Les aventures du cacique Raoni au pays de l’antiracisme sélectif

Imaginez ce qu’on entendrait si un leader politique français avait  discouru dans ces termes : « Je pense que c’est une solution de prendre les armes [pour se défendre]. Il faut que l’on agisse nous-mêmes en retirant les Arabes de nos territoires et en faisant en sorte qu’ils n’y reviennent pas. C’est légitime. La loi française d’ailleurs autorise [la légitime défense], elle va dans notre sens. C’est comme si quelqu’un rentrait chez vous ! ».

Imaginez un instant que ces propos soient rapportés avec bienveillance par un grand journal, et que l’auteur de ces propos soit reçu avec sympathie par le président de la République et le Premier ministre. Il y a fort à parier que journal, président et premier ministre seraient incinérés par les dragons de vertu de la bienpensante. Et pourtant, c’est arrivé chez nous et vous ne vous ne vous en êtes même pas aperçus. Ces propos ont été tenus par le cacique Raoni Metuktire, « célèbre cacique indigène kayapo », selon les termes utilisés par un grand quotidien du soir à qui il avait accordé un entretien.  Entretien qui, à ma connaissance, n’a provoqué la moindre réaction dans les milieux intellectuels et politiques.

Bon, d’accord, le discours n’était pas tout à fait celui-là. Un mot essentiel a été changé : là où j’ai écrit « Arabes », le texte original était « Blancs ». Mais le reste du texte a été strictement respecté (1). Un simple mot change, et tout en est changé. Un seul mot change radicalement le sens du texte au point que les gardiens de la vertu antiraciste, qui n’auraient certainement pas laissé passer la version que je vous ai proposée plus haut, ne semblent rien avoir à redire.

Car à quoi appelle exactement le cacique Raoni ? A « retirer de ses territoires » une population identifiée par sa couleur de peau. Et à le faire en « prenant les armes ». Cela, en bon français, a un nom précis : le « nettoyage ethnique ». Et comment le cacique légitime-t-il pareille mesure ? en prétendant que l’arrivée des « Blancs »… « c’est comme si quelqu’un rentrait chez vous ». Pour peu le cacique reprendrait le « on est chez nous » qui plaît tant aux groupes identitaires…

Oui, le discours du cacique est un discours raciste. Non pas un « raciste anti-Blanc », comme diraient certains, parce que le « racisme anti-Blanc » n’existe pas, pas plus que le « racisme anti-Noir ». Le racisme consiste à penser qu’on peut diviser l’humanité en fonction de critères ethniques et accorder à chaque section des droits différents. Par exemple, celui de se rendre à tel ou tel endroit, celui de s’installer sur tel ou tel territoire. L’anti-racisme véritable consiste à être indifférent aux origines ethniques. A accorder à tous les hommes les mêmes droits et exiger d’eux les mêmes devoirs sans tenir compte d’un quelconque caractère ethnique.  

Faut-il poursuivre notre cacique kayapo ? Ce serait très injuste. Après tout, nul n’échappe à sa culture sans un effort considérable. Le cacique vient d’une culture tribale endogame ou l’identité ethnique est inséparable de l’identité sociale. Reprocher à Raoni de ne pas tenir le langage universaliste des Lumières, c’est un peu comme reprocher la même faute à l’Ancien testament. Et on notera que sa défense du statu quo rejoint son intérêt personnel : si son peuple sort du stade tribal, plus de cacique…

Ce qui est inacceptable, c’est que NOS journalistes, NOS politiques, NOS intellectuels qui ont dépassé – du moins on l’espère – le stade tribal tombent en pamoison devant ce genre de personnage néfaste. Comme si le racisme insupportable dans le « beauf » d’Hénin-Beaumont qui n’aime pas les « Arabes » était admissible et même digne d’éloge chez un cacique coiffé de plumes vomissant les « Blancs ».

C’est Jean-Pierre Chevènement je crois qui faisait remarquer que si toutes les civilisations ont eu peu ou prou pratiqué l’esclavage, il n’y a qu’une seule qui ait décidé de l’abolir, et cette civilisation est la nôtre. De la même façon, on trouve le racisme dans toutes les cultures, mais une seule a fait de la discrimination raciale un délit. Et ce n’est pas celle que représente le “célèbre cacique”. Devant ceux qui cultivent à tout propos l’autoflagellation et qui cherchent à nous convaincre que nous serions plus justes, plus heureux et plus vertueux en écoutant les gens comme le cacique Raoni, il n’est pas inutile de le rappeler.

Descartes

(1) j’ai remplacé aussi « loi brésilienne » par « loi française » pour maintenir la cohérence du texte, mais ce remplacement n’a pas véritablement de conséquence sur le message.

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96 réponses à Les aventures du cacique Raoni au pays de l’antiracisme sélectif

  1. Ian Brossage dit :

    Bonsoir,

    Rien à voir, mais la dernière enquête « fractures françaises » est riche d’enseignements :
    https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2019-la-defiance-vis-vis-des-dirigeants-et-des-institutions-atteint-des

    Notamment sur le rapport à la violence, ou bien aux questions « sociétales » type PMA, ou bien encore le rapport des sympathisants RN à la démocratie.

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [Rien à voir, mais la dernière enquête « fractures françaises » est riche d’enseignements :]

      Très intéressant. Sur certains points, l’interprétation des résultats est difficile. Par exemple, le fait que le chômage ne fait pas partie des préoccupations principales des gens traduit-il le fait qu’il ne préoccupe personne, ou plutôt le fait que la population a fini par l’intégrer comme étant inévitable ? Mais ce qui me paraît très intéressant est surtout la comparaison des résultats concernant la catégorie “ouvriers”. D’une part, ils sont toujours dans une position extrême, avec des écarts très importants par rapport aux autres catégories. D’autre part, leurs positions rejoignent presque toujours celles du RN… et diffèrent nettement de celles de la galaxie PCF/LFI. Ce qui tend à montrer que la “gauche radicale” a perdu tout contact avec les intérêts de la classe ouvrière…

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Par exemple, le fait que le chômage ne fait pas partie des préoccupations principales des gens traduit-il le fait qu’il ne préoccupe personne, ou plutôt le fait que la population a fini par l’intégrer comme étant inévitable ?

        Je ne sais pas. Mais si vous parlez des « principales préoccupations des Français » page 8, je remarque que la structure des réponses est biaisée. En effet, il y a une seule réponse possible pour les préoccupations « environnementales », mais quatre pour les préoccupations socio-économiques (« avenir du système social », « difficultés en termes de pouvoir d’achat », « inégalités sociales », « taux de chômage »… et même cinq, à la limite, si on y ajoute la réponse sur « l’avenir du système scolaire »). Cela conduit les votes des partisans de l’environnement à se concentrer sur une seule réponse (donc score en tête), alors que ceux qui se préoccupent de la situation économique et sociale dispersent leur réponse sur quatre choix différents (on ne peut choisir que trois réponses). Le « taux de chômage » est par ailleurs une préoccupation plus abstraite que le chômage lui-même, et peut-être que ça a joué (d’où l’importance de la formulation des réponses).

        Il y a d’autres endroits dans le questionnaire où les réponses ne sont malheureusement pas équilibrées. Par exemple l’opposition entre « la mondialisation est une menace pour la France » (phrase clairement négative) et « la mondialisation est une opportunité pour la France » (phrase légèrement positive, mais de façon beaucoup plus vague puisqu’une opportunité peut se révéler néfaste).

        Un autre point qui me paraît intéressant est la position sur les questions « sociétales », notamment la PMA :
        – contrairement à une image répandue, c’est vraiment LR qui représente les positions les plus conservatrices – et de loin -, les sympathisants RN étant un peu conservateurs mais beaucoup moins de tout de même
        – les ouvriers sont légèrement plus conservateurs que les cadres ou professions intermédiaires, mais la différence paraît moins massive que parfois alléguée, notamment à droite (justement chez les cathos traditionnalistes de droite qui voudraient se prévaloir d’une proximité avec « le peuple ») ou chez quelqu’un comme Michéa (justement beaucoup cité par les partisants de la droite des « valeurs ») qui semble exagérer cet aspect.

        Enfin la réponse des sympathisants RN aux questions sur la démocratie révèle une surprise un peu déroutante :
        – à la première question, le score de 58% à la réponse « D’autres systèmes politiques peuvent être aussi bons que la démocratie » peut paraître signaler les persistances des tendances de l’ED traditionnelle : anti-parlementarisme, préférence pour des régimes autoritaires et autocratiques
        – mais à la deuxième question, 45% des sympathisants RN considèrent que la démocratie donne « trop de devoirs et pas assez de droits » aux citoyens, ce qui va totalement à l’encontre d’une préférence autoritariste (les régimes autoritaires centrés sur l’allégeance à un chef charismatique se targuant justement d’exiger des devoirs abandonnés par la démocratie).

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Je ne sais pas. Mais si vous parlez des « principales préoccupations des Français » page 8, je remarque que la structure des réponses est biaisée (…)]

          Vous avez tout à fait raison. Ce que vous décrivez est une technique classique pour manipuler les sondages et les votes. C’est pourquoi le classement dans ce genre d’enquêtes n’a pas grand sens, ce sont surtout les variations des réponses entre les différents groupes (âge, profession, niveau de revenu) qui sont significatives.

          [Enfin la réponse des sympathisants RN aux questions sur la démocratie révèle une surprise un peu déroutante : (…)]

          Je pense que ce paradoxe apparent montre la division des électeurs FN en deux groupes différents, l’un plus proche des thèses gaulliennes (un Etat fort, centralisé, populiste) et un autre qu’on pourrait qualifier de « libéral-anarchiste » proche des thèses de Poujade.

          • Vincent dit :

            [[Enfin la réponse des sympathisants RN aux questions sur la démocratie révèle une surprise un peu déroutante : (…)]]

            [Je pense que ce paradoxe apparent montre la division des électeurs FN en deux groupes différents, l’un plus proche des thèses gaulliennes (un Etat fort, centralisé, populiste) et un autre qu’on pourrait qualifier de « libéral-anarchiste » proche des thèses de Poujade.]

            Je pense, moi, que vous cherchez trop à rationaliser.
            Beaucoup d’électeurs FN votent FN parceque c’est (censément) le vote qui montre le mieux aux gens d’en haut qu’ “on” en a raz le bol de “comme c’est aujourd’hui”.
            Dès lors, pas d’incompatibilité entre les deux questions : on peut être contre le système démocratique actuel (parce que, aujourd’hui, “c’est trop nul”), et répondre aussi à la question sur les droits et devoirs pour dire, une fois encore : “c’est trop nul aujourd’hui”…

            Bref, des gens qui voient toujours le verre à moitié vide, et qui n’ont pas de corpus idéologique très solide et rigoureux.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je pense, moi, que vous cherchez trop à rationaliser.]

              Je crois que ça s’appelle « analyser »…

              [Beaucoup d’électeurs FN votent FN parce que c’est (censément) le vote qui montre le mieux aux gens d’en haut qu’ “on” en a raz le bol de “comme c’est aujourd’hui”.
              Dès lors, pas d’incompatibilité entre les deux questions : on peut être contre le système démocratique actuel (parce que, aujourd’hui, “c’est trop nul”), et répondre aussi à la question sur les droits et devoirs pour dire, une fois encore : “c’est trop nul aujourd’hui”…]

              Mais si cette analyse était juste, on devrait avoir le même type de réponses pour l’ensemble des questions. Or, ce n’est pas le cas…

      • Tom Personne dit :

        Je n’ai pas grand chose à dire si ce n’est qu’une mise au point telle que celle de ce court texte fait toujours plaisir à lire.
        Je rebondis quand même sur une phrase de votre échange :
        [ Ce qui tend à montrer que la “gauche radicale” a perdu tout contact avec les intérêts de la classe ouvrière… ]
        N’est-ce pas juste parce que tout ce qui tient encore lieu de projet à cette gauche est la politique du castor dans son combat d’opérette contre un fascisme évanescent qui n’en finit jamais de pointer à l’horizon ? D’autant qu’au vu de la sociologie du vote RN, mieux vaut appeler à “faire barrage” qu’à voter en toute conscience contre ce qu’il reste de la classe ouvrière. Certaines vérités pourraient occasionner de trop grandes blessures à l’égo militant.

        • Descartes dit :

          @ Tom Personne

          [« Ce qui tend à montrer que la “gauche radicale” a perdu tout contact avec les intérêts de la classe ouvrière… » N’est-ce pas juste parce que tout ce qui tient encore lieu de projet à cette gauche est la politique du castor dans son combat d’opérette contre un fascisme évanescent qui n’en finit jamais de pointer à l’horizon ?]

          Je pense que c’est plutôt l’inverse. C’est parce que la « gauche radicale » défend aujourd’hui essentiellement les intérêts des classes intermédiaires qu’à la place de l’adversaire traditionnel de la classe ouvrière – le Capital – on a inventé toutes sortes d’adversaires virtuels (le racisme, le sexisme…). Ce glissement a commencé à apparaître en mai 1968, quand les militants gauchistes ont essayé – et échoué – de manipuler le mouvement ouvrier. La classe ouvrière est restée globalement fidèle à ses leaders (le PCF, la CGT), et les gauchistes ont compris qu’il n’y avait rien à gagner de ce côté-là. C’est dans l’après 1968 que l’immigré, le taulard, le marginal apparaissent comme figures de référence à la place de l’ouvrier, que la fantasmagorie du combat antifasciste et antiraciste se déploie. La récupération par les classes intermédiaires de ces combats apparaîtra nettement avec la fondation de SOS-Racisme, organisation dont le seul but était de rabattre les voix des jeunes au profit de la réélection de Mitterrand.

          [D’autant qu’au vu de la sociologie du vote RN, mieux vaut appeler à “faire barrage” qu’à voter en toute conscience contre ce qu’il reste de la classe ouvrière. Certaines vérités pourraient occasionner de trop grandes blessures à l’égo militant.]

          Oui, tout à fait. La gauche radicale vit cette contradiction entre la classe ouvrière fantasmée et la classe ouvrière réelle.

    • Étrange ce reflux de l’importance de l’immigration (tempéré par la répartition droite/gauche) alors que E. Macron se saisit de ce sujet contre une part de sa majorité … Plus cela va et plus j’ai l’impression que ce genre de sondage ne fait que mesurer la perméabilité à la propagande.

      • Descartes dit :

        @ Gérard Couvert

        [Plus cela va et plus j’ai l’impression que ce genre de sondage ne fait que mesurer la perméabilité à la propagande.]

        C’est certain. Il est clair que le martelage sur les sujets environnementaux joue un rôle important dans les réponses. La question est de savoir quels seront les effets sur le long terme. L’expérience a montré qu’une mode chasse l’autre. La famine fut un thème à la mode à la fin des années 1980, et aujourd’hui c’est une thématique oubliée.

        • Vincent dit :

          [C’est certain. Il est clair que le martelage sur les sujets environnementaux joue un rôle important dans les réponses.]

          Mais au moment de voter, les préoccupations du quotidien reviendront. Je n’en doute pas. Et Macron, assez fin politique, a donc tout fait raison de vouloir saisir le sujet de l’immigration, pour le pas le laisser en cadeau à MLP.
          Maintenant qu’elle ne veut plus quitter l’UE, il va faire tout ce qui est possible dans le cadre de l’UE (c’est à dire pas grand chose), pour ne pas lui laisser la possibilité de répondre autre chose que “rien” à la question que lui martelaient déjà les journalistes en 2017 : pendant le temps de la renégociation de l’adhésion de la France à l’UE, que ferez vous ?

  2. Luc dit :

    A suivre. votre raisonnement , les combats du Front national (le véritable 1943-45), Mandela,Ira,ceux qui refusent le cas de marée islamique en France.. etc doivent ils être considéré comme condamnable ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [A suivre. votre raisonnement , les combats du Front national (le véritable 1943-45), Mandela,Ira,ceux qui refusent le cas de marée islamique en France.. etc doivent ils être considéré comme condamnable ?]

      Je ne saisis pas le rapport. A ma connaissance, ni le Front national animé par le PCF dans la Résistence, ni Mandela et l’ANC, ni l’IRA, ni même ceux qui refusent la marée islamique en France n’ont proposé un “nettoyage ethnique”. Parmi les mouvements que vous citez, le seul qui ait posé la question en termes ethniques est celui de Mandela (par la force des choses) et son programme était celui de la “nation arc en ciel”, et non de l’expulsion de tous ceux qui ne correspondaient à un caractère ethnique donné.

  3. “Si toutes les civilisations se valent, alors l’anthropophagie est une affaire de gout”, n’est-ce pas vous qui rappeliez cet aphorisme il y a peu ? Les Espagnols ont évangélisé, fallait-il laisser les religions locales en l’état et louer les sacrifices humains ? L’Andalousie, le croissant fertile, l’Afrique du nord étaient des régions prospères avant que ne s’abatte sur elles un dogme passablement rétrograde …
    J’ai, comme chacun, des sympathies instinctives comme des antipathies, fondée sur rien d’autre qu’un regards, suis-je raciste ? Je parle volontiers à n’importe quel visiteur sur un site antique, beaucoup moins aux abords des stades de foot, suis-je raciste ? Je me sens plus proche d’un couple attablé devant une bouteille de vin sur une terrasse de café, qu’un autre sortant de MacRot ; suis-je raciste ?
    Préférer la compagnie d’individus blancs, présumés hétérosexuels, amateurs d’Art n’implique nullement que je désire la mort des jeunes cons androgynes, dodelinant stupidement au son de bruits organisés.
    Mes mots sont un éloge du racisme, oui, et alors ?

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [“Si toutes les civilisations se valent, alors l’anthropophagie est une affaire de gout”, n’est-ce pas vous qui rappeliez cet aphorisme il y a peu ?]

      Je ne crois pas, mais j’aurais pu !

      [Les Espagnols ont évangélisé, fallait-il laisser les religions locales en l’état et louer les sacrifices humains ?]

      Comme disait Nietzche, l’impératif catégorique exige un empereur. Les Espagnols n’ont pas évangélisé les Amériques pour en finir avec les sacrifices humains, ils l’ont fait parce que c’était un instrument de contrôle social des populations qu’on entendait réduire à la servitude et priver de leurs biens. Lorsque les riches se mettent à « civiliser » les pauvres, c’est rarement avec de nobles intentions. C’est pourquoi la question « fallait-il… ? » n’a pas de sens. C’est fait, et nous n’y pouvons rien. La seule chose que nous puissions faire, c’est un bilan.

      [L’Andalousie, le croissant fertile, l’Afrique du nord étaient des régions prospères avant que ne s’abatte sur elles un dogme passablement rétrograde…]

      Là encore, vos préjugés vous aveuglent. L’Andalousie et l’Afrique du Nord se sont considérablement enrichies grâce à la conquête arabe, qui a amené avec elle des idées, des technologies, des savoir-faire nouveaux. On peut citer pêle-mêle les techniques d’irrigation (qui ont fait la fortune de l’Andalousie), la métallurgie (pourquoi pensez-vous qu’on parle encore des « aciers damassés » ?), la médecine (pratiquée d’ailleurs très souvent par les juifs).

      [Préférer la compagnie d’individus blancs, présumés hétérosexuels, amateurs d’Art n’implique nullement que je désire la mort des jeunes cons androgynes, dodelinant stupidement au son de bruits organisés.]

      Je pense que c’est la bonne façon de poser le problème. Le racisme ne consiste pas à avoir des à priori positifs ou négatifs pour telle ou telle catégorie de personnes, même distinguées par des caractères ethniques. Chacun de nous a une préférence naturelle pour ce qui nous ressemble. Nous sommes même programmés génétiquement pour cela. Pourquoi croyez-vous que la première chose que nous faisons quand un enfant entre dans la famille est de lui chercher une ressemblance avec son père, sa mère, ses grands-parents, ses oncles et tantes ?

      Le racisme commence lorsqu’on invoque cette préférence pour établir une différence juridique entre les êtres. En d’autres termes, lorsqu’on considère que les gens qui ne nous ressemblent pas doivent avoir pour cette simple raison des droits, des possibilités, des devoirs différents à ceux qui nous ressemblent. Je pense qu’il ne faut pas galvauder le terme « racisme » en l’utilisant à tort et à travers pour qualifier une préférence. On peut aimer l’esthétique du corps noir et la préférer à celle du corps blanc – ce fut le cas de nombreux artistes de la première moitié du XXème siècle – sans pour autant être « raciste ».

      Si le chef Raoni s’était contenté de dire « je n’aime pas les Blancs », la question du racisme à mon sens ne se poserait pas. On a le droit d’aimer ou de détester qui on veut, et pas de compte à rendre sur ce sujet. Le chef Raoni tient un véritable discours raciste, parce qu’il affirme que seuls les membres de son peuple ont le droit de résider sur son territoire, et que les « Blancs » doivent être chassés. Ce n’est donc pas une préférence qui est exprimée, mais une différence de droits qui est affirmée.

      [Mes mots sont un éloge du racisme, oui, et alors ?]

      Au risque de vous faire de la peine, non, je ne le crois pas. Tout au plus un éloge de ce que beaucoup de dragons de vertu aujourd’hui appellent, à tort, racisme. Vous revendiquez votre droit d’aimer ou de ne pas aimer librement, cela n’a rien à voir avec le racisme.

      • Vincent dit :

        [Vous revendiquez votre droit d’aimer ou de ne pas aimer librement, cela n’a rien à voir avec le racisme.]

        Histoire de jeter de l’huile sur le feu… Vous auriez pu dire, de “discriminer”, plutôt qu’aimer, non ?

        On cite très souvent cette phrase stupide : “le racisme n’est pas une opinion mais un délit” (?Guy Bedos ?)

        Nous sommes en plein dans le sujet ; dans cette citation, le manque de rigueur intellectuelle fait tout mélanger :
        – le racisme, si on considère que ce mot veut dire “avoir des préférences personnelles”, est une opinion. Point barre, et il n’y a pas de délit d’opinion,
        – le racisme, si on considère les discriminations raciales pour certains objets visés par la loi ou la constitution (traitement inégal vis à vis de la loi, vis à vis de l’embauche, vis à vis du logement, et je n’ai pas la suite de la liste en tête), est contraire à la constitution, dans le cas des lois, et contraire à la loi, pour le reste (soit effectivement un délit).

        Mais ce que vous pointez en creux, c’est que les discriminations sont, de base, autorisées. Les seules choses qui soient interdites sont les discriminations respectant cumulativement les deux critères suivants :
        – être basées sur la race, religion, sexe, etc.
        – porter sur l’accès à l’éducation, au logement, à l’emploi, etc.

        Mais on ne pourra jamais vous condamner pour refuser de coucher avec une personne de telle origine (discrimination raciale, pourtant), ni pour avoir refusé un emploi à quelqu’un de trop stupide (discrimination à l’emploi).

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Vous revendiquez votre droit d’aimer ou de ne pas aimer librement, cela n’a rien à voir avec le racisme. » Histoire de jeter de l’huile sur le feu… Vous auriez pu dire, de “discriminer”, plutôt qu’aimer, non ?]

          J’aurais pu, mais j’aurais créé une ambiguïté : stricto sensu, « discriminer » signifie simplement « établir une différence » mais ne précise pas la nature de cette différence. Il peut s’agir d’une simple préférence à titre personnel, mais aussi de lui refuser un emploi, un bien ou un service. Au sens juridique du terme, la « discrimination » n’est constituée que si elle aboutit à ce dernier résultat.

          [On cite très souvent cette phrase stupide : “le racisme n’est pas une opinion mais un délit” (? Guy Bedos ?)]

          C’est le genre de bêtise que Guy Bedos pourrait parfaitement dire. Ici il y a une confusion entre le racisme comme idée et l’acte. Or, si on peut punir les actes, on ne peut punir les pensées. DIRE que les noirs sont inférieurs peut être un délit, mais PENSER que les noirs sont inférieurs ne peut l’être, du moins aussi longtemps qu’on ne sait pas lire dans la tête des gens. Par ailleurs, le racisme peut être une circonstance aggravante d’un acte qui est en lui-même un délit ou un crime, mais ne peut être un délit ou un crime per se. Tuer est un crime, et tuer un noir parce que noir est un crime avec circonstances aggravantes. Mais s’il n’y a pas crime, la circonstance aggravante ne peut être punie par elle même.

          [– le racisme, si on considère que ce mot veut dire “avoir des préférences personnelles”, est une opinion. Point barre, et il n’y a pas de délit d’opinion,]

          Vous êtes bien optimiste. Ces derniers temps, on a pu voir les médias et la justice même mordre dangereusement la ligne blanche dans ce domaine. Cela se fait par une confusion volontairement entretenue entre l’expression d’une opinion et l’incitation : on présuppose que toute expression d’une préférence implique une incitation à agir en fonction de celle-ci. Par ce biais, on a créé dans les faits un « délit d’opinion ». Il y a même plus vicieux : on punit les opinions non pas en elles-mêmes, mais parce qu’elles incommoderaient autrui et à ce titre lui causeraient un tort. Pensez par exemple à l’affaire des « caricatures de Mahomet ».

          Non, il n’y a pas – encore – de délit d’opinion dans notre beau pays. Mais dans les faits, on s’y approche dangereusement.

          [Mais ce que vous pointez en creux, c’est que les discriminations sont, de base, autorisées. Les seules choses qui soient interdites sont les discriminations respectant cumulativement les deux critères suivants :
          – être basées sur la race, religion, sexe, etc.
          – porter sur l’accès à l’éducation, au logement, à l’emploi, etc.]

          Exactement. C’est d’ailleurs en partie une conséquence de la séparation de la sphère publique et de la sphère privée, qui est l’élément caractéristique de toute République. Dans la sphère publique, la loi m’interdit de refuser un emploi, une consommation, l’accès aux soins où à l’éducation en me fondant sur des critères comme la race, la religion, le sexe mais aussi les opinions politiques ou philosophiques. Mais dans la sphère privée, chacun est libre d’agir selon ses préférences : je peux parfaitement refuser d’inviter une personne sous mon toit ou refuser de la saluer parce que sa tête ne me revient pas et sans avoir à donner la moindre explication ou répondre des motifs.

          [Mais on ne pourra jamais vous condamner pour refuser de coucher avec une personne de telle origine (discrimination raciale, pourtant), ni pour avoir refusé un emploi à quelqu’un de trop stupide (discrimination à l’emploi).]

          Tout à fait. Dans le premier cas, il s’agit d’une « discrimination » dans la sphère privée, dans laquelle chacun est libre de ses choix. Dans le deuxième cas, il s’agit d’une discrimination fondée sur un critère objectif ayant un rapport avec l’objet. Il faut noter d’ailleurs que la jurisprudence fait une distinction entre la discrimination en raison de la race, le sexe et la religion, et la discrimination lorsque la race, le sexe ou la religion ont un rapport avec l’objet poursuivi. Ainsi par exemple, il a été jugé licite de refuser un emploi de rabbin à un candidat du fait qu’il n’était pas pratiquant de la religion juive.

      • Sur le racisme, ou ce qui en tient lieu dans la nomenclature “camp du Bien”, nous sommes du même avis. Pour ce qui est des amérindiens nous pourrions l’être si vous étiez plus nuancé : les conquistadors étaient des rustres qui se moquaient bien de l’âme des indiens, en revanche les Jésuites évangélisèrent souvent pour protéger les indigènes, car une fois chrétiens ils ne pouvaient pas être rendus esclaves (une amie de la casa Velázquez à écrit sur ce sujet et son mari travaille sa thèse sur un sujet connexe à l’université de Lausanne).
        Reste l’islam, qui n’est pas le sujet … un jour vous quittiez le confort des positions “gauche années 80”. La démographie est un marqueur de l’histoire et il est accablant pour l’islam dans les régions que je cite. La médecine ? les vieilleries grecques ! L’irrigation ? Les Massyles et d’autres peuples la pratiquaient déjà au Maghreb (le mot kheltara [khettara] est Amazigh), les Perses aussi sans doute 1000 ans avant, sans compter les Romains, entre autre en Andalousie. L’acier (sens général) de Damas est une invention indienne, quand au damasquinage il est connu depuis l’age du Bronze.
        Je me demande si Talamoni à invité Raoni, je suis sur qu’ils ont des choses à se dire.

        • Descartes dit :

          @ Gérard Couvert

          [Pour ce qui est des amérindiens nous pourrions l’être si vous étiez plus nuancé : les conquistadors étaient des rustres qui se moquaient bien de l’âme des indiens, en revanche les Jésuites évangélisèrent souvent pour protéger les indigènes, car une fois chrétiens ils ne pouvaient pas être rendus esclaves (une amie de la casa Velázquez à écrit sur ce sujet et son mari travaille sa thèse sur un sujet connexe à l’université de Lausanne).]

          Oui, et une fois chrétiens ils travaillaient comme des serfs dans les « misiones » au bénéfice des jésuites. Comme quoi les jésuites savaient servir leurs intérêts tout en sauvant les âmes et les corps des indiens… Vous qui vous battez contre l’idéalisation d’El Andalous, vous tombez dans l’idéalisation – elle aussi très à la mode – de l’action des jésuites aux Amériques…

          [Reste l’islam, qui n’est pas le sujet … un jour vous quittiez le confort des positions “gauche années 80”. La démographie est un marqueur de l’histoire et il est accablant pour l’islam dans les régions que je cite.]

          Vous voulez dire que la faible démographie dans les pays capitalistes développés est un marqueur de l’échec du capitalisme ? Alors qu’au contraire, l’Afrique montre une santé démographique insolente…

          La démographie est un indicateur ambigu. L’amélioration des conditions sanitaires, de la nourriture, des conditions de vie tendent à favoriser l’accroissement de la population… mais l’enrichissement tend au contraire à réduire le nombre de naissances. Difficile donc de tirer des conclusions.

          [La médecine ? les vieilleries grecques ! L’irrigation ? Les Massyles et d’autres peuples la pratiquaient déjà au Maghreb (le mot kheltara [khettara] est Amazigh), les Perses aussi sans doute 1000 ans avant, sans compter les Romains, entre autre en Andalousie. L’acier (sens général) de Damas est une invention indienne, quand au damasquinage il est connu depuis l’age du Bronze.]

          Peut-être. Mais ce sont les Arabes qui ont collecté ces différentes inventions, et les ont diffusés. A l’époque, la civilisation arabe avait cette qualité qui a fait le succès de la civilisation européenne : la capacité de prendre chez les autres ce qu’il y a de meilleur, et le mettre en application chez soi.

          [Je me demande si Talamoni à invité Raoni, je suis sur qu’ils ont des choses à se dire.]

          Quand un cacique
          Rencontre un autre cacique
          Qu’est ce qu’ils se racontent
          Des histoires de caciques…

  4. CVT dit :

    @Descartes,
    Décidément, ce bon vieux Raoni, métaphore du fameux Bon Sauvage de Rousseau, sert toujours les causes les plus hypocrites: la première fois que je me rappelle l’avoir vu, c’était aux côtés du chanteur anglais Sting en…1987 (ça ne me rajeunit pas😊)!!! Et déjà, il servait de caution écolo à la bonne conscience d’acier de l’artiste britannique: les forêts amazoniennes étaient alors en grand danger d’éradication. A croire que près de trente-cinq ans plus tard, peu de choses ont changé : que d’énergie dépensée en vain, alors pourquoi ça marcherait mieux aujourd’hui 😬?

    En matière de “deux poids, deux mesures”, la dernière sortie raciste de Lilian Thuram sur la civilisation blanche a paru soulever un tollé parmi les “anti-racistes”, mais qui est bien vite retombé car l’ex-footballeur, désormais compagnon de route des “Indignes de la République” et consultant en “rubrique négrologique” (les deux fautes sont à dessein), ne s’est jamais excusé pour les propos tenus dans un journal italien à propos de la négrophobie censée régner dans le football transalpin:
    – « Les Blancs ont décidé qu’ils étaient supérieurs aux Noirs »
    – « Il y a du racisme dans la culture blanche »
    Source: https://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/lilian-thuram-les-blancs-ont-82859

    Outre leur caractère généralisant, voire fantaisiste, ces même propos tenus par un Blanc auraient pu alimenter le troupeau médiatique pour des semaines; or là encore, la polémique a été bien vite éteinte: Thuram et ses petits copains “indigénistes” peuvent continuer sans problème à instiller leur venin en prêchant leur discours de haine dans nos écoles🤬 (et dire que j’ai failli écrire “haine des Blancs”, mais ce serait trop restrictif: c’est de la haine tout court!!!).

    A croire qu’à l’instar la dernière sortie fort hypocrite de notre cher président Micronléon sur l’arrêt de l’immigration, nos élites semblent, ou font mine de prendre conscience soudain que le communautarisme en général et le racisme anti-blanc (et oui, parce que pour ces « anti-racistes », « blanc » et « français » sont interchangeables…), son corollaire le plus toxique, créent une atmosphère de guerre tribale; mais qu’il s’agit de trouver un remède, elles refusent l’obstacle dès qu’il s’agit de le franchir et viennent sur leur pas vers un discours plus politiquement correct…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Décidément, ce bon vieux Raoni, métaphore du fameux Bon Sauvage de Rousseau, sert toujours les causes les plus hypocrites: la première fois que je me rappelle l’avoir vu, c’était aux côtés du chanteur anglais Sting en…1987 (ça ne me rajeunit pas)!!! Et déjà, il servait de caution écolo à la bonne conscience d’acier de l’artiste britannique: les forêts amazoniennes étaient alors en grand danger d’éradication. A croire que près de trente-cinq ans plus tard, peu de choses ont changé : que d’énergie dépensée en vain, alors pourquoi ça marcherait mieux aujourd’hui ?]

      Le système médiatique fait fleurir ce genre d’alibis qui allient la logique du « bon sauvage » à l’exotisme dont notre culture occidentale raffole. C’est d’ailleurs quelque chose de très « occidental » de croire que l’on peut trouver dans un monastère du Népal ou chez un cacique amazonien la « sagesse » qui fait défaut chez nous. Combien de moines népalais, combien de caciques amazoniens sont venus s’enfermer dans un monastère ou une université chez nous pour chercher la « sagesse » qui manque chez eux ? C’est le grand paradoxe : les contempteurs de la « culture occidentale » vont chercher ailleurs en suivant les pas d’Hérodote et les siens…

      [En matière de “deux poids, deux mesures”, la dernière sortie raciste de Lilian Thuram sur la civilisation blanche a paru soulever un tollé parmi les “anti-racistes”,]

      Comme disent les anglais, « si le bon dieu avait voulu que les footballeurs réfléchissent, il leur aurait donné un cerveau ». Lilian Thuram est peut-être un génie du ballon rond, mais cela ne garantit nullement l’intelligence dans l’expression ou dans la pensée. Il est d’ailleurs regrettable que dans la logique « ethnique » d’aujourd’hui on offre aux jeunes des « minorités colorées » des modèles – les Thuram, les Zidane, les Sy – dont le seul mérite est d’avoir gagné beaucoup d’argent sans avoir trop sollicité les neurones.

      En fait, les sorties de Thuram illustrent parfaitement les dangers de la « politique ethnique », ou pour le dire autrement, de l’ethnicisation de la politique. Ce qui au départ peut être au départ un élan généreux pour donner plus de chances aux gens qui vous ressemblent – vous voyez que j’accorde à Thuram le bénéfice du doute – tombe fatalement, tôt ou tard, dans la logique « victimiste » et dans la recherche paranoïaque de coupables pour justifier la situation de fait.

      [Outre leur caractère généralisant, voire fantaisiste, ces même propos tenus par un Blanc auraient pu alimenter le troupeau médiatique pour des semaines; or là encore, la polémique a été bien vite éteinte: Thuram et ses petits copains “indigénistes” peuvent continuer sans problème à instiller leur venin en prêchant leur discours de haine dans nos écoles]

      C’est le privilège de la « victime » dans notre société : diffuser un discours de haine qui paraîtrait obscène s’il était tenu par quelqu’un d’autre. Des féministes qui exigent un droit d’exception – ou même la possibilité d’agir en dehors de tout droit – aux groupuscules qui organisent des ateliers « racisés » interdits aux Blancs, tout y passe. Je me demande d’ailleurs ce que donne pédagogiquement ce défilé de victimes dans les écoles. Qu’est-ce que les élèves en tirent comme conclusion ?

      • Vincent dit :

        [Je me demande d’ailleurs ce que donne pédagogiquement ce défilé de victimes dans les écoles. Qu’est-ce que les élèves en tirent comme conclusion ?]

        Le mot “victime” est devenu une insulte dans les cours de récréation.

        Les “victimes” sont ceux qui sont trop faibles pour pouvoir tenir leur rang, pour faire simple. Ça a remplacé des “lopette”, “faïot”, etc.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Le mot “victime” est devenu une insulte dans les cours de récréation.]

          Etonnante inversion…

          • Vincent dit :

            N’est ce pas…

            Après, j’ai affirmé cela sans fioritures pour le bon mot…J’ai eu des témoignages que cela existait, au moins dans des collèges de banlieue, où ceux qui se font traiter de “victime” sont souvent ceux qui ne sont pas intégrés dans des bandes, et qui ont effectivement tendance à être victimes de racket, etc.

            Je n’affirmerais pas que cela existe dans tous les collèges de France…

  5. Eduen dit :

    J’apprécie toujours de lire vos analyses, mais je trouve que sur ce cas précis vous vous noyez un peu dans un verre d’eau. Attention je ne parle de la question du racisme anti blanc mais du personnage du cacique Roani. Soyons sérieux, cet homme n’est rien de plus qu’une potiche à sommets internationaux, que l’on balade depuis des décennies de G7 en G20 pour que les grands de ce monde puisse s’offrir une caution morale à bas prix et se prendre en photo avec cet «indien dans la ville » pour la poster sur twitter. Mais sinon, aucun de ces dirigeants n’en a rien à faire de ce que peut dire cet homme qui n’a de toute façon aucune influence, sont militantisme mené depuis des décennies n’a en rien empêché la destruction de sa foret et l’expropriation des peuples amazoniens. C’est un peu comme le Dalai-lama, qui doit avoir un album photo avec, au bas mot, les 2/3 des chefs d’états démocrates lui serrant la main, mais qui n’a jamais reçut de soutien politique concret afin de libérer son pays.

    Pourquoi réagir aux propos de quelqu’un qui n’a aucun pouvoir ?

    Vous dénoncez le « deux poids deux mesures » dans le discourt des politiques, mais cela est justement le propre du discourt politique. On se présente comme des défenseurs de la liberté et de la démocratie, mais on applaudit le nouveau contrat commercial avec la Chine. On clame que l’on est un gardien de l’égalité homme femme et de la tolérance religieuse, mais on va faire des risettes au prince héritier saoudien pour lui vendre des Rafales…

    Bref, rien de nouveau sous le soleil…

    • Descartes dit :

      @ Eduen

      [J’apprécie toujours de lire vos analyses, mais je trouve que sur ce cas précis vous vous noyez un peu dans un verre d’eau. Attention je ne parle de la question du racisme anti blanc mais du personnage du cacique Roani. Soyons sérieux, cet homme n’est rien de plus qu’une potiche à sommets internationaux,]

      C’est pourquoi j’ai insisté dans mon article sur le fait que ce qui me préoccupe ce n’est pas tant que Raoni tienne un discours raciste, mais que nos élites – ou supposées telles – politico intellectuelles, si promptes à chasser le « racisme » dans n’importe quel livre de texte universitaire, continuent à accueillir le discours de personnages comme Roani comme si c’était l’expression d’une sagesse supérieure.

      [que l’on balade depuis des décennies de G7 en G20 pour que les grands de ce monde puisse s’offrir une caution morale à bas prix et se prendre en photo avec cet «indien dans la ville » pour la poster sur twitter.]

      Tout à fait. Mais comment les grands de ce monde, qui s’excusent à chaque pas de toute expression qui pourrait être comprise comme « raciste », en arrivent à faire de Raoni une « caution morale » ? Pourquoi l’opinion publique le tolère ? Prenez « l’affaire » de ces derniers jours, le fait que le premier ministre du Canada se soit grimé en noir pour un bal costumé. Est-ce vraiment plus grave que d’affirmer qu’il faut « chasser les Blancs » par la force ?

      [Pourquoi réagir aux propos de quelqu’un qui n’a aucun pouvoir ?]

      Parce que, je vous le répète, ce qui m’intéresse n’est pas tant celui qui tient ces propos que celui qui les accepte sans réagir. Je trouve intéressant de constater que les miliciens de la vertu antiraciste dans notre société sont impitoyables contre un Trudeau, mais pleins de bienveillance lorsque l’appel au nettoyage ethnique vient d’une « minorité ».

      [Vous dénoncez le « deux poids deux mesures » dans le discourt des politiques, mais cela est justement le propre du discours politique.]

      Je ne partage pas votre idée que le raisonnement ad hoc soit « le propre du discours politique ». Le politique ne piétine pas les principes qui guident son action pour un simple gain électoral. C’est toute la différence entre le politique et le politicard. Mais admettons un instant que ce soit le cas : cela fait trente ans que l’antiracisme est présenté comme un combat moral, un combat pour les principes, et non pas comme un « discours politique » soumis aux aléas de la compétition électorale. Doit-on changer de taquet, et considérer qu’il s’agit d’un « discours politique » comme un autre, qu’on peut jeter par-dessus bord pour des questions tactiques ? Ce serait je pense une grande nouveauté…

      [On se présente comme des défenseurs de la liberté et de la démocratie, mais on applaudit le nouveau contrat commercial avec la Chine. On clame que l’on est un gardien de l’égalité homme femme et de la tolérance religieuse, mais on va faire des risettes au prince héritier saoudien pour lui vendre des Rafales…]

      Vous voulez dire que pour nos « antiracistes » le combat contre la discrimination raciale est de la même nature ? Je doute que la bienpensance vous suive sur ce point…

  6. Vincent dit :

    @Descartes

    Il le faut bien, je vais me faire l’avocat du diable.

    Sur la phrase incriminée :
    “Il faut que l’on agisse nous-mêmes en retirant les Blancs de nos territoires et en faisant en sorte qu’ils n’y reviennent pas”
    Oui, cette phrase est raciste. Mais voulait il réellement dire ce qu’il a dit ? En vertu du principe de charité, je préfère comprendre les choses différemment, et qu’il a dit qu’il fallait faire partir les gens qui voulaient nous chasser et nous empêcher de vivre à notre manière. Qui, en l’occurrence, sont blancs. D’où la simplification, certes malheureuse.

    Mais je vous concède qu’une telle phrase (votre phrase initiale), en France, vous condamnerait sans aucun doute à la prison sur la base de l’incitation à la violence pour des motivations raciales.

    Si on applique à ma manière le principe de charité, et qu’on reformule de manière convenable ce qu’il dit, le message est : “nous sommes dans la forêt chez nous, c’est à nous de décider qui peut y venir, qui peut y construire des infrastructures, ce qui y est autorisé, et ce qui y est interdit”. Et là, c’est une vraie question politique, qui se pose de manière souvent pas si différente chez nous, à plein de niveaux :
    – au niveau local (barrage de Sivens, aéroport NDDL, tous les projets de grandes infrastructures), où les locaux disent qu’ils n’ont rien demandé à personne, et qu’on leur fiche la paix,
    – au niveau régional, dans certaines régions à velléités indépendantistes, où les pro-indépendance accusent Paris de leur imposer des choses contraire à leur culture,
    – au niveau national, voire européen, où les identitaires adoptent un raisonnement analogue vis à vis des extra-européens qui prétendent venir vivre en Europe sans se plier aux us et coutumes locaux.

    A mon sens, la légitimité de telles considérations renvoie à la définition du corps politique. En France, traditionnellement, c’est relativement simple, il y a un État, et une Nation. Du coup, si on reste sur ce principe, il est légitime de combattre ce qui vient de l’étranger pour subvertir la Nation, mais pas de s’opposer au nom d’un particularisme local à des choses qui relèvent de l’intérêt national.

    Dans des pays multinationaux, ce n’est pas forcément si aisé, et il peut y avoir des conflits. Par exemple, au Niger, quand il y a de l’uranium dans des zones Touareg, mais que le gouvernement légal, pour des raisons démographiques, et majoritairement peuplé de noirs sédentaires, et que ces derniers considèrent que c’est à eux de toucher les royalties sur l’uranium, les locaux ne l’acceptent pas aisément.

    Dans le cas présent, si je ne m’abuse, il s’agit de communautés villageoises plutôt coupées du monde ; en bref, qui ne bénéficient pas de la solidarité nationale brésilienne (le brésil ne s’occupe pas ni de leur économie, ni de leurs infrastructures, ni de les soigner, ni de les éduquer. Et en retour, ils ne payent pas d’impôts, ne font pas de service militaire, etc.). On peut donc, quelque part, considérer qu’ils ne font pas partie de la nation brésilienne. Et s’ils se vivent comme une mini-nation, avec son territoire, leur opposition présente une réelle forme de légitimité.

    Quand on est un universaliste, comme l’étaient par exemple les colonisateurs à la Ferry, on peut considérer qu’il est légitime d’imposer à n’importe quel peuple de la planète son émancipation. C’est à dire en gros d’être rattaché à un État qui apportera l’éducation, la construction d’infrastructures, des soins, et une solidarité nationale en cas de problème, en échange d’un impôt et d’une participation à l’effort de guerre, en cas de guerre.

    Mais il faut reconnaître que cet universalisme qui nous vient des lumières est en fait un apanage occidental, et que l’universalisme n’est pas universel, comme on l’aurait souhaité.
    C’est un peu ce que vous voulez dire par : “Reprocher à Raoni de ne pas tenir le langage universaliste des Lumières, c’est un peu comme reprocher la même faute à l’Ancien testament.”

    Dès lors, n’est il pas légitime que des communautés puissent continuer à pratiquer leur mode de vie ancestral ?

    [Comme si le racisme insupportable dans le « beauf » d’Hénin-Beaumont qui n’aime pas les « Arabes » était admissible et même digne d’éloge chez un cacique coiffé de plumes vomissant les « Blancs ».]

    On attend d’un français qu’il soit universaliste, pas d’un cacique amazonien. Mais c’est là que je vous concède que l’on aboutit à une incohérence réelle :
    – on attend des occidentaux d’être universalistes, parceque c’est leur culture,
    – on a admis qu’on ne pouvait pas attendre de réciprocité des autres cultures, justement parceque ce n’est pas leur culture,

    La jurisprudence occidentale a condamné le “Pas de liberté pour les ennemis de la liberté”, du coup, les non occidentaux ont un droit à ne pas être universalistes.
    Mais en faisant une distinction entre les droits des occidentaux, et ceux des non occidentaux, on fait une distinction suivant la culture, qui est à l’opposé de l’universalisme revendiqué initialement…

    Pour aller un peu plus loin, entre une culture qui cherche à s’imposer, et une qui ne cherche rien à imposer, il y a des chances que la première gagne. Et donc, le système de valeur universel est prêt à se saborder, en laissant la place aux autres.

    Mais ces raisonnements sont sans doute trop sophistiqués. Plus prosaïquement, je crois que l’universalisme occidental a dérivé en une forme de mondialisme, où tous les individus devraient être libres et autonomes sur la planète, sans attaches. Et la principale force d’opposition à ces principes demeurent malgré tout encore aujourd’hui les Etats nations. Au nom du principe “les ennemis de mes ennemis sont mes amis”, toutes les forces où qu’elles soient, qui combattent les principes nationaux, sont plébicitées par les élites mondialistes ; sans doute ne faut il pas chercher plus loin :
    – le cacique qui refuse la civilisation brésilienne combat la nation brésilienne, et est donc dans le bon camp,
    – le « beauf » d’Hénin-Beaumont la défend, et est donc dans le mauvais camp…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Il le faut bien, je vais me faire l’avocat du diable.]

      Ne me dites pas que cela ne vous procure pas un certain plaisir, je ne vous croirais pas…

      [“Il faut que l’on agisse nous-mêmes en retirant les Blancs de nos territoires et en faisant en sorte qu’ils n’y reviennent pas” Oui, cette phrase est raciste. Mais voulait-il réellement dire ce qu’il a dit ?]

      Supposons que ce ne soit pas le cas. Mettez-vous à la place de celui qui a conduit l’entretien avec le cacique. Devant une telle énormité, votre réaction ne serait-elle pas de vous faire préciser la pensée de l’auteur, de manière à vérifier que les mots reflètent bien les idées de leur auteur ? Encore une fois, le procès de Raoni ne m’intéresse pas. Ce qui me paraît intéressant, c’est la bienveillance et la complicité avec lesquelles ces énormités ont été accueillies. Si Raoni n’a pas voulu dire ce qu’il a dit, on ne peut que constater que le journaliste a trouvé ces propos suffisamment banaux pour ne pas demander au cacique de préciser sa pensée.

      [En vertu du principe de charité, je préfère comprendre les choses différemment, et qu’il a dit qu’il fallait faire partir les gens qui voulaient nous chasser et nous empêcher de vivre à notre manière. Qui, en l’occurrence, sont blancs. D’où la simplification, certes malheureuse.]

      Je trouve votre charité bien excessive. Pourquoi traiter le cacique Raoni comme un enfant incapable d’exprimer clairement sa pensée ? De quel droit vous permettez-vous de réinterpréter sa pensée dans le sens qui vous arrange ? Faites gaffe, vous allez vous faire traiter de raciste et paternaliste : parce que le cacique n’est pas Blanc, il sait pas causer peut-être ?

      [Mais je vous concède qu’une telle phrase (votre phrase initiale), en France, vous condamnerait sans aucun doute à la prison sur la base de l’incitation à la violence pour des motivations raciales.]

      Beh oui. Et pourtant, tous ces dragons de vertu qui veillent ne semblent pas avoir été dérangés. Etonnant, non ?

      [Si on applique à ma manière le principe de charité, et qu’on reformule de manière convenable ce qu’il dit, le message est : “nous sommes dans la forêt chez nous, c’est à nous de décider qui peut y venir, qui peut y construire des infrastructures, ce qui y est autorisé, et ce qui y est interdit”.]

      Même ainsi reformulée, cela ressemble drôlement au « on est chez nous » proclamé par certains identitaires. Pensez-vous que les dragons de vertu laisseraient passer un tel discours s’il était tenu par un politique bien de chez nous ?

      [Et là, c’est une vraie question politique, qui se pose de manière souvent pas si différente chez nous, à plein de niveaux :]

      Je ne suis pas d’accord. Toute la différence tourne autour de la définition du « nous ». Même les mouvements autonomistes ou régionalistes les plus extrémistes évitent de définir le « nous » en s’appuyant sur des critères ethniques. Or, ce qui le « nous » du cacique Raoni ? Nous les Brésiliens ? Nous les habitants de l’Amazonie ? Ou nous les membres de mon ethnie ? L’utilisation du terme « Blancs » montre bien quelle est la logique de sa pensée. J’ajoute d’ailleurs que, paradoxalement, une grande partie des « Blancs » dont parle Raoni sont en fait… des noirs (ou plutôt des métis) largement majoritaires dans la population brésilienne.

      [– au niveau régional, dans certaines régions à velléités indépendantistes, où les pro-indépendance accusent Paris de leur imposer des choses contraire à leur culture,
      – au niveau national, voire européen, où les identitaires adoptent un raisonnement analogue vis à vis des extra-européens qui prétendent venir vivre en Europe sans se plier aux us et coutumes locaux.]

      Mais vous noterez que pas une fois le cacique ne parle de « culture ». Il n’exige pas que les « Blancs » qui veulent vivre en Amazonie se plient aux usages culturels de son peuple. Cela ne lui viendrait pas à l’idée parce que la conception du monde des indiens est profondément ethnique. On ne peut pas « devenir » indien, parce qu’être indien ce n’est pas une question culturelle, mais ethnique. Et c’est d’ailleurs pourquoi les indiens qui quittent l’Amazonie et leurs descendants sont considérés comme « indiens » alors qu’ils se sont assimilés à une autre culture. Imaginer que le chef Raoni voudrait une « assimilation » des Blancs vivant dans le territoire qu’il revendique, c’est projeter sur la culture indigène des idées qui sont les nôtres.

      [A mon sens, la légitimité de telles considérations renvoie à la définition du corps politique. En France, traditionnellement, c’est relativement simple, il y a un État, et une Nation. Du coup, si on reste sur ce principe, il est légitime de combattre ce qui vient de l’étranger pour subvertir la Nation, mais pas de s’opposer au nom d’un particularisme local à des choses qui relèvent de l’intérêt national.]

      Mais justement, la différence est que chez nous le « corps » est « politique », et non ethnique. La Nation est un contrat entre des gens qui se reconnaissent liés par des liens de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Si ces liens se sont construits par le partage d’un cadre juridique, linguistique, historique, ils ne supposent nullement une origine ou des ancêtres communs, une même couleur de peau, une même forme du visage.

      [Dans des pays multinationaux, ce n’est pas forcément si aisé, et il peut y avoir des conflits. Par exemple, au Niger, quand il y a de l’uranium dans des zones Touareg, mais que le gouvernement légal, pour des raisons démographiques, et majoritairement peuplé de noirs sédentaires, et que ces derniers considèrent que c’est à eux de toucher les royalties sur l’uranium, les locaux ne l’acceptent pas aisément.]

      Il ne faut pas confondre deux choses. D’un côté, il y a les conflits pour le partage du revenu. Ces conflits existent dans tous les pays, qu’ils soient « multinationaux » ou pas. La problématique des pays « multinationaux » tient à ce que ce sont des unités politiques dont les citoyens ne se sentent pas liés entre eux par des liens de solidarité inconditionnels et impersonnels, ces liens n’existant qu’à l’intérieur se sous-ensembles – communautés, ethnies, etc. Cette situation a un double effet : d’une part, cela rend impossible la construction d’un Etat assurant l’unité d’action, puisqu’il est impossible de définir un « intérêt général ». Et d’autre part, les conflits de répartition sont beaucoup plus violents, puisqu’ils remettent en cause l’existence même de l’unité politique.

      [Dans le cas présent, si je ne m’abuse, il s’agit de communautés villageoises plutôt coupées du monde ; en bref, qui ne bénéficient pas de la solidarité nationale brésilienne (le brésil ne s’occupe pas ni de leur économie, ni de leurs infrastructures, ni de les soigner, ni de les éduquer. Et en retour, ils ne payent pas d’impôts, ne font pas de service militaire, etc.).]

      C’est un peu excessif. En particulier en matière éducative l’Etat brésilien a fait beaucoup d’efforts pour alphabétiser les indiens d’Amazonie. Le problème est que les indiens – et notamment les caciques genre Raoni – refusent l’alphabétisation. Leur crainte est que l’éducation remette en cause le mode de vie traditionnel dont, il faut bien le dire, ces caciques tirent leur propre pouvoir. Ils craignent aussi que les jeunes indiens éduqués abandonnent le village pour aller travailler en ville, échappant ainsi au contrôle social de la communauté. Par ailleurs, ils bénéficient d’un élément essentiel, qui est la citoyenneté : ils peuvent s’installer partout au Brésil si cela leur chante, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Brésiliens.

      [On peut donc, quelque part, considérer qu’ils ne font pas partie de la nation brésilienne. Et s’ils se vivent comme une mini-nation, avec son territoire, leur opposition présente une réelle forme de légitimité.]

      Admettons. Mais cette « mini-nation » voudrait appliquer une politique de « nettoyage ethnique », chassant tous ceux qui n’appartiennent pas à l’ethnie dominante. Et cela ne semble déranger personne…

      Personnellement, la « légitimité » que vous invoquez me paraît contestable. Il ne suffit pas d’installer une communauté autonome qui refuse tout contact avec le monde extérieur pour en faire une « mini-nation ». Autrement, un certain nombre de sectes pourraient invoquer pour leurs « villages » le même statut.

      [Dès lors, n’est-il pas légitime que des communautés puissent continuer à pratiquer leur mode de vie ancestral ?]

      « Légitime » dans quel contexte ? Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si vous admettez que « l’universalisme n’est pas universel », alors vous ne pouvez parler d’une « légitimité » qui serait elle-même « universelle ». Ce qui est « légitime » vu du point de vue des communautés en question n’est pas nécessairement « légitime » vu d’un autre point de vue. Et votre raisonnement s’étend à l’excision, aux mariages forcés ou aux sacrifices humains, pratiques que nous rejetons mais qui sont parfaitement « légitimes » dans les communautés ou elles font partie du « mode de vie ancestral ».

      Je pense que le principal problème de votre raisonnement est que vous attribuez à une communauté un droit qui n’appartient – du moins dans la logique des Lumières – qu’aux individus. Une communauté a-t-elle le « droit » de pratiquer le mode de vie ancestral y compris lorsque cela implique d’imposer aux individus des pratiques – l’excision, le mariage forcé – dont les individus ne veulent pas ? C’est là que « l’universalisme est universel ». L’universalisme proclame que les droits sont attachés aux individus, et non aux communautés. Et que chaque individu peut faire ce qu’il veut tant qu’il ne nuit pas aux autres. Si les indiens – c’est-à-dire les individus – tiennent à continuer leur mode de vie ancestral, et que cela ne nuit à personne, ils en ont le droit. Mais l’histoire enseigne autre chose : lorsqu’ils sont en contact avec une civilisation qui offre une meilleure qualité de vie, les gens jettent le « mode de vie ancestral » aux orties. Est-ce que la communauté est légitime a empêcher les individus de suivre leurs penchants ? C’est là toute la question de l’universalisme versus le relativisme.

      [Mais ces raisonnements sont sans doute trop sophistiqués. Plus prosaïquement, je crois que l’universalisme occidental a dérivé en une forme de mondialisme, où tous les individus devraient être libres et autonomes sur la planète, sans attaches.]

      Je ne suis pas d’accord. Le mondialisme n’est pas produit de l’universalisme, mais de son rejet. Il repose fondamentalement non pas sur une égale dignité et les mêmes droits pour tous, mais sur un principe de concurrence qui met la dignité et les droits à l’encan. L’universalisme des Lumières affirmait « qu’entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservit et la loi qui libère ». Le néo-libéralisme mondialiste a prospéré en affirmant exactement le contraire.

      [Et la principale force d’opposition à ces principes demeurent malgré tout encore aujourd’hui les Etats nations.]

      Tout à fait. Parce que l’Etat-nation est l’aboutissement de la pensée des Lumières, c’est-à-dire, une communauté contractuelle fondée sur des liens de solidarité inconditionnelle et impersonnelle.

      • Ian Brossage dit :

        Je relève en passant quelques faits concernant le(s) peuple(s) « kayapo », représentés ici par le cacique Raoni.

        Il sont environ 9000 sur un territoire de 110 000 km², d’après la Wikipédia anglo-saxonne (« 11,346,326 hectares of Neotropical forests and scrubland containing many endangered species »). Autant dire qu’ils ne manquent pas de place, et que leur densité de population est proche de celle de la France à la fin du paléolithique.

        La Wikipédia française s’avance peut-être imprudemment en affirmant que « les vêtements sont inexistants pour ce peuple de Kayapos ». Juste à côté, elle affiche une photo représentant une « fête traditionnelle des Kayapo », où de jeunes filles (ou jeunes femmes) portent ce qui semble être… des petites culottes à l’occidentale.

        D’ailleurs, si on recherche d’autres photos de Kayapo, notamment celles où ils se montrent à l’occasion d’une manifestation (donc où on peut s’imaginer qu’ils fassent attention à leur apparence, pour souligner leur différence), on voit qu’ils y vêtissent souvent des bermudas. Certaines femmes portent des soutien-gorge. Les normes de pudeur sont-elles en train de changer ?

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [La Wikipédia française s’avance peut-être imprudemment en affirmant que « les vêtements sont inexistants pour ce peuple de Kayapos ». Juste à côté, elle affiche une photo représentant une « fête traditionnelle des Kayapo », où de jeunes filles (ou jeunes femmes) portent ce qui semble être… des petites culottes à l’occidentale.]

          Sur cette question s’est établi une sorte de mythologie dans laquelle des populations indiennes qui veulent conserver leurs modes de vie ancestraux sont « violées » par des méchants « Blancs » qui leur imposent les règles occidentales. Mais c’est exactement l’inverse qui se passe. La civilisation occidentale, avec ses tissus bon marché, ses embarcations à moteur, ses médicaments et ses vaccins, exerce une attraction puissante sur les jeunes indiens. Oui, c’est vrai, lorsqu’ils vont à la ville ils vivent une vie misérable suivant nos standards. Mais elle est infiniment moins misérable que celle qu’ils mènent dans la forêt amazonienne. Une fois les oripeaux romantiques du bon sauvage mis de côté, avec quelques heures de travail en ville on gagne de quoi acheter une quantité de nourriture qu’il vous aurait fallu le triple pour trouver dans la jungle. Pourquoi croyez-vous que les jeunes indiens quittent leurs tribus pour aller dans les bidonvilles des grandes villes brésiliennes ? Pour exactement la même raison que nos paysannes et paysans bretons ou auvergnats ont abandonné leurs traditions et sont partis à Paris. Il n’a fallu « violer » personne : l’attraction de la modernité a suffi.

          Mais l’attraction n’est pas qu’économique. Vivre dans une tribu, c’est vivre dans un contrôle social de tous les instants. La tradition vous dit quand et quoi vous avez le droit de manger, quand et avec qui vous pouvez coucher, a quelles responsabilités et charges vous pouvez ou non accéder et à quel moment. Pour les jeunes indiens – comme ce fut le cas pour les jeunes bretons ou auvergnats du XIXème siècle – l’anonymat de la ville c’était la liberté.

          L’aristocratie française du XVIIIème siècle elle aussi voulait préserver le mode de vie traditionnel qui fondait son pouvoir. On peut comprendre que les gens comme le cacique Raoni veuillent préserver le mode de vie traditionnel pour les mêmes raisons. Mais il faut comprendre que pas plus que le seigneur français ne représentait ses paysans, le cacique Raoni ne représente son peuple. Je ne suis pas persuadé que les jeunes kayapo soient attirés par le séparatisme absolu que défend leur cacique.

      • Philippe Dubois dit :

        Bonjour Descartes

        Je rejoins en partie Vincent quant à l’interprétation des propos de Raoni.

        Raoni, à tort ou à raison selon la vision occidentalo-centrée, défend sa terre ; ici contre l’intrusion de colons qui veulent exploiter les ressources naturelle du coin
        On retrouve des situations comparables un peu partout.
        Et même, dans certains endroits, des tribus se font expulser pour permettre l’installation de réserves naturelles : des gens qui vivent là depuis des temps immémoriaux sont réputées emmerder les orang-outan.

        Par ailleurs, dans certaines de vos réponses, quelques propos me semblent équivoques

        [ Les Espagnols n’ont pas évangélisé les Amériques pour en finir avec les sacrifices humains, ils l’ont fait parce que c’était un instrument de contrôle social des populations qu’on entendait réduire à la servitude et priver de leurs biens.]
        Au départ, non. Les missionnaires ont évangélisé les Indiens parce que c’était leur devoir de chrétien ! “De toutes les nations vous ferez mes disciples”
        D’autant plus que les Indiens avaient été reconnus comme égaux aux blancs par le Pape Paul III
        Que l’Eglise soit à l’époque un des instruments de contrôle social est un autre débat

        [Là encore, vos préjugés vous aveuglent. L’Andalousie et l’Afrique du Nord se sont considérablement enrichies grâce à la conquête arabe, ]
        Vous devriez lire Serafin Fanjul : “Le Mythe d’Al Andalus”

        [des noirs (ou plutôt des métis) largement majoritaires dans la population brésilienne.]
        La population brésilienne se compose de 47% de blancs, 43% de métis, 7,5% de noirs et 2% d’asiatiques
        Les Amérindiens représentent 0,3% de la population
        Cette dénomination de blancs par Raoni doit venir du fait que les colons et leurs hommes de mains doivent être très majoritairement des blancs.

        [ l’universalisme versus le relativisme]
        Je ne suis pas relativiste, puisque je considère que la civilisation européenne (pour faire court) est la meilleure
        Je ne suis pas universaliste non plus, c’est à dire que je me refuse à vouloir changer les moeurs d’autres nations ou cultures.
        Je n’ai aucune sympathie pour l’excision par exemple, mais tant que les gens ne la pratiquent pas dans mon pays, cela m’indiffère (même si je trouverais mieux qu’ils arrêtent) et je refuse de me mêler de cette “tradition”
        Parce que, si je souhaite m’occuper de ce problème, quelles sont les possibilités ?
        – je peux condamner avec la plus extrême fermeté
        – je leur impose de ne plus le faire, mais comment ? En leur balançant des bombes sur la figure ?

        Donc chaque nation ou entité nationale vit comme elle le souhaite, selon sa culture et ses traditions, à partir du moment où ses membres ne viennent pas importer chez moi des pratiques que ma civilisation réprouve.

        J’estime être ainsi beaucoup plus à l’aise pour refuser avec énergie un autre universalisme que certains sont en train de vouloir établir chez moi.

        [Le mondialisme n’est pas produit de l’universalisme, mais de son rejet.]
        Non, c’est une déformation de l’universalisme européen, issu des Lumières et de l’universalisme chrétien.
        Cette déformation est basée sur les hérésies gnostiques et millénaristes : Chesterton parle de “vertus chrétiennes devenues folles”
        On arrive au mêmisme, décrit par Jean-Louis Harouel dans “Les droits de l’homme contre le peuple”
        “Idéologie de l’indifférenciation et de l’identité de tous les humains, qui crée le devoir de faire abstraction de tout ce qui les distingue les uns des autres, de ne surtout pas le dire et de ne même pas s’en apercevoir….Le mêmisme, c’est le dogme de l’interchangeabilité de tous les les humains.”

        [les droits sont attachés aux individus, et non aux communautés]
        Les droits attachés aux communauté sont à la base de l’intérêt général.
        On assiste actuellement au dévoiement des droits de l’homme par les groupuscules islamistes pour nous imposer petit à petits des moeurs totalement contraires à notre civilisation.
        Au départ, les droits de l’hommes sont fait pour protéger les citoyens d’un gouvernement tyrannique, puis de l’arbitraire.
        Avec ce détournement, les droits de l’hommes sont utilisés pour empêcher l’état de protéger le peuple.

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Raoni, à tort ou à raison selon la vision occidentalo-centrée, défend sa terre ; ici contre l’intrusion de colons qui veulent exploiter les ressources naturelle du coin. On retrouve des situations comparables un peu partout.]

          Par exemple, lorsque des « colons » viennent s’installer pour profiter des soins médicaux gratuits, des aides au logement et ainsi de suite ? L’idée qu’on a le droit de « défendre sa terre » contre « l’intrusion de colons » qui viennent profiter des ressources locales – pourquoi faire une différence entre les ressources naturelles et celles artificielles – conduit à des conclusions qui peuvent être très dérangeantes lorsqu’on l’applique à notre propre civilisation. Pourquoi ce qu’on rejette avec horreur chez nous devrait être acceptable ailleurs ?

          [Et même, dans certains endroits, des tribus se font expulser pour permettre l’installation de réserves naturelles : des gens qui vivent là depuis des temps immémoriaux sont réputées emmerder les orang-outan.]

          C’est logique. Si vous expulsez les « Blancs » au motif que les Indiens étaient là avant, alors vous devez expulser les Indiens au motif que les Orang-Outang étaient là avant. Une fois que vous érigez en principe le droit du premier arrivé et que vous considérez les animaux sujets de droit, vous ne pouvez pas échapper à l’inévitable conclusion…

          J’ajoute que mon raisonnement n’est nullement « occidentalo-centré » : l’idée de faire des animaux des sujets de droits et de fonder le droit de propriété sur le « premier venu » existe dans beaucoup de cultures… mais pas dans la culture « occidentale » !

          [Au départ, non. Les missionnaires ont évangélisé les Indiens parce que c’était leur devoir de chrétien ! “De toutes les nations vous ferez mes disciples”]

          Il ne faut pas confondre le motif et l’habillage. Je ne sais pas ce qu’il y avait dans la tête du missionnaire qui partait pour les Amériques, mais on peut assez facilement déduire ce qui avait dans la tête de ceux qui l’ont envoyé et payé son expédition. La couronne espagnole n’a pas envoyé au XVème siècle des inquisiteurs évangéliser l’Afrique ou l’Océanie, et pourtant on peut se dire que le « devoir des chrétiens » était le même. Mais l’intérêt géopolitique, lui, était très différent.

          [« Là encore, vos préjugés vous aveuglent. L’Andalousie et l’Afrique du Nord se sont considérablement enrichies grâce à la conquête arabe » Vous devriez lire Serafin Fanjul : “Le Mythe d’Al Andalus”]

          On peut refuser la mythification de l’Espagne islamique – mythification qui sert d’argumentation aux partisans du multiculturalisme – sans pour autant tomber dans l’excès inverse, et faire de la conquête arabe une catastrophe pour des raisons tout aussi idéologiques. En fait, pour éviter le schématisme il faut avoir une vision historique : la société ibérique du VIIIème siècle avait été stimulée par la conquête arabe. Mais au XIIIème siècle, ce n’était plus la même chose.

          [Cette dénomination de blancs par Raoni doit venir du fait que les colons et leurs hommes de mains doivent être très majoritairement des blancs.]

          J’en doute. Sauf à croire à un racisme inversé, on peut supposer que la population blanche se trouve surtout dans les couches supérieures de la société, et non pas chez ceux qui se livrent à l’orpaillage ou les aventuriers qui vont défricher la jungle. Je pense que Raoni parle des « Blancs » d’une part parce qu’il a bien compris que dire du mal des noirs ou des métis ne passerait pas dans les médias – je vous laisse imaginer ce qui se serait passé si dans son entretien Raoni avait proposé de « chasser les métis » , et d’autre part parce que dans la logique tribale qui est la sienne ethnie et culture sont une et même chose : les aventuriers amazoniens sont « Blancs » parce qu’ils emportent avec eux la culture « blanche ».

          [l’universalisme versus le relativisme : Je ne suis pas relativiste, puisque je considère que la civilisation européenne (pour faire court) est la meilleure. Je ne suis pas universaliste non plus, c’est à dire que je me refuse à vouloir changer les mœurs d’autres nations ou cultures.]

          Je pense que vous avez une vision erronée de ce qu’est un « universaliste ». Etre « universaliste », ce n’est pas vouloir changer les mœurs des autres nations ou cultures. Etre « universaliste », c’est adhérer à l’idée de l’unité du genre humain, c’est-à-dire, à l’idée qu’il existe une condition humaine commune à tous les êtres humains, au-delà de leur culture, leur religion, leur origine, leurs caractéristiques physiques. Et que de cette commune condition dérivent des droits, des devoirs, des principes qui sont communs à tous les hommes.

          [Je n’ai aucune sympathie pour l’excision par exemple, mais tant que les gens ne la pratiquent pas dans mon pays, cela m’indiffère (même si je trouverais mieux qu’ils arrêtent) et je refuse de me mêler de cette “tradition”.

          Mais vous « trouveriez mieux qu’ils arrêtent ». Rien que cette déclaration montre que vous êtes « universaliste ». Parce que l’attitude d’un relativiste serait de refuser tout jugement sur la question. Si vous « trouveriez mieux qu’ils arrêtent », c’est parce que vous pensez qu’il y est bon de respecter l’intégrité du corps humain, et que cette règle est « bonne » ici et en Chine. Que vous pensiez que leur imposer la fin de cette pratique par les armes plutôt que de chercher à la faire abandonner par la persuasion est une question de méthode. Mais au-delà de la méthode, vous trouveriez « bon » que la pratique soit abandonnée…

          [« Le mondialisme n’est pas produit de l’universalisme, mais de son rejet. »cNon, c’est une déformation de l’universalisme européen, issu des Lumières et de l’universalisme chrétien.
          Cette déformation est basée sur les hérésies gnostiques et millénaristes : Chesterton parle de “vertus chrétiennes devenues folles”
          On arrive au mêmisme, décrit par Jean-Louis Harouel dans “Les droits de l’homme contre le peuple”
          “Idéologie de l’indifférenciation et de l’identité de tous les humains, qui crée le devoir de faire abstraction de tout ce qui les distingue les uns des autres, de ne surtout pas le dire et de ne même pas s’en apercevoir….Le mêmisme, c’est le dogme de l’interchangeabilité de tous les les humains.”]

          Mais quel rapport avec l’universalisme ? A ma connaissance, l’universalisme n’a jamais prétendu qu’il fallait « faire abstraction de ce qui distingue les humains les uns des autres ». Au contraire, on reproche à juste titre aux Lumières d’avoir créé le fondement idéologique des Etats-nations modernes, qui reposent justement sur la reconnaissance de ces différences. Non, le « mêmisme » vient non pas des Lumières, mais du romantisme qui est précisément un mouvement de réaction contre l’universalisme des Lumières. Encore une fois, l’universalisme ne dit pas « nous sommes tous égaux ». Il dit qu’au-delà de nos différences – bien réelles – il existe un certain nombre de principes, de droits et de devoirs qui ont un caractère universel, c’est-à-dire valables pour tous et de tout temps. Mais vous noterez que ce corpus « universel » est très limité : en 1789 il se réduit à quatre « droits fondamentaux » : la sûreté, la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression, tous définis d’ailleurs de façon relativement restrictive.

          [« les droits sont attachés aux individus, et non aux communautés » Les droits attachés aux communauté sont à la base de l’intérêt général.]

          Je ne comprends pas très bien ce commentaire. Dans la logique universaliste, seul l’individu est sujet de droits et de devoirs. Aucune communauté ne peut se prévaloir d’un droit quelconque. L’intérêt général est une construction intellectuelle. C’est, pour reprendre une formule célèbre, ce la politique qui maximise le bonheur à l’intérieur d’une société. Mais l’intérêt général ne fonde aucun droit.

          [On assiste actuellement au dévoiement des droits de l’homme par les groupuscules islamistes pour nous imposer petit à petits des mœurs totalement contraires à notre civilisation. Au départ, les droits de l’homme sont faits pour protéger les citoyens d’un gouvernement tyrannique, puis de l’arbitraire.
          Avec ce détournement, les droits de l’homme sont utilisés pour empêcher l’état de protéger le peuple.]

          Plus qu’un détournement, il y a dans ce processus une FALSIFICATION. Les droits de l’homme, tels que la déclaration « universaliste » de 1789 les reconnait, ne sont jamais absolus. La liberté consiste à faire ce qu’on veut, certes, mais seulement dans la mesure où cela ne nuit pas à autrui. Les groupuscules dont vous parlez ne lisent que la première partie de la phrase, et non la seconde. Le problème ne se trouve donc pas dans la déclaration, mais dans l’interprétation qui en est faite d’abord par notre société, interprétation dont les islamistes profitent.

          • Philippe Dubois dit :

            [Mais vous « trouveriez mieux qu’ils arrêtent ». Rien que cette déclaration montre que vous êtes « universaliste ». Parce que l’attitude d’un relativiste serait de refuser tout jugement sur la question…cette règle est « bonne » ici et en Chine.]
            Je vous ai dit que je n’étais pas relativiste : je considère ma culture et ma civilisation comme les meilleures ainsi que leurs fondamentaux (terme vague qui pourrait être précisé, mais ce serait trop long)

            Mais les Chinois font ce qu’ils veulent chez eux et cela ne me regarde pas ou tout au moins, même si je trouve ça idiot ou cruel, je considère que je n’ai pas à m’en mêler d’une manière ou d’une autre, sauf s’ils importent chez moi leurs chinoiseries.
            Cela évitera aux Chinois de venir se mêler de mes affaires.

            [L’idée qu’on a le droit de « défendre sa terre » contre « l’intrusion de colons » qui viennent profiter des ressources locales – pourquoi faire une différence entre les ressources naturelles et celles artificielles – conduit à des conclusions qui peuvent être très dérangeantes lorsqu’on l’applique à notre propre civilisation. Pourquoi ce qu’on rejette avec horreur chez nous devrait être acceptable ailleurs ?]

            Oui, un peuple a le droit et même le devoir de défendre sa terre, ainsi que l’héritage que lui ont confié ses ancêtres pour qu’ils le transmette à ses descendants.

            Dans votre dernière phrase, il faut que vous précisiez ce que vous entendez par les mots
            – ce
            – on

            Parce qu’il me paraît légitime de
            – contrôler totalement les flux migratoires (quel que soit le nombre d’immigrés admis par ailleurs)
            – lutter avec la plus extrême détermination contre les groupes islamistes qui cherchent pas tous les moyens, y compris légaux, à nous imposer la charia, qui n’a strictement rien à faire dans mon pays.

            [Mais l’intérêt général ne fonde aucun droit.]

            Si, par exemple celui de vous exproprier pour permettre la construction d’une autoroute ou d’un aéroport.

            L’Etat, sensé représenté l’intérêt général (même si ce n’est pas évident avec la clique de nuisibles qui squatte les palais de la république) et garant du Bien Commun, notamment la sécurité des citoyens, est émetteur de droit dans le cadre de la Nation.
            Il serait bon que ce droit permette de lutter contre les manifestations d’une idéologie qui a pour but la destruction de la civilisation européenne et son remplacement.

            • Descartes dit :

              @ Philippe Dubois

              [Mais les Chinois font ce qu’ils veulent chez eux et cela ne me regarde pas ou tout au moins, même si je trouve ça idiot ou cruel, je considère que je n’ai pas à m’en mêler d’une manière ou d’une autre, sauf s’ils importent chez moi leurs chinoiseries.]

              Mais comment pouvez-vous trouver « idiot et cruel » ce que font le chinois sauf à admettre que votre norme pour juger ce qui est idiot et cruel s’applique en Chine aussi bien qu’ici – autrement dit qu’elle est universelle ?

              [Oui, un peuple a le droit et même le devoir de défendre sa terre, ainsi que l’héritage que lui ont confié ses ancêtres pour qu’ils le transmette à ses descendants.]

              Mais c’est quoi « la terre d’un peuple » donné ? Qui décide que telle ou telle terre appartient à tel ou tel peuple ? Parce qu’il était le premier sur place ? Parce qu’il l’a achetée ? Parce qu’il a expulsé les précédents occupants et pris leur place ? La question n’est pas aussi évidente que vous le pensez.

              [Dans votre dernière phrase, il faut que vous précisiez ce que vous entendez par les mots
              – ce
              – on]

              Ce : le sujet de la phrase précédente (« L’idée que… etc. »).
              On : le consensus de nos concitoyens.

              [Parce qu’il me paraît légitime de
              – contrôler totalement les flux migratoires (quel que soit le nombre d’immigrés admis par ailleurs)
              – lutter avec la plus extrême détermination contre les groupes islamistes qui cherchent pas tous les moyens, y compris légaux, à nous imposer la charia, qui n’a strictement rien à faire dans mon pays.]

              Il vous « paraît » ? L’apparence ne suffit pas. La légitimité se démontre dans le cadre d’une théorie politique. Ce n’est pas une simple opinion.

              [« Mais l’intérêt général ne fonde aucun droit. » Si, par exemple celui de vous exproprier pour permettre la construction d’une autoroute ou d’un aéroport.]

              Il ne faut pas confondre un droit et une possibilité. L’intérêt général donne à l’Etat la possibilité de vous exproprier, mais il ne lui en donne pas le « droit », puisque le « droit » est quelque chose que vous pouvez faire sans avoir à en justifier les raisons. Le droit d’aller et venir consiste à pouvoir se déplacer sans avoir à justifier quoi que ce soit. Entrer dans le bureau ou vous êtes employé n’est pas un droit, c’est une possibilité qui vous est offerte par votre employeur pour une raison précise.

              [Il serait bon que ce droit permette de lutter contre les manifestations d’une idéologie qui a pour but la destruction de la civilisation européenne et son remplacement.]

              Mais quid du droit de choisir librement son idéologie ? Pensez-vous qu’il faille imposer une idéologie obligatoire ?

          • Bannette dit :

            [Par exemple, lorsque des « colons » viennent s’installer pour profiter des soins médicaux gratuits, des aides au logement et ainsi de suite ? L’idée qu’on a le droit de « défendre sa terre » contre « l’intrusion de colons » qui viennent profiter des ressources locales – pourquoi faire une différence entre les ressources naturelles et celles artificielles – conduit à des conclusions qui peuvent être très dérangeantes lorsqu’on l’applique à notre propre civilisation. Pourquoi ce qu’on rejette avec horreur chez nous devrait être acceptable ailleurs ?]

            Dans le même genre de raisonnements simplistes, il y a ceux qui ont découlé de la théorie “Out of Africa” sur l’origine de l’humanité dont le berceau unique serait l’Afrique et qui conclue donc en simplifiant à l’extrême qu’un himalayen aux yeux bridés et un viking blond aux yeux bleus sont des descendants de noirs subsahariens qui ont voyagé. Très en vogue dans les années 1980/1990, elle a servi aux gôchistes à justifier l’immigration.
            Moi quand j’entendais ça, je leur disais : ben alors la colonisation de l’Afrique par des Européens n’est pas un Mal, vu que ce sont des descendants d’africains qui sont juste rentrés à la maison. Étonnement, ils ne comprenaient pas l’humour…

            • Descartes dit :

              @ Bannette

              [Moi quand j’entendais ça, je leur disais : ben alors la colonisation de l’Afrique par des Européens n’est pas un Mal, vu que ce sont des descendants d’africains qui sont juste rentrés à la maison. Étonnement, ils ne comprenaient pas l’humour…]

              Effectivement, c’est une idée amusante. Les colons européens en Afrique seraient un peu comme les juifs qui retournent en Israel: ils peuvent se réclamer les propriétaires légitimes puisque leurs ancêtres y ont vécu…

      • Vincent dit :

        [[Il le faut bien, je vais me faire l’avocat du diable.]]
        [Ne me dites pas que cela ne vous procure pas un certain plaisir, je ne vous croirais pas…]

        Je dois avouer que personne ne m’oblige à suivre ce blog ou à y participer. Et vu que l’intérêt principal des commentaires de celui ci est de débattre (au sens “confronter des points de vue”)…

        [Si Raoni n’a pas voulu dire ce qu’il a dit, on ne peut que constater que le journaliste a trouvé ces propos suffisamment banaux pour ne pas demander au cacique de préciser sa pensée.]

        Certes. Mais vous noterez que les journalistes ne demandent habituellement de préciser leurs pensées sur les sujets sensibles que les invités qu’ils n’aiment pas. MLP doit préciser dans moultes détails sa pensée sur tous les sujets “sensibles”, car plus on la fait parler sur ces sujets, plus on a de chances de tomber par chance sur un “dérapage”…

        A l’inverse, ceux qui défendent la bonne cause ne sont pas soupconnés de pouvoir “déraper”, et nul besoin de faire préciser quoi que ce soit. Je n’affirme pas que le journalite qui a mené l’interview était particulièrement compétent.

        [Faites gaffe, vous allez vous faire traiter de raciste et paternaliste : parce que le cacique n’est pas Blanc, il sait pas causer peut-être ?]

        Non, vous n’y êtes pas. Il défend la bonne cause, donc on lui passe tout.

        Prenons un exemple ou personne n’est occidental, et où tout le monde a la même couleur de peau : la turquie vis à vis des minorités arméniennes ou kurdes. Le turc est à priori dans le mauvais camp. Alors qu’il n’est pas un occidental ; et on ne lui passerait jamais ce type d’énormité. Pourquoi ? Parcequ’il y a un soupcon (pas infondé d’ailleurs) d’un nationalisme turc, et que les minorités kurdes ou arméniennes pourraient subvertir ce nationalisme. Du coup, les causes des kurdes ou des arméniens sont forcément les bonnes.
        Et sans doute que l’on serait nettement plus indulgent avec un turc ou un arménien qui combat contre les turcs qui viennent dans leur région.
        Idem avec les Ouigours ou les tibétains en Chine, qui sont du bon coté, colonisés par les “méchants” Han. Ou aussi en Birmanie. Pourtant, dans tous ces cas, ce n’est pas dirigé contre le “blanc”.

        [[“nous sommes dans la forêt chez nous, c’est à nous de décider qui peut y venir, qui peut y construire des infrastructures, ce qui y est autorisé, et ce qui y est interdit”.]]

        [Même ainsi reformulée, cela ressemble drôlement au « on est chez nous » proclamé par certains identitaires.]

        C’est en effet exactement la même chose. Mais entre ceux qui défendent la nation et ceux qui la combattent, il y a le camp des gentils et celui des méchants. Ce qui change tout.

        Oui, c’est vrai, dans bien des domaines autour de la politique internationale, c’est le “2 poids, 2 mesures” permanent.

        [Toute la différence tourne autour de la définition du « nous ». Même les mouvements autonomistes ou régionalistes les plus extrémistes évitent de définir le « nous » en s’appuyant sur des critères ethniques.]

        Vous oubliez de préciser “en France”. Pourquoi ? Tout simplement parceque même les bretons ou les basques les plus indépendantistes sont pénétrés de culture française. Et que celle ci interdit ce type de critères. Même s’ils peuvent le ressentir au fond d’eux, c’est quelque chose d’indiscible politiquement… en France ! Allez regarder en ex-Yougoslavie, pour prendre un pays pas trop lointain, de culture européenne, et vous verrez que cela ne se passe pas ainsi.

        [J’ajoute d’ailleurs que, paradoxalement, une grande partie des « Blancs » dont parle Raoni sont en fait… des noirs (ou plutôt des métis) largement majoritaires dans la population brésilienne.]

        C’est exactement là que je voulais en venir avec mon principe de charité. Ce qu’il voulait dire n’était pas dirigé contre une couleur de peau, mais contre ceux qui viennent subvertir leur peuple de l’extérieur. Peu importe leur couleur de peau.

        [– au niveau régional, dans certaines régions à velléités indépendantistes, où les pro-indépendance accusent Paris de leur imposer des choses contraire à leur culture,
        – au niveau national, voire européen, où les identitaires adoptent un raisonnement analogue vis à vis des extra-européens qui prétendent venir vivre en Europe sans se plier aux us et coutumes locaux.]

        [la conception du monde des indiens est profondément ethnique. On ne peut pas « devenir » indien, parce qu’être indien ce n’est pas une question culturelle, mais ethnique.]

        Et pour devenir Touareg, Peul, Haoussa, Bamilike, pygmée, etc. Pensez vous que ce soit facile ?
        Nous sommes (nous, universalistes) des exceptions sur la planète.

        [Imaginer que le chef Raoni voudrait une « assimilation » des Blancs vivant dans le territoire qu’il revendique, c’est projeter sur la culture indigène des idées qui sont les nôtres.]

        Je n’ai pas affirmé cela, et je ne l’aurais pas fait. Mais j’admet avoir survolé volontairement ce point qui me génait dans ma démonstration.

        [[A mon sens, la légitimité de telles considérations renvoie à la définition du corps politique. En France, traditionnellement, c’est relativement simple, il y a un État, et une Nation. Du coup, si on reste sur ce principe, il est légitime de combattre ce qui vient de l’étranger pour subvertir la Nation, mais pas de s’opposer au nom d’un particularisme local à des choses qui relèvent de l’intérêt national.]]

        [Mais justement, la différence est que chez nous le « corps » est « politique », et non ethnique.]

        Ce que j’appelle le corps politique, c’est l’échelon au niveau duquel doit se définir l’intérêt général.
        En France, c’est la Nation, définie comme objet purement politique, sans fondement ethnique.
        Dans la plupart des pays, c’est un corps politique pour lequel l’appartenance est effectivement ethnique. Mais j’appelle tout de même cela un corps politique.

        [La Nation est un contrat entre des gens qui se reconnaissent liés par des liens de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Si ces liens se sont construits par le partage d’un cadre juridique, linguistique, historique, ils ne supposent nullement une origine ou des ancêtres communs, une même couleur de peau, une même forme du visage.]

        Oui. Mais une tribu est également un corps politique, non ? Et l’appartenance à une tribu se fait sur des bases ethniques.
        Il faut noter que les liens de solidarité sont à priori beaucoup moins forts au sein d’une nation qu’au sein d’une tribu. D’où la nécessité de veiller comme au lait sur le feu sur tout ce qui pourrait subevertir les fondements de cette solidarité. Au contraire, dans le cadre d’une tribu, celle ci est acquise.

        [En particulier en matière éducative l’Etat brésilien a fait beaucoup d’efforts pour alphabétiser les indiens d’Amazonie. Le problème est que les indiens – et notamment les caciques genre Raoni – refusent l’alphabétisation. Leur crainte est que l’éducation remette en cause le mode de vie traditionnel]

        Exactement. Et l’écologie appliquée aux peuples humains prescrit de ne pas modifier leur échosystèmes, de ne pas influer dessus, de même qu’il ne faut pas donner à manger à des animaux sauvages, ni perturber leur habitat naturel.
        C’est exactement de cette philosophie que se revendiquent ceux qui les soutiennent.

        [ dont, il faut bien le dire, ces caciques tirent leur propre pouvoir. Ils craignent aussi que les jeunes indiens éduqués abandonnent le village pour aller travailler en ville, échappant ainsi au contrôle social de la communauté.]

        On sent une vision marxiste dessous, sur la volonté d’émancipation des peuples. Mais justement, je ne suis pas du tout certain que tous les peuples veulent être émancipés.
        Pour avoir discuté avec des français naturalisés originaires de certains peuples africains ayant pu conserver leurs traditions mieux que d’autres, ils se sentent toujours liés par l’obéissance à leur chef de village et à leur sorcier de village, bien que vivant en France depuis 20 ans, en étant parfaitement intégrés, dans les catégories CSP++, avec les enfants dans le privé, etc.

        Bref… les liens de solidarité tribales peuvent être réellement très forts. Et la volonté d’émancipation de ces liens est loin d’être acquise. Il suffit de voir, au niveau macroéconomique, la proportion des immigrants intégrés en France qui envoient périodiquement de l’argent à leur village…

        [Admettons. Mais cette « mini-nation » voudrait appliquer une politique de « nettoyage ethnique », chassant tous ceux qui n’appartiennent pas à l’ethnie dominante. Et cela ne semble déranger personne…]

        Voici de bien grands mots… Non, ils veulent interdire à d’autres nations de venir construire des infrastructures chez eux. Et aussi le 0 immigration, comme au Japon.

        [Il ne suffit pas d’installer une communauté autonome qui refuse tout contact avec le monde extérieur pour en faire une « mini-nation ». Autrement, un certain nombre de sectes pourraient invoquer pour leurs « villages » le même statut.]

        L’ancienneté multiséculaire peut aussi être un élément permettant de faire la différence.

        [[Dès lors, n’est-il pas légitime que des communautés puissent continuer à pratiquer leur mode de vie ancestral ?]]

        [« Légitime » dans quel contexte ? Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si vous admettez que « l’universalisme n’est pas universel », alors vous ne pouvez parler d’une « légitimité » qui serait elle-même « universelle ».]

        On peut être universaliste sans chercher à imposer cet universalisme.

        Pour moi, la question posée est un peu similaire à celle que posent en Europe les populations de “gens du voyage”. Ils sont héritiers de traditions nomades, qui sont celles des chasseurs cueilleurs, qui n’avaient pas de terre, et vivaient de ce que leur donnait la terre dans les zones qui n’appartenaient à personne.
        Mais l’augmentation de la densité de population en Europe aidant, il n’y a plus de terres vierges et hospitalières pour des nomades. Tout est pris. Que doivent faire les nomades ? Soit accepter de se sédentariser, de se disperser, et vivre comme les autres. Soit une disparition de leur culture (ce que font beaucoup, soit dit en passant). Soit essayer de continuer à vivre comme des nomades, et se débrouillant comme ils peuvent, c’est à dire éventuellement au moyen de rapines, etc.
        Il s’agit ici d’un conflit nomade / sédentaire, où l’évolution des modes de vie et de la population vient en contradictoin avec le maintien de cultures ancestrales.

        Dans le cas de la forêt brésilienne, c’est pareil, sauf qu’au lieu que ce soit des populations situées sur place qui grossissent au point de ne plus laisser d’espace libre, ce sont les populations situées loin qui viennent constuire des infrastructures sur des territoires où des gens vivaient en sédentaire.

        Le débat peut se poser. Et, clairement, la comparaison des situations est à l’avantage des peuples amazoniens par rapport aux “gens du voyage” (dans un cas, il s’agit de venir subvertir des gens qui vivent dans leur village sans rien demander à personne ; dans l’autre cas, il s’agit de fournir à des gens qui veulent pouvoir vivre n’importe où les moyens de vivre n’importe où, sur le dos des sédentaires qui y vivent).

        [Je pense que le principal problème de votre raisonnement est que vous attribuez à une communauté un droit qui n’appartient – du moins dans la logique des Lumières – qu’aux individus. Une communauté a-t-elle le « droit » de pratiquer le mode de vie ancestral]

        Je me place en dehors de la logique des Lumières pour parler de situations de personnes qui se placent en dehors de celle ci. Cela me semble relever de la “realpolitic”.

        [y compris lorsque cela implique d’imposer aux individus des pratiques – l’excision, le mariage forcé – dont les individus ne veulent pas ? C’est là que « l’universalisme est universel ».]

        C’est une vraie question. Si on commence comme cela, on doit aller faire la guerre partout dans le monde pour imposer notre manière de voir les chose. C’était en gros l’idée des Jules Ferry et autres colonisateurs français (*), qu’il fallait libérer les peuples “arriérés” de leurs chaines. Le succès n’a pas été total. Et surtout, on vient suffisamment nous reprocher ce qu’on fait nos ancètres il y a 150 ans pour que je ne cautionne pas une tentative de refaire la même chose.

        Mais je vous concède que la question n’est pas évidente. La meilleure solution me semble être la discussion avec les autorités existantes, qu’elles soient tribales, nationales, ou autre, pour essayer de limiter la casse.

        (*) de Gauche, je sais qu’il y avait une droit d’affaires qui avait d’autres motivation)

        [L’universalisme proclame que les droits sont attachés aux individus, et non aux communautés.]

        La réalité du monde met en évidence que cela ne fonctionne pas ainsi.

        [Et que chaque individu peut faire ce qu’il veut tant qu’il ne nuit pas aux autres.]

        Et quand on parle de peuples qui vivent de manière tribale, il faut alors exiger des tribus que, à défaut de respecter la liberté de ses membres, au moins, elles ne nuisent pas aux tribus voisines ou à des nations comme les notres. C’est là que doit être la ligne rouge, à mon sens.

        [Si les indiens – c’est-à-dire les individus – tiennent à continuer leur mode de vie ancestral, et que cela ne nuit à personne, ils en ont le droit. Mais l’histoire enseigne autre chose : lorsqu’ils sont en contact avec une civilisation qui offre une meilleure qualité de vie, les gens jettent le « mode de vie ancestral » aux orties. Est-ce que la communauté est légitime a empêcher les individus de suivre leurs penchants ? C’est là toute la question de l’universalisme versus le relativisme.]

        Nous sommes d’acccord. Là est la question. Et comme toujours, il faut se méfier des positions extrèmes.
        Un fond d’universalisme avec de la realpolitic relativiste me semble acceptable.

        Je suis moi aussi plutôt convaincu qu’il y a un sens de l’histoire, vers l’universalisme. Mais je n’en suis pas totalement certain (cf. dernier livre de Todd ; les sociétés tribales seraient, pour schématiser une évolution et une “amélioration” par rapport à des sociétés initiales individualistes).

        [[Plus prosaïquement, je crois que l’universalisme occidental a dérivé en une forme de mondialisme, où tous les individus devraient être libres et autonomes sur la planète, sans attaches.]]

        [Je ne suis pas d’accord. Le mondialisme n’est pas produit de l’universalisme, mais de son rejet. Il repose fondamentalement non pas sur une égale dignité et les mêmes droits pour tous, mais sur un principe de concurrence qui met la dignité et les droits à l’encan. L’universalisme des Lumières affirmait (…)]

        J’ai parlé d’une dérive, pas d’une évolution. Mais on ne peut pas dire -je ne vous apprendrai rien- que l’universalisme des lumières était monolithique. Si on lit Voltaire, penseur des Lumières s’il en est, on ne peut pas dire qu’il mettait tous les humains de la planète sur le même plan à la naissance.
        Voltaire était partisan d’une forme de mondialisme, avec -en pointillés- l’idée qu’il fallait que les puissants conservent le pouvoir, mais au delà des nations : il tenait le peuple pour bon à faire les corvées, et se moquait des rois qui se faisaient la guerre, alors qu’il n’y avait pas de raisons de le faire.
        Il était bien dans l’esprit des temps actuels. Mais d’autres penseurs des lumières n’y étaient pas.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Certes. Mais vous noterez que les journalistes ne demandent habituellement de préciser leurs pensées sur les sujets sensibles que les invités qu’ils n’aiment pas.]

          Précisément. Mais voilà, le journaliste qui enregistre l’entretien avec Raoni est plein de sympathie pour ce dernier. Et c’est pourquoi j’ai du mal à croire qu’il n’ait pas demander au cacique de préciser sa pensée s’il avait été choqué par ses propos. C’est bien là mon point : chez les « bienpensants », les propos de Raoni ne choquent personne. C’est la seule explication raisonnable au fait qu’ils aient pu passer sans correction et sans commentaire…

          [Non, vous n’y êtes pas. Il défend la bonne cause, donc on lui passe tout.]

          Mais on lui passe tout MALGRE le fait que ses propos choquent, ou bien on lui passe tout PARCE QUE ses propos ne choquent personne ? En d’autres termes, chez les bienpensants on réalise que Raoni est « raciste » et on lui pardonne parce qu’il ne faut pas désespérer Billancourt, où bien on a perdu toute conscience du message raciste contenu dans ses propos ? Voilà pour moi la question. Et mes discussions avec les « bienpensants » me font pencher plutôt pour la deuxième solution : dès lors que la personne a le certificat de bonne conduite, l’appareil critique de l’interlocuteur est débranché et le discours n’est même pas analysé.

          [« Toute la différence tourne autour de la définition du « nous ». Même les mouvements autonomistes ou régionalistes les plus extrémistes évitent de définir le « nous » en s’appuyant sur des critères ethniques. » Vous oubliez de préciser “en France”.]

          Etant donné que je répondais aux exemples fournis dans votre commentaire, je ne voyais pas l’intérêt de le faire. Mais bien entendu, je faisais référence à la France. Ailleurs dans le monde – et même en Europe – la question ethnique est loin d’être résolue.

          [Pourquoi ? Tout simplement parce que même les bretons ou les basques les plus indépendantistes sont pénétrés de culture française. Et que celle-ci interdit ce type de critères. Même s’ils peuvent le ressentir au fond d’eux, c’est quelque chose d’indicible politiquement… en France !]

          Il y a de ça… mais il y a aussi une politique volontariste pour effacer les frontières ethniques qui s’est traduite par un « brassage » des populations. Il y a eu l’école et l’armée, il y a eu la politique de faire servir les fonctionnaires partout en France indépendamment de leur région d’origine, il y eut la centralisation des grandes écoles, qui fait que les élites « régionales » sont brassées dans leur formation. Notez d’ailleurs le recul ces trente dernières années, avec une régionalisation de plus en plus poussée dans la formation et la décentralisation des grandes écoles, la suppression du service militaire, les tentatives de régionaliser la nomination des fonctionnaires, le poids du local dans les écoles. Laissez encore quelques années et on verra surgir des « élites régionales » qui auront tout intérêt à jouer avec le feu en ressuscitant la question ethnique à leur profit – c’est déjà un peu le cas en Corse.

          [C’est exactement là que je voulais en venir avec mon principe de charité. Ce qu’il voulait dire n’était pas dirigé contre une couleur de peau, mais contre ceux qui viennent subvertir leur peuple de l’extérieur. Peu importe leur couleur de peau.]

          Je donnerais une explication différente. Il faut se souvenir que Raoni vient d’une logique tribale, et que dans cette logique il n’y a pas de séparation nette entre ethnie et culture. Les gens qui viennent en Amazonie viennent de la culture « blanche », et sont donc « Blancs » quelle que soit leur couleur de peau.

          [« la conception du monde des indiens est profondément ethnique. On ne peut pas « devenir » indien, parce qu’être indien ce n’est pas une question culturelle, mais ethnique. » Et pour devenir Touareg, Peul, Haoussa, Bamilike, pygmée, etc. Pensez-vous que ce soit facile ? Nous sommes (nous, universalistes) des exceptions sur la planète.]

          La conception que j’attribuais aux indiens est partagée par toutes les cultures tribales. La tribu est d’abord un clan, c’est-à-dire, le groupe des descendants d’un ancêtre commun – réel ou imaginaire. Pour imaginer une communauté qui ne soit pas purement ethnique, il n’est pas indispensable d’arriver à l’universalisme, mais il faut au moins passer à l’étape suivante, celle du royaume multiethnique, c’est-à-dire, du « roi des Francs » au « roi de Francie ».

          [Ce que j’appelle le corps politique, c’est l’échelon au niveau duquel doit se définir l’intérêt général.
          En France, c’est la Nation, définie comme objet purement politique, sans fondement ethnique.
          Dans la plupart des pays, c’est un corps politique pour lequel l’appartenance est effectivement ethnique. Mais j’appelle tout de même cela un corps politique.]

          J’avais compris, mais je voulais souligner que le choix des mots crée une ambiguïté : on peut appeler « corps politique » celui ou les décisions politiques se prennent, ou bien celui qui est défini politiquement. Chez nous, la nation est les deux à la fois : c’est l’échelon ou l’on définit l’intérêt général et les politiques pour le poursuivre, mais en même temps c’est un corps défini politiquement, au sens qu’il résulte d’un contrat entre les citoyens de la Polis, et non d’une détermination ethnique ou autre.

          [Il faut noter que les liens de solidarité sont à priori beaucoup moins forts au sein d’une nation qu’au sein d’une tribu. D’où la nécessité de veiller comme au lait sur le feu sur tout ce qui pourrait subvertir les fondements de cette solidarité. Au contraire, dans le cadre d’une tribu, celle-ci est acquise.]

          Je ne dirais pas que les liens sont moins « forts » au sein de la nation qu’au sein de la tribu. Si on pense à ce que les gens ont été capables de faire pour défendre la nation, je ne vois pas de véritable différence : l’engagement des « poilus » de 1914 ne cède en rien à celui de n’importe quel membre d’une tribu. Mais je vous accorde que ces liens sont de nature différente : le lien tribal se fonde sur une filiation, alors que le lien national se fonde sur un contrat. Le lien tribal est fondé sur un lien naturel, alors que le lien national – du moins dans la vision française – est construit, et doit donc être entretenu en permanence. D’où d’ailleurs la tentation de « naturaliser » le lien national en lui donnant un contenu ethnique, fut-il fictif. Le discours « nos ancêtres les gaulois » participait de ce type de tentative.

          [Exactement. Et l’écologie appliquée aux peuples humains prescrit de ne pas modifier leur écosystèmes, de ne pas influer dessus, de même qu’il ne faut pas donner à manger à des animaux sauvages, ni perturber leur habitat naturel. C’est exactement de cette philosophie que se revendiquent ceux qui les soutiennent.]

          Tout à fait d’accord. Mais cela pose un énorme problème éthique. Devons-nous, au nom de la préservation de ces sociétés, refuser aux indiens médicaments et vaccins ? Parce qu’il ne faut pas se raconter des histoires : si on réduit la mortalité infantile, si on augmente l’espérance de vie, on modifie profondément une société.

          [Pour avoir discuté avec des français naturalisés originaires de certains peuples africains ayant pu conserver leurs traditions mieux que d’autres, ils se sentent toujours liés par l’obéissance à leur chef de village et à leur sorcier de village, bien que vivant en France depuis 20 ans, en étant parfaitement intégrés, dans les catégories CSP++, avec les enfants dans le privé, etc.]

          J’avoue que je ne suis jamais tombé dans un tel cas. Toutes mes connaissances d’origine africaine se plaignent au contraire de la pression sociale qui s’exerce sur eux lorsqu’ils rentrent « au pays » – et notamment pour donner de l’argent au clan, y compris pour entretenir des parents qui ne font rien de leurs dix doigts – et du contrôle social étouffant dans leur village. Pour eux, être en France c’est aussi une façon, d’échapper à l’autorité des anciens et des traditions. Et aucun n’a envie de revenir passer sa retraite « au pays » !

          [« Admettons. Mais cette « mini-nation » voudrait appliquer une politique de « nettoyage ethnique », chassant tous ceux qui n’appartiennent pas à l’ethnie dominante. Et cela ne semble déranger personne… » Voici de bien grands mots… Non, ils veulent interdire à d’autres nations de venir construire des infrastructures chez eux. Et aussi le 0 immigration, comme au Japon.]

          Non. Je cite les mots de Raoni : « Il faut que l’on agisse nous-mêmes en retirant les Blancs de nos territoires et en faisant en sorte qu’ils n’y reviennent pas ». Aucune référence à la construction d’infrastructures, ni même aux aventuriers. Sa formule s’applique autant aux Blancs qui viennent construire des infrastructures qu’à ceux installés sur « nos territoires » depuis des générations.

          [L’ancienneté multiséculaire peut aussi être un élément permettant de faire la différence.]

          Pourquoi ? Pourquoi le fait que vos ancêtres aient vécu sur place vous donnerait-il des droits ? Si les Français ont des droits sur la terre de France, ce n’est pas parce qu’ils étaient là les premiers – les descendants des peuples qui étaient là avant les romains sont relativement peu nombreux – mais parce qu’ils – et leurs ancêtres – ont fait ce pays, l’ont aménagé, l’ont construit. Le « j’étais là avant toi » est un argument de cour de récréation.

          [« Légitime » dans quel contexte ? Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si vous admettez que « l’universalisme n’est pas universel », alors vous ne pouvez parler d’une « légitimité » qui serait elle-même « universelle ». On peut être universaliste sans chercher à imposer cet universalisme.]

          Certes. Mais faut choisir son camp, camarade. Vous pouvez ne pas chercher à imposer l’universalisme aux autres, mais si vous invoquez les principes de l’universalisme, vous ne pouvez pas en refuser les conséquences. Si vous rejetez la logique « universaliste », vous ne pouvez parler de « légitimité » qu’en relation avec une culture donnée.

          [Il s’agit ici d’un conflit nomade / sédentaire, où l’évolution des modes de vie et de la population vient en contradiction avec le maintien de cultures ancestrales.]

          Je trouve toujours très amusante cette différence qu’on fait entre les « majoritaires » et les « minoritaires ». Les majoritaires n’ont pas, eux non plus, conservé leur « culture ancestrale ». Nous, Français « blancs » ne vivons pas comme au temps de Philippe Auguste, de Louis XIV ou même de Clémenceau. Notre « culture ancestrale » s’est modifiée, elle s’est adaptée, elle a évolué. La France, ce n’est pas un état immuable, c’est une histoire qui a vu le pays changer en permanence tout en gardant une continuité.

          Si les « minorités » dont vous parlez posent un problème, c’est parce qu’elles sont congelées dans un état considéré comme immuable. Contrairement à la culture majoritaire qui a su évoluer – et accepter ce changement tout en restant elle-même, les « cultures minoritaires » ne se conçoivent pas comme ayant une histoire qui continue, mais comme ayant une histoire qui s’est arrêtée quelque part dans le passé et qu’il faudrait retrouver. On peut être français tout en célébrant à la fois Chambord et le TGV. Mais on ne peut être provençal qu’en invoquant les ânes, les moulins à vent et les fifres, être breton qu’en invoquant Anne de Bretagne et les coiffes.

          Ce n’est donc pas un conflit « nomade/sédentaire », mais plutôt un conflit entre ceux qui sont dans l’histoire et ceux qui y sont sortis, ceux qui peuvent changer tout en restant eux-mêmes, et ceux pour qui le changement est symbole de disparition.

          [« Je pense que le principal problème de votre raisonnement est que vous attribuez à une communauté un droit qui n’appartient – du moins dans la logique des Lumières – qu’aux individus. Une communauté a-t-elle le « droit » de pratiquer le mode de vie ancestral » Je me place en dehors de la logique des Lumières pour parler de situations de personnes qui se placent en dehors de celle ci. Cela me semble relever de la “realpolitic”.]

          Si vous adhérez à la « realpolitik », vous ne pouvez plus parler de « droits », seule la réalité du rapport de forces existe. En termes de « realpolitik », une communauté – pas plus qu’un individu – n’a « droit » à quoi que ce soit : soit le rapport de force lui permet de l’avoir, soit il ne lui permet pas.

          Je repose ma question donc : pour vous, une « communauté » a-t-elle des droits ?

          [C’est une vraie question. Si on commence comme cela, on doit aller faire la guerre partout dans le monde pour imposer notre manière de voir les choses.]

          Non. Le fait de penser que votre façon d’agir est mauvaise n’implique nullement que je doive chercher à vous empêcher d’agir ainsi. L’universalisme implique qu’on s’accorde le droit de juger toutes les cultures en fonction d’un prisme commun, et non qu’on doive faire valoir les résultats de ce jugement par la force.

          [« L’universalisme proclame que les droits sont attachés aux individus, et non aux communautés. » La réalité du monde met en évidence que cela ne fonctionne pas ainsi.]

          La « réalité du monde » ne peut rien nous dire sur cette question. Le débat sur le fait de savoir si quelqu’un a ou non le « droit » de faire quelque chose est un débat qui se situe au plan des idées. Il ne peut être tranché par la « réalité ». Tout ce que la « réalité » peut nous dire, ce que monsieur X a tué madame Y pour lui voler son sac. Mais elle ne peut répondre à la question de savoir si X avait le « droit » d’agir ainsi.

          [Je suis moi aussi plutôt convaincu qu’il y a un sens de l’histoire, vers l’universalisme. Mais je n’en suis pas totalement certain (cf. dernier livre de Todd ; les sociétés tribales seraient, pour schématiser une évolution et une “amélioration” par rapport à des sociétés initiales individualistes).]

          Je ne crois pas qu’il y ait un « sens » à l’histoire (au sens téléologique du terme). Je pense, oui, que la logique de sélection s’applique autant aux espèces qu’aux sociétés, et que les sociétés vont donc dans le sens d’une plus grande efficacité dans les fonctions qui leur permettent de se reproduire en tant que telles. Et il me semble assez évident que les sociétés qui ont construit un Etat-nation sont bien mieux placées que celles qui en sont restées au stade de la tribu.

          [Mais on ne peut pas dire – je ne vous apprendrai rien- que l’universalisme des lumières était monolithique. Si on lit Voltaire, penseur des Lumières s’il en est, on ne peut pas dire qu’il mettait tous les humains de la planète sur le même plan à la naissance.]

          Les Lumières ne constituent pas un mouvement monolithique, certes. Mais ce n’est pas non plus un mouvement chronologique : il ne suffit pas à un penseur d’avoir été actif au XVIIIème siècle pour appartenir aux Lumières. On classe dans le mouvement des Lumières les penseurs qui partageaient un certain nombre d’idées : la confiance dans la Raison humaine pour gouverner le monde, le rejet du cléricalisme, la conviction que l’homme et lui seul est sujet de droits, et que certains de ces droits sont universels. Voltaire ne croyait certes pas dans une société égalitaire, mais croyait à l’unicité de l’espèce humaine et donc à l’égale dignité de chaque être humain. Voltaire n’a jamais à ma connaissance manifesté l’idée qu’il y a une Raison pour les aristocrates et une autre pour les laboureurs, que l’aristocrate et le laboureur avaient des droits « naturels » différents.

  7. cdg dit :

    Supposons que les indiens qui ont rencontré Christophe Colomb l ait masssacre lui et son equipage. Meme sort pour ceux du mayflower.
    C est philosophiquement mal (meurtre). Pour les europeens, ca aurait probablement ete une mauvaise chose (pas sur mais probable). Mais pour les indiens d amerique ca leur aurait evite d etre quasi exterminé et de exproprie de leur pays. Donc tres positif
    On est un peu dans la meme problematique: des gens viennent s installer dans des territoires qui ne leur appartiennent pas, afin d exploiter des ressources que les indiens n utilisent pas (or ou bois ici). Et ils n ont evidement aucune envie de s assimiler aux tribus autochtones
    Si on laisse faire, les autochtones ne peuvent plus vivre comme avant (riviere polluee a l arsenic a cause d l orpaillage), plus de foret … Ils deviennent en quelque sort etrangers dans leur propre pays (voire carrelent des clodos de leur pays)

    Je suis pas un admiratif beat du mode de vie tribal (par ex ils doivent avoir une esperance de vie de 40-50 ans au mieux) mais je peux comprendre que des gens souhaitent vivre comme ils veulent chez eux et ne pas subir les desagrements de l exterieur

    PS: les problemes indiens/chercheurs d or bresiliens arrivent aussi en guyane (autrement dit en france).

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Supposons que les indiens qui ont rencontré Christophe Colomb l’aient massacré lui et son équipage. Même sort pour ceux du Mayflower.]

      Pas besoin d’imaginer, c’est arrivé pour de vrai. Si les natifs sur lesquels est tombé Christophe Colomb ou les passagers du Mayflower ont été plutôt amicaux, d’autres émissaires ont trouvé un accueil bien moins bienveillant. Ainsi pour ne donner qu’un exemple prenons Juan Diaz de Solis, qui arriva au Rio de la Plata, sur un lieu proche de l’actuelle ville uruguayenne de Colonia. Ayant débarqué avec quelques compagnons, il fut attaqué, tué et dévoré par les indiens du lieu…

      [C’est philosophiquement mal (meurtre). Pour les européens, ça aurait probablement été une mauvaise chose (pas sur mais probable). Mais pour les indiens d’Amérique ça leur aurait évité d’être quasi exterminé et de exproprie de leur pays. Donc très positif]

      Je ne pense pas que le fait de massacrer Colomb et son équipage ou ceux du Mayflower aurait suffi. Les indiens d’Amérique étaient technologiquement et politiquement trop arriérés pour pouvoir résister effectivement à la conquête européenne. Mas revenons au problème philosophique que vous posez, qui est au fond celui du droit à la résistance à l’installation d’un autre peuple sur son territoire.

      La première difficulté devant laquelle on se trouve est celle du rapport d’un peuple à son territoire. Qu’est ce qui fait qu’un peuple déterminé est « légitime » à revendiquer une terre, et un autre ne l’est pas ? Le problème n’est pas simple. En quoi les indiens étaient-ils légitimes pour revendiquer sur la terre américaine des droits supérieurs aux nouveaux arrivants ? Parce qu’ils « étaient là avant » ? Vous voyez tout de suite les problèmes que poserait le fait d’ériger ce principe en règle universelle. Une autre solution – c’est celle qui a été souvent retenu – est de rattacher la légitimité au fait d’avoir travaillé la terre. Mais quid alors des peuples nomades, des chasseurs-cueilleurs, qui ne travaillent pas la terre et se contentent de recueillir ses fruits ?

      Personnellement, je pense que la question morale est sans intérêt. La réalité est que les indiens ont été massacrés en grand nombre, mais qu’en échange les survivants et leurs descendants ont pu faire un saut dans le temps et bénéficier de ce que la civilisation européenne peut apporter : médicaments, vaccins, alphabétisation… alors est-ce que cela sert à quelque chose de se demander si la colonisation de l’Amérique fut « un bien » ou « un mal » ? Cela a peut-être un intérêt pour ceux qui pensent que les péchés des pères tombent sur les enfants jusqu’à la quarantième génération, et que par conséquence les « Blancs » doivent expier les crimes de leurs ancêtres. Ce n’est pas mon cas.

      [On est un peu dans la même problématique: des gens viennent s’installer dans des territoires qui ne leur appartiennent pas, afin d’exploiter des ressources que les indiens n’utilisent pas (or ou bois ici).]

      Mais à qui « appartient » un territoire ? Vous passez très vite sur cette question, qui est pourtant fondamentale. Vous semblez penser que le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier. Mais vous voyez bien que cela pose quelques problèmes parce que, historiquement, les gens ont beaucoup bougé. Pensez aux peuples qui sont passés par le territoire qui est celui de la France aujourd’hui…

      [Et ils n’ont évidemment aucune envie de s’assimiler aux tribus autochtones. Si on laisse faire, les autochtones ne peuvent plus vivre comme avant (rivière polluée a l’arsenic à cause de l’orpaillage), plus de foret … Ils deviennent en quelque sort étrangers dans leur propre pays (voire carrément des clodos de leur pays)]

      Admettons. Mais transposez le raisonnement à notre propre pays. Doit en expulser par les armes comme le propose le cacique Raoni tous ceux qui en France « n’ont aucune envie de s’assimiler aux tribus autochtones » et qui empêchent nos bons « gaulois » de « vivre comme avant » ? Pourquoi admettre chez les « autochtones » amazoniens ce qu’on refuse avec horreur aux « autochtones » corréziens ? C’était là ma question…

      [Je ne suis pas un admiratif béat du mode de vie tribal (par ex ils doivent avoir une espérance de vie de 40-50 ans au mieux) mais je peux comprendre que des gens souhaitent vivre comme ils veulent chez eux et ne pas subir les désagréments de l’extérieur]

      Deux remarques : la première, c’est qu’il est assez douteux que les « gens » de ces tribus veuillent conserver les anciens modes de vie. Au contraire, on assiste à une émigration massive des indiens d’Amazonie vers les villes, justement parce qu’ils trouvent chez les « Blancs » une qualité de vie largement supérieure à celle que leur offre la chasse et la pêche… et accessoirement le contrôle social absolu de la vie tribale. Si les caciques comme Raoni veulent expulser les « Blancs », c’est aussi parce qu’ils craignent que le contact avec eux donne des idées à leurs propres troupes.

      La seconde, est que je vous propose de transposer votre raisonnement à l’immigration en France. Trouvez-vous légitime que des Français « de souche » ne veuillent pas « subir les désagréments de l’extérieur » ? C’est là le problème de notre universalisme kantien : vous ne pouvez pas ériger des règles qui ne soient pas universalisables…

      • yann dit :

        Ils étaient technologiquement très en retard, mais l’Afrique subsaharienne aussi. Ce qui a vraiment était dramatique pour les amérindiens fut leur isolement biologique. On ne l’enseigne surement pas assez, mais ce sont surtout les épidémies importées du vieux monde qui leur ont été fatal. Une étude scientifique vient de sortir qui montre que l’Amazonie par exemple n’était pas vierge. Il y avait environ 10 millions d’habitants dans la région . Habitant décimé par les maladies d’Eurasie. Les empires Inca et Aztèque étaient extrêmement peuplé mais ce sont vidé de leur population avec les épidémies de variole.

        Même si les habitants du vieux monde étaient venu en paix pour faire simplement un peu de commerce le désastre aurait été inévitable. Si l’on veut faire dans l’uchronie pour les sauver il aurait fallu qu’ils entrent en contact avec nous seulement après la découverte de la vaccination. Il eut été assez peu vraisemblable que nos ancêtres très curieux attendent autant de temps avant de faire le tour du monde et donc avant qu’ils ne découvre l’Amérique.

        • Descartes dit :

          @ Yann

          [Ils étaient technologiquement très en retard, mais l’Afrique subsaharienne aussi. Ce qui a vraiment était dramatique pour les amérindiens fut leur isolement biologique. On ne l’enseigne surement pas assez, mais ce sont surtout les épidémies importées du vieux monde qui leur ont été fatales.]

          Cette théorie m’a toujours paru suspecte. Admettons que les indiens fussent sensibles aux maladies infectieuses amenées par les européens contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés, n’ayant pas été en contact avec les microorganismes qui les provoquent. Dans ce cas, il nous faut aussi admettre que la réciproque et vraie, que les conquistadors étaient eux aussi sensibles aux maladies américaines, contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés… Comment expliquer alors que les indiens aient été décimés par les maladies apportées par les conquistadors, alors que les européens ne l’ont pas été par les maladies amenées par les mêmes au retour ?

          Oui, les conquistadors ont apporté des maladies aux indiens, et en retour ils ont amené en Europe des maladies inconnues, dont la syphilis et le « vomito negro » sont de bons exemples. On voit mal pourquoi les maladies exportées auraient été plus mortelles que les maladies importées…

          [Une étude scientifique vient de sortir qui montre que l’Amazonie par exemple n’était pas vierge. Il y avait environ 10 millions d’habitants dans la région.]

          C’est peu vraisemblable : pour faire vivre une dizaine de millions de chasseurs-cueilleurs, il faudrait un territoire bien plus grand… Cet exemple illustre la difficulté de mesurer l’effet des épidémies et des massacres. Nous n’avons en fait guère de données démographiques…

          • yann dit :

            Je veux bien que vous ne soyez pas d’accords mais beaucoup d’historiens sont d’accord avec l’influence des maladies sur la démographie du continent.

            “Dans ce cas, il nous faut aussi admettre que la réciproque et vraie, que les conquistadors étaient eux aussi sensibles aux maladies américaines, contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés…”

            Cela s’appelle le hasard. On simplement eu de la chance qu’aucune maladie extrêmement grave ne soit importée d’Amérique du sud. Il n’y a pas plus de raison qu’il y est une réciprocité que l’inverse. Le fait que le degré de civilisation du vieux continent fusse plus élevé a aussi probablement joué sur les multiples épidémies que notre continent a connu. Le transport et les échange commerciaux favorisant les épidémie et multipliant les sources potentielles de mutation génétique des virus et des bactéries. Là où les civilisation amérindiennes étaient nettement plus isolées les unes des autres semble-t-il.

            Un article qui chiffre par exemple l’hécatombe en Amérique du nord:

            https://sup.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/public/files/Empire-et-metissages-2012-01-06-1928%40LES_COLLECTIONS_DE_L_HISTOIRE.pdf

            “C’est peu vraisemblable : pour faire vivre une dizaine de millions de chasseurs-cueilleurs, il faudrait un territoire bien plus grand… ”

            C’est peut-être peu vraisemblable à vos yeux, mais c’est ce que dit l’étude en question. C’est basé sur des fouilles archéologique. Mon cher Descartes il faut accepter les fait parfois même s’ils contredisent votre logique immédiate. C’est comme ça que la science avance.

            https://www.20minutes.fr/planete/2603479-20190913-bresil-archeologues-decouvrent-amazonie-peut-etre-si-vierge-ca

            Du reste j’ai à l’inverse de vous toujours considéré les invasions européennes des terres d’Amérique comme trop rapide pour être le simple produit de la supériorité technique européenne. Certes on avait des mousquets et des canons, mais face à des peuples nettement plus nombreux sur leur propres terre l’avantage est vite insuffisant. D’autant que le matériel militaire n’était guère fiable et sophistiqué. L’hypothèse qu’une épidémie de masse ait vidé les terres juste après l’arrivée des Européens me semble une explication nettement plus solide. Les européens n’ont d’ailleurs jamais réussi à réellement coloniser l’Afrique subsaharienne à l’exception de l’Afrique du sud. Car ces terres étaient déjà peuplée. Même chose en Asie d’ailleurs.

            • Descartes dit :

              @ yann

              [Je veux bien que vous ne soyez pas d’accords mais beaucoup d’historiens sont d’accord avec l’influence des maladies sur la démographie du continent.]

              Certes. D’autres sont plus sceptiques. Les mayistes, par exemple, soulignent que la civilisation maya était déjà en plein déclin démographique avant l’arrivée des espagnols. On sait aujourd’hui que les villes mayas avaient déjà été abandonnées vers le Xème siècle de notre ère.

              [“Dans ce cas, il nous faut aussi admettre que la réciproque et vraie, que les conquistadors étaient eux aussi sensibles aux maladies américaines, contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés…” Cela s’appelle le hasard. On simplement eu de la chance qu’aucune maladie extrêmement grave ne soit importée d’Amérique du sud.]

              Vous voulez dire que sauf pour cet incroyable coup de chance, la civilisation européenne aurait pu être effacée de la surface du globe par une épidémie venue des Amériques ? Avouez que la chance fait bien les choses : parmi les millions de microorganismes présents en Amérique, aucun n’était susceptible de provoquer une hécatombe en Europe, alors que parmi les millions présents en Europe il y eut plusieurs pour provoquer des pestes chez les indiens. Vous ne trouvez pas que c’est bizarre, tant de chance ?

              [Le fait que le degré de civilisation du vieux continent fusse plus élevé a aussi probablement joué sur les multiples épidémies que notre continent a connu. Le transport et les échange commerciaux favorisant les épidémie et multipliant les sources potentielles de mutation génétique des virus et des bactéries. Là où les civilisation amérindiennes étaient nettement plus isolées les unes des autres semble-t-il.]

              Ça, c’est déjà une théorie plus intéressante. En d’autres termes, les indiens ont été moins victimes des maladies européennes que d’une endogamie et un isolement qui, à la longue, aboutissent à un affaiblissement génétique ? L’un des articles que vous citez apporte un autre élément : l’élevage qui favorise le contact avec une faune bactérienne encore plus riche était peu pratiqué par les indiens chasseurs-cueilleurs…

              [Un article qui chiffre par exemple l’hécatombe en Amérique du nord: (…)]

              « Chiffre » c’est un bien grand mot. Je reprends la formule de l’article : « en 1500 il y avait peut-être sept millions d’autochtones en Amérique du Nord. Il s’agit, cela dit, d’une estimation qui fait débat entre les spécialistes ». On ne saurait être plus prudent. Vous noterez par ailleurs que la courbe présentée dans l’article ne montre pas d’inflexion en 1500, au contraire : elle donne l’impression que la pente à la baisse était déjà forte en 1500, alors qu’aucun européen n’avait posé le pied en Amérique du Nord…

              [“C’est peu vraisemblable : pour faire vivre une dizaine de millions de chasseurs-cueilleurs, il faudrait un territoire bien plus grand… ” C’est peut-être peu vraisemblable à vos yeux, mais c’est ce que dit l’étude en question. C’est basé sur des fouilles archéologiques. Mon cher Descartes il faut accepter les faits parfois même s’ils contredisent votre logique immédiate. C’est comme ça que la science avance.]

              Un « fait » qui contredit la logique doit être traité avec les plus grandes précautions. Surtout lorsqu’il est extrait de « 20 minutes » et qu’ils font référence à des « études scientifiques » sans préciser lesquelles.

              [Du reste j’ai à l’inverse de vous toujours considéré les invasions européennes des terres d’Amérique comme trop rapide pour être le simple produit de la supériorité technique européenne. Certes on avait des mousquets et des canons, mais face à des peuples nettement plus nombreux sur leur propre terre l’avantage est vite insuffisant.]

              On n’avait pas seulement des mousquets et des canons – et accessoirement des navires, des boussoles, des épées. On avait aussi une organisation politique et économique très largement supérieure, qui permettait de concentrer des moyens pour la conquête. Les européens pouvaient soutenir une armée qui n’avait d’autre métier que de se battre, pas les indiens.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              J’ai trouvé une étude qui fait une revue critique de diverses estimations pour la population amazonienne en 1492 :
              https://www.jstor.org/stable/622921
              (on peut la télécharger intégralement depuis sci-hub)

              Les estimations, très variables, vont d’environ 500000 à 10 millions d’habitants.

              Il faut tout de même noter deux choses :
              – il s’agit d’un territoire immense, de sorte que les densités de population restent tout de même très faibles (souvent inférieures à 1 habitant par km², au maximum quelques habs par km² dans les zones les plus denses)
              – les peuples indigènes pratiquaient en partie l’agriculture (peut-être itinérante), ce n’étaient pas de purs chasseurs-cueilleurs

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Les estimations, très variables, vont d’environ 500000 à 10 millions d’habitants.]

              C’était là mon point. Nous n’avons guère de moyens fiables d’estimer ces populations.

              [– les peuples indigènes pratiquaient en partie l’agriculture (peut-être itinérante), ce n’étaient pas de purs chasseurs-cueilleurs]

              Ca dépend lesquels. Ceux du bassin amazonien étaient de purs chasseurs-cueilleurs.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Ca dépend lesquels. Ceux du bassin amazonien étaient de purs chasseurs-cueilleurs.

              C’est très grand, le bassin amazonien (7 millions de km², d’après Wikipédia). L’article aborde une partie de ce territoire (« The population of the Amazon basin in 1492: a view from the Ecuadorian headwaters »).

              Mais il est bien possible que les peuplades actuelles descendent des peuples les plus reculés et plus archaïques au moment de l’invasion européenne (ceux qui ont eu le moins de contact, et peut-être aussi ceux qui avaient les cultures les plus rétives à la modernité).

            • Raskolnikov dit :

              Je pense qu’il y a une faille dans votre logique. Vous présentez les situations comme symétriques, hors ce n’est pas le cas à mon avis.

              Pour qu’une maladie dangereuse fasse son chemin jusqu’en Europe, il aurait fallu qu’un conquistador tombe malade et survive le voyage de retour, si il ne mourrait pas avant de la maladie. À l’inverse, un conquistador ramenant un maladie banale pour lui, mais fatale pour les indiens n’avait pas ce problème.

              Pour avoir la symétrique, il aurait fallu qu’un indien fasse la traversée vers l’Europe, portant une maladie potentiellement fatale aux européens mais banale pour lui. Hors, cela se produisait bien plus rarement.

            • Descartes dit :

              @ Raskolnikov

              [Pour qu’une maladie dangereuse fasse son chemin jusqu’en Europe, il aurait fallu qu’un conquistador tombe malade et survive le voyage de retour, si il ne mourrait pas avant de la maladie.]

              Toutes les maladies mortelles ne sont pas foudroyantes. Ainsi, la syphilis fut importée en Europe probablement par les conquistadors…

              [Pour avoir la symétrique, il aurait fallu qu’un indien fasse la traversée vers l’Europe, portant une maladie potentiellement fatale aux européens mais banale pour lui. Hors, cela se produisait bien plus rarement.]

              Si les indiens portaient des maladies fatales aux européens mais banales pour eux, les colons européens qui se rendaient en Amérique auraient dû être décimés par ces maladies. Or, ce n’est pas le cas. Des dizaines de millions d’européens ont émigré en Amérique depuis la découverte… et on ne connaît pas d’hécatombe de cette nature parmi eux. La question demeure entière : pourquoi les maladies européennes étaient mortelles pour les indiens américains et mas l’inverse ? La théorie de l’élevage proposée par certains commentateurs me paraît une piste intéressante (en tout cas bien plus crédible que la simple « chance »). Une autre possibilité est que l’hécatombe des indiens ait été exagérée…

            • Yoann Kerbrat dit :

              [ Une autre possibilité est que l’hécatombe des indiens ait été exagérée]

              Vous ne pouvez pas a la fois dire “écoutons les scientifiques” et à la fois dire cela.

              Il y a des estimations des populations avant et après l’arrivée des Européens qui sont possible et faite, avec des écarts important certes. Mais qui montre un déclin rapide au 16e siècle (plus rapide que des déclins antérieurs dans certaines zones géographiques – les courbes de population ont en général un mouvement oscillatoire, en relation avec l’agriculture).

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Vous ne pouvez pas a la fois dire “écoutons les scientifiques” et à la fois dire cela.]

              Tout dépend de quels scientifiques vous écoutez…

              [Il y a des estimations des populations avant et après l’arrivée des Européens qui sont possible et faite, avec des écarts important certes. Mais qui montre un déclin rapide au 16e siècle (plus rapide que des déclins antérieurs dans certaines zones géographiques – les courbes de population ont en général un mouvement oscillatoire, en relation avec l’agriculture).]

              Mais vous m’accorderez que ces « estimations de populations » varient d’un facteur vingt selon les auteurs. En fait, il n’y a aucun moyen statistique d’estimer la population de l’Amérique à l’arrivée de Christophe Colomb. Aucun peuple américain ne nous a laissé un recensement, fut-il primitif, et les conquistadors espagnols n’ont fait aucun effort pour évaluer la démographie. L’archéologie ne nous aide pas non plus, parce que les civilisations indiennes qui bâtissaient en pierre ne sont pas les plus nombreuses, et même celles-là ne bâtissaient en dur que les lieux rituels, sans que l’on sache ni combien de personnes participaient à ces rituels, ni quel pourcentage de la population ils représentaient. Certains experts (par exemple David Henige) pensent tout simplement qu’il est vain de chercher à établir une valeur.

              J’ajoute que les chiffres ont toujours été l’objet d’une controverse dont le fondement est idéologique, chaque camp ajustant les chiffres en fonction de ses intérêts. La mode aujourd’hui est de surestimer très largement, pour présenter la conquête sous son jour le plus noir.

          • Yoann Kerbrat dit :

            [Comment expliquer alors que les indiens aient été décimés par les maladies apportées par les conquistadors, alors que les européens ne l’ont pas été par les maladies amenées par les mêmes au retour ?]

            Réponse rapide de biologiste et d’agronome : l’élevage.

            Une “bonne” maladie ne tue point son hôte, sans quoi elle disparaît avec lui. Cela peut arriver dans l’histoire bien entendu.

            Mais avec l’élevage des souches bactériennes ou virales passent périodiquement des animaux avec lesquelles nous sommes en contact aux humains, créant des maladies qui peuvent être mortel (pour nous, pas pour les animaux en question). On appelle ça une zoonose.

            L’élevage sur le continent Américain était réduit a quasiment deux espèces : le dindon (au Nord), le Lama (au sud). Tandis que les Européens avait un nombre d’animaux bien plus conséquents a disposition (lié entre autre à la diffusion des espèces animales entre l’Europe et l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique).

            Quelque exemples : la peste a trois hôtes (humain-puce-rat), et l’histoire du rat est celle de la diffusion d’une espèce de rat en particulier depuis l’asie-centrale et la Chine jusqu’en Europe (notamment par les bateaux venant d’Egypte avec le blé a destination de Rome). La grippe vient du contacte avec des oiseaux, notamment les poules. Les tuberculoses proviennent d’ovins et bovins. La variole porte bien son nom anglais de “cow-pox”. La liste est longue…

            Les européens étaient face a un nombre de zoonoses beaucoup plus réduit, des maladies tropicales (dont on sait que, sélection naturelle oblige, les populations locales sont plus résistantes).

            L’avancée des maladies européennes aux Amérique a été terrible. Il y a des récit d’explorateurs européens qui découvrent des cités vidées de leur habitants, parce que les maladies se sont propagées plus vite que les explorateurs…

            On sait même que la disparition de la population des Amériques a entraîné une augmentation des surfaces forestières sur le continent (les forêts vierges d’aujourd’hui était peuplées hier… ) entraînant un refroidissement global du globe.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Réponse rapide de biologiste et d’agronome : l’élevage. (…)]

              Merci. Je trouve en effet cette explication bien plus crédible que la simple « chance ». Elle rend bien compte du fait que les indiens étaient bien plus sensibles aux maladies européennes que l’inverse.

              [L’avancée des maladies européennes aux Amérique a été terrible. Il y a des récit d’explorateurs européens qui découvrent des cités vidées de leur habitants, parce que les maladies se sont propagées plus vite que les explorateurs…]

              Le problème est que nous savons que ces villes se sont dépeuplées et pour certaines ont été abandonnées AVANT que les conquistadors arrivent. Que les explorateurs aient trouvé des cités vidées de leurs habitants ne prouve nullement que ce soit la conséquence d’une maladie.

              [On sait même que la disparition de la population des Amériques a entraîné une augmentation des surfaces forestières sur le continent (les forêts vierges d’aujourd’hui était peuplées hier… ) entraînant un refroidissement global du globe.]

              Là, j’ai vraiment du mal à vous croire. Avez-vous une référence ?

            • Yoann Kerbrat dit :

              [ cette explication bien plus crédible que la simple « chance ». Elle rend bien compte du fait que les indiens étaient bien plus sensibles aux maladies européennes que l’inverse.]

              Un autre problème du continent Amérique : des Lama au sud dans des montagnes; la roue en Amérique centrale, mais pas de Lama… Et le Lama n’est pas le cheval.

              [Que les explorateurs aient trouvé des cités vidées de leurs habitants ne prouve nullement que ce soit la conséquence d’une maladie]

              Bien entendu. Cependant on sait que les maladies se propagent plus rapidement que les conquistador (via les routes commerciales et les échanges), et il y a une réduction des populations après l’arrivé des Européens.

              Il y a aussi (mais plus tard, autour de 1700) des récits écrit des conséquences de la varioles sur les populations d’indiens avec des taux de mortalité très élevé, en particulier comparer aux Européens qui vivaient et échangeait à coté d’eux (au point ou en 1830 les autorités Américaines décident de vacciner en masse les Indiens… ).

              J’en profite pour rappeler que la malaria et la fièvre jaune sont arrivées sur le continent Africain avec les européens. Et ces maladies étaient connu pour décimer les “blancs” bien plus que les Africains (conséquences de l’évolution).

              [Là, j’ai vraiment du mal à vous croire. Avez-vous une référence ?]

              Ce sont des travaux plus récent. Un exemple :

              Koch, Alexander; Brierley, Chris; Maslin, Mark M.; Lewis, Simon L. (2019). “Earth system impacts of the European arrival and Great Dying in the Americas after 1492”. Quaternary Science Reviews.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Bien entendu. Cependant on sait que les maladies se propagent plus rapidement que les conquistadors (via les routes commerciales et les échanges), et il y a une réduction des populations après l’arrivée des Européens.]

              Enfin, faut pas exagérer. La propagation des maladies suppose un contact physique, et je doute qu’après les premiers contacts les indiens et les conquistadors aient eu beaucoup d’opportunités de s’embrasser sur la bouche ou même de se serrer la main. La réduction des populations peut être aisément expliquée par l’action violente des conquistadors, qui ont non seulement massacré les indiens mais aussi détruit leurs cultures. Pour une population dans une économie à la limite de la subsistance, cela suffit pour provoquer une baisse radicale de la population.

              [Il y a aussi (mais plus tard, autour de 1700) des récits écrit des conséquences de la varioles sur les populations d’indiens avec des taux de mortalité très élevé, en particulier comparer aux Européens qui vivaient et échangeait à coté d’eux (au point ou en 1830 les autorités Américaines décident de vacciner en masse les Indiens… ).]

              Vous avez des références ?

              [Ce sont des travaux plus récent. Un exemple :]

              En fait ce papier ne montre nullement que le refroidissement de la planète au XVIème siècle soit dû à la mortalité des indiens américains. Simplement qu’un certain jeu d’hypothèses (qui suppose en particulier que l’Amérique était peuplée de quelque 60 millions d’indiens avant l’arrivée des conquistadors et que 90% ont disparu durant le XVIème siècle) est COMPATIBLE avec cette hypothèse.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [La propagation des maladies suppose un contact physique]

              On peut attraper une variole a 2 mètres d’une personne contagieuse…

              Quant aux diminutions de populations elles précèdent l’arrivé des Européens. Mais on sait depuis longtemps que les maladies se propagent assez rapidement, en tout cas plus rapidement que des Conquistador (les sociétés Indiennes étaient interconnectées).

              [Vous avez des références ?]

              Je vais prendre plus tôt : Tenochtitlan , 1520.

              [Simplement qu’un certain jeu d’hypothèses (qui suppose en particulier que l’Amérique était peuplée de quelque 60 millions d’indiens avant l’arrivée des conquistadors et que 90% ont disparu durant le XVIème siècle) est COMPATIBLE avec cette hypothèse.]

              Les duretés du langage scientifique n’est-ce pas.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [“La propagation des maladies suppose un contact physique” On peut attraper une variole a 2 mètres d’une personne contagieuse…]

              Je doute beaucoup que les indiens aient eu beaucoup d’opportunités d’être à 2 mètres d’un conquistador…

              [Quant aux diminutions de populations elles précèdent l’arrivé des Européens. Mais on sait depuis longtemps que les maladies se propagent assez rapidement, en tout cas plus rapidement que des Conquistador (les sociétés Indiennes étaient interconnectées).]

              Dans le cas de la civilisation Maya, la diminution massive de la population précède de trois siècles l’arrivée des européens. Je veux bien que les maladies se déplacent rapidement, mais il faut pas exagérer… 😉

            • Yoann Kerbrat dit :

              @Descartes
              [Je doute beaucoup que les indiens aient eu beaucoup d’opportunités d’être à 2 mètres d’un conquistador…]

              Les conquistador n’ont donc approché aucun indien ?

              [Dans le cas de la civilisation Maya, la diminution massive de la population précède de trois siècles l’arrivée des européens. Je veux bien que les maladies se déplacent rapidement, mais il faut pas exagérer… ]

              On parle d’une diminution de population globale sur le continent… Que ici ou la avant il y ait eu des périodes de croissances ou de recules c’est une chose, mais c’est une autre quand toute recule en même temps…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [“Je doute beaucoup que les indiens aient eu beaucoup d’opportunités d’être à 2 mètres d’un conquistador…” Les conquistador n’ont donc approché aucun indien ?]

              Ceux qu’ils ont approché d’aussi près ont rarement vécu assez longtemps pour mourir de maladie…

      • cdg dit :

        C est vrai que comme vous l ecrivez ailleurs, le fait de dire que la terre appartient au premier occupant pose probleme (en plus dans le cas des indiens d amerique, ils sont arrives en plusieurs vagues et rien ne prouve que la derniere n ai pas extermine celle d avant).
        Mais sinon quelle est l alternative ? Supposons que quelqu un vienne en France et proclame que la France maintenant lui appartient et qu il entend la diriger. Quel argument peut on lui opposer (a part justement les fusils ou dire qu on etait la avant 😉 )

        “Doit en expulser par les armes comme le propose le cacique Raoni tous ceux qui en France « n’ont aucune envie de s’assimiler aux tribus autochtones ” On peut leur demander gentiment de partir et oui, s ils refusent de s integrer ou de partir, utiliser la maniere forte
        Regardez ce qui c est passé au Texas quand il etait mexicain: Ils ont laissé venir des anglo-saxons et un jour ceux ci on decidé de quitter le mexique. Resultat : le mexique a perdu 1/3 de son territoire apres une guerre avec les USA
        Je signale ici qu on demande a partir aux gens qui refusent de s assimiler et pas aux gens qui ont juste la mauvaise couleur de peau ou religion (la france etant un etat laique, vous pouvez etre musulman tant que vous n empechez pas les gens de boire de l alcool ou interdisez un journal pour cause de caricature)

        “c’est qu’il est assez douteux que les « gens » de ces tribus veuillent conserver les anciens modes de vie”
        Possible, mais dans tous les cas, c est a eux de choisir. Aller chez eux et les priver de leur moyen de subsistance en coupant les forets par ex n est pas leur laisser le choix
        Ne sous estimez pas l attrait du mode de vie traditionnel. Regardez en Afghanistan/irak, les gens refusent le mode de vie et les valeurs occidentales et se complaisent dans l obscurantrisme et sont meme pret a mourir pour ca
        Meme en Asie les valeurs occidentales sont contestés

        Quant au controle social, ca a aussi du bon. J ai grandi dans un petit village en france.
        C est sur que les voisins savent ce que tu fais mais tu peux aussi laisser ta porte ouverte sans risquer un cambriolage, on ne trouve pas quelqu un mort depuis 6 mois chez lui … Il y a toute use solidarite qu on ne trouve pas dans une grande ville

        “Trouvez-vous légitime que des Français « de souche » ne veuillent pas « subir les désagréments de l’extérieur » ?”
        oui. Et le nier ne fait que faire monter l extreme droite
        On peut demander au gens de faire preuve d empathie et d aider son prochain mais a partir d un certain niveau, si la personne accueilli refuse de s assimiler et pose des problemes, on genere des reactions de rejet. Et perseverer ne fait que les accentuer
        Dans le cas de la france, j ai lu sur le site du monde une comparaison sur les problemes des enseignants.
        Le journal qui est pourtant pro immigration ecrit que les enseignants francais sont plus confrontes que leurs homologues europeens a des enfants d origine etrangere. Mieux ils le chiffrent :33 % en primaire !
        Si la proportion est juste, je vous laisse imaginer le probleme dans 20 ans avec 1/3 d adultes non assimilés

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Mais sinon quelle est l’alternative ? Supposons que quelqu’un vienne en France et proclame que la France maintenant lui appartient et qu’il entend la diriger. Quel argument peut on lui opposer]

          On peut par exemple invoquer le fait que les Français ne se sont pas contentés de vivre sur ce territoire, mais qu’ils l’ont cultivé, aménagé, amélioré. Ce serait rattacher la légitimité non pas à la primauté d’arrivée – ce qui somme toute n’est qu’une coïncidence – mais à l’action continue que les hommes ont sur leur environnement.

          [Ne sous estimez pas l’attrait du mode de vie traditionnel. Regardez en Afghanistan/irak, les gens refusent le mode de vie et les valeurs occidentales et se complaisent dans l’obscurantisme et sont même prêts a mourir pour ca.]

          Si c’est le cas, comment expliquer qu’on réserve des châtiments horribles à tous ceux qui adoptent le mode de vie et les valeurs occidentales ? Si les femmes veulent massivement rester voilées et les hommes ne veulent pas boire de l’alcool, pourquoi l’interdire et ensuite punir de mort ou de cent coups de fouets les rares dissidents qui s’y risquent ?

          Une communauté ne punit que ce qu’elle considère dangereux. Si on punit publiquement ceux qui veulent échapper à la tradition, c’est parce qu’on sait très bien que si on permettait aux gens d’adopter librement le mode de vie qu’ils préfèrent, le mode traditionnel disparaîtrait en une génération. Et la caste qui tire son pouvoir de la tradition ne peut se le permettre…

          [Quant au contrôle social, ça a aussi du bon. J’ai grandi dans un petit village en France. C’est sûr que les voisins savent ce que tu fais mais tu peux aussi laisser ta porte ouverte sans risquer un cambriolage, on ne trouve pas quelqu’un mort depuis 6 mois chez lui … Il y a toute use solidarité qu’on ne trouve pas dans une grande ville]

          Si la petite communauté n’avait pas du bon, elle n’aurait pas survécu aussi longtemps. Mais la solidarité dont vous parlez n’est pas une solidarité inconditionnelle. Elle est conditionnée à l’obéissance à la loi communautaire. Si vos voisins n’approuvent pas votre façon de vivre, vous perdez tout droit.

          • cdg dit :

            “Une communauté ne punit que ce qu’elle considère dangereux”
            Non une communaute punit ceux qui enfreignent les regles (et sont pas assez puissant)
            C est vrai chez les afghans comme en france. C est simplement pas les memes regles
            Boire de l alcool est interdit en afghanistan alors que ca ne menace pas le regime
            Prendre du cannabis ici alors que c est pas pire que se bourrer de tranquilisants ou se taper 1 l de vin par jour

            Penser que le mode de vie traditionnel va disparaitre si on laisse le choix aux gens me semble une erreur
            regardez l afghanistan sous les sovietique: le mode de voie traditionnel y etait mal vu. il a pourtant pas disparu
            meme chose en iran sous le shah. Il a essaye de moderniser le pays et au final on a une republique islamique
            Plus pres de chez nous , l algerie ou la tunisie n etait pas islamiste a l independance. Maintenant se declarer athe dans ces pays est suicidaire

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [“Une communauté ne punit que ce qu’elle considère dangereux” Non une communauté punit ceux qui enfreignent les règles (et sont pas assez puissant)]

              Admettons. Mais les règles ne sont pas arbitraires. On n’interdit pas pour le plaisir d’interdire. Une société interdit un acte donné lorsque cet acte est jugé comme dangereux pour la communauté. On peut débattre de la manière dont ce danger est évalué et de sa nature. Mais il y a pratiquement toujours un lien entre l’interdiction – et la punition qui va avec – et un danger perçu.

              C’est vrai chez les afghans comme en France. Ce n’est simplement pas les mêmes règles
              Boire de l’alcool est interdit en Afghanistan alors que ça ne menace pas le régime. Prendre du cannabis ici alors que ce n’est pas pire que se bourrer de tranquillisants ou se taper 1 l de vin par jour]

              Relisez ce que j’ai écrit : « une communauté ne punit que ce qu’elle CONSIDERE comme dangereux ». Il ne s’agit donc pas d’une réalité, mais d’une perception. Si nous interdisons le cannabis chez nous, c’est parce que nous percevons – dans une société qui est la nôtre – le cannabis comme dangereux, et non parce qu’on éprouve un plaisir particulier à interdire quelque chose. Pourquoi à votre avis les Afghans interdisent la consommation d’alcool chez eux ?

              [Penser que le mode de vie traditionnel va disparaitre si on laisse le choix aux gens me semble une erreur.]

              Pourtant, l’expérience démontre ce point jour après jour. Regardez le paysan dans un coin reculé des Alpes, des Pyrenées ou de la Lozère. Est-ce que quelqu’un lui a imposé d’avoir l’électricité ? Non. Est-ce que quelqu’un l’a obligé à avoir une télé dans son salon – et à l’allumer ? Pas davantage. Est-ce que quelqu’un l’a obligé d’avoir un frigo, une machine à laver, bref, le confort moderne ? Non plus. Personne n’a forcé non plus ses enfants à aller vivre en ville, à faire des études supérieures. Alors, si son mode de vie a changé, c’est bien qu’il y a eu un choix.

              [regardez l’Afghanistan sous les soviétique: le mode de voie traditionnel y était mal vu. Il n’a pourtant pas disparu]

              Certes. Mais on n’a pas laissé aux gens le choix : toute l’aristocratie afghane, les chefs de clan, la hiérarchie religieuse dont le pouvoir trouve son origine dans le « mode de vie traditionnelle » ont préféré prendre le risque de la guerre – et la pire guerre qui soit, la guerre civile – pour éviter ce risque. Et encore, ils ne l’ont emporté que grâce à l’aide étrangère, dont celle de la première puissance mondiale de l’époque. Pourquoi croyez-vous que les « combattants de la liberté » (c’est ainsi qu’on les appelait à l’époque dans « Libération » ou « Le Monde ») afghans se soient d’abord attaqué aux écoles, aux institutions d’enseignement, aux administrations civiles laïques, bref, à tout ce qui permettait aux populations de faire un « choix » qui aurait pu les éloigner des pratiques traditionnelles ?

              La vraie résistance à l’abandon des modes de vie traditionnels ne vient pas du vulgum pecus, mais des élites « ancien régime » qui tirent leurs avantages du « mode de vie traditionnel ». Et cela n’est pas seulement vrai chez les Afghans ou les indiens amazoniens. Chez nous aussi, ce fut la petite noblesse qui se mit à la tête de la révolte vendéenne.

              [meme chose en Iran sous le Shah. Il a essayé de moderniser le pays et au final on a une République Islamique]

              Là, le cas est un peu différent. Si la « modernisation » de Reza Pahlavi n’était pas arrivée avec lui dans les fourgons des Américains après le renversement de Mossadegh, si elle avait été plus soucieuse d’attirer les travailleurs iraniens en leur faisant partager la manne pétrolière et les fruits de la modernisation au lieu de les réserver aux intérêts étrangers, l’histoire aurait pu être très différente. Effectivement, quand la « modernisation » se traduit par la dégradation des conditions de vie des gens, il ne faut pas s’étonner que le passéisme fasse des ravages…

              [Plus près de chez nous, l’Algérie ou la Tunisie n’étaient pas islamiste à l’indépendance. Maintenant se déclarer athée dans ces pays est suicidaire]

              Mais justement, si la « tradition » est revenue c’est parce que la modernité n’a pas tenu ses promesses, parce que les régimes issus des indépendances ont été des échecs économiques. Vous noterez que dans presque toutes les sociétés, les plus conservateurs aujourd’hui sont les plus pauvres.

            • Barbey dit :

              @Descartes, cdg

              [On peut par exemple invoquer le fait que les Français ne se sont pas contentés de vivre sur ce territoire, mais qu’ils l’ont cultivé, aménagé, amélioré. Ce serait rattacher la légitimité non pas à la primauté d’arrivée]

              En quoi le fait “d’avoir d’amélioré” un territoire confère plus de légitimité à, par exemple, des étrangers à cet instant qui sont capables de prendre le territoire par la force ? Ils auraient au moins la légalité…

              [Chez nous aussi, ce fut la petite noblesse qui se mit à la tête de la révolte vendéenne]

              C est assez manichéen comme vision. Le petite noblesse
              a assuré la transition de régime au péril de leurs vies et non pas étaient grossir l’armée de Condé.
              La petite noblesse avait un plus grand “avantage” économique à tirer du changement de régime mais une décote sociale.

            • Descartes dit :

              @ Barbey

              [En quoi le fait “d’avoir d’amélioré” un territoire confère plus de légitimité à, par exemple, des étrangers à cet instant qui sont capables de prendre le territoire par la force ? Ils auraient au moins la légalité…]

              Il y a deux réponses à cette question. La première tient au pouvoir du créateur sur sa création. Si l’on considère le territoire non pas comme une donnée naturelle mais comme une création, on établit un lien entre celui qui par son travail crée ce territoire avec le territoire lui-même. La deuxième est utilitariste : si la légitimité est liée au travail dépensé pour aménager et embellir, on stimule ce type d’activités utiles, alors qu’attacher la légitimité à la simple occupation n’encourage à rien sauf à s’y maintenir.

              [« Chez nous aussi, ce fut la petite noblesse qui se mit à la tête de la révolte vendéenne » C’est assez manichéen comme vision. La petite noblesse a assuré la transition de régime au péril de leurs vies et non pas étaient grossir l’armée de Condé.]

              C’est pourtant historiquement exact. Les leaders de la révolte vendéenne sont en grande partie issus de la petite noblesse locale. On ne parle pas ici de l’armée de Condé, dont la logique n’était pas tant de défendre le « mode de vie » mais des privilèges.

              [La petite noblesse avait un plus grand “avantage” économique à tirer du changement de régime mais une décote sociale.]

              Ah bon ? Quel était « l’avantage économique » que la petite noblesse vendéenne pouvait tirer du changement de régime ?

            • Barbey dit :

              [Ah bon ? Quel était « l’avantage économique » que la petite noblesse vendéenne pouvait tirer du changement de régime ?]

              Je ne connais pas la noblesse vendéenne en particulier mais la petite noblesse n’était pas plus riche, voire moins que les bourgeois.
              Donc la révolution ne lui fera pas perdre ce qu’elle n’a pas.
              Après si on part 1) ils ne sont pas riches 2) ils sont formés et vont pourvoir les postes qui vont être laissés vacants (poste s qu’ils ne peuvent pas difficilement occupés dans l’ancien régime); ils ont plus à gagner qu’à perdre

              Il y a quelque chose que je ne comprends pas quand vous parlez des avantages des “modes de vie traditionnelle”. Parlons de la PMA. En tant qu’homme, si je m’oppose à la PMA, est ce que je tombe sous le couperet que j’ai un avantage à garder le mode de vie traditionnel (ie sans PMA)? Et donc que cela évite nécessairement tous les arguments pour la partie adverse.

            • Descartes dit :

              @ Barbey

              [Je ne connais pas la noblesse vendéenne en particulier mais la petite noblesse n’était pas plus riche, voire moins que les bourgeois. Donc la révolution ne lui fera pas perdre ce qu’elle n’a pas.]

              La petite noblesse était peut-être moins riche que les bourgeois parisiens, mais certainement plus que les paysans de son coin. Par ailleurs, elle bénéficiait largement de privilèges : dispense fiscale, bénéfice des taxes banales, détention de charges et bénéfices héréditaires, accès réservé aux fonctions publiques. Et cela sans compter avec leur position coutumière dans leur village : place réservée à l’église et dans les processions, hommage des paysans…

              [Après si on part 1) ils ne sont pas riches 2) ils sont formés et vont pourvoir les postes qui vont être laissés vacants (poste s qu’ils ne peuvent pas difficilement occupés dans l’ancien régime); ils ont plus à gagner qu’à perdre]

              De quels « postes » parlez-vous ? La petite noblesse occupait déjà ces « postes » : conseillers aux Parlements, baillis, sénéchaux, et toutes sortes de charges locales. Ils avaient aussi un accès réservé aux charges supérieures, puisqu’il n’était pas question pour un roturier d’accéder aux conseils du roi ou à des postes dans son administration. La Révolution a ouvert ces postes aux bourgeois…

              [Il y a quelque chose que je ne comprends pas quand vous parlez des avantages des “modes de vie traditionnelle”. Parlons de la PMA. En tant qu’homme, si je m’oppose à la PMA, est ce que je tombe sous le couperet que j’ai un avantage à garder le mode de vie traditionnel (ie sans PMA)? Et donc que cela évite nécessairement tous les arguments pour la partie adverse.]

              Je ne vois pas très bien quel est votre intérêt en tant qu’homme à vous opposer à la PMA.

            • Barbey dit :

              @Descartes

              Je ne compare pas la petite noblesse à la paysannerie mais à la bourgeoisie. La petite noblesse avait le dessus au niveau social mais pas au niveau économique.

              Concernant les postes, si les postes de généraux sont vacants, ce sont les officiers qui vont les récupérer (ie la petite noblesse), de même que des soldats passeront officiers.

              Bref, la vision de la révolution n’est qu’une image de ce que nous avons lu : entre Michelet, Gaxotte, Taine, etc.

              [Je ne vois pas très bien quel est votre intérêt en tant qu’homme à vous opposer à la PMA.]

              Si les femmes n’ont plus besoin d’hommes pour procréer, avouez que ça me désavantage. Si les hommes ont accès à la GPA, avoir une femme perd de son intérêt vu que je peux fonder une famille sans elle.

            • Descartes dit :

              @ Barbey

              [Je ne compare pas la petite noblesse à la paysannerie mais à la bourgeoisie. La petite noblesse avait le dessus au niveau social mais pas au niveau économique.]

              Ce n’est pas exact. La noblesse avait accès à toutes sortes de charges rémunératrices qui étaient fermées à la roture (fut-elle bourgeoise ou paysanne). Elle bénéficiait aussi de l’exemption d’un grand nombre d’impôts et taxes. Elle percevait un certain nombre de droits seigneuriaux. Elle avait le dessus autant économiquement que socialement sur la bourgeoisie locale.

              [Concernant les postes, si les postes de généraux sont vacants, ce sont les officiers qui vont les récupérer (ie la petite noblesse), de même que des soldats passeront officiers.]

              Aussi longtemps que les postes d’officier sont réserves à la noblesse, oui. Mais la République, c’est aussi l’ouverture de toutes les charges « sans autre limite que les talents ». Et du coup, la réserve qui permettait à la petite noblesse de ne pas être concurrencée par la bourgeoisie disparait…

              [« Je ne vois pas très bien quel est votre intérêt en tant qu’homme à vous opposer à la PMA. » Si les femmes n’ont plus besoin d’hommes pour procréer, avouez que ça me désavantage.]

              D’abord, même avec la PMA on a besoin d’un homme – le donneur. Et si les femmes n’ont pas besoin d’homme pour procréer, la contrepartie est que les hommes n’ont plus l’obligation d’entretenir les enfants. Tout dans tout, c’est plutôt un gain net pour vous…

            • François dit :

              @Descartes

              [Relisez ce que j’ai écrit : « une communauté ne punit que ce qu’elle CONSIDERE comme dangereux ». Il ne s’agit donc pas d’une réalité, mais d’une perception.]
              Quelle perception les députés avaient de la menace de la négation du génocide arménien quand il ont voté une loi visant à la pénaliser ?

              [Là, le cas est un peu différent. Si la « modernisation » de Reza Pahlavi n’était pas arrivée avec lui dans les fourgons des Américains après le renversement de Mossadegh (…)]
              Enfin, la « modernisation » (pourquoi ces guillemets d’ailleurs ?) de l’Iran n’a pas commencé avec Mohammad Reza Pahlavi, mais avec son père, qui lui n’était l’obligé de personne et a fini renversé par les Alliés. Mossadegh lui-même était un modernisateur. Atatürk non plus n’était l’obligé d’aucune puissance étrangère et ça n’est pas pour autant que la sécularisation de la Turquie ait été faite en profondeur.
              Concernant le dernier shah d’Iran, s’il était indéniablement un allié des États-Unis, n’était pas pour autant leur obligé, prenant l’initiative de créer l’OPEP. Certaines mauvaises langues disent même les occidentaux ont plus ou moins facilité sa chute. Après tout ça ne serait pas la seule fois que les américains se seraient acoquinés avec des barbus, même si dans le cas présent ça a été particulièrement désastreux.
              La révolution de 1979 n’a été possible que parce-que les « classes intermédiaires », aspiraient à moins d’autoritarisme et les couches populaires voyaient leur mode de vie chamboulé trop violemment. Les Saoud qui sont bien plus les obligés des USA que ne l’était le shah, n’ont point de menace révolutionnaire à l’horizon (encore moins modernisatrice), les oulémas ne trouvant pas grand chose à redire au fait que la dynastie soit alliée aux impies yankees. À contrario, les mollahs, qui ne doivent rendre de comptes qu’à eux-mêmes, sont de plus en plus coupés de leur population, jour après jour.

              [si elle avait été plus soucieuse d’attirer les travailleurs iraniens en leur faisant partager la manne pétrolière et les fruits de la modernisation au lieu de les réserver aux intérêts étrangers]
              Enfin il me semble que la Révolution Blanche, ça n’est pas rien. De plus un homme qui vénérait Mongénéral ne pouvait être foncièrement mauvais. Vraisemblablement qu’il n’y a rien de pire qu’une mauvaise mémoire pour embellir le passé, mais j’ai des connaissances iraniennes, n’appréciant pas particulièrement l’oncle Sam, qui disent que le Shah n’était pas un si mauvais personnage.

              [Effectivement, quand la « modernisation » se traduit par la dégradation des conditions de vie des gens, il ne faut pas s’étonner que le passéisme fasse des ravages…]
              Les Français ont vu leurs conditions de vie se détériorer de façon bien plus dramatique avec la Révolution française, et ça n’est pas pour autant qu’ils sont devenus nostalgiques de l’ancien régime. Ne parlons même pas de la Révolution d’Octobre pour les Russes.

              [Mais justement, si la « tradition » est revenue c’est parce que la modernité n’a pas tenu ses promesses, parce que les régimes issus des indépendances ont été des échecs économiques.]
              Le régime pakistanais est devenu bien rigoureux ces dernières années en matière de mœurs, la situation économique de ce pays n’est pas mirobolante, mais ça n’est pas pour autant que l’on assiste à une sécularisation de ce pays. Les années fastes de la Turquie d’Erdogan sont révolues, mais on n’assiste pas pour autant à un déclin électoral de l’AKP (excepté à Ankara et Istanbul). Quant à la France et ses population mahométanes…

              [La vraie résistance à l’abandon des modes de vie traditionnels ne vient pas du vulgum pecus, mais des élites « ancien régime » qui tirent leurs avantages du « mode de vie traditionnel ».]
              Il faudrait savoir. Tantôt vous dîtes que le refus de l’abandon du mode de vie traditionnel dans les pays arabes vient de l’échec économique de ces pays, tantôt vous dites que c’est à cause de l’opposition des élites locales. Quant aux élites qui participent aux retour du rigorisme mahométan parmi une partie des habitants de la France, j’aimerais bien savoir en quoi elles consistent.

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Relisez ce que j’ai écrit : « une communauté ne punit que ce qu’elle CONSIDERE comme dangereux ». Il ne s’agit donc pas d’une réalité, mais d’une perception. » Quelle perception les députés avaient de la menace de la négation du génocide arménien quand ils ont voté une loi visant à la pénaliser ?]

              Combien de gens ont été « punis » en application de cette loi ? Je ne m’avance pas trop en disant que ce nombre est proche de zéro. Il ne faut pas confondre le fait de voter une loi répressive pour se faire plaisir, et punir EFFECTIVEMENT une infraction. Il y a beaucoup d’actes que les lois punissent théoriquement mais qui en pratique ne sont jamais poursuivis, tout simplement parce qu’on ne les considère pas dangereux.

              [Enfin, la « modernisation » (pourquoi ces guillemets d’ailleurs ?)]

              Parce que la modernisation poussée par Reza Pahlavi n’en est une que dans certains domaines (industriel, économique…) mais s’est traduit par un retour en arrière dans d’autres (politique, social). Il me semble donc propre de mettre le terme « modernisation » entre guillemets pour marquer cette ambiguïté.

              [de l’Iran n’a pas commencé avec Mohammad Reza Pahlavi, mais avec son père, qui lui n’était l’obligé de personne et a fini renversé par les Alliés. Mossadegh lui-même était un modernisateur.]

              Tout à fait. Un peu comme en Afghanistan, les vrais modernisateurs sont renversés par les puissances étrangères, alors que les faux sont renversés par les forces conservatrices de leur propre pays. C’est bien une illustration de mon propos : quand il y a une vraie modernisation, dont les bénéfices sont partagés par tous, la population suit. Lorsque la modernisation est vécue comme profitant à quelques-uns et faisant reculer le reste, les gens se révoltent.

              [Atatürk non plus n’était l’obligé d’aucune puissance étrangère et ça n’est pas pour autant que la sécularisation de la Turquie ait été faite en profondeur.]

              Et là encore, les forces conservatrices ont relevé la tête lorsque la libéralisation poussée de l’extérieur a renforcé les inégalités et donné aux couches les plus modestes de la population que modernité était synonyme de dépossession. Toujours le même mécanisme, qui est d’ailleurs à l’œuvre chez nous aussi : c’est la marginalisation des couches populaires qui les jette dans le bras des réactionnaires.

              [Concernant le dernier shah d’Iran, s’il était indéniablement un allié des États-Unis, n’était pas pour autant leur obligé,]

              Un petit peu, tout de même. Dire que Pahlavi n’était pas une simple marionnette des Américains n’est pas forcément inexact, mais dire qu’il n’était pas leur obligé…

              [Les Saoud qui sont bien plus les obligés des USA que ne l’était le shah, n’ont point de menace révolutionnaire à l’horizon (encore moins modernisatrice), les oulémas ne trouvant pas grand-chose à redire au fait que la dynastie soit alliée aux impies yankees.]

              Tout à fait. Mais les Saoudiens surveillent comme le lait sur le feu le niveau de vie de leurs couches populaires, très attentives justement à ce que les « modernisations » introduites dans le Royaume ne se traduisent jamais par une perte de niveau de vie. Quand les prix du pétrole ont baissé, le prince Salman a même serré la vis aux plus riches pour s’assurer que les couches populaires n’en souffriraient pas. Parce que si demain le niveau de vie des Saudiens « d’en bas » baissait, les voix des religieux qui proclament que la modernité c’est le mal recevraient certainement un accueil bien plus positif.

              [À contrario, les mollahs, qui ne doivent rendre de comptes qu’à eux-mêmes, sont de plus en plus coupés de leur population, jour après jour.]

              Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas. Pourriez-vous élaborer ?

              [« Effectivement, quand la « modernisation » se traduit par la dégradation des conditions de vie des gens, il ne faut pas s’étonner que le passéisme fasse des ravages… » Les Français ont vu leurs conditions de vie se détériorer de façon bien plus dramatique avec la Révolution française, et ça n’est pas pour autant qu’ils sont devenus nostalgiques de l’ancien régime.

              Bien sûr que si. Pourquoi croyez-vous que l’instauration de l’Empire, avec son cadre rassurant qui faisait penser à l’ancien régime, a été aussi facile ? Pourquoi croyez-vous que Napoléon Ier se soit fait sacrer et ait recherché un modus vivendi avec les forces conservatrices, et notamment avec l’Eglise catholique ? Comment expliquez-vous qu’après la fièvre de la Révolution et de l’Empire une restauration monarchique en bonne et due forme ait été possible, et que l’ancien régime restauré ait duré presque une génération – le temps justement que les gens oublient la dégradation des conditions de vie sous la Ière République ?

              [« Mais justement, si la « tradition » est revenue c’est parce que la modernité n’a pas tenu ses promesses, parce que les régimes issus des indépendances ont été des échecs économiques. » Le régime pakistanais est devenu bien rigoureux ces dernières années en matière de mœurs, la situation économique de ce pays n’est pas mirobolante, mais ça n’est pas pour autant que l’on assiste à une sécularisation de ce pays.]

              Je ne comprends pas le raisonnement. Les inégalités se sont creusées au Pakistan comme ailleurs. Encore une fois, ce n’est pas l’appauvrissement du pays EN GENERAL qui pousse les peuples dans les bras des conservateurs, c’est l’appauvrissement relatif des couches populaires.

              [Les années fastes de la Turquie d’Erdogan sont révolues, mais on n’assiste pas pour autant à un déclin électoral de l’AKP (excepté à Ankara et Istanbul).]

              Justement, c’était bien mon point : c’est le creusement des inégalités qui fait douter les couches populaires des avantages de la « modernisation ».

              [Quant à la France et ses population mahométanes…]

              Même chose. Quand la France offrait aux « populations mahométanes » la perspective d’une assimilation dans une économie qui partageait relativement bien la valeur entre le capital et le travail, les femmes voilées étaient une rareté folklorique. Trente ans de néolibéralisme plus tard, les couches populaires voient de moins en moins l’intérêt d’embrasser une « modernité » devenue synonyme de précarisation et d’appauvrissement.

              [Il faudrait savoir. Tantôt vous dîtes que le refus de l’abandon du mode de vie traditionnel dans les pays arabes vient de l’échec économique de ces pays, tantôt vous dites que c’est à cause de l’opposition des élites locales.]

              Je n’ai pas été clair. Il y a les contextes de « vraie modernisation », où le renouveau se traduit par une amélioration du niveau de vie des couches populaires. Dans ces situations, ceux qui s’opposent aux changements sont généralement les élites anciennes, dont la position privilégiée est remise en cause. Et il y a les contextes de « fausse modernisation », ou le renouveau ne profite qu’aux couches dominantes. Dans ce contexte, les couches populaires voient dans la préservation du mode de vie ancien une façon de se protéger.

              [Quant aux élites qui participent aux retour du rigorisme mahométan parmi une partie des habitants de la France, j’aimerais bien savoir en quoi elles consistent.]

              Là on est dans un cas particulier, puisqu’il ne s’agit pas des élites d’une société, mais des élites d’une communauté particulière. Dans ce cas particulier, je pense aux dirigeants communautaires – et notamment les leader religieux.

            • François dit :

              @Descartes

              [Il y a beaucoup d’actes que les lois punissent théoriquement mais qui en pratique ne sont jamais poursuivis, tout simplement parce qu’on ne les considère pas dangereux.]
              Ou bien parce qu’il n’y a pas le courage de réprimer les actes jugés répréhensibles. Qu’est-ce qui menace le plus l’ordre public ? Les sorties médiatiques d’Éric Zemmour ou les trafics en tout genre qui sévissent sur des pans entiers de notre territoire et pour lesquels il n’y a pas de volonté réelle de les éradiquer ?

              [Parce que la modernisation poussée par Reza Pahlavi n’en est une que dans certains domaines (industriel, économique…) mais s’est traduit par un retour en arrière dans d’autres (politique, social)]
              Dans le domaine politique, le retour à l’absolutisme constitue indéniablement un retour en arrière. Il convient toutefois de noter que l’égalité civique accordée aux femmes et d’importantes campagnes promouvant leur émancipation constitue une importe avancée. Quant à la régression sociale, j’aimerais savoir en quoi elle consiste, sachant qu’il a lancé une réforme agraire (un certain Rouhollah Khomeini a décidé de se réveiller non en 1953, au moment de l’opération Ajax, mais en 1963 lorsque le shah a entrepris de confisquer les terres de l’institution à laquelle il appartenait…), d’importantes campagnes d’alphabétisation et sanitaires…

              [[de l’Iran n’a pas commencé avec Mohammad Reza Pahlavi, mais avec son père, qui lui n’était l’obligé de personne et a fini renversé par les Alliés. Mossadegh lui-même était un modernisateur.]
              Tout à fait. Un peu comme en Afghanistan, les vrais modernisateurs sont renversés par les puissances étrangères, alors que les faux sont renversés par les forces conservatrices de leur propre pays.]
              Diriez-vous que les régimes communistes d’Europe de l’Est, soutenus par le Kremlin et renversés par des forces conservatrices, étaient de faux modernisateurs ? Quant à l’Iran, rien ne dit que le régime des mollahs aurait réussi à se pérenniser s’il n’y avait pas eu le terrible conflit avec son voisin irakien.

              [[Atatürk non plus n’était l’obligé d’aucune puissance étrangère et ça n’est pas pour autant que la sécularisation de la Turquie ait été faite en profondeur.]
              Et là encore, les forces conservatrices ont relevé la tête lorsque la libéralisation poussée de l’extérieur a renforcé les inégalités et donné aux couches les plus modestes de la population que modernité était synonyme de dépossession.]
              Jusqu’en 1950, date de la nomination du premier premier ministre turque issu d’un processus démocratique, Adnan Menderes un libéral conservateur, la Turquie n’était nullement inféodée aux USA. D’ailleurs c’est sous son mandat que la Turquie intègre l’Otan.

              [[Concernant le dernier shah d’Iran, s’il était indéniablement un allié des États-Unis, n’était pas pour autant leur obligé,]
              Un petit peu, tout de même. Dire que Pahlavi n’était pas une simple marionnette des Américains n’est pas forcément inexact, mais dire qu’il n’était pas leur obligé…]
              Au début très certainement, mais à la fin il me semble que Jimmy Carter lui a gentiment notifié de se démerder quand il a fait face aux premiers mouvement contestataires en 1978. Pourquoi avait-il des médecins français pour se soigner ? Quel était l’intérêt des États-Unis de voir l’Iran se moderniser économiquement et industriellement alors qu’ils se contentaient parfaitement de pays arriérés en Amérique latine ? Comment étaient-ils censé apprécier le fait qu’il noue un partenariat sur le nucléaire civil avec la France, prenant entre autres une participation dans Eurodif (n’oublions pas non plus que deux des six tranches CP1 de Gravelines étaient initialement destinées à l’Iran) ? Cela ne s’est jamais rencontré au cours de l’histoire un feudataire qui finisse par se montrer ingrat envers son féodal ? Le dernier shah d’Iran était mégalomane. À partir de là, difficile que ses ambitions ne rencontrent pas celles d’autres…
              Il est vrai que le dernier shah d’Iran n’a jamais réussi à se laver du pêché originel qu’a été l’opération Ajax. Mais si les couches populaires se sont jointes à la Révolution iranienne, c’est parce qu’elles ont quitté la campagne suite à la réforme agraire, puis qu’elles ont été victime de la baisse des revenus pétrolier de l’Iran suite aux mesures d’économie d’énergie dans les pays occidentaux. Je pense que si le shah avait été plus prévoyant, l’histoire aurait pu être tout autre.

              [[Les Saoud qui sont bien plus les obligés des USA que ne l’était le shah, n’ont point de menace révolutionnaire à l’horizon (encore moins modernisatrice), les oulémas ne trouvant pas grand-chose à redire au fait que la dynastie soit alliée aux impies yankees.]
              Tout à fait. Mais les Saoudiens surveillent comme le lait sur le feu le niveau de vie de leurs couches populaires, très attentives justement à ce que les « modernisations » introduites dans le Royaume ne se traduisent jamais par une perte de niveau de vie]
              Personnellement, j’ai fini par me ranger à l’opinion que les « modernisations » de MBS ne sont que de la fumisterie destinées à redorer le blason de l’Arabie Saoudite auprès de l’opinion occidentale, qui s’est bien écorné ces derniers temps.

              [Quand les prix du pétrole ont baissé, le prince Salman a même serré la vis aux plus riches pour s’assurer que les couches populaires n’en souffriraient pas.]
              J’ai surtout le souvenir que lorsque les prix du pétrole ont baissé, MBS a entrepris des mesures d’austérité. Quant à l’emprisonnement des principales fortunes du pays suivi d’une libération contre rançon (en 2018, soit bien après la chute du prix du baril de pétrole en 2014), je crois surtout qu’il s’agissait pour lui de leur rappeler qui est le chef.

              [Parce que si demain le niveau de vie des Saudiens « d’en bas » baissait, les voix des religieux qui proclament que la modernité c’est le mal recevraient certainement un accueil bien plus positif.]
              J’aimerais bien savoir qui sont les religieux modernisateurs en Arabie Saoudite. L’opposant digne de se faire exécuter à l’étranger, Jamal Khashoggi, a été un frère musulman ayant pleuré la mort d’un certain « ami », Oussama Ben Laden.

              [[À contrario, les mollahs, qui ne doivent rendre de comptes qu’à eux-mêmes, sont de plus en plus coupés de leur population, jour après jour.]
              Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas. Pourriez-vous élaborer ?]
              L’Iran est avant tout théocratie dont les processus électoraux et les libertés sont très encadrés. S’ils ne peuvent se passer de prendre en compte un minimum l’opinion populaire, cela reste eux qui in fine prennent les décisions. Quand on regarde le taux de natalité, le taux de femmes inscrites à l’université, les libertés qu’elles usent pour se vêtir, on ne peut pas dire que la femme iranienne soit conforme aux canons auxquels les mollahs s’attendent. Enfin il paraît que les mosquées sont de plus en plus vide et que les manifestations de fin 2017 et début 2018, initialement auraient été lancées dans le but de déstabiliser Rohani par les franges conservatrices du régime, mais se sont retournées contre elles. De plus le régime est devenu complètement laxiste concernant la consommation d’alcool et le port du voile, se contentant juste d’emprisonner les manifestantes les plus vindicatives, des vidéos circulant même sur internet où l’on voit des femmes dévoilées envoyer des mollahs aller se faire mettre.

              [« Effectivement, quand la « modernisation » se traduit par la dégradation des conditions de vie des gens, il ne faut pas s’étonner que le passéisme fasse des ravages… » Les Français ont vu leurs conditions de vie se détériorer de façon bien plus dramatique avec la Révolution française, et ça n’est pas pour autant qu’ils sont devenus nostalgiques de l’ancien régime.
              Bien sûr que si. Pourquoi croyez-vous que l’instauration de l’Empire, avec son cadre rassurant qui faisait penser à l’ancien régime, a été aussi facile ? Pourquoi croyez-vous que Napoléon Ier se soit fait sacrer et ait recherché un modus vivendi avec les forces conservatrices, et notamment avec l’Eglise catholique ?]
              Ce que vous dîtes là à propos de Napoléon, n’est que le retour dans la forme et le fond de l’autorité après les années d’instabilité révolutionnaire. Je ne suis pas sûr que l’on puisse qualifier cela d’un « retour en arrière », à moins de considérer que la cinquième République le soit aussi par rapport à la quatrième. Concernant l’alliance avec les forces conservatrices, il s’agissait surtout de mettre un terme aux divisions qui minaient le pays depuis la Révolution, surtout que ses acquis étaient consolidés. Je ne suis pas sûr que les codes napoléoniens, la Banque de France, le Conseil d’État, le baccalauréat et j’en passe soient des mesures passéistes.

              [Comment expliquez-vous qu’après la fièvre de la Révolution et de l’Empire une restauration monarchique en bonne et due forme ait été possible, et que l’ancien régime restauré ait duré presque une génération]
              Concernant la restauration, je dirais primo que Louis XVIII a été ramené par les fourgons de l’étranger, secundo que le peuple français, après deux décennies de guerre continue n’avait plus la force de s’y opposer, et tertio que le suffrage censitaire a été instauré, ce qui laisse sous-entendre une certaine crainte vis-à-vis de la population concernant la restauration. Enfin Louis XVIII n’a pas cherché à remettre en cause l’héritage institutionnel légué par la Révolution. Quant à Charles X, son sacre bien que modernisé a été moyennement apprécié et l’on sait ce qu’il lui advint d’avoir été plus volontariste que son frère…

              [[Les années fastes de la Turquie d’Erdogan sont révolues, mais on n’assiste pas pour autant à un déclin électoral de l’AKP (excepté à Ankara et Istanbul).]
              Justement, c’était bien mon point : c’est le creusement des inégalités qui fait douter les couches populaires des avantages de la « modernisation ».]
              Mais Erdogan n’a jamais été un modernisateur : son action de nature libérale-conservatrice ne peut-être qualifiée comme telle. Après les années fastes économiquement sont venues celles des vaches maigres. Et pourtant on n’assiste pas à un reflux électoral de l’AKP. Pourquoi si le peuple ne pardonne pas aux modernisateurs leur échec économique aux modernisateurs, ferait-il différemment pour les conservateurs ?

              [[Quant à la France et ses population mahométanes…]
              Même chose. Quand la France offrait aux « populations mahométanes » la perspective d’une assimilation dans une économie qui partageait relativement bien la valeur entre le capital et le travail, les femmes voilées étaient une rareté folklorique. Trente ans de néolibéralisme plus tard]
              Quel néolibéralisme ? Celui qui consiste à arroser pendant des décennies les « quartiers » d’argent public ? Ces mêmes « quartiers » dont la prouesse est d’être sous-côtés sur le marché de l’immobilier, alors qu’ils sont à proximité immédiate des grands bassins d’emploi.
              Les habitants de la France périphérique ont bien plus souffert que ceux des « quartiers » ces dernières décennies. Et pourtant on n’y voit pas de pressions pour imposer le poisson le vendredi à la cantine scolaire, des enfants qui ne sont pas alimentés la journée durant le carême, le harcèlement de toute personne ne le pratiquant pas, des églises qui poussent comme des champignons, des processions illégales et des prêtres qui se promènent en soutane sur la voie publique, de rabaissement du statut de la femme, d’agressions à caractère homophobe. Qui plus est, l’attentat commis au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit se fait désespérément attendre.

              [[Quant aux élites qui participent aux retour du rigorisme mahométan parmi une partie des habitants de la France, j’aimerais bien savoir en quoi elles consistent.]
              Là on est dans un cas particulier, puisqu’il ne s’agit pas des élites d’une société, mais des élites d’une communauté particulière. Dans ce cas particulier, je pense aux dirigeants communautaires – et notamment les leader religieux.]
              Mais il me semble que ces élites étaient inexistantes au moment de l’implantation de ces populations en France, pourquoi ces populations ont décidé de se fier à ces élites alors qu’elles étaient censées être sécularisées, et alors qu’il y en avait d’autres sécularisées bien plus influentes ?

            • Descartes dit :

              @ François

              [Ou bien parce qu’il n’y a pas le courage de réprimer les actes jugés répréhensibles. Qu’est-ce qui menace le plus l’ordre public ? Les sorties médiatiques d’Éric Zemmour ou les trafics en tout genre qui sévissent sur des pans entiers de notre territoire et pour lesquels il n’y a pas de volonté réelle de les éradiquer ?]

              Je pense qu’on prononce chaque année plus de peines de prison concernant les « trafics en tout genre » qu’on n’en a prononcés contre les gens comme Zemmour depuis que la République existe. Je pense que vous avez une vision erronée du fonctionnement des institutions répressives : les sorties médiatiques de Zemmour lui vaudront au pire une condamnation symbolique.

              [Il convient toutefois de noter que l’égalité civique accordée aux femmes et d’importantes campagnes promouvant leur émancipation constitue une importe avancée.]

              C’est discutable. Qui en a profité ? Les femmes des classes accommodées urbaines. C’est souvent le problème des soi-disant « modernisations » : elles sont très généreuses en théorie, mais en pratique elles se révèlent indifférentes voire régressives pour certaines couches de la société, alors que d’autres en profitent. Pensez aux privatisations : n’est-ce pas sympa que chaque citoyen puisse investir et donc profiter des performances de ces entreprises ?

              [Quant à la régression sociale, j’aimerais savoir en quoi elle consiste, sachant qu’il a lancé une réforme agraire]

              La réforme agraire, si elle est mal faite, ne fait qu’empirer la situation. Imaginez-vous que vous êtes un paysan, travaillant la terre sous un régime « traditionnel » qui définit vos obligations mais aussi vos droits : le propriétaire leur donne semences et outils, et retient la moitié de la récolte. Vient un gouvernant, et décide que la terre sera partagée entre les paysans, et que les règles anciennes seront abolies pour être remplacées par la logique libérale du marché. Les paysans les plus pauvres se trouvent avec une terre qu’ils ne peuvent travailler : ils n’ont ni semences, ni outils, ni argent pour les acheter, ni garanties pour prendre un prêt. Ils sont obligés de vendre la terre à vil prix à celui qui a du capital, et qui les fera travailler. Mais sans la protection des lois traditionnelles…

              La question a se poser est : une génération après la réforme agraire, combien de paysans pauvres retiennent la terre qu’ils ont reçu ? Si le pourcentage est faible, cela veut dire que la mesure a empiré la situation au lieu de l’améliorer. Une réforme agraire n’est donc pas per se une bonne idée, si elle n’est pas accompagnée d’une politique de regroupement en coopératives, de financement facilité des outils d’exploitation…

              [Diriez-vous que les régimes communistes d’Europe de l’Est, soutenus par le Kremlin et renversés par des forces conservatrices, étaient de faux modernisateurs ?]

              Non. Et je ne dirai pas non plus qu’ils ont été renversés par les forces conservatrices internes. Sans une politique systématique d’intervention de la part du « monde libre », l’histoire aurait pu être très différente…

              [Quant à l’Iran, rien ne dit que le régime des mollahs aurait réussi à se pérenniser s’il n’y avait pas eu le terrible conflit avec son voisin irakien.]

              Oui enfin le conflit en question est fini depuis presque une génération, et on ne voit pas le régime faiblir…

              [Jusqu’en 1950, date de la nomination du premier premier ministre turque issu d’un processus démocratique, Adnan Menderes un libéral conservateur, la Turquie n’était nullement inféodée aux USA. D’ailleurs c’est sous son mandat que la Turquie intègre l’Otan.]

              On ne peut pas dire qu’en 1950 les islamo-conservateurs avaient beaucoup de poids en Turquie…

              [Au début très certainement, mais à la fin il me semble que Jimmy Carter lui a gentiment notifié de se démerder quand il a fait face aux premiers mouvement contestataires en 1978.]

              Ok, disons qu’il a été leur obligé pendant 36 ans sur le trône, et qu’ensuite il ne l’a pas été pendant la dernière année de son règne. Que Carter l’ait laissé tomber une fois qu’il a compris que le régime était perdu n’implique pas que les américains ne l’aient pas soutenu pendant des décennies.

              [Quel était l’intérêt des États-Unis de voir l’Iran se moderniser économiquement et industriellement alors qu’ils se contentaient parfaitement de pays arriérés en Amérique latine ?]

              Pas du tout. En Amérique aussi les USA ont poussé des politiques de « modernisation » dans le cadre de ce qu’on a appelé « l’Alliance pour le Progrès ». Leur intérêt était double : d’une part, de développer des sociétés de consommation susceptibles d’écouler les produits made in USA, et d’autre part de développer des classes intermédiaires puissantes servant de stabilisateur politique. Contrairement à ce que pensent les antiaméricains primaires, les USA n’ont pas intérêt à ce que tout le monde soit pauvre. Ils ont intérêt à ce que tout le monde soit assez riche pour acheter les produits américains…

              [Comment étaient-ils censé apprécier le fait qu’il noue un partenariat sur le nucléaire civil avec la France, prenant entre autres une participation dans Eurodif (n’oublions pas non plus que deux des six tranches CP1 de Gravelines étaient initialement destinées à l’Iran) ?]

              Très mal. Ils ont d’ailleurs cherché à saboter par tous les moyens cette politique.

              [Cela ne s’est jamais rencontré au cours de l’histoire un feudataire qui finisse par se montrer ingrat envers son féodal ? Le dernier shah d’Iran était mégalomane. À partir de là, difficile que ses ambitions ne rencontrent pas celles d’autres…]

              Il arrive qu’un feudataire se soulève contre son seigneur. Mais dans le cas du Shah, c’est arrivé beaucoup trop tard. Et surtout, il n’a pas fait en sorte de s’assurer une base populaire en faisant en sorte que la « modernisation » soit perçue comme avantageuse par l’ensemble de la population. Il s’est imaginé qu’en créant une classe intermédiaire urbaine il s’achetait une assurance vie. Il n’avait probablement pas conscience de ce que peut être l’ingratitude des couches moyennes… et de la puissance des couches populaires lorsque leur situation est menacée et que leur colère est canalisée par une vision eschatologique.

              [Il est vrai que le dernier shah d’Iran n’a jamais réussi à se laver du pêché originel qu’a été l’opération Ajax. Mais si les couches populaires se sont jointes à la Révolution iranienne, c’est parce qu’elles ont quitté la campagne suite à la réforme agraire,]

              Vous confirmez le point développé plus haut concernant la réforme agraire. Une réforme agraire bien faite ne provoque pas d’exode rural, au contraire : en partageant mieux la ressource, elle doit permettre aux agriculteurs de mieux vivre de la terre et donc limiter leur envie d’aller vers les villes. Si les couches populaires iraniennes ont « quitté la campagne suite à la réforme agraire », alors il faut croire que la « réforme » en question ne s’est pas faite à leur profit…

              [puis qu’elles ont été victime de la baisse des revenus pétrolier de l’Iran suite aux mesures d’économie d’énergie dans les pays occidentaux. Je pense que si le shah avait été plus prévoyant, l’histoire aurait pu être tout autre.]

              Et surtout, un modernisateur qui ne comprend pas que les couches populaires ont raison de rejeter la « modernité » lorsqu’elle ne leur profite pas. Ca me rappelle un certain Macron…

              [« Quand les prix du pétrole ont baissé, le prince Salman a même serré la vis aux plus riches pour s’assurer que les couches populaires n’en souffriraient pas. » J’ai surtout le souvenir que lorsque les prix du pétrole ont baissé, MBS a entrepris des mesures d’austérité. Quant à l’emprisonnement des principales fortunes du pays suivi d’une libération contre rançon (en 2018, soit bien après la chute du prix du baril de pétrole en 2014), je crois surtout qu’il s’agissait pour lui de leur rappeler qui est le chef.]

              Mais vis-à-vis des couches populaires auxquelles on demandait de se serrer – un peu – la ceinture, cela a eu certainement un effet apaisant. Imaginez-vous que Macron, avant de commencer ses « réformes », avait fait la même chose aux principales fortunes françaises. On n’aura pas eu les « gilets jaunes », je pense…

              [« Parce que si demain le niveau de vie des Saudiens « d’en bas » baissait, les voix des religieux qui proclament que la modernité c’est le mal recevraient certainement un accueil bien plus positif. » J’aimerais bien savoir qui sont les religieux modernisateurs en Arabie Saoudite.]

              Lorsque le roi est « modernisateur », tous !

              [« « À contrario, les mollahs, qui ne doivent rendre de comptes qu’à eux-mêmes, sont de plus en plus coupés de leur population, jour après jour. » » « Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas. Pourriez-vous élaborer ? » L’Iran est avant tout théocratie dont les processus électoraux et les libertés sont très encadrés. S’ils ne peuvent se passer de prendre en compte un minimum l’opinion populaire, cela reste eux qui in fine prennent les décisions.]

              Peut-être. Mais vous noterez quand même que malgré la guerre, malgré les sanctions, malgré toutes sortes de brimades internationales, le régime des mollahs n’est pas véritablement menacé. Ce qui tend à contredire votre idée que « les mollahs sont de plus en plus coupés de leur population ».

              [« Comment expliquez-vous qu’après la fièvre de la Révolution et de l’Empire une restauration monarchique en bonne et due forme ait été possible, et que l’ancien régime restauré ait duré presque une génération » Concernant la restauration, je dirais primo que Louis XVIII a été ramené par les fourgons de l’étranger, secundo que le peuple français, après deux décennies de guerre continue n’avait plus la force de s’y opposer, et tertio que le suffrage censitaire a été instauré, ce qui laisse sous-entendre une certaine crainte vis-à-vis de la population concernant la restauration.]

              Pensez-vous vraiment que si la libération et l’Empire avaient massivement amélioré les conditions de vie du peuple français, celui-ci aurait accepté aussi facilement la restauration monarchique ?

              [Mais Erdogan n’a jamais été un modernisateur : son action de nature libérale-conservatrice ne peut-être qualifiée comme telle. Après les années fastes économiquement sont venues celles des vaches maigres. Et pourtant on n’assiste pas à un reflux électoral de l’AKP. Pourquoi si le peuple ne pardonne pas aux modernisateurs leur échec économique aux modernisateurs, ferait-il différemment pour les conservateurs ?]

              Parce que les conservateurs se réfèrent à un « ordre des choses » qui est à la fois une chaîne et une protection. Les « modernisateurs » dynamitent cet « ordre » pour le remplacer par une « liberté » qui bénéficie à ceux qui peuvent en tirer profit (les plus riches, les plus éduqués) et enfoncent le reste dans la boue. Les sociétés acceptent mieux une pauvreté partagée qu’un système dans lequel la richesse d’un groupe se paye avec la misère absolue du reste.

              [Quel néolibéralisme ? Celui qui consiste à arroser pendant des décennies les « quartiers » d’argent public ?]

              Non, celui qui consiste à privatiser les biens publics, à supprimer les statuts protecteurs, à organiser le retrait des services publics (et d’abord celui de l’enseignement), à remettre en cause toutes les institutions qui permettaient le brassage et l’assimilation au nom d’une « liberté » de chacun de rester ce qu’il est. Quant à « l’arrosage » dont vous parlez, il ne faudrait tout de même pas exagérer : le CICE consomme en un an l’équivalent de vingt ans de budget de la politique de la ville.

              [Les habitants de la France périphérique ont bien plus souffert que ceux des « quartiers » ces dernières décennies.]

              Franchement, j’ai du mal à faire des hiérarchies dans la « souffrance ». La question discutée n’était pas de savoir qui avait souffert le plus, mais pourquoi le conservatisme social et religieux avait accru son influence sur nos « populations mahométanes ».

              Maintenant, si vous voulez parler de la France périphérique, parlons-en. Elle aussi réagit au déclassement provoqué par trente ans de politiques néolibérales par un retour au conservatisme. Il ne vous aura pas échappé je pense que les terres qui dans les années 1980 votaient massivement communiste ou socialiste votent aujourd’hui à droite quand ce n’est pas à l’extrême droite. Les couches populaires qui il y a trente ans voulaient « changer la vie » ou « faire la révolution » regardent plutôt avec nostalgie vers un passé qui, en comparaison au présent, paraît idyllique. Si ce virage conservateur ne se manifeste pas par un retour à la religion, cela tient en grande partie au fait que l’église catholique, qui était dominante dans notre pays, a cessé depuis longtemps de s’occuper des couches populaires et de partager ses valeurs. L’Eglise – comme n’importe quel parti politique – a investi elle aussi dans les classes intermédiaires. Lorsqu’elle parle des « pauvres », ce sont les pauvres tels que les classes intermédiaires les aiment : le SDF, le migrant, etc. Surtout pas de pauvres syndiqués ! De ce point de vue, l’Islam est bien plus flexible, n’ayant pas de hiérarchie établie.

              [Mais il me semble que ces élites étaient inexistantes au moment de l’implantation de ces populations en France, pourquoi ces populations ont décidé de se fier à ces élites alors qu’elles étaient censées être sécularisées, et alors qu’il y en avait d’autres sécularisées bien plus influentes ?]

              Souvent les prédicateurs islamistes viennent de l’étranger. Et ils exploitent très habilement la « des-assimilation » qui accompagne depuis trente ans les politiques publiques françaises…

  8. marc.malesherbes dit :

    petite remarque de détail sur cette longue et intéressante discussion.

    vous écrivez
    “Chacun de nous a une préférence naturelle pour ce qui nous ressemble. Nous sommes même programmés génétiquement pour cela.”

    cela dépend pour quels sujets.

    En matière de reproduction c’est même l’inverse. C’est la différence qui favorise les relations sexuelles. Cela a été montré en particulier par un vieille étude (je n’ai plus les références) qui a montré qu’en Amérique du Sud d’autrefois, les gènes d’un nouvel arrivant s’étaient diffusés beaucoup plus rapidement sur plusieurs générations que statistiquement prévisible.
    Et j’ai pu le constater pour moi: bien que très conservateur, les jeunes femmes d’origine étrangère marquée (nordiques, noires, asiatiques, métissées …) m’ont toujours parue plus attirantes que les locales (en moyenne).
    Mais cela est vrai dans beaucoup de domaines: l’art, la mode, la littérature … sont grandement basées sur la nouveauté, la surprise …

    Le seul domaine dans lequel il y a une préférence pour “ce qui nous ressemble” me paraît être le mode de vie. Et encore … comme vous le notez l’attirance pour la “ville” et son mode de vie a puissamment favorisé la désertification des campagnes.

    En conclusion “la préférence naturelle pour ce qui nous ressemble” n’a rien de naturelle: elle dépend des sujets, du contexte.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      Content de vous voir a nouveau par ici, j’avais peur que vous nous ayez oubliés… 😉

      [En matière de reproduction c’est même l’inverse. C’est la différence qui favorise les relations sexuelles. Cela a été montré en particulier par un vieille étude (je n’ai plus les références) qui a montré qu’en Amérique du Sud d’autrefois, les gènes d’un nouvel arrivant s’étaient diffusés beaucoup plus rapidement sur plusieurs générations que statistiquement prévisible.]

      Oui et non. L’exogamie est relativement rare chez les primates sociaux, et on peut donc penser que l’impulsion « naturelle » de l’homme reste endogame. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de sociétés ont instauré des règles plus ou moins strictes pour favoriser l’exogamie familiale ou tribale. Mais c’est là une règle sociale, qui échappe à l’instinct.

      [Et j’ai pu le constater pour moi: bien que très conservateur, les jeunes femmes d’origine étrangère marquée (nordiques, noires, asiatiques, métissées …) m’ont toujours parue plus attirantes que les locales (en moyenne).]

      Puis-je vous demander sans être indiscret quelle est l’origine de votre épouse, mère de vos enfants ?

      [Mais cela est vrai dans beaucoup de domaines: l’art, la mode, la littérature … sont grandement basées sur la nouveauté, la surprise …]

      Mais vous parlez là de domaines totalement « artificiels », ou les réflexes naturels n’ont pas beaucoup de poids. Vous noterez d’ailleurs que plus on est civilisé, et plus l’attrait pour l’exotisme est important.

      • marc.malesherbes dit :

        vous écrivez
        “Puis-je vous demander sans être indiscret quelle est l’origine de votre épouse, mère de vos enfants ? ”
        étant assez conservateur, et donc peu représentatif, mon épouse est en effet “locale”.

        Mais je ne me donnais en exemple que pour dire que même chez les plus conservateurs, cette tendance à préférer le “différent” existe.
        Il va falloir que je vous retrouve l’étude en question pour vous convaincre.

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [vous écrivez “Puis-je vous demander sans être indiscret quelle est l’origine de votre épouse, mère de vos enfants ? ”
          étant assez conservateur, et donc peu représentatif, mon épouse est en effet “locale”.]

          En d’autres termes, vous étiez peut-être attiré physiquement par les femmes “exotiques”, mais à l’heure de vous reproduire vous avez choisi sagement quelqu’un qui vous ressemble. CQFD.

          [Mais je ne me donnais en exemple que pour dire que même chez les plus conservateurs, cette tendance à préférer le “différent” existe.]

          Mais vous prouvez exactement le contraire, puisque in fine vous avez “préféré” ce qui vous ressemble…

  9. marc.malesherbes dit :

    sur le racisme, vous écrivez
    “Si le chef Raoni s’était contenté de dire « je n’aime pas les Blancs », la question du racisme à mon sens ne se poserait pas. On a le droit d’aimer ou de détester qui on veut, et pas de compte à rendre sur ce sujet. ”

    Mais le problème est celui de l’expression publique de cette opinion. On considère qu’il y a incitation à la haine raciale, à la discrimination dés lors que vous exprimez publiquement ce type opinion.
    Le problème se pose également pour les religions. Vous pouvez en dire du mal, mais pas publiquement, sinon vous entrez dans le délit d’incitation à la haine, à la discrimination etc …
    Ainsi si je dis publiquement que je trouve la religion juive (l’ancien testament) et la religion musulmane particulièrement horribles (incitant au meurtre des infidèles, apostats, sexiste etc …) je ne vois pas comment je pourrait éviter d’être condamné par les lois actuelles.

    Un exemple: Zemmour a été condamné pour beaucoup moins que cela. Il a simplement dit publiquement qu’il y avait une plus forte proportion de personnes issues de l’immigration dans les prisons. La justice n’a pas dénié le fait, mais a dit que le seul fait de le dire “publiquement” incitait à la haine (ce que ne faisait pas Zemmour dans l’émission considérée).

    Est-il raisonnable d’interdire l’expression publique des opinions qui peuvent choquer telle ou telle catégorie de la population, conduire à sa discrimination ? Pourquoi pas ?
    Il est certain que si je dis que la religion musulmane est particulièrement cruelle, stupide, sexiste, cela implique que les musulmans ne sont guère des gens “bien”. Idem pour toute critique touchant certains secteur de la population, certaines pratiques. En résumé, il ne faut dire du mal de rien … ce qui est la voie du “politiquement correct”. C’est sans doute le progrès vers une société meilleure. Il faudra expurger toutes les œuvres littéraires anciennes, ainsi que les films ou images, les textes fondateurs des religions (ainsi enlever du Coran tout ce qui pourrait inciter à la discrimination des juifs) etc .. Dis comme cela, cela peut surprendre, mais nous avons déjà commencé et nous y arriverons.

    En résumé, il n’y a pas de délit d’opinion, à condition de ne pas l’exprimer publiquement.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Mais le problème est celui de l’expression publique de cette opinion. On considère qu’il y a incitation à la haine raciale, à la discrimination dès lors que vous exprimez publiquement ce type opinion.]

      Oui. Mais cette interprétation n’est-elle pas abusive ? Lorsque je dis publiquement « je n’aime pas le reblochon », les producteurs de cet honorable fromage auraient-ils raison de me poursuivre pour avoir incité au boycott de leur produit ? Ce serait clairement ridicule. Alors pourquoi le fait de dire « je n’aime pas les noirs » devrait être considéré comme un appel à la discrimination ?

      [Le problème se pose également pour les religions. Vous pouvez en dire du mal, mais pas publiquement, sinon vous entrez dans le délit d’incitation à la haine, à la discrimination etc …
      Ainsi si je dis publiquement que je trouve la religion juive (l’ancien testament) et la religion musulmane particulièrement horribles (incitant au meurtre des infidèles, apostats, sexiste etc …) je ne vois pas comment je pourrais éviter d’être condamné par les lois actuelles.]

      Ce n’est pas tant la loi, que l’interprétation qui en est faite.

      [Est-il raisonnable d’interdire l’expression publique des opinions qui peuvent choquer telle ou telle catégorie de la population, conduire à sa discrimination ? Pourquoi pas ?]

      Parce qu’une telle logique rend impossible tout débat public et même toute expression publique. Car quelle que soit votre expression, il y a de bonnes chances qu’il y ait quelque part un individu qui puisse se sentir « choqué ».

      [En résumé, il ne faut dire du mal de rien … ce qui est la voie du “politiquement correct”. C’est sans doute le progrès vers une société meilleure. Il faudra expurger toutes les œuvres littéraires anciennes, ainsi que les films ou images, les textes fondateurs des religions (ainsi enlever du Coran tout ce qui pourrait inciter à la discrimination des juifs) etc .. Dis comme cela, cela peut surprendre, mais nous avons déjà commencé et nous y arriverons.]

      Vous trouvez qu’on ne dit pas de mal de rien aujourd’hui, ou même qu’on s’approche de cet état de béatitude ? Vous ne regardez pas assez la télévision. Nous allons vers une logique ou l’on n’aura pas le droit de dire du mal d’aucune « victime ». Ce n’est pas tout à fait la même chose.

  10. marc.malesherbes dit :

    vous écrivez:
    “Mais à qui « appartient » un territoire ? Vous passez très vite sur cette question, qui est pourtant fondamentale. Vous semblez penser que le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier. Mais vous voyez bien que cela pose quelques problèmes parce que, historiquement, les gens ont beaucoup bougé. Pensez aux peuples qui sont passés par le territoire qui est celui de la France aujourd’hui…”

    Bien sûr que ” le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier”, c’est un principe kantien (universel). Certes l’histoire nous montre que ce principe n’a guère été respecté, mais plutôt celui du “droit du plus fort” (déjà, ce pauvre Néandertal …).
    La règle kantienne est donc de défendre son territoire, si on le souhaite, et on le souhaite le plus souvent.

    Je suis donc particulièrement opposé à vos autres arguments (mise en valeur du territoire …) car ils sont relatifs et discutables à l’infini, car l’envahisseur trouvera toujours de bons arguments.

    Reste le droit d’ingérence lors de situations catastrophiques dans certains pays. Très délicat également, car on peut toujours trouver de bonnes raisons d’intervenir. Aussi je m’en tiendrai à la charte de l’ONU: intervention lors de l’accord du Conseil de sécurité (je ne connais pas dans le détail, mais il faut je crois l’unanimité du conseil de sécurité qui a aujourd’hui 15 membres).

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Bien sûr que ” le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier”, c’est un principe kantien (universel).]

      Vous voulez dire que l’immense majorité des Français sont des occupants illégitimes de la terre de France ? Car soyons honnêtes… combien de Français peuvent se dire descendants des peuples qui occupaient la Gaule avant l’arrivée des Romains, des Francs, des Vikings et autres barbares ?

      [Je suis donc particulièrement opposé à vos autres arguments (mise en valeur du territoire …) car ils sont relatifs et discutables à l’infini, car l’envahisseur trouvera toujours de bons arguments.]

      L’antériorité est tout aussi « relative et discutable ». A qui appartient légitimement la Palestine, à votre avis ? L’idée que la légitimité vient avec le travail qu’on y a mis a l’avantage de privilégier celui qui aménage par rapport à celui qui laisse en friche…

      [Aussi je m’en tiendrai à la charte de l’ONU: intervention lors de l’accord du Conseil de sécurité (je ne connais pas dans le détail, mais il faut je crois l’unanimité du conseil de sécurité qui a aujourd’hui 15 membres).]

      Non. Il suffit de la majorité simple et qu’aucun des membres permanents ne vote contre. Autrement dit, il suffit que les grandes puissances soient d’accord.

      • Philippe Dubois dit :

        Bonjour Descartes

        [combien de Français peuvent se dire descendants des peuples qui occupaient la Gaule avant l’arrivée des Romains, des Francs, des Vikings et autres barbares ?]

        Avant la seconde moitié du XIXème siècle, une immense majorité
        La Gaule, c’était environ 8 millions d’habitants
        Les grandes invasions du Vème siècle ce sont environ 300.000 personnes, pour ceux qui sont restés.
        Et ce sont des ethnies très proches des Gaulois
        Les Vikings, ce sont quelques milliers de guerriers.
        Ensuite, rien ou presque jusqu’au milieu du XIXème siècle, qui voit l’arrivée de forts contingents italiens, suivis par d’autres immigrés venant de pays européens.
        Notez que plus de la moitié des Italiens sont repartis (chez eux ou dans un autre pays) ainsi que pour les Polonais.

        Le gigantesque bouleversement commence en 1975, avec l’instauration du regroupement familial, même s’il est précédé par l’arrivée de travailleurs immigrés venant du Maghreb et (un peu) d’Afrique subsaharienne.

        Par ailleurs, dans vos commentaires précédents, il me semble que dans l’expression “mode de vie traditionnel”, vous mettez dans le même sac
        – le mode d’organisation de la société en général, comprenant les relations entre membres de cette société, dont les relations hommes/femmes et parents/enfants, les relations entre les individus et la société, mais comprenant aussi la religion, le rapport à l’art, etc…
        – les conditions matérielles d’existence
        Même si ces conditions matérielles ont une influence sur le premier item

        De plus, il me semble que vous sous estimez le caractère intrinsèquement totalitaire de l’islam, même si ce sujet n’est pas abordé que de façon implicite dans ce billet et les commentaires.
        L’islam n’est pas qu’une religion, au sens d’un culte rendu à une divinité ; il est aussi un mode holiste d’organisation de la société, dans lequel les individus sont enserrés dans un carcan d’obligations et d’interdits, sous la surveillance constante de la communauté

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Avant la seconde moitié du XIXème siècle, une immense majorité.]

          Admettons. Mais aujourd’hui ?

          [Par ailleurs, dans vos commentaires précédents, il me semble que dans l’expression “mode de vie traditionnel”, vous mettez dans le même sac
          – le mode d’organisation de la société en général, comprenant les relations entre membres de cette société, dont les relations hommes/femmes et parents/enfants, les relations entre les individus et la société, mais comprenant aussi la religion, le rapport à l’art, etc…
          – les conditions matérielles d’existence
          Même si ces conditions matérielles ont une influence sur le premier item]

          Les deux sont en rapport dialectique.

          [De plus, il me semble que vous sous estimez le caractère intrinsèquement totalitaire de l’islam, même si ce sujet n’est pas abordé que de façon implicite dans ce billet et les commentaires.]

          C’est quand même curie de se voir faire ce reproche alors que je souligne très souvent le caractère totalitaire de l’Islam, à travers de l’absence de séparation entre loi civile et loi religieuse et donc de la sphère publique et sphère privée qui est précisément ce qui caractérise le totalitarisme.

          [L’islam n’est pas qu’une religion, au sens d’un culte rendu à une divinité ; il est aussi un mode holiste d’organisation de la société, dans lequel les individus sont enserrés dans un carcan d’obligations et d’interdits, sous la surveillance constante de la communauté]

          C’est exactement ce que je répète à chaque fois… Cela étant dit, vous noterez que le judaïsme et le catholicisme ont eu la même prétention…

        • Yoann Kerbrat dit :

          [Avant la seconde moitié du XIXème siècle, une immense majorité]

          C’est pas vraiment ce que montre l’histoire… L’immigration n’intéresse les gens qu’au moment de la formation des états nations, avant c’est un monde sans frontières qui existe. Que ça soit des migrations au sein de royaume, de la campagne vers la ville (avec comme aujourd’hui son lot de racisme, de misère, de rejet, de “papiers”…) ou a des échelles plus importante (par exemple la venu des Bretons en Armorique, Normandie, Galicie… La colonisation des Amériques même si elle se fait a marche forcée, ).

          Le propre de l’humain dans toute son histoire c’est l’immigration. Il est évident que la destruction de certaine structures de la société entraînent des flots massifs, que ça soit liées aux pâturages en Mongolie (les peuples des steppes ayant donné successivement les Magyars, ou les migrations ayant accompagnées Genghis Khan), l’accaparement des terres Anglaise par la Gentry (avec le déplacement massif de personnes dans les villes, la déportation dans les colonies notamment en Amérique), des révolutions agraires…

          [De plus, il me semble que vous sous estimez le caractère intrinsèquement totalitaire de l’islam]

          On oublie vite qu’il y a mille façon de vivre une religion. Du soufisme au Druzes…

          On oublie également que nous sommes responsables des tarés partout sur terre. On a préféré l’Islam le plus dingue aux rouges… Je lisais hier un article qui rappelait que le premier Ayatollah est venu secrètement en France donner des garanties sur son futur régime, pour empêcher le triomphe des communistes et un alignement du pays sur l’URSS… C’était le moment ou on allait aussi payé les Talibans, qu’on avait stabilisé le Moyen Orient en y mettant des familles royales favorables a nos intérêts même si d’une branche minoritaire de l’Islam…

          • Descartes dit :

            @ Yoann Kerbrat

            [L’immigration n’intéresse les gens qu’au moment de la formation des états nations, avant c’est un monde sans frontières qui existe.]

            Pas tout à fait. Il est vrai que les frontières territoriales n’avaient pas l’importance qu’elles prennent avec la formation des états-nations. Mais de là à dire que c’était « un monde sans frontières », cela me paraît excessif. Il y avait bien des frontières, mais elles étaient liées au statut personnel, et non au territoire. Le clan, la tribu, la communauté villageoise, la citoyenneté (au sens romain du terme), la langue, la religion traçaient des frontières bien plus rigides que les frontières « nationales » tracées par les états-nations.

            [Le propre de l’humain dans toute son histoire c’est l’immigration.]

            Je n’irais pas jusque-là. D’avoir, pour pouvoir in-migrer il faut qu’il y ait de l’autre côté un accueil. Et pendant des millénaires les sociétés ont été particulièrement peu accueillantes pour celui qui venait de l’extérieur. Par ailleurs, il ne faut pas confondre « immigration » et « invasion ». Les Francs, les Huns, les Mogols n’étaient pas des « immigrants », mais des envahisseurs.

            [« De plus, il me semble que vous sous estimez le caractère intrinsèquement totalitaire de l’islam » On oublie vite qu’il y a mille façon de vivre une religion. Du soufisme au Druzes…]

            Il y a mille façons de vivre une religion, mais il y a aussi dans la religion un contenu. Lorsqu’une religion prétend réguler tous les aspects de la vie, c’est-à-dire, qu’elle nie la séparation de la sphère privée et la sphère publique, elle est « totalitaire ». Ce n’est pas un jugement de valeur, simplement la constatation d’un fait.

            Les religions abrahamiques sont toutes en plus ou grande mesure « totalitaires ». En affirmant que dieu voit tout – et juge donc le comportement des fidèles en toute circonstance – elles établissent un principe totalitaire. Ce principe existe autant dans le christianisme que dans le judaïsme ou l’Islam. Cela étant dit, la déclinaison de ce principe peut être très différente selon les courants religieux et les époques. Dès lors que la crainte du châtiment divin s’estompe, les possibilités de contrôle dans la sphère privée s’amenuisent considérablement…

            [On oublie également que nous sommes responsables des tarés partout sur terre. On a préféré l’Islam le plus dingue aux rouges…]

            Tout à fait. Il ne faudrait pas oublier que ceux que nous appelons aujourd’hui « terroristes » étaient qualifiés de « freedom fighters » par un certain Ronald Reagan, et leurs louanges chantées par « Libération » et « Le nouvel observateur ». Je me souviens d’ailleurs d’un article de cet hebdomadaire, considéré comme le portevoix de la « gôche » décrire avec lyrisme l’émasculation des soldats soviétiques prisonniers des « rebelles afghans ». O tempora, o mores !

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Les Francs, les Huns, les Mogols n’étaient pas des « immigrants », mais des envahisseurs.

              Concernant les peuplades germaniques j’ai cru comprendre que c’est un peu plus subtil. Certes, il y avait des confrontations armées sur les bords de l’Empire romain, mais il y avait aussi de larges implantations, plutôt pacifiques, au sein de l’Empire. Et l’Empire était parfois bien content de leur donner un bout de terre en échange de leur participation aux armées romaines.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Concernant les peuplades germaniques j’ai cru comprendre que c’est un peu plus subtil. Certes, il y avait des confrontations armées sur les bords de l’Empire romain, mais il y avait aussi de larges implantations, plutôt pacifiques, au sein de l’Empire. Et l’Empire était parfois bien content de leur donner un bout de terre en échange de leur participation aux armées romaines.]

              La question n’est pas de savoir si l’occupation était “pacifique” ou armée. Une “invasion” n’est pas nécessairement violente. Les peuples germaniques ne sont pas venus dans l’espace romain avec l’intention de s’insérer dans la société romaine, d’adopter son langage et ses lois. Ils sont venus avec l’idée de prendre une terre et d’y vivre comme des germaniques dans des villages germaniques ou s’appliquaient les règles germaniques. Dans ces conditions, difficile de parler de “immigration”, qui suppose que le nouvel arrivant s’insère dans une société existante.

              Il est vrai que la société romaine les a d’abord combattus, puis les a assimilés. Mais cela est une autre histoire.

      • marc.malesherbes dit :

        je reconnais avoir été rapide, et donc de n’être pas rentré dans les détails.

        Quand je dis ” le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier”, c’est un principe kantien (universel), je suis bien conscient que ce principe a été largement transgressé dans l’histoire.
        Si on transpose le problème dans notre monde d’aujourd’hui, cela signifie, comme dans la charte de l’ONU, non agression entre états actuels. Cela pose donc la question de savoir à partir de quand un envahisseur devient un occupant “légitime” d’un territoire.
        Il y a des cas extrêmes qui en deviennent simple, c’est quand la population précédente a été presque totalement détruite (voir Néandertal, mais aussi les habitants de Tasmanie etc …). Pour les autres cas, les plus courants, c’est le temps qui fait son œuvre.
        Tout donc est un cas d’espèce. pas de règle générale simple.

        Que les Israéliens s’estiment légitime à occuper leur territoire en raison d’une ancienneté millénaire est de la pure folie, comme si l’Italie réclamait la Gaule au nom de l’occupation romaine qui a duré quelques siècles.
        A partir de quand peut-on dire qu’il y a fait “accompli” ? Les arabes ont reconquis les conquêtes franques après plus d’un siècle. Et l’on voit bien que la question pour Israël va se poser encore pendant quelques centaines d’années. Et bien sûr je soutiendrai, si cela arrive, cette reconquête. En espérant que les européens accueilleront les habitants dont les allemands ont massacrés leurs coreligionnaires dans ces mêmes pays européens. Cela nous ferait d’ailleurs le plus grand bien.

        Si on prend le cas de la Crimée, il est vraisemblable que le fait accompli primera beaucoup plus rapidement. Staline s’est bien occupé de déporter les Tatars, et ils ne semblent guère en état de faire valoir leur retour. De plus les russes ont massivement colonisé le territoire.

        Mais quoiqu’il en soit, cette politique du “fait accompli”, autrement dit du droit du plus fort, n’est guère un principe sur lequel on puisse bâtir une société mondiale harmonieuse, et je lui préfère de loin le droit des peuples à disposer d’eux-même.

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [Quand je dis ” le territoire « appartient » à celui qui arrive en premier”, c’est un principe kantien (universel), je suis bien conscient que ce principe a été largement transgressé dans l’histoire.]

          La question pour moi n’est pas tant se savoir s’il a été ou non transgressé, mais s’il est valable comme principe, c’est-à-dire, dans une vision utilitariste, si c’est le principe susceptible à fonder un droit international plus efficace.

          [Si on transpose le problème dans notre monde d’aujourd’hui, cela signifie, comme dans la charte de l’ONU, non-agression entre états actuels.]

          Au contraire. Rien ne vous garantit que les Etats actuels fassent droit au « premier arrivé ». Aux Etats-Unis cela conduirait à l’expulsion de tous ceux qui n’ont pas de sang indien, par exemple…

          [Cela pose donc la question de savoir à partir de quand un envahisseur devient un occupant “légitime” d’un territoire.]

          Selon votre logique, jamais. Ou bien il et le premier arrivant sur le territoire en question, et il est légitime, ou bien il n’est pas le premier arrivant et il ne le deviendra jamais. Avec votre légitime, on ne peut jamais « devenir » légitime : on l’est au départ, ou on ne l’est jamais.

          [Que les Israéliens s’estiment légitime à occuper leur territoire en raison d’une ancienneté millénaire est de la pure folie, comme si l’Italie réclamait la Gaule au nom de l’occupation romaine qui a duré quelques siècles.]

          Pourtant, c’est l’application du principe que vous-même avez érigé : si « le territoire appartient au premier arrivé », alors les juifs peuvent revendiquer à juste titre la Palestine puisque « ils étaient là avant ».

          [A partir de quand peut-on dire qu’il y a fait “accompli” ?]

          Selon vous, jamais. Si la légitimité dérive de l’antériorité, alors le temps ne fait rien à l’affaire. Si A était avant B aujourd’hui, A sera arrivé avant B de toute éternité.

          [Mais quoiqu’il en soit, cette politique du “fait accompli”, autrement dit du droit du plus fort, n’est guère un principe sur lequel on puisse bâtir une société mondiale harmonieuse, et je lui préfère de loin le droit des peuples à disposer d’eux-même.]

          Mais que se passe-t-il lorsque deux peuples prétendent disposer du même territoire ?

          • Yoann Kerbrat dit :

            Une remarque rapide… Cette idée du premier arrivé c’est à l’oeuvre sur les territoires de l’ex-Yougoslavie avec de terribles controverse pour savoir si c’était des Serbes ou des Croates en premier ici et la… Ou encore le Japon qui fait dans la négation de tout liens avec la Corée…

          • marc.malesherbes dit :

            pour en revenir à cette question, il y a un “principe” et il y a des “circonstances” qui font qu’il faut bien l’adapter aux cas particuliers.
            Le principe que je soutiens est que la terre appartient aux peuples qui l’occupent, et qu’on ne devrait donc pas les envahir.
            Ceci dit comme l’histoire montre que c’est une pratique fréquente, et pour ne pas être en guerre perpétuelle, il faut bien à partir d’un certain moment admettre le “fait accompli”.

            Dans la pratique, on peut considérer qu’il y a a fait accompli, lorsqueau moins sont remplies:
            1- une génération est passée (disons 50 ans), c’est à dire qu’il y a peu de survivants, en proportion de la population), qui étaient adultes l’époque ou le peuple a été envahi.
            2- il n’y a plus d’opposition significative (10% de la population locale ?) à l’occupation. La société nouvelle peut donc être considérée comme “pacifiée”.

            Si j’applique ces règles, je crois que la plupart des cas actuels peuvent être admis par le plus grand nombre.

            ex1: la France en 1941-43. Pas encore “allemande” car pas occupée depuis une génération.
            ex2: l’Alsace Lorraine de 1913: pas encore 50 ans d’occupation, mais s’acheminait clairement à devenir “allemande” (peut-être pouvait-on déjà le considérer car, à ma connaissance, pas d’opposition significative de la population locale)
            ex3: Israêl, terre envahie par les juifs en 1945. Une génération de passée, avec toujours une opposition structurée, donc pas encore de “fait accompli”. Selon toute probabilité, le “fait accompli” ne sera pas reconnu pendant encore plusieurs dizaines d’année (“la nakba”).
            ex4: la Crimée, pas encore une génération de passé, donc pas encore de “fait accompli”. Selon toute probabilité, sera considérée comme “russe” bien avant une génération écoulée.
            ex5: pour la France, elle n’est donc plus considérée comme Celte, ni “romaine” (italienne) et l’envahissement franc est devenu “un fait accompli”. Idem pour la plupart des provinces française, mais pas pour la Nouvelle Calédonie (une génération de passée, mais une opposition continue de la population locale (un référendum sans valeur, car non réservé à la population autochtone: on y a ajouté les colons et leurs descendants, les français installés depuis quelques années et leurs descendants !)

            • Descartes dit :

              @ marc.malesherbes

              [Pour en revenir à cette question, il y a un “principe” et il y a des “circonstances” qui font qu’il faut bien l’adapter aux cas particuliers.]

              Un « principe » ne sert que s’il a un caractère universel et absolu. Si l’on peut imaginer des exceptions (comme le cas de la légitime défense pour le principe « tu ne tueras point »), ces exceptions doivent elles-mêmes être universelles et absolues. Un principe auquel on peut faire exception quand ça nous arrange au nom des « circonstances » ne vaut pas tripette.

              [Le principe que je soutiens est que la terre appartient aux peuples qui l’occupent, et qu’on ne devrait donc pas les envahir.]

              Ici, vous modifiez votre principe original : hier, vous disiez « la terre appartient au premier arrivé », ici vous dites « la terre appartient à ceux qui l’occupent ». Ce qui est beaucoup plus dangereux, puisqu’il aboutit à faire de l’Algérie en 1962 une partie de la France…

              Je vois mal en quoi le principe « la terre appartient au premier arrivé » serait plus stabilisant que « la terre appartient à celui qui l’a travaillé et aménagé pendant des générations ». Dans les deux cas, il y a une marge de discussion. Quant au principe « la terre appartient à celui qui l’occupe », c’est le principe déstabilisateur par excellence, puisqu’il consacre l’usage de la force comme source de légitimité.

              [Ceci dit comme l’histoire montre que c’est une pratique fréquente, et pour ne pas être en guerre perpétuelle, il faut bien à partir d’un certain moment admettre le “fait accompli”.]

              Justement je préfère que le « fait accompli » s’accomplisse par les œuvres, les aménagements, le soin apporté au territoire, que par la simple possession. Cela me paraît encourager des pratiques plus saines.

              [Dans la pratique, on peut considérer qu’il y a a fait accompli, lorsqueau moins sont remplies:
              1- une génération est passée (disons 50 ans), c’est à dire qu’il y a peu de survivants, en proportion de la population), qui étaient adultes l’époque ou le peuple a été envahi.
              2- il n’y a plus d’opposition significative (10% de la population locale ?) à l’occupation. La société nouvelle peut donc être considérée comme “pacifiée”.]

              Votre doctrine est un encouragement au nettoyage ethnique ou, pire, au génocide, qui reste la meilleure manière d’éliminer l’opposition « significative » à une occupation.

              [Si j’applique ces règles, je crois que la plupart des cas actuels peuvent être admis par le plus grand nombre.]

              Le problème est que dans beaucoup de cas – celui de la plupart des états dits plurinationaux, pour commencer – votre doctrine ne permet pas d’établir une légitimité. En Catalogne, « l’occupation espagnole » rencontre une opposition qui dépasse les 10%. Mais si demain elle devenait indépendante, la minorité hispanoparlante dépasserait les 10% et se sentirait elle aussi « occupée »…

              Votre proposition soulève un deuxième problème, qui est celui de la temporalité. Que faites-vous des territoires où pendant des années il n’y a pas eu de « opposition significative », et où cette « opposition » apparaît un jour ? La « propriété de la terre » peut-être remise en question à postériori ? Les légitimes occupants peuvent-ils devenir « illégitimes » par le simple fait que leurs voisins ne les supportent plus ?

              [ex3: Israêl, terre envahie par les juifs en 1945. Une génération de passée, avec toujours une opposition structurée, donc pas encore de “fait accompli”. Selon toute probabilité, le “fait accompli” ne sera pas reconnu pendant encore plusieurs dizaines d’année (“la nakba”).]

              Vous faites ici erreur. Israel n’a pas été « envahie » par les Juifs. Des juifs ont toujours vécu en Palestine et représentaient une minorité importante déjà sous la domination ottomane. On peut soutenir que ces juifs étaient « occupés » per les Ottomans – après l’avoir été par les Romains – et non l’inverse…

              [ex4: la Crimée, pas encore une génération de passé, donc pas encore de “fait accompli”. Selon toute probabilité, sera considérée comme “russe” bien avant une génération écoulée.]

              Selon votre règle, toute l’Ukraine devrait être considérée russe, puisqu’elle a fait partie de l’empire russe pendant plusieurs générations, et qu’à l’époque l’opposition à ce rattachement était quasi nulle…

            • marc.malesherbes dit :

              encore merci de vos objections que je prend en considération.
              Me voici donc réduit à une position minimaliste.
              Pas de principes, seulement une position “perso”.
              Je n’aime pas les envahisseurs, et j’aime ceux qui se révoltent contre les oppressions, sans leur donner pour autant un chèque en blanc sur leurs moyens d’action.
              Autrement dit j’aime une histoire sans guerre et larmes. Le divorce tchécoslovaque m’a toujours paru ce qu’on peut faire de mieux en la matière.
              Et l’union européenne, que je n’aime pas personnellement, me paraît respectable en tant que construction pacifique. Je préfère de loin cette manière pour l’Allemagne d’établir son hégémonie, que celle qui consistait à utiliser ses armées. Il ne dépend que de nous d’y souscrire, ou pas.

            • Descartes dit :

              @ marc.malesherbes

              [Autrement dit j’aime une histoire sans guerre et larmes.]

              Vous n’avez jamais entendu la formule qui veut que « les gens heureux n’ont pas d’histoire » ? L’histoire est forcément tragique. On peut se dire que dans ces conditions, mieux vaut ne pas avoir d’histoire, et dans ce cas autant être un chat ou un poisson rouge. Imaginez ce qui resterait de la littérature si tous les livres avaient un happy end ?

              [Le divorce tchécoslovaque m’a toujours paru ce qu’on peut faire de mieux en la matière.]

              D’où tirez-vous que le divorce tchécoslovaque s’est fait sans larmes ? Et à supposer que ce soit le cas, de quoi le divorce tchécoslovaque est-il fondateur ?

              [Et l’union européenne, que je n’aime pas personnellement, me paraît respectable en tant que construction pacifique. Je préfère de loin cette manière pour l’Allemagne d’établir son hégémonie, que celle qui consistait à utiliser ses armées. Il ne dépend que de nous d’y souscrire, ou pas.]

              Vous croyez ? Oublierez-vous qu’il n’y a pas de décision démocratique contre les traités européens ?

  11. luc dit :

    L’habitude qui consiste à parer les morts de toutes les qualités me fait bien rire.
    Alors que Sarkozy,Macron et bien d’autres ont ridiculisé Chirac comme le roi Fainéant par excellence voici qu’unanimement la classe politique l’adule.
    De sa militanceà la JC où il faisait signer l’appel de stockholm et vendait l’huma à la criée,à sa dénonciation de l’invasion de l’IRAK SOUS DES PRETEXTES MENSONGERS,bien des aspects de Chirac sont sympathiques.
    Mais ce sont ces côtés de type Henri Queuille ,auteur de la célèbre formule qui inspira tant Mitterand.4Il n’est pas de problèmes que l’absence de solutions ne finissent un jour de résoudre’.
    Henry Queuille est un homme d’État français, né le 31 mars 1884 à Neuvic et mort le 15 juin 1970 à Paris. Membre du parti radical-socialiste, plusieurs fois ministre sous la Troisième République, notamment à l’Agriculture, il fut trois fois président du Conseil sous la Quatrième République.
    Chirac n’a t il pas suivi lui aussi des égarements dans l’inaction la plus grande parfois ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [L’habitude qui consiste à parer les morts de toutes les qualités me fait bien rire. Alors que Sarkozy, Macron et bien d’autres ont ridiculisé Chirac comme le roi Fainéant par excellence voici qu’unanimement la classe politique l’adule.]

      L’explication est simple : « on pleure toujours ce qui nous manque ». Si la disparition de Chirac provoque une telle unanimité dans la louange, c’est par contraste avec la classe politique d’aujourd’hui. Chirac est l’opposé de Macron : il était un « roi fainéant » mais avec du courage (il l’a montré lors de la guerre d’Irak, lors de la reprise des essais nucléaires, lors de son voyage en Israel, lors du référendum de 2005). C’était un homme profondément français, qui aimait profondément son pays et ses gens, qui les connaissait intimement. C’était un homme qui avait une véritable expérience vitale de militant politique, de lieutenant en Algérie, d’élu local, qui s’était pris pas mal de baffes avant d’accéder aux hautes responsabilités. Dans son portrait, on voit le portrait en creux de la génération politique dont Macron est l’épitomé, celle de gens qui n’ont pour toute expérience vitale que le parcours Sciences-Po-ENA, qui ont vécu toute leur vie entre cotons, qui connaissent mal leur pays et ses gens et ne l’aiment pas, qui n’ont pas le courage de l’engagement.

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