La censure, c’est moi

“L’exécution d’abord, le procès ensuite” (Lewis Carroll, “Alice au pays des merveilles”)

Lundi prochain, l’Assemblée nationale aura à se prononcer sur la motion de censure dont le dépôt a été décidé par la direction de la France Insoumise, et à laquelle se sont ralliés, nolens volens, l’ensemble des groupes constituant la NUPES. J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre la cohérence de cette motion de censure avec le cadre idéologique que la France Insoumise est censée elle-même défendre.

On le sait, la France Insoumise – comme les écologistes, le PCF mais aussi le RN – défendent le scrutin proportionnel. Or, il est assez évident qu’un scrutin proportionnel a beaucoup de chances d’aboutir à  à une assemblée nationale sans majorité stable. Car quel intérêt aurait un parti à former des coalitions dès lors qu’il est assuré d’avoir une représentation proportionnelle à son poids dans le pays ? La NUPES elle-même est une fille illégitime du scrutin majoritaire, la décision d’un ensemble de partis qui ne sont pas d’accord sur grande chose de se présenter ensemble sur un « programme » plus ou moins imaginaire pour faire élire une majorité de députés. Ceux qui proposent donc de passer à un scrutin proportionnel devraient, en bonne logique, avoir des idées précises sur la manière de gouverner le pays en l’absence d’une majorité de projet à l’Assemblée.

Les Français n’ont pas donné une majorité parlementaire à l’alliance présidentielle, c’est un fait. Mais ils en ont fait tout de même le premier groupe parlementaire de l’Assemblée. Il n’est donc pas illogique que le Premier ministre soit issu de ses rangs, et que la politique suivie soit largement inspirée par lui. Est-ce que ce Premier ministre doit-il nécessairement solliciter la confiance de l’Assemblée ? La réponse, me semble-t-il, ne peut être que négative, puisque dans la logique d’une Assemblée sans majorité de projet, la confiance « à priori » ne peut que lui être refusée, l’obligeant à la démission. Dans ce contexte, exiger que le Premier ministre demande la confiance à l’Assemblée, c’est condamner le pays à l’ingouvernabilité.

Dès lors qu’il n’y a pas de majorité de projet, le gouvernement n’aura pas la confiance automatique de l’Assemblée. C’est un fait, sur lequel tout le monde est d’accord, et dont la Première ministre elle-même en convient. Dans ces conditions, il serait absurde de solliciter de l’Assemblée une « confiance » qui n’existe pas. Ce n’est pas l’adhésion à priori à un projet commun et la confiance pour l’appliquer qui sera le moteur de cette législature, mais la négociation texte par texte, amendement par amendement, et seul un compromis avec d’autres forces permettra au Premier ministre de faire voter les textes qu’il proposera.

Est-ce grave, docteur ? Personnellement, je pense que oui : pour faire passer ses textes, le gouvernement devra passer par ce qu’il faut bien appeler « achat de voix ». On proposera à untel de laisser passer son amendement-marotte, à l’autre d’installer une administration dans la ville où il est implanté, à un troisième une subvention à l’association de son choix… on a vu comment cela se passait sous la IVème République, avec des « affaires » à répétition. Pour ne donner un exemple, Guy Mollet avait conseillé à ses collaborateurs de bien secouer les dossiers laissés par son prédécesseur, Edgar Faure, au cas ou quelques billets seraient restés coincés… Mais c’est là mon opinion personnelle. D’autres peuvent penser le contraire. Mais on ne peut pas en même temps appeler de ses vœux un régime parlementaire, et refuser la logique de compromis et de négociation qui en est l’essence.

Mais alors, quel est le sens de la motion de censure (1) qui sera débattue lundi ? Le mieux est de lire l’argumentation de ceux qui l’ont proposée :

« Alors même que la situation nouvelle voulue par les Français.es offre une opportunité inédite à l’expression d’un véritable parlementarisme, la Première ministre annonce d’ores et déjà son refus de solliciter ce vote de confiance. Elle constate de fait qu’elle n’est soutenue que par la minorité présidentielle, insuffisante pour approuver ce discours de politique générale, et ferme pourtant toute voie au débat parlementaire.

En l’absence de vote de confiance, nous n’avons d’autre choix que de soumettre cette motion de défiance. Il en va du nécessaire respect du Parlement, encore plus dans cette période nouvelle qui doit permettre de le voir jouer un rôle accru.

En l’absence de vote de confiance, et sans réaction des parlementaires, la minorité présidentielle ne manquerait pas d’invoquer une confiance implicite du Parlement. En l’absence de vote de confiance, il n’y a pas, pour chaque député, d’expression par un vote solennel du choix d’être dans le soutien ou l’opposition au Gouvernement.

En l’absence de vote de confiance, le choix est fait de rompre l’équilibre institutionnel actuel du Premier ministre, évidemment choisi par le Président de la République mais dont la légitimité procède aussi du Parlement par ce vote de confiance.

Pour toutes ces raisons, nous, députées et députés, considérons qu’il est primordial de maintenir chaque fois que possible la possibilité pour les parlementaires de s’exprimer par un vote. »

Tout ça est assez bizarre. Citons juste en passant les contradictions de ce texte : au premier paragraphe, on affirme que la Première ministre « constate de fait qu’elle n’est soutenue que par la minorité présidentielle, insuffisante pour approuver ce discours de politique générale », pour affirmer ensuite que « en l’absence de vote de confiance, et sans réaction des parlementaires, la minorité présidentielle ne manquerait pas d’invoquer une confiance implicite du Parlement ». Comment, en ayant reconnu a priori qu’il n’y a pas une majorité pour voter la confiance, le camp présidentiel pourrait a posteriori invoquer la « confiance implicite » ? Mystère…

Mais le principal paradoxe de ce texte vient de son côté « choisis ton camp camarade » tout en se réclamant d’un « véritable parlementarisme ». Si les élus sont sommés de se déclarer « soutien » ou « opposition » au gouvernement – et on suppose aligner ensuite leurs votes en conséquence – on voit mal comment ce « véritable parlementarisme » pourrait fonctionner. Le « véritable parlementarisme » suppose la discussion et la négociation, pas une logique « bloc contre bloc ». La Première ministre, dans son discours, a manifesté sa volonté de négociation. La logique dans un « véritable parlementarisme » serait qu’on la prenne au mot, ce qui suppose d’attendre pour voir comment cette négociation est mise en oeuvre. Les oppositions n’ont pas à lui faire confiance, mais pourront juger sur pièces et la censurer le moment venu si elle ne tient pas ses promesses.

Mais alors, pourquoi vouloir censurer tout de suite ? Pourquoi ne pas attendre et juger sur pièces la pratique « parlementaire » du pouvoir ? Tout ça, comme d’habitude avec les « insoumis », c’est de la tactique. Mélenchon et compagnie savent parfaitement que la censure ne sera pas votée – il faudrait pour cela le vote positif, car aux termes de la Constitution seuls les votes positifs sont comptés, de 289 députés. Le but ici, c’est de se mettre en scène LFI comme la seule « vraie opposition », alors que les « fausses oppositions » de droite laisseront, par leur abstention, le gouvernement en place. Et accessoirement de marquer sa primauté dans la NUPES en forçant leurs alliés, fort réticents à soutenir les discours des extrémistes, à passer sous ses fourches caudines, terrorisés à l’idée d’être eux-mêmes taxés de « faux opposants ». Quand Mélenchon parle du prix qu’auraient à payer ceux qui voudraient « descendre du train » de la NUPES, ce n’est pas une menace en l’air.

Mais comme souvent chez les insoumis, la tactique dévore la stratégie. Pour gagner un avantage tactique, les « insoumis » sont prêts à piétiner leur propre projet. En jouant le blocage de l’institution parlementaire, ils donnent raison à ceux qui s’opposent à une VIème République parlementaire au motif que notre tradition politique ne permet pas un « véritable parlementarisme » de fonctionner. Car quelles chances aurait un système proportionnel si une Assemblée sans majorité de projet est synonyme de blocage institutionnel ? Si les institutions ne peuvent fonctionner que lorsqu’il y a une majorité claire pour voter la confiance à un Premier ministre, alors les citoyens ne pourront manquer de conclure qu’il nous faut un système électoral qui garantisse une telle majorité.

Je ne suis pas persuadé par ailleurs que ces palinodies « tactiques » intéressent beaucoup les Français. Contrairement à ce que croient les « insoumis », la légitimité d’un gouvernement ne vient pas, aux yeux des citoyens, d’un « vote de confiance » de l’Assemblée. Elle vient de son action. Si le gouvernement s’attaque aux problèmes qui préoccupent les électeurs, il sera « légitime » avec ou sans vote, et personne n’osera le censurer. S’il se plante – et c’est le plus probable – alors il sera perçu comme illégitime et on trouvera bien une majorité pour le renverser ou pour bloquer ses textes. Les discours militants, les menaces et les débats pour savoir lequel du RN ou LFI sont la « vraie » opposition, tout le monde en dehors du microcosme politico-médiatique s’en fout. Un peu comme l’immense majorité des étudiants se foutent des querelles de groupuscules dans les assemblées étudiantes de la fac de Nanterre…

Descartes

(1) Bien que dans certaines expressions publiques on ait parlé de “motion de défiance”, le texte déposé fait référence à l’article 49-2 de la Constitution, qui ne connait que les “motions de censure”.

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29 réponses à La censure, c’est moi

  1. cherrytree dit :

    Descartes.
    Excellente explication de texte.
    Je recommande l’article d’Olivier Falorni dans Le Point: “La FI déroule le tapis rouge vers l’Elysée à Marine le Pen”. 
    Effectivement les Français se moquent bien de savoir si le gouvernement Borne doit être maintenu en place. Ce qui leur importe c’est que ce gouvernement soit en capacité de leur assurer de quoi se chauffer cet hiver, de se déplacer sans y laisser un tiers de leur salaire,  et de finir le mois sans être dans le rouge. Nous sommes bientôt a la mi-juillet, demander le départ de ce gouvernement à peine élu est irresponsable, c’est reporter de deux mois l’examen, le vote puis l’application de la moindre mesure. En septembre ce sera le problème de la hausse des prix conjugué à celui des frais d’inscription pour les étudiants, de scolarité pour les parents de collégiens et lycéens, puis les soucis pour ceux qui sont chauffés au fuel ou au gaz. Et ces braves gens n’auront pas forcément envie de faire comme l’inénarrable Louis Boyard, c’est à dire se faire dealer pour pouvoir s’en sortir. (Encore une ânerie qui sera reprochée dès que ce jeune crétin ouvrira la bouche). Et je ne suis pas persuadée que des marches monstres contre la vie chère envisagées par Mélenchon, soient vues d’un bon oeil par beaucoup de commerçants et autre restaurateurs qui ont payé un lourd tribut aux manifs des gilets jaunes dans les centre ville . D’ailleurs, à quoi rime cette Longue Marche annoncée? Un gouvernement, quel qu’il soit, fait en principe de son mieux pour lutter contre l’inflation, à moins d’être masochiste. Et à tout prendre, la France n’est pas le pays qui s’en sort le moins bien dans l’UE.Après, je ne suis pas persuadée que les Français auront vraiment envie de tenter une expérience mélenchonienne de gouvernement, disons que le moment leur paraîtra mal choisi . D’autant ‘qu’E.Borne semble prête à la négociation pour le gros dossier de l’Hôpital et de l’Educ nat, c’est la que les oppositions vont pouvoir se faire une vraie identité. Pour Mélenchon et sa troupe, je pense qu’il s’agit avant tout de se compter, et je crois qu’il est bien aveugle ou grisé par la sensation de puissance. Mauvais calcul. En mai 1968, les ouvriers avaient fait le lien avec les étudiants. Puis fin mai, leurs revendications en passe d’être raisonnablement satisfaites, ils se sont un peu éloignés. Les plus excités ont voulu continuer? Ce fut la manifestation monstre des gaullistes le 30 mai et plus largement de la droite, approuvée par la majorité de la population. Et si de Gaulle  parti, la belle affaire,  nous eûmes Pompidou, comme dans la fable des grenouilles qui demandent un roi, et la droite au pouvoir pour 13 ans.
     

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Effectivement les Français se moquent bien de savoir si le gouvernement Borne doit être maintenu en place.]

      Oui, d’autant plus que Borne n’est pas particulièrement antipathique. Elle a évité de prendre position sur les sujets qui fâchent – comme la réforme des retraites – et son discours, tout en était ferme, est plutôt proche de celui de la gauche républicaine. En plus, elle a une réputation d’être compétente, travailleuse, rigoureuse, attachée au service public, et de connaître ses dossiers. Rien à voir avec les « petits marquis » macroniens de la « startup néishon , nés avec une cuillère d’argent dans la bouche et ayant fait beaucoup d’argent dans le privé. Je ne sens pas qu’il y ait ans le pays un sentiment « anti-Borne »…

      [Ce qui leur importe c’est que ce gouvernement soit en capacité de leur assurer de quoi se chauffer cet hiver, de se déplacer sans y laisser un tiers de leur salaire, et de finir le mois sans être dans le rouge. Nous sommes bientôt a la mi-juillet, demander le départ de ce gouvernement à peine élu est irresponsable, c’est reporter de deux mois l’examen, le vote puis l’application de la moindre mesure.]

      Oui. Les gens sont je pense parfaitement conscients que la longue paralysie de la période électorale ne peut plus durer. Des décisions importantes ont été laissées en souffrance et on ne peut pas continuer à les reporter éternellement. Entre parenthèses, l’un des premiers actes de Borne aura été de signer le décret portant déclaration d’utilité publique de CIGEO. On aura vu de pire présage…

      [Et ces braves gens n’auront pas forcément envie de faire comme l’inénarrable Louis Boyard, c’est à dire se faire dealer pour pouvoir s’en sortir. (Encore une ânerie qui sera reprochée dès que ce jeune crétin ouvrira la bouche).]

      Décidément, les « bébés mélenchon » ont tous le même profil : formés au syndicalisme lycéen ou étudiant (qui, comme on le sait, est au syndicalisme ce que la musique militaire est à la musique), mauvais étudiant, il cherche rapidement sa voie dans les médias dans des émissions d’aussi grande qualité que « les grandes gueules » ou « touche pas à mon poste »… Pas étonnant que ce soit un admirateur de Corbière, dont le parcours est assez similaire ! Et je passe sur sa carrière de dealer, qui ravira je pense tous ceux – et je me compte parmi eux – qui ont financé leurs études avec des petits boulots plutôt que de vendre de la drogue. Qu’il l’ait fait, c’est grave, qu’il le raconte sans en avoir honte, c’est pire.

      [Et je ne suis pas persuadée que des marches monstres contre la vie chère envisagées par Mélenchon, soient vues d’un bon oeil par beaucoup de commerçants et autre restaurateurs qui ont payé un lourd tribut aux manifs des gilets jaunes dans les centre ville . D’ailleurs, à quoi rime cette Longue Marche annoncée ?]

      D’autant plus que l’augmentation des prix ne tient pas à une spéculation effrénée que le gouvernement pourrait combattre, mais à une réalité économique contre laquelle le gouvernement ne peut pas grande chose. Je l’avais je crois expliqué dans un autre papier : la guerre en Ukraine et la pandémie, en désorganisant le système productif mondial, a réduit la quantité de biens disponibles, alors que les gouvernements ont tout fait, surtout dans les pays riches comme le nôtre, pour préserver le pouvoir d’achat en distribuant de la monnaie. A un moment ou un autre, l’excès de monnaie par rapport aux biens qu’elle peut acheter devait se traduire par une augmentation de prix, dont le corollaire est la baisse de la consommation. Parce qu’on ne peut pas consommer des biens qui ne sont pas produits. C’est d’ailleurs un grand paradoxe de ceux qui prétendent combattre le « productivisme » : la seule façon de combattre structurellement l’augmentation des prix, c’est de produire plus pour que l’offre corresponde aux moyens de paiement dont les gens disposent.

      Cela étant dit, le gouvernement peut faire quelque chose : dès lors qu’on établit qu’il faudra réduire la consommation, le gouvernement peut distribuer cette réduction selon les couches sociales. Ainsi, par exemple, il peut aider les plus modestes à payer l’énergie, et charger cette aide sur les plus riches. La difficulté, c’est que cela revient à toucher les classes intermédiaires… C’est pourquoi on voit l’opposition entre les technocrates qui proposent des mesures « ciblées » et les politiques qui voudraient une réduction générale qui feront plaisir à tout le monde…

      [D’autant qu’E.Borne semble prête à la négociation pour le gros dossier de l’Hôpital et de l’Educ nat, c’est la que les oppositions vont pouvoir se faire une vraie identité.]

      Tout à fait. Si j’étais à la tête d’une des oppositions, ma priorité serait de penser des alternatives sur les grands sujets qui intéressent le pays, et de les blinder du point de vue technique. Parce qu’avec un Premier ministre qui est avant tout un technicien qui connaît ses dossiers, il faut pouvoir tenir le débat sans avoir l’air d’être des amateurs ou des charlots. Et puis, avec un technicien aux commandes, avec un dossier bien ficelé, on peut gagner des concessions.

      Si les Français – et notamment les couches populaires – s’abstiennent, c’est parce qu’ils pensent que la politique ne sert à rien. La priorité pour les oppositions devrait être de montrer qu’elles servent à quelque chose, et pas seulement à empêcher de faire.

      • @ Descartes,
         
        [En plus, elle a une réputation d’être compétente, travailleuse, rigoureuse, attachée au service public, et de connaître ses dossiers.]
        C’est à se demander ce qu’elle fait chez Macron, lequel, à ma connaissance, n’a pas changé de projet (en admettant qu’il en ait un au-delà des slogans un peu creux). D’ailleurs, Edouard Philippe et Jean Castex n’étaient pas non plus des incompétents à proprement parler. On ne peut pas dire pour autant que le premier quinquennat de Jupiter ait été une réussite… 
         
        [Entre parenthèses, l’un des premiers actes de Borne aura été de signer le décret portant déclaration d’utilité publique de CIGEO. On aura vu de pire présage…]
        Oui, enfin n’oublions pas que c’est un premier ministre macronien qui a enterré l’aéroport Notre-Dame des Landes, un projet lui aussi “d’utilité publique”. Et légitimé par un référendum local.
         
        Ne le prenez pas mal mais, depuis quelques temps, je suis perplexe en vous lisant. Vous avez écrit un article intitulé “Putain, cinq ans de plus…” le 27 avril 2022. Depuis les législatives, vous semblez regretter que Macron n’ait pas la majorité à l’Assemblée pour faire sa politique. Vous avez écrit plusieurs articles dénonçant les vices de la NUPES en général (“NUPES ta mère…”) et de LFI en particulier, et j’en viens à me demander si du coup vous ne trouvez pas quelques vertus aux partisans du président. “En même temps”, vous dites comprendre la stratégie de Fabien Roussel – que vous avez soutenu lors de la Présidentielle – lequel a rallié la NUPES avec le PCF. Et maintenant, parce que Mme Borne avalise un projet relatif au nucléaire, une question qui vous tient à coeur, vous n’êtes pas loin de la soutenir. J’exagère: disons que vous adoptez une position de neutralité bienveillante.
         
        Je ne comprends pas, je vous l’avoue: que fallait-il faire selon vous? A vous lire en avril, il fallait éviter que Macron puisse poursuivre sa politique de destruction. Maintenant, vous regrettez à demi-mot que les Français n’aient pas donné une majorité au bloc présidentiel. “En même temps”, je déduis de ce que vous avez écrit que vous n’avez pas voté dans votre circonscription pour le candidat macroniste aux législatives.
         
        Je suis d’accord avec vous sur le fait que la situation n’est pas idéale mais, à tout prendre, je préfère un pouvoir macronien faible, avec une marge de manoeuvre limitée, qu’un pouvoir macronien fort qu’on a vu à l’oeuvre pendant cinq ans. Alors vous allez me dire que cela se fait au prix d’un blocage des institutions, avec tous les problèmes que vous avez soulevés à juste titre (irresponsabilité, possibles compromissions, retour aux magouilles de la IV°…). Eh beh oui, dans la vie, on ne peut pas tout avoir et en l’occurrence, il fallait choisir la priorité: un fonctionnement harmonieux des institutions permettant à un président de poursuivre au pas de course sa politique de démantèlement de l’Etat (pour ne pas dire du pays) ou empêcher ledit président de mener cette politique. Il n’y avait pas de bonne solution, désolé.
         
        Quelle est votre priorité? 

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [« En plus, elle a une réputation d’être compétente, travailleuse, rigoureuse, attachée au service public, et de connaître ses dossiers. » C’est à se demander ce qu’elle fait chez Macron, lequel, à ma connaissance, n’a pas changé de projet (en admettant qu’il en ait un au-delà des slogans un peu creux).]

          Je crois pouvoir vous apporter une réponse : Les technocrates – au meilleur sens du terme – ont cette croyance naïve que le mérite, la raison et la compétence finissent par triompher de tout, qu’en se rapprochant du politique, quel qu’il soit, ils arriveront à le convaincre de choisir les « bonnes » solutions. Cette naïveté, vous la trouvez partout dans notre histoire : de Bichelonne pensant la modernisation de la France comme ministre de Laval à Chevènement se rapprochant de Macron.

          Je dirais par ailleurs que le réflexe naturel de celui qui veut faire des choses est de se rapprocher du pouvoir, parce que c’est le pouvoir qui permet de faire des choses. Dans mon propre parcours, j’ai plusieurs fois choisi d’affronter le pouvoir plutôt que de m’accommoder avec lui pour pouvoir faire des choses. Rétrospectivement, je peux vous dire que je le regrette. Si la présence de Borne à Matignon permet de faire une ou deux bonnes choses qui sans elle n’auraient pas vu le jour, c’est toujours ça de gagné.

          [D’ailleurs, Edouard Philippe et Jean Castex n’étaient pas non plus des incompétents à proprement parler. On ne peut pas dire pour autant que le premier quinquennat de Jupiter ait été une réussite…]

          Il ne suffit pas de faire l’ENA pour être un « technocrate ». Edouard Philippe n’était pas, loin de là, un incompétent, mais ce n’était pas non plus quelqu’un qui fondait sa légitimité sur sa compétence. C’est un politique, élu et adhérent à un parti politique depuis de très longues années.

          [Ne le prenez pas mal mais, depuis quelques temps, je suis perplexe en vous lisant. Vous avez écrit un article intitulé “Putain, cinq ans de plus…” le 27 avril 2022. Depuis les législatives, vous semblez regretter que Macron n’ait pas la majorité à l’Assemblée pour faire sa politique.]

          Peut-être que votre perplexité traduit un peu de la mienne. Comme vous, j’ai été ravi que le président n’ait pas une majorité. Mais « en même temps », il faut être conscient que cette joie est une Schadenfreude. Que Macron se prenne une baffe est un motif de joie, mais je peux difficilement me réjouir de la paralysie de l’Etat et de la transformation de l’Assemblée nationale en assemblée universitaire.

          Oui, je me réjouis de la défaite du camp présidentiel, et je me désole de voir une Assemblée dans laquelle non seulement il n’y a pas de majorité de projet, mais même pas une claire conscience du besoin pour le pays d’être gouverné. Vous le savez, je suis un hobbesien de cœur : pour moi, le pire des ordres est préférable au chaos. Pour le dire autrement, ma détestation de Macron ne va pas assez loin pour que je voie avec joie le pays partir en flammes pour la seule satisfaction de le voir brûler.

          [Vous avez écrit plusieurs articles dénonçant les vices de la NUPES en général (“NUPES ta mère…”) et de LFI en particulier, et j’en viens à me demander si du coup vous ne trouvez pas quelques vertus aux partisans du président.]

          Là, je vous arrête. Je refuse le choix binaire que vous suggérez, comme quoi critiquer la NUPES impliquerait une sympathie pour le camp présidentiel et vice-versa. J’en veux beaucoup à la gauche en général – qui après tout est un peu ma famille – et à LFI tout particulièrement parce que je les considère en grande partie responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si Macron reste à l’Elysée à la tête d’institutions paralysées, c’est aussi parce que « la gauche », qui après tout est censée être le « camp du progrès et de l’émancipation », est incapable de proposer une alternative à la fois crédible et attractive.

          Mes reproches à LFI, vous l’aurez remarqué, se résument à quelques points bien précis : son incapacité à s’institutionnaliser, à se donner des instances de débat démocratique, à former et encadrer ses militants. Autrement dit, aux points qui me paraissent indispensables pour créer une véritable alternative au macronisme. Mais je ne vois pas en quoi cette critique impliquerait trouver « quelques vertus aux partisans du président », alors que je pourrais leur adresser exactement les mêmes reproches !

          [“En même temps”, vous dites comprendre la stratégie de Fabien Roussel – que vous avez soutenu lors de la Présidentielle – lequel a rallié la NUPES avec le PCF.]

          Comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités. Pour le PCF, c’était la NUPES ou perdre son groupe à l’Assemblée. A partir de là, le choix tactique se défend. Mais une fois cet objectif atteint, il faut en sortir. Je suis satisfait que Roussel ait refusé le « groupe unique », et qu’il ait marqué son indépendance. Je regrette que les députés du PCF aient signé la motion de censure, qui me semble hors de propos.

          [Et maintenant, parce que Mme Borne avalise un projet relatif au nucléaire, une question qui vous tient à coeur, vous n’êtes pas loin de la soutenir. J’exagère: disons que vous adoptez une position de neutralité bienveillante.]

          Je me comporte – enfin, je l’espère – en républicain. Il faut bien que le pays ait un Premier ministre, parce qu’il faut que le pays soit gouverné. Et puisque les Français, sans accorder au camp présidentiel une majorité, en ont fait le premier groupe parlementaire, il n’est pas anormal que le Premier ministre en soit issu. Sous ce réseau de contraintes, je ne vois pas quelle personnalité pourrait faire mieux qu’Elisabeth Borne. Dans son discours de politique générale, elle a pris acte du fait qu’elle n’avait pas de majorité, et donc du besoin de discuter avec les autres pour trouver des compromis, ce qui me semble, dans le contexte actuel, la seule possibilité pour que le pays soit gouverné. A partir de là, je ne vois aucune raison pour ne pas lui accorder une « neutralité bienveillante » en attendant de voir si elle tient ses promesses.

          Encore une fois, on ne fait de la politique qu’avec des réalités. Les « oppositions » ont beau être collectivement majoritaires, elles ne peuvent s’entendre sur un projet commun autre que celui d’empêcher le gouvernement de gouverner. Cette configuration n’est pas nouvelle : elle a été une constante de la IVème République et l’impuissance qui en a résulté n’est pas pour rien dans sa chute.

          [Je ne comprends pas, je vous l’avoue: que fallait-il faire selon vous?]

          J’aurais envie de vous retourner la question : que faut-il faire MAINTENANT, selon vous ?

          [A vous lire en avril, il fallait éviter que Macron puisse poursuivre sa politique de destruction. Maintenant, vous regrettez à demi-mot que les Français n’aient pas donné une majorité au bloc présidentiel. “En même temps”, je déduis de ce que vous avez écrit que vous n’avez pas voté dans votre circonscription pour le candidat macroniste aux législatives.]

          Mais pensez-vous qu’en lui refusant une majorité à l’Assemblée on ait empêché Macron de poursuivre « sa politique de destruction » ? Malheureusement, je crains que la « politique de destruction » à laquelle vous faites référence ne soit pas l’affaire de Macron tout seul. Il n’a fait que poursuivre – avec moins de précautions oratoires, je vous l’accorde – la politique de ses prédécesseurs. Réduire l’exécutif à l’impuissance n’arrêtera pas la « politique de destruction », puisque cette politique tient autant à ce qu’on fait qu’à ce qu’on ne fait pas. Faute de décision, l’école continuera à se dégrader. Faute de décision, nous sortirons du nucléaire par la simple obsolescence des installations existantes. Faute de décision, notre fonction publique continuera à se dégrader. Faute de décision, l’Europe continuera à fabriquer ses directives que nous sommes obligés d’appliquer.

          Réduire Macron à l’impuissance peut nous procurer une satisfaction morale. Et c’est pourquoi, non, je n’ai pas voté pour le candidat macroniste aux législatives. Mais la défaite relative du camp présidentiel ne résout absolument rien dans le champ politique parce qu’elle n’a pas fait apparaître une quelconque alternative. A partir de là, il faut maintenant trouver une façon pragmatique de gouverner le pays.

          [Je suis d’accord avec vous sur le fait que la situation n’est pas idéale mais, à tout prendre, je préfère un pouvoir macronien faible, avec une marge de manoeuvre limitée, qu’un pouvoir macronien fort qu’on a vu à l’oeuvre pendant cinq ans.]

          Je suis d’accord, et je ne regrette nullement le fait que le camp présidentiel n’ait pas de majorité. Mais la question est jusqu’où aller dans l’affaiblissement du pouvoir. Dans la mesure où aucune alternative crédible ne se présente, aller trop loin dans cette voie nous expose à l’impuissance collective et au chaos. Imaginez qu’on soit dans une situation équivalente à celle de mars 2020. Comment on gère un état d’urgence avec une Assemblée plus soucieuse de contrer les initiatives du gouvernement que de la santé des Français ?

          [Alors vous allez me dire que cela se fait au prix d’un blocage des institutions, avec tous les problèmes que vous avez soulevés à juste titre (irresponsabilité, possibles compromissions, retour aux magouilles de la IV°…). Eh beh oui, dans la vie, on ne peut pas tout avoir et en l’occurrence, il fallait choisir la priorité: un fonctionnement harmonieux des institutions permettant à un président de poursuivre au pas de course sa politique de démantèlement de l’Etat (pour ne pas dire du pays) ou empêcher ledit président de mener cette politique. Il n’y avait pas de bonne solution, désolé.]

          Vous avez tout à fait raison, il n’y avait pas de bonne solution. Cela devrait vous expliquer mes hésitations, et même mes contradictions. Car dès lors qu’il s’agit de choisir entre des mauvaises solutions – de TRES mauvaises solutions, dans le cas d’espèce – le pesage est toujours subtil…

          [Quelle est votre priorité?]

          Dans l’ordre ? Ma première priorité, c’est la gouvernabilité. Parce qu’un système où aucune décision collective n’est possible, ou chaque secteur consacre son énergie à empêcher que les décisions soient prises plutôt qu’à peser sur celles-ci ouvre la porte à la guerre civile.

          Une fois la gouvernabilité acquise, la priorité est de construire une alternative aux politiques néolibérales dont Macron n’est pas l’inventeur – ce serait lui faire trop d’honneur – mais le zélé continuateur. Parce qu’en politique les batailles défensives sont toujours perdues. Les néolibéraux continueront à mettre en œuvre leurs projets aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’alternative crédible à l’horizon. Le principe TINA reste l’arme politique la plus puissante.

          Et en attendant cette construction, la priorité est « d’empêcher le monde de se défaire » en défendant tant que faire se peut les institutions, les valeurs de la République et de la France – pour moi, ce sont les mêmes, mais je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce point.

          • @ Descartes,
             
            [Si la présence de Borne à Matignon permet de faire une ou deux bonnes choses qui sans elle n’auraient pas vu le jour, c’est toujours ça de gagné.]
            Pour moi, une politique se juge dans sa globalité. Je n’ai rien contre Madame Borne en tant que personne, c’est sûrement une femme estimable. Mais quelle est sa marge de manoeuvre réelle par rapport au locataire de l’Elysée? C’est ça que j’aimerais bien savoir.
             
            [Il ne suffit pas de faire l’ENA pour être un « technocrate ».]
            Rassurez-moi… On peut être compétent sans être technocrate tout de même?
             
            [Comme vous, j’ai été ravi que le président n’ait pas une majorité.]
            Pardon, je n’ai pas été “ravi”. J’ai été soulagé d’une certaine manière. Mais je ne sous-estime pas les problèmes que pose la situation et que vous avez soulevés.
             
            [Vous le savez, je suis un hobbesien de cœur : pour moi, le pire des ordres est préférable au chaos.]
            Oui, moi aussi je suis hobbesien. Mon problème avec les gens qui nous dirigent, c’est que le chaos n’a pas surgi de nulle part. Des gens comme Hollande et Macron ont, par leur politique (ce qu’ils ont fait comme ce qu’ils n’ont pas fait ainsi que vous l’avez justement dit), préparé le chaos. Et ça, désolé, j’ai du mal à leur pardonner et à me dire que, pour sauver les institutions, il faut laisser les manettes à des gens qui les utilisent d’une manière que je condamne. Je sais que vous allez désapprouver cette idée, mais je commence à me dire qu’une crise risque d’être nécessaire pour sortir de cette situation qui, pardon de le dire, ressemble de plus en plus à un désordre vaguement organisé qu’à de l’ordre.
             
            [Je refuse le choix binaire que vous suggérez, comme quoi critiquer la NUPES impliquerait une sympathie pour le camp présidentiel et vice-versa.]
            J’ai écrit “j’en viens à me demander”. Vous avez répondu, dont acte.
             
            [Mes reproches à LFI, vous l’aurez remarqué, se résument à quelques points bien précis : son incapacité à s’institutionnaliser, à se donner des instances de débat démocratique, à former et encadrer ses militants.]
            C’est tout? Vous êtes bien indulgent. Au-delà des questions d’institutionnalisation et d’encadrement, le fond ne vous préoccupe pas? Le fait que Mélenchon soit un mitterrandien impénitent, qu’il défile avec des salafistes, que son parti promeuve des figures de l’antispécisme ou de l’indigénisme, tout cela ne vous émeut pas? Votre bonté vous perdra, mon cher.
             
            J’aimerais comprendre: que diable espérez-vous de LFI? Ne voyez-vous pas que ce mouvement est entraîné dans une dérive, organisationnelle et idéologique, qu’il n’a pas les moyens intellectuels et politiques de contrer? L’honnêteté m’oblige à vous dire quelque chose de désagréable: vous voulez être utile à la République et aux classes populaires? Alors adhérez au RN… Pardonnez ma curiosité mais je me dois de vous poser la question: l’idée ne vous a-t-elle pas déjà effleuré? Je suis sûr que si. Qu’est-ce qui vous retient, en toute franchise? 
             
            [Comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités.]
            La réalité, c’est qu’une bonne partie des ouvriers ont choisi le RN. Le RN est un parti qui a besoin de cadres, de gens ayant des compétences techniques, scientifiques, intellectuelles. Bref, de gens comme vous…
             
            [Les « oppositions » ont beau être collectivement majoritaires, elles ne peuvent s’entendre sur un projet commun autre que celui d’empêcher le gouvernement de gouverner. Cette configuration n’est pas nouvelle : elle a été une constante de la IVème République et l’impuissance qui en a résulté n’est pas pour rien dans sa chute.]
            Sans doute, mais ce que je constate, c’est que pendant la durée de la IV° République, les communistes et les gaullistes ont empêché les dirigeants de faire certaines bêtises. Comme vous, je ne suis pas favorable à un système qui empêche de gouverner de manière systématique. Le blocage est à double tranchant: il empêche de prendre de bonnes décisions, mais parfois il bloque aussi les mauvaises…
             
            [J’aurais envie de vous retourner la question : que faut-il faire MAINTENANT, selon vous ?]
            Il faut observer. Personnellement, je vois deux hypothèses: dans la première, les macronistes vont gouverner avec l’appoint des LR et peut-être des socialistes (voire des écolos) en faisant ici ou là des concessions pour obtenir les voix dont ils ont besoin, car après tout ces partis représentent des intérêts proches; dans la seconde, le gouvernement sera paralysé durablement, obligeant sans doute le président à dissoudre et peut-être à se démettre en cas de nouvelle défaite, ouvrant la voie à une crise politique. Je n’ai pas de préférence. L’histoire de France n’a jamais été un long fleuve tranquille, vous le savez aussi bien que moi. Je ne souhaite pas voir mon pays à feu et à sang, mais d’un autre côté, je ne veux pas qu’on continue sur la voie sur laquelle nous sommes engagés, c’est-à-dire la voie du démantèlement de l’Etat, de la submersion migratoire et du déclin de la civilisation française. Si une crise doit se produire, j’en accepte l’augure. Il en sortira peut-être beaucoup de mal, ou bien se dressera enfin quelqu’un “pour nous gueuler qu’être Français, c’est pas forcément une insulte” comme le chantait Serge Lama (Il s’appelait De France).
             
            [Faute de décision, l’école continuera à se dégrader. Faute de décision, nous sortirons du nucléaire par la simple obsolescence des installations existantes. Faute de décision, notre fonction publique continuera à se dégrader. Faute de décision, l’Europe continuera à fabriquer ses directives que nous sommes obligés d’appliquer.]
            Du temps où Macron était en état de prendre les décisions, qu’a-t-il fait pour empêcher ce que vous dénoncez? Rien, ou si peu. Ce qu’il y a de fascinant dans cette affaire, c’est que la politique d’un Macron impuissant risque de ressembler furieusement à la politique de Macron-Jupiter… Mais alors que c’était assumé avec hauteur lors du premier mandat, là ce sera “faute de pouvoir faire autrement”. Quelle différence? J’en vois une seule: le président devra ravaler un peu de sa morgue. C’est mesquin vous me direz, mais je m’en contenterai…
             
            [les valeurs de la République et de la France – pour moi, ce sont les mêmes, mais je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce point.]
            Cela dépend… Je n’ai rien contre les “valeurs de la République” dans l’absolu, mais je n’aime pas la façon dont on les applique aujourd’hui. Mais s’il s’agit de les appliquer comme en 1900, c’est-à-dire dans une optique “nationaliste et patriote”, il y a peut-être moyen de s’entendre sur certains points… 

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Si la présence de Borne à Matignon permet de faire une ou deux bonnes choses qui sans elle n’auraient pas vu le jour, c’est toujours ça de gagné. » Pour moi, une politique se juge dans sa globalité. Je n’ai rien contre Madame Borne en tant que personne, c’est sûrement une femme estimable. Mais quelle est sa marge de manœuvre réelle par rapport au locataire de l’Elysée ? C’est ça que j’aimerais bien savoir.]

              Je ne sais pas si l’époque se prête à une vision globale. On est plutôt dans un contexte où tout le monde navigue a vue. S’il y a une cohérence dans les politiques mises en œuvre, elle tient plus au fait qu’elles servent les intérêts des mêmes couches sociales plus qu’à une vision, à une « certaine idée de la France » portée par le politique. Dans ce contexte, on devient un peu camusien, et on admire aussi ceux qui « empêchent le monde de se défaire ». Je ne sais pas quelle sera la marge de manœuvre de Borne par rapport à Macron, mais pour connaître un peu sa trajectoire, je pense qu’elle fait partie de ceux qui « empêchent le monde de se défaire ».

              [« Il ne suffit pas de faire l’ENA pour être un « technocrate ». » Rassurez-moi… On peut être compétent sans être technocrate tout de même ?]

              Certainement. Je ne fais pas du terme « technocrate » – encore une fois, au bon sens du terme – un jugement de valeur. Technocrate est celui dont la légitimité à diriger provient de sa compétence technique, c’est tout. Mais la « compétence » ne se réduit pas à la « compétence technique », loin de là. Prenez De Gaulle : en tant que militaire, c’était un excellent technicien, reconnu aujourd’hui comme l’un des précurseurs dans l’usage des blindés et de l’aviation. Mais sa légitimité en tant que dirigeant n’était nullement liée à son savoir technique. A l’inverse, un homme comme Raoul Dautry accède à une fonction ministérielle et l’exerce avec autorité du seul fait de sa compétence d’ingénieur.

              On peut être compétent sans être un technocrate… mais il est plus difficile d’être technocrate sans être compétent.

              [Oui, moi aussi je suis hobbesien. Mon problème avec les gens qui nous dirigent, c’est que le chaos n’a pas surgi de nulle part. Des gens comme Hollande et Macron ont, par leur politique (ce qu’ils ont fait comme ce qu’ils n’ont pas fait ainsi que vous l’avez justement dit), préparé le chaos. Et ça, désolé, j’ai du mal à leur pardonner et à me dire que, pour sauver les institutions, il faut laisser les manettes à des gens qui les utilisent d’une manière que je condamne.]

              Vous posez un problème vieux comme le monde : que vaut-il mieux, laisser les manettes à un prince mauvais, ou le renverser au risque du chaos ? Qu’on pende sur la place publique Hollande et Macron ne me gênerait nullement s’il y avait une alternative. Mais si vous enlevez « les manettes » à Macron, vous les donnez à qui ?

              [Je sais que vous allez désapprouver cette idée, mais je commence à me dire qu’une crise risque d’être nécessaire pour sortir de cette situation qui, pardon de le dire, ressemble de plus en plus à un désordre vaguement organisé qu’à de l’ordre.]

              C’est possible. Comme je vous l’ai dit dans mon précédent message, je passe par un moment de doute, et c’est peut-être cela qui vous donne l’impression que je me contredis au fil de mes papiers. Par expérience personnelle, j’ai une certaine crainte du chaos, parce que la guerre civile c’est un peu comme la pâte dentifrice : une fois qu’on la sortie du tube, il est difficile de la faire rentrer. D’un autre côté, je ne peux que constater comme vous que la politique poursuivie depuis les années 1980, c’est-à-dire celle du chien crevé au fil de l’eau avec pour seul guide les intérêts des classes intermédiaires, aboutit à une situation de « désordre vaguement organisé » qui ressemble de plus en plus à une guerre civile larvée – voir la crise des « Gilets Jaunes ».

              Je dois dire qu’ayant participé à la gestion de la crise COVID, j’ai pris conscience à quel point « l’ordre » dans ce pays tient à la compétence de l’administration – et à la confiance dont elle bénéficie de la part des citoyens, contrairement à ce que « Le Monde » ou « Libération » peuvent raconter. Sans les préfets, le système se serait effondré. Non parce qu’ils étaient les seuls à savoir quoi faire, mais parce qu’ils étaient les seuls prêts à prendre leurs responsabilités et courir le risque de se tromper. Un préfet me le disait en toutes lettres : dès le premier jour de la crise, tout le monde a ouvert le parapluie, personne ne voulait prendre une décision. Les directeurs, les patrons, les maires, tout le monde se tournait vers le préfet pour lui demander ce qu’il fallait faire. Non que le préfet fut mieux armé pour savoir quoi faire, mais parce que personne ne voulait prendre sur lui de décider. Et les préfets ont décidé. Des fois ils se sont trompés – mais seul ne se trompe jamais celui qui ne fait jamais rien. Et finalement les gens ne leur ont pas trop tenu rigueur : rares sont ceux qui sont trainés devant les tribunaux, alors que c’est le cas des ministres…

              A l’inverse, le politique a montré une incapacité crasse à garder une ligne, à expliquer qu’il faisait au mieux, à créer de la confiance. Parce que, contrairement à l’administration, il pensait plus au profit politique qu’il pouvait tirer de la situation qu’à la gestion de la crise. Parce qu’on voulait faire plaisir à tout le monde, on allait visiter le Professeur Raoult tout en affirmant qu’il fallait s’en tenir aux avis scientifiques, on déclarait que le vaccin était indispensable mais on se refusait à le rendre obligatoire. Ce refus de choisir, c’est le début du chaos.

              [« Mes reproches à LFI, vous l’aurez remarqué, se résument à quelques points bien précis : son incapacité à s’institutionnaliser, à se donner des instances de débat démocratique, à former et encadrer ses militants. » C’est tout ? Vous êtes bien indulgent. Au-delà des questions d’institutionnalisation et d’encadrement, le fond ne vous préoccupe pas ?]

              Pour moi, la manière dont la ligne politique est décidée a une influence décisive sur la ligne elle-même. Un parti organisé, institutionnalisé, où les militants sont formés et encadrés n’attire pas le même type de profil qu’une secte. Et dans une structure qui permet la confrontation des positions, où il faut argumenter et convaincre pour avoir une chance d’imposer sa ligne, les illuminés ont beaucoup plus de mal à prendre le pouvoir.

              [Le fait que Mélenchon soit un mitterrandien impénitent, qu’il défile avec des salafistes, que son parti promeuve des figures de l’antispécisme ou de l’indigénisme, tout cela ne vous émeut pas?]

              Imaginez ce qui arriverait si Olivier Faure ou Fabien Roussel décidaient d’aller défiler avec les salafistes. Ils auraient droit à une interpellation dans les organes de direction, peut-être même obligés à démissionner. Pensez au débat au sein du comité directeur du PS après la conclusion de l’accord NUPES. Souvenez-vous ce qui était arrivé quand une organisation locale du NPA – qui est idéologiquement assez proche de LFI – décida de présenter une candidate voilée. Les portes avaient claqué, des gens avaient rendu leur carte, et la direction avait du changer de taquet. Si Mélenchon peut ouvertement professer son mitterrandisme ou défiler avec les Frères Musulmans, c’est parce qu’à LFI sa parole est loi et qu’il n’a pas à craindre d’une opposition interne. Il ne pourrait pas se permettre ce genre de luxe si LFI était un véritable parti politique. C’est pourquoi le mode d’organisation conditionne largement le « fond »…

              [J’aimerais comprendre : que diable espérez-vous de LFI ?]

              Qu’elle disparaisse. Dans sa configuration de « secte », non seulement il n’y a rien à attendre, mais il constitue un obstacle important dans la voie d’une gauche républicaine et progressiste – et révolutionnaire si la situation se présentait.

              [Ne voyez-vous pas que ce mouvement est entraîné dans une dérive, organisationnelle et idéologique, qu’il n’a pas les moyens intellectuels et politiques de contrer ? L’honnêteté m’oblige à vous dire quelque chose de désagréable : vous voulez être utile à la République et aux classes populaires ? Alors adhérez au RN… Pardonnez ma curiosité mais je me dois de vous poser la question : l’idée ne vous a-t-elle pas déjà effleuré ? Je suis sûr que si. Qu’est-ce qui vous retient, en toute franchise ?]

              En toute franchise… il y a une question culturelle. Au-delà de ce que le RN représente aujourd’hui, il a des références politiques, philosophiques, littéraires qui ne sont pas les miennes. Je peux voter pour eux pour les raisons que De Castelnau a exprimé bien mieux que moi, mais je ne me sens pas à l’aise avec eux. Je pourrais être leur compagnon de route à un moment donné, je ne refuserais probablement pas de travailler pour un ministre RN ou de travailler à la rédaction de leur programme si on me le demandait, mais je ne m’y sentirai jamais chez moi.

              [« Comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités. » La réalité, c’est qu’une bonne partie des ouvriers ont choisi le RN. Le RN est un parti qui a besoin de cadres, de gens ayant des compétences techniques, scientifiques, intellectuelles. Bref, de gens comme vous…]

              Mais pour les avoir, il faudrait qu’il fasse une « mue » culturelle qui va bien au-delà du raisonnable. Votre discours me rappelle les regrets exprimés par Paul Marie de la Gorce que gaullistes et communistes n’aient pas pu fusionner à la Libération. Ce sont deux univers culturels trop différents pour pouvoir se fondre. A la rigueur, on peut imaginer qu’ils dialoguent, et ce serait déjà très bien.

              [Sans doute, mais ce que je constate, c’est que pendant la durée de la IV° République, les communistes et les gaullistes ont empêché les dirigeants de faire certaines bêtises. Comme vous, je ne suis pas favorable à un système qui empêche de gouverner de manière systématique. Le blocage est à double tranchant : il empêche de prendre de bonnes décisions, mais parfois il bloque aussi les mauvaises…]

              Oui. C’est pourquoi je pense que les oppositions doivent être intelligentes, et pas passer au blocage systématique comme est en train de le faire LFI.

              [« Faute de décision, l’école continuera à se dégrader. Faute de décision, nous sortirons du nucléaire par la simple obsolescence des installations existantes. Faute de décision, notre fonction publique continuera à se dégrader. Faute de décision, l’Europe continuera à fabriquer ses directives que nous sommes obligés d’appliquer. » Du temps où Macron était en état de prendre les décisions, qu’a-t-il fait pour empêcher ce que vous dénoncez ? Rien, ou si peu.]

              Autrement dit, le fait qu’il ait ou non une majorité ne change rien. CQFD. Nous sommes d’accord : après quarante ans de politique du chien crevé au fil de l’eau, on découvre que ce n’est pas au niveau de l’Assemblée que tout se joue.

  2. Richard dit :

    Dans la mesure ou des pays Nordiques, l’Allemagne et plusieurs autre pays ont le scrutin proportionnel et ont aussi des institutions fort stables, pourquoi selon vous cela donnerait lieu à l’instabilité type 4e République?Je sais, vous pouvez me donner des contre-exemples, mais il y a des moments ou on se demande si cela éviterait d’élire le “moins mauvais” des choix.

    • Descartes dit :

      @ Richard

      [Dans la mesure ou des pays Nordiques, l’Allemagne et plusieurs autre pays ont le scrutin proportionnel et ont aussi des institutions fort stables, pourquoi selon vous cela donnerait lieu à l’instabilité type 4e République?]

      Parce que nous n’avons pas ni la mentalité des Nordiques ou des Allemands, ni leurs traditions sociales, religieuses et politiques, et que les Français n’attendent pas tout à fait la même chose de leur Etat que les Norvégiens ou les Hollandais. Je suis toujours surpris de constater combien de gens sont convaincus que l’ordre institutionnel d’un pays est déconnecté de son histoire, et qu’on peut par conséquence recopier des institutions sans tenir compte de ce paramètre. Dans notre pays, nous avons essayé la proportionnelle et les régimes d’assemblée. Et à chaque fois, ils ont échoué sur le même écueil: une incapacité à mettre l’intérêt général devant les intérêts particuliers. Dans des pays ou les “communautés” dominent, et où l’idée même d’un “intérêt général” défini au niveau national est faible, la faiblesse du gouvernement n’est pas un problème. Dans un pays qui s’est construit largement sur un Etat capable de mettre des limites aux potentats locaux, si.

      [mais il y a des moments ou on se demande si cela éviterait d’élire le “moins mauvais” des choix.]

      Sans vouloir vous offenser, refuser le choix du “moins mauvais”, c’est refuser le réel. Parce que dans la réalité, nous n’avons presque jamais tout ce que nous voulons, nous sommes obligés de faire des compromis, et donc de choisir la “moins mauvaise” des alternatives qui s’offrent à nous. La proportionnelle ne fait que déguiser ce choix: au lieu de voter pour le “moins mauvais”, vous élisez le représentant qui porte vos idées, et vous lui laissez le soin de choisir le “moins mauvais” lors de ses votes à l’Assemblée. Parce que, dites-vous bien qu’à un moment ou un autre dans la chaine de décision, il faut bien que le compromis se fasse, que chacun sacrifie certains de ses objectifs pour pouvoir faire avancer d’autres. Aucun système politique ne peut assurer que TOUT le monde aura satisfaction sur TOUT !

      • Richard dit :

        Cher Descartes, vous aurez du mal a m’offenser ;)Quand j’ai écrit ma dernière phrase j’avais un petit peu de doutes sur sa cohérence. Vous avez parfaitement démontré pourquoi mes doutes était fondés ;)Merci beaucoup.

  3. xc dit :

    Il n’y a pas que la motion de censure. Un autre exemple où LFI (l’auteur n’est pas précis, mais ce dont il traite semble bien du LFI “tout craché”), fait passer la tactique avant la stratégie, quitte à raconter n’importe quoi à ses troupes: http://authueil.fr/2022/07/04/lopposition-se-perd-dans-les-polemiques-a-2-balles/

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Il n’y a pas que la motion de censure. Un autre exemple où LFI (l’auteur n’est pas précis, mais ce dont il traite semble bien du LFI “tout craché”), fait passer la tactique avant la stratégie, quitte à raconter n’importe quoi à ses troupes:]

      Dans une société qui consomme de “l’information” comme une drogue, il faut offrir aux militants chaque jour une nouvelle raison de se scandaliser. Quitte à inventer des “fake news”, ou bien – comme dans ce cas – de monter en épingle quelque chose de finalement très banal. Est-ce que quelqu’un croit que la politique vis-à-vis de la jeunesse se trouvera bouleversée par le fait que le ministre en charge de la jeunesse est sous la tutelle conjointe de celui de l’Education et celui des Armées ? Non, bien entendu. Mais cela donne une opportunité de crier “c’est un scandaaaaale”. Et c’est ça qui compte.

  4. scipio dit :

    Cher Descartes,
     
    A l’image de celui dont vous reprenez le nom ne serait-il pas plus judicieux sur votre blog de suivre les longues chaînes de raisons sans se laisser happer par les chaînes secondaires ou se buter excessivement sur certains maillons.
    Je vous envoie un peu pèle mêle quelques éléments de réflexions ci-dessous.
    Je pense que la situation politique actuelle n’est au fond pas très étonnante. Je n’en nie pas sa gravité loin de là.
    Cette situation, en France, mais elle est parfaitement généralisable à tout le bloc occidental (USA, UE, je laisse l’Asie un peu à part car le monde asiatique est, selon moi toujours autre en dépit de son occidentalisation qui n’est jamais, si on peut dire complète, selon les critères occidentaux), est la conséquence du fait de l’entrée en profonde crise du mode de vie des classes moyennes occidentales.
    Cette crise est apparue en pleine lumière avec la crise des subprimes de 2007-2008 mais, en fait, le système néolibéral était entré en crise un peu avant. Celle-ci étant en fait cachée par l’octroi généreux de crédits pour l’achat immobilier.
    En France aussi, le néolibéralisme, qui était apparu au début des années 70 (il est parfaitement faux de dire que la France a été à la remorque du néolibéralisme anglosaxon) et qui fût promu par des personnalités comme Giscard, Barre, Chaban-delmas (et sa nouvelle société) après 40-50 ans de vie, est entré en état de crise.
    En effet, en France, dans la première moitié des années 70, le neolibéralisme a utilisé l’accès au crédit immobilier pour imposer sa vision du monde dans la population. L’accès au crédit a imposé un style de vie a des parties entières de la population, enchainant les «  heureux propriétaires » à un bien immobilier qu’ils durent rembourser non seulement jusqu’au dernier centimes de la dernière traite mais aussi au-delà. Ils ont, en fait découverts, comme le disait Durkheim  que: « tout n’est pas contractuel dans le contrat ». L’achat immobilier à crédit a instauré de fait un rapport captif entre les gens et les choses et a contraint ces personnes à adopter un certain style de vie. Ils ont du apprendre à se contenter et à en être content.
    (Et aussi une certaine idéologie, celle d’une forme de stagnation, trouvant son expression achevée dans la fin de l’histoire de Fukuyama.).
    La crise politique, doublé d’une crise économique, est décuplée mais aussi et c’est là certainement le problème, d’une crise morale. En ce sens que, le mode de vie petit-bourgeois, apparaît, après 40-50 ans de vie (deux générations!) comme l’image d’un paradis perdu. En clair, personne n’a une vision de l’avenir et tout le monde, y compris le monde politique regarde vers le passé, celui des années fastes ( les années 70-80 selon la sensibilité politique).
    A mon avis, je pense que vous devriez traiter de cette cause profonde.
    Cordialement

    • Descartes dit :

      @ scipio

      [Cette situation, en France, mais elle est parfaitement généralisable à tout le bloc occidental (USA, UE, je laisse l’Asie un peu à part car le monde asiatique est, selon moi toujours autre en dépit de son occidentalisation qui n’est jamais, si on peut dire complète, selon les critères occidentaux), est la conséquence du fait de l’entrée en profonde crise du mode de vie des classes moyennes occidentales.]

      Excusez-moi, mais pour engager une discussion sur ce sujet il faut d’abord s’entendre sur les termes. Qu’est ce que vous appelez « classes moyennes » ? Qu’est ce qui les caractérise ? Comment on les reconnaît ?

      Si je pose cette question, c’est parce que la définition habituellement retenue, qui repose sur le revenu, est peu pertinente du point de vue économique et politique dans la mesure où elle amalgame des couches sociales dont les intérêts sont différents, voire antagoniques. Quel rapport entre les intérêts du petit commerçant qui veut payer moins d’impôts, et ceux du professeur dont le salaire est payé par ces mêmes taxes ?

      C’est pourquoi j’ai introduit la notion de « classes intermédiaires », qui ne sont pas définies en fonction de leur revenu, mais de leur position dans le mode de production – c’est-à-dire, sur le fait qu’elles produisent ou extraient de la plus-value, au sens marxien du terme.

      [Cette crise est apparue en pleine lumière avec la crise des subprimes de 2007-2008 mais, en fait, le système néolibéral était entré en crise un peu avant. Celle-ci étant en fait cachée par l’octroi généreux de crédits pour l’achat immobilier.]

      Je ne saisis pas très bien. La crise des « subprimes » est un phénomène lié au mode de financement de l’immobilier aux Etats-Unis (crédits hypothécaires à taux variable). En France – et plus largement en Europe – la tendance est plutôt au crédit à taux fixe garanti par un mécanisme assurantiel. La crise des « subprimes » n’a pas affecté les « classes moyennes occidentales », tout au plus les « classes moyennes américaines ». Et si la crise des « subprimes » a provoqué ensuite une crise financière globale, celle-ci a touché bien plus durement les couches populaires que les classes moyennes…

      [En France aussi, le néolibéralisme, qui était apparu au début des années 70 (il est parfaitement faux de dire que la France a été à la remorque du néolibéralisme anglosaxon) et qui fût promu par des personnalités comme Giscard, Barre, Chaban-delmas (et sa nouvelle société) après 40-50 ans de vie, est entré en état de crise.]

      Il ne faut pas exagérer. Giscard ou Barre voyaient certainement des vertus à la régulation de marché, mais faire d’eux des « néolibéraux » me paraît excessif. Giscard est un représentant typique du « capitalisme de connivence » à la française, avec un Etat fort et interventionniste et des entreprises qui vivent à son ombre. On voit mal Giscard privatisant EDF ou la SNCF.

      Oui, le « libéralisme » renaît en France au début des années 1970… mais cette renaissance idéologique se trouve à gauche plutôt qu’à droite, dans le sillage de l’individualisme de mai 1968 et du « jouir sans entraves ». C’est la gauche et non la droite qui remet en cause l’encadrement de la société par les institutions – la famille, l’armée, l’école – et le contrôle des médias par l’Etat. Après 1983, on qualifiera de « trahison » la conversion des socialistes au libéralisme. Mais cette conversion était déjà dans les cartes bien avant. Ce n’est pas la droite qui a mis fin au monopole d’Etat sur la radiodifusion. C’est la gauche dès 1981 qui autorise les « radios libres » – et donc la libre concurrence sur les ondes. Paradoxalement, le contenu « libéral » de cette mesure n’a pas été dénoncé à l’époque…

      [En effet, en France, dans la première moitié des années 70, le néolibéralisme a utilisé l’accès au crédit immobilier pour imposer sa vision du monde dans la population. L’accès au crédit a imposé un style de vie a des parties entières de la population, enchainant les « heureux propriétaires » à un bien immobilier qu’ils durent rembourser non seulement jusqu’au dernier centimes de la dernière traite mais aussi au-delà.]

      Au-delà de quoi ? J’ai beaucoup de mal à suivre votre raisonnement. D’abord, les emprunts immobiliers contracté dans la première moitié des années 1970 ont été très largement à l’avantage des emprunteurs : consentis à taux fixe, la forte inflation après 1974 en a très largement réduit le poids. Ensuite, on voit mal en quoi le fait de devoir payer des traites a « imposé un style de vie » très différent de l’obligation de payer un loyer. Tout au plus, cela a réduit la mobilité – les frais de notaire étant un prélèvement irrépétible en cas de vente.

      [Ils ont, en fait découverts, comme le disait Durkheim que: « tout n’est pas contractuel dans le contrat ». L’achat immobilier à crédit a instauré de fait un rapport captif entre les gens et les choses et a contraint ces personnes à adopter un certain style de vie. Ils ont du apprendre à se contenter et à en être content.]

      Je vois mal en quoi l’achat immobilier à crédit aurait été plus « captif » que la location de longue durée, qui était le modèle dominant – et qui d’ailleurs l’est resté – en France. En quoi la peur de ne plus pouvoir honorer les traites serait-elle plus traumatisante que la peur de ne pas pouvoir payer son loyer ? Je trouve d’ailleurs très amusante l’idée que le propriétaire serait plus « asservi » à son bien que le locataire. A votre avis, pourquoi tant de locataires se battent pour devenir propriétaires, alors que l’inverse est rare ? Et cela ne date pas du « néolibéralisme », c’était déjà le cas dans l’Empire romain.

      [(Et aussi une certaine idéologie, celle d’une forme de stagnation, trouvant son expression achevée dans la fin de l’histoire de Fukuyama.).]

      Là encore, le rapport m’échappe. Pourriez-vous être plus explicite ?
      Il est vrai qu’en France la taxe d’enregistrement – appelée à tort « frais de notaire » – est relativement importante, et constitue un frein à la mobilité. Mais ce n’est pas le cas dans tous les pays. Dans les pays anglosaxons, ou cette taxe n’existe pas, on vend un bien immobilier comme on vend une voiture, et les gens changent très souvent de logement en vendant l’ancien et en achetant un nouveau. Le rapport que vous faites entre le crédit immobilier et la « stagnation » pour l’ensemble des « classes moyennes occidentales » n’est donc pas justifié.

      [La crise politique, doublé d’une crise économique, est décuplée mais aussi et c’est là certainement le problème, d’une crise morale. En ce sens que, le mode de vie petit-bourgeois, apparaît, après 40-50 ans de vie (deux générations !) comme l’image d’un paradis perdu. En clair, personne n’a une vision de l’avenir et tout le monde, y compris le monde politique regarde vers le passé, celui des années fastes (les années 70-80 selon la sensibilité politique).]

      Là encore, j’ai du mal à vous suivre. Les années 70-80, loin d’être « fastes », sont des années de crise. C’est la fin de la croissance à deux chiffres, les deux chocs pétroliers, la banalisation du chômage de masse, les taux d’intérêt astronomiques, l’austérité dans la dépense publique, la désindustrialisation qui détruit des régions entières… pensez-vous que ce soit ces années-là qu’on regrette ? Qui plus est, ce sont les années où l’on remet fortement en cause le « mode de vie petit-bourgeois » dans le sillage de mai 1968. Non, s’il y a un « paradis perdu » du « mode de vie petit bourgeois », ce serait plutôt les années 1960…

      [A mon avis, je pense que vous devriez traiter de cette cause profonde.]

      Comme je l’ai dit plus haut, je ne pense pas que les « classes moyennes » – et encore plus les « classes moyennes occidentales » soient une catégorie pertinente. Mon analyse se construit sur trois groupes sociaux qu’on peut caractériser comme « classes » au sens marxien du terme : la bourgeoisie (qui possède le capital en abondance, et qui peut donc le rentabiliser en extrayant la plus-value sur le travail), les couches populaires (qui n’ont pas ou peu de capital, et qui sont donc obligés de vendre leur force de travail à une valeur inférieure à la valeur que celui-ci produit, et dont le bourgeois prélève la différence) et les « classes intermédiaires », qui ont assez de capital pour ne pas avoir à vendre leur force de travail à vil prix, mais pas assez pour pouvoir acheter celle des autres. Ce capital peut être matériel chez un petit commerçant, immatériel chez l’avocat ou le médecin libéral.

      Le grand changement des années 1970, c’est le changement de côté de ces classes intermédiaires. Alors que pendant les « trente glorieuses » ses intérêts coïncidaient avec ceux des couches populaires, ce qui rendait des alliances politiques possibles, la fin des « trente glorieuses » a rendu ces intérêts antagoniques. Les « classes intermédiaires » ont alors conclu une alliance avec la bourgeoisie, pour constituer le « bloc dominant » d’aujourd’hui. De son côté, les couches populaires ont réalisé que le rapport de force leur était tellement défavorable que leur participation politique était inutile, et ont quitté le champ politique. Le dépérissement des partis « ouvriers » traduit ce phénomène.

      • scipio dit :

        Cher Descartes,
        Je vais répondre à certaines de vos nombreuses remarques.
        Pour tout ce qui concerne l’immobilier vous pouvez lire l’excellent livre de Bourdieu : « les structures sociales de l’économie »
        Vous y trouverez une analyse de ce que fût la commission Nora-Barre. Vous y trouverez aussi, dans l’un des derniers chapitres de conclusion « fondements de la misère petite-bourgeoise » des explications intéressantes sur les conséquences d’un achat immobilier, conséquences qui ne se résument pas à une simple action de marché comme se plaisent à le croire les économistes néolibéraux.
        C’est aussi passer outre la brutalité des rapports de forces dans le marché. Dans le cas de l’immobilier rappelez-vous que le début des années 70 dont je parle la politique de l’état est passé de l’aide à la pierre à l’aide à la personne et donc les simples particuliers se sont trouvés face aux banques, face à la machine bancaire.
        Dans le cas de l’aide à la pierre c’est l’état qui avait affaire aux banques et de fait protégeait des coups du marché les particuliers (dans une certaine mesure bien entendu).
        Pour ce qui concerne Barre, Giscard et le néolibéralisme je vous invite à vous souvenir du triste sort de l’industrie sidérurgique de l’est de la France. Là encore, vous pouvez lire dans la misère du monde les témoignages des conséquences sociales de la casse de l’outils industriel qui ne s’est pas juste résumée à la casse de cet outils (justement !). Si ceci n’est pas du néolibéralisme digne de Tatcher…
        Pour ce qui est des classes moyennes je vous accorde que la définition est imprécise mais son imprécision est intrinsèque. Si vous voulez une définition dans le style marxiste elle pourrait être : membre du prolétariat qui ne se sentent plus lié à la classe à laquelle ils appartiennent pourtant.

        • Descartes dit :

          @ scipio

          [Pour tout ce qui concerne l’immobilier vous pouvez lire l’excellent livre de Bourdieu : « les structures sociales de l’économie ».]

          Un texte qui a beaucoup vieilli… et pas vraiment ce que Bourdieu a fait de mieux. En fait, c’est toujours le même problème avec Bourdieu : si vous prenez ses écrits au premier degré, c’est souvent l’enfonçage de portes ouvertes – est-ce que cela surprend quelqu’un d’apprendre que les classes dominantes tendent à se reproduire ? – et si vous cherchez à approfondir, on trouve pas mal d’affirmations qui ne sont que des simples opinions.

          [Vous y trouverez une analyse de ce que fût la commission Nora-Barre. Vous y trouverez aussi, dans l’un des derniers chapitres de conclusion « fondements de la misère petite-bourgeoise » des explications intéressantes sur les conséquences d’un achat immobilier, conséquences qui ne se résument pas à une simple action de marché comme se plaisent à le croire les économistes néolibéraux.]

          J’ai relu la conclusion pour pouvoir vous répondre, et je dois dire que je n’en suis pas impressionné. A la lecture, je me demande si Bourdieu ne confond pas la cause et la conséquence. Ce n’est pas l’achat immobilier qui provoque un « désir de stabilité » où une tendance à l’individualisme, c’est plutôt le désir de stabilité et l’individualisme qui poussent à l’achat immobilier. Ce n’est pas l’essor de la propriété qui a changé les gens, c’est le changement des gens qui a permis l’essor de la propriété. Que l’achat d’un pavillon de banlieue n’ait pas comblé tous les espoirs que les acheteurs y mettaient, c’est fort probable. C’est d’ailleurs souvent le cas : « on jouit moins de ce qu’on a que de ce qu’on espère » dit le proverbe. Mais y voir dans ce trait de l’âme humaine une conséquence de la Grande Konspiration du Kapital…

          J’ajoute que je trouve toujours amusant de lire les classes propriétaires expliquer aux prolétaires que devenir propriétaire est une très mauvaise chose, et qu’ils seront nettement mieux en restant dans leurs HLM. A votre avis, Bourdieu était propriétaire ou locataire de son logement ? Vous-même, êtes vous propriétaire de votre logement ? Et si oui, vous sentez-vous particulièrement aliéné par cette propriété ?

          [C’est aussi passer outre la brutalité des rapports de forces dans le marché. Dans le cas de l’immobilier rappelez-vous que le début des années 70 dont je parle la politique de l’état est passé de l’aide à la pierre à l’aide à la personne et donc les simples particuliers se sont trouvés face aux banques, face à la machine bancaire.]

          Sauf que, je vous le rappelle, la « machine bancaire » était à l’époque nationalisée, et que certaines étaient même des établissements publics. Dialoguer avec l’administration ou avec les banques, cela ne faisait donc pas une grande différence. Bourdieu prend d’ailleurs la plupart de ses exemples non pas dans les années 1970, mais dans les années 1980 et 1990.

          [Pour ce qui concerne Barre, Giscard et le néolibéralisme je vous invite à vous souvenir du triste sort de l’industrie sidérurgique de l’est de la France.]

          Plutôt que de vous souvenir, je vous conseille de relire l’histoire. Le démantèlement de la sidérurgie française fut plus le fait du gouvernement de la gauche après 1981 que du couple Barre-Giscard. La sidérurgie française fut victime d’un marché de l’acier en large surcapacité et de l’ouverture des frontières concomitante à la construction européenne. Attribuer la déconfiture de la sidérurgie lorraine à une volonté idéologique d’un Giscard – qui par ailleurs restera dans l’histoire comme l’un des derniers présidents soucieux de l’industrie et de la recherche française – me paraît très excessif.

          [Là encore, vous pouvez lire dans la misère du monde les témoignages des conséquences sociales de la casse de l’outils industriel qui ne s’est pas juste résumée à la casse de cet outils (justement !). Si ceci n’est pas du néolibéralisme digne de Tatcher…]

          Il ne faut pas tout mélanger. Thatcher s’est réclamé du néolibéralisme et l’a théorisé. Nous n’avons pas d’équivalent en France : nos politiciens néolibéraux l’ont été plus par omission que par action. Très rares ont été ceux qui ont défendu et assumé une vision néolibérale – Alain Madelin est le seul qui me vient à l’esprit – comme a pu le faire Thatcher. Cela fait quand même une mer de différence.

          [Pour ce qui est des classes moyennes je vous accorde que la définition est imprécise mais son imprécision est intrinsèque.]

          Je dirais plutôt qu’elle est fort commode, permettant d’inclure ou d’exclure tel ou tel groupe en fonction de ce qu’on veut démontrer.

          [Si vous voulez une définition dans le style marxiste elle pourrait être : membre du prolétariat qui ne se sentent plus lié à la classe à laquelle ils appartiennent pourtant.]

          Une définition « marxiste » ne peut reposer sur une propriété subjective. Mais surtout, cette définition fait des « classes moyennes » un sous-groupe du prolétariat. Dans cette vision, que deviennent les professeurs, les avocats, les médecins, les infirmières, les petits commerçants ? ON peut difficilement qu’il s’agisse de « membres du prolétariat », quelque soient leurs « sentiments »…

  5. cdg dit :

    je pense que ce scipio veut dire c est le graphique de l elephant (https://www.lopinion.fr/economie/graphique-de-lelephant-dessine-moi-la-mondialisation). La mondialisation a beneficié aux pauvres (par ex en chine, mais aussi aux pauvres francais qui ont eut des produits moins cher), aux riches (cf l explosion de la bourse). Mais ce que vous appelez les classes intermediaires ont ete les grosses perdantes car les emplois relativement bien remunérés et permettant une ascension sociale ont ete reduit a la portion congrue
     
    En ce qui concerne l immobilier, il y a une difference majeure avec la location. Vous etes coincé si votre region est sinistree. Regardez ce qui se passe avec l annonce d un plan social en region: vous avez des gens qui vous expliquent qu ils ont encore X annees de credit a payer et que leur maison est invendable car qui va s installer dans un coin ou il n y a pas de travail ? (en fait c est un peu faux: ils pourraient vendre mais ils seraient ruinés car au mieux le produit de la vente couvrirait juste le credit, tout leur apport personnel serait parti en fumée). C est pas pour rien que le taux de chomage est superieur chez les proprietaires
     
    Il y a aussi un autre aspect a evoquer. Si pendant longtemps acheter de l immobilier etait une voie d enrichissement (comme vous le mentionner dans les annees 70 avec une forte inflation et des salaires qui suivaient) ce n est plus le cas aujourd hui. L explosion des prix de l immobilier a ete une facon de tondre les jeunes generations au profits des anciennes. Avec l augmentation des taux, une probable recession et les boomers qui vont commencer a vendre (deces ou depart en ephad) il faut avoir la foi du charbonnier pour croire que l immobilier va encore monter

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [je pense que ce scipio veut dire c’est le graphique de l’éléphant (…). La mondialisation a bénéficié aux pauvres (par ex en chine, mais aussi aux pauvres français qui ont eu des produits moins cher), aux riches (cf l’explosion de la bourse). Mais ce que vous appelez les classes intermédiaires ont été les grosses perdantes car les emplois relativement bien rémunérés et permettant une ascension sociale ont été réduits à la portion congrue]

      Je ne vois pas en quoi « ce que j’appelle les classes intermédiaires » ont perdu quoi que ce soit. L’ascension sociale ? Elles n’ont plus besoin, elles sont arrivés et appartiennent déjà au bloc dominant. Le niveau de vie ? J’attends qu’on me montre où les avocats, les médecins, les professeurs d’université ont perdu du niveau de vie. Le « graphique de l’éléphant » se réfère au concept vague de « classes moyennes ». Et il est vrai que ceux qui ont le plus souffert de la mondialisation sont ceux dont le revenu se situe autour de la médiane. Mais ce sont les couches populaires qui se trouvent à ce niveau, pas les classes intermédiaires.

      [En ce qui concerne l’immobilier, il y a une différence majeure avec la location. Vous êtes coincé si votre région est sinistrée.]

      Admettons. Mais cela n’est vrai que si vous avez acheté dans une région dynamique et qu’elle a été sinistrée ensuite. Mais notre ami scipio parle de ceux qui ont acheté dans les années 1970-80, et à cette époque les régions sinistrées l’étaient déjà. Ceux qui ont des maisons qui valent une bouchée de pain du côté d’Hénin-Beaumont les ont achetées aussi pour une bouchée de pain.

      J’ajoute que l’effet inverse est beaucoup plus probable : dans la grande majorité des régions, les maisons individuelles ont rapporté plus en termes d’augmentation de valeur que les taux d’intérêt. Et le texte de Bourdieu que scipio donne en référence ne prend pratiquement des exemples qu’en banlieue parisienne, là où l’augmentation de prix est la plus forte.

      [Regardez ce qui se passe avec l’annonce d’un plan social en région : vous avez des gens qui vous expliquent qu’ils ont encore X années de crédit à payer et que leur maison est invendable car qui va s’installer dans un coin ou il n’y a pas de travail ? (en fait c’est un peu faux: ils pourraient vendre mais ils seraient ruinés car au mieux le produit de la vente couvrirait juste le crédit, tout leur apport personnel serait parti en fumée). Ce n’est pas pour rien que le taux de chômage est supérieur chez les propriétaires.]

      Réfléchissons : si ces gens-là étaient locataires, c’est qu’il y a un propriétaire qui leur loue. Et lors du plan social, c’est ce propriétaire qui se trouverait le bec dans l’eau, avec un appartement inlouable ou invendable. Alors, soit, ce propriétaire ne construirait pas le logement – et il n’y aurait pas de logements disponibles pour loger les gens – soit il s’assurerait contre ce risque en augmentant le loyer. Parce que si le risque existe, QUELQU’UN doit l’assumer.

      Je suis d’accord avec vous : la grande différence entre propriétaire et locataire est la question de la mobilité : le locataire est bien plus mobile que le propriétaire. Il y a un deuxième effet : le propriétaire assume le risque de perte de valeur – et touche au contraire l’avantage si bien se valorise.

      [Il y a aussi un autre aspect a évoquer. Si pendant longtemps acheter de l’immobilier était une voie d’enrichissement (comme vous le mentionner dans les années 70 avec une forte inflation et des salaires qui suivaient) ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’explosion des prix de l’immobilier a été une façon de tondre les jeunes générations au profit des anciennes.]

      Tant que les prix augmentent, l’achat reste une voie d’enrichissement. Si j’achète un appartement avec un prêt à 20 ans avec un taux de 1% au-dessus de l’inflation, et que les prix montent de 5% au-dessus de l’inflation par an, lorsque j’aurais fini de le payer j’aurai gagné quelque 4% par an, ce qui reste un taux fort convenable. Je ne vois pas en quoi cela profiterait aux « anciennes générations ».

      [Avec l’augmentation des taux, une probable récession et les boomers qui vont commencer à vendre (décès ou départ en ephad) il faut avoir la foi du charbonnier pour croire que l’immobilier va encore monter]

      Il est assez difficile de trouver dans notre histoire une période où les prix de l’immobilier aient baissé durablement…

  6. Bannette dit :

    La montagne a accouché d’une souris, vu que leur motion Nupettes-Show a été rejetée. Bien sûr, ces gamins auront l’auto-satisfaction personnelle de ne s’être pas “compromis”, mais je trouve que c’est Borne qui a su mieux se mettre en valeur, surtout avec l’évocation d’une re-nationalisation totale d’EDF, qui est ce tout que ce qui suivent un peu l’actu politique, ont retenu d’elle.
    Que ce vœux pieu soit un opportunisme consécutif au sauvetage public annoncé d’Uniper (donc encore et toujours copier les allemands, grrrrrr) et non d’un volontarisme souverainiste, on s’en fout, ce qui compte, c’est que ça se fasse vraiment. Si on est de gauche, on ne peut que souhaiter cela, c’est pour ça que je trouve leur motion puérile et mal avisée.
    Mais bon, pour la situation énergétique dans laquelle on se troue, la gôche a beaucoup à se reprocher vu qu’avec son écologisme obscurantiste, elle a ruiné notre avantage compétitif et joyau industriel. Il était où déjà Méluche quand EDF a été découpé et interdit de monopole de distribution, que des usines à gaz du type Arenh ont été montées, que des subventions massives aux machins alternatifs intermittents ont été distribuées en milliards, que l’indexation se soit faite sur le gaz et j’en passe ?
    Encore une fois, Marine Le Pen a été plus fine : pour le RN, l’immigration est le sujet N° 1, elle dit que s’il y a vraiment des velléités d’expulsions de clandestins, elle accompagnera le gouvernement sur ce point et fera des propositions, mais qu’elle ne votera pas contre bêtement. Comme dans toute négoc’, on propose plus que ce qu’on peut espérer, et on finit par avoir un résultat. Si elle l’explique à ses électeurs, ils ne se sentiront pas trahis.
    Pour en revenir à la crise énergétique, la seule chose de positive que j’y vois, c’est qu’on est en train de vivre un simili-scénario négawatt, en plein été, avec la moitié du parc en maintenance. La Russie qui fait les choses légalement a coupé le gaz pour “maintenance” de North Stream 1, sans déclaration mâle de guerre, mettant les allemands dans la merde. On a une démonstration du réel implacable sur leurs utopies obscurantistes relatives à la ruine que causerait l’abandon du nucléaire. C’est ce que je dis à tous mes proches et clients, est-ce l’avenir que vous souhaitez ? MLP aurait une belle carte à jouer à pilonner Nupes sur ce point…

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [La montagne a accouché d’une souris, vu que leur motion Nupettes-Show a été rejetée. Bien sûr, ces gamins auront l’auto-satisfaction personnelle de ne s’être pas “compromis”, mais je trouve que c’est Borne qui a su mieux se mettre en valeur, surtout avec l’évocation d’une re-nationalisation totale d’EDF, qui est ce tout que ce qui suivent un peu l’actu politique, ont retenu d’elle.]

      Quelque chose vous a peut-être échappé : seuls six députés NUPES – tous socialistes – n’ont pas voté la motion de la NUPES, et un seul a refusé de la signer. Avec ce vote, Mélenchon a montré sa capacité à imposer ses lubies aux autres membres de la NUPES. Souvenez-vous que c’est le groupe LFI qui a déposé une motion de censure sans la moindre consultation avec ses alliés, qui d’ailleurs n’étaient pas du tout dans cette logique…

      La lecture de la Constitution que fait LFI est absurde : si dans une assemblée sans majorité le Premier ministre était obligé de demander la confiance de l’Assemblée, il n’y aurait pas de gouvernement possible, puisque AUCUN candidat n’est en mesure d’obtenir un vote de confiance. Ou alors il faudrait admettre qu’un gouvernement pourrait se voir refuser la confiance et rester en place… et c’est d’ailleurs ce que fait Borne, puisqu’elle a admis elle-même ne pas avoir la confiance de l’Assemblée. Quel intérêt de faire un vote pour le confirmer ?

      Le plus drôle, c’est qu’il y a eu sept Premiers ministres désignés qui n’ont pas demandé la confiance de l’Assemblée : Georges Pompidou (1966 et 1967), Maurice Couve de Murville (1968), Pierre Messmer (1972), Raymond Barre (1976), Michel Rocard (1988), Edith Cresson (1991) et Pierre Bérégovoy (1992). Lors des l’investiture des trois derniers, un certain Jean-Luc Mélenchon, pourtant parlementaire et dirigeant du PS, n’a pas cru opportun de protester ou de dénoncer un mauvais tour fait à la Constitution et une « forfaiture ». O tempora, o mores.

      [Mais bon, pour la situation énergétique dans laquelle on se troue, la gôche a beaucoup à se reprocher vu qu’avec son écologisme obscurantiste, elle a ruiné notre avantage compétitif et joyau industriel. Il était où déjà Méluche quand EDF a été découpé et interdit de monopole de distribution, que des usines à gaz du type Arenh ont été montées, que des subventions massives aux machins alternatifs intermittents ont été distribuées en milliards, que l’indexation se soit faite sur le gaz et j’en passe ?]

      Au moment ou l’ouverture à la concurrence du gaz et de l’électricité – qui portait en germe le démantèlement d’EDF et sa privatisation – a été décidé au sommet de Barcelone, en 2000, Méluche était un ferme supporteur de la « gauche plurielle » et siégeait au gouvernement.

      [Encore une fois, Marine Le Pen a été plus fine : pour le RN, l’immigration est le sujet N° 1, elle dit que s’il y a vraiment des velléités d’expulsions de clandestins, elle accompagnera le gouvernement sur ce point et fera des propositions, mais qu’elle ne votera pas contre bêtement. Comme dans toute négoc’, on propose plus que ce qu’on peut espérer, et on finit par avoir un résultat. Si elle l’explique à ses électeurs, ils ne se sentiront pas trahis.]

      Tout à fait. Quand on est majoritaire, on peut proposer un projet. Quand on est minoritaire, il faut choisir ses combats et accepter des compromis qui permettent de les faire avancer. Et les électeurs sont suffisamment adultes pour l’entendre. Le RN se concentre sur trois points qui intéressent au plus haut point les couches populaires : la sécurité, l’immigration, le pouvoir d’achat, les services publics. S’ils arrivent à marquer des points sur ces domaines, même s’ils cèdent sur tout le reste, leurs électeurs se diront que finalement cela valait la peine de voter pour eux.

      [MLP aurait une belle carte à jouer à pilonner Nupes sur ce point…]

      C’est un peu ce que l’orateur RN a fait lors du débat sur la censure, quand il a rappelé que la fermeture de Fessenheim c’est d’abord une idée de « la gauche » en 2012, et qu’elle avait été décidée sous Hollande, Macron n’ayant fait que conclure l’affaire…

  7. cherrytree dit :

    @Bannette
    @Descartes
    Comme vous j’imagine, j’ai assisté au spectacle de Guignols à l’Assemblée. J’aime bien le terme de NUPES show, moi je pensais que certains, et en particulier Mathilde Panot, faisaient irrésistiblement songer à ce que serait leur caricature dans les Guignols de l’Info. Car il s’agit bien de caricature : vociférations, gestuelle doigt pointé ou martelant la table pour soutenir le propos, menton levé… C’est curieux, j’avais devant moi un mix de Mélenchon et de Mussolini avec une queue de cheval.
    Soyons sérieux. Je pense que M le Pen a signifié le peu d’importance de la chose en ne faisant pas même acte de présence, tout comme l’hémicycle bien vide je montrait aussi. 
    Là ou j’ai franchement ri, ce fut au spectacle d’un chef de groupe PS qui calque ses manières sur les agités du bocal (sa flagornerie pour exister va jusque là), et six des députés PS qui sont absents ou ne votent pas. Est-ce que la menace envers ceux qui voudraient descendre du train aurait l’effet inverse de celui escompté ?
    Quant à la réponse d’E. Borne, et surtout celle de Veran et consorts, elle est tout simplement expéditive: en gros, vous avez bien rigolé, vous avez bien fait perdre du temps à tout le monde, bon ben maintenant au travail, comme en s’adressant à une bande de galapiats dissipés. En gros, le syndrome de l’arroseur arrosé: toute la France a pu assister à ce spectacle navrant, au moment où on parle de pouvoir d’achat. 
    C’est une chose, comme D. Simonet, de faire des “conférences gesticulées”(si, si, elle a inventé ça) dans le métro, c’est une chose de célébrer un happening (parodie de mariage Macron-le Pen) devant les grilles de l’Assemblée, c’est autre chose de se mesurer à la difficulté du moment. Il y aura même un jour quelqu’un pour faire remarquer qu’ils sont là par la volonté du peuple, pas pour faire les clowns avec l’argent du contribuable. Et en ce moment, l’argent public, c’est un sujet sensible, et les gamineries, c’est un peu gros.
    Poutine, qui n’est pas un imbécile gravement malade, mais un fin stratège, suit parfaitement l’actualité de l’UE. Il sait parfaitement les difficultés de Macron.  De même, sachant parfaitement ce qu’une bonne canicule implique, c’est à dire mauvaises récoltes et utilisation d’énergie parce qu’il faut bien rafraîchir tout ce monde, donne un petit avant -goût , en restreignant la livraison de gaz, de ce que sera cet hiver en Allemagne. Il n’a pas besoin de s’agiter, il suffit d’attendre que les pays de l’UE commencent à voir, a la faveur de la crise, leur entente se fissurer. Comme je l’écrivais en commentaire d’un précédent billet, l’aide des USA aura une contrepartie, et un coût, alors que la Chine est un client sûr pour la Russie, et ravi d’acheter gaz et autres matières premières pour les revendre, bien transformés, et cher. Aussi bien pour l’industrie automobile, batteries comprises, que pour les panneaux solaires.M le Pen a commencé à enfoncer le clou : s’il n’y avait pas eu tant de mesures de sanctions anti russes, il n’y aurait pas de coupure de fourniture de gaz ou de pétrole. C’est un raisonnement simpliste, mais audible par le plus grand nombre. De même, quand on en sera à trouver comment empêcher la classes intermédiaires, qui ne pourront prétendre à pas grand chose en fait d’aides, de rouspéter en voyant l’UE continuer son aide à l’Ukraine alors qu’elles glisseront vers la paupérisation Et pour quoi, entendra-t-on, et pas seulement en France, pour la Crimée et le Donbass? On entendra cela, comme jadis on entendit qu’on n’allait quand même pas se battre pour les Sudètes. Je ne dis absolument pas que cette réflexion soit mienne, je dis simplement ce que nous allons entendre très bientôt. Tout comme on entendra que les USA c’est loin et ce n’est pas eux qui ont la guerre à leur porte, avec toutes les conséquences économiques que cela implique, et que l’OTAN en Ukraine ce n’était franchement pas une bonne chose, que Zèle Sky est bien brave mais qu’il faudrait qu’il commence à négocier, parce que là, une guerre qui va durer, ce n’est pas possible.
    Je pense qu’il y a du souci à se faire avec une alliance des mécontents, par exemple l’Iran empêche de développer son projet nucléaire y compris civil, la Turquie, qui piaffe depuis si longtemps à la porte de l’UE et qui voit d’un mauvais oeil les candidatures de l’Ukraine et de la Moldavie acceptées sans moufter.  Le sommet prévu entre Poutine et les dirigeants de ces deux pays est une réponse au refus d’inviter Poutine au G20,, Erdogan trouve une belle occasion de montrer sa capacité de négociateur. Non seulement le gouvernement devra faire face à la crise en interne, mais devra limiter les dégâts d’une UE qui va recevoir son vrai premier coup de semonce. Nous ne sommes pas sous la menace d’une guerre de conquête et l’annexion du Donbass n’a rien à voir avec la guerre pour l’espace vital. C’est tout simplement le moment, que saisit Poutine, pour rebattre les cartes de l’ordre du monde, bien plus économiques qu’ideologiquement. Et comme tous les bouleversements, celui-ci risque de se faire dans la douleur.
    À part ça, je trouve bien dans sa manière que Mélenchon aille voir si ça se passe mieux au Honduras, Mexique et autre Colombie pour y trouver l’inspiration (si j’étais lui, vu le contexte, je n’aurais pas choisi cette destination qui lui sert vertement reprochée), laissant ses petits camarades accumuler les âneries et obstruer pour obstruer alors que le moment est grave.
    C’est vrai que c’est un gourou, et qu’il détient la vérité. Shakespeare a écrit (je crois que c’est dans le roi Lear) que les dieux sont justes car ils châtient les hommes avec leurs propres vices. Surtout, qu’on laisse brailler la FI: ses députés et leur chef sont l’instrument de leur propre perte.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Comme vous j’imagine, j’ai assisté au spectacle de Guignols à l’Assemblée.]

      Oui, ça commence très mal. Et pas seulement par la faute de la NUPES. Le texte soumis à l’Assemblée concernant la crise sanitaire par le gouvernement fait frémir. On peut y lire la disposition suivante : « à compter du 1er août 2022 et jusqu’au 31 mars 2023, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, (…), imposer aux personnes âgées d’au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution (…) ». Qu’on parle de « territoire hexagonal » dans un reportage télé ou un discours, soit. Mais écrire ainsi un texte de loi ? Et pas un seul député n’a réagi…

      Vous me direz que c’est une question de forme. Mais en matière politique, la forme n’est pas indépendante du fond. Pour que l’Assemblée soit respectée, elle doit commencer par se respecter elle-même. Si on va à l’Assemblée habillé comme on va au café, qu’on parle comme on parle au café, et qu’on écrit comme on écrit au café, les gens vont se de mander s’il ne vaut pas mieux écouter ce qui se dit au café.

      [J’aime bien le terme de NUPES show,]

      Moi aussi. Je retiens l’expression pour un usage futur…

      [moi je pensais que certains, et en particulier Mathilde Panot, faisaient irrésistiblement songer à ce que serait leur caricature dans les Guignols de l’Info. Car il s’agit bien de caricature : vociférations, gestuelle doigt pointé ou martelant la table pour soutenir le propos, menton levé… C’est curieux, j’avais devant moi un mix de Mélenchon et de Mussolini avec une queue de cheval.]

      Moi, elle me rappelle furieusement les « passionnarias » de l’UNEF-ID de ma jeunesse, capables de rester fidèles au poste dans une assemblée étudiante jusqu’à pas d’heure pour faire voter des motions délirantes en profitant que tout le monde était allé se coucher… Mais Panot est un parfait exemple d’une nouvelle génération de politiques : militante lycéenne puis étudiante, diplômée de Sciences-Po Paris, n’ayant eu que des emplois militants, elle n’a jamais véritablement travaillé.

      [Là ou j’ai franchement ri, ce fut au spectacle d’un chef de groupe PS qui calque ses manières sur les agités du bocal (sa flagornerie pour exister va jusque là),]

      Non seulement son discours était mauvais, mais il n’a pas tenu son temps et du coup s’est fait couper le micro et continué à parler dans le vide… c’était vraiment pitoyable.

      [Quant à la réponse d’E. Borne, et surtout celle de Veran et consorts, elle est tout simplement expéditive: en gros, vous avez bien rigolé, vous avez bien fait perdre du temps à tout le monde, bon ben maintenant au travail, comme en s’adressant à une bande de galapiats dissipés. En gros, le syndrome de l’arroseur arrosé: toute la France a pu assister à ce spectacle navrant, au moment où on parle de pouvoir d’achat.]

      Borne a été bien plus sérieuse : elle a bien montré pourquoi il était absurde de demander à un gouvernement qui n’a pas de majorité de demander un vote de confiance, et combien la position de LFI était non pas la recherche d’un équilibre conforme au vote des Français mais un blocage des institutions.

      [c’est une chose de célébrer un happening (parodie de mariage Macron-le Pen) devant les grilles de l’Assemblée,]

      Pardon. Cette mascarade avait un élément particulièrement révélateur. Vous avez retenu la parodie de mariage Macron-Le Pen, qui peut être amusant, mais oublié de mentionner que ce mariage se faisait devant un cercueil censé contenir le cadavre du « front républicain ». Plusieurs auteurs notent que dans les manifestations des organisations ouvrières, les symboles qui rappellent la mort sont relativement rares. L’utilisation des cercueils, en particulier, est au contraire courante dans les mouvements fascistes ou néofascistes.

      [À part ça, je trouve bien dans sa manière que Mélenchon aille voir si ça se passe mieux au Honduras, Mexique et autre Colombie pour y trouver l’inspiration (si j’étais lui, vu le contexte, je n’aurais pas choisi cette destination qui lui sert vertement reprochée), laissant ses petits camarades accumuler les âneries et obstruer pour obstruer alors que le moment est grave.]

      Tout le monde a droit à des vacances, non ? Moi, ce que je trouve surtout dans sa manière, c’est sa façon d’être présent tout en étant absent. Il n’est pas député, mais c’est lui qui écrit les discours – celui de Panot en soutien de la motion de censure était de toute évidence de sa plume, à moins que Panot ait appris à imiter parfaitement le style du Maître.

  8. cherrytree dit :

    @Descartes
    En parlant de sottises.
    Voici notre Président pris les doigts dans le pot de confiture lobbyiste. Les plus macronolâtres soutiennent qu’il avait raison de faciliter l’implantation d’Uber, et que tout ça c’était de l’emploi. Oui, sauf qu’il était ministre des finances, et que déjà il aurait dû son collègue au courant. Sauf que le Président c’était Hollande, et celui-ci déclaré n’avoir jamais été mis au courant. Je ne peux m’empêcher de penser que Macron ayant pour le moins manqué de loyauté en faisant sa propre campagne dans son dos, Hollande va lui faire un accompagnement à sa mode, la vengeance est un plat qui se mange froid. Et Macron assume totalement. La NUPES commence à s’indigner. Nul doute qu’elle s’entendra répondre qu’au moins ce n’était pas parfait, mais qu’au moins grâce à ses emplois on pouvait gagner sa vie sans avoir besoin d’aller dealer. Comme quoi les âneries que l’on profére par bêtise ou par outrecuidance, finissent toujours par vous rattraper.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Voici notre Président pris les doigts dans le pot de confiture lobbyiste. Les plus macronolâtres soutiennent qu’il avait raison de faciliter l’implantation d’Uber, et que tout ça c’était de l’emploi. Oui, sauf qu’il était ministre des finances, et que déjà il aurait dû son collègue au courant. Sauf que le
      Président c’était Hollande, et celui-ci déclaré n’avoir jamais été mis au courant.]

      Ceci ne nous apprend pas grande chose. On n’a pas attendu « Le Monde » pour comprendre que Macron avait ses amitiés dans le monde économique et qu’il était prêt à tout céder pour créer de l’activité et des emplois, fussent-ils des faux-emplois. Ce qui m’intéresse plus dans cette affaire, c’est pourquoi « Le Monde » sort l’affaire maintenant, après les élections… J’en finis par me demander si le bloc dominant lui-même n’a pas voulu la situation où nous sommes, celle d’un Macron réélu mais impuissant…

      • François dit :

        @Descartes
        [Ce qui m’intéresse plus dans cette affaire, c’est pourquoi « Le Monde » sort l’affaire maintenant, après les élections… J’en finis par me demander si le bloc dominant lui-même n’a pas voulu la situation où nous sommes, celle d’un Macron réélu mais impuissant…]
        Il ne faut pas oublier que les « Uber Files »ne concernent pas que la France, mais l’ensemble des activités internationales de l’entreprise, et que les révélations ont simultanément été faites par le consortium de journalistes à partir du 10 juillet, soit après les législatives. Macron dans cette histoire n’est in fine qu’une prise de chalut.

        • Descartes dit :

          @ François

          [Il ne faut pas oublier que les « Uber Files »ne concernent pas que la France, mais l’ensemble des activités internationales de l’entreprise, et que les révélations ont simultanément été faites par le consortium de journalistes à partir du 10 juillet, soit après les législatives.]

          Admettons. Mais le consortium en question savait qu’il y avait des élections en France, n’est ce pas ? Et ne pouvait ignorer l’effet que cette “prise de chalut” pouvait avoir. La publication juste après la fin du processus électoral semble particulièrement gênante dans ce contexte.

          En fait, ce qui me gêne avec ce genre de publication – c’était la même chose avec les “Panama papers” et autres, c’est qu’à chaque fois ce qu’on publie est en fait parfaitement connu. Les journalistes ont l’air à cette occasion de découvrir ce que tout le monde savait déjà, par exemple que Macron était perméable au lobbying des “puissances d’argent”, ou bien que les commissaires européens utilisaient largement leur position pour préparer leur parachutage chez une grande banque (Barroso), chez un géant des télécom (Bolkenstein) ou d’autres douceurs une fois leur mandat terminé. Le pouvoir dont dispose la commission sans aucun contrôle démocratique a fait de Bruxelles un marigot ou la corruption fleurit. Le plus drôle est que le “consortium” est constitué par des journaux qui débordent d’eurolâtrie, tout en nous exposant de temps en temps la corruption bruxelloise…

  9. Gugus69 dit :

    Le RN se concentre sur trois points qui intéressent au plus haut point les couches populaires : la sécurité, l’immigration, le pouvoir d’achat, les services publics.
    Les points sont comme les mousquetaires : ils sont quatre.
    À moins que vous considériez, comme Éric Zemmour, que sécurité et immigration constituent un seul et même point ?

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Les points sont comme les mousquetaires : ils sont quatre.]

      Voilà ce qui arrive lorsqu’on complète ses écrits sans les relire en entier… je plaide coupable.

  10. Baruch dit :

    L’instabilité politique se répand en UE.Il me semble que les sanctions anti-russes et leurs effet économiques sur les populations provoquent des répercussions politiques sur le mode de la confusion dans  bien des pays.
    Les causes immédiates ne sont bien sûr pas les mêmes, mais la pagaille gagne, les solutions trouvées se fendent, on s’installe dans le provisoire et les issues ne sont pas claires.L’Italie hier démission du chef de gouvernement, refus du président de la République, que va-t’il sortir du chapeau ? 
    France avec un première ministre effectivement solide ,mais un Président toujours beau parleur, mais qui ne propose rien et s’accroche à des grigris que sont ses propres paroles verbales.
    Bulgarie, démission du gouvernement pro-UE le 22 Juin (peu commenté ici ) proposition de retour de l’ancien premier ministre avec des concessions énormes d’après ce que j’ai lu, cependant la dissolution du parlement et de nouvelles élections se profilent, avec “le risque” (sic) d’un parlement pro-russe.
    Royaume-uni (qui n’est pas dans l’UE) démission (pour de toutes autres raisons et avec une solide structure institutionnelle) de Bojo mais pour l’instant vacance et attente.Bref, le pot-au-noir.La politique de gribouille de vassalisation aux USA, n’est pas une réussite .La guerre en Ukraine a lieu, la confusion règne, les gouvernements semblent liquéfiés.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [L’instabilité politique se répand en UE.]

      Et pas que dans l’UE. Quand on regarde ce qui se passe dans des pays aussi différents que les Etats-Unis, le Sri Lanka, l’Afrique du Sud ou l’Argentine – sans parler de l’Ukraine – on se rend compte qu’on est de plus en plus loin de l’utopie de la « fin de l’histoire » développé par Francis Fukuyama. On arrive à la fin du cycle ouvert par la révolution néolibérale des années 1980, qui a marqué la prise du pouvoir par le « bloc dominant » constitué des classes intermédiaires et de la bourgeoisie, le démantèlement des états-nation ce qui suppose l’organisation de l’impuissance du politique.

      Aujourd’hui, quel est le système politique qui peut compter sur l’adhésion massive des citoyens ? Même le consensus démocratique – le fondement de la « fin de l’histoire » selon Fukuyama – est aujourd’hui regardé au mieux comme une utopie, au pire comme un frein : pensez à la remise en cause permanente de principes fondamentaux à la vie démocratique tels que la présomption d’innocence, l’égalité devant la loi ou la séparation des sphères publique et privée…

      [Il me semble que les sanctions anti-russes et leurs effets économiques sur les populations provoquent des répercussions politiques sur le mode de la confusion dans bien des pays.]

      Je ne pense pas que ce soit un effet de la guerre. C’est plutôt que la guerre comme la pandémie, en nous confrontant avec une situation qui échappe aux habitudes, met en évidence la dégradation de la situation du pays, que ce soit au niveau des infrastructures, des institutions, du fonctionnement de l’Etat… mais cette dégradation n’a pas commencé avec la pandémie ou la guerre : c’est un long processus qui dure depuis trente ou quarante ans.

      Peut-être qu’on s’achemine vers une prise de conscience qui permettrait de changer des choses ?

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