par ailleurs dotées d’un avantage compétitif « majeur ». Trouvez-vous que ce soit le cas ?

              [“En fait, ce ne sont pas les « règlements d’urbanisme » qui posent problème, mais la problématique d’aménagement du territoire. Il y a des logements en suffisance, mais ils ne sont pas situés au bon endroit.” Évidemment puisqu’on n’a pas le droit de construire au bon endroit.]

              Pardon, mais c’est quoi pour vous « le bon endroit » ?

              [Mais mon propos était ailleurs. Comment peut-on accepter que Pôle Emploi (entre autres) continue d’appliquer aux chômeurs une injonction de mobilité professionnelle drastique alors que la mobilité résidentielle est devenue taboue ? Le devoir de mobilité professionnelle sans droit à la mobilité résidentielle c’est le marteau et l’enclume.]

              Il ne faut pas exagérer. La mobilité résidentielle est devenue difficile vers Paris ou Lyon. Mais le logement est encore très bon marché dans des villes comme Nantes, Rennes ou Marseille qui pourtant sont dynamiques.

              [J’ajouterai que les normes d’urbanisme malthusiennes, qui chassent les classes populaires et moyennes très loin de la ville et de ses emplois, sont à mon avis l’outil principal utilisé par ce que vous appelez les classes intermédiaires pour protéger leurs enfants de la concurrence des enfants du peuple sur le marché du travail.]

              Je ne le crois pas. Dans les pays comme les Etats-Unis, dont les règles d’urbanisme que vous qualifiez de « malthusiennes » sont faibles ou inexistantes, on observe l’effet inverse : les pauvres restent en centre-ville, et ceux-ci se vident des classes intermédiaires qui préfèrent s’installer dans des quartiers « protégés » en périphérie. Ce qui tend à montrer que les politiques d’urbanisme « malthusiennes » changent la manière dont la ségrégation se fait, mais pas sa nature.

              [Même le sabotage de l’enseignement dispensé par les écoles et les collèges des quartiers populaires ne servirait à rien si les élèves concernés n’y étaient pas impitoyablement relégués sous prétexte qu’on ne va quand même pas construire des tours de HLM à Paris.]

              Si vous laissez construire des tours HLM à Paris permettant aux enfants d’origine modeste d’aller dans les meilleurs lycées, les classes intermédiaires déserteront Paris pour migrer vers Versailles ou Saint-Germain en Laye par exemple, pour rester entre eux. Et les emplois et les activités économiques les suivront. C’est ce qu’on observe aux Etats-Unis : des villes pauvres et des banlieues riches. Quand il y a une volonté de rester « entre soi », ce n’est pas l’urbanisme qui peut la contrer.

              [“Plein de gens, malheureusement. Combien de jeunes j’ai vu passer en entretien qui s’attendent encore à ce que l’institution s’adapte à leurs exigences et pas l’inverse…” C’est normal, moi aussi très jeune je croyais naïvement le discours officiel selon lequel l’ANPE était à l’écoute des chômeurs et des employeurs sur un pied d’égalité, mais j’ai vite perdu cette illusion.]

              Vous devriez remercier l’ANPE de vous avoir appris cette leçon. Elle vous aura servi toute la vie…

              [Pour un candidat qui est arrivé jusqu’à l’oral d’un concours de la fonction publique (je suppose que c’est ce à quoi vous faites allusion) une telle naïveté me semble plus étonnante, en effet.]

              Je ne pensais pas seulement aux concours de la fonction publique, mais aux entretiens d’embauche dans l’industrie, mais j’imagine que c’est un peu la même chose. J’ai beaucoup moins d’expérience de jury de concours… mais celle que j’ai confirme largement ce que j’ai pu observer ailleurs.

            • VIO59 dit :

              “Je vois mal quels sont les moyens de sanction dont dispose l’ANPE à l’égard des employeurs. Pourriez-vous développer ?”

              Certes la loi ne donne aucun moyen direct de les sanctionner, mais pourquoi ne pas tout simplement taper du poing sur la table ? Publier par exemple une liste noire des employeurs avec lesquels l’ANPE refusera désormais de travailler parce que leurs offres sont bidons, pourvues avant d’être publiées, faisant perdre du temps et donnant de faux espoirs aux chômeurs ? (quel poison, l’espoir !) Même pas, jamais.

              “Et bien, de toute évidence nous n’avons pas les mêmes priorités. Vous pensez dans le temps court des besoins individuels, je pense dans le temps long des besoins collectifs.”

              Quand on parle de nourriture ou de logement je ne vois pas comment on peut opposer besoins individuels et collectifs, temps court et temps long. Ce sont des besoins vitaux qui doivent être satisfaits chaque jour, à l’échelle individuelle et collective, sous peine de créer des générations qui seront déclarées inemployables ultérieurement. Il y a des millions de banlieusards qui s’écroulent, épuisés, chaque soir après des trajets démentiels, et n’ont jamais le temps de s’occuper de leurs enfants. Ces derniers en pâtiront plus tard. Et les jeunes qui ont dormis dehors pendant des années en gardent souvent des séquelles telles que même si le plein emploi revenait ils ne pourraient pas en profiter.

              “alors que nos parents et grands-parents se contentaient d’un deux pièces cuisine pour une famille de quatre personnes, on exige aujourd’hui que chacun ait sa chambre.”

              Mais à l’époque il n’était pas nécessaire de faire de longues études, on pouvait même trouver du travail sans savoir lire ni écrire. La condition de nos grand-parents que vous décrivez est toujours celle de nombreuses familles en banlieue. Les grands traînent dehors très tard, en dépit des couvre-feux, pour que les petits puissent faire leurs devoirs tranquillement, mais le résultat est quand même désolant.

              “J’ajoute que bien plus que les règles d’urbanisme, ce sont les aides à la pierre qui contribuent à rendre le coût du logement prohibitif. En effet, dans un marché à offre limitée, la subvention à l’achat n’a d’autre effet que faire monter les prix.”

              Bien d’accord. Et malheureusement c’est vrai aussi pour les loyers. Tant qu’on n’aura pas le droit de construire le plus gros des APL sera empoché par les propriétaires.

              “Je ne vois pas pourquoi la rareté et la cherté du logement seraient un « handicap à la compétitivité ». Ce serait plutôt l’inverse : les régions les plus compétitives sont généralement celles qui ont le logement le plus cher. Si votre théorie était exacte, on verrait un déplacement des activités économiques vers les régions où le logement est bon marché, puisqu’elles seraient toutes choses égales par ailleurs dotées d’un avantage compétitif « majeur ». Trouvez-vous que ce soit le cas ?”

              Oui, c’est même à mon avis le secret principal de la compétitivité allemande, qui était déjà meilleure que la notre avant l’Euro. Le paradoxe vient de deux relations de causalité différentes : la compétitivité fait monter les prix du logement, la montée des prix freine l’essor de la compétitivité, et quand on n’a pas le droit de construire cela conduit à un équilibre non optimal (comme l’équilibre de sous-emploi de Keynes) Le point qui me paraît capital c’est qu’en cas de pénurie de logements les ménages sont obligés de consacrer à leurs loyers une part de leur revenu telle que la demande adressée au reste de l’économie est déprimée, au détriment de l’activité et de l’emploi.

              “Pardon, mais c’est quoi pour vous « le bon endroit » ?”

              Cela me semblait évident, il faut construire en priorité là où le besoin est le plus urgent. Par exemple là où la liste d’attente pour les HLM est la plus longue.

              “Il ne faut pas exagérer. La mobilité résidentielle est devenue difficile vers Paris ou Lyon. Mais le logement est encore très bon marché dans des villes comme Nantes, Rennes ou Marseille qui pourtant sont dynamiques.”

              Au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Non, le logement n’est pas bon marché dans aucune grande ville chez nous.

              “Je ne le crois pas. Dans les pays comme les Etats-Unis, dont les règles d’urbanisme que vous qualifiez de « malthusiennes » sont faibles ou inexistantes, on observe l’effet inverse : les pauvres restent en centre-ville, et ceux-ci se vident des classes intermédiaires qui préfèrent s’installer dans des quartiers « protégés » en périphérie.”

              Vous sous-estimez la férocité des “zoning regulations” US.

              “Excessive zoning laws are at the root of the supply problem, which in turn has created housing affordability crises in major cities across the country.”

              https://www.aier.org/article/zoning-nemesis-housing-affordability

              Bien entendu ces règlements d’urbanisme remplissent la même fonction que chez nous, préserver l’entre-soi des classes privilégiées.

              “Si vous laissez construire des tours HLM à Paris permettant aux enfants d’origine modeste d’aller dans les meilleurs lycées, les classes intermédiaires déserteront Paris pour migrer vers Versailles ou Saint-Germain en Laye par exemple, pour rester entre eux. Et les emplois et les activités économiques les suivront.”

              Les classes intermédiaires ne déménageront pas là-bas si elles ne peuvent pas tirer l’échelle derrière elle. Et justement sans norme d’urbanisme malthusienne elles ne pourront pas empêcher les classes populaires de les suivre, surtout si elles ont emmené les emplois avec elles.

              “C’est ce qu’on observe aux Etats-Unis : des villes pauvres et des banlieues riches.”

              Ces banlieues riches sont corsetées de normes d’urbanisme malthusiennes, quand elles ne sont pas en plus devenues de véritables forteresses.

            • Descartes dit :

              @ VIO59

              [Certes la loi ne donne aucun moyen direct de les sanctionner, mais pourquoi ne pas tout simplement taper du poing sur la table ? Publier par exemple une liste noire des employeurs avec lesquels l’ANPE refusera désormais de travailler parce que leurs offres sont bidons,]

              Je crois que vous confondez un établissement public avec un parti ou un syndicat. Un organisme public ne peut pas « taper sur la table » sauf si la loi l’y autorise. Il ne peut pas décider de publier des « listes noires » sauf dans les cas prévus par la loi, et ne peut « refuser de travailler » avec quelque personne que ce soit sauf si la loi l’y autorise. Vous reprochez en fait à l’ANPE de ne pas se comporter comme une organisation militante. Réalisez-vous ce que serait notre vie si les organismes publics pouvaient partir en croisade de leur propre initiative ?

              [« Et bien, de toute évidence nous n’avons pas les mêmes priorités. Vous pensez dans le temps court des besoins individuels, je pense dans le temps long des besoins collectifs. » Quand on parle de nourriture ou de logement je ne vois pas comment on peut opposer besoins individuels et collectifs, temps court et temps long.]

              Et pourtant, c’est et cela a toujours été le cas. Après la guerre, on n’a pas vendu les tableaux du Louvre ou le château de Versailles pour accélérer la reconstruction du parc de logements ou pour importer de la nourriture. On a préféré garder pendant des années le rationnement et les taudis. Pensez-vous qu’on ait eu tort ?

              [Ce sont des besoins vitaux qui doivent être satisfaits chaque jour, à l’échelle individuelle et collective, sous peine de créer des générations qui seront déclarées inemployables ultérieurement.]

              Certes. Mais il faudrait voir où s’arrête le « besoin vital » et ou commence le confort. Aujourd’hui, les besoins en constructions nouvelles ne visent pas à assurer le « besoin vital » stricto sensu, mais à assurer un niveau de confort considéré comme indispensable.

              [« alors que nos parents et grands-parents se contentaient d’un deux pièces cuisine pour une famille de quatre personnes, on exige aujourd’hui que chacun ait sa chambre. » Mais à l’époque il n’était pas nécessaire de faire de longues études, on pouvait même trouver du travail sans savoir lire ni écrire.]

              Du temps de nos parents, peut-être. Mais ce n’était pas le cas de nos grands-parents, qui ont traversé pendant leur jeunesse la crise de 1929 et une guerre mondiale. Quoi qu’il en soit, je ne vois pas très bien le rapport entre les « longues études » et le fait d’avoir chacun sa chambre. Ma mère a fait de longues – et brillantes – études tout en partageant sa chambre avec une sœur alors que son autre frère couchait dans le salon.

              [La condition de nos grand-parents que vous décrivez est toujours celle de nombreuses familles en banlieue. Les grands traînent dehors très tard, en dépit des couvre-feux, pour que les petits puissent faire leurs devoirs tranquillement, mais le résultat est quand même désolant.]

              Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. A ce que j’entends, dans le logement social en banlieue le problème est souvent l’inverse : les logements sont trop grands, parce que le parc a été conçu à une époque où les familles nombreuses étaient plus courantes qu’aujourd’hui.

              [« Si votre théorie était exacte, on verrait un déplacement des activités économiques vers les régions où le logement est bon marché, puisqu’elles seraient toutes choses égales par ailleurs dotées d’un avantage compétitif « majeur ». Trouvez-vous que ce soit le cas ? » Oui, c’est même à mon avis le secret principal de la compétitivité allemande, qui était déjà meilleure que la nôtre avant l’Euro.]

              Vous ne répondez pas à la question : il ne s’agit pas de comparer la compétitivité entre la France et l’Allemagne – comparaison qui fait intervenir beaucoup de facteurs qui n’ont rien à voir avec le prix du logement – mais la compétitivité entre régions françaises. Il est clair qu’on ne voit pas un exode massif des investissements vers les régions ou le logement est bon marché, alors qu’on devrait l’observer si, comme vous dites, le prix du logement était un facteur important de la compétitivité.

              [Le paradoxe vient de deux relations de causalité différentes : la compétitivité fait monter les prix du logement, la montée des prix freine l’essor de la compétitivité, et quand on n’a pas le droit de construire cela conduit à un équilibre non optimal (comme l’équilibre de sous-emploi de Keynes)]

              Pourtant, prenez une ville comme Marseille : elle devrait être ultracompétitive, puisque les prix du logement sont faibles, et que de plus il reste beaucoup de foncier constructible. Et pourtant, la ville végète et perd même de la population, et les loyers n’augmentent pas. Les capitaux préfèrent s’investir à Paris, à Toulouse ou à Lyon, c’est-à-dire, là où les loyers sont déjà astronomiques. Ce qui tend à prouver que le prix du logement joue marginalement au niveau de la compétitivité.

              [Le point qui me paraît capital c’est qu’en cas de pénurie de logements les ménages sont obligés de consacrer à leurs loyers une part de leur revenu telle que la demande adressée au reste de l’économie est déprimée, au détriment de l’activité et de l’emploi.]

              C’est discutable. N’oubliez pas que la dépense des uns fait le revenu des autres. Si les locataires réduisent leurs dépenses pour pouvoir payer leur loyer, les bailleurs eux augmentent leurs dépenses puisqu’ils touchent des loyers plus importants…

              [« Pardon, mais c’est quoi pour vous « le bon endroit » ? » Cela me semblait évident, il faut construire en priorité là où le besoin est le plus urgent. Par exemple là où la liste d’attente pour les HLM est la plus longue.]

              En d’autres termes, le « bon endroit » pour vous est l’endroit ou les gens décident individuellement qu’ils ont envie d’habiter. La difficulté est la suivante : moi j’ai envie d’habiter dans la Place des Vosges parce que j’aime le climat du quartier, l’architecture, les espaces vers. Mais si pour satisfaire la demande il faut construire des tours de trente étages, alors franchement je préfère aller vivre ailleurs. Autrement dit, beaucoup de gens ont envie de vivre dans tel ou tel quartier A CONDITION QU’ON NE LE DEFIGURE PAS PAR DES CONSTRUCTIONS NOUVELLES. Il y a là un paradoxe qu’on ne peut pas résoudre aisément.

              [« Il ne faut pas exagérer. La mobilité résidentielle est devenue difficile vers Paris ou Lyon. Mais le logement est encore très bon marché dans des villes comme Nantes, Rennes ou Marseille qui pourtant sont dynamiques. » Au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Non, le logement n’est pas bon marché dans aucune grande ville chez nous.]

              Je regarde rapidement sur Seloger.com. Avec une simple recherche, je vois un 2 pièces de 34 m2 dans le 3ème arrondissement pour 332 € mensuels charges comprises. A Nantes c’est un peu plus cher : 440 € pour 36 m2. A Rennes c’est un peu mieux : 425 € pour 40 m2. Qu’est-ce que vous appelez « bon marché » ?

              “Je ne le crois pas. Dans les pays comme les Etats-Unis, dont les règles d’urbanisme que vous qualifiez de « malthusiennes » sont faibles ou inexistantes, on observe l’effet inverse : les pauvres restent en centre-ville, et ceux-ci se vident des classes intermédiaires qui préfèrent s’installer dans des quartiers « protégés » en périphérie.”

              [Vous sous-estimez la férocité des “zoning regulations” US. “Excessive zoning laws are at the root of the supply problem, which in turn has created housing affordability crises in major cities across the country.]

              J’attire votre attention sur le fait que l’article que vous citez vient d’un think-tank néolibéral qui dénonce les « effets pervers » de TOUTE intervention publique qui toucherait « les droits de propriété ». Dans le même article, l’auteur dénonce par exemple toute mesure de subvention aux loyers – l’équivalent de notre système HLM. Il appelle à « donner au libre marché sa chance » en mettant en œuvre « toutes les mesures de libéralisation », et déclare en conclusion que « le logement n’est pas un droit ». Personnellement, je ne prendrais pas pour argent comptant les affirmations d’un article militant, d’autant plus que ces affirmations ne sont soutenues par aucune information statistique.

              [Bien entendu ces règlements d’urbanisme remplissent la même fonction que chez nous, préserver l’entre-soi des classes privilégiées.]

              Ah… ça doit être pour cela qu’une publication tenue par des néo-libéraux militants les combat avec tant d’acharnement. Franchement, pensez-vous que les penseurs du Cato Institute cité dans l’article soient si enclins à contrer les intérêts des privilégiés ? Personnellement, j’en doute.

              [Les classes intermédiaires ne déménageront pas là-bas si elles ne peuvent pas tirer l’échelle derrière elle. Et justement sans norme d’urbanisme malthusienne elles ne pourront pas empêcher les classes populaires de les suivre, surtout si elles ont emmené les emplois avec elles.]

              Elles ont d’autres instruments pour tirer l’échelle. Pensez par exemple aux « quartiers fermés » (en France on les appelle pudiquement « résidences ») qui permettent de réserver l’accès à certains voisinages.

            • VIO59 dit :

              « Après la guerre, on n’a pas vendu les tableaux du Louvre ou le château de Versailles pour accélérer la reconstruction du parc de logements ou pour importer de la nourriture. On a préféré garder pendant des années le rationnement et les taudis. Pensez-vous qu’on ait eu tort ? »

              A l’époque les pouvoirs publics consacraient tous leurs efforts à faire en sorte que cette situation dure le moins possible, et ne faisaient rien pour décourager la production de nourriture ou de logement, bien au contraire.

              Aucun citoyen n’était désespéré à l’idée que s’il n’obtenait pas un passe-droit il serait condamné toute sa vie à dormir dans un taudis hors de prix, ou à accomplir chaque jour des trajets épuisants, jusqu’à la retraite.

              L’état n’était pas l’ennemi du peuple et chacun savait que les mauvais jours passeraient.

              Aujourd’hui l’état utilise le monopole de la force publique pour imposer la misère, la pénurie et le chômage de façon totalement artificielle.

              « Pourtant, prenez une ville comme Marseille : elle devrait être ultracompétitive, puisque les prix du logement sont faibles, et que de plus il reste beaucoup de foncier constructible. Et pourtant, la ville végète et perd même de la population, et les loyers n’augmentent pas. Les capitaux préfèrent s’investir à Paris, à Toulouse ou à Lyon, c’est-à-dire, là où les loyers sont déjà astronomiques. Ce qui tend à prouver que le prix du logement joue marginalement au niveau de la compétitivité. «

              Les loyers plus abordables à Marseille s’expliquent facilement par le taux de chômage, très élevé.

              http://www.journaldunet.com/management/ville/marseille/ville-13055/emploi

              Pourquoi cela ne suffit-il pas à débloquer en retour le développement économique de la ville, comme on l’avait vu à Montpellier quand le maire avait courageusement décidé de prendre le problème du logement à bras-le-corps ? Il doit bien entendu y avoir d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte dans la faible compétitivité de la cité phocéenne, mais le seul qui est bien connu dans toute la France et que je peux citer est l’indigence des transports urbains.

              Il n’empêche que sans la pénurie de logements des villes comme Paris seraient encore plus attractives (songez aux nombreux postes d’infirmières qui restent vacants à cause de cela) et les villes comme Marseille le seraient encore moins.

              « Certes. Mais il faudrait voir où s’arrête le « besoin vital » et ou commence le confort. Aujourd’hui, les besoins en constructions nouvelles ne visent pas à assurer le « besoin vital » stricto sensu, mais à assurer un niveau de confort considéré comme indispensable. »

              A une extrémité, quand l’état décide autoritairement qu’il n’y aura pas assez de logements pour tout le monde, il condamne automatiquement les plus démunis à devenir SDF, et cela a un effet massif sur leur espérance de vie :

              https://www.lexpress.fr/actualite/societe/infographies-sans-abri-morts-a-cause-de-la-rue-des-chiffres-sous-estimes_1988062.html

              A l’autre extrémité je vous accorde qu’un pied-à-terre à Paris pour quelqu’un qui n’y travaille pas n’est qu’un élément de confort (cela devrait d’ailleurs être interdit).

              Entre les deux il y a un enjeu de santé publique non négligeable :

              http://www.slate.fr/lien/54775/pendulaire-risques-hypertension-obesite

              https://www.topsante.com/couple-et-sexualite/amour-et-couple/problemes-couple/couple-travailler-loin-de-chez-soi-peut-le-mettre-en-peril-43069

              Et je ne parle pas du désastre écologique et de la gabegie économique que représente l’obligation pour des millions de citoyens qui ne demanderaient qu’à se rendre au travail à pied ou à vélo de passer chaque jour des heures dans les bouchons ou les transports en commun.

              « C’est discutable. N’oubliez pas que la dépense des uns fait le revenu des autres. Si les locataires réduisent leurs dépenses pour pouvoir payer leur loyer, les bailleurs eux augmentent leurs dépenses puisqu’ils touchent des loyers plus importants… »

              Hélas ceci ne suffit pas à compenser cela car la propension à l’épargne augmente avec le revenu au détriment de la consommation. Sans compter qu’une partie des loyers se transforme en capital (que certains appellent bulle, pas toujours à juste titre) car plus un capital rapporte, plus il se revendra (et s’achètera) cher.

              « Autrement dit, beaucoup de gens ont envie de vivre dans tel ou tel quartier A CONDITION QU’ON NE LE DEFIGURE PAS PAR DES CONSTRUCTIONS NOUVELLES. Il y a là un paradoxe qu’on ne peut pas résoudre aisément. »

              Je vais m’y essayer quand même. Supprimez les hauteurs limites de construction, si le promoteur se retrouve avec ses appartements sur les bras parce que sa tour a tué la demande de logements dans le quartier, on n’en construira pas d’autre et la première finira par être rasée. Un problème qui se règle tout seul quand on ne fait rien est un faux problème.

              « Ah… ça doit être pour cela qu’une publication tenue par des néo-libéraux militants les combat avec tant d’acharnement. Franchement, pensez-vous que les penseurs du Cato Institute cité dans l’article soient si enclins à contrer les intérêts des privilégiés ? Personnellement, j’en doute. »

              Vous avez raison pour la droite US. La gauche US préfère, elle, rappeler les origines racistes des normes d’urbanisme malthusiennes outre-Atlantique :

              https://www.asu.edu/courses/aph294/total-readings/silver%20–%20racialoriginsofzoning.pdf

              A noter qu’aux USA le communautarisme raciste préexistait aux normes d’urbanisme malthusiennes, alors que chez nous il a été créé par elles.

              « Elles ont d’autres instruments pour tirer l’échelle. Pensez par exemple aux « quartiers fermés » (en France on les appelle pudiquement « résidences ») qui permettent de réserver l’accès à certains voisinages. »

              Ce sont des copropriétés, j’en vois une en face de chez moi. Les barrières et les digicodes servent manifestement à empêcher les SDF de venir dormir dans la cave, et les automobilistes non-résidents de se garer sur le parking.

              Cela ne suffit pas pour tirer l’échelle. Je craindrais plutôt une offensive sur les frais d’inscription dans les bons établissements.

            • Descartes dit :

              @ VIO59

              [« Après la guerre, on n’a pas vendu les tableaux du Louvre ou le château de Versailles pour accélérer la reconstruction du parc de logements ou pour importer de la nourriture. On a préféré garder pendant des années le rationnement et les taudis. Pensez-vous qu’on ait eu tort ? » A l’époque les pouvoirs publics consacraient tous leurs efforts à faire en sorte que cette situation dure le moins possible,]

              Beh non. Ils ne consacraient pas « tous leurs efforts ». Ils auraient pu vendre le Château de Versailles ou les tableaux du Louvre pour accélérer le processus, et ils ne l’ont pas fait. Soyez cohérent : vous me dites qu’il est parfaitement acceptable de sacrifier le patrimoine pour satisfaire les besoins immédiats en nourriture et en logement. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi vous ne censurez pas ceux qui à la Libération ont préféré conserver le patrimoine, quitte à retarder le rétablissement des rations alimentaires normales et des logements.

              [Aucun citoyen n’était désespéré à l’idée que s’il n’obtenait pas un passe-droit il serait condamné toute sa vie à dormir dans un taudis hors de prix, ou à accomplir chaque jour des trajets épuisants, jusqu’à la retraite.]

              Bien sûr que si. La crise du logement de l’après-guerre et les taudis qui en étaient la conséquence ont duré jusqu’à l’aube des années 1960. Bien de ceux qui avaient 40 ans en 1940 ont donc vécu le reste de leur vie dans des taudis. Et pourtant, ils n’ont pas désespéré.

              [« Pourtant, prenez une ville comme Marseille : elle devrait être ultracompétitive, puisque les prix du logement sont faibles, et que de plus il reste beaucoup de foncier constructible. Et pourtant, la ville végète et perd même de la population, et les loyers n’augmentent pas. Les capitaux préfèrent s’investir à Paris, à Toulouse ou à Lyon, c’est-à-dire, là où les loyers sont déjà astronomiques. Ce qui tend à prouver que le prix du logement joue marginalement au niveau de la compétitivité. » Les loyers plus abordables à Marseille s’expliquent facilement par le taux de chômage, très élevé.]

              La question dans ce débat n’était pas la cause des loyers bas, mais les conséquences de ce fait sur la productivité. Vous souteniez que les loyers bas étaient un facteur important de compétitivité. Si je suis votre raisonnement, Marseille devrait être une ville très compétitive, puisque les loyers sont bas, et cela quelle qu’en soit la raison.

              [Il n’empêche que sans la pénurie de logements des villes comme Paris seraient encore plus attractives (songez aux nombreux postes d’infirmières qui restent vacants à cause de cela) et les villes comme Marseille le seraient encore moins.]

              Qu’une ville aux loyers bas soit plus attractive qu’une ville à loyers élevés, c’est une évidence. Que ce soit un facteur important de compétitivité, c’est une autre affaire. Le cas de Marseille montre que les loyers n’ont qu’un effet marginal sur la compétitivité. J’aurais même tendance à faire la corrélation inverse : le faible prix des loyers est un signe que la compétitivité d’une ville est faible.

              [A une extrémité, quand l’état décide autoritairement qu’il n’y aura pas assez de logements pour tout le monde, il condamne automatiquement les plus démunis à devenir SDF, et cela a un effet massif sur leur espérance de vie :]

              Mais où voyez-vous l’Etat « décider autoritairement qu’il n’y aura pas assez de logements pour tout le monde » ? D’une part, les plans locaux d’urbanisme ne sont pas faits par « l’Etat », mais par les collectivités locales. Et si les électeurs trouvent que le manque de logements rend leur ville peu compétitive, ils n’ont qu’à s’adresser à leur maire. Mais si vous regardez bien, c’est plutôt le contraire qui arrive : plus la tension sur l’immobilier est grande, et moins les habitants ne tiennent pas du tout à voir des tours de trente étages se bâtir dans leur commune…

              [Et je ne parle pas du désastre écologique et de la gabegie économique que représente l’obligation pour des millions de citoyens qui ne demanderaient qu’à se rendre au travail à pied ou à vélo de passer chaque jour des heures dans les bouchons ou les transports en commun.]

              Vous oubliez que ces gens qui aimeraient tant se rendre au travail à pied et à vélo sont les mêmes qui veulent avoir un logement avec une chambre individuelle pour chaque membre de la famille dans une maison individuelle avec un jardin. A un moment donné, il faut faire des choix. Pensez-vous que ce soit à l’Etat de le faire ?

              [« C’est discutable. N’oubliez pas que la dépense des uns fait le revenu des autres. Si les locataires réduisent leurs dépenses pour pouvoir payer leur loyer, les bailleurs eux augmentent leurs dépenses puisqu’ils touchent des loyers plus importants… » Hélas ceci ne suffit pas à compenser cela car la propension à l’épargne augmente avec le revenu au détriment de la consommation.]

              Il vous reste tout de même à démontrer que les revenus du bailleur sont supérieurs à ceux du locataire, ce qui est très loin d’être évident. Par ailleurs, la propension à l’épargne dépend du montant du revenu mais aussi de sa nature. Un locataire salarié soumis au risque de licenciement aura plus tendance à épargner qu’un bailleur dont le patrimoine assure un revenu stable.

              [Sans compter qu’une partie des loyers se transforme en capital (que certains appellent bulle, pas toujours à juste titre) car plus un capital rapporte, plus il se revendra (et s’achètera) cher.]

              S’il se transforme en capital, c’est qu’il est investi dans un moyen de production. Et donc génère une demande.

              [« Autrement dit, beaucoup de gens ont envie de vivre dans tel ou tel quartier A CONDITION QU’ON NE LE DEFIGURE PAS PAR DES CONSTRUCTIONS NOUVELLES. Il y a là un paradoxe qu’on ne peut pas résoudre aisément. » Je vais m’y essayer quand même. Supprimez les hauteurs limites de construction, si le promoteur se retrouve avec ses appartements sur les bras parce que sa tour a tué la demande de logements dans le quartier, on n’en construira pas d’autre et la première finira par être rasée.]

              En d’autres termes, vous aurez transformé un ilot historique en terrain vague. Parce que puisqu’il n’y a plus de demande, personne ne construira quoi que ce soit à la place de la tour rasée. Est-ce un processus raisonnable d’urbanisme, à votre avis ?

              [A noter qu’aux USA le communautarisme raciste préexistait aux normes d’urbanisme malthusiennes, alors que chez nous il a été créé par elles.]

              Je ne sais pas comment comprendre ce commentaire. Le communautarisme raciste en France tient au fait que les « blancs » pauvres ont déserté les grands ensembles laissant se constituer des quartiers ethniquement homogènes. Mais si les « blancs » pauvres sont partis, c’est qu’ils avaient où aller, c’est-à-dire, que le « malthusianisme » que vous dénoncez n’était pas tel que les « blancs » pauvres ne pouvaient pas trouver de nouveaux logements. En fait, je pense que vous partez en croisade contre des moulins à vent. Certaines villes – je pense à Londres, par exemple – n’ont pas de politique « malthusienne » et permettent la construction d’immeubles de grande hauteur y compris dans les zones historiques. Et qu’observe-t-on ? Que l’immobilier londonien est l’un des plus chers du monde, bien devant Paris.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Il vous reste tout de même à démontrer que les revenus du bailleur sont supérieurs à ceux du locataire, ce qui est très loin d’être évident.

              Il me semble que les statistiques sur les revenus comparés des propriétaires et des locataires sont assez claires. En fait, depuis une trentaine d’années les locataires se concentrent de plus en plus dans les couches modestes de la population.

              Il est par ailleurs peu probable que le sous-ensemble « propriétaires bailleurs » soit plus modeste que l’ensemble des propriétaires. En général, on achète d’abord sa résidence principale *puis* un logement qu’on loue afin de se constituer une rente. Donc un propriétaire bailleur est quelqu’un qui a des revenus suffisamment élevés (sans même compter les loyers à venir) pour acheter plus que sa résidence principale.

              (de plus, les niches fiscales sur l’immobilier locatif encouragent ce comportement chez ceux qui paient beaucoup d’impôts)

              Il y a certainement des cas où le locataire a de meilleurs revenus que son bailleur, mais c’est l’exception plutôt que la règle.

              > S’il se transforme en capital, c’est qu’il est investi dans un moyen de production. Et donc génère une demande.

              J’ai l’impression que votre interlocuteur voulait dire « patrimoine ». Je doute que beaucoup de bailleurs individuels (je ne parle pas des institutionnels) aillent investir les fruits de leur propriété immobilière dans du capital productif. D’une part parce que l’investissement des particuliers dans le capital productif est très faible en France, d’autre part parce que dans ce cas précis ce serait totalement contradictoire avec le choix d’investissement initial, à savoir l’immobilier locatif.

              Selon toute vraisemblance, le bailleur thésaurise une part significative des loyers, jusqu’à la transmettre à son descendant (par héritage ou donation) qui l’utilisera pour faire… un achat immobilier. C’est ainsi que la rente se reproduit.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« Il vous reste tout de même à démontrer que les revenus du bailleur sont supérieurs à ceux du locataire, ce qui est très loin d’être évident. » Il me semble que les statistiques sur les revenus comparés des propriétaires et des locataires sont assez claires.]

              Pourriez-vous donner une référence ? Je n’ai pas réussi à trouver une telle « statistique ».

              [Il est par ailleurs peu probable que le sous-ensemble « propriétaires bailleurs » soit plus modeste que l’ensemble des propriétaires. En général, on achète d’abord sa résidence principale *puis* un logement qu’on loue afin de se constituer une rente. Donc un propriétaire bailleur est quelqu’un qui a des revenus suffisamment élevés (sans même compter les loyers à venir) pour acheter plus que sa résidence principale.]

              Pas nécessairement. D’abord, dans beaucoup de cas on se constitue cette rente en utilisant les loyers pour payer l’essentiel des mensualités du crédit. Il n’est donc nullement évident que le bailleur ait par ailleurs des ressources importantes. Ensuite, l’investissement locatif est depuis déjà de longues années un mauvais investissement, qui ne se justifie que pour ceux qui cherchent une très grande régularité dans le revenu – c’est-à-dire, ceux qui ont des revenus trop faibles pour constituer des réserves. Aujourd’hui, le bailleur individuel type est un retraité aux revenus moyens qui se constitue ainsi un complément.

              N’oubliez pas que dans cette discussion il faut exclure les locataires liés à des bailleurs institutionnels, pour qui la question qui était à l’origine de cette discussion – celle de l’effet de thésaurisation avec le revenu – ne se pose pas. Les bailleurs institutionnels transfèrent en effet à l’économie la totalité de leur revenu locatif…

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Pourriez-vous donner une référence ? Je n’ai pas réussi à trouver une telle « statistique ».

              Je vous renvoie à ce très bon article :

              20 ans de hausse des prix immobiliers en Île-de-France : à qui la faute ?

              Notamment le graphique numéro 12 en annexe, où l’on voit que le revenu des locataires du secteur privé stagne contrairement à celui des propriétaires qui augmente très nettement. C’est pire pour les locataires du secteur social dont la paupérisation est bien visible.

              On a dans l’étude Logement de l’Insee des chiffres un peu différents (peut-être parce que les revenus sont calculés par unité de consommation ?) mais l’évolution de l’écart est similaire (voir p. 26) :
              https://www.insee.fr/fr/statistiques/2586377

              > Les bailleurs institutionnels transfèrent en effet à l’économie la totalité de leur revenu locatif…

              Il faudrait qualifier un peu ce qu’on appelle par « transférer à l’économie ». Rémunèrent-ils des actionnaires eux-mêmes plutôt rentiers ? Placent-ils une partie de leurs revenus sur les marchés financiers ? Achètent-ils des immeubles supplémentaires pour accroître leur portefeuille ?

              > Aujourd’hui, le bailleur individuel type est un retraité aux revenus moyens qui se constitue ainsi un complément.

              Apparemment le Crédit Foncier avait fait une étude sur le sujet mais le lien vers l’étude est désormais mort :
              https://www.banquedesterritoires.fr/les-proprietaires-bailleurs-ne-sont-pas-tout-fait-ceux-que-lon-croit

              De la nullité des sites Web institutionnels…

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Notamment le graphique numéro 12 en annexe, où l’on voit que le revenu des locataires du secteur privé stagne contrairement à celui des propriétaires qui augmente très nettement. C’est pire pour les locataires du secteur social dont la paupérisation est bien visible.]

              Le problème de votre raisonnement est qu’il faut distinguer deux types de « propriétaires » : ceux qui payent toujours les traites du crédit de la maison, et ceux qui ont la maison payée. Les premiers sont, du point de vue du revenu qu’ils consacrent à la consommation, dans la même situation qu’un locataire. Les seuls pour qui la situation est différente sont ceux qui possèdent un bien totalement payé.

              Par ailleurs, le graphique en question ne montre pas le revenu des propriétaires BAILLEURS, seulement celui des propriétaires EN GENERAL. Or, les propriétaires bailleurs sont en principe les plus pauvres – puisqu’ils ont besoin d’un revenu d’appoint. Si j’avais une villa de 40 M€ sur la côte d’azur et un grand groupe de presse, je n’aurais pas besoin d’avoir un studio à louer…

              Il faut aussi noter le problème posé par la structure des ménages. Les célibataires ont plus de chances d’être locataires que les personnes mariées avec enfants. Du coup, si l’on prend le revenu par ménage on aura les locataires en bas du tableau.

              [Il faudrait qualifier un peu ce qu’on appelle par « transférer à l’économie ». Rémunèrent-ils des actionnaires eux-mêmes plutôt rentiers ? Placent-ils une partie de leurs revenus sur les marchés financiers ? Achètent-ils des immeubles supplémentaires pour accroître leur portefeuille ?]

              Pour les bailleurs sociaux, la réinjection dans l’économie est totale puisqu’ils ne peuvent distribuer des bénéfices, et doivent investir leurs excédents dans la construction ou la rénovation des logements. Pour les autres, c’est moins évident. Mais par les biais des SICAV, des revenus sont distribués à des actionnaires qui ne sont pas nécessairement des rentiers.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes, suite

              Ceci dit, en reprenant les quelques chiffres connus du rapport du Crédit Foncier, on peut faire un calcul de coin de table :

              « Le ménage de l’investisseur locatif type dispose d’un revenu annuel médian de 70.300 euros, soit un revenu mensuel de moins de 5.900 euros par mois »

              On peut tabler sur un nombre d’unités de consommation proche de 2 (mais en réalité moins s’il s’agit, selon vous, de retraités). On a donc un revenu mensuel *médian* par UC d’environ 2950 €.

              D’après l’Insee, en 2013 le revenu mensuel *moyen* par UC d’un locataire du secteur privé est d’environ 1700 €. De plus le revenu médian d’un locataire est certainement inférieur au revenu moyen d’un locataire. On a donc un écart considérable, de plus de 1200 €, entre le revenu médian par UC d’un locataire du parc privé et celui d’un propriétaire-bailleur individuel.

              Même si on considère que pour la comparaison il faut retirer les revenus locatifs reçus par le propriétaire-bailleur (pourquoi pas), étant donné que le loyer moyen dans le parc privé est de l’ordre de 600 € (*) on arrive toujours à la conclusion que les bailleurs-propriétaires ont de bien meilleurs revenus que les locataires.

              (*) https://blog.locservice.fr/marche-locatif-france-2018-5391.html

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Le problème de votre raisonnement est qu’il faut distinguer deux types de « propriétaires » : ceux qui payent toujours les traites du crédit de la maison, et ceux qui ont la maison payée. Les premiers sont, du point de vue du revenu qu’ils consacrent à la consommation, dans la même situation qu’un locataire.

              Eh bien, toute statistique sur le sujet est la bienvenue… Mais mon raisonnement reste valable en moyenne, et j’ai l’impression que vous coupez les cheveux en quatre.

              > Or, les propriétaires bailleurs sont en principe les plus pauvres – puisqu’ils ont besoin d’un revenu d’appoint.

              Ah bon ? Un multi-propriétaire qui loue une dizaine d’appartements n’a pas vraiment « besoin » de l’intégralité de ce revenu, pourtant. En fait, l’argument est absurde : si on vous suit, les riches ne se soucieraient pas du tout de faire fructifier leur patrimoine puisqu’ils en ont déjà largement assez. Il me semble que ce n’est pas exactement vrai en réalité.

              Mais de toute façon, j’ai donné quelques détails sur les revenus des propriétaires-bailleurs dans le message qui suivait immédiatement celui auquel vous répondez ici (et que vous avez oublié de valider, apparemment). La conclusion est que les revenus des propriétaires-bailleurs sont *en moyenne* supérieurs à ceux des locataires du parc privé.

              > Les célibataires ont plus de chances d’être locataires que les personnes mariées avec enfants. Du coup, si l’on prend le revenu par ménage on aura les locataires en bas du tableau.

              Oui, sauf que les chiffres de l’Insee vers lesquels j’ai renvoyés donnent, eux, le revenu par unité de consommation. C’est certainement imparfait, mais l’évolution donnée par ces chiffres invalide votre argument.

              > Mais par les biais des SICAV, des revenus sont distribués à des actionnaires qui ne sont pas nécessairement des rentiers.

              Ça dépend ce que vous voulez dire par là. Non, ce ne sont pas nécessairement des gens qui tirent la plus grande partie de leurs revenus d’une rente. Par contre, bien souvent les revenus d’une SICAV (d’un OPCI, etc.) alimentent un patrimoine personnel qui ne sera réinjecté dans l’économie que bien plus tard.

    • Vincent dit :

      @VIO59

      Je passe un peu après la bataille, mais j’ajoute mon grain de sel :

      [3) Pôle Emploi qui menace de sanctions les chômeurs qui ne justifient pas de “démarches actives de recherche d’emploi” c’est comme une agence immobilière qui vous demanderait de faire son travail à sa place et de chercher vous-même votre futur appartement.]

      Pôle emploi est issu de la fusion de l’ANPE et de l’Unedic. L’un qui était censé aider à chercher un emploi, et l’autre qui était censé indemniser, puis progressivement, contrôler la réalité de la recherche de travail pour conditionner l’indemnisation. D’où effectivement une confusion des rôles : un rôle d’agence immobilière, qui vous aide à trouver un logement, mais que vous pouvez chercher tout seul si le cœur vous en dit. Et également un rôle d’hébergement de secours, qui vous fournit un toit en attendant, à conditions que vous cherchiez effectivement un logement, avec l’agence ou non.

      Somme toutes rien de choquant.

  4. cdg dit :

    1) certains de ces emplois sont de toute facon condamne par la technologie. Je sais evidement pas combien de temps ca va prendre, mais il est possible que d ici 10 ans on soit capable de livrer des big mac par drones dans les grandes villes (pour les campagnes c est plus complique vu l autonomie des drones).

    2) le poinconneur du metro a ete supprime en parti a cause de son cout (pas rentable au smic) mais aussi par la technologie (les tourniquets). C est pour ca que meme en chine ou la main d oeuvre est pas chere, vous n avez pas de poinconneurs dans metro de Shanghai ou Pekin (qui sont d ailleurs plus automatisé que celui de paris)

    3) a mon avis, on va de plus en plus vers un monde du travail et par ricochet une societe duale. Une partie tres qualifiee (en schematisant celle qui va programmer les robots/ordinateurs) et une partie peu qualifiee qui sera pas rentable d automatiser. Il est par exemple pas interessant d automatiser la femme de menage car complique de concevoir un robot capable de monter les etages, de distinguer si c est une tache ou un defaut du carrelage et c est pas rentable car elle est peu payé. Par contre automatiser un poste de “manager” c est plus facile (une IA va vous generer vos tableaux excel) et le gain est important (car il etait mieux payé)

    4) aurait on pu sauver une partie de l industrie en france ? probablement. apres tout les allemands ou les suisses ont une industrie plus forte que nous. Meme les anglais ont un % du PIB industriel plus important que nous. Une partie de la responsablilite incombent aux dirigeants des societes en question (cf l entreprise sans usine), une part a nos dirigeants politiques qui n ont aucun interet pour l industrie (quasiment aucun ingenieur ou scientifique parmi eux d ailleurs) mais aussi a nous tous les electeurs qui votons pour eux, qui achetons du made in china et qui preferent la rente (on investi dans la pierre et pas dans des actions), le travail dans un bureau, qui taxons massivement le travail (par ex l Allemagne taxe plus via l IR et moins sur les cotisations sociales, ce qui implique que les retraités paient plus) …

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [1) certains de ces emplois sont de toute façon condamne par la technologie. Je ne sais évidemment pas combien de temps ça va prendre, mais il est possible que d’ici 10 ans on soit capable de livrer des big mac par drones dans les grandes villes (pour les campagnes c’est plus complique vu l’autonomie des drones).]

      La « technologie » par elle-même ne condamne pas des emplois. Ce n’est pas parce qu’il est « possible » technologiquement de faire quelque chose qu’il est économique de le faire. Prenons votre exemple, et supposons qu’on trouve un moyen de livrer des Big Mac par drone. Les emplois de livreur ne disparaîtront que s’il est plus économique de livrer par drone que par livreur à vélo. Et cela dépendra essentiellement de la capacité de l’économie à fournir au livreur à vélo un emploi mieux payé. Si ce n’est pas le cas, alors le livreur à vélo baissera son salaire jusqu’à devenir compétitif par rapport au drone…

      C’est d’ailleurs ce phénomène qu’on observe. Les livreurs à domicile ont existé dans le passé et jusqu’aux années 1950. Ils ont cessé d’exister parce que le développement économique a fait monter les salaires des emplois non qualifiés, mettant le service de livraison à un prix tel que personne n’était prêt pour le payer. Un demi-siècle plus tard, la déflation salariale fait que des gens sont prêts à accepter ce type de rémunération pour livrer des Big Mac à domicile… et du coup les livreurs réapparaissent dans nos contrées.

      {2) le poinçonneur du métro a été supprime en partie à cause de son cout (pas rentable au smic) mais aussi par la technologie (les tourniquets).]

      Non. Si les tourniquets avaient été plus chers à l’entretien que le poinçonneur, alors le poinçonneur existerait encore. Au risque de me répéter, c’est parce que la croissance a fait monter les salaires qu’est arrivé le jour où le tourniquet est devenu compétitif et a remplacé le poinçonneur, parti faire un boulot plus rémunérateur. Si vous laissez la déflation salariale continuer, il arrivera un moment où il sera moins cher de réembaucher un poinçonneur que d’entretenir des tourniquets. Et ce jour-là, les poinçonneurs réapparaîtront. La technologie n’a rien à faire là-dedans.

      [C’est pour ça que même en chine ou la main d’œuvre est pas chère, vous n’avez pas de poinçonneurs dans métro de Shanghai ou Pekin (qui sont d ailleurs plus automatisé que celui de paris)]

      Il ne faut pas se tromper. La main d’œuvre en Chine n’est pas chère. Mais cela est moins vrai à Pekin ou à Shanghai, ou les salaires sont déjà plus confortables, suffisamment en tout cas pour rendre l’automatisation du métro compétitive. Cependant, si vous allez dans des pays du tiers monde, vous trouverez encore des poinçonneurs dans le métro, des livreurs en bicyclette et même du transport de personnes à traction humaine…

      [3) a mon avis, on va de plus en plus vers un monde du travail et par ricochet une société duale. Une partie très qualifiée (en schématisant celle qui va programmer les robots/ordinateurs) et une partie peu qualifiée qui sera pas rentable d’automatiser.]

      Il faut aller jusqu’au bout de votre raisonnement. La question de savoir s’il est « rentable » ou non d’automatiser un travail donné est étroitement lié à la question salariale. Un poste « peu qualifié » sera automatisé si le niveau des salaires est tel que le coût de l’automatisme est inférieur au coût du travail humain nécessaire pour réaliser la même tâche. Mais à son tour, l’automatisation libère de la main d’œuvre, et l’excès d’offre fait baisser les salaires éventuellement jusqu’à un niveau qui rend le travail humain compétitif. On vit donc dans une société où les salaires de chacun sont fixés par le coût de l’automatisation : quel que soit votre travail, vous devrez accepter un salaire inférieur au coût de l’automatisation de votre poste, ou perdre votre emploi. Et cela même sans tenir compte du phénomène de délocalisation de l’emploi.

      [Il n’est par exemple pas intéressant d’automatiser la femme de ménage car complique de concevoir un robot capable de monter les étages, de distinguer si c’est une tache ou un défaut du carrelage et c est pas rentable car elle est peu payé.]

      Ce n’est pas évident. Le travail de la femme de ménage est très largement automatisé : aspirateurs, machines à laver le linge ou la vaisselle réduisent le volume de travail humain. Carrelages et revêtements plus durs, fibres synthétiques facilitent les opérations d’entretien. Là où un foyer bourgeois avait il y a un siècle deux ou trois domestiques à poste fixe, on arrive aujourd’hui au même résultat avec une femme de ménage qui vient six heures par semaine. Mais là encore, c’est l’élévation du niveau général des salaires qui a rendu la domesticité trop chère et l’a fait disparaître. Avec la déflation salariale, on la voit réapparaitre sous d’autres formes.

      [Par contre automatiser un poste de “manager” c’est plus facile (une IA va vous générer vos tableaux Excel) et le gain est important (car il était mieux payé)]

      Le travail du manager ne se réduit pas à faire des tableaux Excel. Le travail du manager est de faire travailler les autres. Et cela, aucune machine n’a réussi à le faire pour le moment…

      [4) aurait-on pu sauver une partie de l’industrie en France ? probablement. après tout, les Allemands ou les Suisses ont une industrie plus forte que nous. Même les anglais ont un % du PIB industriel plus important que nous. Une partie de la responsabilité incombe aux dirigeants des sociétés en question (cf l’entreprise sans usine), une part à nos dirigeants politiques qui n’ont aucun intérêt pour l’industrie]

      Je pense surtout qu’on a plaqué en France un modèle économique étranger qui a été désastreux pour notre industrie. La bourgeoisie française n’a pas de véritable tradition de capitalisme industriel. A quelques exceptions près les industriels français se comportent en rentiers. C’est pourquoi l’Etat a joué dans le développement industriel du pays – et cela depuis Colbert, autant dire que ça ne date pas d’hier – un rôle fondamental. A partir des années 1980, l’influence croissante des théories libérales a poussé l’Etat à se retirer du domaine industriel et laisser la main au privé. Les résultats ont été désastreux, la plupart des industriels se contentant de tirer une rente des équipements industriels sans chercher à investir pour les moderniser. A cela s’ajoute les problèmes de compétitivité introduits par la politique d’alignement monétaire sur le Deutschemark dont l’Euro a été l’aboutissement.

      Notre décadence industrielle tient à la conjonction de deux facteurs : le désintérêt pour les questions industrielles de nos politiques – et de leurs électeurs, vous avez raison de le souligner, et la frilosité de notre bourgeoisie, qui préfère la rente au développement économique. Les mêmes facteurs qui avaient été à la racine du retard de la révolution industrielle de la France au XIXème siècle. Heureusement, nous avons pu bénéficier de quelques périodes de volontarisme étatique, sous Napoléon III au XIXème siècle, sous la IIIème République au tournant du siècle, sous la IVème et la Vème gaullienne. A chaque fois, ce furent les grands corps techniques de l’Etat qui ont poussé à la roue. Aujourd’hui, après plus de trente ans de néolibéralisme, il n’en reste pas grande chose…

      • cdg dit :

        ” il arrivera un moment où il sera moins cher de réembaucher un poinçonneur que d’entretenir des tourniquets. Et ce jour-là, les poinçonneurs réapparaîtront. La technologie n’a rien à faire là-dedans”
        Si car meme paye une misere, un humain n est pas disponible 24h/24, 7 jours sur 7, tombe malade, se met en greve, est moins precis …. Et dans le cas des tourniquets, il faut vraiment que les salaires deviennent tres tres bas pour qu ils coutent plus cher qu un poinconneur.
        Il est vrai qu a Pekin les salaires sont plus eleves que dans la chine profonde (vu le cout de la vie a pekin, c est logique) mais je suis sur que vous pouvez trouver des gens a pekin pret a travailler 12 h par jour pour 500 €/mois. a ce tarif est ce que le tourniquet est rentable ? si vous connaissez la chine, vous avez du remarquer qu ils n ont pas de poinconneurs mais a chaque metro on passe vos baguages au rayon X et vous sous un portique detecteur de metaux. et il y a la 2-3 policiers a chaque fois. POurquoi ne pas y rajouter un poinconneur ? (je suis passé plusieurs fos sous le portique vace des objets metalliques, donc soit il ne marche pas, soit c est carrement un portique potemkine)

        Je serai plus mesuré que vous sur le role de l etat dans l industrialisation. l etat peut impulser des reussite (ex aerospatiale) mais aussi des echecs retentissants (renault etait a bord de la faillite quand c etait une regie).
        Comme l a si bine dit Hollande: “c est gratuit, c est l etat qui paie”. donc il n y a pas de force de rappel pour signaler qu il faut arreter la gabegie ou que le projet est un echec et qu il faut le stopper. Surtout si des interets electoraux s en melent (allez fermer une usine dans la circonscription d un ministre bien en cour)

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Si car même payé une misère, un humain n’est pas disponible 24h/24, 7 jours sur 7, tombe malade, se met en grevé, est moins précis ….]

          Peut-être. Mais en même temps, lorsqu’il l’être humain est en panne il se répare lui-même sans qu’il soit besoin d’envoyer un technicien. Et l’être humain est aussi plus flexible, plus adaptable à de nouvelles tâches…

          [Et dans le cas des tourniquets, il faut vraiment que les salaires deviennent très, très bas pour qu’ils coutent plus cher qu’un poinçonneur.]

          Je ne dis pas le contraire. Mais ce n’est pas impossible.

          [Je serai plus mesuré que vous sur le rôle de l’état dans l’industrialisation. L’état peut impulser des réussites (ex aerospatiale) mais aussi des échecs retentissants (Renault était a bord de la faillite quand c’était une régie).]

          D’abord, un point de fait : Renault n’a jamais été « au bord de la faillite quand c’était une régie », entre autres choses parce qu’une régie – comme tout établissement public – ne peut être en faillite. Pendant la plus longue partie de son histoire d’entreprise publique, la régie Renault a au contraire été bénéficiaire. N’oubliez pas les énormes succès que furent la Renault 4L (8,8 millions de voitures vendues), la Renault 5 (6 millions d’unités vendues), les Renault 9 et 11. C’est après sa transformation en société anonyme, l’ouverture à la concurrence – notamment sur les marchés publics – et l’ouverture du capital que Renault s’est trouvé en difficulté.

          Ensuite, vous noterez que les « échecs retentissants » de l’Etat dans son rôle industriel ne sont pas plus nombreuses que celles des investisseurs privés. General Motors était une entreprise tout à fait privé, et cela ne l’a pas empêché de perdre de l’argent jusqu’à devoir être sauvée de la faillite… par une nationalisation temporaire ! Je trouve toujours très amusante la manière dont les libéraux soulignent les faillites des projets industriels de l’Etat comme une horrible tare, alors qu’ils portent aux nues le courage des entrepreneurs qui lancent des projets… quand bien même ceux-ci se cassent la gueule. Les difficultés d’EDF sont mises en exergue comme illustration du fait que « l’Etat ne sait gérer une entreprise énergétique », mais curieusement la faillite d’ENRON ne conduit pas à la conclusion que le secteur privé est lui aussi incapable de le faire…

          Oui, les projets industriels impliquent un risque. Certains marchent, d’autres ne marchent pas. Et certains sont des échecs commerciaux mais permettent de développer des compétences et des technologies qui préparent les succès futurs. Si l’on prend la politique industrielle du temps ou l’Etat en avait une, on peut dire qu’elle a été en moyenne plus audacieuse et plus réussie que celle de beaucoup d’entreprises privées.

          Comme l’a si bien dit Hollande: “c’est gratuit, c’est l état qui paie”. Donc il n’y a pas de force de rappel pour signaler qu’il faut arrêter la gabegie ou que le projet est un échec et qu’il faut le stopper.]

          Franchement, je suis toujours étonné qu’on puisse encore tenir ce discours qui reprend les vieilles lunes libérales alors qu’il est contredit quotidiennement par les faits. D’abord, j’attire votre attention sur le fait que les dépenses publiques sont, par définition, publiques. Elles sont surveillées par les parlementaires et par la Cour des comptes, elles sont portées à la connaissance du public averti par les rapports de la cour et du parlement, et à la connaissance du public général par la presse. Les échecs et les « gabegies » sont dénoncées régulièrement, et leurs responsables traînés dans la boue médiatique. Si ce n’est pas là une « force de rappel », je me demande ce qu’il vous faut. A propos, les « gabégies » et autres « échecs » du privé… ils sont surveillés par qui ? Les plaintes régulières des actionnaires lors des assemblées générales ces derniers temps tendent à faire penser que s’il y a des améliorations à apporter, c’est plutôt là qu’il faut le faire, non ?

          Mais il y a une « force de rappel » encore plus forte, qui est interne au système : dans le climat de contrainte budgétaire qui est celui de l’Etat aujourd’hui, dépenser inutilement de l’argent dans un projet qui n’aboutira pas, c’est se priver d’utiliser cet argent pour un autre projet qui permettrait permettra de gagner des voix. C’est pourquoi le problème aujourd’hui n’est pas tant le fait qu’on maintienne en vie des projets qui sont des échecs que le fait qu’on abandonne à tort des projets qui pourraient être ses succès – ou tout au moins préparer des succès futurs.

          [Surtout si des intérêts électoraux s en mêlent (allez fermer une usine dans la circonscription d’un ministre bien en cour)]

          Parce que vous croyez que ce genre de choses ne se produit pas dans le privé ? Qu’à l’heure de choisir les projets ceux du chouchou du PDG ou de l’actionnaire majoritaire n’ont pas un gros avantage par rapport à ceux de ses concurrents moins bien en cour ? Détrompez-vous. Imaginer que dans le privé on choisit toujours l’homme le plus compétent pour le job et le projet le plus efficace, c’est une vue de l’esprit. Un PDG n’est pas moins sensible à la flatterie de sa cour ou aux préjugés de ses administrateurs et actionnaires qu’un homme politique ne l’est vis-à-vis de ses conseillers ou de ses électeurs…

          • cdg dit :

            le chemin de la privatisation de renault commence en 1986 (et renault devient une SA en 1990 et 1996 pour que l etat n y fasse plus la loi). les problemes de renault (echec de l expension aux USA avec AMC, gamme vieillissante (R5 et 4L datent des annees 70. la R25 n est pas encore apparue ni l espace (qui est d ailleurs une voiture matra et pas renault)).
            Il est abusif de mettre les problemes de renault sur le dos de la privatisation alors qu ils sont anterieur.

            “D’abord, j’attire votre attention sur le fait que les dépenses publiques sont, par définition, publiques. Elles sont surveillées par les parlementaires et par la Cour des comptes, elles sont portées à la connaissance du public averti par les rapports de la cour et du parlement, et à la connaissance du public général par la presse”
            L etat publie t il vraiment tout ? Vous pouvez publier un chiffre tout en occultant comment c est ventilé (pas specifique au public d ailleurs).
            Par ex l etat pourrait dire qu il investi dans la recherche spatiale avec un budget de X milliards . En fait ca pourrait etre bidon avec de l argent depensé essentiellement dans des projets dont l objectif numero 1 est de fournir du chiffre d affaire a des entreprises “amies” qui vont vous fournir une techno depassee. J ai pris la recherche spatiale comme exemple (c est surement pas la ou est le gros du coulage. par contre dire qu on ameliore les route en creant des rond points …)

            “dépenser inutilement de l’argent dans un projet qui n’aboutira pas, c’est se priver d’utiliser cet argent pour un autre projet qui permettrait permettra de gagner des voix”
            Vous mettez exactement le doigt sur le probleme avec l investissement etatique: ca doit rapporter des voix.
            Si un projet semble porteur techniquement mais ne va pas rapporter une voix il sera abandonné pour un truc qui n a aucun sens mais remunerateur electoralement

            Le prive a aussi ses problemes, surtout avec le management moderne qui fait que les entreprises sont souvent gerees par des financiers. Je n ai jamais dit que le privé etait parfait juste par ce que c etait privé.
            Dans certains cas, c est sur que le public a un avantage : un etat peu raisonner sur une duree de 10-20 ans. une entreprise privée c est tres rare, surtout avec la tendance a la financiarisation actuelle.

            Par contre la gestion etatique pose 2 gros problemes:
            – elle engage tout le monde. Si une entreprise privee decide de faire n import quoi, personne ne me force a acheter ses produits, a la financer si ca tourne mal ou a y travailler. Si l entreprise est publique, on ne me forcera pas a y travailler (on est pas en URSS 😉 ) mais je serai force de payer les degats de la mauvaise gestion : tous les francais paient encore les degats de l etat voulant jouer au banquier avec le credit lyonnais ou le reflouement d areva

            – l etat est juge et partie. Si une entreprise publique enfreint une loi ou un reglement, l etat va se trouver dans une position cornelienne. Faire respecter la loi et la main droite va taper sur la main gauche. Ou alors modifier la loi / etouffer l affaire. devivez quelle option va etre choisie ? le cas se pose aussi avec une entreprise privee (ex Servier ou amiante) mais c est bien plus delicat quand c est public car on va demander a l etat de se condamner lui meme (et en plus l esprit de corps va jouer a plein. Un enarque va plus hesiter a s attaquer a un collegue de promo qu a un dirigeant de societe qu il n a jamais vu)

            “Les échecs et les « gabegies » sont dénoncées régulièrement, et leurs responsables traînés dans la boue médiatique”
            vraiment ?
            Pouvez vous me donnez des exemples ou les echecs dans le domaine public ont ete vraiment sanctionné ?
            Je parle pas ici de detournement de fond comme avec Ferrand mais d un echec qu un dirigeant meme en dessous de la moyenne aurait evité

            Anne Lauvergeon a coulé Areva, il y a eut meme un fort soupcon d enrichissement perso (uramin) et pourtant elle n a pas franchement ete inquiete.
            Pour prendre un domaine que je connais, personne n a ete trainé dans la boue ou meme denoncé apres le naufrage du projet de cloud souverain (projet qui etait mal parti des le depart et qui a fini en apotheose : on choisit pas les plus competants et ils reussisent a se disputer et faire 2 offres concurrantes).
            L hadopi grille depuis 10 ans pas loin d une dizaine de million par an alors qu il etait des le depart evident que ca n allait aboutir a rien (c est comme tenter d interdire l imprimerie pour sauver les moines copistes).
            Mais le but etant de cajoler les ayant droits qu importe !
            Un etat novateur/visionnaire aurait force le bras aux ayant droit pour leur faire accepter une sorte de license globale afin de creer un netflix francais (ou vous pouvez regardez ce que vous voulez moyennant un abonnement mensuel). Pas de chance nos elites publiques et privees ont prefere maintenir le systeme de rente des annees 80. Manque de vision du cote privé, electoralisme coté public. Sanction coté public : aucune. On va meme fusionner le CSA avec l hadopi…
            Sanction coté privé : la valeur ajoutée est passée chez Netflix et Apple. Les actionnaires de vivendi ont mordu la poussiere. Ceux d apple ont bien profité (idem pour les dirigeants). Pascal negre se fait debarquer de la direction d universal

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Le chemin de la privatisation de Renault commence en 1986 (et Renault devient une SA en 1990 et 1996 pour que l’état n’y fasse plus la loi).]

              Je ne sais pas ce que vous entendez par « la privatisation commence ». La privatisation était souhaitée par le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac arrivé aux affaires en 1986. La lutte des travailleurs a permis de bloquer l’affaire suffisamment longtemps pour empêcher ce gouvernement de changer le statut de l’entreprise avant les élections présidentielles et législatives de 1988 qui voient les socialistes revenir au pouvoir. Le gouvernement Rocard fera voter la loi du 4 juillet 1990 changeant le statut que la Régie avait reçu en 1945 pour en faire une société anonyme. Mais contrairement à ce que vous affirmez, le but n’était pas « que l’Etat ne fasse plus la loi », mais d’obéir aux injonctions européennes dénonçant une atteinte à la concurrence.

              [les problèmes de Renault (échec de l’extension aux USA avec AMC, gamme vieillissante (R5 et 4L datent des annees 70. la R25 n est pas encore apparue ni l espace (qui est d ailleurs une voiture matra et pas renault)).]

              Vous faites erreur. Les Renault 9 et 11 sont mises sur le marché en 1981, La R25 et l’Espace en 1984, la R21 en 1986. Parler de « gamme vieillissante » au moment où démarre la privatisation, c’est une construction à postériori destinée à justifier cette dernière.

              [Il est abusif de mettre les problèmes de Renault sur le dos de la privatisation alors qu’ils sont antérieurs.]

              Je n’ai pas mis les problèmes de Renault sur le dos de la privatisation. Ce que j’ai dit, c’est que contrairement à vos affirmations, Renault s’est trouvé dans une situation critique APRES la privatisation, et non AVANT. Est-ce une conséquence ou une coïncidence, je ne saurais le dire.

              [« D’abord, j’attire votre attention sur le fait que les dépenses publiques sont, par définition, publiques. Elles sont surveillées par les parlementaires et par la Cour des comptes, elles sont portées à la connaissance du public averti par les rapports de la cour et du parlement, et à la connaissance du public général par la presse » L’état publie-t-il vraiment tout ? Vous pouvez publier un chiffre tout en occultant comment c est ventilé (pas spécifique au public d’ailleurs).]

              En dehors des « dépenses réservées » – celles finançant les services secrets, la dissuasion nucléaire, etc. – tout est publié. Chaque année, les « bleus » et les « jaunes » budgétaires vous donnent la prévision de dépenses, et les « verts » vous permettent de connaître les dépenses effectivement réalisées. La Cour des comptes et les commissions parlementaires ont accès à l’ensemble des opérations financières de l’Etat. Il faut arrêter de raconter qu’il y aurait des « comptes cachés ». Je ne dis pas que l’exploitation de cette masse d’information soit chose simple, mais si l’on tient compte du nombre de gens qui guettent la faute, on peut difficilement dire que la surveillance des comptes de l’Etat soit moins fine que celle des comptes des sociétés privées. Car j’attire votre attention sur ce fait : pensez-vous que la direction des grandes entreprises dit tout aux actionnaires ? Que ceux-ci ont des moyens d’investigation plus importants ?

              [Par ex l’état pourrait dire qu’il investit dans la recherche spatiale avec un budget de X milliards. En fait ça pourrait être bidon avec de l’argent dépensé essentiellement dans des projets dont l’objectif numéro 1 est de fournir du chiffre d’affaire a des entreprises “amies” qui vont vous fournir une techno dépassée.]

              Je vous rappelle que l’Etat ne peut choisir librement les entreprises à qui il confie les projets. Le Code des marchés publics oblige l’Etat à publier un cahier des charges et les critères d’appréciation des offres. Les offres sont ensuite évaluées et le contrat doit aller à celle qui obtient la meilleure évaluation. Et les entreprises concurrentes peuvent faire appel au juge s’ils estiment que la procédure n’a pas été respectée. Je vous rappelle aussi que les élus et les fonctionnaires engagent dans cette affaire leur responsabilité pénale.

              En fait, le cas que vous décrivez est bien plus facile dans une entreprise privée, puisque les acteurs privés ne sont pas tenus de faire des appels d’offre concurrentiels, et peuvent choisir leurs fournisseurs comme bon leur semble. Je ne comprends donc pas pourquoi l’Etat serait de ce point de vue moins efficace que le privé.

              [J’ai pris la recherche spatiale comme exemple (c’est surement pas la ou est le gros du coulage. par contre dire qu’on améliore les route en créant des rond points …)]

              Il ne faut pas confondre deux choses. D’un côté, il y a les décisions des dirigeants d’un organisme, qui peuvent être bonnes ou mauvaises, et une autre c’est la fraude. Ce que je vous dis, c’est qu’il n’y pas de raison de penser que les décideurs publics soient plus enclins à prendre les « mauvaises » décisions que les décideurs privés. Quant à la fraude, elle est bien plus difficile dans le public que dans le privé, étant donné le poids des contrôles.

              [“dépenser inutilement de l’argent dans un projet qui n’aboutira pas, c’est se priver d’utiliser cet argent pour un autre projet qui permettrait permettra de gagner des voix” Vous mettez exactement le doigt sur le problème avec l’investissement étatique: ça doit rapporter des voix. Si un projet semble porteur techniquement mais ne va pas rapporter une voix il sera abandonné pour un truc qui n’a aucun sens mais rémunérateur électoralement]

              Mais quelle est la différence avec le privé ? Dans le public, le décideur a besoin de gagner les voix des élus ou des électeurs, dans le privé il doit gagner les voix de ses actionnaires ou de ses administrateurs. Qu’est-ce qui vous fait penser que les uns soient moins clairvoyants que les autres ? Pour moi la seule différence, qui fait pencher la balance du côté du public, c’est que le débat sur les choix publics se passe sur l’agora, alors que l’entreprise est souvent beaucoup moins transparente.

              [Le prive a aussi ses problèmes, surtout avec le management moderne qui fait que les entreprises sont souvent gérées par des financiers. Je n’ai jamais dit que le privé était parfait juste par ce que c’était privé. Dans certains cas, c’est sûr que le public a un avantage : un état peu raisonner sur une durée de 10-20 ans. Une entreprise privée c’est très rare, surtout avec la tendance a la financiarisation actuelle.]

              Je ne suis pas un fanatique de la gestion publique. La gestion publique a toujours un avantage lorsqu’il s’agit de penser sur le très long terme, ou bien dans les domaines ou le marché ne peut fonctionner efficacement. La gestion privée à l’avantage là où il existe un marché qui se rapproche d’un marché « pur et parfait », tout simplement parce que la gestion publique est beaucoup plus lourde.

              [Par contre la gestion étatique pose 2 gros problèmes:
              – elle engage tout le monde. Si une entreprise privée décide de faire n’importe quoi, personne ne me force a acheter ses produits, a la financer si ça tourne mal ou à y travailler. Si l’entreprise est publique, on ne me forcera pas a y travailler (on est pas en URSS 😉 ) mais je serai force de payer les dégâts de la mauvaise gestion : tous les français paient encore les dégâts de l’etat voulant jouer au banquier avec le crédit lyonnais ou le renflouement d’Areva]

              A cela deux réponses. La première est que les faits vous donnent tort : en 2008, ce sont les banquiers privés qui ont fait « n’importe quoi », et ce sont les contribuables qui ont payé. La problématique des « too big to fail » contredit clairement votre vision du monde. Lorsqu’une très grosse entreprise « fait n’importe quoi », ce sont les contribuables qui payent les pots cassés. La deuxième réponse est que le risque est la contrepartie d’un avantage. Oui, si Areva « fait n’importe quoi », c’est le contribuable qui paye. Mais lorsque EDF fait le bon choix, c’est le contribuable qui touche les dividendes.

              [– l’Etat est juge et partie. Si une entreprise publique enfreint une loi ou un règlement, l’Etat va se trouver dans une position cornélienne. Faire respecter la loi et la main droite va taper sur la main gauche. Ou alors modifier la loi / étouffer l’affaire. Devinez quelle option va etre choisie ?]

              Vous avez une drôle de vision de la façon dont les choses se passent. Si une entreprise publique enfreint une loi ou un règlement, et que cela fait du tort à quelqu’un – vous admettrez que si cela ne fait de tort à personne, le problème ne se pose pas – ce quelqu’un ira devant un juge pour exiger la réparation du préjudice. Et les juges, cela ne vous aura pas échappé, sont indépendants. Les entreprises publiques et l’Etat lui-même sont régulièrement condamnés à réparer des dommages, à verser des compensations.

              [“Les échecs et les « gabegies » sont dénoncées régulièrement, et leurs responsables traînés dans la boue médiatique” vraiment ?]

              Oui, vraiment.

              [Pouvez-vous me donnez des exemples ou les échecs dans le domaine public ont été vraiment sanctionné ? Je ne parle pas ici de détournement de fond comme avec Ferrand mais d’un échec qu’un dirigeant même en dessous de la moyenne aurait évité.]

              Pensez par exemple au scandale du sang contaminé : Michel Garretta, directeur du Centre national de transfusion sanguine avait eu droit à sa révocation, quatre ans de prison ferme et 500.000 F d’amende.

              [Anne Lauvergeon a coulé Areva, il y a eu même un fort soupçon d’enrichissement perso (uramin) et pourtant elle n’a pas franchement été inquiété.]

              Vous oubliez que la plupart des décisions publiques sont des décisions collectives. Il est donc difficile de reprocher à Anne Lauvergeon des décisions industrielles qui ont été approuvées voire imposées par le ministre. Vous noterez quand même que Anne Lauvergeon a été sanctionnée par la perte de son poste, et a été trainée dans la boue par les journaux.

              [Pour prendre un domaine que je connais, personne n’a été trainé dans la boue ou même dénoncé après le naufrage du projet de cloud souverain (projet qui était mal parti dès le départ et qui a fini en apothéose : on choisit pas les plus compétents et ils réussissent a se disputer et faire 2 offres concurrentes).]

              Mais qui aurait dû être sanctionné, à votre avis ?

              [L’hadopi grille depuis 10 ans pas loin d’une dizaine de million par an alors qu’il était dès le départ évident que ça n’allait aboutir a rien (c’est comme tenter d’interdire l’imprimerie pour sauver les moines copistes).]

              Vous mélangez deux choses. Il y a d’un côté les décisions techniques prises en général par des fonctionnaires, et de l’autre des décisions politiques prises par des élus et des ministres. Les sanctions ne peuvent être de même nature. La décision à laquelle vous faites référence est une décision politique, et la sanction est dans la main des électeurs. Si les électeurs ont envie de jeter quelques millions d’euros chaque année dans un but symbolique, c’est leur droit. Et s’ils ne sont pas contents, ils peuvent toujours sanctionner. C’est la même chose dans le privé avec les actionnaires. Si le PDG prend une décision stratégique et que les actionnaires le soutiennent, il n’y a aucune raison de « sanctionner »>.

            • cdg dit :

              ” Si une entreprise publique enfreint une loi ou un règlement, et que cela fait du tort à quelqu’un – vous admettrez que si cela ne fait de tort à personne, le problème ne se pose pas – ”
              C est amusant qu un communiste vous ayez le point de vue americain sur les infraction (aux USA si pas de victimes, pas de pb)
              Vous pouvez enfreindre une loi sans que ca ne cause du tort a quelqu un (par ex si je roule a 200 sur l autoroute) ou que le dommage est lointain ou peu visible (rejet de produit toxique, abus de bien sociaux)

              Et pour qu il y ait un proces, il faut que le juge (certes independant) ait le concours de services de l etat qui lui ne le sont pas. Par exemple si la police recoit la consigne d enqueter a minima. Si par hasard, le dossier se perd (c est arrive pour la scientologie comme quoi je n invente rien) …

              “scandale du sang contaminé : Michel Garretta”
              C est quand meme un des rare exemple. Et il n a pas eut de chance : scandale majeur (ca a fait des morts), alternance politique (plus de protecteur) et preuves accablantes (demander a ecouler des stock qu on sait contaminé, difficile a justifier)
              Notons que vous etes oblige de remonter 30 ans en arriere pour trouver un exemple

              Dans le cas de Lauvergeon, je suis pas sur que ca soit le ministre qui ait demande d acheter une societe qui a son siege dans un paradis fiscal. D apres wikipedia, l agence des participation de l etat a donne son accord mais c est Areva qui a initie l operation. La cour des comptes dit d ailleurs que c est Lauvergeon qui dirigeait tout.
              Comment croire serieusement qu elle ignorait que son mari allait profiter des informations qu elle n aurait jamais du lui donner pour faire un delit d initié ?
              Quelle santion a t elle eut ?
              Elle a du quitter son poste (ce qui parait quand meme le minimum). Elle a tellement ete trainee dans la boue qu elle a pu se reconvertir au conseil d administration d EADS, Rio Tinto et Sigfox. Ayrault comme premier ministre la nomme presidende d une commision …

              echec du cloud souverain. qui aurait du etre sanctionne ?
              Je n ai pas de nom a donner. Mais deja le concept etait boiteux. Le choix des entreprises discutable (les mieux place etaient probablement OVH mais contrairement a Orange et Dassault ils n avaient pas leurs entrees dans les ministeres et ne recasent pas de politiciens)
              Et le ponpon etant que les 2 entreprises choisies ont ete incapable de collaborer et ont fait 2 produits distincts !
              Donc difficile de dire “on y est pour rien, pas de sanction”

              Hadopi
              ” La décision à laquelle vous faites référence est une décision politique, et la sanction est dans la main des électeurs”
              Pas vraiment. Quand vous votez, vous aller voter pour un package. Donc meme si un point vous gene, vous allez pas forcement voter pour un autre juste a cause de ca. Dans le cas de l hadopi, je pense d ailleurs qu aucun des candidats majeurs (ceux qui avaient une chance d arriver au 2eme tour) etait contre. donc pas vraiment de possibilite de voter pour l elimination de l Hadopi

              On a le meme point actuellement avec la PMA. Les partisans de la mesure disent que c etait dans le programme de Macron et donc que les gens ont vote pour la PMA. Mais outre le fait que Macron avait ete tres discret la dessus lors de la campagne,est ce que les electeurs se sont decide la dessus ? combien d electeurs ont vote macron pour la PMA. combien n ont pas vote macron pour manifester leur opposition a la mesure ?

              On peut reprendre le meme argument avec la validation par le congres du traite rejete par referendum. Les electeurs qui avaient vote contre le traite ont quand meme vote pour un depute PS ou LR qui a suivit les consigne de son parti et se sont assis sur le referendum. Y aurait il fallu que les electeurs votent FN ou PC (et donc forcent sarkozy a une cohabitation et votent pour un programme qui est sur pas mal de point contre ce qu ils pensent) pour qu on respecte leur vote ?

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [” Si une entreprise publique enfreint une loi ou un règlement, et que cela fait du tort à quelqu’un – vous admettrez que si cela ne fait de tort à personne, le problème ne se pose pas – ” C’est amusant qu’un communiste vous ayez le point de vue américain sur les infractions (aux USA si pas de victimes, pas de pb) Vous pouvez enfreindre une loi sans que ça ne cause du tort à quelqu’un (par ex si je roule à 200 sur l’autoroute) ou que le dommage est lointain ou peu visible (rejet de produit toxique, abus de bien sociaux)]

              Votre commentaire ici est étrange. Vous soutenez que le point de vue américain est que « s’il n’y a pas de victimes pas de problème » et donnez comme exemple le fait de rouler à 200 sur l’autoroute, alors qu’il est notoire que les excès de vitesse sont bien plus lourdement poursuivis et condamnés aux USA qu’en France même en absence d’accident…

              En fait, c’est exactement l’inverse. Alors que les Américains tendent à sacraliser la loi par elle-même et donc à exiger son application même dans les cas où elle est inutile voire nuisible, la tradition française tend au contraire à considérer l’infraction en termes pragmatiques. D’abord, au niveau constitutionnel il est affirmé que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ». Il s’ensuit donc que seul peut constituer une infraction un acte qui « nuit » à quelqu’un. Ensuite, au niveau de la justice une action n’est recevable que si celui qui la porte « a intérêt à agir », ce qui suppose que l’acte contre lequel il s’insurge lui ait porté un « tort ». Ainsi, par exemple, vous pouvez porter plainte si vous êtes victime d’un vol, ou exiger qu’un voisin répare les dégats qu’il a fait à votre voiture en se garant. Mais si vous êtes témoin d’un vol ou d’une dégradation d’un bien privé, vous ne pouvez pas porter plainte, puisque vous n’avez aucun « intérêt à agir ». Un acte qui ne porte tort à personne n’est donc pas « actionnable »…

              [Et pour qu’il y ait un procès, il faut que le juge (certes indépendant) ait le concours de services de l’Etat qui eux ne le sont pas. Par exemple si la police reçoit la consigne d’enquêter a minima. Si par hasard, le dossier se perd (c est arrivé pour la scientologie comme quoi je n’invente rien)…]

              Certes. Mais ce problème se pose autant lorsqu’il s’agit de poursuivre l’Etat que lorsqu’il s’agit de poursuivre une personne privée – notamment lorsque celle-ci a d’importants moyens à sa disposition. D’ailleurs, vous-même donnez l’exemple de la scientologie, qui n’est pas une personne publique, jusqu’à nouvel ordre. Je vous rappelle que ce qui était en débat ici n’était pas l’indépendance des poursuites EN GENERAL, mais l’indépendance des poursuites lorsqu’elles concernent une entreprise publique ou une administration…

              [“scandale du sang contaminé : Michel Garretta” C’est quand même un des rare exemple.]

              Combien de « rares exemples » faudrait-il vous donner pour que vous admettiez que les agents publics ne sont pas plus protégés lorsqu’ils commettent des actes répréhensibles que les agents privés ?

              [Notons que vous êtes oblige de remonter 30 ans en arrière pour trouver un exemple]

              Pas particulièrement. J’aurais pu vous donner des exemples bien plus récents, mais j’ai choisi celui-là parce qu’il ne prête pas à controverse du fait qu’il s’agit clairement d’une faute, et non d’une erreur. Car la différence entre les deux est essentielle : s’il faut punir la faute, vous comprenez bien que punir l’erreur tue chez les fonctionnaires tout esprit d’initiative. Vous noterez par ailleurs qu’à supposer même qu’on ait besoin de remonter 30 ans en arrière, cela peut dire deux choses : que l’impunité règne… ou que les fautes sont rares. Je pencherais plutôt pour la deuxième option. Il vous sera difficile de trouver un exemple récent de faute de cette gravité qui soit restée impunie.

              [Dans le cas de Lauvergeon, je ne suis pas sûr que ça soit le ministre qui ait demande d’acheter une société qui a son siège dans un paradis fiscal. D’apres wikipedia, l’agence des participations de l’Etat a donné son accord mais c’est Areva qui a initié l’opération.]

              Vous pensez vraiment que dans une opération de cette ampleur l’APE se contente de tamponner les demandes des entreprises publiques sans demander l’accord au cabinet du ministre ? Que Bercy permet aux entreprises de faire ce qu’elles veulent ?

              [La cour des comptes dit d’ailleurs que c’est Lauvergeon qui dirigeait tout.]

              Lauvergeon fait un bouc émissaire commode. Je rappelle à tout hasard que la Cour des comptes exerce un contrôle sur toutes les entreprises dans lesquelles l’Etat a une participation significative – ce qui est le cas d’Areva – et qu’à ce titre elle peut se faire communiquer l’ensemble des pièces comptables, des rapports internes, des comptes rendus des conseils d’administration, de convoquer qui elle veut et de l’interroger sous serment. Et avec ces moyens d’enquête la Cour ne savait pas que Lauvergeon faisait des bêtises ? Allons, soyons sérieux…

              [Comment croire sérieusement qu’elle ignorait que son mari allait profiter des informations qu’elle n’aurait jamais dû lui donner pour faire un délit d’initié ?]

              Vous vous faites écho ici d’accusations qui font l’objet depuis 2016 de plusieurs enquêtes judiciaires mais qui n’ont pas été prouvés. J’ajoute qu’un audit interne à Areva disculpe Anne Lauvergeon, et que cet audit n’a pas été publié malgré une procédure en référé de la principale intéressée… ce qui semble confirmer que dans cette affaire Lauvergeon sert de bouc émissaire.

              [Quelle sanction a-t-elle eut ? Elle a dû quitter son poste (ce qui parait quand meme le minimum).]

              Quelle sanction aurait eu un patron privé à sa place ? Quant aux sanctions pénales, les procédures sont en cours et on verra à quoi elles aboutiront. En toute franchise, et pour connaître un peu l’affaire, j’aurais tendance à dire qu’on peut toujours être sage après coup, mais qu’à l’époque ou l’affaire s’est faite, il était bien moins évident qu’il s’agissait d’une escroquerie.

              [Elle a tellement ete trainee dans la boue qu elle a pu se reconvertir au conseil d’administration d’EADS, Rio Tinto et Sigfox.]

              Si ma mémoire ne me trompe pas, Rio Tinto et Sigfox sont des entreprises privées, et leurs administrateurs sont élus par les actionnaires. Il faut croire que ces derniers trouvent Anne Lauvergeon suffisamment honnête et compétente pour leur confier les destins de leurs investissements. Je trouve donc votre remarque paradoxale : vous défendez l’idée que le privé est plus prompt à sanctionner les fautes que le public, et vous me montrez un exemple de dirigeant qui, ayant été sanctionné dans le public, est nommé à des positions de responsabilité par le privé…

              [« échec du cloud souverain. qui aurait du être sanctionne ? » Je n’ai pas de nom à donner.]

              Si vous n’avez pas de nom à donner, vous ne pouvez pas vous plaindre que personne ne soit sanctionné. Ou bien il y a un responsable qui a commis une faute, et on peut sanctionner, ou bien il y a eu une suite d’erreurs – ou tout simplement le commanditaire a demandé quelque chose d’impossible – et alors on ne voit pas pourquoi il y aurait sanction.

              [”La décision à laquelle vous faites référence est une décision politique, et la sanction est dans la main des électeurs” Pas vraiment. Quand vous votez, vous aller voter pour un package. Donc même si un point vous gène, vous allez pas forcement voter pour un autre juste à cause de ça.]

              Admettons. Mais à cela deux remarques : la première, c’est que le même problème se pose dans le privé, lorsque les actionnaires élisent des administrateurs ou le PDG : là aussi vous achetez un package, et vous ne pouvez pas sanctionner une erreur particulière autrement qu’en rejetant l’ensemble. La seconde, c’est que sauf à sanctionner les politiques, je vois mal comment on pourrait dans l’affaire Hadopi prendre des sanctions. Sauf à donner aux fonctionnaires le droit de désobéir lorsqu’ils estiment qu’une initiative ne va pas dans le sens du bien public…

        • Vincent dit :

          [[Par contre automatiser un poste de “manager” c’est plus facile (une IA va vous générer vos tableaux Excel) et le gain est important (car il était mieux payé)]
          Le travail du manager ne se réduit pas à faire des tableaux Excel. Le travail du manager est de faire travailler les autres. Et cela, aucune machine n’a réussi à le faire pour le moment…]

          Vaste sujet. J’ai eu une réaction un peu similaire en lisant la phrase. Mais en réfléchissant un peu plus avant, ce n’est pas nécessairement idiot.
          Malheureusement, il y a de plus en plus de postes de managers intermédiaires, souvent appelés chefs de projet, qui doivent se débattre dans des organisations kafkaïennes, pour réussir à faire travailler des personnes qui vont réellement produire quelque chose, et passent leur temps à mettre à jour des tableaux excel, et à essayer de négocier avec d’autres chefs de projets pour qu’on leur laisse la disposition de telle ou telle ressource, etc.
          Ne pourrait on pas remplacer l’ensemble de cette strate intermédiaire de tous les CdP pas de l’intelligence artificielle, à terme ?

          Ce n’est peut être pas une vue de l’esprit… Certes, il restera des managers au dessus, qui devront avoir la main sur certains paramètres de l’IA, et donc être plus qualifiés qu’aujourd’hui, tout en assurant l’encadrement humain. Mais le métier de CdP n’est pas forcément tant que cela un métier d’avenir.

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Vaste sujet. J’ai eu une réaction un peu similaire en lisant la phrase. Mais en réfléchissant un peu plus avant, ce n’est pas nécessairement idiot. Malheureusement, il y a de plus en plus de postes de managers intermédiaires, souvent appelés chefs de projet, qui doivent se débattre dans des organisations kafkaïennes, pour réussir à faire travailler des personnes qui vont réellement produire quelque chose, et passent leur temps à mettre à jour des tableaux excel, et à essayer de négocier avec d’autres chefs de projets pour qu’on leur laisse la disposition de telle ou telle ressource, etc.]

            Que le tableau Excel et l’exposé Powerpoint soient devenus les outils imposés des managers qui veulent aller quelque part, c’est une chose. Mais le travail du manager n’est pas « de mettre à jour des tableaux Excel » : avant de les « mettre à jour », il lui faut décider qu’est-ce qu’on met dans le fameux tableau, et quelles conclusions on en tire une fois rempli. Je pense que c’est réduire un peu trop le travail du manager (je déteste le terme, mais malheureusement la langue française n’a pas produit un autre) en le présentant comme un travail purement mécanique.

            [Ne pourrait-on pas remplacer l’ensemble de cette strate intermédiaire de tous les CdP pas de l’intelligence artificielle, à terme ?]

            Je ne vois pas comment. Que des outils d’intelligence artificielle puissent aider le manager en le libérant des tâches mécaniques, pourquoi pas. Mais un bon manager le fait déjà, lorsqu’il transfère ces tâches à son assistance ou ses collaborateurs. Un manager qui passe l’essentiel de son temps à rentrer des chiffres dans un tableau est un manager qui ne sait pas déléguer, et donc un très mauvais manager. Par contre, se « débattre dans une organisation kafkaïenne » – ce qui suppose de bien comprendre pourquoi l’organisation fonctionne comme elle fonctionne et tirer le meilleur parti de ses tropismes – et « négocier avec d’autres chefs de projet » – ce qui suppose, là encore, une compréhension des ressorts humains et organisationnels ainsi que des besoins des autres -, voilà à mon avis le vrai travail du manager. Et je ne vois pas comment l’intelligence artificielle pourrait remplacer l’homme dans ces tâches.

            [Ce n’est peut être pas une vue de l’esprit… Certes, il restera des managers au dessus, qui devront avoir la main sur certains paramètres de l’IA, et donc être plus qualifiés qu’aujourd’hui, tout en assurant l’encadrement humain. Mais le métier de CdP n’est pas forcément tant que cela un métier d’avenir.]

            De ce point de vue, je suis Schumpéterien. Certainement, l’IA libérera les chefs de projet de certaines tâches plus ou moins mécaniques. Mais en même temps, les projets nécessiteront à l’avenir un degré d’optimisation dans l’utilisation des ressources, dans les délais, dans la qualité des produits qui sera encore plus contraignante. Le métier de chef de projet changera donc : il deviendra plus exigeant, plus qualifié et donc plus productif. Mais il est clair que ceux qui passent pour des grands managers parce qu’ils savent faire des beaux tableaux Excel ou de magnifiques exposés Powerpoint ont du souci à se faire…

            • J’ai l’impression que vous parez l’IA de vertus et de capacités qu’elle n’a pas. Dans son fonctionnement actuel, qui n’est pas la poursuite des “systèmes experts” elle est essentiellement un outil d’extraction statistique qui corrige ses résultats – selon la notation d’humains –

        • Vincent dit :

          [Comme l a si bine dit Hollande: “c est gratuit, c est l etat qui paie”. donc il n y a pas de force de rappel pour signaler qu il faut arreter la gabegie]

          Je vous invite à comparer ces deux affaires :
          – de Rugy qui organise des diners dans son logement de fonction, où il invite des relations qui sont à moitié professionnelles, mais dans un cadre amical. Et qui se fait lyncher pour cela.
          – Carlos Gohn, qui fait payer par son entreprise, pour son anniversaire, une réception grandiose pour une centaine de personnes (amis et famille) dans le château de Versailles, avec musiciens en tenue d’époque, feu d’artifice depuis les jardins, etc. (https://www.youtube.com/watch?v=ph-kbw_ogtg la vidéo en vaut vraiment la peine !)

          Où y a-t-il le plus de gabegie ?

          La première affaire, dans le public, est sortie assez rapidement. La seconde, dans le privée, n’est sortie que plusieurs années après, et parceque le protagoniste était déjà accusé de multiples forfaits du même genre…
          Pensez vous qu’un anniversaire comme le second serait concevable de la part d’un politique ou haut fonctionnaire ?

          Bref, la force de rappel pour arrêter la gabegie me semble encore moins tendue dans les hautes sphères privées que dans les hautes sphères publiques…

          • cdg dit :

            Goshn est en prison, De Rugy a retrouve son poste de deputé

            Il y a gabegie partout. Il y a des gens qui tapent dans la caisse dans le public comme le privé. Par contre, c est quand meme assez rare les politiciens francais qui vont en prison (Balkany est quand meme l exception et il ne va probablement pas y rester longtemps et ca a mit plus de 20 ans pour qu il se retourve derriere les barreaux)

            Doit on en deduire que nos l immense majorite de nos politiciens sont honnetes ? dans ce cas pourquoi Ferrand, Fillon, Balkany ont toujours ete soutenus ? (et pas que par leur parti. cf Urvoas ministre avertisant un depute LR des poursuites a son egard.)

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Goshn est en prison, De Rugy a retrouvé son poste de député]

              Ghosn est en prison au Japon, pas en France. Faut-il que je vous fasse la liste des nombreux patrons qui dans notre beau pays sont toujours en liberté et à des postes très élevés malgré des turpitudes autrement plus graves que celles de De Rugy ? Tapie, pour ne donner qu’un exemple…

              [Il y a gabegie partout. Il y a des gens qui tapent dans la caisse dans le public comme le privé. Par contre, c’est quand même assez rare les politiciens français qui vont en prison (Balkany est quand même l’exception]

              Pourriez-vous m’indiquer les noms de quelques grands patrons du privé qui aient goûte la paille humide du cachot et qui en soient restés plus que quelques mois ? Franchement, j’ai du mal à en trouver…

              [Doit-on en déduire que nos l’immense majorité de nos politiciens sont honnêtes ?]

              Avant de vous poser cette question, il faudrait peut-être définir les limites de ce que vous appelez « honnêteté ». Si le fait d’inviter à déjeuner aux frais de la princesse un ami simplement pour bavarder aux frais de son entreprise compte dans les « malhonnêtetés », je me demande s’il y aurait un seul cadre supérieur dans ce pays pour me jeter la première pierre. Et pourtant, si c’est fait par un politique ou par un haut fonctionnaire, cela devient péché mortel.

              [dans ce cas pourquoi Ferrand, Fillon, Balkany ont toujours été soutenus ?]

              « Soutenus » par qui ?

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Lire ceci dans cet épouvantail nommé “Les échos”: (…)]

      Comme quoi même les américains commencent à réaliser qu’en multipliant les travailleurs “hors statut” sans protection sociale, sans retraite et avec des salaires de misère on se prépare des lendemains difficiles…

  5. Tangaroa dit :

    L’erreur n’est-elle pas dans le fait qu’on limite le rôle de la « profession de service » au strict service rendu ? Dans ce cas, vous avez tout à fait raison, le coût du service est tellement faible qu’il est impossible de faire que ces activités deviennent de vrais métiers. Mais tout change si l’on considère que ces « services à la personne » vont souvent plus loin que ça. Je vous donne deux exemples : les facteurs et les agriculteurs. Tout le monde sait que le « facteur de campagne » est beaucoup plus qu’un livreur de lettres : c’est un lien social, il est parfois la seule personne rencontrée durant la journée, il peut, en plus de son activité, rendre nombre d’autres services, non rémunérés (car non rémunérables : à combien doit-on rémunérer celui qui vous change une fois par an l’ampoule de votre cuisine, que vous ne pouvez pas faire vous-même quand vous avez 80 ans puisque vous ne pouvez plus grimper sur le tabouret ?) ; bref il est indispensable pour des raisons beaucoup plus nombreuses que le simple service du courrier. Quant aux agriculteurs, et à leur corps défendant, cela fait longtemps que leur métier ne serait plus rentable sans les appuis de l’Etat ou de la PAC ; mais ils restent les jardiniers du « paysage » (au sens écologique du terme) français. Eux aussi sont indispensables si l’on veut que l’écosystème de notre pays reste ce qu’il est. Et, là non plus, ce travail n’est pas rémunéré en tant que tel (même si dans les faits les subventions en sont le salaire).
    Donc quand on parle d’activité de service, on décrit quelque chose de bien plus vaste que le simple ” service technique ” : on décrit le tissu social, et entretenir celui-ci mérite une rémunération plus importante que celles du livreur de pizzas. Seulement en effet, ce n’est pas à l’entreprise d’en supporter la charge. Comment faire ? Je n’en sais rien, mais je sais que si l’on ne prend pas en compte l’entretien du tissu social, celui-ci continuera à se dégrader, et la société ira de plus en plus mal.

    • Descartes dit :

      @ Tangaroa

      [L’erreur n’est-elle pas dans le fait qu’on limite le rôle de la « profession de service » au strict service rendu ? Dans ce cas, vous avez tout à fait raison, le coût du service est tellement faible qu’il est impossible de faire que ces activités deviennent de vrais métiers.]

      Il faut bien s’entendre sur les mots. La catégorie économique des « services » a été créée par opposition à celle des « biens » pour prendre en compte les activités économiques ou l’échange porte sur une prestation immatérielle. Ainsi, lorsque j’achète un meuble, l’achat porte sur un objet matériel. Lorsque je me fais livrer le meuble à domicile, je paye une prestation qui n’implique aucun échange matériel.

      Du point de vue économique, cela a un sens parce que biens et services ont des caractéristiques propres qui leur donnent un poids économique très différent. Les biens peuvent se stocker, ils constituent donc une réserve de valeur puisque ce stock peut être revendu plus tard. Les services, au contraire, ne peuvent pas être stockés : ils sont instantanément consommés au moment où ils sont rendus.

      [Tout le monde sait que le « facteur de campagne » est beaucoup plus qu’un livreur de lettres : c’est un lien social, il est parfois la seule personne rencontrée durant la journée, il peut, en plus de son activité, rendre nombre d’autres services, non rémunérés (car non rémunérables : à combien doit-on rémunérer celui qui vous change une fois par an l’ampoule de votre cuisine, que vous ne pouvez pas faire vous-même quand vous avez 80 ans puisque vous ne pouvez plus grimper sur le tabouret ?) ; bref il est indispensable pour des raisons beaucoup plus nombreuses que le simple service du courrier.]

      Mais pourquoi ces services ne seraient-ils pas « rémunérables » ? On pourrait parfaitement imaginer que le facteur facture ces petits services, soit globalement dans le cadre d’une prestation de contact – un peu comme les contrats que propose aujourd’hui La Poste aux familles pour que le facteur suive un peu leurs parents âgés – soit à la prestation ?

      Le problème, c’est que personne n’est prête à payer beaucoup pour ces petits travaux simples qui ne nécessitent aucune qualification. Les vieux ont beau être très contents que le facteur les aide à changer une ampoule, ils ne seraient pas disposés à payer une grosse somme pour cette prestation, et combien d’ampoules peut changer un facteur au cours de sa tournée ? La question à se poser dans ces affaires est « combien les gens sont prêts à payer pour le service ». Ça vous donne une idée de ce que celui qui prête le service peut espérer gagner. Or, les gens ne sont pas prêts à payer beaucoup pour des choses qu’ils peuvent faire eux-mêmes.

      [Quant aux agriculteurs, et à leur corps défendant, cela fait longtemps que leur métier ne serait plus rentable sans les appuis de l’Etat ou de la PAC ; mais ils restent les jardiniers du « paysage » (au sens écologique du terme) français. Eux aussi sont indispensables si l’on veut que l’écosystème de notre pays reste ce qu’il est. Et, là non plus, ce travail n’est pas rémunéré en tant que tel (même si dans les faits les subventions en sont le salaire).]

      Ils sont « rémunérés » par les aides à l’agriculture mais aussi par les subventions d’aménagement du territoire, qui permettent à ces agriculteurs de bénéficier de routes ou de lignes électriques payées par la collectivité malgré leur caractère non-rentable. Mais là encore, pour que la paye augmente il faudrait avoir l’accord des usagers du service en question…

      [Donc quand on parle d’activité de service, on décrit quelque chose de bien plus vaste que le simple ” service technique ” : on décrit le tissu social, et entretenir celui-ci mérite une rémunération plus importante que celles du livreur de pizzas.]

      Pourquoi ? Posez-vous la question : qu’est ce qui fait qu’un travail « mérite » une rémunération plus ou moins élevée ? Pourquoi le travail qui consiste à changer l’ampoule chez une vieille dame « mériterait » une meilleure paye que celui qui consiste à livrer une pizza ? Votre question pose en fait celle du « mérite » comparatif des différents métiers…

      [Seulement en effet, ce n’est pas à l’entreprise d’en supporter la charge. Comment faire ? Je n’en sais rien, mais je sais que si l’on ne prend pas en compte l’entretien du tissu social, celui-ci continuera à se dégrader, et la société ira de plus en plus mal.]

      Si un service est considéré essentiel pour la société et qu’il n’existe pas de modèle économique privé pour le financer, c’est à la collectivité de le financer par l’impôt.

  6. luc dit :

    J’ai côtoyé dans ma jeunesse Thorez et Duclos , instigateurs entre autres du code de la fonction publique français,’paradis du salarié’.
    Pour nous tous à cette époque (jusqu’en 1981),Rien ,’n’était trop beau pour la classe ouvrière’et dans mon troisième âge ,je raisonne toujours ainsi..
    Aujourd’hui , je suis le témoin atterré du cursus de mon propre fils, auto entrepreneur, sans sécurité sociale,ni retraite,ni assurance chômage qui gagne quelques dizaines d’euros par mois dans une start-up.
    Il va sur ses quarantes ans.
    Pour être clair ,c’est du tâcheronneat ,vestige de l’antique esclavagisme,disparu dans les années 1950 grâce à la mise en place du programme du Conseil National de la Résistance.
    Mon fils trouve que mes propos sont trés violents alors que cette analyse me semble partir d’une bonne lecture de la situation actuelle.
    Comment formuleriez vous à votre enfant tout ceci afin que le devoir de transmission des éléments de base de la lutte des classes se fasse .
    Dans ce temps aux multiples addictions , à une époque de désinformation submergeante ,comment aider ses enfants à comprendre ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [J’ai côtoyé dans ma jeunesse Thorez et Duclos, instigateurs entre autres du code de la fonction publique français, ’paradis du salarié’.]

      On oublie en effet souvent cette paternité. Le plus extraordinaire à mon sens, c’est que le statut de la fonction publique tel qu’il a été rédigé en 1945 est dans la droite ligne de la conception française née sous Louis XIV et continuée par Napoléon d’une fonction publique de carrière neutre et compétente, servant avec une même application les choix politiques des français quels qu’ils soient. C’est dire à quel point le Part communiste de Thorez et de Duclos était « français » dans ses conceptions politiques, à quel point il avait intégré l’histoire du pays. Pour moi, c’est l’une des meilleures illustrations du fait que le PCF n’a jamais été le « parti de l’étranger », comme certains l’ont qualifié de manière simpliste.

      [Aujourd’hui, je suis le témoin atterré du cursus de mon propre fils, auto entrepreneur, sans sécurité sociale, ni retraite, ni assurance chômage qui gagne quelques dizaines d’euros par mois dans une start-up. Il va sur ses quarante ans.]

      Votre fils n’est qu’un exemple parmi des milliers de cette monstrueuse « régression invisible » qui ravage le monde du travail et que la plupart des commentateurs ignorent ou feignent ignorer. Dans la plupart des secteurs, les rapports sociaux sont devenus les purs rapports de « paiement au comptant » que prédisait Marx en 1848. La notion – qui date elle aussi de 1945 – de l’entreprise non pas au service exclusif des actionnaires mais comme entité vivante reposant sur le besoin mutuel entre le capitaliste et le travailleur national n’aura vécu qu’un demi-siècle. Elle s’est effondrée du jour où le capitaliste a cessé d’avoir besoin du travailleur national, pouvant le mettre en concurrence avec le travailleur bulgare ou indien. Vous noterez qu’un texte législatif récent réaffirme ce caractère collectif de l’entreprise, preuve s’il en fallait une que le fait ne va nullement de soi.

      [Pour être clair, c’est du tâcheronnat, vestige de l’antique esclavagisme, disparu dans les années 1950 grâce à la mise en place du programme du Conseil National de la Résistance.]

      Le rattacher à l’esclavage me paraît excessif. S’il faut le rattacher à quelque chose dans le passé, ce serait plutôt au statut de l’ouvrier au milieu du XIXème siècle. Mais ce rattachement est à mon avis trompeur. En fait, nous vivons une situation totalement inédite, celle d’un capitalisme mondialisé qui a la capacité de mettre en concurrence l’ensemble des travailleurs de la planète et pousser ainsi les salaires et la protection sociale vers le bas. Ce capitalisme n’a donc plus besoin des travailleurs de tel ou tel pays, et peut donc s’offrir le luxe de les ignorer.

      Pensez à la révolution politique et sociale que cela représente. Jusqu’à hier, le capitaliste avait besoin des couches populaires de son pays : il avait besoin de travailleurs pour ses usines, de soldats pour ses armées. Et lorsqu’on a besoin de quelqu’un, cela crée en sa faveur un rapport de forces. Le bourgeois du XIXème ou du XXème siècle avait besoin d’un consensus social avec la classe ouvrière de son pays. Aujourd’hui, ce rapport de forces est impossible parce que la bourgeoisie et ses alliés n’ont plus besoin du reste.

      [Comment formuleriez-vous à votre enfant tout ceci afin que le devoir de transmission des éléments de base de la lutte des classes se fasse.)

      Je l’ai fait en lui montrant que l’ordre actuel des choses n’est ni le seul possible, ni celui socialement optimal. J’ai cherché à lui faire prendre conscience qu’à côté des avantages matériels individuels, une société procure des bénéfices immatériels qui pourtant ont une valeur économique : la sécurité et la prévisibilité en sont deux bons exemples. Sacrifieriez-vous la possibilité de changer votre voiture ou votre smartphone tous les ans par la certitude que vous pouvez laisser votre voiture dans la rue sans qu’elle soit vandalisée, que votre enfant n’est pas agressé à la sortie du lycée, que vous pouvez prendre un crédit pour votre maison sans craindre de perdre votre travail ? Je reste persuadé que la réponse des Français – jeunes et vieux d’ailleurs – sera positive. Reste à leur montrer qu’un tel système est possible.

      [Dans ce temps aux multiples addictions, à une époque de désinformation submergeante, comment aider ses enfants à comprendre ?]

      En leur enseignant l’histoire…

  7. dudu87 dit :

    Bonjour,
    Si vous donnez un marteau à un professionnel ou un bon bricoleur, ils vous cloueront des pointes avec facilité et proprement, sinon… le désastre!!! Pour vous dire que PÔLE EMPLOI n’est qu’un outil, un instrument de l’état. Le directeur national est nommé par le gouvernement et il lui est donné une politique à suivre, à lui de mettre son savoir faire au service de cette politique. cette entité nationale est souvent dénigrée par des campagne médiatique au même titre d’ailleurs qu’EDF, la SNCF et La REGIE RENAULT en son temps. Posez-vous la question, pourquoi? Suis-je trop simpliste???
    La RNUR n’a jamais été en déficit, sa filiale RENAULT VÉHICULES INDUSTRIELS, OUI. La Régie a du renflouer sa filiale en 1982 sous le règne de BESSE, époque où nous ouvriers avons fait des miracles avec “la pince et le fil de fer” pour faire fonctionner la boutique. En effet, il nous fallait 3 signatures pour sortir du magasin un forêt de dia 4 si le stock était approvisionné!!. Et ça, c’est du vécu… Là aussi, nous avons subit une campagne médiatique incroyable et mensongère, les ouvriers étaient fainéants et toujours en grêve, les délégués syndicaux roulaient en voitures de fonction….. C’est oublié la politique d’investissement aux USA demandée par le gouvernement de GISCARD et de MITTERRAND, le rachat de MACK, poids lourds et de AMC, voitures. Rien pour Mack nous avons mis plus 7ans à redresser la barre, entreprise achetée au prix très fort, au même titre que BERLIET en France. Sans parler du projet “VESTA” pour la RNUR, Voiture qui fait PARIS-BORDEAUX à 130km de moyenne avec Un peu plus de 9L de carburant en 1980, un projet qui a plombé les bilans des années à venir. Voir WIKI “projet vesta” Lorsqu’il a fallu investir pour industrialiser, l’état s’est défaussé… En 40 ans de carrière, j’aurai beaucoup à vous raconter et pourtant nous aimions notre boulot et notre entreprise.
    Pour la désindustrialisation de la France, vous oubliez le plan “Davignon” pour la sidérurgie, plan européen, si l’en est… Il faut se souvenir des luttes des sidérurgistes!!!

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Si vous donnez un marteau à un professionnel ou un bon bricoleur, ils vous cloueront des pointes avec facilité et proprement, sinon… le désastre!!! Pour vous dire que PÔLE EMPLOI n’est qu’un outil, un instrument de l’état.]

      Tout à fait. Mais un outil ne sert qu’à faire un certain boulot. Si vous donnez un marteau à quelqu’un poiur qu’il desserre un boulon, vous pouvez vous attendre à ce que le travail soit mal fait. Pôle Emploi n’a jamais eu pour mission de fabriquer ex-nihilo des emplois. Sa fonction est de rapprocher l’offre de la demande, c’est-à-dire, de dialoguer avec les employeurs et avec les chômeurs de manière à obtenir que les demandes des uns et des autres se rencontrent et donnent lieu à des embauches. Mais on ne peut reprocher à Pôle Emploi de ne proposer que les emplois qui sont offerts par les employeurs. Si les salaires sont bas et les conditions indignes, ce n’est pas la faute de Pôle Emploi, c’est le marché de l’emploi qui veut ça.

      [La RNUR n’a jamais été en déficit (…) C’est oublié la politique d’investissement aux USA demandée par le gouvernement de GISCARD et de MITTERRAND, le rachat de MACK, poids lourds et de AMC, voitures. Rien pour Mack nous avons mis plus 7ans à redresser la barre,]

      Effectivement. On ne compte pas le nombre de boîtes – publiques et privées d’ailleurs – qui ont payé très cher le « rêve américain » de leurs dirigeants. Dirigeants souvent aveuglés par les discours libéraux au point d’ignorer le fait que le marché américain est rigoureusement protégé, et que les autorités américaines ne permettront jamais à une entreprise étrangère de prendre des positions stratégiques.

      [Pour la désindustrialisation de la France, vous oubliez le plan “Davignon” pour la sidérurgie, plan européen, si l’en est… Il faut se souvenir des luttes des sidérurgistes!!!]

      Croyez bien que je ne l’oublie pas. J’ai commencé à militer à l’époque de la lutte des sidérurgistes, et je m’en souviens très bien. Oui, le plan Davignon fut l’un des premiers dans la longue suite des plans européens qui sous prétexte de réduire les capacités de production excédentaires « partagea » les industries toujours en faveur de l’Allemagne. Il faut dire qu’à l’époque le gouvernement français, fort peu tourné vers l’industrie, laissa faire alors que le gouvernement Allemand joua à fond la carte industrielle.

  8. dudu87 dit :

    Dans mes lectures estivales, “Le piège américain, Alsthom dans la tourmente” de Frédéric Piérucci. Les américains “dirigent” vraiment le monde avec la complicité de nos gouvernants….Impressionnant!!!
    Pour savoir qui est Macron, “le grand manipulateur, les résaux secrets de Macron”
    Et enfin, une revue que j’ai découvert: ” Energie et climat, renouvelable, nuclèaire, pétrole,transports; batiments, industrie…Rien n’est simple” de l’AFIS. Histoire les idées dans la bonne direction… enfin, c’est mon opinion!

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Dans mes lectures estivales, “Le piège américain, Alsthom dans la tourmente” de Frédéric Piérucci. Les américains “dirigent” vraiment le monde avec la complicité de nos gouvernants…. Impressionnant!!!]

      Je suis moi aussi en train de le lire. Ca fait froid dans le dos. On retrouve dans ce récit le caractère “tragique” de la politique, celui que nos dirigeants d’aujourd’hui qui ne vivent que par la com’ refusent de voir.

  9. dudu dit :

    Bonjour,

    “Croyez bien que je ne l’oublie pas. J’ai commencé à militer à l’époque de la lutte des sidérurgistes, et je m’en souviens très bien.”
    Je sais bien que vous n’oubliez pas mais je le dis surtout pour les “jeunes” qui n’ont pas vécu ou trop “minot” pour se souvenir de cette période.

    Sinon, j’admire votre patience pour expliquer et encore expliquer avec des arguments rationnels des situations souvent compliquées. Bravo!!!

  10. Laurent dit :

    Avec leur ferme de 6 hectares mes grands-parents ont bien vécu , mes parents ont exploité une ferme de 11 hectares. Malgré des années difficiles , et grâce à la construction d’une petite porcherie , ils ont réussis une belle carrière.
    Ceux qui ont repris l’exploitation ont mis la clef sous la porte , ils avaient en tout prés de 100 hectares et n’étaient pourtant pas fainéants.
    Les besoins augmentes d’une génération à une autre, mes grands-parents ne possédaient pas de voitures mais comment l’agriculture a t’elle pu détruire autant ça valeur productive en si peu de temps ?
    Les grandes exploitations sont naturellement beaucoup plus gourmande en matériel , en essence , en bâtiment , mais elles ne crées plus la valeurs ajouté nécessaire pour avoir un bon rendement économique.
    Il y avait dans ma jeunesse plus de 200 exploitations agricoles dans ma commune de 2300 habitants et un grand nombre de petits commerces, quasiment tout a disparus !
    Je n’habite pas un coin de France avec un gros taux de chômage, mais tous les anciens indépendants sont partis , sans parler de la grosse usine automobile (Heuliez) remplacé par des emploies souvent précaires et les formations de caristes pleuvent.
    Comment serait t’il possible de sortir de cette économie de service ? de ré-hausser la valeur travaille ? Est’ce que la clef ne serait pas de réguler , de cadenasser le commerce ? D’avoir un état plus puissant avec des préfectures mieux armées ?

    • Descartes dit :

      @ Laurent

      [Avec leur ferme de 6 hectares mes grands-parents ont bien vécu, mes parents ont exploité une ferme de 11 hectares. Malgré des années difficiles, et grâce à la construction d’une petite porcherie, ils ont réussis une belle carrière.]

      Vous dites que vos grands-parents ont « bien vécu » dans leur ferme de 6 hectares. Mais « bien vécu » selon quel critère ? Celui de leur époque, ou celui de la nôtre ? C’est bien là tout le problème : si vous acceptez le niveau de vie qu’avaient vos grands-parents – pas d’électricité, pas de gaz, pas d’eau courante, pas de voiture, pas de médicaments ou traitements modernes – vous pouvez parfaitement l’avoir en travaillant six hectares. Mais qui accepterait aujourd’hui pareille chose ?

      Il faut comprendre que « bien vivre » est une question contextuelle. Il y a des gens qui sont heureux dans les bidonvilles de Calcutta, alors qu’ils vivent dans des conditions que nous n’accepterions pas pour notre chien. C’est pourquoi l’équation « mon grand-père était heureux avec 6 hectares, aujourd’hui il en faut 100 » n’exprime pas le fait que l’économie se soit dégradé, mais le fait que nous sommes devenus beaucoup plus exigeants. J’irais même plus loin : avec 6 hectares, vous vivriez aujourd’hui bien mieux que vos grands-parents. Mais cela ne vous suffirait pas.

      [Les besoins augmentes d’une génération à une autre, mes grands-parents ne possédaient pas de voitures mais comment l’agriculture a-t-elle pu détruire autant ça valeur productive en si peu de temps ?]

      Ou voyez-vous une « destruction de valeur » ? Avec l’invention du métier à tisser Jacquard, les tisserands manuels ont disparu. Mais cela ne s’est pas traduit par une baisse globale du niveau de vie, au contraire. Cela a permis a bien plus de gens d’accéder à des tissus de qualité. L’agriculture n’échappe pas au mouvement de recherche de la productivité, qui passe en large partie par l’augmentation de la taille des exploitations, la mécanisation, l’utilisation de nouvelles techniques agricoles et agronomiques. Faut-il regretter qu’on ait passé d’une « agriculture paysanne » qui condamnait une grande partie de la population française à manger rien que du pain et des pommes de terre – avec une poule au pot le dimanche – par une agriculture industrielle qui nous permet d’avoir accès à une nourriture infiniment plus saine et plus variée ?

      [Je n’habite pas un coin de France avec un gros taux de chômage, mais tous les anciens indépendants sont partis, sans parler de la grosse usine automobile (Heuliez) remplacé par des emplois souvent précaires et les formations de caristes pleuvent. Comment serait-il possible de sortir de cette économie de service ? de rehausser la valeur travail ? Est-ce que la clef ne serait pas de réguler, de cadenasser le commerce ? D’avoir un état plus puissant avec des préfectures mieux armées ?]

      A mon sens, la solution au problème que vous posez passe par une renationalisation des rapports de production. Aussi longtemps que le capital aura la possibilité de mettre en concurrence le travail à l’échelle mondiale, les décisions qui concernent nos concitoyens seront prises en fonction d’intérêts qui n’ont rien à voir avec les intérêts des Français. C’est donc moins la puissance des préfectures que la question du contrôle des frontières qui se trouve posée. Heuliez n’est pas partie parce qu’on n’a plus besoin de bus ou de camions, mais parce qu’on fabrique moins cher bus et camions en Chine (ou au Canada avec des pièces venues de Chine, ce qui revient à peu près au même) et que le décideur ne choisit qu’en fonction du prix, et non de l’intérêt du pays. Avoir les instruments – fiscaux, monétaires, budgétaires – pour faire revenir la production chez nous, voilà la grande priorité. Et cela nous amène au besoin de quitter à minima la zone Euro, à terme l’UE.

      • Laurent dit :

        “L’agriculture n’échappe pas au mouvement de recherche de la productivité, qui passe en large partie par l’augmentation de la taille des exploitations, la mécanisation, l’utilisation de nouvelles techniques agricoles et agronomiques. Faut-il regretter qu’on ait passé d’une « agriculture paysanne » qui condamnait une grande partie de la population française à manger rien que du pain et des pommes de terre – avec une poule au pot le dimanche – par une agriculture industrielle qui nous permet d’avoir accès à une nourriture infiniment plus saine et plus variée ?”

        Je suis plutôt surpris par votre prise de position. Non l’agriculture industrielle ne permet pas forcément une meilleur productivité. Nombre de terres agricoles sont laissées à l’abandon avec des exploitations trop grandes. Et l’agriculture industrielle ne permet en rien une nourriture plus saine et plus variée ! Elle valorise au contraire les cultures les plus “rentables” au détriment justement de la variété des cultures.
        Plus une exploitation est petite , plus le rendement à l’hectare est grand. Il faut oui je suis entièrement d’accord trouver le juste milieu pour que le travailleur puisse trouver un revenu décent avec son exploitation.

        https://twitter.com/dav_cayla/status/1150351417179365382/photo/1

        Si j’ai pris en exemple les préfectures c’est pour en effet parler d’un retour à l’Etat. La reprise de nos souverainetés doit être une priorité absolu mais elle ne suffira pas. Il faudra avoir un pouvoir exécutif avec un programme qui planifie sur du court , moyen et long terme avec une administration loyal et compétente. Les maires que je connais se plaignent plus de l’abandon de l’Etat (il n’y a plus beaucoup de monde dans les préfectures et encore moins dans les sous-préfectures!) que de demander des pouvoirs en plus. Et des préfectures qui encadrerait le commerce permettrait de valoriser tout les territoires et pourrait lutter contre l’extension de certaine zone commerciale.

        (Si vous ne l’avez pas lu , permettez moi de vous conseiller le livre de David Cayla “L’économie du téel”)

        • Descartes dit :

          @ Laurent

          [Je suis plutôt surpris par votre prise de position. Non l’agriculture industrielle ne permet pas forcément une meilleure productivité.]

          Mais alors, à votre avis, pourquoi industrialise-t-on l’agriculture ? Par méchanceté ? Si l’agriculture paysanne a une productivité supérieure à l’agriculture industrielle, le capital aurait tout intérêt à s’investir dans l’agriculture paysanne. Pourquoi ne le fait-il pas ?

          [Nombre de terres agricoles sont laissées à l’abandon avec des exploitations trop grandes.]

          Le fait que les terres soient laissées à l’abandon est une conséquence logique de la hausse de la productivité : on arrive à saturer le marché en exploitant des surfaces chaque fois plus faibles…

          [Et l’agriculture industrielle ne permet en rien une nourriture plus saine et plus variée !]

          Que l’industrialisation ait abouti à une nourriture plus saine et plus variée me paraît difficile à contester. Il suffit de comparer ce que mangeaient nos grands-parents avec ce que nous mangeons aujourd’hui. La tomate cultivée industriellement a peut-être moins de goût que celle cultivé à la main dans le potager, mais nous pouvons manger des tomates tous les jours.

          [Elle valorise au contraire les cultures les plus “rentables” au détriment justement de la variété des cultures.]

          Mais qu’est ce qui rend une culture « rentable » ? Alors que les consommateurs demandent de la variété, si vous leur proposez toujours la même chose il y a peu de chances qu’ils soient prêts à payer un bon prix pour l’avoir. Que l’industrialisation ait abouti à une alimentation plus variée et plus saine est une réalité

          [Plus une exploitation est petite, plus le rendement à l’hectare est grand.]

          Peut-être. Mais plus l’exploitation est petite, et plus le rendement à l’heure travaillée est faible. La productivité, ce n’est pas seulement le rendement à l’hectare, elle tient compte de l’ensemble des facteurs de production. Et si la productivité était plus élevée pour les petites exploitations que pour les grosses, comment expliquer que les mécanismes économiques poussent au regroupement ?

          [Si j’ai pris en exemple les préfectures c’est pour en effet parler d’un retour à l’Etat. La reprise de nos souverainetés doit être une priorité absolue mais elle ne suffira pas. Il faudra avoir un pouvoir exécutif avec un programme qui planifie sur du court, moyen et long terme avec une administration loyal et compétente. Les maires que je connais se plaignent plus de l’abandon de l’Etat (il n’y a plus beaucoup de monde dans les préfectures et encore moins dans les sous-préfectures!) que de demander des pouvoirs en plus.]

          Je suis d’accord avec vous sur la nécessité du retour d’un politique-stratège pouvant compter sur une administration forte. Mais je suis moins convaincu que vous par le rôle des maires et autres élus locaux. Depuis la fin des années 1970, les élus locaux toutes tendances confondues ont tout fait pour chasser l’Etat de leurs terres au nom de la proximité pour renforcer leurs « baronnies » locales, tout en exigeant de l’Etat qu’il résolve tous leurs problèmes. Alors, quand ils pleurent maintenant sur « l’abandon de l’Etat », on peut leur répondre qu’ils récoltent ce qu’ils ont semé.

          [Et des préfectures qui encadrerait le commerce permettrait de valoriser tous les territoires et pourrait lutter contre l’extension de certaine zone commerciale.]

          Oui, mais pour cela les maires doivent admettre le retour de l’Etat. Le problème avec les maires est qu’ils veulent avoir le pouvoir de dire « oui », mais laisser à l’Etat le mauvais rôle de celui qui dit « non ». Ils veulent pouvoir accorder les permis de construire, mais c’est à l’Etat de les refuser aux « zones commerciales » dont ils ne veulent pas. On ne peut pas fonctionner comme ça.

          [(Si vous ne l’avez pas lu, permettez moi de vous conseiller le livre de David Cayla “L’économie du téel”)]

          Merci. Encore un sur la longue liste des livres à lire…

          • Laurent dit :

            Si cela peut vous permettre de gagner du temps voir de vous donner envie de lire le livre de David Cayla , je me permet de mettre le lien d’une de ses conférences.

            • Descartes dit :

              @ Laurent

              [Si cela peut vous permettre de gagner du temps voir de vous donner envie de lire le livre de David Cayla , je me permet de mettre le lien d’une de ses conférences.]

              J’avoue que cela ne m’a pas convaincu… il dit beaucoup de choses intelligentes, mais sa défense de l’agriculture “paysanne” et sa détestation de l’industrie ne me paraît pas très rationnelle…

      • Comment ferons-nous percevoir à nos concitoyens la nécessité de recouvrer notre souveraineté, au moins financière ?

        • Descartes dit :

          @ Gerard Couvert

          [Comment ferons-nous percevoir à nos concitoyens la nécessité de recouvrer notre souveraineté, au moins financière ?]

          La réponse tient en trois mots: éducation, éducation, éducation. Il faut inlassablement expliquer à nos concitoyens pourquoi cette souveraineté est importante, en leur montrant combien la perte des instruments de souveraineté empêche aujourd’hui de donner à leurs difficultés et à leurs problèmes une quelconque solution. Ce qui suppose pour les progressistes de sortir d’une logique de slogans pour revenir à une logique idéologique. Pour combattre l’idéologie dominante, il faut une idéologie alternative. Et une idéologie ne se limite pas à un programme ou même un projet. Une idéologie, c’est une clé de lecture du monde, qui donne à des évènements en apparence épars une cohérence.

          Ce n’est pas par hasard si l’idéologie dominante – comble de l’ironie – a voué les “idéologies” aux Gémonies.”Idéologique” et “idéologie” sont devenus des gros mots, et aucune organisation politique qui prétend avoir pignon sur rue ne se revendique d’une quelconque idéologie. Au contraire, tout le monde déclare vouloir “briser les cadres de pensée” et être indépendant de toute idéologie. Cette “idéologie de la non-idéologie” a stérilisé durablement la pensée politique, tout simplement parce qu’il est impossible de penser en dehors d’une idéologie.

  11. BolchoKek dit :

    @ Descartes

    [Cette “idéologie de la non-idéologie” a stérilisé durablement la pensée politique, tout simplement parce qu’il est impossible de penser en dehors d’une idéologie.]

    Concernant ce qu’est une idéologie, je me souviens de ce que disait Greenspan face au comité parlementaire :
    “Remember what an ideology is: it is a conceptual framework for the way people deal with reality. Everyone has one. To exist, you need an ideology.”
    Vidéo ici : https://youtu.be/CQ6WgiHq3CE

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Concernant ce qu’est une idéologie, je me souviens de ce que disait Greenspan face au comité parlementaire : “Remember what an ideology is: it is a conceptual framework for the way people deal with reality. Everyone has one. To exist, you need an ideology.”]

      Tout à fait d’accord avec vous – et avec lui. Les gens s’imaginent qu’une idéologie est un bréviaire pour l’action, alors qu’en fait c’est un cadre d’interprétation du réel. C’est pourquoi l’idée qu’on peut « s’affranchir des idéologies » est une absurdité : l’appel à s’affranchir des idéologies est lui-même une idéologie. Sans idéologie, nous en sommes réduits à la simple observation factuelle. Je vois un homme mendier dans la rue. Sans idéologie, c’est un simple fait que je ne peux ni interpréter, ni associer à d’autres faits. Il me faut une idéologie pour dire que c’est une pauvre victime qui mérite aide, où au contraire un profiteur qui refuse de contribuer à la société qu’il faut enfermer dans une maison de correction.

  12. Erwan dit :

    Bonjour Descartes,
     
    Je viens de relire cet article d’il y a deux ans, et j’ai été étonné par ce passage :
     
    [Au fur et à mesure que la déflation salariale s’impose – que ce soit par la diminution relative du SMIC ou par des procédures de contournement comme le statut de l’auto-entrepreneur – ces petits métiers renaissent… et la misère et la précarité avec.]
     
    Pourquoi dites-vous qu’il y a une diminution relative du SMIC ? Il me semble au contraire qu’il a augmenté en euro constant, non ?

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [Pourquoi dites-vous qu’il y a une diminution relative du SMIC ? Il me semble au contraire qu’il a augmenté en euro constant, non ?]

      Ca se discute. En fait, quand on calcule le SMIC en euro constant, on corrige la valeur du SMIC à l’inflation. Mais l’inflation est calculée sur un panier de biens qui n’est pas forcément celui que consomme effectivement le smicard. Autrement dit, l’inflation “moyenne” calculée par l’INSEE n’est pas forcément celle que voit le smicard. Pour vous donner un exemple, les loyers, l’électricité et le gaz, l’essence, la nourriture, l’habillement représentent pour un smicard un portion très importante du revenu, alors que pour d’autres couches sociales on trouve d’autres items: voyages, équipement électronique, livres, produits de luxe. Si les loyers et le prix de l’essence montent beaucoup, et le prix des voyages et des ordinateurs diminue, vous pouvez vous trouver avec une inflation “moyenne” faible ou nulle, alors que le smicard, lui, perdra du pouvoir d’achat.

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