La France Potemkine

Qui était le prince Potemkine – celui qui a donné son nom au cuirassé dont l’équipage est passé dans l’histoire grâce au film d’Eisenstein ? Grigori Aleksandrovitch Potemkine, né en 1739, était un militaire et courtisan russe. Amant de Catherine II, il eut une influence très importante sur la politique russe de son époque. Mais il est passé dans la langue commune par un fait d’armes particulier : lors de la visite de l’Impératrice en Crimée en 1787, il aurait fait embellir les façades des maisons des villages traversées – ou peut-être même construit des façades factices – pour dissimuler la misère des habitants. D’où la formule des « villages Potemkine » passée dans noter langue.

Pourquoi rappeler cette petite anecdote ? Parce que sans en avoir toujours conscience nous vivons, nous Français, dans quelque chose qui ressemble de plus en plus à un « village Potemkine ». Non pas qu’on ait construit des belles façades pour dissimuler la décrépitude du bâtiment. Chez nous, le processus est différent : des belles constructions léguées par notre histoire, on a entretenu – voire reconstruit – la façade… et laissé tomber en décrépitude le reste. Les réformes destinés selon leurs initiateurs à « dépoussiérer », « décloisonner »,  « redynamiser » différents aspects de notre vie publique se succèdent, et ne font en fait que ripoliner la façade, quitte à prendre le matériel pour le faire dans les fondations même du bâtiment.

L’exemple d’EDF est de ce point de vue tout à fait révélateur. L’entreprise est fondée en 1946 sur les ruines d’un système électrique primitif, qui ne desservait à vrai dire que les grandes villes, et dont les réseaux concurrents ne pouvaient se secourir du fait des standards différents de chacun. En trente ans, l’entreprise devient une référence mondiale : les réseaux ont été standardisés, interconnectés, modernisés et étendus jusqu’à couvrir l’essentiel du territoire, la péréquation tarifaire – qui fait que les clients « rentables » payent pour les autres – fonctionne sans accrocs, la France se dote d’abord d’un parc hydraulique moderne dans la période 1950-70, puis du premier parc nucléaire standardisé du monde dans la période 1980-97. Et cela sans aucune aide de l’Etat et en pratiquant des tarifs « au prix coûtant ». Et depuis ? Pas grande chose. Notre réseau, nos centrales vieillissent doucement sans qu’aucun gouvernement ne prenne les décisions permettant le renouvellement des équipements. Bien entendu, on ripoline la façade : on se lance à fonds perdus dans un programme « renouvelables » qui aura bientôt coûté EN SUBVENTIONS plus que le programme nucléaire n’aura coûté en TOTALITE, et qui pour ce prix couvre moins de 10% des besoins et met l’équilibre du réseau à la merci des aléas climatiques. Conséquence ? On en est aujourd’hui à planifier des coupures au cas où les températures baisseraient, alors que le réseau opère pratiquement sans marges. Quelque chose qui n’était pas arrivé… depuis les années 1970.

Il faut dire que dans le domaine de l’énergie, la logique Potemkine se voit partout. Au prétexte d’en finir avec les énergies carbonées on interdit la recherche pétrolière et gazière sur notre territoire, mesure totalement symbolique puisque cela ne fait que reporter la consommation sur le gaz et le pétrole importés (« cachez ce tanker que je ne saurais voir… ») souvent produit avec des contraintes écologiques bien moindres. Nos politiques parlent de décourager les investissements « bruns » – c’est-à-dire, dans les énergies carbonées – mais dégainent la subvention lorsque, conséquence inévitable de la baisse des investissements, l’offre baisse et les prix des carburants à la pompe augmentent. Même chose pour les « permis carbone », qui dans un contexte de libre-échange ne réduisent pas d’une once les émissions de CO2, mais poussent nos sidérurgistes et autres émetteurs de CO2 à délocaliser leur production vers les pays où de telles pénalités n’existent pas. Et je ne parle même pas de la fermeture des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim, mesure « écologique » qui aboutit à importer l’électricité allemande produite… avec du charbon.

Souvent, l’état de délabrement de la maison derrière la façade échappe largement aux citoyens. Prenons par exemple les cafouillages que nous avons vécu dans la gestion de la pandémie – le dernier en date, celui du protocole sanitaire annoncé par voie de presse par Jean-Michel Blanquer puis corrigé tout aussi médiatiquement par le Premier ministre, est encore dans toutes les mémoires. La tendance est à attribuer ces cafouillages à l’incompétence ou l’incurie des personnes enposte, d’où les appels lancinants à la démission de tel ou tel directeur, de tel ou tel ministre, de tel ou tel président. Eh bien, ceux qui lancent et propagent ces appels se trompent de combat. Le mal est bien plus profond, plus diffus qu’ils ne le pensent. La répétition de plus en plus évidente de ces cafouillages – et cela sous les présidences et gouvernements successifs – montre bien que ce qui est en cause est moins la personne qui à tel ou tel moment occupe le fauteuil, que la structure de prise de décision elle-même. Si des décisions mal construites, illégales ou inapplicables sont mal prises, mal annoncées et finalement mal mises en œuvre, ce n’est pas parce que les personnes aux manettes sont incapables, c’est parce que derrière une façade toute proprette, l’appareil de l’Etat est en train de s’effondrer. Et c’est pourquoi les « technocrates » macroniens, férus de décision rationnelle, ne font pas mieux que les « intuitifs » hollandiens. Le fait est que le système, même s’il a encore de beaux restes, ne répond plus.

Il faut relire « l’étrange défaite » de Marc Bloch. La seule différence avec la situation vécue par l’illustre historien, c’est qu’il n’y a pas d’ennemi étranger pour donner un grand coup dans la fourmilière et révéler à quel point notre Etat a été, ces trente dernières années, vidé de sa substance, de ses moyens, de ses leviers d’action. Car c’est en réponse aux dysfonctionnements dénoncés entre autres par Bloch que le régime issu de la Libération a pris conscience de la nécessité absolue d’une réforme du fonctionnement de l’Etat. Et je ne parle pas d’une « réforme » comme on en fait aujourd’hui, dont les buts sont de réduire les coûts, de gagner des voix, d’offrir des postes aux copains, et seulement accessoirement de rendre l’Etat plus fort et plus efficace. Non, je parle d’une vraie réforme.

D’abord, il fallait donner à l’Etat des serviteurs honnêtes, dévoués, échappant aux clientélismes. La réponse, ce fut le statut de la fonction publique de 1946. Il fallait à l’Etat aussi une haute fonction publique de qualité, ayant l’esprit du service public chevillé au corps, échappant au copinage politique, aux guerres entre ministères, aux sirènes du privé. La solution fut la création de l’ENA et du corps des administrateurs civils, hauts fonctionnaires ayant vocation à occuper les postes de direction et ayant une dimension interministérielle, autrement dit, qui servaient l’Etat, et non un ministère en particulier. Il fallait aussi donner à l’Etat des vrais instruments pour peser sur les choix économiques et sociaux. La réponse fut la nationalisation de la banque et des assurances, la création ou la promotion des grands établissements publics dans les domaines stratégiques (GDF dans le gaz, SNCF dans le ferroviaire, EDF dans l’électricité, Charbonnages de France pour le charbon, Usinor-Sacilor pour l’acier, et plus tard France Télécom dans les télécommunications, ELF-ERAP dans les pétroles).

Que reste-t-il de tout ça ? Rien, ou presque. Les privatisations ont liquidé l’ensemble des leviers d’action dans le domaine économique, sans parler de l’Euro et de la perte de l’instrument monétaire. Le statut de la fonction publique a reçu tellement de coups de canif qu’il ressemble à une passoire. On en arrive à une situation où seule une toute petite minorité d’emplois publics est réservée aux fonctionnaires. L’immense majorité – y compris les emplois supérieurs de direction – peuvent être occupés par des contractuels. Et d’ailleurs, un tiers des emplois le sont effectivement. Le corps des administrateurs civils, auquel on avait déjà largement enlevé tout intérêt puisque les emplois de direction leur étaient de moins en moins réservés, vient d’être supprimé et refondu dans un « corps des administrateurs de l’Etat » informe qui a vocation à rassembler toute la haute fonction publique. Autrement dit, la fin de la logique des corps dans la haute fonction publique. L’ENA est supprimé et remplacé par un « Institut national du service public » dont les priorités ne sont pas de former de hauts fonctionnaires compétents et dévoués à la chose publique, mais d’assurer « la diversité du recrutement » et le « rayonnement européen et international ».

La question du recrutement et des carrières dans la haute fonction publique peut paraître au commun des mortels anecdotique. Après tout, elle ne touche que quelques milliers voire quelques dizaines de milliers de fonctionnaires « nantis ». C’est une grave erreur : c’est là que se joue l’efficacité et la cohérence de l’action publique. Pour utiliser une analogie, l’Etat c’est un peu une voiture (ou plutôt un lourd camion) dont le politique est le conducteur. Bien entendu, c’est le politique qui décide de l’endroit où il veut aller, de la vitesse à laquelle il veut rouler. Mais pour que le camion arrive à bon port, encore faut-il que lorsqu’il tourne la clé, le moteur démarre. Que lorsqu’il pousse sur l’accélérateur, le moteur donne sa puissance, que lorsqu’il pousse sur le frein l’engin s’arrête. Et non seulement cela : il faut que lorsque le moteur surchauffe, que la vitesse dépasse la limite autorisée, que lorsque le niveau de liquide de frein est bas, les bons voyants s’allument et donnent des informations fiables. Si le politique est réduit à conduire un engin sans moteur avec un haut-parleur qui fait « vroum vroum » quand on pousse sur l’accélérateur, il ne risque pas d’aller très loin. Et si au moment où il pousse sur la pédale de frein personne ne répond, il ira dans le décor.

La haute fonction publique c’est le mécanicien chargé d’entretenir le camion, d’y porter des améliorations, de s’assurer qu’à tout moment le moteur est bien réglé et prêt à fournir la puissance, que les voyants donnent les bonnes informations, que les freins sont opérationnels. Ce sont eux qui connaissent le véhicule et son histoire, et peuvent donner les conseils de conduite, alerter sur certaines faiblesses, préparer un dépannage d’urgence.

La haute fonction publique a une fonction de conseiller : il importe qu’elle soit exercée par des gens non seulement compétents et indépendants, mais que le statut et l’esprit de corps protège de la tentation d’exécuter le porteur de mauvaises nouvelles qui sommeille dans chaque politique. Un haut fonctionnaire obsédé par le risque qu’il prend en donnant un conseil qui déplaît, taraudé par la nécessité de préparer son prochain pantouflage, menacé dans sa promotion par un concurrent venu « du privé » sur simple copinage, ne sera jamais un bon conseiller. La haute fonction publique a aussi la mission de mettre en œuvre loyalement et courageusement les décisions prises par l’autorité politique. Mais cette loyauté ne peut exister que si elle a une contrepartie, autrement dit, si les loyaux et les courageux sont mieux payés en retour – symboliquement ou autrement – que les déloyaux et les lâches. Si le copinage permet à ceux qui ont des relations de passer devant ceux qui font le boulot – et c’est exactement la logique imposée par les réformes successives élargissant les possibilités d’accès aux postes de direction de la fonction publique – alors les hauts fonctionnaires passeront logiquement leur temps à cultiver leur réseau au détriment de leur travail. Si le fonctionnaire courageux n’est pas protégé – par ses pairs, par son statut – alors tout le monde préférera se cacher derrière les décisions prises par d’autres.

Les politiques de gestion des cadres de la fonction publique ces trente ou quarante dernières années ont abouti à une baisse de la qualité de ceux qui occupent les emplois supérieurs de l’Etat. Les Français en ont-ils conscience ? En partie, oui : dans les années 1970, on raillait énarques et polytechniciens, mais derrière la raillerie se cachait une véritable admiration pour ces « belles mécaniques intellectuelles ». Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. En 1970, supprimer l’ENA aurait provoqué un tollé, aujourd’hui la mesure passe sans opposition, pas même celle des hauts fonctionnaires, soit qu’ils aient internalisé le discours anti-état ambiant, soit qu’ils se taisent prudemment sachant ce qui peut arriver à ceux qui protesteraient trop fort.

La baisse du niveau est logique : les meilleurs éléments s’aperçoivent très vite que leur loyauté, leur engagement, bref, leur sens du service public ne leur vaudra aucun avantage particulier, qu’à l’heure d’accéder aux postes intéressants ils se feront doubler par les parachutés politiques et les génies du réseautage. Alors, ils partent faire reconnaître leurs talents dans le privé qui, il faut le dire, est aujourd’hui mieux armé pour reconnaître les véritables talents. Il ne reste dans l’appareil de l’Etat que les besogneux, ignorés quand ils ne sont pas méprisés par leurs chefs, et les moines-soldats du service public, de moins en moins nombreux. Quant aux emplois supérieurs, ils sont de plus en plus occupés par des parachutés, attachés parlementaires, copains du chef, éternels militants incapables à qui la politique a fait la courte-échelle vers la fonction publique. Et qui n’ont souvent la moindre expérience de ce que veut dire diriger une organisation, faire des choix vitaux, mettre en œuvre une logistique. Des gens qui se prennent pour Dieu et croient qu’il suffit de pointer du doigt et de dire « que la lumière soit » pour que la lumière se fasse. Bref, qui n’ont pas compris que conduire une politique publique, comme la guerre, est un art tout d’exécution. Comment s’étonner dans ces conditions que ça cafouille ? La question du protocole sanitaire dans les écoles est une illustration – une de plus dans une longue série – de ce mécanisme. On prend souvent dans les cénacles du pouvoir des décisions sans avoir la moindre idée – ou le moindre intérêt – pour les capacités de l’intendance à suivre. Et lorsque l’intendance ne suit pas, c’est bien entendu la faute au lampiste.

Et on retrouve cette logique partout. Pensez au brillant projet de réforme des retraites instaurant un « régime unique par points ». Présenté en grande pompe dans ses principes généraux, on a vu assez vite que le projet, élaboré par des conseillers politiques sans véritable travail administrative, ne tenait que très difficilement la route. Le « régime unique » est devenu assez vite une mosaïque puisqu’on s’est rendu compte que la réalité, forcément complexe, imposait une prise en compte adaptée pour certains métiers. La logique « par points », censée garantir l’équilibre du système, a été elle aussi assez vite abandonnée lorsqu’on s’est aperçu du caractère pro-cyclique du système, puisque les pensions sont appelées à diminuer lorsque la situation économique se dégrade. Mais tout ça, on s’est aperçu après coup. Pourquoi pas avant ? Parce que les hauts fonctionnaires consultés se sont bien gardés d’exprimer des critiques sur un projet qui avait la bénédiction de l’Elysée.

Pour ceux que la période passionne, la ressemblance de notre France avec celle de la fin des années 1930 est frappante. La Libération avait permis de briser les dogmes libéraux – passablement ébranlés, il faut le dire, par la crise de 1929 – et reconstruire un Etat puissant et efficace. Un demi-siècle de politiques néolibérales nous ont fait revenir à la case départ, celle d’un Etat faible et inefficace. Une faiblesse et une inefficacité qui, je le répète, n’est pas l’effet d’un accident, de l’immobilisme ou du refus des réformes, mais qui a été voulu et sciemment organisée pour laisser au privé les mains libres. Et c’est pourquoi nous avons une classe politique réduite à une communication théâtrale qui occulte de moins en moins son impuissance – une impuissance dont elle s’accommode d’ailleurs fort bien, tant que les prébendes sont là. Et ceux qui auront regardé la piteuse séquence du passage de Macron dans l’hémicycle européen savent de quoi je parle : en quoi le discours de Macron, en quoi celui de ses adversaires change quoi que ce soit à la vie des gens ? Ni l’un ni les autres n’auront le moindre effet : la « présidence de l’Union » n’a en fait qu’un poids symbolique – elle ne donne au pays qui la détient que le pouvoir d’organiser les raouts des ministres de l’Union chez lui et de prononcer des discours, parce que pour le reste c’est la Commission qui garde le pouvoir de proposition, et les directives qui seront discutées pendant la présidence française seront celles que la Commission voudra bien mettre sur la table.

Et plus profondément, à quoi sert cet hémicycle propret pourvu des dernières technologies et soutenu par des brigades de fonctionnaires très bien payés, mais qui derrière les apparences n’est qu’un lieu de bavardage inutile servant à donner à l’Union européenne une caution démocratique (1) ? En 70 ans de fonctionnement, le Parlement européen n’a laissé aucune marque. Vous n’auriez pas de difficulté à citer quelques grands débats, quelques joutes mémorables au Parlement français, des votes qui ont changé l’histoire. Seriez-vous capable de citer un tel débat dans l’enceinte européenne ? Un seul vote qui ait changé quelque chose de fondamental ?

Non, bien sur que non. Tout ça, c’est encore du Potemkine. C’est pourquoi c’est une erreur de croire qu’on combattra l’abstention en rendant le vote obligatoire, en abaissant l’âge du vote, en rendant l’inscription sur les listes électorales automatique, en ayant recours au vote électronique ou en instaurant la proportionnelle. L’abstention est le comportement rationnel d’un électeur qui se rend compte que derrière la façade pimpante il y a une hutte misérable, que la politique est devenue une scène où des acteurs impuissants essayent de nous convaincre qu’ils ont des pouvoirs jupitériens. C’est d’ailleurs pourquoi la mise en scène comporte essentiellement des décisions de fermer telle institution, de supprimer telle école, d’arrêter telle installation, d’abolir telle disposition. Parce qu’une décision négative, c’est toujours facile à prendre, alors que la décision positive nécessite un engagement, un objectif clair, une définition de moyens. Il faut des années de travaux acharnés pour construire, il suffit d’une petite signature pour détruire.

La post-pandémie, avec le retour des règles néolibérales sur les déficits et la dépense publique sera-t-elle la crise qui, comme la défaite de 1940, poussera à une prise de conscience ? On ne peut que le souhaiter. Mais lorsqu’on écoute les discours électoraux en cette année 2022, le moins qu’on peut dire est que Potemkine a encore une belle carrière devant lui…

Descartes

(1) A ceux qui ne la connaîtraient pas, je conseille la série « Parlement ». Malgré quelques défauts de réalisation, elle illustre parfaitement le fonctionnement de l’institution.

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105 réponses à La France Potemkine

  1. Cording1 dit :

    Et comme le dit Emmanuel Todd nous allons élire en tant que président le vice-chancelier d’Allemagne. Il indique par là la soumission de notre classe dirigeante à une Europe sous direction allemande.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Et comme le dit Emmanuel Todd nous allons élire en tant que président le vice-chancelier d’Allemagne. Il indique par là la soumission de notre classe dirigeante à une Europe sous direction allemande.]

      Oui, mais la question à se poser est “pourquoi”. Pourquoi nos classes dirigeantes s’accommodent aussi bien d’une Europe à direction allemande ? Parce qu’elles trouvent dans cette Europe un levier pour imposer en France des choses qui seraient autrement très difficiles voire impossibles à faire passer. Et cette impossibilité est déjà une source d’optimisme…

      • CVT dit :

        @Descartes,

        [Oui, mais la question à se poser est “pourquoi”. Pourquoi nos classes dirigeantes s’accommodent aussi bien d’une Europe à direction allemande ? Parce qu’elles trouvent dans cette Europe un levier pour imposer en France des choses qui seraient autrement très difficiles voire impossibles à faire passer. Et cette impossibilité est déjà une source d’optimisme…]

        Comme la Noblesse durant la Révolution? Bizarrement, cela me fait penser à l’attitude de Louis XVI et des Emigrés lors de l’épisode du “Manifeste de Brunswick” (il est fort dommage que peu gens opposent ce fait historique aux partisans d’un retour à la monarchie en France, parce que cela calmerait bien des ardeurs royalistes😬😈): se servir d’un prince “allemand” (à l’époque, cela pouvait désigner aussi bien un Prussien qu’un Autrichien…) pour restaurer, voire maintenir ses privilèges, et ce au prix du sang de leurs propres sujets!
        Et bien avec les bobos, c’est pareil : ils se servent de la Bochie (votre rage germanophile m’a contaminé😬…), ainsi que des migrants entrant de manière incontrôlable, pour mettre au pas la France et faire une guerre larvée contre leur propre peuple. Une triste constante dans la longue histoire de notre pays…

        • Descartes dit :

          @ CVT

          [Comme la Noblesse durant la Révolution ? Bizarrement, cela me fait penser à l’attitude de Louis XVI et des Emigrés lors de l’épisode du “Manifeste de Brunswick” (il est fort dommage que peu gens opposent ce fait historique aux partisans d’un retour à la monarchie en France, parce que cela calmerait bien des ardeurs royalistes😬😈): se servir d’un prince “allemand” (à l’époque, cela pouvait désigner aussi bien un Prussien qu’un Autrichien…) pour restaurer, voire maintenir ses privilèges, et ce au prix du sang de leurs propres sujets!]

          Qui a dit que l’argent n’a pas de patrie ? La solidarité de classe – et tout particulièrement chez les classes dominantes – a souvent primé sur la solidarité nationale…

        • Maurice dit :

          “se servir d’un prince “allemand” (à l’époque, cela pouvait désigner aussi bien un Prussien qu’un Autrichien…) pour restaurer, voire maintenir ses privilèges, et ce au prix du sang de leurs propres sujets!”
           
          Ah comme cette belle indignation sonne haut dans une bouche française. La révolution a bien profité des services d’un Maréchal qui pour être “allemand” ne l’en a pas moins défendue : Johann Nikolaus Graf Luckner. C’était là un vestige de l’Ancien Régime qui ne demandait pas sa carte d’identité à qui le servait. La révolution ne l’a pas oublié et l’a guillotiné en 1794, l’homme avait le toupet de réclamer une pension de retraite. Et pour ce qui est de faire couler le sang français,  la révolution n’a pas eu besoin de l’étranger en Vendée pour massacrer les femmes et les enfants : Westermann était alsacien.

          • Descartes dit :

            @ Maurice

            [“se servir d’un prince “allemand” (à l’époque, cela pouvait désigner aussi bien un Prussien qu’un Autrichien…) pour restaurer, voire maintenir ses privilèges, et ce au prix du sang de leurs propres sujets!” Ah comme cette belle indignation sonne haut dans une bouche française. La révolution a bien profité des services d’un Maréchal qui pour être “allemand” ne l’en a pas moins défendue :]

            Vous faites une interprétation littérale là où votre interlocuteur utilisait une métaphore. Le problème n’est pas tant d’utiliser un « prince allemand » en tant que personne, mais d’utiliser les armées que ce prince commande en tant qu’institution politique. Quand Pétain rencontre Hitler à Montoire, le problème n’est pas tant qu’il ait bu un café avec un certain Adolf, mais qu’il l’ait fait avec le chancelier d’Allemagne.

            [Johann Nikolaus Graf Luckner. C’était là un vestige de l’Ancien Régime qui ne demandait pas sa carte d’identité à qui le servait.]

            Pardon, pardon. Johann Nikolaux Graf Luckner n’était pas « allemand » mais « français ». S’il est vrai qu’il était né en Bavière et servi sous Frédéric II, il reçoit en 1763 ses « lettres de naturalité », acte administratif par lequel le roi de France admet un étranger comme sujet, l’ancêtre de notre procédure de naturalisation. Ce n’est qu’une fois « naturalisé » qu’il combattra dans les armées de Louis XVI, puis de la Révolution. Il ne faut donc pas se laisser abuser par le mythe qui voudrait qu’à l’époque « on ne demandait pas sa carte d’identité à qui servait ». A la fin du XVIIIème, l’idée nationale était déjà suffisamment puissante pour que la naturalisation soit exigée de celui qui prétendait à un commandement.

            Lucknerl commandera notamment l’armée du Rhin, et c’est à ce titre que « La Marseillaise » lui est dédiée. Pour faire accepter par la convention sa nomination à la tête des armées révolutionnaires, le ministre de la guerre de l’époque argumentera que « Luckner a le coeur plus français que l’accent ». Ce qui montre, là encore, que la question de la « carte d’identité » se posait déjà fortement…

            [La révolution ne l’a pas oublié et l’a guillotiné en 1794, l’homme avait le toupet de réclamer une pension de retraite.]

            Je ne sais pas s’il réclamait une pension, mais en tout cas c’est pas cette réclamation qui lui a couté la tête. Luckner, comme La Fayette, étaient partisans d’une monarchie constitutionnelle et du maintien du roi à la tête de la pyramide constitutionnelle. Il devient donc suspect après l’arrestation du roi, le 10 aout 1792.

            [Et pour ce qui est de faire couler le sang français, la révolution n’a pas eu besoin de l’étranger en Vendée pour massacrer les femmes et les enfants : Westermann était alsacien.]

            Je ne saisis pas très bien le sens de cette remarque. La Révolution serait à vos yeux plus respectable si elle avait eu recours à des mercenaires étrangers pour réprimer les soulèvements de Vendée ?

          • CVT dit :

            @Maurice,

            [Et pour ce qui est de faire couler le sang français, la révolution n’a pas eu besoin de l’étranger en Vendée pour massacrer les femmes et les enfants : Westermann était alsacien.]

            Deux choses:
            – Comme le signalait le taulier de ce blog, le “prince allemand” que j’évoquais faisait bien entendu allusion à l’Autriche et la Prusse, de manière interchangeable. Sous la Révolution, les frères ennemis germains s’étaient ligués contre du royaume de France, avec un appui logistique non négligeable des Emigrés…
             
            – Quant aux Vendéens, il faut tout de même leur faire un sort : ils sont joués contre la République jacobine, et ils ont perdu. D’ailleurs, eux aussi ont également fait intervenir le Royaume-Uni dans cette guerre civile… D’une certaine manière, les Vendéens ont aussi fait appel à des puissances étrangères contre la Nation pour faire prévaloir leurs seuls intérêts. Ce qui ne fait qu’illustrer un peu plus ma question initiale.
            Maintenant, j’ai toujours trouvé bizarre que la constitution civile du clergé n’ait soulevé qu’assez peu d’objections en Vendée, mais qu’en revanche, lorsque la Patrie fut déclarée en danger en 1792, les Vendéens sont soudainement devenus des objecteurs de conscience en refusant la mobilisation générale…

  2. Luc dit :

    Merci cher Descartes pour ce texte excellent !
    Vous rappelez le souffle qui a présidé à la mise en place de la fonction publique. Bravo,il est sain de se rappeler l’âme collectiviste de notre république sociale et laïque .
    Votre blog est trés précieux car c’est une partie de la mémoire que vous préservez !..là où ce devrait être le tarvail quotidien des ministres et Président eux mêmes.Ils ne le font pas ,c’est leur choix néfaste,ma préférence va à votre blog car lui il est proche de ce que devrait être un bon esprit de gouvernance.
    Pourtant,désolé,je suis une autre lecture du temps présent.Non je ne fais pas mienne votre assertion:[Pour ceux que la période passionne, la ressemblance de notre France avec celle de la fin des années 1930 est frappante. ] Il me semble que l’époque actuelle (avec ses réseaux sociaux ,l’individualisation,ces fake news et autres perturbateurs du raisonnement ),rend la compréhension plus difficile que la Débacle.En Mai-Juin 1940 cette Débacle fut unedésorganisation absolue ,inégalée dans notre Histoire ,en même temps que le début d’une guerre civile entre Pétainistes et anti-pétainistes .Cette débacle fut jointe à une occupation nazie inqualifiable.Or en 2022, Zemmour,dénature le combat ‘anti-Potemkine ‘que Marine essaye de mener comme d’autres candidats.
    En rediabolisant par des propositions ahurrissantes sur les handicapés,sur Dreyfus et Pétain,l’argumenatire sur la mondialisation et ses migrations invasives,Zemmour affaiblit la réflexion citoyenne et le bon choix qui pourrait en découler.1940 eut son De Gaulle,2022 a son Zemmour,pétainiste de surcroît!
    Pour moi,une autre de votre affirmation suivante aussi est invalidée par la candidature anti-Rassemblement National,et pro-Pécresse de Zemmour.En effet,Non!:[lorsqu’on écoute les discours électoraux en cette année 2022, le moins qu’on peut dire est que Potemkine a encore une belle carrière devant lui…]
    Le ralliement de toute une série de tristes sires à Zemmour comme Buisson et Collard confirme encore et toujours que les polémistes d’extrème droite ne sont que des aventuriers indifférents à la nécessaire discipline que la cause du devenir français implique,mais intéressé par la promotion de leurs oeuvres,n’est ce pas?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Pourtant, désolé, je suis une autre lecture du temps présent. Non je ne fais pas mienne votre assertion: « Pour ceux que la période passionne, la ressemblance de notre France avec celle de la fin des années 1930 est frappante. » Il me semble que l’époque actuelle (avec ses réseaux sociaux, l’individualisation, ces fake news et autres perturbateurs du raisonnement), rend la compréhension plus difficile que la Débâcle.]

      Bien sûr, toute comparaison entre deux périodes éloignées dans le temps a ses limites. Il est illusoire de chercher une analogie exacte, compte tenu des changements technologiques, par exemple. L’intérêt de la comparaison est cependant de dégager des constantes. Car on observe qu’avec ou sans réseaux sociaux, certains éléments ont une grande constance dans le temps, que sur certains points il y a une filiation entre le Français en 1812, en 1870, en 1940 avec celui d’aujourd’hui.

      Vous parlez des « fake news ». Mais ne croyez pas que celles-ci apparaissent avec les réseaux sociaux. Lorsque « Le Figaro » accuse les bolchéviques de manger les enfants ou de vouloir dissoudre la famille, qu’est ce sinon des « fake news » ? Quelle différence fondamentale entre le complotisme d’aujourd’hui et celui du « Grand Complot Juif » agité dans les années 1930 ? Vous savez, le média change, mais le contenu reste presque invariable au cours de l’histoire humaine… Quand on voulait abattre un rival politique dans la Rome antique, on racontait sur lui les mêmes choses qu’on raconte sur les politiques d’aujourd’hui…

      [En Mai-Juin 1940 cette Débacle fut une désorganisation absolue, inégalée dans notre Histoire, en même temps que le début d’une guerre civile entre Pétainistes et anti-pétainistes.]

      « Inégalée dans notre histoire » ? Pensez à 1870 et à Sedan… et là aussi, l’occupation étrangère fut l’amorce d’une guerre civile, dont le chapitre le plus connu est la Commune. Non, la Débâcle n’est pas une exception. Ce serait plutôt la règle chez nous : un régime bloqué et vermoulu qui garde les apparences de la solidité, et qui ne s’effondre que lorsqu’un coup arrivé de l’extérieur le met par terre, ouvrant ainsi une prise de conscience qui aboutit, après une période de violences, à une réorganisation.

      [Cette débâcle fut jointe à une occupation nazie inqualifiable. Or en 2022, Zemmour dénature le combat ‘anti-Potemkine ‘que Marine essaye de mener comme d’autres candidats.]

      Vous faites une fixation sur Zemmour, alors qu’il est plus le symptôme que la cause. Je ne vois pas beaucoup de candidats qui cherchent à mener un combat « anti-Potemkine ». La problématique des outils de l’action publique n’intéresse pas grand monde, y compris chez les communistes. Prenez le programme de Roussel : pas un mot sur les questions d’organisation de l’Etat ou de l’action publique. On y trouve partout la ritournelle « plus de moyens », mais sur la question de savoir comment utiliser efficacement ces moyens, comment redonner à l’Etat la force et les instruments pour agir, il n’y a rien. Et ce n’est guère mieux chez Marine. En 2017, on trouvait dans ses bagages une « lettre aux fonctionnaires » qui amorçait une réflexion sur le sujet. Aujourd’hui, il n’y a rien.

      [En diabolisant par des propositions ahurissantes sur les handicapés, sur Dreyfus et Pétain, l’argumentaire sur la mondialisation et ses migrations invasives, Zemmour affaiblit la réflexion citoyenne et le bon choix qui pourrait en découler.]

      Souvenez-vous du dicton : quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. Zemmour dit certainement beaucoup de bêtises, mais il faut dire que dans le contexte actuel il suffirait qu’il affirme que la terre est ronde pour que l’Association Française des Terraplanistes lui fasse un procès médiatisé pour injures publiques.

      Prenons l’affaire des handicapés. Il y a une controverse entre les spécialistes sur la question de savoir si les enfants handicapés doivent à tout prix être scolarisés dans le système général, ou pris en charge au contraire par des structures spécialisées. En France, c’est la première doctrine qui guide les politiques publiques, essentiellement parce que l’idéologie dominante tend à nier le handicap et à en faire une simple « différence ». Mais il y a des arguments pour et des arguments contre les deux positions, et il n’y a rien de déshonorant à prendre parti pour un choix plutôt que l’autre. Après tout, personne ne soutien que les handicapés devraient pouvoir se présenter aux Jeux Olympiques avec les valides : on a créé pour eux des jeux dédiés, avec des règles et des disciplines adaptées. Et personne ne juge cette séparation inhumaine ou contraire à la dignité de qui que ce soit.

      [1940 eut son De Gaulle, 2022 a son Zemmour, pétainiste de surcroît!]

      Le De Gaulle de 1940 était maurrassien, ne l’oubliez pas…

      [Pour moi, une autre de votre affirmation suivante aussi est invalidée par la candidature anti-Rassemblement National, et pro-Pécresse de Zemmour. En effet,Non!: « lorsqu’on écoute les discours électoraux en cette année 2022, le moins qu’on peut dire est que Potemkine a encore une belle carrière devant lui… »]

      Je ne vois pas très bien le rapport entre la candidature de Zemmour et le potemkinisme ambiant. Zemmour aborde très rarement les problématiques d’organisation de l’action publique.

      [Le ralliement de toute une série de tristes sires à Zemmour comme Buisson et Collard confirme encore et toujours que les polémistes d’extrême droite ne sont que des aventuriers indifférents à la nécessaire discipline que la cause du devenir français implique, mais intéressé par la promotion de leurs œuvres, n’est-ce pas?]

      Pardon, mais Collard a fait une bonne partie de son parcours politique à gauche : adhérent à la SFIO en 1964, rocardien, ami de Roland Dumas, membre du comité de soutien à François Mitterrand en 1981, membre du PS jusqu’en 1992 (ce qui ne l’empêchera pas de soutenir le trotskyste Lambert en 1988)… Collard fut toujours un aventurier multicarte, alors tirer de lui des conclusions sur les « polémistes d’extrême droite »… c’est presque ironique.

      Mais je ne comprends pas votre raisonnement. Que vient faire la « discipline » là-dedans ? Prenez Buisson, par exemple : c’est un intellectuel. D’extrême droite, certes, mais qui ne s’est jamais inscrit dans la hiérarchie d’un parti. Au nom de quelle « discipline » devrait-il soutenir tel ou tel candidat ?

      • Gugus69 dit :

        [Il y a une controverse entre les spécialistes sur la question de savoir si les enfants handicapés doivent à tout prix être scolarisés dans le système général, ou pris en charge au contraire par des structures spécialisées. En France, c’est la première doctrine qui guide les politiques publiques, essentiellement parce que l’idéologie dominante tend à nier le handicap et à en faire une simple « différence ».]
         
        Peut-être aussi, un peu, parce que créer des structures spécialisées et les faire fonctionner coûte “un pognon de dingue”. Un de mes amis a attendu trois ans une place pour son fils lourdement handicapé dans un établissement d’accueil. On en manque cruellement faute de budget.

    • Vincent dit :

      [Or en 2022, Zemmour,dénature le combat ‘anti-Potemkine ‘que Marine essaye de mener comme d’autres candidats.En rediabolisant par des propositions ahurrissantes sur les handicapés,sur Dreyfus et Pétain,l’argumenatire sur la mondialisation et ses migrations invasives,Zemmour affaiblit la réflexion citoyenne et le bon choix qui pourrait en découler.1940 eut son De Gaulle,2022 a son Zemmour,pétainiste de surcroît!]
       
      Je trouve que vous faites à Zemmour un mauvais procès :
      – sur le combat anti-Potemkine : cela fait plus de 20 ans qu’il a pour obsession la lutte contre la perte de pouvoir de l’Etat. Rappelez vous que son premier livre politique, sorti en 1997, s’appelait “le coup d’Etat des juges”… On peut difficilement l’accuser de vouloir continuer à entretenir l’illusion d’un Etat tout puissant, alors qu’il est le premier depuis des années à expliquer et théoriser l’inverse.
      – sur les propositions sur les handicapés : il a dit, certes maladroitement, la même chose que ce que revendiquent la plupart des associations de handicapés, qui veulent des structures adaptées pour leurs enfants inaptes à être scolarisé en milieu normal. Problème : cela coûte plus cher. Et des centaines d’enfants français handicapés sont obligés d’aller en Belgique pour pouvoir trouver des structures adaptées. Même Libération avait dans un premier temps (avant de se raviser) titré “Handicapés : et si Zemmour avait raison ?”
      – sur Dreyfus et Pétain. Je me trompe peut être, mais il a abandonné ces thématiques depuis qu’il a franchi le Rubicon. Et ses propos étaient toujours relativement subtils et justifiables. Même s’ils sont -je le concède volontiers- inappropriés dans la bouche d’un politique (qu’il n’était pas encore),
      – je pense que vous avez tort d’opposer gaullisme et pétainisme d’un point de vue politique. Les deux étaient d’inspiration maurassienne. Leurs grosses différences étaient que l’un était un défaitiste souhaitant préserver ce qui peut l’être et l’autre un combattif, souhaitant viser le plus haut. Et effectivement, je vous rejoindrais sur le fait que Zemmour est sans doute, culturellement, influencé directement ou indirectement par la pensée maurassienne. Mais faut il le mettre dans le camp de ceux qui acceptent la domination étrangère et s’y résignent, ou de ceux qui cherchent à relever la tête et le pays ?

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [– je pense que vous avez tort d’opposer gaullisme et pétainisme d’un point de vue politique. Les deux étaient d’inspiration maurassienne. Leurs grosses différences étaient que l’un était un défaitiste souhaitant préserver ce qui peut l’être et l’autre un combattif, souhaitant viser le plus haut.]

        Cette vision me paraît un peu réductrice. Une fois encore, je vous renvoie au « Siècle de monsieur Pétain » de Slama. La principale différence entre Pétain et De Gaulle, est que le premier rêvait d’un régime politique unanimiste fondé sur les corporations, qui aurait évacué toute différence politique, alors que De Gaulle au contraire tenait ces différences pour irréductibles. Si l’on considère que la démocratie est d’abord un régime qui vise à gérer les différences, alors que les régimes totalitaires cherchent à les effacer, on peut voir que De Gaulle et Pétain ne sont pas du même côté de la barrière.

        On peut d’ailleurs observer que le « en même temps » Macronien, cette idée que des hommes de bonne volonté peuvent toujours s’entendre sur une politique commune, est assez proche de la vision pétainiste. Zemmour ne s’inscrit certainement pas dans cette logique.

        [Et effectivement, je vous rejoindrais sur le fait que Zemmour est sans doute, culturellement, influencé directement ou indirectement par la pensée maurassienne.]

        Je ne vois pas en quoi. On ne trouve pas trace dans Zemmour du corporatisme maurassien, et encore moins son inspiration religieuse. On ne voit pas chez Zemmour apparaître la question de l’enracinement régional, pas plus que l’idée de nation enracinée dans « le sang et les morts », qui conduisait Maurras à denier aux juifs la nationalité française. On voit mal d’ailleurs comment une « influence maurassienne » serait compatible avec l’assimilationnisme assumé de Zemmour.

        • Vincent dit :

           
          Je ne suis pas expert de Maurras, mais il me semble que la dimension religieuse était chez lui absente. Il était, si je ne m’abuse, un clérical athée, c’est à dire qu’il était attaché au rôle culturel de l’Eglise catholique et au maintien de son corpus de valeurs comme fondement de la société, mais sans qu’il n’y ait aucune motivation religieuse derrière. En ce sens, il n’est pas très éloigné de Zemmour actuellement.
          Sur l’antisémitisme de Maurras, il me semble qu’il était avant tout basé sur le soupçon d’antipatriotisme, et qu’il a évolué suite à la 1ère guerre Mondiale, et que les juifs, qui ont combattu comme les autres, ont été de ce fait réellement naturalisés pour lui. Ce qu’il combattait à travers les juifs était les citoyens qui étaient soupçonnés d’avoir des solidarités religieuses plus fortes que les solidarités nationales. Un peu comme Zemmour avec l’Oumma. Je me trompe peut-être, mais je crois comprendre que Maurras était un assimilationniste intégriste, qui n’acceptait que les religions “gallicanes”.
           
          Je vous concède une vraie différence entre Zemmour et Maurras sur la décentralisation : Maurras était un régionaliste, mais Zemmour est jacobin. Peut être cette différence provient elle du fait que nous avons fait l’expérience de la décentralisation, et de la catastrophe que cela a représenté pour le pays…
           
          En synthèse, je verrais comme points communs :
          – L’objectif d’assurer la cohésion de la France et sa grandeur, en se basant sur le patriotisme et la « Politique d’abord »
          – La critique d’une société française minée par la décadence et la corruption
          – La critique d’une France en déroute en raison d’un esprit libéral, individualiste, et romantique (on dirait aujourd’hui woke ou déconstructeur au lieu de “romantique”)
          – L’idée que “les morts gouvernent les vivants”, d’Auguste Comte, un philosophe dont se réclamait Maurras, et une phrase que Zemmour cite souvent.
          – Sur le plan philosophique, un désir d’ordre associé à un attachement inconditionnel à la raison et à la rationalité.
          – Sur le plan artistique, la défense du classicisme contre les débordements du romantisme (pour Maurras) et de l’art contemporain (Zemmour).
          – La volonté de sortir du jeu politique ceux considérés comme trahissant l’intérêt de la Nation (juifs, franc-macons, protestants, et étrangers pour Maurras ; islamistes et gauchistes déconstructeurs pour Zemmour)
          – L’exaltation de l’intérêt national (« La France seule »)
           
          Et face à cela, la principale différence est effectivement l’opposition jacobinisme / vision provincialiste…

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Je ne suis pas expert de Maurras, mais il me semble que la dimension religieuse était chez lui absente. Il était, si je ne m’abuse, un clérical athée, c’est à dire qu’il était attaché au rôle culturel de l’Eglise catholique et au maintien de son corpus de valeurs comme fondement de la société, mais sans qu’il n’y ait aucune motivation religieuse derrière.]

            Nous sommes d’accord. C’est pourquoi j’ai utilisé le mot « religieux » (de « religio », ce qui relie) et non pas « spirituelle ».

            [En ce sens, il n’est pas très éloigné de Zemmour actuellement.]

            Je n’en ai pas l’impression. Zemmour pointe la nécessité de reconnaître l’héritage chrétien de la France, mais je ne connais pas de déclaration de lui donnant un rôle à l’Eglise catholique en tant qu’institution et au clergé en tant que corps. Maurras était contre la séparation de l’Eglise et de l’Etat, je ne vois pas Zemmour prendre une telle position.

            [Sur l’antisémitisme de Maurras, il me semble qu’il était avant tout basé sur le soupçon d’antipatriotisme, et qu’il a évolué suite à la 1ère guerre Mondiale, et que les juifs, qui ont combattu comme les autres, ont été de ce fait réellement naturalisés pour lui.]

            Non. Si Maurras a accepté la discipline de « l’union sacrée » et à ce titre s’est abstenu pendant la première guerre d’exprimer son antisémitisme, cela a repris de plus belle dans les années 1930. Il faut lire ce qu’il a pu écrire : « Le Juif veut votre peau. Vous ne la lui donnerez pas ! Mais nous l’engageons à prendre garde à la sienne, s’il lui arrive de nous faire accéder au massacre universel » (1938). Jusqu’à la fin de sa vie, il a maintenu qu’il fallait « dénaturaliser » les juifs puisqu’ils constituaient une nation séparée.

            [Ce qu’il combattait à travers les juifs était les citoyens qui étaient soupçonnés d’avoir des solidarités religieuses plus fortes que les solidarités nationales. Un peu comme Zemmour avec l’Oumma. Je me trompe peut-être, mais je crois comprendre que Maurras était un assimilationniste intégriste, qui n’acceptait que les religions “gallicanes”.]

            Certainement pas. Pour Maurras, le juif était inassimilable puisque la « race française » ne se maintenait que par l’hérédité. Vous aurez du mal à trouver un seul texte de Maurras prônant l’assimilation. Ce n’est pas le cas de Zemmour, qui est un véritable assimilationniste.

            [En synthèse, je verrais comme points communs : – L’objectif d’assurer la cohésion de la France et sa grandeur, en se basant sur le patriotisme et la « Politique d’abord »]

            Je ne sais pas si chez Maurras la « grandeur » a la même signification que chez Zemmour. Probablement pas. Mais en tout cas ils ont effectivement en commun un patriotisme qui est d’abord politique.

            [– La critique d’une société française minée par la décadence et la corruption]

            Je n’ai pas beaucoup entendu Zemmour parler de « corruption », alors que c’est un thème récurrent chez Maurras.

            [– La critique d’une France en déroute en raison d’un esprit libéral, individualiste, et romantique (on dirait aujourd’hui woke ou déconstructeur au lieu de “romantique”)
            – L’idée que “les morts gouvernent les vivants”, d’Auguste Comte, un philosophe dont se réclamait Maurras, et une phrase que Zemmour cite souvent.
            – Sur le plan philosophique, un désir d’ordre associé à un attachement inconditionnel à la raison et à la rationalité.]

            Sur ces points, je suis d’accord. Zemmour comme Maurras sont des positivistes.

            [– La volonté de sortir du jeu politique ceux considérés comme trahissant l’intérêt de la Nation (juifs, franc-macons, protestants, et étrangers pour Maurras ; islamistes et gauchistes déconstructeurs pour Zemmour)]

            Là, je ne suis pas d’accord. Là ou Maurras prétend « sortir » les juifs, les francs-maçons ou les protestants, Zemmour leur propose de les inclure à travers de l’assimilation. C’est pour moi une différence fondamentale : Maurras est un essentialiste, il ne pense pas que le juif puisse s’assimiler. Zemmour accepte parfaitement l’idée d’assimilation du musulman.

            [– L’exaltation de l’intérêt national (« La France seule »)]

            Pas chez Maurras, qui se place dans une optique fédéraliste.

            [Et face à cela, la principale différence est effectivement l’opposition jacobinisme / vision provincialiste…]

            Pas seulement. Il y a d’autres différences : sur la question de l’assimilation, dont j’ai parlé plus haut. Sur la question de la République aussi : Maurras ne voyait des patriotes qu’à a droite, alors que Zemmour peut citer des communistes en exemple de patriotisme…

            • Vincent dit :

              [Certainement pas. Pour Maurras, le juif était inassimilable puisque la « race française » ne se maintenait que par l’hérédité. Vous aurez du mal à trouver un seul texte de Maurras prônant l’assimilation. Ce n’est pas le cas de Zemmour, qui est un véritable assimilationniste.]

              Là encore, je me trompe peut-être. Mais il me semble que Maurras considérait que les français de confession israélite, qui avaient fait la preuve, notamment dans les tranchées, qu’ils étaient de bons français, n’étaient pas des juifs, mais simplement des israélites français.
              C’est tout de même une forme d’assimilationnisme, non ?
              Même si effectivement, il n’a jamais cessé d’en vouloir aux “juifs” ; mais pour lui, ce mot incluait justement un refus d’assimilation, par opposition aux israélites…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Là encore, je me trompe peut-être. Mais il me semble que Maurras considérait que les français de confession israélite, qui avaient fait la preuve, notamment dans les tranchées, qu’ils étaient de bons français, n’étaient pas des juifs, mais simplement des israélites français.]

              Je pense que vous vous trompez. Maurras a fait une concession au réalisme politique après 1918, car il était difficile devant l’opinion publique de ne pas reconnaître les juifs qui étaient passés par les tranchées – et à ceux qui étaient restés – comme membres de la communauté nationale. Mais c’est une pure concession tactique : dans la pensée maurassienne, ou la « race française » se perpétue par l’hérédité, il n’y a pas de place pour l’assimilation.

              La vision antisémite de Maurras est une vision « essentialiste ». Le juif et le français sont différents par essence, et une essence est immuable. On ne peut la changer ni par la volonté, ni par l’acculturation. L’idée que le juif pourrait devenir français – ou démontrer qu’il l’est – par l’épreuve des tranchées irait totalement contre cette vision essentialiste, puisque ce serait admettre qu’il y a des juifs et des juifs, que certains sont des « vrais français » et d’autres pas, et qu’il n’existe donc pas une « essence » juive opposée à « l’essence » française.

            • Vincent dit :

              Je n’en ai pas l’impression. Zemmour pointe la nécessité de reconnaître l’héritage chrétien de la France, mais je ne connais pas de déclaration de lui donnant un rôle à l’Eglise catholique en tant qu’institution et au clergé en tant que corps. Maurras était contre la séparation de l’Eglise et de l’Etat, je ne vois pas Zemmour prendre une telle position.

              Il ne faut pas faire d’anachronisme. La question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat telle qu’elle pouvait exister dans l’ancien temps ne se pose plus. Même si je l’ai déjà entendu faire l’école du concordat, qui n’était pas du tout une séparation de l’Eglise et de l’Etat, au contraire.
               
              Mais surtout, Maurras à l’époque comme Zemmour aujourd’hui sont de ceux qui considèrent, autant qu’il est possible à leur époque, qu’il faut laisser l’église au centre du village, et ne pas s’assoir sur les systèmes de valeurs partagés, d’origine catholique, qui font la société. Cela se décline aujourd’hui différemment d’il y a un siècle. Mais la filiation intellectuelle est pour moi assez nette.
               
              Que les choses soient bien claire. Je ne veux pas ici dire que Zemmour est un monstre car il est le descendant de Maurras. Je mets le Gal de Gaulle également dans la même filiation intellectuelle.
              Et vous avez raison concernant Pétain, il y a une grosse différence entre lui d’un côté, de Gaulle ou Zemmour de l’autre : s’ils sont tous dans une pensée d’inspiration maurrassienne, ils ne considèrent pas que les opposants sont illégitimes. De Gaulle a certes gouverné avec le PCF, mais dans le cadre d’un débat entre parties en désaccord, recherchant un compromis, plutôt que dans un refus de la légitimité du désaccord.
               
               

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Il ne faut pas faire d’anachronisme. La question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat telle qu’elle pouvait exister dans l’ancien temps ne se pose plus.]

              Je ne suis pas d’accord. Le débat sur la séparation des égliseS (notez le S final) et de l’Etat se pose aujourd’hui presque dans les mêmes termes qu’en 1905 : est-ce que la religion est une question privée ou publique ? Le problème POLITIQUE qui y est associé est bien évidemment différent : aujourd’hui, aucune institution religieuse n’est en mesure de défier l’Etat. Mais la question de fond demeure exactement la même.

              [Même si je l’ai déjà entendu faire l’école du concordat, qui n’était pas du tout une séparation de l’Eglise et de l’Etat, au contraire.]

              J’imagine que vous voulez dire « éloge du concordat ». Je ne me souviens pas d’avoir entendu ça dans sa bouche. Pouvez-vous être plus précis ?

              [Mais surtout, Maurras à l’époque comme Zemmour aujourd’hui sont de ceux qui considèrent, autant qu’il est possible à leur époque, qu’il faut laisser l’église au centre du village, et ne pas s’assoir sur les systèmes de valeurs partagés, d’origine catholique, qui font la société. Cela se décline aujourd’hui différemment d’il y a un siècle. Mais la filiation intellectuelle est pour moi assez nette.]

              Formulé comme ça, vous trouverez cette « filiation » chez tous les hommes politiques qui n’adhèrent pas à la vision « multiculturaliste ». Je trouve qu’en faire des héritiers de Maurras est un peu excessif.

              [Que les choses soient bien claire. Je ne veux pas ici dire que Zemmour est un monstre car il est le descendant de Maurras. Je mets le Gal de Gaulle également dans la même filiation intellectuelle.]

              Là encore, je diffère. Que De Gaulle fut maurrassien dans sa jeunesse, c’est un fait. Mais on ne peut pas dire que son œuvre politique soit marquée par cette filiation. En particulier, il serait difficile de voir dans la pensée politique de De Gaulle le côté clérical, régionaliste et anti-moderne de Maurras. C’est aussi le cas de Zemmour : on imagine mal Maurras défendre le nucléaire !

              [De Gaulle a certes gouverné avec le PCF, mais dans le cadre d’un débat entre parties en désaccord, recherchant un compromis, plutôt que dans un refus de la légitimité du désaccord.]

              Tout à fait. En ce sens, la négation du conflit telle qu’on la trouve dans la synthèse macronienne est bien plus proche du Maréchal que ne peut l’être Zemmour.

            • Vincent dit :

              J’imagine que vous voulez dire « éloge du concordat ». Je ne me souviens pas d’avoir entendu ça dans sa bouche. Pouvez-vous être plus précis ?

              Je ne sais plus exactement où et quand. Mais j’ai retenu qu’il avait, en gros, dit vouloir faire avec les musulmans exactement la même chose que ce qu’avait fait Napoléon avec les juifs, en reprenant la célèbre phrase de Clermont-Tonnerre.
              Soit en gros imposer par l’autorité publique des articles relevant normalement du dogme religieux. Ce qui est très éloigné d’une séparation des églises et de l’Etat.
               

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je ne sais plus exactement où et quand. Mais j’ai retenu qu’il avait, en gros, dit vouloir faire avec les musulmans exactement la même chose que ce qu’avait fait Napoléon avec les juifs, en reprenant la célèbre phrase de Clermont-Tonnerre. Soit en gros imposer par l’autorité publique des articles relevant normalement du dogme religieux. Ce qui est très éloigné d’une séparation des églises et de l’Etat.]

              Je ne vois pas très bien le rapport avec le Concordat, qui est un accord entre l’Eglise catholique et l’Etat accordant à l’Eglise un certain nombre de privilèges (rémunération des prêtres, usage de certains bâtiments, etc.). Que je sache, Napoléon n’a jamais proposé aux juifs un « concordat ».

              Mais surtout, Napoléon n’a jamais songé à « imposer par l’autorité publique des articles relevant normalement du dogme religieux ». Les « douze questions » posées par l’Empereur au Sanhedrin ne portent pas du tout sur des questions de dogme religieux, mais de droit civil et d’état des personnes. Elles sont dans la droite ligne qui aboutira à la séparation des églises et de l’Etat, à savoir, la religion est une affaire privée et la loi civile est l’affaire de l’Etat. Napoléon n’a jamais songé à dire aux juifs ce qu’ils devaient CROIRE, il leur demandait simplement s’ils étaient prêts à considérer la loi civile comme supérieure à la loi religieuse. Les représentants de la communauté juive l’ont d’ailleurs très bien compris, comme le montre la réponse à la deuxième question:

              “Aux yeux de chaque Israélite, sans exception, la soumission au prince est le premier des devoirs. C’est un principe généralement reconnu parmi eux que, dans tout ce qui concerne les intérêts civils ou politiques, la loi de l’État est la loi suprême. (…) Depuis la révolution, ils n’ont reconnu d’autre loi que celle de l’empire. À l’époque où ils étaient admis au rang de citoyens, les rabbins et les principaux juifs comparurent devant les municipalités de leurs lieux de résidence respectifs et prêtèrent serment de se conformer en toutes choses aux lois et de ne pas reconnaître d’autres règles. en toute matière civile …”

              Il n’y a là rien de contraire à l’esprit de la séparation des églises et de l’Etat, au contraire. La séparation fait de l’Etat le seul maître de la loi civile.

  3. Gérard Jeannesson dit :

    Un portrait lucide, sans fard, de la situation et du désastre dans lequel notre pays s’enfonce.
    Mais  quelle issue trouver à cela?
    Comment reprendre en mains ou reconstruire tous ces outils qui ont été négligés, bradés, détruits?…

    • Descartes dit :

      @ Gérard Jeannesson

      [Mais quelle issue trouver à cela ? Comment reprendre en mains ou reconstruire tous ces outils qui ont été négligés, bradés, détruits ?…]

      D’abord, et je vais peut-être surprendre quelques-uns de mes lecteurs, il faudrait commencer par une PRISE DE CONSCIENCE. Je ne suis pas sûr en effet que nos concitoyens soient vraiment conscients de l’étendue des dégâts, pas plus que du caractère essentiel des outils en question. Je veux bien que les sujets concernant le fonctionnement de la haute fonction publique soient plutôt abscons et peu accessibles à nos concitoyens. On ne peut pas reprocher aux Français de ne pas avoir manifesté pour protester contre la suppression des corps d’inspection alors que pour la plupart d’entre eux ils ne savent pas à quoi ils servent, où rejeté l’extension de l’ARENH alors qu’il n’y en a pas un sur cent qui sache ce que c’est. Mais prenez par exemple la suppression récente du corps préfectoral. Alors que les préfets sont une autorité bien connue – et plutôt appréciée – par les Français, qu’ils apparaissent à chaque crise comme le dernier recours, la chose est passée comme une lettre à la poste, pratiquement sans débat, dans le désintérêt le plus général.

      Ensuite, les possibilités de reconstruction dépendent beaucoup d’un rapport de forces structurel. Tant que le bloc dominant fait de l’alliance des classes intermédiaires et de la bourgeoisie tiendra, difficile d’imaginer que l’idéologie « libérale-libertaire » cède du terrain.

  4. BrunoC dit :

    Cher Descartes,
    Merci pour vos écrits.Savez-vous dater le basculement d’un système étatique efficace au délabrement actuel ? L’idéologie néo-libérale est-elle une mauvaise réponse à la crise pétrolière de 1974 ?Comment expliquez-vous cette espèce de rage de détruire ce qui reste debout (hôpitaux, trésoreries) ?
    Merci de vos lumières.

    • Descartes dit :

      @ BrunoC

      [Savez-vous dater le basculement d’un système étatique efficace au délabrement actuel ? L’idéologie néo-libérale est-elle une mauvaise réponse à la crise pétrolière de 1974 ?]

      Il est difficile de dater précisément une transformation qui a été relativement graduelle. On peut cependant trouver deux « tournants » : le premier est bien entendu mai 1968, lorsqu’au nom de la toute-puissance individuelle un secteur dominant de la société conteste l’idée même d’institution. C’est à ce moment-là que s’amorce le tournant « libéral-libertaire » dans la société, même s’il n’est pas tout de suite perceptible dans l’appareil de l’Etat. D’une part, parce que la politique comme la haute fonction publique restent dominées par la génération issue de la guerre et de la reconstruction, d’autre part parce que la formation des hauts cadres de l’Etat reste l’apanage des institutions d’excellence qui ont « fait corps » et évité la vague.

      La véritable rupture arrive en 1981 et l’arrivée de « la gauche » – en fait, du Parti mitterrandien – au pouvoir. C’est alors que les « libertaires » qui avaient impulsé 1968 et qui depuis se contentaient d’écrire des livres, d’animer des collectifs et de signer des pétitions gagnent l’accès aux institutions et au pouvoir politique. On assistera alors à la convergence objective entre la droite « libérale », qui a toujours été séduite par la vision anglo-saxonne d’un Etat minimal réduit à ses fonctions régaliennes, et une gauche « libertaire » qui rejette toute institution répressive. Les uns pariaient sur l’entreprise et le marché, les autres sur la démocratie directe et l’autogestion, mais ils avaient un ennemi commun, l’Etat gaullo-communiste. C’est cela qui a fait que les politiques qui ont vidé progressivement l’Etat de ses forces ont pu se poursuivre malgré les alternances avec une remarquable constance.

      Bien sûr, cette cohérence entre « libéraux » et « libertaires » ne tombe pas du ciel. Si elle est possible, c’est parce qu’au-delà du fossé idéologique les uns et les autres représentent la même classe sociale. D’où cette synthèse « libérale-libertaire » qui a fini par devenir la boussole idéologique de nos sociétés.

      [Comment expliquez-vous cette espèce de rage de détruire ce qui reste debout (hôpitaux, trésoreries) ?]

      J’aurais tendance à vous répondre avec la formule de Nietzche : « je suis vivant, puisque je peux détruire ». Pour le politique, la destruction a toujours été la voie la plus facile pour donner l’illusion qu’il laisse une œuvre derrière lui. Construire, c’est souvent une œuvre de longue haleine, presque toujours une œuvre collective. Ceux qui ont mis en marche le plan électronucléaire avaient quitté le pouvoir depuis bien longtemps lorsque le nouveau parc nucléaire commence à marquer le paysage énergétique. Pendant cinq, dix, quinze ans ils n’ont pas eu grande chose à montrer, à faire valoir dans un bilan électoral. Par contre, fermer, supprimer, détruire, cela se fait d’un trait de plume et tout de suite. La preuve : quiconque suit un peu les affaires sait que Superphénix a été fermé par décision de Jospin, que la fermeture de Fessenheim a été décidée par Macron. Seriez-vous capable de me dire – sans regarder wikipédia, cela va de soi – qui a décidé leur construction ?

      Dans une époque qui privilégie l’immédiateté et la toute-puissance individuelle, la destruction est toujours un meilleur argument que la construction. La construction d’une institution, d’un ouvrage, d’une idée est toujours une question complexe et souvent collective, la destruction est immédiate, simple, individuelle. Tout ce qui plait au public de BFMTV.

  5. Jojo dit :

     
    Cher Descartes,
    Merci encore pour votre blog ! Quelle bouffée d’air frais dans le conformisme ambiant… J’apprécie particulièrement le fait que vous inscriviez vos analyses dans le temps long et montriez bien l’évolution de notre société, de la haute fonction publique et de nos élus par rapport au temps plus ancien (que je n’ai pas connu ou alors enfant).
    Le contenu de ce dernier billet fait malheureusement écho avec une actualité récente de l’Education Nationale. En effet, j’ai appris avec effroi que le ministère avait payé 500 000 € le cabinet privé Mc Kinsley pour un rapport sur l’évolution du métier d’enseignant ! (lien ici https://urlz.fr/hdU9)
    Je dois dire que les bras m’en sont tombés devant une telle attitude.
    Pourquoi faire appel à un cabinet privé et dépenser de l’argent qui serait bien mieux utilisé ailleurs alors qu’en interne, il doit y avoir les compétences pour faire ce travail !
    Est-ce le copinage, comme vous dites, qui a tout gangrené ou alors la baisse de qualité des hauts fonctionnaires à fait qu’il faille désormais avoir recours à des prestataires extérieurs ? Je ne sais trop quoi en penser…
    Au delà de ce fait précis, j’aimerai, si possible, avoir votre avis sur ce recours de plus en plus important à ces cabinets de conseils ? Et sur ce que cela peut éventuellement signifier….
     

    • Descartes dit :

      @ jojo

      [Le contenu de ce dernier billet fait malheureusement écho avec une actualité récente de l’Education Nationale. En effet, j’ai appris avec effroi que le ministère avait payé 500 000 € le cabinet privé Mc Kinsley pour un rapport sur l’évolution du métier d’enseignant ! (…) Pourquoi faire appel à un cabinet privé et dépenser de l’argent qui serait bien mieux utilisé ailleurs alors qu’en interne, il doit y avoir les compétences pour faire ce travail !]

      Beh non, justement. Croyez que je ne suis pas partisan d’avoir recours à des cabinets de conseil pour faire le travail de réflexion et de prospective qui devrait être fait par des fonctionnaires. Mais la triste réalité est que l’Etat n’a plus, en interne, ces compétences. Et cela tient à plusieurs raisons : d’abord, parce que la réduction permanente des effectifs a fait que la charge de travail des hauts fonctionnaires et agents publics de ce niveau est devenue telle qu’ils n’ont tout simplement plus le temps de la réflexion. Quand je suis rentré dans le métier, il était possible de se garder un ou deux après-midi par semaine pour lire des rapports, pour discuter avec des collègues, pour réflechir… ce n’est tout simplement plus possible pour les jeunes collègues de le faire. Le tout-venant et la gestion des urgences absorbe tout le temps disponible.

      A cela s’ajoute la gestion des corps qui avaient pour mission de conduire ce type de réflexion, c’est-à-dire, ce qu’on appelait les inspections générales et autres conseils généraux. On y désignait naguère des fonctionnaires en fin de carrière, ayant accumulé une longue expérience dans des postes divers. N’ayant plus rien à perdre et rien à gagner, ils pouvaient conduire une réflexion indépendante et n’hésitaient pas à dire au politique des vérités désagréables. Ces réservoirs de compétences ne jouent plus leur rôle : d’une part, parce que les hauts fonctionnaires expérimentés et compétents trouvent à se recaser bien mieux dans le privé, qui leur offre des conditions autrement plus attractives – et pas seulement en termes financiers. Et d’autre part, parce que ces corps servent de plsu en plus au « recasage » des copains par le politique. Il suffit d’un petit coup de « google » pour trouver des exemples : ainsi par exemple celui de Nicolas Idier. Conseiller « discours » puis « prospective » de Castex, après avoir été attaché culturel et directeur de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image à Angoulême, il est nommé à 40 ans inspecteur général de l’éducation nationale et de la recherche. Comment imaginer qu’une personne qui n’a jamais enseigné, dont les centres d’intérêt sont surtout la diplomatie culturelle, pourrait conduire des missions de réflexion sur l’organisation de l’école, la réforme du lycée, les programmes, ou tout autre sujet éducatif ?

      [Est-ce le copinage, comme vous dites, qui a tout gangrené ou alors la baisse de qualité des hauts fonctionnaires à fait qu’il faille désormais avoir recours à des prestataires extérieurs ? Je ne sais trop quoi en penser…]

      C’est l’effet combiné de la baisse des ressources internes et du copinage, oui.

      [Au-delà de ce fait précis, j’aimerai, si possible, avoir votre avis sur ce recours de plus en plus important à ces cabinets de conseils ? Et sur ce que cela peut éventuellement signifier….]

      D’une part, il y a une question de ressources. L’Etat est de plus en plus dimensionné en fonction de la gestion quotidienne et surtout de la gestion des urgences. Il n’y a nulle part des réserves, du « gras ». Et lorsque le quotidien absorbe tous les efforts, il est difficile de s’abstraire et s’engager dans une réflexion prospective.

      Il y a aussi une question d’indépendance, tant il est vrai que celui qui paye les musiciens choisit la musique… Les fonctionnaires sont protégés par un statut, et lorsqu’on leur demande de réfléchir ils auront tendance à dire ce leur conviction. Les cabinets de conseil sont mercenaires, et savent très bien qu’on les appelle moins pour trouver des idées originales, que pour construire des arguments validant la position prise ex ante du ministre. Là où une inspection générale exprimera son avis, un cabinet de conseil dira ce qu’on veut qu’il dise.

      Cela donne des choses amusantes, d’ailleurs. Pour empêcher que les ministres aient recours aux cabinets de conseil en fonction de leur positionnement idéologique, les fonctionnaires de Bercy ont inventé le « tourniquet » : l’Etat contractualise avec plusieurs cabinets, et lorsqu’une demande arrive elle sera traitée par le cabinet dont c’est le « tour », sans que le ministère demandeur puisse choisir. Certains petits malins s’informent donc de l’état du « tourniquet », et n’envoient leur demande que lorsqu’ils savent que le prochain tour échoit au cabinet qu’ils ont envie d’avoir !

  6. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
     
    Bonjour,
     
    Votre excellent billet, un tantinet désabusé cependant me pose tout de même question. Ce que je retiens de vos propos, en général, dès que l’on émet une critique sur la fonction publique, vos cheveux (au figuré) se hérissent. Or là, béotien que je suis en la matière, j’aurais tendance à moins dramatiser que vous.
    Si les Français, dans leur grande majorité, pestent contre l’autorité publique c’est probablement à cause de diverses raisons. D’abord leur ADN frondeur, mais passons. Ensuite, sans bien comprendre les arcanes de la fonction publique, ils sentent intuitivement, que dans de nombreux cas, ça merdoit dans la maison. Et il n’est pas étonnant qu’ils l’expriment avec agacement quelquefois. Enfin, et je sais que je vais à l’encontre de vos convictions, la lourdeur administrative vient probablement bien moins des agents que des réseaux structurels liés à la grande centralisation de notre administration.
    Notre époque nécessite une grande réactivité dans de nombreuses situations, ce qui ne semble pas toujours être le souci de l’appareil d’Etat.
    Au nom d’une multitude de principes, de textes, d’organisations institutionnelles, les procédures deviennent souvent, malgré les efforts tentés, d’une complexité kafkaïenne. Ce qui était probablement nécessaire il y a 75 ans ne tient plus actuellement.
    Là où je vous rejoins, c’est dans la nécessité absolue de « mettre tout à plat » et reposer dans son ensemble les bases du fonctionnement des institutions. Mais qui est prêt, dans la fonction publique, d’Etat ou territoriale à ouvrir la boite de Pandore ? Qui y est prêt dans le personnel politique ? Où trouvera-t-il une majorité ?
    Parce que la plupart des agents de l’Etat – comme tout individu « normal » d’ailleurs – rechigne à remettre en cause son mode de vie au travail, surtout s’il n’en souffre pas, la mission est quasiment utopique. Et qui va avoir le courage de se suicider politiquement pour lancer l’opération ?
    Un peuple ne peut adhérer à une vaste vision de l’avenir que s’il fait un minimum de confiance à la façon dont le présent est administré. Si ce n’est pas le cas, comme présentement, il n’est pas étonnant qu’il se contente de rustines, immédiates et ponctuelles.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Ce que je retiens de vos propos, en général, dès que l’on émet une critique sur la fonction publique, vos cheveux (au figuré) se hérissent.]

      Tout à fait. Parce que la fonction publique est diverse : entre un agent de la police nationale, un enseignant de lycée, un conseiller d’ambassade, un praticien hospitalier, un juge administratif, un légionnaire, qu’y a-t-il de commun ? Le fait de servir l’Etat. Alors, je peux admettre qu’on critique l’agent de police, l’enseignant, l’ambassadeur ou le juge. Mais lorsqu’on critique « la fonction publique » en général, ce qu’on est en train de critiquer, c’est ce qui est commun à eux tous, c’est-à-dire, le fait de servir l’Etat. Et cela, oui, cela m’hérisse.

      [Si les Français, dans leur grande majorité, pestent contre l’autorité publique c’est probablement à cause de diverses raisons. D’abord leur ADN frondeur, mais passons. Ensuite, sans bien comprendre les arcanes de la fonction publique, ils sentent intuitivement, que dans de nombreux cas, ça merdoit dans la maison. Et il n’est pas étonnant qu’ils l’expriment avec agacement quelquefois.]

      Qu’ils l’expriment, cela ne me gêne pas. Ce qui me gêne, c’est qu’ils se trompent de responsables, et qu’ils n’assument pas les conséquences de leurs choix. Tout le monde vote pour baisser les impôts et le nombre de fonctionnaires, et ensuite les mêmes gueulent quand « ça merdoie ». Il faut d’ailleurs nuancer le propos : ce sont surtout les classes intermédiaires qui jouent ce jeu.

      [Enfin, et je sais que je vais à l’encontre de vos convictions, la lourdeur administrative vient probablement bien moins des agents que des réseaux structurels liés à la grande centralisation de notre administration. Notre époque nécessite une grande réactivité dans de nombreuses situations, ce qui ne semble pas toujours être le souci de l’appareil d’Etat.]

      Vous répétez cette affirmation, mais elle ne résiste l’examen des faits. Je soumets ceci à votre sagacité : dans les années 1945-70, l’Etat était bien plus réactif qu’aujourd’hui. En 1945, il a fallu à peine trois mois pour créer le CEA. En 1946, un an pour construire et démarrer le premier réacteur nucléaire français. On a construit 58 réacteurs nucléaires en 15 ans. Diriez-vous que l’Etat à l’époque était moins centralisé qu’aujourd’hui ? Non, vous faites erreur : ce sont les structures les plus centralisées et hiérarchisées qui sont souvent les plus réactives. Ce n’est pas par hasard si c’est ainsi qu’on organise les armées.

      [Au nom d’une multitude de principes, de textes, d’organisations institutionnelles, les procédures deviennent souvent, malgré les efforts tentés, d’une complexité kafkaïenne. Ce qui était probablement nécessaire il y a 75 ans ne tient plus actuellement.]

      Mais de quoi parlez-vous ? Il y a 75 ans on n’avait pas cette « multitude de principes, de textes, d’organisations institutionnelles, de procédures ». Regardez les textes qu’on faisait à l’époque : ils étaient beaucoup plus courts, beaucoup plus simples, et beaucoup plus généraux. Parce qu’à l’époque, on avait confiance dans les fonctionnaires pour faire bien les choses avec un minimum de contrôle. On n’avait pas besoin de tout préciser ou de protéger l’action publique des recours à répétition.

      Pour vous parler encore du sujet que je connais : on a construit 58 réacteurs nucléaires en France sans avoir une « autorité administrative indépendante » pour s’occuper de la sûreté. Le contrôle était assuré par un service (le SCSIN, service central de la sûreté des installations nucléaires) dont la base légale se réduisait à un simple article de loi. Aujourd’hui, il faut une « autorité administrative indépendante » dont les pouvoirs sont définis par une loi de plusieurs dizaines d’articles sans compter les décrets d’application. Est-ce que la sûreté nucléaire a gagné ? Non. Mais construire un réacteur prend dix ans là où cela prenait cinq ans à l’époque. Et qui a demandé cette complexité ? Pas l’administration, mais les citoyens. Alors, faut savoir ce qu’on veut.

      [Là où je vous rejoins, c’est dans la nécessité absolue de « mettre tout à plat » et reposer dans son ensemble les bases du fonctionnement des institutions. Mais qui est prêt, dans la fonction publique, d’Etat ou territoriale à ouvrir la boite de Pandore ? Qui y est prêt dans le personnel politique ? Où trouvera-t-il une majorité ?]

      Cela dépend. Si l’objectif de redonner à l’Etat sa force et son efficacité est clairement exprimé et appuyé par des engagements crédibles, je peux vous assurer que la plupart des fonctionnaires seraient partants. Bien sûr, si la remise à plat n’est qu’un prétexte pour la n-ième campagne d’économies, de privatisations et de transfert de pouvoirs à Bruxelles ou aux barons locaux, la réponse ne sera pas du tout la même.

      [Parce que la plupart des agents de l’Etat – comme tout individu « normal » d’ailleurs – rechigne à remettre en cause son mode de vie au travail, surtout s’il n’en souffre pas, la mission est quasiment utopique. Et qui va avoir le courage de se suicider politiquement pour lancer l’opération ?]

      Vous posez comme une évidence que les « individus normaux » n’aiment pas le changement. Or, cela dépend beaucoup de la nature de ce changement. Oui, les agents publics sont échaudés par une période de trente ans pendant laquelle chaque « remise en cause » s’est traduit par moins de projets, moins de missions, moins de moyens. Au point que pour les gens de ma génération il devient difficile d’imaginer qu’une réforme puisse vouloir dire autre chose. Mais proposez une réforme dans laquelle l’Etat aura plus de moyens pour conduire plus de projets, pour améliorer les service et en créer des nouveaux, et vous verrez s’ils n’adhérent pas…

  7. Jacobin dit :

    Bonjour Descartes,
    meilleurs voeux et merci pour ce texte.
    Je partage votre diagnostic, mais le vidage du sens des missions confiées à la fonction publique et les évolutions connues par la haute fonction publique ont été pour une bonne part pilotées par la haute fonction publique elle-même. Les sortis de l’X qui choisissaient les grands corps (il faut être dans les 50 premiers sur 400 pour intégrer les Ponts, les 10 premiers allant aux Mines) voyent les bas de classement gagner bien plus dans le privé… d’où la managérialisation des grands corps techniques (notamment à coup de fusions, qui rend impensable l’absorption du corpus technique des corps fusionnés, et amène naturellement vers le plus petit dénominateur commun : le “savoir-être”). Cette managérialisation sans contenu de fond permet mieux de se vendre dans le privé une fois le carnet d’adresses rempli (le fameux pantouflage). D’où aussi la perte de savoir-faire de haut niveau en leur sein (c’est particulièrement vrai en matière d’ouvrages d’art par exemple), et les conséquences inévitables : externalisations, privatisations, etc. Sans compter que le virage de la formation doctorale a été très peu pris par les grands corps pour répondre à des problèmes complexes et à jour des avancées de la science (et encore : le corps des Ponts, par exemple, qui a une telle politique de formation, ne sait pas très bien quoi faire des docteurs qu’il s’encourage à avoir).
    Je suis d’accord qu’il faudrait refonder une véritable haute fonction publique d’intérêt général, mais je souhaite bon courage à celui qui s’y risquera. Avec la suppression de l’ENA, Macron ne fait qu’avaliser une situation déjà engagée de longue date, et les derniers des Mohicans (quelques préfets, quelques diplomates, quelques ingénieurs de bastions techniques (mais de plus en plus à poils) comme l’IGN ou Météo-France) ne pourront pas le rester éternellement, soit qu’on ne leur laissera pas le choix d’intégrer le corps unique, soit, s’ils essaient de “garder les meubles”, de voir leur carrière stagner de façon suffisamment dissuasive (le corps unique est soit déjà acté pour la filière administrative, soit très probable pour les corps techniques).
    L’étrange défaite est donc encore à advenir.
     

    • Descartes dit :

      @ Jacobin

      [Je partage votre diagnostic, mais le vidage du sens des missions confiées à la fonction publique et les évolutions connues par la haute fonction publique ont été pour une bonne part pilotées par la haute fonction publique elle-même.]

      Bien entendu. La haute fonction publique fait ce que lui dit le politique.

      [Les sortis de l’X qui choisissaient les grands corps (il faut être dans les 50 premiers sur 400 pour intégrer les Ponts, les 10 premiers allant aux Mines) voyent les bas de classement gagner bien plus dans le privé…]

      Je ne pense pas que ce soit une question de salaire – enfin, pas seulement. Un ingénieur des mines ou des ponts qui entrait dans la fonction publique jusqu’aux années 1960-80 pouvait s’investir dans des projets intéressants : il pouvait s’investir dans le programme électronucléaire. Ou participer au projet TGV. Ou bien aller trainer ses guêtres dans le plan calcul. Ou bien intervenir dans le plan téléphone et la construction des premiers réseaux informatiques. S’il aimait les mathématiques, il pouvait faire un tour dans les assurances ou les banques publiques. Et même s’il était moins bien payé que dans le secteur privé, il savait qu’en termes d’intérêt des projets et « sens » du métier, c’était payant.

      Aujourd’hui, il est devenu pratiquement impossible pour les ingénieurs des corps techniques de faire une véritable carrière d’ingénieur dans le service public. Aujourd’hui, on ne peut faire du « terrain » et acquérir une véritable expérience technique que dans le privé. C’est cela qui fait que les corps techniques se rapprochent de plus en plus des corps administratifs, cette « managérialisation » dont vous parlez.

      [D’où aussi la perte de savoir-faire de haut niveau en leur sein (c’est particulièrement vrai en matière d’ouvrages d’art par exemple), et les conséquences inévitables : externalisations, privatisations, etc.]

      J’aurais tendance à dire l’inverse : c’est la privatisation et l’externalisation qui ont rendu impossible une carrière technique au sein de la fonction publique. Ceux qui veulent faire du technique n’ont d’autre choix que le privé – à l’exception de certains ilots de service public comme EDF ou la SNCF, et encore. La « managérialisation » n’est pas la cause de la privatisation, c’est la conséquence.

      [Sans compter que le virage de la formation doctorale a été très peu pris par les grands corps pour répondre à des problèmes complexes et à jour des avancées de la science (et encore : le corps des Ponts, par exemple, qui a une telle politique de formation, ne sait pas très bien quoi faire des docteurs qu’il s’encourage à avoir).]

      Je suis personnellement sceptique sur l’intérêt de la formation doctorale. Elle est certainement utile pour ceux qui veulent faire de l’enseignement et de la recherche. Je ne suis pas sûr pour les autres.

      [Je suis d’accord qu’il faudrait refonder une véritable haute fonction publique d’intérêt général, mais je souhaite bon courage à celui qui s’y risquera.]

      Il faudra je pense une crise comme celle de 1940 pour permettre une prise de conscience.

  8. BJ dit :

    @ Descartes
     
    [Il faudra je pense une crise comme celle de 1940 pour permettre une prise de conscience.]
     
    Pouvez-vous développer un peu, svp, car je ne pense pas que vous soyez de ceux qui pensent “qu’il faudrait une bonne guerre” !

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [“Il faudra je pense une crise comme celle de 1940 pour permettre une prise de conscience.” Pouvez-vous développer un peu, svp, car je ne pense pas que vous soyez de ceux qui pensent “qu’il faudrait une bonne guerre” !]

      J’aurais tendance à réagir en disant qu’il n’y a pas de “bonne” guerre… Mais sur la question de savoir s’il “faudrait une guerre”, je vous avoue que je m’interroge. Une guerre, c’est peut-être excessif. Mais l’idée que les gens – et tout particulièrement les jeunes – puissent être confrontés à des situations qui leur fassent prendre conscience de la fragilité de la condition humaine et leur donnent un sens du tragique n’est pas pour me déplaire. Je n’ai pas les idées très claires sur quelles pourraient être de telles situations, je vous l’avoue…

      Mais en revenant à votre question, oui, je pense qu’aussi longtemps qu’on réussira à maintenir une façade, nos concitoyens ne prendront pas conscience de l’état de faiblesse dans lequel les institutions de notre pays se trouvent. Il faudrait une crise systémique qui fasse clairement apparaître l’incapacité de celles-ci à faire face pour que les électeurs en prennent conscience et soient prêts à faire les efforts nécessaires pour les renforcer.

      • Marcailloux dit :

        @ Descartes,
         
        Bonjour,
         
        [. . . . je pense qu’aussi longtemps qu’on réussira à maintenir une façade, nos concitoyens ne prendront pas conscience de l’état de faiblesse dans lequel les institutions de notre pays se trouvent. Il faudrait une crise systémique qui fasse clairement apparaître l’incapacité de celles-ci à faire face pour que les électeurs en prennent conscience et soient prêts à faire les efforts nécessaires pour les renforcer.]
         
        Tout d’abord, si façade il y a, ce dont je conviens volontiers, c’est une façade fissurée et dont les fissures apparaissent, chaque jour et à chaque occasion, plus béantes. La pandémie pourrait, en cela s’avérer salutaire malgré ses dizaines de milliers de morts prématurées.
        Là où je tique, c’est dans votre emploi du mot « électeur », comme si tout se réduisait à bien choisir le bon candidat – si tant est qu’il puisse exister – qui, par la simple opération du Saint Esprit allait, tel Philipe le Bel au toucher des écrouelles, ramener la santé et la prospérité à leurs impétrants, ceci au cours du rituel national qu’est l’élection présidentielle.
        Parallèlement à votre réquisitoire, je déclarerais « institutionnel » l’état d’esprit, non pas des électeurs – en gros 50% des inscrits – mais celui des citoyens car rien ne peut perdurer dans un climat social délétère que peut entretenir le sentiment de délabrement insidieux de la nation.
        Je ne saurais dire à quel point les éléments observables de ce délabrement sont significatifs. Cependant, ce que j’observe c’est que, politiquement, la France se divise depuis des lustres en deux camps qui, systématiquement (elle est là, la crise systémique) s’affrontent avec du côté du pouvoir, quel qu’il soit, un discours lénifiant et du côté de l’ensemble de l’opposition et avec des arguments d’ailleurs contradictoires, un discours catastrophique.
        Cette discordance endémique, chicanière représente, pour moi, l’alpha et l’oméga du dilemme Français car il n’est pas possible de construire dans une ambiance de contestation permanente et variable au gré des coups médiatiques. Et ça, c’est nous les citoyens qui le voulons bien en nous repaissant des petites phrases, petites querelles, petits problèmes en tous genres, petites solutions à courte vue, petites ambitions et surtout petite motivation à agir et faire des efforts autres que dans le domaine des loisirs et de la distraction.
        Si guerre il doit y avoir, bonne ou mauvaise en faisant l’hypothèse d’un tel antinomisme, c’est le risque d’éclosion d’une guerre civile qui est à redouter, pire qu’une guerre conventionnelle par la férocité que revêtent tous les conflits entre groupes communautaires.
        Qui, sur la planète actuellement, est le plus féroce vis a à vis de ses coreligionnaires sinon les musulmans alors qu’ils se prétendent frères ?
        La proximité si elle engendre la solidarité peut aussi engendrer la plus grande violence.
        Et les discours irresponsables de la quasi-totalité des opposants les condamnent, à terme, à l’impuissance dans le moindre des cas, à l’accusation de crime au regard de l’histoire si conflit violent il y a.
        Et l’assentiment impassible d’une grande partie de la population la conduit à se rendre victime de ses propres turpitudes.
         
        Vous écrivez, dans le corps du billet :
         
        [L’abstention est le comportement rationnel d’un électeur qui se rend compte que derrière la façade pimpante il y a une hutte misérable, que la politique est devenue une scène où des acteurs impuissants essayent de nous convaincre qu’ils ont des pouvoirs jupitériens.]
         
        J’aurai attendu de nombreuses années pour lire de votre main un constat sur lequel nous nous sommes confrontés lorsque je défendais la pertinence quelquefois, du vote blanc.
        C’est, à priori mon intention pour la prochaine présidentielle et je préfère cela à l’abstention qui, à mon avis, encourage plus la radicalisation par la provocation et l’exploitation des bas instincts de la part des politiques que la remise en cause salutaire de leurs discours et comportements.
        Je rêve d’une France qui voterait BLANC à 50% en mars prochain. Ça, actuellement, est la seule chose qui peut faire bouger les lignes encore paisiblement.

        • Descartes dit :

          @ Marcailloux

          [Tout d’abord, si façade il y a, ce dont je conviens volontiers, c’est une façade fissurée et dont les fissures apparaissent, chaque jour et à chaque occasion, plus béantes. La pandémie pourrait, en cela s’avérer salutaire malgré ses dizaines de milliers de morts prématurées.]

          Je ne sais pas si les fissures apparaissent aussi béantes que vous le dites. Combien de nos concitoyens sont conscients des niveaux de perte de compétences dans nos services publics à tous les niveaux ? La tendance à attribuer les cafouillages aux personnes me fait penser qu’ils ne sont pas si nombreux que ça…

          [Là où je tique, c’est dans votre emploi du mot « électeur », comme si tout se réduisait à bien choisir le bon candidat – si tant est qu’il puisse exister – qui, par la simple opération du Saint Esprit allait, tel Philipe le Bel au toucher des écrouelles, ramener la santé et la prospérité à leurs impétrants, ceci au cours du rituel national qu’est l’élection présidentielle.]

          Pas forcément « présidentielle », mais oui, le citoyen a une responsabilité comme électeur. Et la question n’est pas seulement de « choisir le bon candidat », mais aussi de le susciter. Si les électeurs étaient prêts à voter pour des candidats proposant la sortie de l’Euro, on verrait plus de tels candidats solliciter leurs suffrages. Bien sûr, tout ne se joue pas sur l’élection, et un président, même disposant d’une majorité, ne peut faire grande chose s’il n’est pas ensuite soutenu par le peuple. Mais c’est déjà un bon début.

          [Parallèlement à votre réquisitoire, je déclarerais « institutionnel » l’état d’esprit, non pas des électeurs – en gros 50% des inscrits – (…)]

          Je regrette, mais je n’admets pas cette idée que seuls les « votants » sont des « électeurs ». Tout citoyen français de plus de 18 ans est « électeur », qu’il exerce ou non sa prérogative.

          [Je ne saurais dire à quel point les éléments observables de ce délabrement sont significatifs. Cependant, ce que j’observe c’est que, politiquement, la France se divise depuis des lustres en deux camps qui, systématiquement (elle est là, la crise systémique) s’affrontent avec du côté du pouvoir, quel qu’il soit, un discours lénifiant et du côté de l’ensemble de l’opposition et avec des arguments d’ailleurs contradictoires, un discours catastrophique.]

          Ce que vous décrivez là est vieux comme le parlementarisme. Pourtant, ce fonctionnement n’a pas empêché la France de bien fonctionner dans le passé. Personnellement, j’aurais une vision inverse : le véritable problème est que depuis 1983 il n’y a pas « deux camps », mais un seul. Qui est certes fragmentés en plusieurs partis qui vont à l’élection avec des discours différents, mais qui une fois au pouvoir font exactement la même politique.

          [Cette discordance endémique, chicanière représente, pour moi, l’alpha et l’oméga du dilemme Français car il n’est pas possible de construire dans une ambiance de contestation permanente et variable au gré des coups médiatiques. Et ça, c’est nous les citoyens qui le voulons bien en nous repaissant des petites phrases, petites querelles, petits problèmes en tous genres, petites solutions à courte vue, petites ambitions et surtout petite motivation à agir et faire des efforts autres que dans le domaine des loisirs et de la distraction.]

          Encore une fois, vous noterez que les périodes les plus productives de notre vie politique et intellectuelle ont été marquées par des « discordances » bien plus profondes et plus violentes que celles qui nous affligent aujourd’hui…

          Encore une fois, je pense que vous vous trompez de cible. Le problème n’est pas dans les « discordances », mais dans leur disparition. Naguère, les différents partis politiques s’opposaient sur des vraies options. Aujourd’hui, parce que celles-ci ont disparu et que tout le monde communie grosso modo sur les mêmes options – trouvez-moi un seul parti politique « mainstream » qui rejette le principe de la supranationalité, pour ne donner qu’un exemple – qu’il leur faut des petites phrases et des petites querelles pour donner l’illusion de la différence.

          [Si guerre il doit y avoir, bonne ou mauvaise en faisant l’hypothèse d’un tel antinomisme, c’est le risque d’éclosion d’une guerre civile qui est à redouter, pire qu’une guerre conventionnelle par la férocité que revêtent tous les conflits entre groupes communautaires.]

          « Guerre civile » entre qui et qui ? Vous imaginez les troupes d’Hidalgo et de Taubira s’affrontant armes à la main ? Les partisans de Pécresse égorgeant ceux de Macron ?

          [« L’abstention est le comportement rationnel d’un électeur qui se rend compte que derrière la façade pimpante il y a une hutte misérable, que la politique est devenue une scène où des acteurs impuissants essayent de nous convaincre qu’ils ont des pouvoirs jupitériens. » J’aurai attendu de nombreuses années pour lire de votre main un constat sur lequel nous nous sommes confrontés lorsque je défendais la pertinence quelquefois, du vote blanc.]

          Pardon, mais je n’ai pas parlé dans le billet du vote blanc, et mon constat n’a aucun rapport avec ce dernier… notre confrontation n’est donc pas résolue. Je reste opposé au vote blanc, parce que je trouve cette option contraire à l’essence même de la souveraineté populaire. Le souverain est OBLIGE de choisir. Imaginez-vous un général au milieu de la bataille se dire « finalement, aucune des options ne me convient, je ne déciderai pas ? ».

          [Je rêve d’une France qui voterait BLANC à 50% en mars prochain. Ça, actuellement, est la seule chose qui peut faire bouger les lignes encore paisiblement.]

          Supposons que les votes blancs soient décomptés, et que 50% des électeurs votent blanc. Qu’est ce que cela changerait ?

          • Marcailloux dit :

            @ Descartes,
             
            [Imaginez-vous un général au milieu de la bataille se dire « finalement, aucune des options ne me convient, je ne déciderai pas ? ».]
             
            Imaginons, en effet. Que se passerait il probablement dans ce cas?
            Les trouffions ne sachant plus où donner de la tête, attendent et réclament des instructions à leurs chefs qui à leur tour en exigent du général qui, in fine, soit démissionne et a un remplaçant ou, enfin prend une décision. C’est possiblement ce qui se passe quelquefois au cours d’un conflit. Voter blanc pour un électeur c’est dire : « je suis là, je participe et je ne suis d’accord sur presque rien sur ce qui m’est proposé ou, je ne fais absolument pas confiance à ceux qui proposent la lune. Messieurs dames, revoyez votre copie et/ou votre casting »
            Le général peut aussi aller à la pêche ou prendre des vacances aux Antilles avec sa maitresse. Il y a là rupture gravissime dans la chaine du commandement avec les conséquences que l’on peut redouter. Et l’on peut voir, dans ce cas, une guéguerre des chefs subalternes qui conduisent à la déroute. Là, on est dans le cas de l’absence pure et simple, chacun pouvant interpréter le geste du général comme une désertion sans en avoir la certitude.
            Les candidats de tous poils peuvent donner les explications qui les arrangent pour l’abstention. Ils le peuvent beaucoup moins dans le cas du vote blanc car ils sont disqualifiés par celui-ci.
            Cette disqualification, je la ressens dans tous vos propos, ou me trompe-je ?

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [« Imaginez-vous un général au milieu de la bataille se dire « finalement, aucune des options ne me convient, je ne déciderai pas ? ». » Imaginons, en effet. Que se passerait-il probablement dans ce cas ? Les trouffions ne sachant plus où donner de la tête, attendent et réclament des instructions à leurs chefs qui à leur tour en exigent du général qui, in fine, soit démissionné et a un remplaçant ou, enfin prend une décision.]

              Ou pas. Vous savez, l’inaction arrange souvent tout le monde. J’ai connu dans ma carrière beaucoup de chefs qui cultivaient l’art de ne pas décider. Et croyez-moi, les troupes s’en accommodaient parfaitement.

              [Voter blanc pour un électeur c’est dire : « je suis là, je participe et je ne suis d’accord sur presque rien sur ce qui m’est proposé ou, je ne fais absolument pas confiance à ceux qui proposent la lune. Messieurs dames, revoyez votre copie et/ou votre casting »]

              Et ensuite ? Vous savez, si l’on peut gouverner en étant élu avec une abstention de 50%, on peut gouverner en étant élu avec 50% de votes blancs. La difficulté est que « je n’aime rien de ce qu’on me propose » ne constitue pas une proposition politique. C’est pour cela que je m’oppose au vote blanc : c’est peu pédagogique de faire croire au citoyen qu’il a fait son travail parce qu’il a rejeté toutes les options qui s’offrent à lui.

              [Les candidats de tous poils peuvent donner les explications qui les arrangent pour l’abstention. Ils le peuvent beaucoup moins dans le cas du vote blanc car ils sont disqualifiés par celui-ci.]

              Je ne vois pas en quoi. Si les citoyens rejettent toutes les options qui leurs sont proposées, on peut y voir le défaut du côté des politiques qui n’ont pas pris la peine de proposer quelque chose d’attractif. Mais on peut aussi y voir le défaut du côté des citoyens, refusant de prendre en compte les contraintes et donc de choisir entre des solutions réalistes…

              [Cette disqualification, je la ressens dans tous vos propos, ou me trompe-je ?]

              Vous vous trompez. Je ne me souviens jamais avoir dit que l’abstention remettait en cause la légitimité des élus. Tout ce que j’ai dit, c’est que l’électeur qui ne vote pas agit de manière rationnelle : dans la mesure où le rapport de forces est tel qu’il n’y a pas d’autre politique possible, son vote ne changera rien.

          • Marcailloux dit :

            @ Descartes,
             
            Bonjour
             
            [Supposons que les votes blancs soient décomptés, et que 50% des électeurs votent blanc. Qu’est ce que cela changerait ?]
             
            Qui peut le dire sans l’avoir expérimenté ?
            Il est incontestable qu’une grande partie des électeurs français se défient du personnel politique, ce qui ne manque pas de poser un gros problème de démocratie. Avec une abstention qui frise souvent les 50 %, la masse des abstentionnistes suscite naturellement la convoitise des partis et notamment des plus radicaux.
            Pourquoi ?
            Il me paraît logique que les politiques les plus modérées rencontrent plus facilement l’adhésion des électeurs eux-mêmes modérés, ceux-ci, dans la situation présente ayant le choix entre un PS moribond, une LREM et un LR qui peuvent être considérés à juste titre comme bonnets blancs et blancs bonnet.
            Le reste de l’électorat est probablement bien plus volatil, à l’exception d’un certain pourcentage d’irréductibles, se divisant entre les nomades, de plus en plus nombreux qui passent d’une radicalité à une autre et les « j’en ai rien à foutre » représentant la tendance individualiste de nos compatriotes. Et c’est dans ce secteur que la surenchère des mesures et des invectives agressives se développe, telles les lumières vives et captatrices, éblouissantes et aveuglantes des pêcheurs au lamparo.
            Par conséquent, cette frange considérable attire les aventuriers de la politique, souvent prêts à tout et bon à rien, qui flattent sans vergogne les plus bas instincts des potentiels électeurs et s’appuient souvent sur leur ignorance.
            De plus, les partis modérés se sentent obligés de tenir compte de cette pompe à voix disponibles et sensibles à toutes les outrances et ainsi incluent dans leurs programmes des mesures souvent contradictoires avec leurs orientations et tout à fait démagogiques.
            Voilà pourquoi je considère que le vote blanc, c’est un peu comme le passe sanitaire ou le passe vaccinal, il ne résout rien mais il provoque, il incite, il s’oppose aux oiseaux de mauvais augure. Si l’on compare sur certains points la pandémie et la politique, en France, je pense qu’on peut y trouver beaucoup de similitudes. Voter blanc c’est comparable à se faire vacciner et dire tout haut ce qu’on pense de la situation sanitaire. S’abstenir, c’est rester dans son coin à ruminer je ne sais sur quel complot.
            Ne pas se vacciner revient à s’abstenir, on le fait pour des tas de raisons que les pires imposteurs politiques attribuent à leur propre vision délirante de la situation.
            Voter blanc, c’est aussi dire : « Je suis là, concerné et mécontent globalement, et je vous prie instamment de revoir votre logiciel, vous n’êtes pas à la hauteur des attentes du pays  ».
            S’abstenir est interprété comme « Ça m’est égal, faites pour le mieux » . . . ou pour le pire !

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [« Supposons que les votes blancs soient décomptés, et que 50% des électeurs votent blanc. Qu’est-ce que cela changerait ? » Qui peut le dire sans l’avoir expérimenté ?]

              Quelqu’un qui réflechit aux mécanismes de la démocratie et qui regarde un peu ce qui se passe dans les pays ou les votes blancs sont décomptés, par exemple. Si on commence à expérimenter toutes les idées qui tournent autour des modes de scrutin au motif qu’on « ne peut pas dire sans l’avoir expérimenté », on n’est pas sorti de l’auberge…

              [Il est incontestable qu’une grande partie des électeurs français se défient du personnel politique, ce qui ne manque pas de poser un gros problème de démocratie.]

              Je ne sais pas. Où est le « gros problème » dont vous parlez ? Ce qu’on peut constater, c’est que les institutions fonctionnent, le président préside, l’assemblée légifère, le gouvernement gouverne. On ne voit pas se développer la désobéissance civile ou la résistance fiscale : les gens globalement obéissent aux lois et payent leurs impôts. Les électeurs ont beau se défier du personnel politique – et encore, il faudrait approfondir ce concept à mon avis – ils ne se défient pas de la loi. Alors parler d’un « gros problème de démocratie »… cela mérite à minima quelques explications.

              La réalité est que le corps électoral est profondément convaincu que dans le rapport de forces actuel il n’y a qu’une politique possible, celle du « cercle de la raison ». Dans ces conditions, à quoi cela sert d’aller voter ? Le problème est moins une question de démocratie qu’un rapport au réel. Si le réel n’offre pas d’alternatives, alors le débat démocratique perd de son intérêt. Mais ce n’est pas là un « problème de démocratie »…

              [Avec une abstention qui frise souvent les 50 %, la masse des abstentionnistes suscite naturellement la convoitise des partis et notamment des plus radicaux.(…) Par conséquent, cette frange considérable attire les aventuriers de la politique, souvent prêts à tout et bon à rien, qui flattent sans vergogne les plus bas instincts des potentiels électeurs et s’appuient souvent sur leur ignorance.]

              Admettons. Je ne vois cependant toujours pas ce que le décompte du vote blanc changerait…

              [Voilà pourquoi je considère que le vote blanc, c’est un peu comme le passe sanitaire ou le passe vaccinal, il ne résout rien mais il provoque, il incite, il s’oppose aux oiseaux de mauvais augure.]

              Répéter une affirmation ne constitue pas un argument. En quoi le décompte du vote blanc « incite », « provoque » ou « s’oppose aux oiseaux de mauvais augure » ? Qu’il y ait une frange de mécontents qui rejettent toutes les solutions existantes créera toujours un réservoir de voix convoité par tous et particulièrement par « les plus radicaux », et cela que les mécontents votent blanc ou qu’ils s’abstiennent. Vous n’allez pas barrer la route aux populistes ou aux démagogues en créant un bulletin « je ne suis pas content ».

              {Si l’on compare sur certains points la pandémie et la politique, en France, je pense qu’on peut y trouver beaucoup de similitudes. Voter blanc c’est comparable à se faire vacciner et dire tout haut ce qu’on pense de la situation sanitaire. S’abstenir, c’est rester dans son coin à ruminer je ne sais sur quel complot.]

              Franchement, je ne comprends pas cette analogie.

              [Voter blanc, c’est aussi dire : « Je suis là, concerné et mécontent globalement, et je vous prie instamment de revoir votre logiciel, vous n’êtes pas à la hauteur des attentes du pays ».]

              Encore une fois, vous faites dire au vote blanc ce qu’il ne dit pas. La seule chose que vous pouvez déduire du vote blanc, c’est qu’aucune des options proposées ne lui convient. Mais cela ne vous permet pas d’en déduire les raisons. Imaginez-vous une élection dans laquelle la multiplicité des candidats est telle que toutes les solutions POSSIBLES sont sur la table. Il se peut qu’aucune de ces solutions ne m’attire quand même… et vous avouerez que dans ce cas mon vote blanc n’équivaut nullement à une demande de « revoir votre logiciel », c’est tout juste un déni de réalité.

              Derrière votre raisonnement se cache l’idée d’un électeur purement rationnel, qui s’obligerait lui-même à choisir parmi les possibles. Mais ce n’est pas ainsi que le monde fonctionne. L’électeur veut autant être séduit que convaincu. Et devant un choix difficile, il préfère ne pas choisir et laisser éventuellement le choix – et la responsabilité qui va avec – aux autres. Le vote blanc, c’est une manière d’institutionnaliser cette dernière tendance.

        • cd dit :

          @ Marcailloux
          [Je rêve d’une France qui voterait BLANC à 50% en mars prochain. Ça, actuellement, est la seule chose qui peut faire bouger les lignes encore paisiblement.]
          Je réagis juste à cette phrase, la France qui vote blanc ou s’abstient à 50% elle existe déjà pour les dernière municipales, régionales ou départementales, avez-vous vu que les élus en question se sont remis en question pour ça ? Au contraire Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont excipé de leur “victoire” pour se déclarer légitimes à candidater à l’élection présidentielle.  Aux Etats-Unis les élections à mi-mandat au Congrès n’attirent souvent qu’un quart ou un tiers des électeurs , est-ce que les parlementaires américains s’en sentent moins légitimes pour autant ?
          Je me souviens avoir lu un entretien d’Alain Minc où il expliquait qu’il était normal que le taux d’abstention augmente puisque dans une démocratie où régnait le “cercle de la raison” les enjeux politiques ayant disparu, il ne restait plus que des conflits secondaires et donc il était normal que les électeurs se désintéressent d’élections sans grand enjeu.

          • Marcailloux dit :

            @ cd,
             
            Bonjour,
             
            [Je réagis juste à cette phrase, la France qui vote blanc ou s’abstient à 50% elle existe déjà pour les dernière municipales, régionales ou départementales, avez-vous vu que les élus en question se sont remis en question pour ça ?]
             
            Vous semblez faire un amalgame entre le vote blanc et l’abstention alors que mon propos tend plutôt à les opposer.
            Dans le cas du vote blanc, l’électeur se déplace et met son bulletin dans l’urne, ce qui constitue un acte de civisme.
            Dans le cas de l’abstention (aux cas d’impossibilité justifiée près), il indique assez clairement qu’il ne se sent pas concerné par l’élection et laisse aux autres citoyens le soin de décider. Le flou dans l’interprétation de sa position d’abstentionniste altère, à mon avis, l’expression de son choix.
            C’est probablement pourquoi les votes blancs et nuls sont comptés ensemble et différemment des abstentions. Voter blanc ou nul c’est s’exprimer, s’abstenir c’est se soustraire et se placer en passager clandestin.  
            Dans l’abstention, ce qui me désole plus que dans une possible impuissance du vote blanc, c’est son aspect démissionnaire et je-m’en-fichiste qui fera que les politiques, contrairement à leurs affirmations que j’estime cauteleuses, s’affranchissent plus aisément de cette indifférence que face à une armée silencieuse de citoyens qui ont voté avec leurs pieds, mais pas dans la direction que les candidats auraient souhaitée.

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [Vous semblez faire un amalgame entre le vote blanc et l’abstention alors que mon propos tend plutôt à les opposer.]

              Aucun amalgame. J’ai bien compris je pense votre classification : l’abstention, c’est l’électeur qui ne se déplace pas, pour des raisons qui peuvent être diverses (indifférence, désintérêt pour la politique, faiblesse de l’offre politique…) ; le vote blanc c’est l’électeur qui se déplace pour exprimer le fait qu’aucun des choix qui lui est proposé n’emporte son vote, là encore pour des raisons qui peuvent être très diverses (refus de choisir entre des possibles pas toujours très agréables, faiblesse de l’offre politique, etc.).

              [Dans le cas du vote blanc, l’électeur se déplace et met son bulletin dans l’urne, ce qui constitue un acte de civisme.]

              Je ne vois pas en quoi le fait de refuser tous les choix possibles est un « acte de civisme ». Désolé, mais la vie nous OBLIGE à faire des choix, quelquefois entre des options qui ne sont pas toutes très ragoûtantes. Le refus de faire ce choix n’a rien de « civique ». Au contraire : cela rentre dans la « logique du supermarché » qui transforme le citoyen en client, à qui on demande de choisir (ou pas) entre les produits en gondole, comme si le contenu de la gondole n’était pas, lui aussi, son affaire. C’est infantiliser l’électeur que lui donner l’illusion qu’il est « civique » de refuser de choisir.

              [Voter blanc ou nul c’est s’exprimer, s’abstenir c’est se soustraire et se placer en passager clandestin.]

              Ce serait le cas seulement si à partir d’un certain taux de votes blancs, l’élection était déclarée nulle. Ce qui risquerait de conduire à une paralysie des institutions. Tant que l’élection est acquise quand même, l’abstentionniste et le votant blanc sont tous deux « passagers clandestins » puisqu’ils comptent sur le fait que la décision est prise par d’autres.

              [Dans l’abstention, ce qui me désole plus que dans une possible impuissance du vote blanc, c’est son aspect démissionnaire et je-m’en-fichiste qui fera que les politiques, contrairement à leurs affirmations que j’estime cauteleuses, s’affranchissent plus aisément de cette indifférence que face à une armée silencieuse de citoyens qui ont voté avec leurs pieds, mais pas dans la direction que les candidats auraient souhaitée.]

              J’ai bien compris votre idée, mais je ne vois aucun élément pour la soutenir. Est-ce que dans les pays ou le vote blanc est décompté les politiques sont plus attentifs que dans les autres ?

            • Marcailloux dit :

              @ Descartes
               
              Bonjour cher rhéteur,
               
              [Aucun amalgame]
               
              Fermez le ban ! ! !
              Ne vous étonnez pas, le 1er janvier 2023 si vous devez réitérer vos paroles de cette année. Je vous cite « . . . . . mais j’ai des sujets d’inquiétude. D’abord, si des commentateurs fidèles soutiennent le débat de ce blog, beaucoup de commentateurs plus ou moins occasionnels ont disparu ou se font rares. Est-ce le signe d’une lassitude ? . . . . . »
              La question du vote blanc, ou nul, ou pour tartempion est une affaire d’opinion, de croyance, de conviction, de sentiment ou tout ce que vous voudrez qui n’a rien à voir avec une question scientifique ou mathématique.
              Or votre intervention vigoureuse et pseudo rationnelle abolit pratiquement toute possibilité de débat entre les commentateurs. Ou ils s’alignent sur votre position intransigeante et ne font qu’ânonner vos propos pour votre plus grande gloire ou ils s’exposent à une démolition en règle avec cependant toute la courtoisie qui vous caractérise.
              Ne pourrions-nous pas voire là une cause de lassitude ? Il y a, je le ressens comme ça, du Mélanchon dans le style et dans l’air, même si les paroles diffèrent.
              Bien cordialement.

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [« Aucun amalgame » Fermez le ban ! ! ! Ne vous étonnez pas, le 1er janvier 2023 si vous devez réitérer vos paroles de cette année. Je vous cite « . . . . . mais j’ai des sujets d’inquiétude. D’abord, si des commentateurs fidèles soutiennent le débat de ce blog, beaucoup de commentateurs plus ou moins occasionnels ont disparu ou se font rares. Est-ce le signe d’une lassitude ? . . . . . »]

              Là, je vous arrête. Vous avez affirmé que je faisais « un amalgame entre vote blanc et abstention ». En cela vous exprimiez votre opinion, et personne ne vous a accusé de « fermer le ban ». En réponse, je vous dit « aucun amalgame », c’est là mon opinion, et j’ai droit au numéro de la vierge offensée.

              Alors là, je dis basta. Je ne vous permettrai pas ce genre de chantage. Vous avez le droit d’exprimer votre opinion librement sur ce blog. Mais cette liberté vaut aussi pour ceux qui voudraient vous contredire. Et si vous ne supportez pas d’être contredit au point que toute expression qui contrarie la vôtre pour vous « ferme le ban », c’est votre problème. Si cela vous touche autant, je suggère que vous alliez sur d’autres blogs, où tout le monde est d’accord avec vous et vous ne risquez pas d’être confronté à des opinions différentes. Pour ce qui me concerne, je n’admettrai pas que vous prétendiez me dicter ce que j’ai ou non le droit de penser et de dire, surtout en vous faisant le porte-parole des commentateurs qui ont pu quitter ce blog, et qui sauf erreur de ma part ne vous ont donné aucun mandat pour les représenter.

              Les commentateurs dont je m’inquiétais dans mon papier du 1er janvier sont les commentateurs qui portaient et acceptaient la contradiction. Ceux qui prétendent avoir la vérité révélée ou estiment avoir le droit à ne pas être contredits ne m’intéressent pas, et leur départ ne m’inquiète pas particulièrement.

              [La question du vote blanc, ou nul, ou pour tartempion est une affaire d’opinion, de croyance, de conviction, de sentiment ou tout ce que vous voudrez qui n’a rien à voir avec une question scientifique ou mathématique.]

              La question de pour qui vous votez est certainement une question d’opinion, de croyance, de conviction et de sentiment. Mais la question ici n’était pas de savoir s’il fallait ou non voter blanc, mais si le vote blanc devait ou non être comptabilisé. Et cette question est bien une question soumise à la raison.

              [Or votre intervention vigoureuse et pseudo rationnelle abolit pratiquement toute possibilité de débat entre les commentateurs.]

              Ah bon ? Quand vous dites « vous faites une amalgame », vous ne fermez pas la discussion, mais quand j’écris en réponse « aucune amalgame », « j’abolis toute possibilité de débat » ? Vous êtes sérieux ?

              [Ou ils s’alignent sur votre position intransigeante et ne font qu’ânonner vos propos pour votre plus grande gloire ou ils s’exposent à une démolition en règle avec cependant toute la courtoisie qui vous caractérise.]

              Si cela vous amuse à jouer les Caliméro, c’est votre affaire. Mais franchement cela commence à devenir lassant. Encore une fois, je ne vais pas me prêter à ce type de chantage, ou je suis sommé de garder le silence sous peine de devenir un « démolisseur ». A un moment donné, il faut arrêter la comédie : si vous vous sentez si maltraité, si les échanges ici vous traumatisent à ce point, je vous rappelle que la lecture de ce blog n’est obligatoire pour personne. Désolé de cette « discourtoisie », mais il arrive un moment où il faut appeler un chat un chat. Les règles et le fonctionnement de ce blog sont clairs, et n’ont pas changé depuis dix ans. Et elles ne vont pas changer pour vous faire plaisir. Alors, ou bien vous pouvez vivre avec elles et vous trouvez votre intérêt à lire ou participer, ou bien vous allez voir ailleurs.

            • P2R dit :

              @ Descartes
               
              si je puis me permettre de tenter de déminer la situation, il me semble que ce qui vous est reproché est de ne pas présenter votre point de vue comme un possible mais comme une vérité. Et c’est vrai que certains peuvent prendre parfois ombrage de cette radicalité. Vous avez tendance à préférer la vérité des prix à un discours diplomatique. En tant que commentateur, il faut en prendre son parti et savoir prendre distance. Nous avons la chance d’échanger sur un blog, ce qui devrait nous mettre à l’abri de toute réaction impulsive: si le rouge monte aux joues à la lecture d’un commentaire ou si l’exposition d’un poly de vue nous désarçonne, le mieux (en tout cas pour des cerveaux lents comme le mien) est d’éteindre l’ordinateur et de laisser infuser deux ou trois jours avant de composer une réponse. Personnellement je ne saurais vous tenir rigueur de ce que d’autres pourraient considérer comme un manque de tact dans votre répartie. Vous êtes animés par le feu sacré de la politique  et par des convictions profondes et solidement étayées, et, comme le disait très approximativement une citation de Terry Pratchett je crois, que vous aviez posté il y a quelque temps, lorsque vous croyez réellement à quelque chose, corps et âme, il n’y a pas de discours tels que « c’est une éventualité » ou « votre point de vue est respectable ». 
              au passage je vous remercie pour la découverte de Terry Pratchett, moi qui ne suis pas trop versé dans ce style de littérature, j’ai été totalement surpris.. et séduit ! 

            • Descartes dit :

              @ P2R

              [si je puis me permettre de tenter de déminer la situation, il me semble que ce qui vous est reproché est de ne pas présenter votre point de vue comme un possible mais comme une vérité.]

              D’abord, tout le monde fait ça. C’est une convention de style. Peut-être faudrait-il mettre à chaque commentaire un chapeau du style « tout ce qui suit présente l’opinion de l’auteur et ne prétend nullement être une vérité révélée » ?

              Je ne pense pas que dans l’échange avec Marcailloux ce soit une simple question de style. Non, il y a dans sa position un débat de fond : celui de savoir s’il y a des positions qui, étant (je le cite) « affaire d’opinion, de croyance, de conviction, de sentiment ou tout ce que vous voudrez qui n’a rien à voir avec une question scientifique ou mathématique » doivent être acceptées telles quelles, et échapper au feu du débat contradictoire.

              On rejoint ici un débat sociétal, celui du « respect » du aux opinions. Ma position est connue : on doit respect aux PERSONNES – ou plus précisément à leur droit de penser ce qu’elles veulent – mais on ne doit aucun respect aux OPINIONS en tant que telles. Aucune opinion n’est indemne de l’analyse rationnelle, de la critique et même de la caricature. Et l’argument « c’est mon opinion » est irrecevable.

              [et, comme le disait très approximativement une citation de Terry Pratchett je crois, que vous aviez posté il y a quelque temps, lorsque vous croyez réellement à quelque chose, corps et âme, il n’y a pas de discours tels que « c’est une éventualité » ou « votre point de vue est respectable ».]

              Exacte. La citation complète vaut la peine d’être rappelée : « Si je croyais qu’il y a un dieu quelque part qui se préoccupe ne serait-ce qu’un peu des gens, qui les regarde comme un père et s’inquiète d’eux comme une mère… et bien, vous ne m’entendriez pas dire des choses du genre « plusieurs points de vue sont possibles » ou « nous devons respecter les croyances des autres ». Vous ne me verriez pas être sympa dans l’espoir que tout s’arrangera à la fin, pas si la flamme brulait en moi comme une épée. Et j’ai dit « brûler », monsieur Oats, parce que c’est cela qu’elle ferait. Vous me dites que vos fidèles ne brûlent plus les gens et ne font plus de sacrifices. Mais c’est cela qui fait la vraie foi, voyez-vous ? Sacrifier votre propre vie, un jour à la fois, à la flamme. Proclamant que la vérité, c’est elle. Travaillant pour elle. Respirant son âme. C’est ça, la religion. Tout le reste… c’est juste être gentil. Et un moyen de garder le contact avec les voisins ».

              [au passage je vous remercie pour la découverte de Terry Pratchett, moi qui ne suis pas trop versé dans ce style de littérature, j’ai été totalement surpris.. et séduit !]

              Pour moi, l’un des grands écrivains méconnus du XXème siècle ! Il est vrai qu’il a fait dans un genre mineur, à mi-chemin entre la parodie et le conte philosophique. Et qu’il a recours en permanence au jeu de mots, qui passe relativement mal dans la traduction. Mais ses livres sont plaisants, et certains sont de véritables chefs d’œuvre.

            • Marcailloux dit :

              @ Descartes
               
              Bonjour
               
              Si votre réponse ci-dessus n’est pas un « licenciement sans cause réelle et sérieuse », je me demande alors ce que ça peut bien être. Peut-être un procès de type stalinien, mais je suis ignare dans ce domaine.
               
              Tout d’abord, en bon (ou mauvais) cartésiens que nous sommes, revenons, si vous le voulez bien, aux faits. Pas à ceux affirmés mais à ceux vérifiables.
              Vous écrivez :  [Là, je vous arrête. Vous avez affirmé que je faisais « un amalgame entre vote blanc et abstention »]. Ça sent déjà la geôle  !
              Trotskiste un jour, trotskiste toujours dites-vous de Mélanchon ? Existe-t-il une telle assertion pour les staliniens ?
              Je n’ai jamais écrit ceci et en tout cas pas à VOUS. C’est à « cd » que je m’adressais et, encore, par dans les termes que vous transformez pour les besoins de votre diatribe. Ma phrase, adressée à « cd » est, PRECISEMENT « Vous semblez faire un amalgame entre le vote blanc et l’abstention alors que mon propos tend plutôt à les opposer.»
              POUVEZ VOUS LE CONTESTER ???. Ce qui est lassant, pour reprendre vos termes, c’est ce frein, ce tir de barrage permanent qui entravent la richesse potentielle des dialogues transversaux entre les commentateurs du blog.
              Si je suis « Caliméro » comme vous dites, alors vous, ce serait plutôt « Tartuffe »
              Voyez-vous, cher Descartes – j’emploi cette familiarité pour la première et probablement la dernière fois – j’ai le sentiment que l’essentiel de nos rapports singuliers sur une décennie réside et se concentre dans cet épisode de nos échanges. Votre côtoiement m’a beaucoup apporté et je ne vous remercierai jamais assez pour les heures que vous avez dû consacrer à la rédaction, certes quelques fois virulentes, de vos réponses. Outre la dimension, secondaire à mes yeux, des apports d’information politique, économique, historique, etc. j’y ai puisé moultes enseignements sur la mentalité humaine.
              J’ai conscience, en stoïcien septique, d’avoir constitué un grain de sable continuel par l’expression de mes doutes ou de la vision paraxiale de mes observations. Vous m’accorderez l’usage fréquent, sinon constant, du mode conditionnel ou de termes pouvant y être associés. Doute méthodique oblige.
               
              Pour terminer sur une note humoristique, il m’est venu à l’idée depuis quelques années, à l’occasion de mes passages ici, le scénario d’un roman que je n’écrirai pas, faute de talent et en l’absence du désir créatif de l’écrivain.
              C’est celui d’un vieux professeur désabusé et aigri de ses échecs relatifs, enseignant dans les domaines de la communication politique et institutionnelle qui, aidé par quelques étudiants bien sélectionnés monterait et entretiendrait un blog semi factice.
              A partir d’un billet – trame de fond – d’un maillage de commentaires plus ou moins préétablis par ce petit groupe, il y serait constituée une sorte de communauté virtuelle qui formerait de jeunes étudiants au débat contradictoire et permettrait au vieux professeur de conserver un sentiment d’utilité publique telle l’action d’une sorte de think tank souterrain. Je cherche une chute pour clore cette fiction qui n’a, évidemment comme on dit, rien à voir avec la réalité.
              Et ça n’est, je le rappelle, qu’une idée farfelue de roman.
               
              Salut amical à tous !

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [Si votre réponse ci-dessus n’est pas un « licenciement sans cause réelle et sérieuse », je me demande alors ce que ça peut bien être. Peut-être un procès de type stalinien, mais je suis ignare dans ce domaine.]

              Et une victimisation de plus… maintenant je dois répondre à la fois d’un « licenciement sans cause réelle et sérieuse » et d’un possible procès stalinien. Je vais avoir du mal avec mon Karma…

              [Tout d’abord, en bon (ou mauvais) cartésiens que nous sommes, revenons, si vous le voulez bien, aux faits. Pas à ceux affirmés mais à ceux vérifiables.]

              Oui ! Les faits ! les faits !

              [Vous écrivez : [Là, je vous arrête. Vous avez affirmé que je faisais « un amalgame entre vote blanc et abstention »]. Ça sent déjà la geôle ! (…) Je n’ai jamais écrit ceci et en tout cas pas à VOUS. C’est à « cd » que je m’adressais et, encore, par dans les termes que vous transformez pour les besoins de votre diatribe.]

              Je reconnais l’erreur : il aurait fallu écrire « vous avez affirmé qu’un intervenant faisait » plutôt que « vous avez affirmé que je faisais ». Mais cette erreur ne change rien au fond : la question ici est que vous vous accordez le droit d’affirmer qu’il y a un amalgame (et peu importe qui en est l’auteur), mais que vous me déniez le droit à l’affirmation contraire.

              [Si je suis « Caliméro » comme vous dites, alors vous, ce serait plutôt « Tartuffe »]

              Cachez cette bêtise que je ne saurais voir… je ne m’abaisserai pas à répondre.

              [J’ai conscience, en stoïcien septique,]

              J’ose espérer que vous avez voulu écrire « sceptique »… mais c’est peut-être là un procès stalinien ?

              [d’avoir constitué un grain de sable continuel par l’expression de mes doutes ou de la vision paraxiale de mes observations.]

              Je pense que vous vous surestimez. Mais si cela vous fait plaisir de jouer « moi contre le reste du monde », je ne vois pas de raison de vous en empêcher…

  9. Gugus69 dit :

    l’idée que les gens – et tout particulièrement les jeunes – puissent être confrontés à des situations qui leur fassent prendre conscience de la fragilité de la condition humaine et leur donnent un sens du tragique n’est pas pour me déplaire. Je n’ai pas les idées très claires sur quelles pourraient être de telles situations, je vous l’avoue…
     
    Une panne générale et durable des réseaux…

  10. cdg dit :

     
    Beau plaidoyer pour un statut de la fonction publique mais quand je le lis je pense pas a des enarques oeuvrant dans l ombre pour le bien public mais plutot a des Agnes Saal qui vous expliquent que si elle a des notes de taxi elevees c est pour que l etat fasse des economies car ca lui evite d avoir un deuxieme chauffeur (c etait sa premiere explication avant qu elle reconnaisse s etre payé sur la bete).
    Vous me direz qu il y a des moutons noirs partout. Mais si vous avez un systeme qui leur assure une quasi impunité vous avez encore plus de chance que ca se produise. Pourquoi rester honnete alors que taper dans la caisse ou simplement faire n importe quoi est sans risque ?
     
    Je ne pense pas que le salut vienne d un statut de la fonction publique, de norme ou d autre chose dans ce genre, mais qu il faut d abord un changement de mentalités et de generation. L auteur compare la situation actuelle a celle de 1945. Il oublie qu en 1945 il y eut un renouvellement majeur des elites (une partie des elites d avant guerre ayant ete elimine pour petainisme et d autres obscurs inconnus promus car resistants). On a donc eut du sang neuf et nettement plus jeune
     
    Les elites en 1945 jusqu en 70 on bien entendu ete marquee par la guerre et ses consequences. D ou par ex un coté nationaliste. Les elites actuelles sont elle la «generation mitterrand» car elles ont grandies sous le regne de celui ci (si on suppose que nos dirigeants ont entre 40 et 65 ans, ils avaient au plus 24 ans en 1981). Vous avez donc des gens qui ont ete elevés sous le regne du cynisme, de l argent roi et ayant comme symbole B Tapie. Forcement, ca ne va pas donner des gens desinteressés. Et si vous offrez a ces gens une protection a toute epreuve, vous aurez encore plus d Agnes Saal et non pas un systeme fonctionnant mieux
    A partir de la, le reste de votre raisonnement s effondre. A quoi bon donner a l etat des leviers d action si les personnes a la tete de FT, de banques … ont tout interet a se comporter comme des mafieux (a partir du moment ou votre survie tient a la solidarite de votre corps d origine, vous avez tout interet a choyer celui ci. Par ex en nommant uniquement des representants de celui ci aux postes clés, en recasant un collegue de promotion meme notoirement incapable …)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Beau plaidoyer pour un statut de la fonction publique mais quand je le lis je ne pense pas à des énarques œuvrant dans l’ombre pour le bien public mais plutôt a des Agnès Saal qui vous expliquent que si elle a des notes de taxi élevées c’est pour que l’état fasse des économies car ça lui évite d’avoir un deuxième chauffeur (c’était sa première explication avant qu’elle reconnaisse s’être payé sur la bête). Vous me direz qu’il y a des moutons noirs partout. Mais si vous avez un système qui leur assure une quasi impunité vous avez encore plus de chance que ça se produise. Pourquoi rester honnête alors que taper dans la caisse ou simplement faire n’importe quoi est sans risque ?]

      Certes. Mais dans l’exemple que vous proposez, on ne peut pas dire que le système ait assuré à Agnès Saal une quelconque « impunité ». Non seulement elle a dû rembourser les détournements, mais elle a été suspendue de la fonction publique et condamnée pénalement. Je vois mal comment vous arrivez à la conclusion que la conduite de Saal était « sans risque »…

      Maintenant, il y a aussi une réalité : des avantages qui semblent totalement naturels pour un cadre supérieur du privé ne sont que chichement accordés aux hauts fonctionnaires. Un directeur général d’un établissement privé équivalent par la taille et le chiffre d’affaires au Centre Pompidou ou l’INA dispose en général d’un abonnement taxi et personne ne va regarder s’il l’utilise pour ses déplacements privés. Cela créée souvent ce que dans la fonction publique on appelle « le syndrome des 50 ans » : arrivés au faîte de leurs carrières, des hauts fonctionnaires ou cadres du public comparent leur situation à leurs amis – et souvent camarades de formation – qui ont fait des carrières dans le privé, et qui cumulent des salaires et des avantages inconcevables dans le public avec des contraintes bien moindres. De cette comparaison sort souvent une réaction du type « ils me doivent bien ça » qui affaiblit singulièrement certaines barrières morales…

      Cela étant dit, il est injuste de dire que dans le public on vous « assure une quasi impunité ». Le contrôle est souvent bien plus tatillon et les sanctions bien plus lourdes. Tiens, un petit exemple tiré de mon expérience personnelle : chaque fois que je vais déjeuner avec un ami cadre dans le privé, c’est lui qui paye. Il lui suffit de sortir sa carte « affaires ». Moi, si je veux l’inviter, je dois faire signer une autorisation préalable, avec justification de la dépense et montant prévisionnel…

      [Je ne pense pas que le salut vienne d’un statut de la fonction publique, de norme ou d’autre chose dans ce genre, mais qu’il faut d’abord un changement de mentalités et de génération.]

      Je ne crois pas avoir dit que « le salut viendrait du statut ». Ce que j’ai dit, c’est que si le statut n’est pas une condition SUFFISANTE pour avoir une fonction publique honnête, dévouée et compétente, c’est tout de même une condition NECESSAIRE. C’est une question de pure logique : l’agent qui n’a pas la sécurité de l’emploi ne peut se permettre de déplaire à ceux qui demain pourraient être ses employeurs ; l’agent dont la carrière dépend du bon vouloir du politique ne saurait être indépendant de lui. Vous vous souvenez de la formule paradoxale de ce patron américain : « je veux des collaborateurs qui me disent la vérité, même si cela doit leur coûter leur poste ». Personne ne fonctionne comme ça, et vous ne pouvez pas demander aux fonctionnaires de sortir de la tranchée sans couverture.

      [L’auteur compare la situation actuelle a celle de 1945. Il oublie qu’en 1945 il y eut un renouvellement majeur des élites (une partie des élites d’avant-guerre ayant été éliminé pour pétainisme et d’autres obscurs inconnus promus car résistants). On a donc eut du sang neuf et nettement plus jeune]

      Oui et non. C’est vrai en partie – mais en partie seulement – pour le personnel politique, et aussi pour les dirigeants d’entreprise qui souvent s’étaient lourdement compromis dans la collaboration. Mais pas vraiment dans la haute fonction publique. On n’a pas épuré massivement le corps préfectoral, le Conseil d’Etat ou l’inspection des finances, pas plus qu’on n’a épuré le corps des Mines ou des Ponts. La création du corps des administrateurs civils a permis effectivement par le biais de l’ENA d’injecter du « sang neuf », mais cette « injection » ne se fera sentir que lorsque les énarques de 1945 commenceront à arriver aux postes de direction, au début des années 1960. L’effet du « renouvellement des élites » mérite donc d’être relativisé. En fait, la fonction publique qui a encadré la reconstruction est en grande partie celle qui a servi la IIIème République et Vichy…

      Ce qui d’ailleurs tend à montrer que la politique de promotion des cadres et des nominations et la fermeté de la direction politique est finalement, pour ce qui concerne la haute fonction publique, plus importante que la logique de recrutement. La Libération n’a pas eu de difficulté à trouver de bons cadres dans le vivier de la fonction publique de la IIIème et de Vichy. Mais les critères de nomination ont été très différents…

      [Les élites en 1945 jusqu’en 70 on bien entendu été marquées par la guerre et ses conséquences. D’ou par ex un coté nationaliste. Les élites actuelles sont la « génération Mitterrand » car elles ont grandi sous le règne de celui-ci (si on suppose que nos dirigeants ont entre 40 et 65 ans, ils avaient au plus 24 ans en 1981). Vous avez donc des gens qui ont été élevés sous le règne du cynisme, de l’argent roi et ayant comme symbole B Tapie. Forcément, ça ne va pas donner des gens désintéressés. Et si vous offrez a ces gens une protection a toute épreuve, vous aurez encore plus d Agnes Saal et non pas un système fonctionnant mieux.]

      Votre raisonnement pose un problème : Mitterrand lui-même était issu de ces élites de 1945 qui avaient été marquées par la guerre. Comment expliquer qu’il ait versé dans un tel cynisme, au point d’influencer une génération dans ce sens ?

      Mais oublions ce détail. Vous donnez beaucoup de poids aux éléments subjectifs, alors que personnellement je regarde plutôt les éléments objectifs. A la racine de tout, il y a le rapport entre l’effort que vous fournissez et la récompense que vous recevez. Or, cet équilibre a changé considérablement entre 1945 et aujourd’hui. Un jeune qui commençait une carrière dans le public en 1945 voyait devant lui la possibilité de fonctions intéressantes, de participer à des projets exaltants, de participer à la naissance et au développement de nouvelles institutions. Le jeune qui commence au même niveau en 1990 voit peu de projets, des coupes permanentes, des fonctions résiduelles puisque les plus intéressantes ont été privatisées, décentralisées ou transférées à Bruxelles. Et cela alors que son statut social s’effondre, et que la différence des salaires entre le privé et le public se creuse. C’est cette frustration qui fabrique des Agnès Saal, bien plus que la « protection à toute épreuve ».

      Désolé là encore de ramener mon cas personnel, mais regardant en arrière je me rends compte qu’au cours de ma longue carrière d’agent public, je n’ai jamais eu l’opportunité de voir une équipe s’étoffer. Dans TOUS les services ou j’ai travaillé, j’ai vécu des réductions d’effectifs, de budgets, de compétences. Pour une poignée de projets démarrés, j’ai vu fermer des dizaines. Et quant à la reconnaissance de mon travail… peut-être me donnera-t-on une médaille avant la retraite ? Parce que si on parle de salaire… Dans ces conditions, je peux comprendre que la tentation de se dire « ils se sont foutus de moi, j’ai bien le droit de prendre sur la bête » devienne irrésistible… Et je peux vous assurer que si demain on me disait « et en plus, tu n’as plus le statut », moi aussi je prendrais dans la caisse.

      [(à partir du moment ou votre survie tient à la solidarité de votre corps d’origine, vous avez tout intérêt a choyer celui-ci. Par ex en nommant uniquement des représentants de celui-ci aux postes clés, en recasant un collègue de promotion même notoirement incapable …)]

      Mais justement, si votre « survie » comme vous dites dépend de votre corps, vous devez concilier deux intérêts contradictoires. D’une part, la solidarité de corps vous oblige à choyer vos petits camarades, y compris en « recasant les incapables ». Mais d’un autre côté, si vous recasez trop d’incapables cela finira par se voir, le prestige de votre corps s’effondrera et il perdra donc la capacité de faire nommer des gens à des postes intéressants. Les membres du corps ont donc un intérêt collectif à ce que le corps fournisse pour les postes vacants des candidats de la plus haute qualité…

      C’est cette contradiction qui a rendu le système des « grands corps » si efficace. Parce que les corps sont en concurrence entre eux, ils sont poussés à faire la police eux-mêmes parmi leurs troupes, une police d’autant plus efficace que ces gens se connaissent bien. Si vous faites une bêtise, si vous montrez votre incapacité (ou votre malhonnêteté) c’est le corps lui-même qui vous barrera lorsqu’on lui demandera des candidats pour des postes intéressants, tout simplement parce que les membres de votre corps chercheront à protéger l’image collective du corps, et vous finirez dans un placard.

      • cdg dit :

         
        «que le système ait assuré à Agnès Saal une quelconque « impunité ». Non seulement elle a dû rembourser les détournements, mais elle a été suspendue de la fonction publique et condamnée pénalement.»
        ce qui importe c est la sanction multiplié mais aussi la probabilite de se faire prendre. Mme Saal s est fait prendre non pas a la suite d un contrôle mais car elle avait ete denoncé (et oui, on peut pas serrer la vis a certain et mener la grande vie par ailleurs).
        Quant a la sanction, elle est assez risible : suspendue 2 ans, puis reintegree au ministere et promue (si j etais mauvaise langue, je dirai que ca faisait partie du deal : tu fais pas de vague et en echange on te recupere discretement)

        « Je vois mal comment vous arrivez à la conclusion que la conduite de Saal était « sans risque »…»
        disons qu elle est pas la seule :
        https://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-cour-des-comptes-epingle-l-opera-de-paris-pour-ses-faramineuses-notes-de-taxi_1830970.html
        https://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-ex-patron-du-grand-palais-epingle-pour-ses-frais-de-taxis_2035859.html
        Et si tous ces gens intelligent le font, c est que le rapport gain/risque doit etre favorable

        «Tiens, un petit exemple tiré de mon expérience personnelle : chaque fois que je vais déjeuner avec un ami cadre dans le privé, c’est lui qui paye. Il lui suffit de sortir sa carte « affaires ». Moi, si je veux l’inviter, je dois faire signer une autorisation préalable, avec justification de la dépense et montant prévisionnel…»
        Je sais pas ou travaille votre ami. Mais en general c est pas si simple dans le privé. Il y a maintenant toute sorte de reglementation anti corruption qui font qu il est pas si simple d inviter quelqu un au frais de la société (bon c est sur qu un repas a 20 € ca passe mais pas d inviter ses clients au moulin rouge). Apres il y a une difference entre offrir un repas a un ami au frais de la societe de temps en temps et 40 000€ de taxi
        «Ce que j’ai dit, c’est que si le statut n’est pas une condition SUFFISANTE pour avoir une fonction publique honnête, dévouée et compétente, c’est tout de même une condition NECESSAIRE»
        J avoue ne pas avoir une grande experience de la haute fonction publique. Par contre comme tous les francais, j ai eut a frequenter l education nationale, ou vous avez du personnel qui a un statut qui lui permet d etre indeboulonnable.
        Est ce que le statut a favorisé les profs dévoué et competent ? Malheureusement non.
        Dans mon college il y avait un professeur qui avait un fort penchant pour la bouteille. Pas de probleme
        Un autre avait juste un poil dans la main. Il a pu finir sa carriere tranquillement malgré les plaintes des parents apres s etre economisé pendant 30 ans (j en suis sur, son fils etait un de mes amis). Evidement pour les eleves qui l avait en terminale c etait moins drole, surtout quand il etait votre matiere principale (physique pour bac S)
        Est ce que les pays qui n ont pas un statut equivalent ont un enseignement plus mauvais que le notre ? Pas vraiment (regardez la RFA ou la suisse) et les score PISA
         
        «Votre raisonnement pose un problème : Mitterrand lui-même était issu de ces élites de 1945 qui avaient été marquées par la guerre. Comment expliquer qu’il ait versé dans un tel cynisme, au point d’influencer une génération dans ce sens ? «
        – Vous avez des cyniques et des crapules dans toutes les generations.
        – si la guerre influencé des gens dans le bon sens, elle a aussi fait basculer des gens dans le coté sombre (par ex Joseph Joanovici, Henri lafont …)
        – Quand vous restez 14 ans au pouvoir vous pouvez plus influencer les gens qu en 4 ans de petainisme. Et petain n a jamais preché le cynisme et l arrivisme alors qu il etait clair a partir de 82 que Mitterrand avait pour but uniquement de se maintenir au pouvoir.
        Le petainisme s ecroule au bout de 4 ans alors que Chirac a ete le fils spirituel de Mitterrand (on a 14+12= 26 ans on pourrait meme ajouter 5 ans de bling bling Sarkozyste). Meme si on en paie aujourd hui la facture, vous avez encore des gens pour se reclamer de Mitterrand (melanchon). Je doute qu en 45 beaucoup se reclamaient de Petain
         
        «Un jeune qui commençait une carrière dans le public en 1945 … Le jeune qui commence au même niveau en 1990»
        Il faut quand meme signaler que le monde et la France a changée. On a plus besoin de reconstruire un pays ruiné. Donc il y a forcement moins de projets de construction mais plus de maintenance (ce qui je le reconnais est moins glamour).
        Apres il y a la delegation au privé. La nous avons 2 conceptions de l etat. Pour moi l etat ne doit pas construire des avions ou jouer au banquier mais se concentrer sur ce qui est son rôle et ou il est irrenplacable (en gros le regalien) . Il faut mieux un etat concentre sur peu de missions et qui les fait bien qu un etat tentaculaire qui veut tout faire et au final ne fait rien correctement.
         
        A partir de la, il est logique que si vous voulez faire des avions, en 1945 vous etiez fonctionnaire a la SNIAS et en 2020 vous etes employé chez Airbus
        Apres chaque systeme a ses tares. On en a un exemple actuel ou le capitalisme de connivence fait qu on demande a EDF de vendre de l electricite pas cher a ses concurrents pour les sauver de la faillite. Avoir des entreprises d etat partout donne des penuries comme l a connu feu l URSS (si Deng Xioping (pourtant un communiste) a tourné le dos a ce modele c etait pas pour rien)
         
        «C’est cette frustration qui fabrique des Agnès Saal, bien plus que la « protection à toute épreuve ».»
        Il y quand meme une solution autre que se payer sur la bete: passer dans le privé. Mais c est vrai que je doute que celui ci soit prêt a deployer un tapis rouge pour des Saal.
         
        «Mais d’un autre côté, si vous recasez trop d’incapables cela finira par se voir, le prestige de votre corps s’effondrera et il perdra donc la capacité de faire nommer des gens à des postes intéressants»
        Pas sur car vous pouvez verrouiller le systeme pour que personne d autre que votre caste puisse postuler avec des chances reelles de succes.
        Regardez notre classe politique. On peut raisonnablement dire qu il sont mediocre. Et pourtant des TRES mediocres (Bayrou, Gaudin) arrivent a faire une carriere plus qu honorable
        Pourquoi ?
        Parce que la classe politique a reussi a empecher tout renouvellement. Par ex des regles comme il faut etre parrainé par 500 elus pour etre candidat, il faut une liste avec 50 % de femmes …
        Mais aussi par des avantages indus : un mandat qui permet d utiliser la ressource pour en avoir une autre (ex etre maire aide a etre deputé)
         
        Ensuite entre le moment ou vous recrutez des incapables et le moment ou ca va se voir, il va se passer du temps et vous ne serez plus en poste (et avec un peu de chance vous pourrez blamer autre chose. Je suis sur que pas mal de personne vont mettre sur le covid des echecs qui auraient eut lieu sans)
         
        «Si vous faites une bêtise, si vous montrez votre incapacité (ou votre malhonnêteté) c’est le corps lui-même qui vous barrera lorsqu’on lui demandera des candidats pour des postes intéressants, tout simplement parce que les membres de votre corps chercheront à protéger l’image collective du corps, et vous finirez dans un placard.»
        On a a l illustration aujourd hui. A Lauvergeon (Centrale/ corps des mines) apres avoir coulé Areva ne s est pas retrouve dans un placard mais chez Sigfox ou le clou final du cercueil est en train d etre posé (https://toulouse.latribune.fr/entreprises/2022-01-26/internet-des-objets-sigfox-en-redressement-judiciaire-902799.html). Le corps des mines ne semble pas l avoir mise dans un placard alors que sa competance et son integrité etaient pour le moins douteuse apres son passage chez Areva
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« que le système ait assuré à Agnès Saal une quelconque « impunité ». Non seulement elle a dû rembourser les détournements, mais elle a été suspendue de la fonction publique et condamnée pénalement.»] ce qui importe c’est la sanction multiplié mais aussi la probabilité de se faire prendre.]

          Ce qui était en cause dans cet échange, c’était le fait qu’Agnès Saal ait ou non bénéficié d’un système qui lui aurait assuré l’impunité. Les faits montrent que ce n’est pas le cas : elle a eu droit à des sanctions administratives et pénales. Maintenant, si vous voulez discuter si ces sanctions – par leur niveau et leur probabilité – sont dissuasives, on peut discuter ce point. Mais ce n’est pas la même question. Sommes nous d’accord qu’il n’y a pas de « système d’impunité » ?

          [Mme Saal s’est fait prendre non pas a la suite d’un contrôle mais car elle avait été dénoncé (et oui, on peut pas serrer la vis a certain et mener la grande vie par ailleurs).]

          Quelque soit le canal, on ne peut contester dans ce cas précis que le système assure une quelconque « impunité ». J’ajoute que le fait qu’elle ait été dénoncée montre en lui-même que les fonctionnaires ne se serrent pas forcément les coudes pour protéger les « brebis galeuses », et qu’ils sont soucieux de l’utilisation des deniers publics, non ?

          [Quant a la sanction, elle est assez risible : suspendue 2 ans, puis réintégrée au ministère et promue (si j etais mauvaise langue, je dirai que ça faisait partie du deal : tu fais pas de vague et en echange on te récupère discrètement)]

          Pardon, pardon : elle a dû rembourser l’ensemble des dépenses douteuses, elle a eu six mois de suspension sans traitement, trois mois de prison avec sursis et 5000 euros d’amende. Je ne connais pas beaucoup de gens qui dans le privé aient eu des peines aussi lourdes pour avoir abusé de leur abonnement de taxi.

          Mais allons un peu plus loin : quelle serait la sanction que vous auriez jugé équilibrée ? La décapitation ? L’écartèlement ? La révocation à vie de la fonction publique ? Et comment placeriez-vous cette sanction dans l’échelle de ce qui se pratique, dans le public comme dans le privé, pour des abus semblables ?

          « Je vois mal comment vous arrivez à la conclusion que la conduite de Saal était « sans risque »…»
          disons qu’elle est pas la seule : (…) Et si tous ces gens intelligent le font, c’est que le rapport gain/risque doit être favorable]

          Pas forcément. Cela peut-être aussi parce qu’ils sous-estiment les chances de se faire prendre. Parce qu’il faut vraiment être idiot pour s’imaginer que la Cour des comptes ne va pas voir un abus sur les notes de frais – c’est la première chose que la Cour épluche quand elle fait un contrôle.

          [«Tiens, un petit exemple tiré de mon expérience personnelle : chaque fois que je vais déjeuner avec un ami cadre dans le privé, c’est lui qui paye. Il lui suffit de sortir sa carte « affaires ». Moi, si je veux l’inviter, je dois faire signer une autorisation préalable, avec justification de la dépense et montant prévisionnel…» Je sais pas ou travaille votre ami.]

          MES amis, parce que je ne vous parle pas d’un seul cas. Et je vous parle d’une expérience personnelle. A chaque fois ils me font l’amitié de m’inviter avec leur carte « affaires », sachant que je ne puis leur rendre la pareille. Je ne sais pas comment ils le justifient après, mais comme aucun n’a perdu son travail ou allé en prison, j’imagine qu’il n’y a pas de sanction à la clé. Il est vrai qu’on ne va pas non plus à la Tour d’Argent…

          [Apres il y a une difference entre offrir un repas a un ami au frais de la societe de temps en temps et 40 000€ de taxi.]

          Si vous offrez des repas assez souvent vous arrivez vite à 40.000€ sur plusieurs années, vous savez… mais qu’est ce qui est ici en cause, le montant ou le fait lui-même ? Si Saal avait utilisé le taxi pour ses loisirs à hauteur de 8000 € au lieu de 40.000€, vous lui pardonneriez ?

          [Est ce que le statut a favorisé les profs dévoué et compétent ? Malheureusement non.]

          Heureusement, oui. Moi j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeurs. Certains étaient moins bons, bien sûr. Mais aucun de ceux que j’ai eu, franchement, n’aurait justifié qu’on le vire. Et puis, certains d’entre eux étaient véritablement excellents, et je ne suis pas sûr qu’ils l’auraient été s’ils avaient du se plier aux contraintes du privé.

          [Dans mon college il y avait un professeur qui avait un fort penchant pour la bouteille. Pas de problème. Un autre avait juste un poil dans la main.]

          Au risque de me répéter : pour moi le statut est une condition NECESSAIRE pour avoir une fonction publique dévouée, honnête et compétente. Je n’ai jamais dit que ce fut une condition SUFFISANTE.

          [Est ce que les pays qui n’ont pas un statut équivalent ont un enseignement plus mauvais que le nôtre ? Pas vraiment (regardez la RFA ou la suisse) et les score PISA]

          D’abord, il faudrait s’entendre sur ce qu’est un « mauvais » enseignement. Personnellement, je ne pense pas que PISA évalue véritablement la qualité de l’enseignement. Tout au plus les « compétences » des élèves, ce qui n’est pas tout à fait la même chose : aussi étonnant que cela puisse paraître, les enfants apprennent des choses ailleurs qu’à l’école, et l’attitude des parents joue aussi un rôle. On le voit d’ailleurs très bien chez nous : les immigrants asiatiques n’ont pas le même rendement scolaire que les immigrants arabes… et pourtant ils vont à la même école !

          Cela étant dit, il est loin d’être évident qu’il n’y ait pas de corrélation entre le classement PISA d’un pays et le statut de ses enseignants. Ainsi, si je prends le classement 2018 (le dernier publié, je crois) on trouve au premier rang… la Chine, pays où les enseignants sont fonctionnaires !

          [« Un jeune qui commençait une carrière dans le public en 1945 … Le jeune qui commence au même niveau en 1990 » Il faut quand meme signaler que le monde et la France a changée. On a plus besoin de reconstruire un pays ruiné. Donc il y a forcement moins de projets de construction mais plus de maintenance (ce qui je le reconnais est moins glamour).]

          Je pense que votre raisonnement est erroné. On ne construit pas pour l’éternité, et le progrès technologique et social fait apparaître en permanence des besoins et des possibilités nouvelles. Ce que l’électrification fut dans les années 1950 et le téléphone dans les années 1970, la fibre optique et le réseau portable aurait pu l’être dans les années 2000. Seulement voilà, on a décidé de le confier au « marché » et au privé. Le problème n’est pas seulement qu’on construit moins qu’après la guerre, c’est aussi que cette construction ne se fait pas dans le cadre d’un projet, mais dans le cadre du marché.

          [Apres il y a la délégation au privé. Là nous avons 2 conceptions de l’Etat. Pour moi l’Etat ne doit pas construire des avions ou jouer au banquier mais se concentrer sur ce qui est son rôle et où il est irremplaçable (en gros le régalien). Il faut mieux un Etat concentre sur peu de missions et qui les fait bien qu’un Etat tentaculaire qui veut tout faire et au final ne fait rien correctement.]

          Deux remarques. La première, c’est que l’échange portait sur la gestion de la haute fonction publique. Si vous avez un état minimal, concentré sur le régalien, alors votre Etat devra compter sur l’expertise du secteur privé – y compris pour les fonctions régaliennes – parce qu’il n’aura pas la possibilité de la développer en interne. Comment formerez-vous des ingénieurs fonctionnaires capables d’inspecter les avions (une fonction typiquement régalienne) s’ils n’ont pas pu, dans leur carrière de fonctionnaires, fabriquer des avions ou les faire voler ? Après, si cela ne vous gêne pas que les avions soient contrôlés par des anciens du privé (qui peuvent avoir leurs intérêts dans l’affaire), tout va bien…

          La deuxième remarque est que la vision d’un Etat minimal tel que vous la décrivez tend vers une société sans projets. Ou plutôt n’admet qu’une sorte de projet : celui qui vise à gagner le plus d’argent possible. Parce qu’il faut arrêter de se raconter des histoires : les acteurs privés ne font rien si ce n’est dans leur propre intérêt, et le scandale des EPHAD privés, que certains font mine maintenant de découvrir en poussant des cris d’orfraie, est de ce point de vue emblématique. Alors, est ce que je veux vivre dans une société ou l’éducation que mes enfants reçoivent à l’école, les soins que je reçois à l’hôpital, la sécurité dont je bénéficie dépendent de la couleur de ma carte bancaire ? Personnellement, ma réponse est non.

          [A partir de là, il est logique que si vous voulez faire des avions, en 1945 vous étiez fonctionnaire a la SNIAS et en 2020 vous êtes employé chez Airbus]

          Tout à fait. Mais il y a une autre différence : en 1945, je travaillais à la SNIAS pour l’intérêt national, mes projets étaient retenus s’ils étaient utiles à mes concitoyens. Aujourd’hui, je suis employé chez Airbus et mes projets ne sont retenus que s’ils sont rentables pour les actionnaires d’Airbus… une différence qui a son importance.

          [Apres chaque système a ses tares. On en a un exemple actuel ou le capitalisme de connivence fait qu’on demande a EDF de vendre de l’electricite pas cher à ses concurrents pour les sauver de la faillite.]

          Je ne vois pas le rapport avec le « capitalisme de connivence ». EDF est une société détenue majoritairement par l’Etat. Ce n’est pas par « connivence » mais sur injonction de son actionnaire qu’EDF vendra son électricité à prix cassé. L’exemple que vous citez n’illustre en rien le « capitalisme de connivence », mais plutôt la décision d’un gouvernement à transférer de l’argent public dans des mains privées.

          [Avoir des entreprises d’etat partout donne des pénuries comme l a connu feu l URSS]

          Excusez-moi, mais en France de 1945 jusqu’aux années 1980, il y avait des « entreprises d’Etat partout ». Et je ne me souviens pas qu’il y ait eu tant de « pénuries » que ça. Alors faut arrêter d’agiter les croquemitaines soviétiques…

          (si Deng Xioping (pourtant un communiste) a tourné le dos a ce modele c etait pas pour rien)]

          Oui, enfin, n’exagérez pas. Deng Xiaoping a introduit certes un secteur privé, mais il s’est bien gardé de privatiser les banques, l’énergie, les infrastructures essentielles, la fabrication d’armements. On n’est pas en Chine dans une logique de l’Etat minimal, qui se garderait d’intervenir ailleurs que dans le régalien !

          Personnellement je ne suis pas un partisan d’un Etat qui interviendrait « partout ». Tout simplement parce que ce n’est pas efficace : il y a des domaines ou la régulation par le marché est bien plus économique. Pour moi l’Etat doit intervenir soit dans les domaines stratégiques, soit dans ceux que le marché ne régule pas correctement. Je ne me propose pas de nationaliser les bistrots…

          [« C’est cette frustration qui fabrique des Agnès Saal, bien plus que la « protection à toute épreuve ».» Il y quand meme une solution autre que se payer sur la bete: passer dans le privé. Mais c est vrai que je doute que celui ci soit prêt a deployer un tapis rouge pour des Saal.]

          Vous vous trompez. Un très grand nombre de hauts fonctionnaires partent dans le privé entre 40 et 50 ans. Personnellement, on me l’a plusieurs fois proposé, avec à la clé une augmentation allant de 50% à 100%. Et je ne pense pas être plus brillant ou compétent que la moyenne.

          [« Mais d’un autre côté, si vous recasez trop d’incapables cela finira par se voir, le prestige de votre corps s’effondrera et il perdra donc la capacité de faire nommer des gens à des postes intéressants »
          Pas sur car vous pouvez verrouiller le système pour que personne d’autre que votre caste puisse postuler avec des chances réelles de succès.]

          Et comment vous faites ça ? Vous oubliez que les corps sont en concurrence, et que cette concurrence est féroce.

          [Regardez notre classe politique. On peut raisonnablement dire qu’ils sont médiocres. Et pourtant des TRES médiocres (Bayrou, Gaudin) arrivent a faire une carrière plus qu’honorable]

          Je ne saisis pas le rapport. Un politicien est élu, et la compétence ou l’efficacité ne sont pas les critères essentiels sur lesquels l’électeur se prononce. Un fonctionnaire n’est pas élu, et ceux qui le nomment attendent de lui autre chose que de belles paroles.

          [Parce que la classe politique a reussi a empecher tout renouvellement. Par ex des regles comme il faut etre parrainé par 500 elus pour etre candidat, il faut une liste avec 50 % de femmes …]

          Dans quel monde vivez-vous ? Vous n’avez pas remarqué qu’en 2017 nous avons élu un président de la République qui ne s’était jamais présenté à aucune élection ? Que nous avons ensuite élu une Assemblée nationale ou les primo-élus et les gens issus de la société civile n’avaient jamais été aussi nombreux ? Et vous direz après ça que « la classe politique a réussi à empêcher tout renouvellement » ?

          Non : si le monde politique est rempli de médiocres, c’est parce qu’aujourd’hui seul un médiocre fait de la politique. Si vous avez vraiment du talent, vous allez faire de l’argent dans une boite privée. Vous serez alors respecté, adulé, vous pourrez aller en vacances ou vous voulez avec qui vous voulez, prendre tous les taxis que vous voulez, frauder le fisc et vivre quand même dans un hôtel particulier, et personne ne vous dira rien. Pour aller dans le service publmic aujourd’hui, il faut avoir la foi chevillée au corps, ou alors être un incapable.

          [Ensuite entre le moment ou vous recrutez des incapables et le moment ou ça va se voir, il va se passer du temps]

          Un temps relativement court, surtout si vous êtes dans des structures publiques qui, comme c’est le cas aujourd’hui, sont à l’os en termes de ressources, et dépendent du dévouement sans faille de leurs agents pour continuer à fonctionner.

          [« Si vous faites une bêtise, si vous montrez votre incapacité (ou votre malhonnêteté) c’est le corps lui-même qui vous barrera lorsqu’on lui demandera des candidats pour des postes intéressants, tout simplement parce que les membres de votre corps chercheront à protéger l’image collective du corps, et vous finirez dans un placard.» On a l’illustration aujourd’hui. A Lauvergeon (Centrale/ corps des mines) apres avoir coulé Areva ne s est pas retrouve dans un placard mais chez Sigfox ou le clou final du cercueil est en train d etre posé (…). Le corps des mines ne semble pas l avoir mise dans un placard alors que sa competance et son integrité etaient pour le moins douteuse apres son passage chez Areva]

          Vous vous trompez : Le corps des Mines a tiré au canon contre Anne Lauvergeon, et si elle a fini par être virée d’Areva, c’est en partie grâce à ce travail. Mais les corps ne sont pas tout-puissants, et lorsqu’une personne a des appuis politiques, elle n’a plus besoin de son corps pour faire carrière.

          Lorsqu’on discute de ces sujets, tout le monde se polarise sur les grands personnages, genre Lauvergeon, qui ont des appuis politiques et médiatiques. Mais ces personnages n’ont besoin ni du statut pour faire carrière, pas plus qu’ils ne se soumettent à la discipline du corps. Quand on discute de la question du statut et du corps, il faut penser aux hauts fonctionnaires anonymes qui font une carrière discrète. Pour s’assurer de leur qualité et de leur dévouement, l’organisation du corps et du statut sont importants. Et ce sont eux qui font fonctionner l’Etat.

          • cdg dit :

             
            [Quelque soit le canal, on ne peut contester dans ce cas précis que le système assure une quelconque « impunité ». J’ajoute que le fait qu’elle ait été dénoncée montre en lui-même que les fonctionnaires ne se serrent pas forcément les coudes pour protéger les « brebis galeuses », et qu’ils sont soucieux de l’utilisation des deniers publics, non ?]
            disons que les fonctionnaires de l INA sont soucieux des deniers publics surtout quand on annonce vouloir leur serrer la ceinture
            [Mais allons un peu plus loin : quelle serait la sanction que vous auriez jugé équilibrée ? La décapitation ? L’écartèlement ? La révocation à vie de la fonction publique ?]
            la seconde (L’écartèlement ) aurait ete interessante surtout quand on est au ministere qui s occupe des paillettes et du spectacle 😉
            Pour moi la sanction aurait en effet ete une revocation en plus du remboursement. Ce qui me gene le plus n a pas tant ete qu elle tape dans la caisse mais surtout sa morgue au debut. Elle aurait fait amende honorable et j aurai pensé que remboursé et une mise a pied de 3 mois aurait ete OK. La elle a attendu d etre coincee pour avouer (et a mon avis alle a du passer un deal : je fait pas de vague et quand c est calmé on me recase)
            [ Et comment placeriez-vous cette sanction dans l’échelle de ce qui se pratique, dans le public comme dans le privé, pour des abus semblables ?]
            j avoue ne pas connaître trop d abus dans le privé. Il y a eut un cas dans l entreprise de mon pere (grosse entreprise francaise) ou la personne revendait a une entreprise tierce du materiel soit disant perimé. Une fois pris, pour eviter que l entreprise porte plainte, il a du tout rembourser et a evidement ete viré (bon je suppose que ca a ete deguisé en demission)
             
            [Je ne sais pas comment ils le justifient après, mais comme aucun n’a perdu son travail ou allé en prison, j’imagine qu’il n’y a pas de sanction à la clé. Il est vrai qu’on ne va pas non plus à la Tour d’Argent…]
            s ils ont une fonction commerciale il suffit de dire que vous etes un client potentiel.
            [Si vous offrez des repas assez souvent vous arrivez vite à 40.000€ sur plusieurs années, vous savez…]
            a 30 € le repas ca fait quand meme 1333 repas pour atteindre les 40000. A 200 jours ouvrés par an, il faut quand meme inviter une personne tous les jours pendant pres de 7 ans …
             
            [Si Saal avait utilisé le taxi pour ses loisirs à hauteur de 8000 € au lieu de 40.000€, vous lui pardonneriez ?]
            Comme je l ai dit, pour moi le pire etait sa morgue initiale plutot que le montant. Ensuite si vous le faite une fois de temps en temps,c est quand meme moins grave que de le faire systematiquement et meme d aller donner instruction a son fils de prendre le taxi au frais du contribuable au lieu d aller en metro comme le pouilleux de base
             
            [[Dans mon college il y avait un professeur qui avait un fort penchant pour la bouteille. Pas de problème. Un autre avait juste un poil dans la main.]
            Au risque de me répéter : pour moi le statut est une condition NECESSAIRE pour avoir une fonction publique dévouée, honnête et compétente. Je n’ai jamais dit que ce fut une condition SUFFISANTE.]
            Oui mais comment faites vous si vous avez des gens qui ont un statut qui les rends indeboulonnable et qui sont manifestement soit incompetant soit simplement faineant ?
            [On le voit d’ailleurs très bien chez nous : les immigrants asiatiques n’ont pas le même rendement scolaire que les immigrants arabes… et pourtant ils vont à la même école !]
            c est comme de dire que vous avez la meme ecole a Henri IV a paris et dans le 93. Je pense que les parents qui souhaitent que leurs enfants reussissent scolairement vont jsutement eviter les ecoles qui ont une forte proportion d eleves d une certaine origine
             
            [Cela étant dit, il est loin d’être évident qu’il n’y ait pas de corrélation entre le classement PISA d’un pays et le statut de ses enseignants. Ainsi, si je prends le classement 2018 (le dernier publié, je crois) on trouve au premier rang… la Chine, pays où les enseignants sont fonctionnaires !]
            Attention, en chine ne sont evalué que Pekin, Shanghai et 2 autres grandes villes (et encore je crois pas que ca soit toute la ville). C est un peu comme si en france pour pisa on evaluait Paris intra muros, Nice, Lyon et Nantes. Le resultat serait nettement meilleur
            Ensuite il y a des biais culturel. Les asiatiques (pas que les chinois) ont un rapport a l education totalement different. Pour rester en chine, les eleves vont a l ecole et une fois sorti il vont dans des cours particulier jusqu a 10-11 h le soir
            Est ce que les bons resultats des chinois est a mettre a credit des fonctionnaire qui ont les enfants dans la journee ou des professeurs privés qui les font bachoter le soir ?
            [Ce que l’électrification fut dans les années 1950 et le téléphone dans les années 1970, la fibre optique et le réseau portable aurait pu l’être dans les années 2000. Seulement voilà, on a décidé de le confier au « marché » et au privé. Le problème n’est pas seulement qu’on construit moins qu’après la guerre, c’est aussi que cette construction ne se fait pas dans le cadre d’un projet, mais dans le cadre du marché.]
            Internet c est ou le reseau mobile c est developpé via le privé et non les projets d etat. Est ce que l etat aurait fait mieux. C est loin d etre evident. Deja, l etat n aurait pas vu ca comme une priorité (rappelez vous Chirac declarant que la france etait en avance car elle avait le minitel et donc pas besoin d internet). Ensuite, la tentation aurait ete forte pour FT de freine afin de preserver la rente de situation (les liaison specialisées louees a prix d or). Rappelez vous que les prix du mobile en france ont chuté au moment ou free a lancé son offre (avant il y avait un gentleman agreement pour les garder plus elevés)
            [Deux remarques. La première, c’est que l’échange portait sur la gestion de la haute fonction publique. Si vous avez un état minimal, concentré sur le régalien, alors votre Etat devra compter sur l’expertise du secteur privé – y compris pour les fonctions régaliennes – parce qu’il n’aura pas la possibilité de la développer en interne. Comment formerez-vous des ingénieurs fonctionnaires capables d’inspecter les avions (une fonction typiquement régalienne) s’ils n’ont pas pu, dans leur carrière de fonctionnaires, fabriquer des avions ou les faire voler ? ]
            l inspection des avions peut pour moi parfaitement se faire par une societe privee qui suit un cahier des charges (un peu comme le contrôle technique des voitures)
            Le cahier des charges lui est du regalien. La il faut des gens qui n aient pas tant l habitude de concevoir des avions que d avoir etudié les causes des crashs (ce qui est quand meme pas la meme chose)
            [Après, si cela ne vous gêne pas que les avions soient contrôlés par des anciens du privé (qui peuvent avoir leurs intérêts dans l’affaire), tout va bien…]
            le contrôle des autos mais aussi des bateaux se fait par du privé. Je pense pas qu un employé du bureau Veritas soit plus suceptible d etre corrompu qu un fonctionnaire
            [La deuxième remarque est que la vision d’un Etat minimal tel que vous la décrivez tend vers une société sans projets. Ou plutôt n’admet qu’une sorte de projet : celui qui vise à gagner le plus d’argent possible.]
            Pas tout a fait. C est une société libre ou personne en haut ne va decider de faire quelque chose parce qu elle en a envie et va contraindre les echelons plus bas a faire ce qu elle a decidé. Ca ne veut pas dire qu il n y a pas de projets et des gens qui vont se rassembler pour faire quelque chose et y mettre des moyens.
            Par ex Musk veut aller sur Mars ou vous avez des gens qui developpent des dirigeables pour transporter des charges lourdes, des avions electriques …
             
            [Parce qu’il faut arrêter de se raconter des histoires : les acteurs privés ne font rien si ce n’est dans leur propre intérêt, et le scandale des EPHAD privés, que certains font mine maintenant de découvrir en poussant des cris d’orfraie, est de ce point de vue emblématique.]
            L exemple est interessant
            Pourquoi a t on du privé ici ?
            On aurait tres bien pu avoir un systeme 100 % public. Mais ca aurait couté tres cher. Il aurait donc fallut augmenter les impots ce qui est difficile electoralement. Surtout que c est une bombe a retardement car les classes du baby boom ne sont pas encore seniles. Donc d ici 10-15 ans les couts vont exploser
            C est peut etre tres cynique mais un systeme privé permet au moins d epargner le contribuable et de mettre a contribution les heritiers (pour payer orpea il va bien falloir entamer l heritage)
            Ensuite il faut signaler que les EPAD orpea etaient controlés par les ARS qui n ont rien vu et que d apres les extraits du livre les dirigeants entretenaient des tres bonnes relations avec l un des ministres de tutelle (X Bertrand). On est la plus dans le capitalisme de connivence que le liberalisme
            Pour finir, est ce qu on aurait pas eut des derives similaires avec un systeme public ? Rien n est moins sur. Regardez la SNCM. Gabegie et coulage et renflouage par le contribuable
            [Alors, est ce que je veux vivre dans une société ou l’éducation que mes enfants reçoivent à l’école, les soins que je reçois à l’hôpital, la sécurité dont je bénéficie dépendent de la couleur de ma carte bancaire ?]
            Pour la securité et l ecole c est helas oui en France. C est vrai que c est hypocrite, on va pas vous demander le solde de votre compte, mais si vous pouvez vous permettre d habiter dans un bon quartier vos enfants iront dans une bonne ecole, vous aurez moins de chance de vous faire agresser … (bon c est pas toujours un plus, vous pouvez vous faire arreter pour alcotest alors que dans certains endroit la police ne viendra jamais pour de telle broutilles)
            [Mais il y a une autre différence : en 1945, je travaillais à la SNIAS pour l’intérêt national, mes projets étaient retenus s’ils étaient utiles à mes concitoyens. Aujourd’hui, je suis employé chez Airbus et mes projets ne sont retenus que s’ils sont rentables pour les actionnaires d’Airbus… une différence qui a son importance.]
            Deja un projet non rentable c est un projet qui doit etre financé par le contribuable qui aurait peut etre preferé faire autre chose de son argent
            Ensuite, je suis pas sur que le critere de choix etait d etre utile a ses concitoyens (surtout a l epoque ou personne ne prenait l avion). Par ex le concorde a ete surtout developpé pour des questions de prestige
            [Je ne vois pas le rapport avec le « capitalisme de connivence ». EDF est une société détenue majoritairement par l’Etat. Ce n’est pas par « connivence » mais sur injonction de son actionnaire qu’EDF vendra son électricité à prix cassé. L’exemple que vous citez n’illustre en rien le « capitalisme de connivence », mais plutôt la décision d’un gouvernement à transférer de l’argent public dans des mains privées.]
            A votre avis pourquoi l actionnaire principal d EDF (l etat) decide de forcer EDF a vendre pas cher a ses concurrents ? N est ce pas du capitalisme de connivence ?
             
            [Excusez-moi, mais en France de 1945 jusqu’aux années 1980, il y avait des « entreprises d’Etat partout ». Et je ne me souviens pas qu’il y ait eu tant de « pénuries » que ça. Alors faut arrêter d’agiter les croquemitaines soviétiques…]
            il y avait certes des entreprises d etat en france (et il y en a toujours) mais aucune n etait en position de monople et l etat n etait pas dans une logique de planification qui par exemple allait affecter les ressource a l entreprise d etat X et pas a l entreprise privee Y
            [Oui, enfin, n’exagérez pas. Deng Xiaoping a introduit certes un secteur privé, mais il s’est bien gardé de privatiser les banques, l’énergie, les infrastructures essentielles, la fabrication d’armements. On n’est pas en Chine dans une logique de l’Etat minimal, qui se garderait d’intervenir ailleurs que dans le régalien !]
            J ai pas dit que Deng etait un liberal (meme si je pense qu il avait pris ces distances avec le dogme communiste). Mais vous remarquerez que les societes chinoises qui nous taillent des croupieres sont des societes privees comme huawei, alibaba, pas des entreprise d etat
            Mais la chine etant ce qu elle est, il est clair que l etat a un droit de regard sur tout et que les patrons chinois savent tous ce qui arrivent quand on va trop loin (Jack Ma (alibaba a «disparu» pendant quelques jour apres une srotie qui a indisposé Xi Liping)
            [Vous vous trompez. Un très grand nombre de hauts fonctionnaires partent dans le privé entre 40 et 50 ans. Personnellement, on me l’a plusieurs fois proposé, avec à la clé une augmentation allant de 50% à 100%. Et je ne pense pas être plus brillant ou compétent que la moyenne. ]
            Vous etes trop modeste 😉
            Je pense pas que vous soyez representatif de la haute fonction publique. Vous devez avoir une formation technique (j en sais rien mais vous n etes pas enarque, donc je suppose que vous avez fait une ecole d ingenieur, polytechnique peut etre ?), vous avez un poste technique dans une administration technique et non pas de brasseur de vent
            Je pense pas que le privé a beaucoup besoin de gens comme A Saal (pour leurs competances, pas pour leur carnet d adresse ou pour se menager une entree au ministere si la personne revient au pouvoir)
             
            [[pas sur car vous pouvez verrouiller le système pour que personne d’autre que votre caste puisse postuler avec des chances réelles de succès.]
            Et comment vous faites ça ? Vous oubliez que les corps sont en concurrence, et que cette concurrence est féroce.]
            J avoue que je ne connais pas la haute fonction publique et donc les luttes internes. Mais en general la concurrence doit pas etre si terrible car un enarque remplace un enarque (a part dans les fonctions techniques ou en effet on va avoir du mal a justifer un scienpo-ena a la DGA)
             
            [Si vous avez vraiment du talent, vous allez faire de l’argent dans une boite privée. Vous serez alors respecté, adulé, vous pourrez aller en vacances ou vous voulez avec qui vous voulez, prendre tous les taxis que vous voulez, frauder le fisc et vivre quand même dans un hôtel particulier, et personne ne vous dira rien.]
            A mon avis, pour faire tout ca il faut créer sa societe. Parce que meme a la direction generale d une grosse societe vous allez avoir du mal a vous payer un hotel particulier… Ce qui rapporte c est de detenir le capital, pas d etre employé, meme a tres haut rang
            De toute facon si vous voulez vraiment vous enrichir tres vite, c est pas le privé mais il faut vous lancer dans le narco trafic
             
            [Lorsqu’on discute de ces sujets, tout le monde se polarise sur les grands personnages, genre Lauvergeon, qui ont des appuis politiques et médiatiques.]
            C est aussi les seuls dont les performances sont accessibles au citoyen moyen
            Qui connait le haut fonctionnaire X qui a decidé d investir dans qwant (https://www.developpez.net/forums/d2077382-3/club-professionnels-informatique/actualites/qwant-serait-vendre-apres-neuf-annees-gestion-catastrophique-pertes-colossales/#post11808059) ?
             
             
             

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [disons que les fonctionnaires de l INA sont soucieux des deniers publics surtout quand on annonce vouloir leur serrer la ceinture]

              Disons surtout que vous ne voulez pas admettre que le cas Saal peut difficilement être donné un exemple d’un « système d’impunité »…

              [Pour moi la sanction aurait en effet été une révocation en plus du remboursement.]

              Il faut quand même raison garder, et inscrire les sanctions dans une proportionnalité. Si le fait d’avoir abusé de l’abonnement taxi conduit à la révocation, alors comment sanctionnez-vous celui qui aura blessé un collègue ou essayé de tuer son chef ? Personnellement, je pense que la suspension, dès lors qu’elle est publique – et donc soumise au jugement des pairs – est une sanction suffisante. Vous savez, passer le reste de votre vie dans un corps où chacun à votre passage dira à son voisin « vous savez, c’est Agnès Saal, celle des taxis… » me paraît largement suffisant. C’est cela aussi, la logique des corps : la surveillance par les pairs, et le fait de faire payer celui qui, par sa conduite, a jeté le discrédit sur le corps tout entier. Dites-vous bien que si elle candidate sur un beau poste, il ne manquera pas quelqu’un pour rappeler à l’autorité de nomination qu’elle a fauté…

              [Ce qui me gene le plus n a pas tant ete qu elle tape dans la caisse mais surtout sa morgue au debut.]

              Je ne cherche pas à la défendre. Moi aussi je la trouve à titre personnel insupportable. Mais si l’on représente la justice les yeux bandés, c’est aussi pour cela. On punit les gens pour leurs fautes, pas pour leur « morgue ».

              [La elle a attendu d etre coincee pour avouer (et a mon avis alle a du passer un deal : je fait pas de vague et quand c est calmé on me recase)]

              « A votre avis » ? Qu’est-ce que vous en savez ? J’ignorais que vous adhériez à la logique complotiste…

              [« Et comment placeriez-vous cette sanction dans l’échelle de ce qui se pratique, dans le public comme dans le privé, pour des abus semblables ? » J’avoue ne pas connaître trop d’abus dans le privé. Il y a eu un cas dans l’entreprise de mon père (grosse entreprise française) ou la personne revendait a une entreprise tierce du matériel soit disant périmé. Une fois pris, pour éviter que l’entreprise porte plainte, il a du tout rembourser et a évidemment été viré (bon je suppose que ça a été déguisé en démission)]

              Vous admettrez que ce n’est pas du tout la même chose. Il y a là bien plus que l’abus d’un moyen mis à votre disposition, il y a un manquement évident au devoir de loyauté. Pour un fonctionnaire, ce serait l’équivalent de se mettre au service d’une puissance étrangère… et dans ce cas, il y aurait certainement révocation.

              [« Je ne sais pas comment ils le justifient après, mais comme aucun n’a perdu son travail ou allé en prison, j’imagine qu’il n’y a pas de sanction à la clé. Il est vrai qu’on ne va pas non plus à la Tour d’Argent… » s’ils ont une fonction commerciale il suffit de dire que vous êtes un client potentiel.]

              Ce qui, vous l’admettrez, constitue un abus de même nature que celui qu’a commis Agnès Saal…

              [« Si vous offrez des repas assez souvent vous arrivez vite à 40.000€ sur plusieurs années, vous savez… » à 30 € le repas]

              Vous mangez pas cher, vous. 30 € un repas pour deux, faudra me donner vos adresses… non, à 30 € par tête, et en prenant une moyenne de trois convives, cela fait quelque 300 repas.

              [« Au risque de me répéter : pour moi le statut est une condition NECESSAIRE pour avoir une fonction publique dévouée, honnête et compétente. Je n’ai jamais dit que ce fut une condition SUFFISANTE. » Oui mais comment faites-vous si vous avez des gens qui ont un statut qui les rends indéboulonnable et qui sont manifestement soit incompétent soit simplement fainéant ?]

              A ma connaissance, le seul statut qui vous rend « indéboulonnable » est celui des magistrats. Le statut du fonctionnaire – mais aussi celui des industries électriques et gazières ou celui des cheminots – prévoit des procédures de sanction allant jusqu’à la révocation pour faute ou insuffisance professionnelle. Bien entendu, celles-ci sont plus complexes que celles du privé parce que donnant plus de garanties au mis en cause, afin d’éviter que la menace d’une révocation puisse compromettre l’indépendance du fonctionnaire vis-à-vis du pouvoir politique. Mais il est faux de croire qu’on ne peut pas sanctionner et même virer un fonctionnaire incompétent ou fautif.

              Après, il y a le courage des chefs. Et le problème existe autant dans le public que dans le privé. Pour diverses raisons – parce qu’on n’a pas envie de s’emmerder, parce qu’on n’aime pas les conflits, parce que cela vous donne une mauvaise image, parce que l’employé a, du fait de sa connaissance de certaines affaires, un pouvoir de nuisance important – beaucoup de chefs de service évitent de prendre des sanctions et « laissent courir ». Mais ce n’est pas la une question de statut. J’ai travaillé toute ma vie sous statut, et j’ai pas mal sanctionné – y compris par la révocation. J’ai d’ailleurs une certaine réputation là-dessus. Et pourtant j’ai toujours eu un excellent rapport avec les syndicats, parce que dans chaque cas je me suis appliqué à démontrer que le comportement sanctionné portait atteinte non seulement à l’institution, mais au statut lui-même.

              [« On le voit d’ailleurs très bien chez nous : les immigrants asiatiques n’ont pas le même rendement scolaire que les immigrants arabes… et pourtant ils vont à la même école ! » c’est comme de dire que vous avez la même école a Henri IV a paris et dans le 93.]

              Sauf que les immigrants asiatiques et les immigrants du Maghreb partagent les mêmes territoires, et par la logique de la carte scolaire fréquentent les mêmes écoles primaires et les mêmes collèges.

              [« Cela étant dit, il est loin d’être évident qu’il n’y ait pas de corrélation entre le classement PISA d’un pays et le statut de ses enseignants. Ainsi, si je prends le classement 2018 (le dernier publié, je crois) on trouve au premier rang… la Chine, pays où les enseignants sont fonctionnaires ! » Attention, en chine ne sont évalués que Pekin, Shanghai et 2 autres grandes villes (et encore je crois pas que ca soit toute la ville). C’est un peu comme si en France pour pisa on évaluait Paris intra muros, Nice, Lyon et Nantes. Le résultat serait nettement meilleur]

              Pourquoi « Paris intra-muros » ? Je ne sais pas si le PISA chinois se contente de « Pekin intra muros ». Et si vous prenez Paris et son agglomération, je ne suis pas persuadé que les résultats seraient significativement meilleurs que ceux de Brest ou de La Rochelle. Mon point demeure donc : il est difficile à partir de PISA d’établir une corrélation entre le statut des enseignants et les résultats scolaires.

              [Est ce que les bons resultats des chinois est a mettre a credit des fonctionnaire qui ont les enfants dans la journee ou des professeurs privés qui les font bachoter le soir ?]

              Je ne sais pas, et je ne me prononce pas là-dessus. Tout ce que je dis, c’est que contrairement à votre affirmation on ne peut déduire d’une comparaison des résultats PISA l’effet du statut des enseignants sur le niveau scolaire. C’est tout. Quand vous déduisez du fait que les résultats PISA de l’Allemagne sont meilleurs que ceux de la France que le statut des enseignants n’améliore pas les résultats, vous tombez dans les mêmes biais que vous dénoncez.

              [Internet ou le réseau mobile s’est developpé via le privé et non les projets d etat. Est ce que l etat aurait fait mieux. C est loin d etre evident.]

              C’est un autre débat. Je vous rappelle que ce qui était en cause dans notre échange, c’était le fait de savoir si la situation ou de nombreux projets ont vu le jour dans la période de la reconstruction après 1945 était possible aujourd’hui. C’est donc au nombre et taille des projets qu’il faut s’intéresser. Le fait de savoir si l’Etat est ou non plus efficace pour les piloter, c’est une autre question.

              [Déjà, l’état n’aurait pas vu ça comme une priorité (rappelez-vous Chirac déclarant que la France était en avance car elle avait le minitel et donc pas besoin d’internet).]

              Désolé, je ne me souviens pas. Pourriez-vous me donner la référence ?

              [Ensuite, la tentation aurait été forte pour FT de freine afin de préserver la rente de situation (les liaisons spécialisées louées a prix d’or). Rappelez-vous que les prix du mobile en France ont chuté au moment où free a lancé son offre (avant il y avait un gentleman agreement pour les garder plus élevés)]

              A cela, trois réponses : la première, c’est que la tentation de préserver une rente de situation n’est pas l’apanage du public : cela existe aussi dans le privé. Ce n’est pas par hasard si le prix de la photocopie a brusquement chuté lorsque le brevet Xerox est tombé dans le domaine public. Ensuite, l’Etat français a su du temps de sa splendeur faire des choix de modernité quitte à casser les « rentes de situation » de ses opérateurs : le meilleur exemple, l’abandon de la filière « graphite-gaz », la filière historique du CEA, pour « franciser » la filière eau légère présurisée (REP). Quant à la baisse de prix, là encore on trouve des exemples de « cartellisation » dans le privé, et des cas de vente au prix coûtant dans le public – c’est ce qu’EDF a fait pendant des années. L’idée qu’en confiant la régulation à la concurrence on échappe aux rentes de situation ou aux prix élevés est donc une illusion…

              [L’inspection des avions peut pour moi parfaitement se faire par une société privée qui suit un cahier des charges (un peu comme le contrôle technique des voitures) Le cahier des charges lui est du régalien.]

              Autrement dit, par des employés sous statut privé qui pourraient se voir licenciés si leurs rapports ne correspondent pas aux souhaits du client ? Parce que je vous rappelle qu’en matière privée, le client est roi. L’inspecteur fonctionnaire, lui, fait son rapport et son poste, sa carrière, sa rémunération ne dépendent pas de la satisfaction de son chef ou du contrôlé. L’inspecteur privé, lui, a une carrière qui dépend avant tout de la satisfaction de son patron. Et on le voit très bien dans le contrôle technique. Quand le passais ma voiture directement, elle revenait toujours avec des remarques. Depuis que je passe par un garage (qui me fait la vidange puis la présente au contrôle technique) toute une série de problèmes ont disparu. Etonnant, non ?

              [le contrôle des autos mais aussi des bateaux se fait par du privé. Je ne pense pas qu’un employé du bureau Veritas soit plus susceptible d’être corrompu qu’un fonctionnaire]

              Au contraire, il le sera beaucoup moins. C’est toute la beauté de la chose : pour tordre l’avis du fonctionnaire, vous ne pouvez jouer ni sur sa carrière – elle se fait à l’ancienneté – ni sur son emploi – il ne peut être viré. Vous n’avez donc qu’un seul moyen : chercher à le corrompre. Pour l’inspecteur privé, vous n’avez même pas besoin de le corrompre, puisqu’il sait sans qu’on ait besoin de lui dire quoi que ce soit que sa promotion, son salaire, son emploi dépendent de la satisfaction du « client »… Franchement, vous auriez confiance dans le verdict d’un juge qui serait choisi et rémunéré par le plaignant ?

              [Pas tout à fait. C’est une société libre ou personne en haut ne va décider de faire quelque chose parce qu’elle en a envie et va contraindre les échelons plus bas à faire ce qu’elle a décidé.]

              Ah bon ? Vous croyez que le technicien de Tesla fait ce qu’il veut ? Non, bien sûr que non. Il fait ce que lui dit son patron, et s’il ne le fait pas il est viré. Il y a toujours dans votre société idéale des gens « en haut » qui décident de faire quelque chose et contraignent ceux « d’en bas » à faire ce qu’ils ont décidé. La seule différence, c’est le critère qui fait la hiérarchie. Dans un projet d’Etat, ceux qui sont « en haut » y sont par le vote populaire – et pour la haute fonction publique, par le mérite. Dans un projet privé, c’est l’argent qui est « en haut » et qui donne les ordres. Et le système de contrainte est lui aussi différent : dans un cas c’est la voie réglementaire, dans l’autre « vous faites ce que je vous dis ou vous êtes viré ».

              [Ca ne veut pas dire qu’il n y a pas de projets et des gens qui vont se rassembler pour faire quelque chose et y mettre des moyens.]

              Seulement s’il y a de l’argent à gagner. Ou si c’est le caprice d’un puissant.

              [Par ex Musk veut aller sur Mars ou vous avez des gens qui développent des dirigeables pour transporter des charges lourdes, des avions électriques …]

              Si l’on met de côté les caprices de riche, ces projets ne sont développés que s’ils peuvent faire gagner de l’argent aux investisseurs.

              [« Parce qu’il faut arrêter de se raconter des histoires : les acteurs privés ne font rien si ce n’est dans leur propre intérêt, et le scandale des EPHAD privés, que certains font mine maintenant de découvrir en poussant des cris d’orfraie, est de ce point de vue emblématique. » L’exemple est intéressant
              Pourquoi a-t-on du privé ici ? On aurait tres bien pu avoir un système 100 % public. Mais ça aurait couté très cher.]

              Mais d’où sortez-vous que cela aurait « coûté très cher » ? Certains départements ont fait le choix d’avoir un système 100% public. C’est par exemple le cas des Landes. Et à égalité de niveau de service, le dispositif n’est pas significativement plus cher. Bien évidemment, si l’on confie la chose à un opérateur qui affame les pensionnaires et leur permet d’avoir une toilette une fois par semaine, on peut faire quelques économies… Je trouve d’ailleurs amusante la manière dont vous faites de l’idée que le public serait « très cher » par rapport au privé une évidence.

              [C’est peut-être très cynique mais un système privé permet au moins d’épargner le contribuable et de mettre à contribution les héritiers (pour payer orpea il va bien falloir entamer l’héritage)]

              Je pense que vous avez une idée erronée de la façon dont le système fonctionne. Que la gestion de l’EHPAD soit publique ou privé, le financement est toujours le même : il fait intervenir les ressources du pensionnaire, de sa famille, et en cas d’insuffisance du département. Orpea ne met pas plus à contribution les héritiers qu’un Ehpad public, au contraire, puisque les départements ont la possibilité de se retourner contre les héritiers.

              [Ensuite il faut signaler que les EPAD Orpea etaient controlés par les ARS qui n ont rien vu]

              Pardon, pardon. D’une part, il ne faut pas confondre « soumis au contrôle » et « contrôlés ». Si les EHPAD Orpea étaient susceptibles d’être contrôlés par l’ARS, les effectifs d’inspecteurs disponibles ne permettent pas un véritable contrôle. On ne peut pas d’un côté baisser année après année le nombre de fonctionnaires, et d’un autre côté s’imaginer qu’on continue à contrôler comme avant. D’autre part, je vous rappelle que depuis quelques années déjà on vit dans la société de la confiance et de la bienveillance, avec « droit à l’erreur » des administrés et fin des « contrôles tâtillons de l’administration ». Là encore, on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.

              Et finalement, je trouve ce genre d’argument assez étonnant : lorsqu’un chauffard alcoolisé tue un piéton, qui est responsable, le chauffard ou la gendarmerie qui n’était pas là pour le contrôler avant qu’il prenne le volant ?

              [et que d’après les extraits du livre les dirigeants entretenaient des très bonnes relations avec l’un des ministres de tutelle (X Bertrand). On est la plus dans le capitalisme de connivence que le libéralisme]

              Oui, enfin, sans vouloir vous contredire, Xavier Bertrand a quitté le ministère depuis bientôt dix ans. La « connivence » aurait-elle survécu à son départ ? Non, point n’est besoin d’aller chercher on ne sait quel complot. La réalité, c’est qu’on confie a privé des fonctions qui, de par leur spécificités, ne sont pas susceptibles d’être régulées par le marché. Et dans ces situations, seul un contrôle rapproché – et encore – peut permettre d’éviter les dérives. Un contrôle que l’Etat, dans son état actuel, n’est pas en mesure de faire.

              Encore une fois, je ne suis pas partisan du « tout Etat ». Dans les domaines où le marché est un bon régulateur, le privé est généralement plus efficace que le public et la « main invisible » transforme effectivement le vice privé en vertu publique. Mais dans les domaines ou le marché ne peut marcher, cela conduit à ce type de dérives.

              [Pour finir, est ce qu’on aurait pas eu des dérives similaires avec un système public ? Rien n’est moins sûr. Regardez la SNCM. Gabegie et coulage et renflouage par le contribuable]

              Je ne vois pas la « similarité ». Dans le cas de la SNCM je ne me souviens pas qu’on ait maltraité des vieillards sans défense. On peut trouver beaucoup d’exemples de mauvaise gestion tant dans le public que dans le privé. Mais la « dérive » dont on parle ici n’a rien à voir avec une mauvaise gestion, au contraire : la gestion d’ORPEA, du point de vue des actionnaires, était au contraire impeccable.

              [« Alors, est ce que je veux vivre dans une société ou l’éducation que mes enfants reçoivent à l’école, les soins que je reçois à l’hôpital, la sécurité dont je bénéficie dépendent de la couleur de ma carte bancaire ? » Pour la sécurité et l’école c’est hélas oui en France.]

              Vous n’avez pas lu la question. Mon interrogation n’était pas si la France était ainsi, mais si la France que nous voulons était ainsi. Vous noterez qu’il y a une subtile différence…

              [C’est vrai que c’est hypocrite, on va pas vous demander le solde de votre compte, mais si vous pouvez vous permettre d’habiter dans un bon quartier vos enfants iront dans une bonne école, vous aurez moins de chance de vous faire agresser … (bon c est pas toujours un plus, vous pouvez vous faire arrêter pour alcotest alors que dans certains endroit la police ne viendra jamais pour de telle broutilles)]

              Ce n’est pas moi qui ira vous dire que nous ne vivons pas dans une société inégalitaire, ou que cette inégalité soit de plus en plus fondée sur la fortune. Mais il y a inégalité et inégalité, et dans ce pays il est encore possible à un fils d’ouvrier de faire polytechnique, ce qui n’est pas le cas ailleurs.

              [« Mais il y a une autre différence : en 1945, je travaillais à la SNIAS pour l’intérêt national, mes projets étaient retenus s’ils étaient utiles à mes concitoyens. Aujourd’hui, je suis employé chez Airbus et mes projets ne sont retenus que s’ils sont rentables pour les actionnaires d’Airbus… une différence qui a son importance. » Déjà un projet non rentable c’est un projet qui doit être financé par le contribuable qui aurait peut-être préféré faire autre chose de son argent.]

              Qu’est-ce que vous appelez un « projet non rentable » ? Pour ne prendre qu’un exemple, l’école publique est-elle « rentable » ? La rentabilité financière d’un projet est facile à calculer. Mais est-ce que la rentabilité financière doit être le seul critère de choix des projets ? C’est là la question que je voulais poser : le projet public s’évalue non pas en fonction de sa rentabilité financière, mais d’un retour sur investissement considéré au niveau de la société. Ce n’est pas le cas du projet privé, qui ne se fera que si sa rentabilité financière est suffisante.

              [Ensuite, je suis pas sûr que le critère de choix était d’être utile à ses concitoyens (surtout à l’époque où personne ne prenait l’avion). Par ex le concorde a été surtout développé pour des questions de prestige]

              Oui, mais ce « prestige » représente aussi une retombée au niveau de la société, non ? Faut-il s’interdire des actions de « prestige » qui nous ramènent des alliés, des commandes, un rang dans le monde au prétexte que cela ne rapporte pas financièrement ce que cela coûte ? Ensuite, si Concorde ne pouvait être utilisé que par un tout petit nombre, les retombées technologiques du programme ont été immenses : des entreprises françaises ont pu à l’ombre du programme Concorde développer des nouveaux matériaux, de nouvelles technologies, de nouveaux outils qui ensuite ont été utilisés pour plein d’autres programmes – dont Airbus d’ailleurs. Là aussi, cela n’apparaît pas dans les recettes du programme, mais compte pour juger si c’était un bon choix de le faire, non ? Et finalement, si ma mémoire ne me trompe pas la SNIAS faisait aussi des moteurs pour l’aéronautique militaire qui, elle, est « utile » à tous les citoyens !

              [A votre avis pourquoi l’actionnaire principal d’EDF (l’etat) décide de forcer EDF a vendre pas cher à ses concurrents ? N est ce pas du capitalisme de connivence ?]

              Si je comprends bien, la « connivence » dont vous parlez n’est pas entre l’Etat et EDF, mais entre l’Etat et les concurrents d’EDF ? Je ne pense pas que la motivation du gouvernement soit vraiment d’aider les fournisseurs indépendants. Je pense que son souci c’est d’abord d’éviter les hausses dans les factures des particuliers. Le fait qu’il ne puisse atteindre cet objectif qu’en jouant sur l’ARENH tient à la réglementation européenne.

              [« Excusez-moi, mais en France de 1945 jusqu’aux années 1980, il y avait des « entreprises d’Etat partout ». Et je ne me souviens pas qu’il y ait eu tant de « pénuries » que ça. Alors faut arrêter d’agiter les croquemitaines soviétiques… » il y avait certes des entreprises d’état en France (et il y en a toujours) mais aucune n’était en position de monopole (…)]

              Là, vous faites une grosse erreur. Il y avait au contraire pas mal d’entreprises d’Etat en situation de monopole. EDF et GDF avaient le monopole du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz. La SEITA avait le monopole de la distribution du tabac et des allumettes. Et je ne me souviens pas qu’on ait beaucoup manqué de tabac, d’allumettes, d’électricité ou de gaz en ces années là…

              [et l’état n’était pas dans une logique de planification qui par exemple allait affecter les ressource a l’entreprise d’état X et pas à l’entreprise privée Y]

              Ce type de logique est moins une question de choix que de nécessité. Et lorsque cette logique a été nécessaire en France, on l’a appliquée – et on l’applique toujours, d’ailleurs. Quand une ressource rare et considérée comme stratégique est en jeu, l’Etat rationne et planifie des « quotas ». Pensez par exemple aux masques au début de la pandémie… Mais contrairement à l’URSS, la France depuis Napoléon n’a jamais été soumise à blocus ou embargo, et a toujours eu accès aux marchés internationaux. De ce fait la liste des ressources rationnées a toujours été très limitée.

              [J’ai pas dit que Deng était un libéral (même si je pense qu’il avait pris ces distances avec le dogme communiste). Mais vous remarquerez que les sociétés chinoises qui nous taillent des croupières sont des sociétés privées comme huawei, alibaba, pas des entreprise d etat]

              Normal : qui accepterait en occident d’acheter des équpements de télécommunications à une entreprise d’Etat chinoise ? Déjà une entreprise « privée » comme Huawei a les pires difficultés à participer à des appels d’offre, accusée d’être un cheval de troie du pouvoir chinois. Alors, imaginez-vous si elle s’affichait comme entreprise d’Etat… Mais beaucoup de ces entreprises ne sont que le cache-nez de l’Etat : leur financement dépend des banques publiques, leur position des marchés publics. Et ne parlons pas des moyens de pression individuels sur leurs dirigeants…

              [Je pense pas que vous soyez représentatif de la haute fonction publique.]

              Je pense que personne n’est vraiment « représentatif » de la haute fonction publique. Celle-ci est un ensemble bien plus hétéroclite qu’on ne le pense en général, et mélange des gens de parcours, de formation et même d’origine sociale bien plus divers qu’on ne le crois généralement. Vous trouvez des profils plus « littéraires » passés par sciences-po ou les facultés de droit, des ingénieurs passés par différentes écoles. L’ENA, qui n’est qu’une école d’application, comptait parmi ses élèves une proportion non négligeable d’ingénieurs !

              [Je pense pas que le privé a beaucoup besoin de gens comme A Saal (pour leurs compétences, pas pour leur carnet d’adresse ou pour se ménager une entrée au ministère si la personne revient au pouvoir)]

              Vous vous trompez, je pense. Agnès Saal est probablement une très bonne juriste, elle connait probablement en profondeur le droit du patrimoine et de la création. Elle sait diriger une organisation, gérer un budget, négocier avec les syndicats… ne croyez pas que les hauts fonctionnaires sortis de l’ENA soient des simples « brasseurs de vent ». Certains le sont, d’autres pas.

              [J’avoue que je ne connais pas la haute fonction publique et donc les luttes internes. Mais en général la concurrence doit pas être si terrible car un énarque remplace un énarque (a part dans les fonctions techniques ou en effet on va avoir du mal a justifer un scienpo-ena a la DGA)]

              Vous noterez que « énarque » n’est pas un corps. Même dans les cas ou « un énarque succède à un autre énarque », ils n’appartiennent pas forcément au même corps – et par conséquence du point de vue de la lutte entre les corps, la question de celui qui par son incompétence donne une mauvaise image du corps et lui interdit de placer l’un des siens se pose.

              [« Si vous avez vraiment du talent, vous allez faire de l’argent dans une boite privée. Vous serez alors respecté, adulé, vous pourrez aller en vacances ou vous voulez avec qui vous voulez, prendre tous les taxis que vous voulez, frauder le fisc et vivre quand même dans un hôtel particulier, et personne ne vous dira rien. » A mon avis, pour faire tout ça il faut créer sa société. Parce que même a la direction générale d’une grosse société vous allez avoir du mal à vous payer un hôtel particulier…]

              Oublions l’hôtel particulier. Pour être respecté, adulé, aller en vacances ou l’on veut quand on veut, prendre les taxis que vous voulez et frauder le fisc, être cadre supérieur est largement suffisant, à mon avis.

              [De toute facon si vous voulez vraiment vous enrichir tres vite, c est pas le privé mais il faut vous lancer dans le narco trafic]

              C’est plus rapide, mais beaucoup moins sur…

              [“Lorsqu’on discute de ces sujets, tout le monde se polarise sur les grands personnages, genre Lauvergeon, qui ont des appuis politiques et médiatiques.” C est aussi les seuls dont les performances sont accessibles au citoyen moyen
              Qui connait le haut fonctionnaire X qui a décidé d investir dans qwant?]

              Personne. Comme personne ne connaît le nom du cadre de Springer qui a décidé d’y investir l’argent de sa boite. Mais je ne saisis pas le rapport avec la choucroute. Un investissement est toujours un risque, et rien ne prouve que le risque pris en investissant dans Qwant n’était pas raisonnable – vous noterez d’ailleurs que la majorité des capitaux investis viennent du secteur privé. A ma connaissance, il n’y a aucune affaire de malversation ou d’enrichissement personnel contre lui…

            • cdg dit :

               
              «Valérie Schafer rappelle les propos de Jacques Chirac à l’époque : « la boulangère d’Aubervilliers pouvait interroger sa banque par Minitel alors que la boulangère de New-York ne peut pas le faire ! »
               
              «Autrement dit, par des employés sous statut privé qui pourraient se voir licenciés si leurs rapports ne correspondent pas aux souhaits du client ?»
              Il ne faut evidement pas que le controlé paie directement le controleur, sinon c est sur qu on se retourve comme avec les auditeurs d Enron. Pour reprendre votre ex, on peut tres bien imaginer une taxe par avion qui finance l institut de contrôle
               
              [Et on le voit très bien dans le contrôle technique. Quand le passais ma voiture directement, elle revenait toujours avec des remarques. Depuis que je passe par un garage (qui me fait la vidange puis la présente au contrôle technique) toute une série de problèmes ont disparu. Etonnant, non ?]
              Vous voulez dire que quand vous y alliez seul, votre voiture avait droit a une contre visite et plus maintenant ? Ou simplement que votre garagiste verifie les points de contrôle avant et change ce qui est necessaire histoire que ca se passe bien. Il se peut evidement que le garagiste soit de meche avec le centre de contrôle (ou l operateur qui fait le test, j ai un ami qui une fois en a soudoyé un pour que sont vehicule soit considéré comme OK)
               
              [Vous croyez que le technicien de Tesla fait ce qu’il veut ? Non, bien sûr que non. Il fait ce que lui dit son patron, et s’il ne le fait pas il est viré. Il y a toujours dans votre société idéale des gens « en haut » qui décident de faire quelque chose et contraignent ceux « d’en bas » à faire ce qu’ils ont décidé]
              C est pas ce que je voulais dire. Dans le cas de l etat, en tant que contribuable je suis obligé de payer (par exemple pour subventionner l auto electrique). Dans le cas d un systeme privé, si je ne veut pas payer, il me suffit de ne pas acheter.
               
              [dans l’autre « vous faites ce que je vous dis ou vous êtes viré ».]
              Ca ne marche qu en cas de chomage massif. Regardez actuellement en informatique ou dans la restoration. Vous pouvez pas menacer votre personnel ou il va simplement partir et vous aurez plus personne
               
              [Si l’on met de côté les caprices de riche, ces projets ne sont développés que s’ils peuvent faire gagner de l’argent aux investisseurs. ]
              C est sur que le gros moteur c est l argent. Mais c est loin d etre le seul. L aeronautique a ete developpe hors de tout soutien d etat (avant 14 c etait vu comme un truc pas serieux, meme par les militaires). De meme pour l automobile s est developpé sans soutient d etat
              Je ne dit pas qu il faut supprimer la NASA, l ONERA ou d autres organisme public (au contraire). Je dis juste que l etat n est pas le la source unique du progres technologique ou scientifique et que l homme peut etre mu par autre chose que l argent
               
              [EPAD][Mais d’où sortez-vous que cela aurait « coûté très cher » ?]
              Un systeme public doit etre financé par les impots
              https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488
              Le nombre des plus de 85 ans passera de 1,4 million à ce jour à 5 millions en 2060. Soit une multiplication par 4 des besoins (et donc des impots si on considere qu il y a peu d economie d echelle)
              [Que la gestion de l’EHPAD soit publique ou privé, le financement est toujours le même : il fait intervenir les ressources du pensionnaire, de sa famille, et en cas d’insuffisance du département]
              L astuce c est que dans un systeme public, l etat peut tres bien financer le batiment, les soins ou je ne sais quoi… et donc le reste a charge pour le pensionnaire va etre faible. A l opposé un systeme privé va repercuter tous ses couts (plus la marge pour l infame actionnaire) donc le pensionnaire va payer plus
               
              [Et finalement, je trouve ce genre d’argument assez étonnant : lorsqu’un chauffard alcoolisé tue un piéton, qui est responsable, le chauffard ou la gendarmerie qui n’était pas là pour le contrôler avant qu’il prenne le volant ?]
              Ca n a rien a voir. Orpea etait payé par l etat et agree par l ARS. Autrement dit ils recevaient de l argent pour faire une certaine prestation. Personne n est payé par l etat pour conduire sobre
               
              [la gestion d’ORPEA, du point de vue des actionnaires, était au contraire impeccable.]
              l action est passée de 90 a 33 € soit -70 % en une semaine. Je suis pas actionnaire mais si je l etais je ne trouverai pas ca impeccable. Un business model basé sur l hypothese de ne pas se faire prendre est vérolé a la base (tot ou tard ca finit par fuiter)
               
              [La rentabilité financière d’un projet est facile à calculer]
              meme pas. Je travaille en R&D. Comment chiffrer notre rentabilité ? C est quasiment impossible
              Par contruction nous ne vendons rien directement. Des produits de ma societe utilisent ce que nous faisons mais quelle part du benefice revient a notre logiciel (qui n est qu une part du logiciel global qu achete le client) ?
               
              [Oui, mais ce « prestige » représente aussi une retombée au niveau de la société, non ? Faut-il s’interdire des actions de « prestige » qui nous ramènent des alliés, des commandes, un rang dans le monde au prétexte que cela ne rapporte pas financièrement ce que cela coûte ?]
              Deja toutes les actions de «prestige» ramene du prestige (par ex je suis pas sur que les JO de pekin actuellement ramene tant de prestige a Xi (ca a surtout relancé le debat sur les Ouigours voire sur un virus d origine chinoise)
              Personellement je suis pas contre les actions de prestige mais j aimerai qu il y ait un debat et que le contribuable ne soit pas considere comme juste bon a payer et a se taire (par ex pourquoi ne pas inclure dans la declaration de l IR une affectation d un % des sommes a payer sur un de ces projets)
               
              [Et finalement, si ma mémoire ne me trompe pas la SNIAS faisait aussi des moteurs pour l’aéronautique militaire qui, elle, est « utile » à tous les citoyens !]
              Les moteurs c etait la snecma. Il me semble que la SNIAS n a jamais developpé de moteur d avion (en tout cas pas celui du concorde)
               
              [Normal : qui accepterait en occident d’acheter des équpements de télécommunications à une entreprise d’Etat chinoise ? ]
              c est vrai pour des equipement sensible mais pas pour le consommateur
              Huewei faisait des smartphone et je pense pas que le francais moyen n aurait pas achete car entreprise d etat
               
              [Déjà une entreprise « privée » comme Huawei a les pires difficultés à participer à des appels d’offre, accusée d’être un cheval de troie du pouvoir chinois. Alors, imaginez-vous si elle s’affichait comme entreprise d’Etat… Mais beaucoup de ces entreprises ne sont que le cache-nez de l’Etat : leur financement dépend des banques publiques, leur position des marchés publics. Et ne parlons pas des moyens de pression individuels sur leurs dirigeants…]
              La je vous rejoint, Huawei et alibaba sont extremement dependant de l etat chinois et ne feront rien pour s opposer a un ordre de celui ci. Je suis pas sur qu il y ait des portes derobees dans les produits de Huawei pour par ex paralyser un pays en cas de conflit (ou plus probablement la possibilité d en uploader un discretement si necessaire).
              Mais c est clair que dès la conception des mecanismes de surveillance/censure ont ete implementé (a usage interne chinois mais bien evidement utilisable ailleurs)
              [frauder le fisc, être cadre supérieur est largement suffisant]
              Si vous etes salarié bon courage pour frauder
               
              [[“Lorsqu’on discute de ces sujets, tout le monde se polarise sur les grands personnages, genre Lauvergeon, qui ont des appuis politiques et médiatiques.” C est aussi les seuls dont les performances sont accessibles au citoyen moyenQui connait le haut fonctionnaire X qui a décidé d investir dans qwant?]
              [Personne. Comme personne ne connaît le nom du cadre de Springer qui a décidé d’y investir l’argent de sa boite. Mais je ne saisis pas le rapport avec la choucroute.]]
              J ai choisit qwant puisqu ils sont dans l actualité afin d illustrer le fait le citoyen moyen n apprend les bourdes uniquement quand ce sont ces «grand personnages»
               
              [et rien ne prouve que le risque pris en investissant dans Qwant n’était pas raisonnable]
              Attaquer frontalement google avec un produit qui n avait aucune differentiation forte (ou qwant etait meilleur que google ?) c est un peu comme attaquer un char avec un arc et des fleches
              Je ne critique pas le fait que l etat investisse de l argent sur un projet qui est au final un echec. Je critique le fait qu on investisse sur un projet qui n a quasiment aucune chance de marcher et quant l echec est la, le secretaire d etat au numerique s entete (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Manuel_Rozan)
               

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [«Valérie Schafer rappelle les propos de Jacques Chirac à l’époque : « la boulangère d’Aubervilliers pouvait interroger sa banque par Minitel alors que la boulangère de New-York ne peut pas le faire ! »]

              Je vous rappelle votre commentaire pour lequel je vous ai demandé une référence : « rappelez-vous Chirac déclarant que la France était en avance car elle avait le minitel et donc pas besoin d’internet ». Vous noterez la différence avec votre citation : dans celle-ci, Chirac ne dit nulle part que « la France n’a pas besoin d’internet ».

              [« Autrement dit, par des employés sous statut privé qui pourraient se voir licenciés si leurs rapports ne correspondent pas aux souhaits du client ?» Il ne faut évidemment pas que le contrôlé paie directement le contrôleur, sinon c’est sur qu’on se retrouve comme avec les auditeurs d’Enron. Pour reprendre votre ex, on peut très bien imaginer une taxe par avion qui finance l’institut de contrôle]

              Oui, et il faudrait aussi que les agents de l’institut en question ne puissent pas ensuite aller travailler chez les compagnies d’aviation. Or, si une telle interdiction peut se concevoir pour un agent sous statut, qui a la garantie de l’emploi, il est difficile de l’imposer pour un agent purement privé : imaginez-vous le cas d’un contrôleur licencié, qui ne pourra travailler dans son domaine d’expertise…

              [« Et on le voit très bien dans le contrôle technique. Quand le passais ma voiture directement, elle revenait toujours avec des remarques. Depuis que je passe par un garage (qui me fait la vidange puis la présente au contrôle technique) toute une série de problèmes ont disparu. Etonnant, non ? » Vous voulez dire que quand vous y alliez seul, votre voiture avait droit a une contre visite et plus maintenant ? Ou simplement que votre garagiste vérifie les points de contrôle avant et change ce qui est nécessaire histoire que ça se passe bien.]

              Je ne sais pas si mon garagiste vérifie, mais en tout cas il ne change rien. Il ne fait que la vidange, et la voiture passe le contrôle sans encombre. Je vous laisse tirer vos propres conclusions.

              [Il se peut évidemment que le garagiste soit de mèche avec le centre de contrôle (ou l operateur qui fait le test, j’ai un ami qui une fois en a soudoyé un pour que sont véhicule soit considéré comme OK)]

              Mais pourquoi aller penser à un complot alors que la logique de marché a elle seule explique parfaitement ce comportement ? Mon garagiste est un gros garage. J’imagine qu’il apporte au contrôle technique des dizaines voire des centaines de voitures par mois. Et le contrôleur sait parfaitement que s’il est trop strict, le garagiste pourrait aller voir un autre contrôleur. De là à imaginer qu’il cherche à faire plaisir au client – en dehors de toute conjuration entre les deux – il y a un pas qu’on peut raisonnablement franchir. N’oubliez pas : dans une logique de marché, « le client est roi ».

              [Ce n’est pas ce que je voulais dire. Dans le cas de l’état, en tant que contribuable je suis obligé de payer (par exemple pour subventionner l’auto électrique). Dans le cas d’un système privé, si je ne veux pas payer, il me suffit de ne pas acheter.]

              Pardon, j’avais mal compris. Oui, en tant que contribuable, vous êtes obligé à payer. Mais en contrepartie, l’Etat est obligé à vous prêter le service. Dans le rapport privé, vous n’êtes pas obligé à acheter, mais le vendeur n’est pas obligé à vendre non plus.

              [« dans l’autre « vous faites ce que je vous dis ou vous êtes viré » ». Ca ne marche qu en cas de chomage massif.]

              Tout à fait. Et c’est la raison pour laquelle le capitalisme essaye – et en général réussit – à maintenir un chômage massif, la fameuse « armée de réserve »…

              [« Si l’on met de côté les caprices de riche, ces projets ne sont développés que s’ils peuvent faire gagner de l’argent aux investisseurs. » C’est sûr que le gros moteur c’est l’argent. Mais c’est loin d’etre le seul. L’aéronautique a été développé hors de tout soutien d’état (avant 14 c’était vu comme un truc pas sérieux, même par les militaires).]

              Je ne sais pas d’où vous sortez cette théorie. L’aéronautique a été au contraire été prise très au sérieux par les militaires, et cela dès le XVIIIème siècle et l’invention de la montgolfière. L’aéronautique – on parle bien entendu de l’aéronautique INDUSTRIELLE – s’est toujours développé avec des crédits militaires.

              [De même pour l’automobile s’est développé sans soutient d’état]

              Ah bon ? Ce sont les capitaux privés qui ont construit les routes et les autoroutes ?
              Même en laissant de côté les infrastructures, on peut se demander où en serait l’industrie automobile si elle n’avait pas pu compter sur les commandes militaires et celles des administrations. Ce n’est pas par hasard si les grands industriels de l’automobile – Renault, Peugot, GM, Chrysler – ont été aussi des fournisseurs de matériel militaire…

              Mais ce qui était en discussion ici n’était pas tant de savoir si cela s’était développé avec des capitaux publics ou privés, mais si le moteur de l’investissement était le profit. L’industrie automobile a été, dès le départ, extrêmement profitable. Et aucun investisseur ne s’est ruiné en investissant dans l’automobile lors de sa phase de développement…

              [Je dis juste que l’état n’est pas le la source unique du progrès technologique ou scientifique et que l’homme peut être mu par autre chose que l’argent]

              L’homme, certainement. Mais le capitaliste, c’est moins sûr. Je n’ai jamais dit que le progrès technologique et scientifique ait pour source unique l’Etat. Ce que j’ai dit, c’est que le moteur qui pousse l’investisseur est le profit. Et que le privé ne contribue au progrès technologique ou scientifique que s’il y a de l’argent à gagner. Ainsi, par exemple, la contribution du secteur privé dans l’astrophysique ou la physique de particules est pratiquement nulle…

              [EPAD][Mais d’où sortez-vous que cela aurait « coûté très cher » ? Un systeme public doit etre financé par les impots (…) Le nombre des plus de 85 ans passera de 1,4 million à ce jour à 5 millions en 2060. Soit une multiplication par 4 des besoins (et donc des impôts si on considère qu il y a peu d economie d echelle)]

              Et alors ? Tout cela et vrai que l’accueil des personnes en EPHAD soit le fait du privé ou du public. Cela ne justifie nullement votre affirmation qu’un système exclusivement publique aurait « couté très cher » par rapport au privé.

              [« Que la gestion de l’EHPAD soit publique ou privé, le financement est toujours le même : il fait intervenir les ressources du pensionnaire, de sa famille, et en cas d’insuffisance du département » L’astuce c’est que dans un système public, l’état peut très bien financer le bâtiment, les soins ou je ne sais quoi… et donc le reste a charge pour le pensionnaire va être faible. A l opposé un systeme privé va répercuter tous ses couts (plus la marge pour l’infame actionnaire) donc le pensionnaire va payer plus]

              Et pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas répercuter les coûts sur le pensionnaire (la marge pour l’infâme actionnaire en moins, naturellement) ? Et même à supposer que ne l’Etat prenne en charge la chose, cela ne change pas le coût : au lieu de payer le gestionnaire de l’EPHAD, le pensionnaire et sa famille paieront plus d’impôts.

              Je pense que vous confondez le coût du dispositif et le mode de financement. Le dispositif de prise en charge des anciens a un coût, qui dépend de l’efficacité de l’organisation et du niveau de qualité. Il n’y a aucune raison de penser que l’efficacité d’un système privé soit meilleure que celle d’un système public. Donc, sauf à dégrader la qualité – ce qu’a fait ORPEA – il n’y a aucune raison qu’un système 100% public soit « très cher » par rapport à un système privé. Après, on peut discuter le canal de financement (impôt, prélèvement sur l’héritage, sur la pension, faire payer les familles, etc.) mais c’est une autre histoire.

              [Ca n’a rien à voir. Orpea était payé par l’état et agrée par l’ARS. Autrement dit ils recevaient de l’argent pour faire une certaine prestation.]

              Tout à fait. Et Orpea avait donc l’obligation de fournir une prestation avec la qualité prescrite, et cette obligation est indépendante de tout contrôle. Si la qualité n’était pas au rendez-vous, la responsabilité est d’ORPEA, pas du contrôleur. Pensez-vous vraiment que l’absence de contrôle permette au contractant de s’affranchir de sa responsabilité ?

              [« la gestion d’ORPEA, du point de vue des actionnaires, était au contraire impeccable. » l’action est passée de 90 à 33 € soit -70 % en une semaine. Je ne suis pas actionnaire mais si je l’étais je ne trouverais pas ça impeccable.]

              Ça dépend. Qu’est-ce que vous préférez : une action qui vous rapporte 10% par an pendant dix ans et qui ensuite perd 70% de sa valeur, ou bien une action qui rapporte 3% par an sans cette perte ? La première option vous rapporte 89% sur dix ans, la deuxième option seulement 34%. Si les turpitudes d’ORPEA ont permis d’augmenter le dividende substantiellement, alors le fait qu’en fin de compte l’action perde 70% est largement compensé.

              [Un business model basé sur l hypothese de ne pas se faire prendre est vérolé a la base (tot ou tard ca finit par fuiter)]

              Et alors ? Il suffit que la « fuite » ait lieu suffisamment tard pour permettre aux actionnaires de récupérer suffisamment de dividendes…

              [« La rentabilité financière d’un projet est facile à calculer » meme pas. Je travaille en R&D. Comment chiffrer notre rentabilité ? C est quasiment impossible]

              Relisez avec attention : j’ai parlé de rentabilité FINANCIERE. La rentabilité financière est le rapport entre les entrées et les sorties. Il est clair que dans le cas de la R&D la rentabilité FINANCIERE est négative.

              [Personnellement je suis pas contre les actions de prestige mais j’aimerai qu’il y ait un débat et que le contribuable ne soit pas considère comme juste bon a payer et à se taire (par ex pourquoi ne pas inclure dans la déclaration de l’IR une affectation d’un % des sommes à payer sur un de ces projets)]

              D’abord, ce débat a lieu chaque année au Parlement : c’est le vote de la loi de finances. Ensuite, le problème de l’affectation des ressources et très complexe. Il favorise le comportement de passager clandestin : tout le monde dirigerait son impôt vers les causes moralement rentables, en espérant que quelqu’un d’autre financera la police, l’armée, les égouts…

              [« Et finalement, si ma mémoire ne me trompe pas la SNIAS faisait aussi des moteurs pour l’aéronautique militaire qui, elle, est « utile » à tous les citoyens ! » Les moteurs c’était la Snecma. Il me semble que la SNIAS n’a jamais développé de moteur d’avion (en tout cas pas celui du concorde)

              Vous avez raison. Mais mon argument demeure : la SNIAS a construit des équipements pour l’aéronautique militaire.

              [« Normal : qui accepterait en occident d’acheter des équpements de télécommunications à une entreprise d’Etat chinoise ? » c’est vrai pour des équipements sensibles mais pas pour le consommateur. Huewei faisait des smartphones et je ne pense pas que le français moyen n’aurait pas acheté car entreprise d etat]

              Le consommateur individuel non. Mais pour les flottes d’entreprise, des administrations… c’est une autre histoire.

              [« Frauder le fisc, être cadre supérieur est largement suffisant » Si vous êtes salarié bon courage pour frauder]

              Sur la part salariale, très difficile. Mais les cadres supérieurs bénéficient souvent de rémunérations non salariales qui permettent des montages cachant ce revenu au fisc…

            • CZ dit :

              @cdg
              [Attaquer frontalement google avec un produit qui n avait aucune differentiation forte (ou qwant etait meilleur que google ?) c est un peu comme attaquer un char avec un arc et des fleches]
              En opposition frontale à Google, Qwant a toujours revendiqué comme principal argument de ne pas tracer ses utilisateurs, ne pas vendre leurs données personnelles et ne pas orienter l’affichage des résultats. Si ça ce n’est pas une différentiation forte, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
               

            • cdg dit :

              @CZ
              Meme si je suis personnellement contre le tracage (j utilise pas google) je suis realiste. ca ne concerne qu une partie infime des internautes. Sinon personne n aurait un smartphone qui renvoie bien plus de donnees a Apple ou Google
              Qwant affirme ne pas tracer ses utilisateurs mais utilise Bing (Microsoft). En fait il ne font pas mieux que duckduckgo ou autres qui redirigent votre requete sur un autre moteur (ici Microsoft) qui lui va tracer les requetes (ils ne vont pas voir que c est vous qui faites cette requete mais ils auront quand meme par ex le nombre de requetes sur un theme. Google est capable de suvre les epidemies de grippe via les requetes)

            • cdg dit :

              @decartes
               
              [Je vous rappelle votre commentaire pour lequel je vous ai demandé une référence : « rappelez-vous Chirac déclarant que la France était en avance car elle avait le minitel et donc pas besoin d’internet ». Vous noterez la différence avec votre citation : dans celle-ci, Chirac ne dit nulle part que « la France n’a pas besoin d’internet ». ]
              j ai pas trouve la video en question mais je me rappelle tres bien avoir vu chirac repondre au journaliste que la france n etait pas en retard car elle avait le minitel. Apres vous pouvez jouer sur les mots car en effet chirac n a pas dit texto que la france n avait pas besoin d internet, mais il l avait laissé entendre : pourquoi utiliser internet si vous pouvez faire plus avec le minitel comme le suggere son exemple ?
              [Oui, et il faudrait aussi que les agents de l’institut en question ne puissent pas ensuite aller travailler chez les compagnies d’aviation. Or, si une telle interdiction peut se concevoir pour un agent sous statut, qui a la garantie de l’emploi]
              Il ne semble pas qu il y ait de telle restriction que ca soit a la SNCF ou a EDF
               
              [Pardon, j’avais mal compris. Oui, en tant que contribuable, vous êtes obligé à payer. Mais en contrepartie, l’Etat est obligé à vous prêter le service. Dans le rapport privé, vous n’êtes pas obligé à acheter, mais le vendeur n’est pas obligé à vendre non plus. ]
              C est quand meme assez rare une entreprise privee qui refuse de vous vendre quelque chose qu elle produit. C est renoncer a un profit
              Quant a l etat si en theorie il doit vous fournir le service, il peut pour eviter que ca coute trop cher essayer de restreindre les personnes qui vont reellement le demander (je suppose ici que le service coute plus cher que ce que l etat est facture a l utilisateur). Par ex le fait d exiger de remplir des formulaires (une explication a ceux qui ne demandent pas le RSA)
              [Tout à fait. Et c’est la raison pour laquelle le capitalisme essaye – et en général réussit – à maintenir un chômage massif, la fameuse « armée de réserve »…]
              C est pas parce que la France est affligee d un taux de chomage massif que c est partout pareil. Le taux de chomage dans des pays plus capitaliste/liberaux comme la GB, les Usa ou la suisse est bien plus faible
              Et pour en rester au pur capitalisme, un chomeur c est certes une pression a la baisse sur les salaires mais aussi un non consommateur. Donc le capitalisme n a pas interet a avoir une grosse masse de chomeurs (et je parle pas de l instabilite politique que ca engendre)
               
              [Ah bon ? Ce sont les capitaux privés qui ont construit les routes et les autoroutes ?]
              les routes existaient avant l automobile. Pour les autoroutes, elles auraient tres bien pu etre privee vu qu elle sont financee par des peages
              [Même en laissant de côté les infrastructures, on peut se demander où en serait l’industrie automobile si elle n’avait pas pu compter sur les commandes militaires et celles des administrations. Ce n’est pas par hasard si les grands industriels de l’automobile – Renault, Peugot, GM, Chrysler – ont été aussi des fournisseurs de matériel militaire…]
              Ca a ete marginal a part pendant les guerres
              Renault a fait des chars (le FT 17 par ex) mais c est plus par necessite du a l effort de guerre qu autre chose. Avant 1914 renault, peugeot ou les autres constructeurs qui existaient a l epoque ne travaillaient pas pour l etat. Apres 1945, les constructeurs auto ont arrete de faire des chars. Ce qui est assez logique car les synergies entre un char et une auto sont assez limitees
              Sur un mode moins specifique, certains constructeurs ont fait des camions militaire (renault trucks en fait toujours). Mais ca reste marginal pour un constructeur auto (il suffit de voir les volumes de vente)
              [ L’industrie automobile a été, dès le départ, extrêmement profitable. Et aucun investisseur ne s’est ruiné en investissant dans l’automobile lors de sa phase de développement…]
              regardez le nombre de constructeurs en 1900 et maintenant. La plupart ont disparu. Panhart, De Dion, Bugatti … Etre actionnaire de Bugatti vous aurait exposé a des pertes. Meme si vous etiez actionnaire de citroen, je sui pas sur que le rachat par Psa ait ete lucratif pour vous
               
               
              [Et pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas répercuter les coûts sur le pensionnaire (la marge pour l’infâme actionnaire en moins, naturellement) ?]
              regardez les debats actuels sur l heritage et sa taxation. Pensez vous sincerement que l etat aura le courage de ponctionner le pensionnaire et ses heritiers ?
              [ Et même à supposer que ne l’Etat prenne en charge la chose, cela ne change pas le coût : au lieu de payer le gestionnaire de l’EPHAD, le pensionnaire et sa famille paieront plus d’impôts. ]
              C est la l astuce. Nationalisation des pertes, privatisation des profits. Le pensionnaire et sa famille paiera un peu plus d impots mais bien moins que couterait le sejour. A l opposé votre solution mettra a contribution ceux qui s occupent de leurs parents chez eux. Et tout simplement c est une taxation des jeunes generations pour preserver l heritage du 3eme age
               
              [Il n’y a aucune raison de penser que l’efficacité d’un système privé soit meilleure que celle d’un système public.]
              quand on voit l education nationale ou la SNCF on peut avoir des doutes
              [Ça dépend. Qu’est-ce que vous préférez : une action qui vous rapporte 10% par an pendant dix ans et qui ensuite perd 70% de sa valeur, ou bien une action qui rapporte 3% par an sans cette perte ?]
              10 % de dividende ?
              Avant son effondrement orpea c etait 1 % de rendement
              Meme apres s etre effondre, orpea offre 2.5 % (le dernier dividende est 0.9 € et le cours est de 35 € et vu les problemes de la societe, le dividende va baisser (ne serait ce que pour payer les avocats, les conseillers en communications et un minimum de changement))
               
               
               
              [[Un business model basé sur l hypothese de ne pas se faire prendre est vérolé a la base (tot ou tard ca finit par fuiter)]
              Et alors ? Il suffit que la « fuite » ait lieu suffisamment tard pour permettre aux actionnaires de récupérer suffisamment de dividendes…]
              comme je vous l ai montre ci dessus, c est completement impossible avec les dividendes (avec 2 % de dividende vous recupererez jamais les pertes sur le capital en cas de -70 % comme orpea)
              Si vous voulez vraiment truander, il faut essayer de faire gonfler le soufflé de l action en faisant monter le cours et vendre vos actions a ce moment. Mais quand ca se degonfle vous risquez la prison (cf theranos, wirecard, enron) et c est de toute facon une possibilité limitee aux dirigeants de la societe (l actionnaire lui n a aucun moyen de falsifier les comptes)
               
               
               

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [j’ai pas trouvé la vidéo en question mais je me rappelle très bien avoir vu Chirac répondre au journaliste que la France n’etait pas en retard car elle avait le minitel.]

              Je ne sais pas de quand date la vidéo que vous n’avez pas retrouvé, mais si cela a été dit dans les années 1970 ou 1980, Chirac ne fait que constater un fait : à l’époque, il est clair que la France était en avance puisque le Minitel offrait des services qu’on ne trouvait pas dans d’autres pays.

              [Apres vous pouvez jouer sur les mots car en effet chirac n a pas dit texto que la france n avait pas besoin d internet, mais il l avait laissé entendre : pourquoi utiliser internet si vous pouvez faire plus avec le minitel comme le suggere son exemple ?]

              Les pays qui au milieu du XIXème siècle s’éclairaient au gaz étaient sans doute en avance par rapport à ceux qui s’éclairaient à la bougie… et cela n’implique nullement qu’ils n’eussent pas « besoin » de l’ampoule électrique. Rien n’indique qu’à l’époque où Chirac a déclaré ce que vous lui attribuez la il y avait concurrence entre l’internet et le minitel.

              [« Oui, et il faudrait aussi que les agents de l’institut en question ne puissent pas ensuite aller travailler chez les compagnies d’aviation. Or, si une telle interdiction peut se concevoir pour un agent sous statut, qui a la garantie de l’emploi » Il ne semble pas qu il y ait de telle restriction que ca soit a la SNCF ou a EDF]

              Bien sur que si. Les agents de l’autorité de sûreté nucléaire, qui contrôlent les réacteurs nucléaires, ne peuvent être embauchés à EDF, pas plus que ceux de l’agence de sécurité ferroviaire ne peuvent être recrutés à la SNCF. Je vous rappelle que le fait pour un agent public d’être employé par une entreprise qu’il a contrôlé est une faute pénalement punie.

              [« Pardon, j’avais mal compris. Oui, en tant que contribuable, vous êtes obligé à payer. Mais en contrepartie, l’Etat est obligé à vous prêter le service. Dans le rapport privé, vous n’êtes pas obligé à acheter, mais le vendeur n’est pas obligé à vendre non plus. » C’est quand même assez rare une entreprise privée qui refuse de vous vendre quelque chose qu’elle produit. C’est renoncer à un profit.]

              Pas du tout. Il y a des clients qui sont profitables, et ceux qui le sont moins. Si vous appartenez à un groupe « à risque », un assureur privé peut refuser de vous assurer, une banque de vous ouvrir un compte ou de vous accorder un crédit. Le gestionnaire du service public n’a pas ce loisir.

              [« Tout à fait. Et c’est la raison pour laquelle le capitalisme essaye – et en général réussit – à maintenir un chômage massif, la fameuse « armée de réserve »… » Ce n’est pas parce que la France est affligée d’un taux de chômage massif que c’est partout pareil. Le taux de chômage dans des pays plus capitaliste/liberaux comme la GB, les Usa ou la suisse est bien plus faible.]

              « Bien plus faible », mais massif quand même. Rares sont les pays dont le taux de chômage est inférieur à 5% toutes catégories confondues, ce qui fait tout de même un travailleur sur vingt. Et il faudrait y ajouter les chômeurs non comptabilisés…

              [Et pour en rester au pur capitalisme, un chômeur c’est certes une pression à la baisse sur les salaires mais aussi un non consommateur. Donc le capitalisme n’a pas intérêt à avoir une grosse masse de chômeurs (et je parle pas de l’instabilité politique que ça engendre)]

              Vous avez raison : le capitalisme n’a pas intérêt à une extension illimitée du chômage, tout juste de le maintenir au niveau nécessaire pour maintenir les salaires bas. Quant à l’instabilité politique, les capitalistes ont été souvent myopes aux considérations de long terme : pensez à l’importation massive de main d’œuvre immigrée dans les années 1960…

              [« Ah bon ? Ce sont les capitaux privés qui ont construit les routes et les autoroutes ? » les routes existaient avant l automobile. Pour les autoroutes, elles auraient tres bien pu etre privee vu qu elle sont financee par des peages]

              Non. Les routes praticables par des automobiles n’existaient pas avant l’automobile. Elles ont été remises au standard nécessaire par les pouvoirs publics et avec l’argent public. Si on avait gardé les routes dans l’état où elles étaient au milieu du XIXème siècle, jamais l’automobile n’aurait connu l’essor qu’il a connu. Quant aux autoroutes, elles « auraient bien pu être privées » peut-être, mais le fait est qu’il n’existe pas de pays où ce soit le cas : elles ont toujours été construites par l’Etat, au besoin par le biais de la concession.

              L’automobile est un exemple signalé de la manière dont une industrie essentiellement privée a pu prospérer parce que l’Etat à supporté les coûts d’infrastructure indispensables à son développement.

              [« Même en laissant de côté les infrastructures, on peut se demander où en serait l’industrie automobile si elle n’avait pas pu compter sur les commandes militaires et celles des administrations. Ce n’est pas par hasard si les grands industriels de l’automobile – Renault, Peugot, GM, Chrysler – ont été aussi des fournisseurs de matériel militaire… » Ca a ete marginal a part pendant les guerres]

              Pour le matériel militaire, c’est discuté. Pour les commandes des administrations, non. Pour Renault, les commandes de la gendarmerie, de la police, des postes, d’EDF-GDF constituait une base qui garantissait la rentabilité des développements.

              [« L’industrie automobile a été, dès le départ, extrêmement profitable. Et aucun investisseur ne s’est ruiné en investissant dans l’automobile lors de sa phase de développement… » regardez le nombre de constructeurs en 1900 et maintenant. La plupart ont disparu. Panhart, De Dion, Bugatti … Etre actionnaire de Bugatti vous aurait exposé a des pertes. Meme si vous etiez actionnaire de citroen, je sui pas sur que le rachat par Psa ait ete lucratif pour vous]

              Que les industries se concentrent au fur et à mesure de leur maturité, c’est la logique même du capitalisme. Mais cela n’implique nullement que les actionnaires des entreprises disparues aient perdu de l’argent. Les Panhart, De Dion, Bugatti étaient ce que sont aujourd’hui les « start-up ». Quand une « start-up » disparaît rachetée par une grande entreprise, ses actionnaires pâtissent rarement de l’opération…

              [« Et pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas répercuter les coûts sur le pensionnaire (la marge pour l’infâme actionnaire en moins, naturellement) ? » regardez les débats actuels sur l’héritage et sa taxation. Pensez-vous sincèrement que l’Etat aura le courage de ponctionner le pensionnaire et ses héritiers ?]

              Autant que l’opérateur privé. Je vous rappelle que pendant des générations il y a eu des droits de succession très importants en France. Si hier l’Etat a eu le courage de les imposer, pourquoi pas aujourd’hui ?

              [« Et même à supposer que ne l’Etat prenne en charge la chose, cela ne change pas le coût : au lieu de payer le gestionnaire de l’EPHAD, le pensionnaire et sa famille paieront plus d’impôts. » C’est la l’astuce. Nationalisation des pertes, privatisation des profits. Le pensionnaire et sa famille paiera un peu plus d’impôts mais bien moins que couterait le séjour. A l’opposé votre solution mettra à contribution ceux qui s’occupent de leurs parents chez eux.]

              Il suffit alors d’accorder une subvention à ceux qui s’occupent de leurs parents chez eux, et l’affaire est réglée. In fine, le coût du dispositif est exactement le même…

              [Et tout simplement c est une taxation des jeunes generations pour preserver l heritage du 3eme age]

              Oui, et cela leur garantit que quand elles seront arrivées au 3ème âge, les jeunes de la génération suivante paieront pour eux. Ca s’appelle « solidarité intergénérationnelle »…

              [« Il n’y a aucune raison de penser que l’efficacité d’un système privé soit meilleure que celle d’un système public. » quand on voit l’éducation nationale ou la SNCF on peut avoir des doutes]

              Mais quand on pense à ENRON ou ORPEA, les doutes se dissipent. Vous savez, vous trouverez des exemples de gabegie et de mauvaise gestion dans le public comme dans le privé. Et de la même manière, vous trouverez des exemples de bonne gestion des deux côtés. On ne peut pas raisonner sur des exemples.

              [« Ça dépend. Qu’est-ce que vous préférez : une action qui vous rapporte 10% par an pendant dix ans et qui ensuite perd 70% de sa valeur, ou bien une action qui rapporte 3% par an sans cette perte ?]
              10 % de dividende ? » Avant son effondrement orpea c etait 1 % de rendement]

              Vous ne répondez pas à la question. Mon point est que votre affirmation selon laquelle une action qui au bout du compte perd 70% de sa valeur est nécessairement un mauvais investissement. Je vous ai démontré que ce n’est pas le cas. Pour savoir si c’est un bon ou un mauvais investissement, il faut prendre en compte le revenu total avant effondrement. Une politique qui conduit à un revenu important et à un effondrement final peut donc être un bon choix du point de vue de l’investisseur…

              [Meme apres s etre effondre, orpea offre 2.5 % (le dernier dividende est 0.9 € et le cours est de 35 € et vu les problemes de la societe, le dividende va baisser (ne serait ce que pour payer les avocats, les conseillers en communications et un minimum de changement))]

              Il ne faut pas compter seulement le dividende, mais aussi le gain de l’action. Imaginons que vous achetez de l’ORPEA Il y a dix ans pour 100€ et que chaque année vous revendez le surplus pour garder votre investissement à 100€. Si vous faites l’exercice, la première année vous gagnerez ainsi 9 € (sur une valeur de l’ordre de 33 €, soit plus de 25%), la deuxième 10 € (soit presque 30%)… et ainsi de suite. In fine, vous aurez gagné quelque 100 €. Vous voyez bien que même en perdant 70% de la valeur à la fin (soit 70 €) vous êtes gagnant. Et cela sans même compter les dividendes…

  11. Marcailloux dit :

    @ Descartes
     
    Bonjour,
     
    Indisposé par les difficultés croissantes pour obtenir un rendez-vous avec les médecins, la Santé publique dans notre pays étant devenue, entre autres, une des grandes maisons de votre « Village Potemkine » je me permets, sinon un coup de gueule, néanmoins un cri d’alarme.
    Oh ! pas pour les personnes de ma génération qui, peu ou prou sortiront, comme on l’imagine, du marasme sans trop d’épreuves. Mais vous, nés dès les années 50, avez du souci à vous faire.
    En France, comme ou plus que chez nos voisins occidentaux, nous avons, depuis des décennies, bénéficié des avancées scientifiques et, dans notre pays particulièrement, pu accéder à un dispositif généreux mais tout de même très coûteux. La croissance économique nous donnait, jusque vers la fin du siècle dernier, les moyens de faire face, certes, mais de manière de plus en plus problématique. Il nous paraissait naturel de consommer sur le dos des asiatiques.
    Etions-nous vraiment conscients de vivre un peu aux crochets de l’économie mondialisée ?
    La désagrégation de l’économie nationale, amplifiée par la loi sur les 35h, mal exploitée à cause, notamment, de l’incurie de la ministre du Travail de l’époque, prolongeant en cela l’irrationnel abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans en 1981, a définitivement placé notre pays sur une trajectoire de déclin économique pour ne parler que de cet aspect de la vie nationale. Par conséquent, il est devenu de plus en plus difficile aux gouvernements successifs de faire face à des dépenses croissantes en quantité (plus de vieux donc plus de malades donc plus de soins) et en qualité technologique (imagerie et robotisation) associées à un assistanat de masse en expansion continue en réponse aux problèmes socioéconomiques. Dans le même temps, des numérus clausus ont été maintenus pour diverses raisons plus ou moins avouables et nous nous retrouvons maintenant en pénurie de personnel, de matériel et d’argent. La situation délétère ne peut qu’évoluer négativement malgré les probables rustines et cautères qui ne feront que masquer et retarder l’effondrement d’un système de santé dont la plupart des spécialistes manifestent une inquiétude considérable quant à sa pérennité.
    Ce que nous constatons dans le domaine de la Santé publique, nous le pressentons fortement dans les domaines tels l’Éducation nationale, la Sécurité publique, la Justice, l’Énergie, l’Économie, L’industrie, la Recherche, etc.
    En un mot comme en cent nous devons impérativement changer de paradigme et abandonner les loisirs à outrance par l’activité productrice de richesses exportables, ou alors renoncer à consommer à tort et à travers. Augmenter notre temps global de travail, créer des emplois plus qualifiés que la moyenne actuelle par une industrialisation volontariste et énergique, développer l’efficience de nos institutions publiques, instaurer un « écosystème » vertueux par une confiance retrouvée dans la légitimité de nos institutions publiques et privées par le constat sécurisant de produire plus que nous ne consommons. Et surtout rétablir la noblesse de l’effort.
    Dans un ménage comme pour une nation, le crédit a ses limites et moins on est fort plus les limites s’approchent vite.
    Hélas, j’en ai tout à fait conscience, je patauge dans les truismes. Cependant ils sont largement partagés et je pose ainsi quelques questions qui me taraudent depuis longtemps :
    Faut-il passer, pour cela, par une « démocrature » ?
    Est-ce qu’une démocratie, telle que nous la concevons en 2022, avec l’énorme impact sur l’opinion qu’ont les multiples médias à la disposition de tout un chacun, est susceptible de procéder au virage indispensable à notre redressement avant que n’adviennent des catastrophes ?
    Quelle est la « recette » miraculeuse qui fera réconcilier les élites (celles véritables des sachants qui décident et agissent) d’avec le peuple dans son immense diversité, concerné ou non par la chose commune, intellectuel ou non à divers degrés, détenteurs de richesses ou économiquement modestes, générationnelle, confessionnelle ou laïque, de souche française ou étrangère ?
    Je pense qu’il y a là, débat qui justifie plus d’interventions diversifiées que la traditionnelle réponse circonstanciée de notre hôte Descartes.
    Les bisbilles infantiles de nos prétendants à la présidence ne méritent même pas d’être relevées.
    Que reste -t-il ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Oh ! pas pour les personnes de ma génération qui, peu ou prou sortiront, comme on l’imagine, du marasme sans trop d’épreuves. Mais vous, nés dès les années 50, avez du souci à vous faire.]

      Là, je ne comprends pas à qui vous adressez vous. A ceux nés APRES les années 1950 ou à ceux nés AVANT ?

      [En France, comme ou plus que chez nos voisins occidentaux, nous avons, depuis des décennies, bénéficié des avancées scientifiques et, dans notre pays particulièrement, pu accéder à un dispositif généreux mais tout de même très coûteux. La croissance économique nous donnait, jusque vers la fin du siècle dernier, les moyens de faire face, certes, mais de manière de plus en plus problématique. Il nous paraissait naturel de consommer sur le dos des asiatiques.
      Etions-nous vraiment conscients de vivre un peu aux crochets de l’économie mondialisée ?]

      Ça dépend ce que vous appelez « nous ». Il est toujours problématique de raisonner comme si la société était un tout, autrement dit, comme si les classes sociales n’existaient pas. Quand vous parlez de « dispositif généreux », vous noterez que cette « générosité » varie selon les classes sociales. Ainsi, par exemple, un ouvrier bénéficie de sa retraite en moyenne dix ans de moins qu’un enseignant, du fait des différences d’espérance de vie. Même chose pour les soins : un ouvrier accède nettement moins aux soins qu’un cadre.

      C’est pourquoi dire « nous vivions un peu aux crochets de l’économie mondialisée » me paraît très réducteur. Il n’est nullement évident que la productivité française ne puisse soutenir le niveau de vie d’un smicard. Par contre, il ne peut certainement pas soutenir celui du trader…

      [La désagrégation de l’économie nationale, amplifiée par la loi sur les 35h, mal exploitée à cause, notamment, de l’incurie de la ministre du Travail de l’époque, prolongeant en cela l’irrationnel abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans en 1981, a définitivement placé notre pays sur une trajectoire de déclin économique pour ne parler que de cet aspect de la vie nationale.]

      Même si je suis sceptique sur les 35 heures et l’âge légal de 60 ans pour tous, je n’irai pas aussi loin que vous. Le but n’est pas de faire travailler les Français comme des bangladeshis, mais de concilier la durée du travail avec nos aspirations en terme de niveau de vie et la productivité au travail. Si on accepte de consommer moins, il est parfaitement possible de travailler moins…

      [Par conséquent, il est devenu de plus en plus difficile aux gouvernements successifs de faire face à des dépenses croissantes en quantité (plus de vieux donc plus de malades donc plus de soins) et en qualité technologique (imagerie et robotisation) associées à un assistanat de masse en expansion continue en réponse aux problèmes socioéconomiques.]

      Je ne suis pas d’accord. Il faut se garder de tout malthusianisme : si les dépenses sont croissantes, la productivité l’est aussi. La question est donc de trouver un compromis entre la dépense, la productivité et la durée du travail – et, bien entendu, l’investissement !

      [Dans le même temps, des numérus clausus ont été maintenus pour diverses raisons plus ou moins avouables et nous nous retrouvons maintenant en pénurie de personnel, de matériel et d’argent. La situation délétère ne peut qu’évoluer négativement malgré les probables rustines et cautères qui ne feront que masquer et retarder l’effondrement d’un système de santé dont la plupart des spécialistes manifestent une inquiétude considérable quant à sa pérennité.]

      Je ne suis pas un expert de la question, mais je ne suis pas sûr que le numerus clausus soit le problème. Manque-t-on de médecins globalement ? N’est ce plutôt la distribution territoriale qui pêche, les médecins s’installant dans les territoires les plus attractifs et délaissant les autres ? Et si c’est le cas, la solution ne serait-elle d’en finir avec la liberté d’installation ? Après tout, c’est la collectivité qui paye les longues années d’études. N’a-t-elle pas le droit d’exiger en retour un service ? Mais bien entendu, une telle solution implique d’en finir avec le dogme de la toute-puissance individuelle…

      [En un mot comme en cent nous devons impérativement changer de paradigme et abandonner les loisirs à outrance par l’activité productrice de richesses exportables, ou alors renoncer à consommer à tort et à travers. Augmenter notre temps global de travail, créer des emplois plus qualifiés que la moyenne actuelle par une industrialisation volontariste et énergique, développer l’efficience de nos institutions publiques, instaurer un « écosystème » vertueux par une confiance retrouvée dans la légitimité de nos institutions publiques et privées par le constat sécurisant de produire plus que nous ne consommons. Et surtout rétablir la noblesse de l’effort.]

      Vaste programme…

      [Est-ce qu’une démocratie, telle que nous la concevons en 2022, avec l’énorme impact sur l’opinion qu’ont les multiples médias à la disposition de tout un chacun, est susceptible de procéder au virage indispensable à notre redressement avant que n’adviennent des catastrophes ?]

      Là, le marxiste que je suis est obligé à vous renvoyer à une analyse de classe. La question n’est pas le régime politique, mais bien le rapport de forces entre classes qui ont des intérêts différents. La bourgeoisie n’a plus rien à faire de la nation : elle fait ses affaires à un niveau globalisé. Que la France croule sous la dette ou se redresse, ce n’est pas son problème tant qu’elle offre un marché solvable. Pour les classes intermédiaires, c’est « après moi, le déluge ». Tant que ce bloc dominant est solide, on continuera à s’endetter, à vendre les bijoux de famille, à consommer l’héritage. Et cela que le régime soit une démocratie, une « démocrature » ou une dictature pure et simple. Parce qu’il est illusoire d’imaginer une dictature qui pourrait faire fi des classes dominantes.

      [Quelle est la « recette » miraculeuse qui fera réconcilier les élites (celles véritables des sachants qui décident et agissent) d’avec le peuple dans son immense diversité, concerné ou non par la chose commune, intellectuel ou non à divers degrés, détenteurs de richesses ou économiquement modestes, générationnelle, confessionnelle ou laïque, de souche française ou étrangère ?]

      A mon sens, seule une évolution du capitalisme qui conduirait les intérêts de la bourgeoisie et ceux des classes intermédiaires à devenir antagoniques. On voit certains signes qui pointent dans cette direction, mais pour le moment rien de conclusif.

      • cdg dit :

        “Je ne suis pas un expert de la question, mais je ne suis pas sûr que le numerus clausus soit le problème. Manque-t-on de médecins globalement ? N’est ce plutôt la distribution territoriale qui pêche, les médecins s’installant dans les territoires les plus attractifs et délaissant les autres ? Et si c’est le cas, la solution ne serait-elle d’en finir avec la liberté d’installation ? Après tout, c’est la collectivité qui paye les longues années d’études. N’a-t-elle pas le droit d’exiger en retour un service ?”
        Il y a plus de medecins par habitant maintenant qu en 1970
        Le probleme est la distribution geographique certes mais aussi le changement societal. en 1970 un medecin etait un homme qui faisait 70 h/semaine et dont la femme restiat a la masion et s occupait des enfants
        En 2022 le medecin est une femme qui  veut avoir son mercredi apres midi, ses WE et finir a 18:30. Et habiter dans une grande ville pour que le conjoint trouve du travail
        donc avec le meme nombre de medicins qu en 1970 vous aurez des problemes
        L argument sur la liberte d installation en echange d etudes gratuites est limité. Les medecins vont vous repondre qu il se font exploiter comme internes pendant des annees et qu on exige pas des autres professions le meme effort
        Ensuite si vous forcez les gens a s installer la ou il ne veulent pas, quelles seront les consequences ?
        au mieux la personne va y aller en trainant les pieds et fera le minimum syndical ou elle fera autre chose. On voit les limites de cette contrainte avec l EN qui eprouve des difficultes de recrutement

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Il y a plus de medecins par habitant maintenant qu’en 1970. Le problème est la distribution géographique certes mais aussi le changement sociétal. En 1970 un médecin etait un homme qui faisait 70 h/semaine et dont la femme restait a la maison et s’occupait des enfants. En 2022 le médecin est une femme qui veut avoir son mercredi après-midi, ses WE et finir à 18:30. Et habiter dans une grande ville pour que le conjoint trouve du travail.]

          Je suis tout à fait d’accord avec vous. Cela rejoint en partie un échange que nous avons souvent sur ce blog, à savoir, que le fonctionnement de la société repose sur un certain nombre de structures héritées de la conception « aristocratique » que le capitalisme n’est pas capable de réproduire. Le médecin dévoué, le fonctionnaire honnête, le juge intègre (pour reprendre le raisonnement de Castoriadis) ne peuvent exister qu’en dehors d’un capitalisme qui tend à transformer tous les rapports en rapports d’argent. Le médecin de 1970 que vous décrivez est un « aristocrate », engagé par une logique de l’honneur professionnel. Le médecin de 2022 dans votre exemple est un homo capitalistus, faisant un calcul coût/avantages.

          Il y a là aussi une question de gestion des ressources rares, qui rejoint l’opposition de Jacques de Kervasdoué lors de l’instauration des 35 heures à l’hôpital. Sa position était que, compte tenu des coûts de formation et d’installation d’un médecin, il était stupide d’un pur point de vue économique de le faire tourner 35 heures. Un peu comme si un industriel achetait une machine très performante et très chère, et ne la faisait pas tourner en permanence… La capacité d’une société à tirer le meilleur parti de ses ressources rares est aussi un élément d’efficacité.

          [L’argument sur la liberté d’installation en échange d’études gratuites est limité. Les médecins vont vous répondre qu’il se font exploiter comme internes pendant des années et qu’on exige pas des autres professions le même effort]

          Pardon, mais on exige d’autres professions le même effort : les militaires, les fonctionnaires, les agents des IEG peuvent être mutés « dans l’intérêt du service », et le sont dans les faits. Les enseignants, les militaires, les policiers ou les agents de la production EDF formulent des « vœux », mais ne peuvent choisir leurs affectations. Cela étant dit, je vous accorde qu’un discours sur la liberté d’installation ne serait efficace que s’il était cohérent avec le discours général de la société. On ne peut d’un côté entonner les hymnes néolibéraux et de l’autre prétendre des comportements « aristocratiques ».

          [Ensuite si vous forcez les gens a s’installer la ou il ne veulent pas, quelles seront les conséquences ?
          au mieux la personne va y aller en trainant les pieds et fera le minimum syndical ou elle fera autre chose.]

          Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas dans l’Education nationale, dans les IEG ou dans les armées…

          [On voit les limites de cette contrainte avec l’EN qui éprouve des difficultés de recrutement]

          Non. Si l’EN a des difficultés de recrutement, ce n’est pas parce que l’affectation est imposée. Si tel était le cas, on ne comprends pas pourquoi ces difficultés ne se sont pas manifestées plus tôt, alors que la logique d’affectation était encore plus forte il y a quelques années. Les difficultés de recrutement de l’EN tiennent à d’autres raisons : dévalorisation du métier, baisse relative des rémunérations, délitement de l’institution, multiplication à l’absurde des missions contradictoires…

  12. Marcailloux dit :

    @ Descartes
     
    [[Oh ! pas pour les personnes de ma génération qui, peu ou prou sortiront, comme on l’imagine, du marasme sans trop d’épreuves. Mais vous, nés dès les années 50, avez du souci à vous faire.]
     
    [Là, je ne comprends pas à qui vous adressez vous. A ceux nés APRES les années 1950 ou à ceux nés AVANT ?]]
     
    Comme nous connaissons depuis plus d’une décennie, j’imaginais que vous étiez dans l’idée d’avoir à faire à un protodinausaure.  Je veux, évidemment parler à ceux nés APRES les années 50, les autres finiront vaille que vaille leur trajectoire dans les encombrements actuels.

  13. clem dit :

    “je n’ai pas les idées très claires sur quelle pourraient être de telles situation je vous l’avoue…”
    Et les troubles socio-économiques liés au dérèglement climatique, qu’en pensez vous ?
    Salutations

    • Descartes dit :

      @ clem

      [“je n’ai pas les idées très claires sur quelle pourraient être de telles situation je vous l’avoue…” Et les troubles socio-économiques liés au dérèglement climatique, qu’en pensez vous ?]

      Les “situations” que j’évoquais étaient celles “qui leur fassent prendre conscience de la fragilité de la condition humaine et leur donnent un sens du tragique”. Or, pour donner un sens du tragique, il faut que la situation vous offre un choix, un dilemme. Etre victime ne suffit pas. Or, je ne vois pas très bien quels sont les “choix tragiques” qui seront imposés par “les troubles socio-économiques liés au dérèglement climatique”…

  14. BJ dit :

    @ Descartes
     
    [Or, je ne vois pas très bien quels sont les “choix tragiques” qui seront imposés par “les troubles socio-économiques liés au dérèglement climatique”…]
     
    C’est bien ça le problème avec le dérèglement climatique :  A cause des échelles de temps et l’inertie du système, il n’y a pas de frein et encore moins de marche arrière, ce qui est enclenché est enclenché. Tout juste pouvons nous débrayer pour ne pas en rajouter. Mais à cause de l’aspect global du problème, il n’y a aucune action locale qui ait la moindre utilité. Il n’y a pas de choix, même tragique, possible.

  15. clem dit :

    Quand les émeutes de la faim toucheront notre pays, nous prendrons tous conscience de la fragilité de la condition humaine (c’est pas pour demain, je vous l’accorde, mais c’est inéluctable).
    Le choix tragique a faire sera peut être le même qu’aujourd’hui, comment se partager mieux le gâteau global, mais avec un gâteau a partager beaucoup plus petit.
    Plus généralement c’est une question qui me taraude, le communisme est il possible dans un monde en rétractation économique, en décroissance ?
    La pensée marxiste nait de la révolution industrielle, possible uniquement grâce aux énergies fossiles et il ne me semble pas que les pays communistes d’antan furent plus vertueux que les pays capitalistes, du point de vue environnementale.
    Vous me direz peut être que la lutte des classes, en tant que moteur de l’histoire, était la bien avant l’avènement du pétrole et qu’elle continuera après, mais la Conscience de classe est elle possible dans un monde qui s’appauvrit globalement et ou les Hommes auront moins de temps a consacrer a la culture et a l’éducation ?
    J’ai conscience que mes propos sont un peu décousu, a l’image de ma pensée politique qui essaie de faire converger décroissance et lutte sociale. Les collègues et potes  syndicalistes avec qui je manifeste contre toutes ces “réformes” dont vous dites si bien et avec raison qu’elles sont systématiquement contre l’intérêt des travailleurs, veulent toujours plus d’emplois, plus de moyens, plus de pouvoir d’achat , est ce vraiment conciliable avec un monde en décroissance énergétique ?
     

    • Descartes dit :

      @ clem

      [Quand les émeutes de la faim toucheront notre pays, nous prendrons tous conscience de la fragilité de la condition humaine (c’est pas pour demain, je vous l’accorde, mais c’est inéluctable).]

      Je ne vois pas très bien en quoi ce serait « inéluctable ». Il serait fastidieux d’évoquer la longue liste de catastrophes qu’on nous a prédites au cours de l’histoire, et qui ne se sont jamais réalisées. On voit mal par quel mécanisme on aurait des « émeutes de la faim » dans notre pays. Aucun modèle climatique n’aboutit aujourd’hui à cette conclusion. Non seulement nous avons toutes sortes de technologies nouvelles pour produire la nourriture, mais le déclin démographique de l’humanité aura probablement tendance à réduire le nombre de bouches à nourrir, particulièrement dans les pays les plus développés…

      [Le choix tragique a faire sera peut être le même qu’aujourd’hui, comment se partager mieux le gâteau global, mais avec un gâteau a partager beaucoup plus petit.]

      Un gâteau « beaucoup plus petit » ? Vous y croyez vraiment ?

      [Plus généralement c’est une question qui me taraude, le communisme est-il possible dans un monde en rétractation économique, en décroissance ?]

      Cela dépend de ce qu’on appelle « communisme », bien sûr. Mais il est clair que le capitalisme fonctionne dans une dynamique de croissance. Si le gâteau se réduit, si les ressources rares deviennent encore plus rares, il est clair que les mécanismes de régulation du capitalisme seront insuffisants pour maintenir un minimum de cohésion sociale. A partir de là, la porte sera ouverte pour un changement du mode de production…

      [La pensée marxiste nait de la révolution industrielle, possible uniquement grâce aux énergies fossiles et il ne me semble pas que les pays communistes d’antan furent plus vertueux que les pays capitalistes, du point de vue environnementale.]

      La « pensée marxiste », on ne le dira jamais assez, est d’abord et surtout une analyse de capitalisme. Marx a consacré très peu de son temps à penser une société socialiste ou communiste.

      [Vous me direz peut-être que la lutte des classes, en tant que moteur de l’histoire, était la bien avant l’avènement du pétrole et qu’elle continuera après, mais la Conscience de classe est-elle possible dans un monde qui s’appauvrit globalement et ou les Hommes auront moins de temps a consacrer a la culture et a l’éducation ?]

      D’abord, je ne vois nulle part ce « monde qui s’appauvrit globalement » et je n’y crois pas un instant. Ensuite, la conscience de classe est issue du fait que des gens occupent la même fonction dans le mode de production, et ont donc un intérêt commun. Le fait que le monde s’appauvrisse ou s’enrichisse ne change rien à l’affaire. Et finalement, qu’est ce qui vous fait penser qu’un monde qui s’appauvrit globalement aurait moins de temps à consacrer à la culture et l’éducation ?

      [J’ai conscience que mes propos sont un peu décousus, a l’image de ma pensée politique qui essaie de faire converger décroissance et lutte sociale.]

      J’attire votre attention sur le fait qu’on ne peut pas analyser le monde sur la base d’une idée préconçue. Si vous partez de l’hypothèse qu’il faut faire converger décroissance et lutte sociale, vous posez comme principe que cette convergence est possible. Mais ce principe est-il vrai ?

      Je me méfie personnellement des pensées apocalyptiques. Non, la famine n’est pas à nos portes. Non, le retour aux petites communautés agraires n’est pas pour demain.

      [Les collègues et potes syndicalistes avec qui je manifeste contre toutes ces “réformes” dont vous dites si bien et avec raison qu’elles sont systématiquement contre l’intérêt des travailleurs, veulent toujours plus d’emplois, plus de moyens, plus de pouvoir d’achat , est ce vraiment conciliable avec un monde en décroissance énergétique ?]

      Où voyez-vous « un monde en décroissance énergétique » ?

      • marc.malesherbes dit :

         
        “Où voyez-vous « un monde en décroissance énergétique » ?”
         
        c’est une question pour moi. Et en fait un peu compliquée.
         
        A grands traits (et avec des tas de présupposés implicites que je ne développe pas pour faire court), ce qui me parait important c’est le couple “coût de l’énergie – efficacité de l’utilisation énergétique ” disponible pour chacun (en supposant l’accès à l’énergie égale pour tous).
        Cela me paraît important car toute l’amélioration de notre confort, notre subsistance, nos modes de vie … provient de l’amélioration de ce facteur.
        Ainsi, depuis le Moyen Age, nous avons fait baissé le coût de l’énergie (utilisation des énergies fossiles) et son efficacité par les progrès technologiques. Beaucoup plus vite que la croissance de la population (en fait elle l’a permis).
        Un mot sur ce mystérieux “coût de l’énergie”. C’est le nombre d’heures de travail, tout compris, nécessaire à sa production (des chicaneurs me diraient sa transformation en énergie utilisable …). Cela inclut bien sûr l’extraction et la transformation des matériaux nécessaires à sa production, les machines, les heures de conception ….
         
        Pour en revenir à la question “allons vers en décroissance énergétique ?”, manifestement, en raison du réchauffement climatique, la limitation de l’utilisation des ressources fossiles va augmenter ce coût. Sauf si nous trouvons un moyen de stockage efficace des énergies intermittentes (ce n’est pas du tout inimaginable). Sauf si nous acceptons de développer l’énergie nucléaire.
        D’autre part on peut imaginer que la poursuite des progrès techniques continuent à améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’énergie mise à disposition, ce qui contrebalancera l’augmentation de son coût.
         
        Dernier facteur important: l’augmentation de la population mondiale se poursuit pour l’instant. Certains pensent qu’elle va plafonner vers 10 milliards, puis décroître. Possible. Ce serait la véritable bonne nouvelle du futur. Retour vers un monde à 2 milliards d’humains, monde qui serait bien plus agréable.
         
        Tout ceci dit, compte tenu des multiples incertitudes, rien ne me paraît assuré en la matière. Mais il est clair que c’est le progrès technique à venir (ou pas) qui sera décisif, et personne ne peut être assuré sur ce sujet.
         
        Que fait-on devant l’incertitude ?
        Pour moi, d’abord développer l’énergie nucléaire. Pour le reste … développer toute les mesures d’économie d’énergie …
        Mais au niveau mondial, cela se fera au mieux de manière insuffisante.
         
        Mon seul conseil : surveiller la vente des climatiseurs, et si vous voyez qu’ils vont devenir interdits, vous précipiter avant l’interdiction. (éviter aussi les logiciels espions qui les surveilleront et dénonceront leur usage. Surtout pas de domotique intégrée. Des “vieux” modèles).
         

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [A grands traits (et avec des tas de présupposés implicites que je ne développe pas pour faire court), ce qui me parait important c’est le couple “coût de l’énergie – efficacité de l’utilisation énergétique ” disponible pour chacun (en supposant l’accès à l’énergie égale pour tous).]

          Tout à fait. Si les voitures d’aujourd’hui consommaient comme celles d’il y a 50 ans, le système s’effondrerait. Au fur et à mesure que les ressources deviennent plus rares, l’efficacité dans leur utilisation devient de plus en plus intéressante.

          [Dernier facteur important: l’augmentation de la population mondiale se poursuit pour l’instant. Certains pensent qu’elle va plafonner vers 10 milliards, puis décroître. Possible. Ce serait la véritable bonne nouvelle du futur. Retour vers un monde à 2 milliards d’humains, monde qui serait bien plus agréable.]

          L’idée que la population humaine plafonnera avant de décroître dans un avenir relativement proche semble aujourd’hui faire consensus. La question est de savoir à quel rythme et dans quelles échéances.

          [Que fait-on devant l’incertitude ? Pour moi, d’abord développer l’énergie nucléaire. Pour le reste … développer toute les mesures d’économie d’énergie … Mais au niveau mondial, cela se fera au mieux de manière insuffisante.]

          Il faut parier sur la recherche. A court terme, le couple nucléaire classique-renouvelables et les économies d’énergie. A plus long terme, le stockage, les réacteurs à haute température, les surgénérateurs et peut-être la fusion thermonucléaire ?

          [Mon seul conseil : surveiller la vente des climatiseurs, et si vous voyez qu’ils vont devenir interdits, vous précipiter avant l’interdiction. (éviter aussi les logiciels espions qui les surveilleront et dénonceront leur usage. Surtout pas de domotique intégrée. Des “vieux” modèles).]

          Meu non, meu non… une bonne douche vaut mieux que dix climatiseurs…

  16. antoine dit :

    Bonjour Descartes, Pouvez-vous svp redéfinir ce que vous entendez précisément par “classes intermédiaires” ? Vous l’avez déjà longuement expliqué mais je ne retrouve plus les références utiles. Peut-être d’ailleurs serait-ce une piste d’amélioration de cet excellent blog que de créer un lexique de vos concepts ou grilles d’analyse ? Ou tout du moins un sommaire qui permettrait de retrouver rapidement les articles ou commentaires dans lesquels vous développez ces points ? 

    • Descartes dit :

      @ antoine

      [Bonjour Descartes, Pouvez-vous svp redéfinir ce que vous entendez précisément par “classes intermédiaires” ? Vous l’avez déjà longuement expliqué mais je ne retrouve plus les références utiles.]

      Pas de problème. Pour pouvoir utiliser les instruments de l’analyse marxiste, il faut chercher à caractériser dans une société donnée des « classes », c’est-à-dire, des groupes sociaux qui occupent une position particulière dans le mode de production. Dans le capitalisme, ce qui caractérise la position dans le mode de production est la distribution de la plusvalue. D’un côté, vous avez des gens qui vendent leur force de travail, et qui reçoivent en échange une valeur inférieure à celle que leur travail produit. De l’autre, une bourgeoisie qui achète cette force de travail et qui empoche la différence entre la valeur produite et la valeur qui est retournée au travailleur, cette différence constituant la plusvalue. Ce qui permet à la bourgeoisie d’opérer cette transformation c’est son contrôle du capital (machines, matières premières, etc.) qui intervient dans le processus de production.

      Mais si l’on considère la quantité de plusvalue que chaque individu fournit ou empoche, il doit y avoir au milieu une frange dont le bilan est neutre, c’est-à-dire, qui récupère la totalité de la valeur qu’elle produit. C’est une frange qui possède suffisamment de capital pour ne pas céder de la plusvalue, mais pas assez pour extraire de la plusvalue en achetant la force de travail des autres. Une telle frange peut être constituée comme classe, puisqu’elle occupe une place particulière dans le mode de production, et a donc des intérêts de classe distincts de ceux des exploités (prolétariat) ou des exploiteurs (bourgeoisie). C’est cela que j’appelle les « classes intermédiaires ».

      Maintenant, lorsqu’on observe le réel, on s’aperçoit que le capital détenu par ces couches est essentiellement un capital immatériel, fait de connaissances et savoir-faire rares, de réseaux amicaux, familiaux et professionnels… or le propre du capital immatériel, c’est qu’il ne se transmet que partiellement, et doit être reconstitué à chaque génération. D’où l’obsession de ces couches sociales de bloquer l’ascenseur social, qui ne peut que fabriquer des concurrents à leurs propres rejetons…

      [Peut-être d’ailleurs serait-ce une piste d’amélioration de cet excellent blog que de créer un lexique de vos concepts ou grilles d’analyse ? Ou tout du moins un sommaire qui permettrait de retrouver rapidement les articles ou commentaires dans lesquels vous développez ces points ?]

      Je réfléchis à un système de classement par mots-clés, mais c’est beaucoup de boulot à mettre en place !

      • marc.malesherbes dit :

         
        Si j’essaie comprendre bien votre définition (C’est une frange qui possède suffisamment de capital pour ne pas céder de la plus-value”) il s’agit de “travailleurs” inséré dans le mode de production capitaliste au sens de Marx.
        Dans mon souvenir Marx ne considérait grosso modo comme producteur de plus-value que ceux exerçant une activité matérielle, les ouvriers. Même les activités de transport n’étaient pas considérées comme productrice de plus-value. A fortiori même chose pour les techniciens, ingénieurs et autres corps de métiers (juristes, avocats, enseignants, personnels de santé, fonctionnaire non productifs … …). Je suppose que vous avez “modernisé” cette définition, mais c’est un préalable indispensable à ma compréhension.Pouvez-vous donc m’indiquer votre position sur cette question ?
        Merci
         

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [Si j’essaie comprendre bien votre définition (“C’est une frange qui possède suffisamment de capital pour ne pas céder de la plus-value”) il s’agit de “travailleurs” inséré dans le mode de production capitaliste au sens de Marx.]

          Tout à fait.

          [Dans mon souvenir Marx ne considérait grosso modo comme producteur de plus-value que ceux exerçant une activité matérielle, les ouvriers. Même les activités de transport n’étaient pas considérées comme productrice de plus-value.]

          Je ne me souviens pas d’une telle restriction chez Marx. Auriez-vous une référence ? On voit mal Marx et ses successeurs excluant du champ des exploités les travailleurs du transport ferré, compte tenu de l’importance de cette corporation dans les luttes sociales. Une théorie de la plusvalue qui n’aurait pris en compte que les activités de transformation directe n’aurait pas été très opérationnelle à l’âge du chemin de fer…

          Il n’y a rien dans le raisonnement marxien qui restreigne la valeur à la simple « production matérielle », d’autant plus que la frontière entre la « production matérielle » et les services qu’on pourrait qualifier d’immatériels n’est pas facile à établir (ainsi, par exemple, l’électricité est-elle un « bien » ou un « service » ? En quoi est-elle plus « matérielle » qu’un voyage en train ?. Et dès lors qu’il y a production de valeur par le travail, la question de la plusvalue se pose.

          [A fortiori même chose pour les techniciens, ingénieurs et autres corps de métiers (juristes, avocats, enseignants, personnels de santé, fonctionnaire non productifs … …).]

          La question à chaque fois est celle de la production de valeur. Un technicien, un ingénieur, un juriste, un avocat, un enseignant, un médecin produisent-ils de la valeur par leur travail ? Si c’est le cas, alors la question de savoir si la paye qu’ils reçoivent équivaut à la valeur produite se pose nécessairement.

          • marc.malesherbes dit :

             
            votre réponse me montre que vous ne vous êtes guère penché sur l’oeuvre “économique” de Marx, ce que je comprend fort bien, car celle-ci est quasiment inintéressante, si on en exclut les aspects “idéologiques” pour en faire une machine de guerre contre la société capitaliste. Des générations d’universitaires se sont penchés sur son oeuvre et ses concepts flous et variables. Comme il y a eu des générations de théologiens …
            Pour en revenir à la création de plus value, il est clair que Marx parle uniquement comme créateurs de plus value (hors la paysannerie) comme des “ouvriers”, des producteurs de “marchandises”, utilisant des “machines”. Cela se comprend compte tenu de son époque. Et il excluait implicitement tous les autres salariés comme producteurs de plus value, y compris les conducteurs de train, qui manifestement dans le langage de l’époque n’étaient pas des “ouvriers” créateurs de marchandises.
             
            Vous m’avez obligé à me replonger dans le Capital/ Salaire Prix et profit / …. Quel pensum !
            Je ne doute pas qu’un intellectuel puisse trouver quelque part dans les écrits de Marx un morceau de phrase extrait de son contexte qui puisse faire penser qu’il a une définition plus large, mais j’en doute, et je n’ai jamais vu une citation d’un de ses textes allant dans ce sens.
             
            Pour l’anecdote mon interprétation était l’interprétation officielle dispensée dans les écoles de formation du PCF dans les années 1970, (mais ce n’est pas un argument; d’aucuns diraient que c’était une preuve de son sectarisme, et de la lutte politique avec ceux qui voulaient élargir l’audience du parti aux employés, techniciens ..),
             

            • Descartes dit :

              @ marc.malesherbes

              [votre réponse me montre que vous ne vous êtes guère penché sur l’oeuvre “économique” de Marx, ce que je comprend fort bien, car celle-ci est quasiment inintéressante,]

              J’aurais tendance à penser que ce commentaire fait penser que c’est VOUS qui « ne vous êtes guère penché sur l’œuvre « économique » de Marx »… Personnellement, je me suis au contraire beaucoup « penché » sur l’œuvre économique, et notamment sur le « Capital », et je l’ai trouvé au contraire extrêmement riche et beaucoup moins « idéologique » que son œuvre philosophique.

              [Des générations d’universitaires se sont penchés sur son oeuvre et ses concepts flous et variables.]

              Marx était le théoricien d’une théorie en train de se faire. Normal donc qu’il ait hésité, et que ses concepts se soient enrichis au fur et à mesure de ses observations. Personnellement, je n’ai jamais trop cru à l’idée d’un génie capable de pondre une théorie toute faite, avec des concepts parfaitement rigoureux, du premier coup…

              [Pour en revenir à la création de plus value, il est clair que Marx parle uniquement comme créateurs de plus value (hors la paysannerie) comme des “ouvriers”, des producteurs de “marchandises”, utilisant des “machines”.]

              « Il est clair » est l’une de ces expressions qui font sonner chez moi l’alarme « fausse évidence ». Non, cela n’est nullement « clair ». Je ne vois pas dans quel texte Marx exclut les cheminots de la création de plusvalue. Et pourtant, un cheminot ne produit pas une « marchandise » que je sache.

              [Cela se comprend compte tenu de son époque.]

              Non, justement, cela ne se comprend pas. Marx vivait dans l’ère du chemin de fer, et du navire à vapeur, il ne faudrait pas l’oublier.

              [Et il excluait implicitement tous les autres salariés comme producteurs de plus-value, y compris les conducteurs de train, qui manifestement dans le langage de l’époque n’étaient pas des “ouvriers” créateurs de marchandises.]

              « Implicitement », encore un terme dangereux… admettons qu’il ait exclu les « conducteurs de trains ». Mais quid de ceux qui entretenaient les locomotives ou posaient des voies ? Ni les uns ni les autres ne produisaient une « marchandise »…

              [Vous m’avez obligé à me replonger dans le Capital/ Salaire Prix et profit / …. Quel pensum !]

              Et je constate que vous êtes revenu de votre plongée avec des « il est clair que » et des « il exclut implicitement ». Maigre pêche…

              [Je ne doute pas qu’un intellectuel puisse trouver quelque part dans les écrits de Marx un morceau de phrase extrait de son contexte qui puisse faire penser qu’il a une définition plus large, mais j’en doute, et je n’ai jamais vu une citation d’un de ses textes allant dans ce sens.]

              Réflechissez : Marx définit la plusvalue comme une différence entre la valeur produite par le travailleur et la valeur qu’il empoche sous forme de salaire. Quel serait l’intérêt qu’il y aurait à distinguer en fonction de l’activité du travailleur en question. Intellectuellement, c’est une restriction qui n’apporte rien. Politiquement, plus la définition est large, plus la classe ouvrière est nombreuse et plus elle peut revendiquer la direction de la société. Quel que soit le point de vue que vous adoptez, on voit mal pourquoi Marx aurait été faire une distinction entre ceux qui produisent une « marchandise » et ceux qui produisent un service…

              [Pour l’anecdote mon interprétation était l’interprétation officielle dispensée dans les écoles de formation du PCF dans les années 1970, (mais ce n’est pas un argument; d’aucuns diraient que c’était une preuve de son sectarisme, et de la lutte politique avec ceux qui voulaient élargir l’audience du parti aux employés, techniciens ..),]

              Avant de savoir si c’est un argument, on peut se demander si c’est vrai. Ayant fréquenté quelques écoles, je ne me souviens pas qu’on y ait jamais défendu une interprétation de Marx qui aurait mis les cheminots ou les électriciens hors la classe ouvrière… Et je pense que je m’en souviendrais si ç’avait été le cas, tant les conséquences politiques d’une telle théorie auraient été considérables !

  17. Geo dit :

    @Descartes
    “La seule chose que vous pouvez déduire du vote blanc, c’est qu’aucune des options proposées ne lui convient.”(à l’électeur)
    Mais c’est déjà beaucoup, il me semble. Et la situation est différente selon qu’un vingtième ou la moitié des électeurs ressentent les choses ainsi. C’est d’ailleurs vrai que les votes blancs soient décomptés ou non. Le réel a des effets. Pour délégitimer le vote blanc, il faudrait prouver que ses effets sont toujours mauvais.

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [“La seule chose que vous pouvez déduire du vote blanc, c’est qu’aucune des options proposées ne lui convient.”(à l’électeur) Mais c’est déjà beaucoup, il me semble.]

      Le problème, c’est que vous ne savez pas POURQUOI aucune des options ne lui convient. Ce peut être pour des « bonnes » raisons : parce que les « filtres » empêchent certains candidats de se présenter, parce que les politiques ne font pas leur travail, etc. Mais ce peut être aussi pour de très « mauvaises » raisons : parce qu’on se refuse à un choix tragique, parce qu’on ne veut porter la responsabilité d’un choix qu’on sait pourtant nécessaire…

      Personnellement, vous le savez, j’ai de la politique une vision tragique. Beaucoup de problèmes politiques n’ont pas de véritable solution, et il y a des moments où il faut faire des choix entre des options qui sont toutes mauvaises. Compter le vote blanc et lui donner une signification politique revient à légitimer l’idée contraire, celle d’un citoyen qui pourrait éviter de choisir. Il faut je pense au contraire marteler le fait qu’en politique IL N’Y A PAS DE NON CHOIX. Le simple fait de ne pas choisir est lui-même un choix, qui emporte des conséquences et donc des responsabilités.

      [Et la situation est différente selon qu’un vingtième ou la moitié des électeurs ressentent les choses ainsi.]

      Elle est surtout différente suivant les raisons qui font que l’électeur ressent les choses ainsi. Ce n’est pas la même chose un pays où les électeurs refusent d’endosser des choix, et un pays ou les « filtres » empêchent les candidats populaires de se présenter, non ?

      [Pour délégitimer le vote blanc, il faudrait prouver que ses effets sont toujours mauvais.]

      Personnellement, je pense que le décompte des votes blancs a un effet nul. Je n’ai pas l’impression que dans les pays où le vote blanc est décompté les politiques soient plus attentifs aux besoins du peuple dans la rédaction de leurs programmes. J’ajoute qu’on peut dire la même chose de l’abstention : depuis des décennies on se désole à chaque soirée électorale de la baisse de la participation, mais personne ne s’attaque aux raisons profondes de cette désaffection, au contraire.

      • fb67 dit :

        Bonjour,
        il semble que votre illustre homonyme soit d’accord avec vous:
        « Bien que nous ne puissions avoir des démonstrations certaines de tout, nous devons néanmoins prendre parti, et embrasser les opinions qui nous paraissent les plus vraisemblables, touchant toutes les choses qui viennent en usage, afin que, lorsqu’il est question d’agir, nous ne soyons jamais irrésolus. Car il n’y a que la seule irrésolution qui cause les regrets et les repentirs ».
        Phrase superbement ciselée, tirée d’un site affreusement gauchiste( Le Grand Soir), rien à ajouter, rien à retrancher…

        • Descartes dit :

          @ fb67

          [Bonjour,
          il semble que votre illustre homonyme soit d’accord avec vous: « Bien que nous ne puissions avoir des démonstrations certaines de tout, nous devons néanmoins prendre parti, et embrasser les opinions qui nous paraissent les plus vraisemblables, touchant toutes les choses qui viennent en usage, afin que, lorsqu’il est question d’agir, nous ne soyons jamais irrésolus. Car il n’y a que la seule irrésolution qui cause les regrets et les repentirs ».]

          Disons plutôt que je suis d’accord avec lui, puisqu’il a sur moi le privilège de l’antériorité. J’ajoute que cette formule rappelle une autre : “Les folies que l’on regrette le plus sont celles que l’on n’a pas commises quand on en avait l’occasion”. Je pense que cela renferme une vérité profonde: la non-décision est souvent bien pire qu’une mauvaise décision. Il y a donc un travail permanent à faire de manière que toute situation nous trouve dans la meilleure position possible pour décider, et il faut résister à la tentation de ne pas décider sous prétexte de ne pas être en mesure de prendre la décision optimale.

          [Phrase superbement ciselée, tirée d’un site affreusement gauchiste( Le Grand Soir), rien à ajouter, rien à retrancher…]

          Même une montre arrêtée donne l’heure exacte deux fois par jour…

  18. marc.malesherbes dit :

     
    une double question sur le reportage de M6 sur l’islam radicald ans une école à Marseille. (hors sujet, mais pas tant que ça sur la France Potemkine)
    1-…. une séquence de M Zone Interdite montrant une école primaire à Marseille . Cette école est ouverte depuis 9 ans et 143 élèves y sont inscrits. … dans une classe de CP les petites filles sont voilées et séparées des petits garçons. …. une professeure explique que les enfants doivent apprendre à vivre sans contact avec le sexe opposé, dès leur plus jeune âge. Elle assure que c’est une acte nécessaire pour respecter les codes religieux. Cette séparation se poursuit d’ailleurs jusque dans la cour de récréation où les petites filles et les petits garçons n’ont pas le droit d’entrer en contact et leurs zones de circulation sont délimitées par un mur…
    est-ce légal ? Je suppose que l’enseignement des codes et comportements religieux est libre dans les écoles privées (par exemple aller à la messe dans des établissements catholiques)
    Peut-être la loi récente (sur le séparatisme) a-t-elle changé la règle ?
    2- si un tel enseignement est répréhensible, comment se fait-il que pendant 9 ans, rien n’ai été fait. Complicité des services d’inspection de l’éducation nationale ?

    Enfin un triste constat: abondantes menaces contre les protagonistes de ce reportage. Nous sommes déjà dans une situation de “pré” guerre civile. Allons nous vers des affrontements de plus en plus violents ? Beaucoup disent (ex: la France Insoumise) que l’on exagère, que tout cela vient des provocations (comme ce reportage) et qu’avec une politique accommodante tout s’arrangera. C’est d’ailleurs ce que fait le service public: jamais de reportage sur l’islam rigoriste en France. Ont-ils raison ? Peut-être …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [1-…. une séquence de M Zone Interdite montrant une école primaire à Marseille . Cette école est ouverte depuis 9 ans et 143 élèves y sont inscrits. … dans une classe de CP les petites filles sont voilées et séparées des petits garçons. …. (…) est-ce légal ?]

      Je ne connais pas le reportage en question, mais j’imagine qu’il s’agit d’une école privée hors contrat. Et dans ce cas, la loi accorde à la direction de l’école une très large autonomie pédagogique et en matière d’organisation. Vous noterez d’ailleurs que la séparation entre garçons et filles ne contrevient à aucune règle de droit. Elle ne constitue nullement une discrimination aussi longtemps que garçons et filles ont accès à la même éducation.

      [2- si un tel enseignement est répréhensible, comment se fait-il que pendant 9 ans, rien n’ai été fait. Complicité des services d’inspection de l’éducation nationale ?]

      Le comportement n’ayant rien d’illégal, on voit mal ce que l’inspection aurait pu faire.

      [Enfin un triste constat: abondantes menaces contre les protagonistes de ce reportage. Nous sommes déjà dans une situation de “pré” guerre civile. Allons-nous vers des affrontements de plus en plus violents ?]

      Encore une fois, je n’ai pas vu le reportage, alors je ne saurais pas vous dire. Mais en matière communautaire, les menaces – et la violence physique – n’est guère une nouveauté. Pensez par exemple aux mouvements comme la « ligue de défense juive », qui s’était illustrée par le saccage d’une librairie vendant des ouvrages qui ne lui convenaient pas. De là à parler de « guerre civile », il y a un pas qu’il ne faut pas franchir trop vite.

      [Beaucoup disent (ex: la France Insoumise) que l’on exagère, que tout cela vient des provocations (comme ce reportage) et qu’avec une politique accommodante tout s’arrangera. C’est d’ailleurs ce que fait le service public: jamais de reportage sur l’islam rigoriste en France. Ont-ils raison ? Peut-être …]

      Vous connaissez le premier commandement de la politique moderne : pas de vagues. Dans une société fragmenté en ilots où le vote est plus lié à l’émotion qu’à la raison, prendre position c’est s’aliéner des voix.

  19. Axelzzz dit :

    Bonjour Descartes,
    Vous écrivez: 

     Bien entendu, on ripoline la façade : on se lance à fonds perdus dans un programme « renouvelables » qui aura bientôt coûté EN SUBVENTIONS plus que le programme nucléaire n’aura coûté en TOTALITE, et qui pour ce prix couvre moins de 10% des besoins et met l’équilibre du réseau à la merci des aléas climatiques.

    Voila un scandale qu’il faut sans cesse rappeler à mon avis – je me permets de le souligner à mon tour.
    Au-delà d’un choix stratégique inavoué d’abandon du nucléaire – question dont il est légitime de discuter – ce qui est choquant à mon sens c’est le niveau de dépense dans l’éolien en regard des résultats obtenus (assez maigres comme vous le rappelez: €120Md de dépense publique pour l’éolien c’est 17% des dépenses de l’Etat sur une année pour 6% de la production électrique en 2019). Analyser ce qui mène à ce type de décision et débattre des solutions à apporter devraient ainsi figurer parmi les questions premières de notre débat public. Merci d’y apporter votre contribution – qui malheureusement reste isolée.
    Vous citez Potemkine, pour dénoncer l’écart entre la réalité et sa représentation publique. Pourtant, notre village Potemkine ne ressemble pas tout à fait à ceux présentés à Catherine II. Les façades n’y sont en effet pas embellies pour entretenir le souverain dans un état de confiance complaisante – celles-ci y sont au contraire lépreuses et grimaçantes, quand celles de certains de nos voisins sont montrées admirablement rayonnantes entourées de pelouses vert-tendre selon les canons de l’idéal des classes moyennes ronronnantes. Le moral est par conséquent chagrin plutôt que confiant, le ressentiment lui se porte bien.
    Après l’hypocrite prédation des années 80 et 90, je crois que nous sommes passés à un temps marquée par l’obscénité. Le vice ne prends plus le temps de rendre hommage à la vertu pour reprendre le mot de La Rochefoucaud. Quand Mitterrand choisit la “rigueur”, pour préserver l’intégration européenne – il le fait au nom de la gauche dans un océan de néo-libéralisme. Quand Maastricht est voté, c’est au nom d’un idéal de fraternité Européenne et de l’intégration (c’est à dire de convergence) des peuples – pas pour imposer un ordo-libéralisme germanique à tout le continent.
    L’un des mots favoris de notre président n’est-il pas “J’assume”? Il assume diminuer la protection sociale, réduire les ‘privilèges’ des emplois publics, faciliter les licenciements et prioriser l’intégration Européenne quand le pays lui se dissout dans une fragmentation préoccupante. Macron s’il est le président le plus clivant de la 5eme république – tout au moins celui qui reçoit le plus de menaces de mort – n’est pas le seul à contribuer à l’obscénité du temps: Zemmour ne s’est-il pas fait connaitre comme le polémiste qui dit tout haut ce que la droite extrême n’osait pas formuler? Les exemples ‘populistes’ dans la même veine abondent. Le PS dont le principe fédérateur était précisément la notion de synthèse (qui consiste à masquer les dissensus entre courants internes) n’a-t-il pas explosé, les têtes d’affiche préférant sortir du rang et “assumer” leurs ambitions personnelles au grand jour? Ils assument tous, aucun ne construit.
    Je crois que ces provocations au grand jour sont le pendant de la faiblesse de l’action publique – certainement liée en France à l’effondrement de l’Etat dans sa capacité exécutive que vous décrivez. L’hypocrisie se justifie lorsqu’elle permet d’atteindre un but. L’obscénité propose un spectacle qui se nourrit de lui-même et supplée ainsi à l’absence de but ou de pouvoir. Mécanisme très Orwellien.
    Les dysfonctionnements actuels d’un appareil d’Etat autrefois efficace dans un autre contexte devrait être un défi pour toute pensée conservatrice, quelle incline à gauche ou à droite de l’échiquier politique (en l’occurrence surtout à gauche me semble t il). Alors que le conservatisme semble triompher partout sur la scène politique, il reste largement incapable de tenir sa promesse de préservation.
    En effet, la fascination exercée par les attitude prédatrices – que l’on pourrait définir comme la réalisation de gains à court terme à partir de la liquidation d’un capital accumulé précédemment – ne cesse de s’imposer – sur des plans très divers: écologique (trop de paroles, beaucoup d’argent, pour quel effet sur le climat?), industriel (vous citez EDF), éducatif (la disparition du Bac et bientôt des Grandes Ecoles), affaiblissement des structures de représentations syndicales, culture scientifique, …
    Notre incapacité à conserver ce dont nous avons hérité alors qu’il s’agit d’une demande politique forte et répétée (névrotique?) constitue un des symptômes de l’impuissance collective que vous dénoncez à mon sens les plus préoccupants car il s’agit d’un cercle vicieux dans lequel, plus on échoue, moins on souhaite changer quoi que ce soit. Les thuriféraires de la modernité arguent qu’il ne s’agit pas d’un échec mais de s’adapter à un monde nouveau. Car voyez-vous, le monde change. La nouveauté ne serait-elle pas plutôt que nous avons abandonné l’idée de façonner le monde selon notre volonté ?
    Vous mentionnez l’Etrange Défaite de M Bloch à propos de 1940 – il s’agit certes d’une défaite brutale très marquante, mais à partir de laquelle le pays a pu se reconstruire. Aucune loi historique ne garantit pour autant que la reconstruction toujours suit la défaite.
    Bien à vous,

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [Au-delà d’un choix stratégique inavoué d’abandon du nucléaire – question dont il est légitime de discuter – ce qui est choquant à mon sens c’est le niveau de dépense dans l’éolien en regard des résultats obtenus (assez maigres comme vous le rappelez : €120Md de dépense publique pour l’éolien c’est 17% des dépenses de l’Etat sur une année pour 6% de la production électrique en 2019).]

      Justement, il ne s’agit pas d’un « choix stratégique », mais d’un « non-choix stratégique ». C’est d’ailleurs drôle de constater que tous ceux qui clament au scandale du fait que l’engagement nucléaire du début des années 1970 n’aurait fait l’objet d’aucun débat parlementaire oublient que le choix d’une sortie du nucléaire lui non plus n’a fait l’objet d’aucun débat. Car il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : l’industrie – et surtout l’industrie lourde – a ses temps. En retardant les décisions, on s’est mis dans une situation où, même si l’on décidait aujourd’hui de relancer le programme, il n’est pas évident qu’on ait les moyens financiers et juridiques et les compétences techniques pour bâtir un nouveau parc nucléaire à temps pour remplacer le parc ancien. On n’a donc plus le choix : on va vers un avenir qui sera moitié renouvelables, moitié gaz. Pourquoi croyez-vous que l’Europe soit si nerveuse à l’idée d’un conflit avec la Russie ?

      [Analyser ce qui mène à ce type de décision et débattre des solutions à apporter devraient ainsi figurer parmi les questions premières de notre débat public. Merci d’y apporter votre contribution – qui malheureusement reste isolée.]

      Pas tout à fait. On est quelques uns à tirer les sonnettes d’alarme. Mais on n’est pas écoutés. Bien entendu, on verra demain à la une du « Point » – à moins que ce soit « l’Express » un n-ième titre « un naufrage qui aurait pu être évité » (on en a une cette semaine sur l’hôpital…). Quelquefois, je me sens plus Cassandre que Descartes…

      [Vous citez Potemkine, pour dénoncer l’écart entre la réalité et sa représentation publique. Pourtant, notre village Potemkine ne ressemble pas tout à fait à ceux présentés à Catherine II. Les façades n’y sont en effet pas embellies pour entretenir le souverain dans un état de confiance complaisante – celles-ci y sont au contraire lépreuses et grimaçantes, quand celles de certains de nos voisins sont montrées admirablement rayonnantes entourées de pelouses vert-tendre selon les canons de l’idéal des classes moyennes ronronnantes. Le moral est par conséquent chagrin plutôt que confiant, le ressentiment lui se porte bien.]

      Ca dépend des façades… oui, on laisse se lézarder celles qu’on s’apprête à détruire dans une sorte de rage sacrificielle (l’ENA, Fessenheim…). Mais on soigne celles qu’on veut promouvoir : celles de l’UE, avec cette « présidence française » dont personne sait vraiment ce qu’elle veut dire et ce qu’elle peut faire ; celle de la « start-up nation » qu’on nous ressort à chaque opportunité. Il est vrai que toute illusion a ses limites (c’était vrai pour Potemkine aussi, et je ne suis pas sûr que la Grande Catherine fut dupe). Et puis les Français sont un peuple frondeur, qui tend à regarder derrière la façade…

      [Après l’hypocrite prédation des années 80 et 90, je crois que nous sommes passés à un temps marquée par l’obscénité. Le vice ne prends plus le temps de rendre hommage à la vertu pour reprendre le mot de La Rochefoucaud.]

      Oui. La gauche « libérale-libertaire » des années 1980 était honteuse. Comme le « whisky priest » de Graham Greene, ils faisaient le mal mais ils en avaient conscience – et pour certains, je pense à Beregovoy, cette conscience allait jusqu’au suicide. Et ils avaient donc besoin d’alibis moraux, à l’image d’un Mélenchon se racontant que le traité de Maastricht était un « compromis de gauche ». La gauche « libérale-libertaire » d’aujourd’hui n’a plus ces pudeurs. Normal : elle n’a pas un parti communiste fort à sa gauche pour la rappeler à ses devoirs…

      [Macron s’il est le président le plus clivant de la 5eme république – tout au moins celui qui reçoit le plus de menaces de mort – n’est pas le seul à contribuer à l’obscénité du temps : Zemmour ne s’est-il pas fait connaitre comme le polémiste qui dit tout haut ce que la droite extrême n’osait pas formuler ? Les exemples ‘populistes’ dans la même veine abondent.]

      Désolé, mais ce parallèle Macron/Zemmour me paraît capillotracté. Macron et son entourage – car on ne gouverne jamais tout seul – cela ne vous aura pas échappé, exerce le pouvoir, et il l’exerce au nom et au bénéfice d’une certaine classe. Zemmour est un imprécateur, qui dit ce qu’il pense, même lorsque cela ne l’avantage pas politiquement. Si « obscenité » il y a dans les deux cas, elles ne sont pas tout à fait du même ordre.

      [Le PS dont le principe fédérateur était précisément la notion de synthèse (qui consiste à masquer les dissensus entre courants internes) n’a-t-il pas explosé, les têtes d’affiche préférant sortir du rang et “assumer” leurs ambitions personnelles au grand jour? Ils assument tous, aucun ne construit.]

      Le principe fédérateur du PS n’était pas « la synthèse » mais « le pouvoir ». Les « synthèses » n’étaient en fait qu’un mode de partage du pouvoir et de ses prébendes, postes, sièges, etc. Si le PS est resté uni bien après que ce qui constituait le socle idéologique bâti du temps du programme commun ait été abandonné, c’est parce qu’il y avait un gros gâteau à partager, et chacun voulait sa part. C’est pour cette raison que « l’aile gauche » du PS a passé vingt ans et plus à trouver partout des « compromis de gauche » pour déguiser les abandons. Le PS a éclaté lorsque la déroute hollandienne a fait découvrir à la « deuxième gauche » qu’elle n’avait plus besoin de partager le gâteau avec la « première », qu’il était plus intéressant de le partager avec les centristes…

      [Alors que le conservatisme semble triompher partout sur la scène politique, il reste largement incapable de tenir sa promesse de préservation.]

      Je vous invite à réfléchir sur une formule qui est je crois de Jacques Lacan : « quand on parle de préserver quelque chose, cela veut dire qu’elle a déjà disparu ». Le conservatisme ne peut jamais tenir ses promesses, parce qu’il parle d’un monde irréversiblement disparu. Il ne s’agit pas de « conserver » pour moi, mais de reconstruire en inscrivant cette reconstruction dans une filiation.

      [En effet, la fascination exercée par les attitude prédatrices – que l’on pourrait définir comme la réalisation de gains à court terme à partir de la liquidation d’un capital accumulé précédemment – ne cesse de s’imposer – sur des plans très divers: écologique (trop de paroles, beaucoup d’argent, pour quel effet sur le climat?), industriel (vous citez EDF), éducatif (la disparition du Bac et bientôt des Grandes Ecoles), affaiblissement des structures de représentations syndicales, culture scientifique, …]

      Tout à fait. C’est l’effet de la prise de pouvoir par les classes intermédiaires qui, selon la formule célèbre, sont comparables à une mule : elles n’ont ni la fierté de leur lignée, ni l’espoir d’une postérité. Elles ne vivent que pour l’instant présent, et « après nous le déluge ».

      [Notre incapacité à conserver ce dont nous avons hérité alors qu’il s’agit d’une demande politique forte et répétée (névrotique?) constitue un des symptômes de l’impuissance collective que vous dénoncez à mon sens les plus préoccupants car il s’agit d’un cercle vicieux dans lequel, plus on échoue, moins on souhaite changer quoi que ce soit. Les thuriféraires de la modernité arguent qu’il ne s’agit pas d’un échec mais de s’adapter à un monde nouveau. Car voyez-vous, le monde change. La nouveauté ne serait-elle pas plutôt que nous avons abandonné l’idée de façonner le monde selon notre volonté ?]

      Oui. Mais là encore, il faut regarder pourquoi. La puissance a un coût, et nos classes intermédiaires ne sont pas prêtes à le payer. Et pour ne pas payer, elles se trouvent les meilleurs prétextes : la France serait « trop petite », pas assez « puissante », alors il faut donner les leviers à l’Europe… ce qui n’empêche pas la Russie d’être une puissance avec un PIB moitié du notre !

      [Vous mentionnez l’Etrange Défaite de M Bloch à propos de 1940 – il s’agit certes d’une défaite brutale très marquante, mais à partir de laquelle le pays a pu se reconstruire. Aucune loi historique ne garantit pour autant que la reconstruction toujours suit la défaite.]

      Tout à fait. La reconstruction exige des reconstructeurs.

  20. marc.malesherbes dit :

     
    j’ai lu un vibrant hommage de M Onfray à JL Mélenchon dans un de ses billets récent.
    https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires
    je citerai entre autre (mais tout le texte est de la même admiration)
    De ce fait, je n’ai pas regardé le rassemblement nantais de Jean-Luc Mélenchon sans un certain intérêt. On y a vu un homme qui pense l’universalisme dans une configuration nouvelle …. plus cosmique, sinon cosmogonique. L’auteur que je suis de Cosmos y trouve son compte.
    ….. Mélenchon a eu le mérite d’élargir la question de l’écologie à l’univers situé lui-même dans des univers. C’est une révolution copernicienne, si je puis dire, sur le terrain écologique. …
    Jean-Luc Mélenchon fait le pari du futur pour le futur, c’est de bon sens. Un projet de civilisation dans lequel il est question d’élargir la vision du réel au cosmos, voire à la pluralité des mondes; de découpler le nucléaire de l’opposition écologique old school pour l’inscrire dans une perspective géopolitique et géostratégique; d’envisager le souverainisme spatial pour décider d’un futur qui soit un destin; de poser la question de l’articulation entre Intelligence artificielle et révolution du travail; d’élargir l’universalisme sans pour autant en faire un colonialisme spirituel et politique, mental et impérial; de songer aux plus petits parmi les nôtres, les jeunes par exemple ou les plus démunis qui ont du mal à manger et à se chauffer, sans pour autant emboucher les trompettes wokistes, le tuba islamo-gauchiste, le pipeau de la cancel culture; la fin de la péroraison avec Louise Michel, voilà qui m’a fait du bien.
    Michel Onfray”
     
    En ce qui me concerne la dernière intervention de JLM à C8, traitant de manière appuyée Zemmour de chien, annonçant que la police lui obéira (si il est élu) ne m’avait pas convaincu.
    Peut-être suis je passé à coté d’une évolution intéressante du candidat. Qu’en pensez-vous ?

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [j’ai lu un vibrant hommage de M Onfray à JL Mélenchon dans un de ses billets récent.]

      Moi, j’ai lu surtout un brillant délire. M. Onfray ferait bien de lâcher un peu les substances… d’autant plus qu’elles attaquent la mémoire. Ainsi, on ne peut que rigoler de voir Onfray pourfendre chez les adversaires de Mélenchon le « nihilisme maastrichtien ». Aurait-il oublié la défense passionnée que Mélenchon fit du traité de Maastricht qu’il alla jusqu’à qualifier de « compromis de gauche » ? De même, il est amusant de lire sous la plume d’Onfray que « Pécresse fut ministre de Chirac, Macron et Taubira de François Hollande ». Aurait oublié que Melenchon fut, lui, ministre de Lionel Jospin ? Lorsqu’il écrit que « Chirac n’a pas caché en son temps qu’il allait voter pour Hollande », oublie-t-il que Mélenchon lui aussi a voté et fait voter pour Hollande au deuxième tour de 2012, et qu’il s’est même réclamé « comptable de la victoire » de François II ?

      [Peut-être suis je passé à coté d’une évolution intéressante du candidat. Qu’en pensez-vous ?]

      Je pense qu’il n’en est rien. Il y a des gens qui se bonifient avec l’âge, ce n’est pas le cas de Mélenchon. Quand il était au PS puis plus tard au Front de Gauche, il était au moins obligé de se confronter à des gens qui ne pensaient pas comme lui, et à supporter la critique. Aujourd’hui, il n’y a autour de lui plus personne pour lui porter la contradiction. Un après l’autre, tous ceux qui dans son entourage avaient la carrure pour lui tenir tête sont partis. Il ne reste plus au vieux gourou qu’une cour de sycophantes qui chantent ses louanges et aboient dès que quelqu’un s’approche de la clôture. Et ça se voit à chacune de ses interventions : Mélenchon a perdu l’habitude d’écouter, de réagir intellectuellement à un contradicteur. Il se contente de débiter son discours, comptant sur la puissance de sa voix pour couvrir celle du malotru qui oserait être en désaccord.

  21. marc.malesherbes dit :

     
     
    (suite de la discussion sur Marx et la plus-value; je n’ai pas trouvé possibilité de “répondre” au bon endroit))
     
    je pense inintéressant d’essayer de vous convaincre sur ce sujet (on n’arrive jamais à convaincre un croyant), mais quelques citations.
    (auxquelles on peut toujours objecter, avec le foi du croyant , que ce n’étaient que des exemples, qu’en fait Marx pensait plus large, qu’il croyait aux petits hommes verts, car il n’a jamais dit qu’il n’y croyait pas et qu’ils produisent aussi de la plus-value car il n’a jamais dit qu’ils ne le faisaient pas etc …)
     

    « La plus-value, c’est-à-dire la partie de la valeur totale des marchandises dans laquelle est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier, je l’appelle le profit. »

    — Karl Marx , Salaires, prix et profits
    C’est donc seulement le quantum de travail, ou le temps de travail nécessaire, dans une société donnée, à la production d’un article qui en détermine la quantité de valeur [9]. Chaque marchandise particulière compte en général comme un exemplaire moyen de son espèce [10]. Les marchandises dans lesquelles sont contenues d’égales quantités de travail, ou qui peuvent être produites dans le même temps, ont, par conséquent, une valeur égale. La valeur d’une marchandise est à la valeur de toute autre marchandise, dans le même rapport que le temps de travail nécessaire à la production de l’une est au temps de travail nécessaire à la production de l’autre.
    …. Enfin, aucun objet ne peut être une valeur s’il n’est une chose utile.
    Le Capital – Livre premier I° section : la marchandise et la monnaie
    etc … etc …

    Marx parle constamment de “marchandise” dans toutes ses démonstrations concernant la production, le travail, la plus-value, les ouvriers, sans jamais dire qu’il faut entendre les marchandises comme pouvant être des “services” (comme le transport …)
    Marx parle constamment dans ses écrits concernant la plus-value de “l’ouvrier”, sans jamais dire qu’il comprend l’ouvrier comme l’ensemble des salariés ou autres
    etc .. etc …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [(suite de la discussion sur Marx et la plus-value; je n’ai pas trouvé possibilité de “répondre” au bon endroit))]

      C’est normal, wordpress n’autorise pas plus d’un certain nombre de niveaux de réponse, au delà le bouton « répondre » disparaît… et dans ce cas, mieux vaut recommencer à la racine.

      [je pense inintéressant d’essayer de vous convaincre sur ce sujet (on n’arrive jamais à convaincre un croyant),]

      De grâce, évitons les gambits du genre « je pourrais vous expliquer mais vous êtes trop bête – ou trop borné, ou trop « croyant » – pour comprendre. D’abord, les débats ici ne sont pas seulement à l’intention de ceux qui participent, mais aussi de ceux qui lisent sans participer, et si vous perdez l’espoir de me convaincre, vous pourrez toujours chercher à les convaincre, eux. A condition d’avoir des vrais arguments…

      [(…) mais quelques citations (auxquelles on peut toujours objecter, avec le foi du croyant , que ce n’étaient que des exemples, qu’en fait Marx pensait plus large, qu’il croyait aux petits hommes verts, car il n’a jamais dit qu’il n’y croyait pas et qu’ils produisent aussi de la plus-value car il n’a jamais dit qu’ils ne le faisaient pas etc …)]

      Suite du gambit : dévaloriser par avance toute argumentation contraire au prétexte qu’elle viendrait « de la foi du croyant »… décidément, ce sont les bonnes vieilles techniques de fermeture du débat qui marchent le mieux…

      [« La plus-value, c’est-à-dire la partie de la valeur totale des marchandises dans laquelle est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier, je l’appelle le profit. » — Karl Marx , Salaires, prix et profits]

      Certes. Mais qu’est-ce que Marx appelait « la marchandise » ? Pas simplement les objets matériels, mais tout ce qui est produit et susceptible d’être échangé sur un marché. C’est d’ailleurs la définition qu’on retient encore aujourd’hui, lorsqu’on inclut à côté des biens matériels ce qu’on appelle les « services marchands ». Encore une fois, au lieu de faire une exégèse bête de Marx, le « croyant » que je suis vous invite à vous éloigner des textes sacrés et de réfléchir au fond de la question : quel est l’intérêt, du point de vue théorique, d’exclure les travailleurs qui produisent un service marchant de la production de plusvalue ? Parce que dites-vous que si Marx avait fait cette distinction, c’est avec un objectif derrière la tête…

      J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que l’idée que seuls les producteurs de biens matériels produisent de la plusvalue pose du point de vue théorique une contradiction redoutable, qui n’aurait pas pu échapper à Marx. Si le cheminot ne produit pas de plusvalue, d’où vient le profit de la compagnie des chemins de fer ? Pourquoi la compagnie emploierait un cheminot alors qu’elle ne tire aucun profit de son travail ? Finalement, le « croyant » que je suis est moins porté sur l’exegèse et plus sur la logique de la théorie que « l’incroyant » que vous êtes. La théorie marxiste n’est pas un dogme, c’est une construction explicative du réel. La question de la plusvalue répond à la question de savoir « pourquoi diable un capitaliste irait acheter la force de travail de l’ouvrier ? ». Vous m’accorderez que s’il ne produit pas de plusvalue, on voit mal son intérêt…

      [Marx parle constamment de “marchandise” dans toutes ses démonstrations concernant la production, le travail, la plus-value, les ouvriers, sans jamais dire qu’il faut entendre les marchandises comme pouvant être des “services” (comme le transport …)]

      Mais sans jamais laisser entendre le contraire. Je ne vois donc pas pourquoi vous déduisez que « marchandise » ne peut désigner qu’un bien matériel. Je vous rappelle que, comme son nom l’indique, « marchandise » désigne tout ce qui peut être négocié sur un « marché ». La statistique moderne distingue d’ailleurs les « services marchands » qui sont assimilés à des biens.

      • Gugus69 dit :

        Mais pourquoi chercher midi à 14 heures ?
        Une tonne de pruneaux coûte plus cher à l’arrivée à Paris qu’au départ d’Agen. La compagnie de chemin de fer (ou le transporteur routier) a dégagé un profit. Donc, il y a plus-value et “exploitation” du travail du cheminot ou du chauffeur routier.
        On parlait des écoles du parti des années soixante-dix : j’y étais, mon camarade ! Là, c’est le niveau école fédérale. Et encore…

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [Mais pourquoi chercher midi à 14 heures ? Une tonne de pruneaux coûte plus cher à l’arrivée à Paris qu’au départ d’Agen. La compagnie de chemin de fer (ou le transporteur routier) a dégagé un profit. Donc, il y a plus-value et “exploitation” du travail du cheminot ou du chauffeur routier.]

          Ne banalisons pas non plus le problème. Si la tonne de pruneaux coute plus cher à l’arrivé à Paris qu’au départ d’Agen, on pourrait imaginer que la compagnie de transport fasse son bénéfice simplement en empochant une partie de cette différence, tout en payant ses travailleurs la totalité de la valeur qu’ils ont produit. Et dans ce cas, le bénéfice serait constitué de plusvalue prélevée sur celui qui a travaillé pour cultiver le pruneau, et non sur celui qui le transporte…

          Bien entendu, cette explication se heurte en pratique à plusieurs barrières. La première, est que si le capitaliste du chemin de fer n’extrait pas de la plusvalue sur ses employés, on voit mal quel est son intérêt à les employer – autrement dit, à investir son capital dans le chemin de fer alors qu’il y a tant d’autres activités où l’on peut extraire de la plusvalue. La seconde, c’est qu’on ne voit pas pour quelle raison le capitaliste paierait au cheminot la totalité de la valeur produite par son travail pouvant lui payer moins.

          [On parlait des écoles du parti des années soixante-dix : j’y étais, mon camarade ! Là, c’est le niveau école fédérale. Et encore…]

          Ou même certaines écoles de section, ou l’on avait « l’introduction à l’économie politique ».

          • Gugus69 dit :

            Si la tonne de pruneaux coute plus cher à l’arrivé à Paris qu’au départ d’Agen, on pourrait imaginer que la compagnie de transport fasse son bénéfice simplement en empochant une partie de cette différence, tout en payant ses travailleurs la totalité de la valeur qu’ils ont produit.
             
            Oui. On pourrait aussi “imaginer” que le transporteur ne fasse pas de bénéfice pour faire plaisir à son beau-frère qui est producteur de pruneaux…

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [“Si la tonne de pruneaux coute plus cher à l’arrivé à Paris qu’au départ d’Agen, on pourrait imaginer que la compagnie de transport fasse son bénéfice simplement en empochant une partie de cette différence, tout en payant ses travailleurs la totalité de la valeur qu’ils ont produit.” Oui. On pourrait aussi “imaginer” que le transporteur ne fasse pas de bénéfice pour faire plaisir à son beau-frère qui est producteur de pruneaux…]

              On pourrait, bien entendu. Et si votre théorie politique est bien construite, elle doit pouvoir répondre à cette hypothèse aussi. Ici, elle est facile à réfuter: la très grande majorité des actionnaires du chemin de fer Agen-Paris n’ont pas de beau-frère qui soit producteur de pruneaux. Donc, la motivation proposée peut être exclue.

              Si chez les communistes de tradition léniniste on insistait tant sur l’importance de la théorie politique, ce n’était pas pour faire plaisir à quelques intellectuels ou pour embêter les militants. C’est parce que la théorie organise le monde. Elle permet de rattacher les observations éparses à un raisonnement général, et donc d’expliquer pourquoi les acteurs se comportent d’une certaine façon. Et lorsqu’on a une bonne théorie explicative, on peut se lancer dans une théorie prédictive, c’est à dire, répondre à la question “comment se comporterait tel ou tel acteur social devant tel ou tel stimulum ?”. Et savoir comment et par qui est produit le revenu que telle ou telle couche sociale empoche est un élément essentiel de toute théorie politique marxienne. Vous banalisez la question, mais en fait elle est très complexe: dans votre exemple, le salaire du cheminot est-il un prélèvement sur la valeur produite par le producteur de pruneaux, ou bien produit-il lui même de la valeur ?

            • Gugus69 dit :

              Vous banalisez la question, mais en fait elle est très complexe: dans votre exemple, le salaire du cheminot est-il un prélèvement sur la valeur produite par le producteur de pruneaux, ou bien produit-il lui même de la valeur ?
               
              Cher ami et camarade, vous aurez compris que je simplifiais le propos (apparemment trop) dans le but d’illustrer le fait qu’un service marchand est, en soi une marchandise ; et que ses travailleurs sont ipso facto soumis à l’exploitation capitaliste.
              Pour autant et pour préciser mon opinion, peut-on établir que le prix de la tonne de pruneaux est le même à tonnage égal au départ d’Agen, quel que soit le mode de transport ?
              Si oui, on peut exclure que le salaire du cheminot (ou du chauffeur routier) est prélevé sur le producteur de pruneaux. Et donc établir, comme je le pense, que le transport est en soi producteur de plus-value…
              À condition évidemment que le prix à l’arrivée à Paris varie en fonction du mode de transport. Mais la surexploitation des transporteurs ubérisés et la pression qui en découle sur les prix de la logistique semble étayer cette hypothèse assez raisonnablement.
              Qu’en pensez-vous ?

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Cher ami et camarade, vous aurez compris que je simplifiais le propos (apparemment trop) dans le but d’illustrer le fait qu’un service marchand est, en soi une marchandise ; et que ses travailleurs sont ipso facto soumis à l’exploitation capitaliste.]

              Je suis bien entendu d’accord avec vous. Mais c’était le fond de la question posée par Marc Malesherbes, et la réponse – sur laquelle nous coïncidons – n’est pas une vérité d’évidence.

              Un service marchand est-il une « marchandise » au sens où Marx l’entend ? La question est très intéressante et très complexe. Pour le cas du transport, la réponse est relativement simple, puisqu’on peut raisonner par équivalence : prenons une entreprise industrielle, qui fait transporter par ses propres salariés les matières premières du fournisseur jusqu’à son usine, puis les produits finis de l’usine jusque chez le client. Ces salariés seront considérés sans discussion comme des ouvriers participant par leur travail à la création de valeur de l’entreprise. Or, le fait qu’un travailleur crée ou non de la valeur est indépendant de son statut administratif : le fait qu’un bien soit transporté par un salarié du producteur ou d’une entreprise de transport ne change en rien le fait que ce travail produise de la valeur. On peut aussi avoir un raisonnement fondé sur le caractère local de la valeur. Pour le dire autrement, un bien ici n’a pas la même valeur qu’un bien en Chine, puisque le bien ici satisfait un besoin que le bien en Chine ne peut satisfaire, et qu’il y a donc quelqu’un qui est prêt à mettre du capital et du travail pour que le bien qui se trouvait en Chine se trouve chez nous. Le transport accroit donc la valeur du bien de la quantité de travail socialement nécessaire pour qu’il se trouve ici.

              Le problème est un peu plus complexe pour les biens dits « non rivaux » – c’est-à-dire, les bien qui peut être utilisé par un consommateur sans que cela diminue la quantité du même bien disponible pour les autres. Prenez par exemple un logiciel. Il a fallu du travail pour le concevoir, le développer, le qualifier. Mais une fois ce travail fait, le fait qu’il soit utilisé par un utilisateur ou par un milliard ne change la quantité de travail qui y est investie. La théorie classique de la valeur a beaucoup de mal à prendre en compte ce genre de biens. Cela étant dit, ces biens restent, à l’échelle de l’économie, très minoritaires…

              [Pour autant et pour préciser mon opinion, peut-on établir que le prix de la tonne de pruneaux est le même à tonnage égal au départ d’Agen, quel que soit le mode de transport ?]

              C’est une question intéressante : le bien-ici a une valeur différente du bien-ailleurs ? A mon sens, la réponse est oui, puisqu’on est prêt à mettre du capital et du travail pour transformer le “bien-ailleurs” en “bien-ici”. Le transport crée donc bien de la valeur, et la théorie de la valeur peut donc être appliquée… ce qui conduit à conclure que les travailleurs du transport sont eux aussi exploités, quand bien même ils ne produisent pas un bien matériel.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes
               
              [C’est une question intéressante : le bien-ici a une valeur différente du bien-ailleurs ? A mon sens, la réponse est oui, puisqu’on est prêt à mettre du capital et du travail pour transformer le “bien-ailleurs” en “bien-ici”. Le transport crée donc bien de la valeur, et la théorie de la valeur peut donc être appliquée… ce qui conduit à conclure que les travailleurs du transport sont eux aussi exploités, quand bien même ils ne produisent pas un bien matériel.]
               
              Peut-être suis-je un peu simplet, mais j’avais toujours compris sur ce genre de question que Marx était dans la droite ligne de la conception classique : un pruneau à Agen n’est pas le même bien qu’un pruneau sur un marché à Paris, celui vendu au détail “contenant” le travail nécessaire à le transformer de l’un à l’autre – la transformation dans le cas d’espèce étant une opération de transport.

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Peut-être suis-je un peu simplet, mais j’avais toujours compris sur ce genre de question que Marx était dans la droite ligne de la conception classique : un pruneau à Agen n’est pas le même bien qu’un pruneau sur un marché à Paris, celui vendu au détail “contenant” le travail nécessaire à le transformer de l’un à l’autre – la transformation dans le cas d’espèce étant une opération de transport.]

              J’ai la même compréhension que vous. Mais je ne me souviens pas que Marx dans le “Capital” fasse une mention explicite à la création de valeur par un service. Il est vrai que l’utilisation par Marx du terme “marchandise” crée une petite ambiguïté, dans la mesure où le vocabulaire moderne réserve ce mot aux bien matériels, d’où la remarque de Marc.

  22. marc.malesherbes dit :

    à propos de “marchandise, je vous avais donné une citation ou Marx entendait explicitement la “marchandise objet”” comme seul capable dans sa vision d’avoir “une valeur” au sens de son approche.
    mais bon … sans intérêt

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [à propos de “marchandise, je vous avais donné une citation ou Marx entendait explicitement la “marchandise objet”” comme seul capable dans sa vision d’avoir “une valeur” au sens de son approche.]

      Non. Vous m’aviez donné une citation dans laquelle Marx parle plusieurs fois de “marchandise”, à laquelle s’ajoute une phrase qui dit “Enfin, aucun objet ne peut être une valeur s’il n’est une chose utile”. L’expression “marchandise objet” n’y figure donc pas, et rien dans cette citation ne permet de conclure que pour Marx les “marchandises” se réduisent aux “objets” matériels. Car dans la phrase que vous citez, le mot “objet” ne désigne pas de manière évidente une entité matérielle. L’électricité est-elle un “objet” ? Pourtant, il est incontestable qu’elle est une “valeur”, et qu’elle est utile…

      Encore une fois, je rejette votre approche exégétique. Au delà des mots utilisés dont le sens est toujours interprétable, il faut se demander comment fonctionne la construction que le texte marxien décrit. La question est que le capital achète la force de travail, travail qu’il utilise pour produire un “objet” qui a de la valeur. De la valeur produite, le capital conserve une partie (la plusvalue) et cède l’autre au travailleur. Cette construction a l’avantage d’expliquer pourquoi le capitaliste a un intérêt à acheter la force de travail. Et on voit bien dans ce raisonnement qu’il n’y a aucune raison de faire une distinction selon que la valeur produite prend la forme d’une table, d’un voyage en train, d’un Kwh d’électricité. Alors, pourquoi voulez-vous à tout prix trouver chez Marx une distinction qui n’a aucune justification dans sa propre théorie ?

      Et j’irais même plus loin: la théorie transcende l’homme. A supposer même que vous trouviez un texte ou Marx exclurait explicitement les cheminots de l’ensemble de ceux qui produisent de la plusvalue, que faudrait-il faire primer ? La cohérence de la théorie, ou le paragraphe écrit par un homme – génial, certes, mais faillible comme tous les hommes – il y a presque deux siècles ? Comme vous voyez, le “croyant” n’est pas celui qu’on croit…

      • marc.malesherbes dit :

         
        je retiens de cet échange que vous ne partagez pas l’interprétation que je vous ai donnée de ce que disait (écrivait) Marx sur la création de plus-value (au sens de qui la créait, dans quelles conditions et sur quels produits).
        Bien sûr, je ne suis pas l’inventeur d’une telle interprétation. C’est ce que je lisais, entendais de communistes “membres enseignants” du PCF dans les écoles du parti des années 70. Je ne peux vous le prouver (je n’ai pas gardé les écrits, brochures de cette époque sur ce sujet précis). Etaient-ils ultra minoritaires ? … possible, je n’en sais rien.
        De toute façon cette discussion n’a qu’un intérêt historique, car j’imagine que même le peu de marxistes qui restent aujourd’hui ont certainement mis à jour cette position de Marx, si tant est qu’elle soit exacte.
         
        Un jour je reviendrai sur une question “actuelle”: pourquoi a-t-on le plus souvent abandonné la position des travailleurs comme “exploités par le capital” (au sens ou le capital leur payait un salaire inférieur à la plus-value qu’ils créaient), à celui de “dominants-dominés” en fonction de la couleur de peau (la race) et aussi le genre. Et même les ouvriers blancs sont considérés aujourd’hui comme associés aux dominants car profitant du “privilège blanc”. Sans doute parce que maintenant le cœur des  luttes sociales s’est déplacé. On ne rassemble plus les “exploités”, mais les “dominés”. Et c’est le signe que de nouveaux groupes sociaux entrent dans la lutte pour revendiquer, à savoir les gens de couleur, les femmes, les LGBTQI et les musulmans …Ce sujet est pour moi très actuel, je vous interrogerai plus tard …

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [je retiens de cet échange que vous ne partagez pas l’interprétation que je vous ai donnée de ce que disait (écrivait) Marx sur la création de plus-value (au sens de qui la créait, dans quelles conditions et sur quels produits).]

          Vous avez tout compris. Non, je ne partageais pas votre interprétation avant de vous lire, et je dois dire que je n’ai pas trouvé dans votre commentaire raison de réviser ma position. Vous n’avez proposé aucun texte marxien établissant une différence dans la création de plus-value dans l’industrie de transformation et dans les services marchands, et votre seul argument est une interprétation personnelle du mot « marchandise » et des références obliques à ce qu’on aurait dit dans les écoles du Parti naguère…

          [Bien sûr, je ne suis pas l’inventeur d’une telle interprétation. C’est ce que je lisais, entendais de communistes “membres enseignants” du PCF dans les écoles du parti des années 70.]

          On n’a pas du aller aux mêmes écoles… franchement, j’ai fréquenté pas mal d’écoles comme militant puis comme conférencier… et je n’ai jamais entendu une telle interprétation, pas plus que je ne l’ai trouvé dans les textes de référence de l’époque.

          [Je ne peux vous le prouver (je n’ai pas gardé les écrits, brochures de cette époque sur ce sujet précis). Etaient-ils ultra minoritaires ? … possible, je n’en sais rien.]

          Peut-être pourriez-vous aller consulter les textes de l’époque, tels « l’introduction à l’économie politique » de Iline ?

          [De toute façon cette discussion n’a qu’un intérêt historique, car j’imagine que même le peu de marxistes qui restent aujourd’hui ont certainement mis à jour cette position de Marx, si tant est qu’elle soit exacte.]

          La question a tout de même une certaine importance à l’heure d’analyser la politique économique soviétique. Si l’interprétation selon laquelle les cheminots ne sont pas des prolétaires était canonique, alors on devrait retrouver les conséquences de cette lecture dans les rapports entre le PCF et la CGT-cheminots, par exemple…

          [Un jour je reviendrai sur une question “actuelle”: pourquoi a-t-on le plus souvent abandonné la position des travailleurs comme “exploités par le capital” (au sens ou le capital leur payait un salaire inférieur à la plus-value qu’ils créaient), à celui de “dominants-dominés” en fonction de la couleur de peau (la race) et aussi le genre.]

          La question me paraît avoir une réponse évidente. Jusqu’à la fin des années 1960, la dialectique « exploité-exploiteur » permettait aux classes intermédiaires, à l’époque proches des couches populaires, de se placer du « bon côté » de l’histoire, c’est-à-dire du côté des opprimés. Mais dès lors que les classes intermédiaires ont changé de camp et constitué le bloc dominant avec la bourgeoisie, cette dialectique n’était pas très compatible avec un discours moral. L’avantage de la dialectique « dominant-dominé » est qu’elle permet aux classes intermédiaires de se placer du « bon côté » sans pour autant soutenir les intérêts des couches populaires, devenus antagoniques avec les siens propres.

          Ce n’est pas par hasard si l’effacement des « prolétaires » et leur remplacement par les « dominés » (femmes, homosexuels, taulards, immigrés…) dans l’imaginaire d’une gauche dominée par les classes intermédiaires coïncide avec la fin des « trente glorieuses ». C’est l’arrêt de la croissance qui conduit les classes intermédiaires à craindre pour leur position, à arrêter un ascenseur social qui ne pouvait que fabriquer des concurrents à leurs propres enfants, et in fine à constituer une alliance objective avec la bourgeoise qui aboutira à la révolution « libérale-libertaire » (certains diront néolibérale).

          Le « dominé » est un « prolétaire » rendu inoffensif puisque détaché de toute logique de classe. Un peu comme le « pauvre » des dames patronnesses d’antan : un objet et non un sujet.

          [Et même les ouvriers blancs sont considérés aujourd’hui comme associés aux dominants car profitant du “privilège blanc”. Sans doute parce que maintenant le cœur des luttes sociales s’est déplacé. On ne rassemble plus les “exploités”, mais les “dominés”.]

          Ce n’est pas que les « luttes sociales » se soient déplacées : elles sont toujours là où elles étaient, c’est-à-dire, dans l’affrontement de classe. On ne parle pas ici de « déplacement » mais de « substitution ». Les luttes sociales se sont en grande partie éteintes parce que le rapport de forces est si défavorable à la classe ouvrière que celle-ci ne voit pas l’intérêt dans la lutte. A quoi bon faire grève contre la délocalisation des emplois alors que toutes les luttes dans ce domaine ont systématiquement échoué depuis trois décennies ? A quoi bon se battre pour des augmentations de salaires alors que la sacro-sainte concurrence vous donne le choix entre la réduction du salaire ou le chômage ?

          Pour cacher cette extinction, les classes intermédiaires maintiennent l’illusion d’une conflictualité sociale – indispensable si l’on veut soutenir la fiction démocratique – en mettant en exergue une conflictualité qui n’a de « sociale » que le nom, à savoir, la lutte « contre toutes les aliénations, contre toutes les dominations » (selon la formule de l’ineffable père UbHue).

          [Et c’est le signe que de nouveaux groupes sociaux entrent dans la lutte pour revendiquer, à savoir les gens de couleur, les femmes, les LGBTQI et les musulmans …]

          Pardon, mais en quoi les gens de couleur, les femmes, les LGBTQI+ et les musulmans sont des « groupes sociaux » ? Si l’on parle de « social » dans le sens que ce mot prend dans « lutte sociale », ce n’est certainement pas le cas : la couleur de peau, le sexe, l’orientation sexuelle ou le choix religieux n’ont rien de « social ». La couleur de peau définit des groupes ethniques, le sexe des catégories sexuées, la religion des groupes religieux. Il ne faut pas confondre avec la question sociale…

          Une partie de la confusion actuelle vient du fait qu’on a effacé la frontière entre la “question sociale”, et toutes les autres.

          • marc.malesherbes dit :

            merci de cette longue réponse argumentée
            nb: je vous demande pas de poursuivre la discussion, mais en ce qui me concerne la principale interrogation que j’ai sur l’interprétation que j’avais entendue, lue à l’époque vient de ce que je ne lis pas l’allemand. Il est possible que la traduction française ne puisse  pas bien rendre compte du sens des mots allemands traduits par “objet” “marchandise” “ouvrier” des écrits de Marx, compte tenu du contexte de son oeuvre et de l’époque. Autant le sens français est clair et donne du crédit (pour moi) à cette interprétation, autant je ne suis pas du tout sûr qu’il en soit de même pour un germanophone. Si les hasards de la vie me faisait rencontrer un germanophone connaissant l’oeuvre de Marx, je l’interrogerai. Peu probable. R Aron est décédé !

            • Descartes dit :

              @ marc.malesherbes

              [nb: je vous demande pas de poursuivre la discussion, mais en ce qui me concerne la principale interrogation que j’ai sur l’interprétation que j’avais entendue, lue à l’époque vient de ce que je ne lis pas l’allemand.]

              Au-delà de la problématique de la traduction – mais aussi de l’usage des mots dans la deuxième moitié du XIXème siècle, qui n’est pas forcément le même qu’aujourd’hui – lorsqu’on examine une interprétation d’une théorie il faut regarder sa cohérence. Si Marx avait entendu exclure du prolétariat les travailleurs du transport – n’oublions pas que la révolution des transports est inséparable de la révolution industrielle, et que Marx écrit alors que le chemin de fer révolutionne les habitudes – cela se saurait : cela constituerait quand même un « trou » énorme dans sa théorie !

              [Si les hasards de la vie me faisait rencontrer un germanophone connaissant l’oeuvre de Marx, je l’interrogerai. Peu probable. R Aron est décédé !]

              La plupart des philosophes marxistes sont germanophones. Pour certains – je pense à Georges Politzer – c’était même leur langue maternelle ! J’imagine mal d’ailleurs un philosophe être le spécialiste d’un auteur qu’il ne peut lire dans sa langue originale. Vous vous imaginez un expert de Platon qui ne lise pas le grec ?

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