Sincéricide rue de Grenelle

Pour ce papier, j’ai eu envie d’importer un mot aujourd’hui très utilisé en Amérique latine, celui de « sincéricide », construit à partir des mots « sincérité » et « suicide ». Il s’applique à l’Homme politique qui se met lui-même en difficulté par un excès de sincérité. Exactement ce qui est arrivé à notre nouvelle ministre « de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques », Amélie Oudéa-Castéra, que dieu ait pitié de son âme.

Que reproche-t-on à madame la ministre ? D’avoir justifié son choix d’inscrire ses enfants dans l’enseignement privé pour pallier soi-disant le « paquet d’heures non remplacées » dans l’enseignement public. Une déclaration qui a provoqué un tollé à gauche, et tout particulièrement chez les enseignants, qui ont estimé les propos de la ministre « blessants ». Au point que celle-ci a trouvé nécessaire de publier un communiqué pour s’excuser.

Si la gauche en général et les enseignants en particulier avaient le sens de l’humour et de la repartie, plutôt que de pousser des cris d’orfraie, ils auraient dû applaudir les déclarations de la ministre : pour une fois qu’en macronie on admet que les discours martiaux des ministres de l’éducation qui se sont succédé, affirmant que toutes les absences seraient remplacées et qu’il y aurait un enseignant devant chaque classe, ne sont que de la poudre aux yeux… elle mériterait les félicitations ironiques pour sa sincérité, plutôt que les quolibets. La réaction des syndicats enseignants est encore plus étrange. Car si ma mémoire ne me trompe pas, ils sont les premiers à dénoncer les difficultés de l’éducation nationale dans le domaine des remplacements. Pour une fois que le Ministre est d’accord avec eux…

Et une fois qu’on est d’accord sur le constat, difficile d’en vouloir à la ministre, qui en a les moyens, de mettre ses enfants dans le privé de le faire. Quel sera le parent qui lui jettera la première pierre pour avoir voulu le meilleur pour ses enfants ? Personne, si j’en crois ce que me disent pas mal d’amis enseignants ou simples électeurs « de gauche », sincères militants de l’enseignement public, mais qui, lorsqu’il s’agit de leurs enfants, font des pieds et des mains pour échapper aux rigueurs de la carte scolaire, quitte à les inscrire dans le privé parce que « tu comprends, dans le public, ce n’est plus possible ».

Alors, que reproche-t-on à exactement à Amélie Oudéa-Castéra ? D’avoir dit la vérité sur la situation de déréliction de l’enseignement public ? D’avoir réagi comme n’importe quel parent qui a les moyens le ferait ? Non, ce qu’on reproche à la ministre – et quand je dis « on », je pense aux classes intermédiaires, si bien représentées dans la politique, les médias et l’enseignement – c’est d’avoir rompu le pacte de silence. On sait tous que l’enseignement public se dégrade, on cherche tous à donner à nos enfants les meilleures chances dans la vie, ce qui pour les classes intermédiaires passe par la reconstitution du capital immatériel, et donc par l’éducation. Pour cela, on est amené – certain diront « obligé » – à s’asseoir sur nos beaux principes. Et on n’a pas envie qu’on nous le rappelle.

Comme dit la chanson, « la ministre a dit la vérité… ». Et vous savez comment se termine la strophe.

Descartes

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71 réponses à Sincéricide rue de Grenelle

  1. CVT dit :

    @Descartes,
    Tout cela est bel et beau, mais il ne s’agit, en fait, que de cacher de vilains petits intérêts matériels derrière de grandes et belles déclarations. Apparemment, l’affaire est encore plus mesquine qu’on ne le pense, si j’en crois l’article de Jean-Paul Brighelli, qui nous dévoile le fin mot de l’histoire.
    Même en admettant qu’AOC ait raison, un ministre ne peut pas se comporter comme une Mme Michu, qui se plaint du fait que ses enfants aient des trous dans leurs enseignements en histoire, suite à un burn-out de la prof non remplacé: rien ne m’énerve plus que cette démagogie de bas étage!

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Tout cela est bel et beau, mais il ne s’agit, en fait, que de cacher de vilains petits intérêts matériels derrière de grandes et belles déclarations. Apparemment, l’affaire est encore plus mesquine qu’on ne le pense, si j’en crois l’article de Jean-Paul Brighelli, qui nous dévoile le fin mot de l’histoire.]

      C’était plus ou moins évident. Il était clair que l’histoire des absences non remplacées n’était qu’un prétexte. L’excuse aurait été crédible si la ministre habitait à La Courneuve ou à Florange, parce qu’il y a de véritables difficultés dans ces territoires abandonnés de la République pour trouver des enseignants remplaçants, et parce que les autorités académiques traitent ces territoires un peu par-dessus la jambe. Mais ce n’est certainement pas le cas dans le VIème arrondissement de Paris. On pouvait donc dès le départ subodorer qu’il y avait une autre raison derrière ce prétexte, et Amélie Oudéa-Castéra a fait preuve d’une étonnante bêtise en s’imaginant que son petit mensonge pouvait passer inaperçu dans la société médiatisée où nous vivons. Il était trivial qu’un journaliste contacterait l’école en question est les enseignants concernés…

      Ce qui me paraît le plus intéressant dans cette histoire, c’est la difficulté qu’ont les classes intermédiaires à assumer leur position privilégiée. Pourquoi chercher à occulter un choix éducatif qui est non seulement légal, mais rationnel ? Pourquoi ne pas admettre qu’on choisit pour ses enfants ce qu’on considère être le meilleur environnement scolaire qu’on peut se payer, choix que la plupart des parents feraient s’ils en avaient les moyens ?

      La réponse est simple : parce qu’admettre qu’il faut payer pour que ses enfants aient une bonne scolarité, c’est admettre que l’éducation publique est sinistrée. Et une fois qu’on a admis cela, la question suivante est celle des responsabilités… question que les classes intermédiaires n’ont aucune envie de voir posée.

      [Même en admettant qu’AOC ait raison, un ministre ne peut pas se comporter comme une Mme Michu, qui se plaint du fait que ses enfants aient des trous dans leurs enseignements en histoire, suite à un burn-out de la prof non remplacé: rien ne m’énerve plus que cette démagogie de bas étage!]

      Je vais me faire l’avocat du diable : Si l’on écoute les système politico-médiatique, les Français veulent des politiques qui soient comme eux, qui aient les mêmes problèmes qu’eux, qui prennent le métro et envoient leurs enfants à l’école du coin, et non des professionnels de la politique qui vivent dans leur monde. Et bien, si on veut avoir pour ministre Mme Michu, il ne faut pas s’étonner qu’un ministre parle comme Mme Michu.

      • CVT dit :

        @Descartes,

        [Mais ce n’est certainement pas le cas dans le VIème arrondissement de Paris. On pouvait donc dès le départ subodorer qu’il y avait une autre raison derrière ce prétexte, et Amélie Oudéa-Castéra a fait preuve d’une étonnante bêtise en s’imaginant que son petit mensonge pouvait passer inaperçu dans la société médiatisée où nous vivons. Il était trivial qu’un journaliste contacterait l’école en question est les enseignants concernés…]

        Le pire, c’est que l’établissement public en question, l’école maternelle Littré, avait fait correctement son travail, en refusant un passe-droit auquel “Mon Trésor” n’avait pas été jugé digne…
        On aurait dit l’école publique de mon enfance, celle qui jugeait les élèves au mérite, et renvoyait les cas difficiles et les mauvais élèves au privé😏😬…

      • Gugus69 dit :

        [Pourquoi ne pas admettre qu’on choisit pour ses enfants ce qu’on considère être le meilleur environnement scolaire qu’on peut se payer, choix que la plupart des parents feraient s’ils en avaient les moyens ? La réponse est simple : parce qu’admettre qu’il faut payer pour que ses enfants aient une bonne scolarité, c’est admettre que l’éducation publique est sinistrée.]
         
        C’est vrai, cher ami et camarade. Mes parents voulaient le meilleur pour moi et mon petit frère. C’est pourquoi ils nous avaient inscrits à la meilleure des écoles : l’école publique, laïque et gratuite de notre quartier de la grande cité ouvrière de Vénissieux.
        Une grande bâtisse récente et claire, lumineuse, bordée d’une grande cour clôturée de troènes, séparée en deux – école de filles – école de garçons – où le matin notre institutrice ou instituteur alignaient les gamins vêtus de blouses en rang par deux, et en silence ! Parfois, une petite revue de détail vite faite : les ongles propres, les oreilles aussi, et les tignasses exemptes de poux.
        Dans ces classes bien chauffées, nous nous levions comme un seul petit homme dès l’entrée d’un adulte. Le maître ne nous demandait pas souvent de nous taire, parce qu’en règle générale nous nous taisions. Surtout en cours de morale, vous pensez.
        Quand nous étions sages et travailleurs, nous avions un bon point ; avec dix bons points, une image ; et parfois pour les meilleurs le Graal : une grande image !
        Dans ces classes bien éclairées, nous apprenions qu’il y avait eu des œufs avant qu’il y ait des poules, que nos ancêtres étaient les Gaulois, que la France avait des fleuves et des montagnes (avec leurs noms et leur place sur la carte), qu’un triangle isocèle est un triangle qui a deux côtés égaux, « chou, bijou, joujou, genou, caillou, hibou, pou » : x final au pluriel. Nous apprenions à lire dans de vrais livres avec de belles images.
        Sur un petit transistor, à heure prévue nationalement, on écoutait « Pierre et le loup ».
        Nous apprenions que la France était un pays puissant. Qu’on y produisait tant de milliers de tonnes d’acier, de charbon, de textile ; tant de dizaines de milliers de voitures, de machines à laver… Que nos barrages nous fournissaient une électricité presque inépuisable… Que nos paysans nous gavaient de milliers de tonnes de blé, de viande, de fruits, de légumes et que nos pêcheurs nous submergeaient de morues. Être fort, c’était produire !
        Les « leçons de choses », quel drôle de nom. Nous apprenions que tout ce qui faisait le progrès avait été inventé par de grands chercheurs, souvent français : on volait grâce aux Montgolfier, on était en bonne santé grâce à Ambroise Paré ou Pasteur. La photographie et (à Lyon !) le cinéma, c’est nous. Et si nous avions de si belles assiettes, merci à Bernard Palissy !
        Nous apprenions, en fin de compte, que nous avions une sacrée veine de grandir maintenant dans ce magnifique pays, et que notre avenir était radieux…
        En écrivant ces lignes, même moi je me demande si tout cela a vraiment existé en France. Mais si ! J’ai vécu ça en vrai !
        C’était au début des années soixante. Tout ce que j’ai retenu de ce temps n’est pas rigoureusement, absolument, scientifiquement exact.
        Mais rien de ce que j’en porte en moi, aujourd’hui encore, n’est mauvais.
        Au fait, j’ai lu quelque part que depuis 2022, la France ne fabrique plus aucune machine à laver.
         
         

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [C’est vrai, cher ami et camarade. Mes parents voulaient le meilleur pour moi et mon petit frère. C’est pourquoi ils nous avaient inscrits à la meilleure des écoles : l’école publique, laïque et gratuite de notre quartier de la grande cité ouvrière de Vénissieux.]

          Votre remarque est indispensable. Non pas parce qu’il faille dire « c’était mieux avant », mais parce qu’il est important que les générations qui sont jeunes aujourd’hui, et qui n’ont pas connu cette époque, sachent que cela a existé et que le fait qu’il faille aller chercher la qualité chez le privé n’est pas une fatalité. Oui, il fut une époque où – si l’on excepte quelques institutions de grand prestige et de coût à l’avenant – la qualité se trouvait dans l’enseignement public. Et si c’était possible hier, on ne voit pas pourquoi ce ne serait possible aujourd’hui, à condition de se donner les moyens.

          [Dans ces classes bien éclairées, nous apprenions qu’il y avait eu des œufs avant qu’il y ait des poules, que nos ancêtres étaient les Gaulois, que la France avait des fleuves et des montagnes (avec leurs noms et leur place sur la carte),]

          Je n’ai fait qu’une petite partie de ma scolarité en France, mais je peux vous rapporter un souvenir similaire, celui de mon professeur d’histoire-géographie qui commençait son cours devant un tableau noir, et qui pendant qu’il parlait dessinait le contour de la région qui était à l’ordre du jour et les limites départementales, puis à la craie de couleur les montagnes, les fleuves et rivières, les lacs, plaçait les principales villes et les activités économiques. Et à la fin du cours, qu’on suivait avec fascination, on avait une carte complète tellement belle que l’enseignant qui venait pour le cour suivant avait quelque scrupule à l’effacer…

          [Nous apprenions que la France était un pays puissant. Qu’on y produisait tant de milliers de tonnes d’acier, de charbon, de textile ; tant de dizaines de milliers de voitures, de machines à laver… Que nos barrages nous fournissaient une électricité presque inépuisable… Que nos paysans nous gavaient de milliers de tonnes de blé, de viande, de fruits, de légumes et que nos pêcheurs nous submergeaient de morues. Être fort, c’était produire !]

          Taisez-vous, affreux productiviste, suppôt de Satan ! Aujourd’hui, le mot d’ordre est qu’il faut être fier non pas de ce qu’on FAIT, mais de ce qu’on EST.

          [Les « leçons de choses », quel drôle de nom. Nous apprenions que tout ce qui faisait le progrès avait été inventé par de grands chercheurs, souvent français : on volait grâce aux Montgolfier, on était en bonne santé grâce à Ambroise Paré ou Pasteur. La photographie et (à Lyon !) le cinéma, c’est nous. Et si nous avions de si belles assiettes, merci à Bernard Palissy !]

          Oui, et tous ces grands hommes avaient les mêmes vertus : la discipline, l’effort, le courage, la ténacité. On nous décrivait tous les échecs, toutes les désillusions, tous les obstacles qu’il avaient du vaincre avant d’atteindre la consécration finale… et cela sans attendre la moindre récompense de leur vivant.

          [Nous apprenions, en fin de compte, que nous avions une sacrée veine de grandir maintenant dans ce magnifique pays, et que notre avenir était radieux…]

          Et pour les étrangers, cela donnait envie de devenir citoyen. Je peux en témoigner…
          [En écrivant ces lignes, même moi je me demande si tout cela a vraiment existé en France. Mais si ! J’ai vécu ça en vrai !]

          Oui, c’était tout à fait vrai. Et il faut le rappeler, non pas pour alimenter on ne sait quel passéisme nostalgique, mais pour expliquer aux nouvelles générations que ce que nous avons aujourd’hui n’est pas « naturel », n’est pas la seule situation possible. Ceux qui ont cassé la machine à transmettre voudraient effacer jusqu’au souvenir de cette époque. Il ne faut pas les laisser faire…

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [C’est vrai, cher ami et camarade. Mes parents voulaient le meilleur pour moi et mon petit frère. C’est pourquoi ils nous avaient inscrits à la meilleure des écoles : l’école publique, laïque et gratuite de notre quartier de la grande cité ouvrière de Vénissieux.]

          Votre remarque est indispensable. Non pas parce qu’il faille dire « c’était mieux avant », mais parce qu’il est important que les générations qui sont jeunes aujourd’hui, et qui n’ont pas connu cette époque, sachent que cela a existé et que le fait qu’il faille aller chercher la qualité chez le privé n’est pas une fatalité. Oui, il fut une époque où – si l’on excepte quelques institutions de grand prestige et de coût à l’avenant – la qualité se trouvait dans l’enseignement public. Et si c’était possible hier, on ne voit pas pourquoi ce ne serait possible aujourd’hui, à condition de se donner les moyens.

          [Dans ces classes bien éclairées, nous apprenions qu’il y avait eu des œufs avant qu’il y ait des poules, que nos ancêtres étaient les Gaulois, que la France avait des fleuves et des montagnes (avec leurs noms et leur place sur la carte),]

          Je n’ai fait qu’une petite partie de ma scolarité en France, mais je peux vous rapporter un souvenir similaire, celui de mon professeur d’histoire-géographie qui commençait son cours devant un tableau noir, et qui pendant qu’il parlait dessinait le contour de la région qui était à l’ordre du jour et les limites départementales, puis à la craie de couleur les montagnes, les fleuves et rivières, les lacs, plaçait les principales villes et les activités économiques. Et à la fin du cours, qu’on suivait avec fascination, on avait une carte complète tellement belle que l’enseignant qui venait pour le cour suivant avait quelque scrupule à l’effacer…

          [Nous apprenions que la France était un pays puissant. Qu’on y produisait tant de milliers de tonnes d’acier, de charbon, de textile ; tant de dizaines de milliers de voitures, de machines à laver… Que nos barrages nous fournissaient une électricité presque inépuisable… Que nos paysans nous gavaient de milliers de tonnes de blé, de viande, de fruits, de légumes et que nos pêcheurs nous submergeaient de morues. Être fort, c’était produire !]

          Taisez-vous, affreux productiviste, suppôt de Satan ! Aujourd’hui, le mot d’ordre est qu’il faut être fier non pas de ce qu’on FAIT, mais de ce qu’on EST.

          [Les « leçons de choses », quel drôle de nom. Nous apprenions que tout ce qui faisait le progrès avait été inventé par de grands chercheurs, souvent français : on volait grâce aux Montgolfier, on était en bonne santé grâce à Ambroise Paré ou Pasteur. La photographie et (à Lyon !) le cinéma, c’est nous. Et si nous avions de si belles assiettes, merci à Bernard Palissy !]

          Oui, et tous ces grands hommes avaient les mêmes vertus : la discipline, l’effort, le courage, la ténacité. On nous décrivait tous les échecs, toutes les désillusions, tous les obstacles qu’il avaient du vaincre avant d’atteindre la consécration finale… et cela sans attendre la moindre récompense de leur vivant.

          [Nous apprenions, en fin de compte, que nous avions une sacrée veine de grandir maintenant dans ce magnifique pays, et que notre avenir était radieux…]

          Et pour les étrangers, cela donnait envie de devenir citoyen. Je peux en témoigner…
          [En écrivant ces lignes, même moi je me demande si tout cela a vraiment existé en France. Mais si ! J’ai vécu ça en vrai !]

          Oui, c’était tout à fait vrai. Et il faut le rappeler, non pas pour alimenter on ne sait quel passéisme nostalgique, mais pour expliquer aux nouvelles générations que ce que nous avons aujourd’hui n’est pas « naturel », n’est pas la seule situation possible. Ceux qui ont cassé la machine à transmettre voudraient effacer jusqu’au souvenir de cette époque. Il ne faut pas les laisser faire…

  2. Abi Brille dit :

    Ca n’ôte rien au fond de votre article mais apparemment elle n’était pas si sincère que ca…
    https://www.liberation.fr/politique/amelie-oudea-castera-se-prend-revers-sur-revers-20240115_AS56W2SNQVAGTDWLB67EKFJZKI/

    • Descartes dit :

      @ Abi Brille

      [Ca n’ôte rien au fond de votre article mais apparemment elle n’était pas si sincère que ca…]

      Probablement, mais cela n’ôte rien au fond. Lorsque les médias, les hommes politiques, les syndicats enseignants ont réagi, ils l’ont fait sur le fonds de la réponse. Le fait que cette réponse soit inexacte ou mensongère ne change rien au fait.

  3. Carloman dit :

    [D’avoir réagi comme n’importe quel parent qui a les moyens le ferait ? Non, ce qu’on reproche à la ministre – et quand je dis « on », je pense aux classes intermédiaires, si bien représentées dans la politique, les médias et l’enseignement – c’est d’avoir rompu le pacte de silence. ]
    Je crains que votre détestation des classes intermédiaires en général, et des enseignants en particulier – je m’étonne d’ailleurs de tous ces “amis” enseignants que vous invoquez si souvent – ne vous égare quelque peu, sauf votre respect. 
     
    Madame la Ministre peut scolariser ses enfants où elle le veut. Plutôt que de se justifier maladroitement, elle aurait bien mieux fait de répondre: “écoutez, c’est un choix personnel qui regarde mon mari et moi-même, point à la ligne”. Seulement voilà, elle s’est justifiée… Et de la pire manière: en expliquant qu’elle n’avait pas eu le choix la pauvre, et que “toutes les familles qui le peuvent” font pareil. Et les familles qui ne peuvent pas, eh beh, malheur aux derniers de cordée…
     
    Les absences non-remplacées? Je pouffe. Je sais de source sure qu’il y a aussi des absences dans le privé, et qu’elles ne sont pas toutes remplacées, loin s’en faut. Ce n’est sans doute pas le cas à Stanislas, mais enfin il ne faudrait pas s’imaginer que Stanislas est emblématique du privé. Après tout, Henri IV et Louis le Grand sont des établissements publics, et on raconte que les élèves qui y sont scolarisés n’ont pas trop à se plaindre du niveau…
     
    Il me paraît important de citer la Ministre, ce que vous n’avez pas vraiment fait, vous qui êtes si attaché d’habitude à la rigueur:
    “Depuis, de manière continue, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, mais aussi qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance”.
     
    Cette phrase appelle quand même quelques observations:
    – “l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux”: mais qui y a renoncé dans le public, hein? Qui nous a expliqué pendant des années qu’il fallait être “bienveillant”, ne pas décourager les petits chéris, ne pas donner trop de travail à la maison? Mais le Ministère lui-même. Il fallait que tous les petits chéris aient le Brevet, puis le Bac. Il ne fallait pas les traumatiser. C’est ce que l’enseignement public a fait. Et maintenant, les mêmes qui ont présidé à l’effondrement du niveau viennent nous expliquer que l’enseignement public ne fait pas son boulot correctement. Mais l’enseignement public n’a fait que ce qu’on lui a demandé de faire.
     
    – “mais aussi qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien”, alors là c’est le pompon. Donc, dans l’enseignement public, les élèves sont “malheureux, brimés, n’ont pas d’amis et se sentent mal”. Il faut arrêter la prise de substance illicite… Il y a de tout dans le public: des établissements très difficiles et des établissements paisibles. Il existe de bons établissements publics qui dispensent un enseignement de qualité. Et – on le dit moins – mais il existe aussi de mauvais établissements privés. Mais je vais me permettre de forcer un peu la pensée de la Ministre: derrière le “qu’ils ont des amis”, je me demande s’il ne faudrait pas comprendre “qu’ils ont des amis bien sous tout rapport”. Autrement dit, le blabla sur les exigences et les absences cache peut-être un motif moins avouable: la recherche d’un entre-soi confortable et – pourquoi pas – le développement précoce des “bons” réseaux. La mixité, c’est bien… pour les autres, toujours pour les autres. Le problème de Madame la Ministre, c’est moins de “rompre le pacte du silence” que d’expliquer qu’elle rejette la mixité alors même qu’elle hérite d’un ministère dont le mantra est “plus de mixité, plus de mixité!”.
     
    – “qu’ils se sentent en sécurité”: là encore, la faute à qui si l’insécurité gangrène ce pays jusque dans certains établissements scolaires? Qui est chargé d’assurer la sécurité des personnels et des élèves? C’est l’Etat, c’est l’institution. Madame la Ministre a fait l’ENA, non? Ses professeurs ont oublié de lui parler des “missions régaliennes de l’Etat”?
     
    J’ajouterai ceci: confiez-moi un établissement scolaire et laissez-moi choisir les élèves – c’est-à-dire ce que font beaucoup de bahuts privés – et je vous garantis que j’obtiendrai d’excellent résultats, je formerai des polytechniciens et des normaliens. Seulement l’enseignement public, ça ne marche pas comme ça, l’enseignement public a le devoir d’accueillir tout le monde. Juste par curiosité, à Stanislas, combien y a-t-il d’élèves “allophones”, de mineurs isolés, de sans-papiers? Combien de Tchétchènes, de Tchadiens, de Guinéens, de Turcs, de Marocains parlant un français approximatif? Est-ce que Stanislas accueille les enfants des femmes de ménage immigrées qui récurent les chiottes de Madame la Ministre? Je gage que non. La racaille, les cas sociaux, les “primo-arrivants” tout ça, c’est pour le public. Mais qui a laissé venir toute cette merde qui s’entasse dans les banlieues et jusque dans certains centres-villes? Qui décide de verser des allocations à tout ce beau monde, de laisser les patrons embaucher ces gens-là? Il faut que Madame la Ministre demande à son collègue de l’Intérieur de faire son boulot… 
     
    Madame la Ministre n’a pas “dit la vérité” contrairement à ce que vous écrivez. Madame la Ministre déplore une situation que le gouvernement auquel elle participe a largement contribué à aggraver. Madame la Ministre applaudit aux politiques néolibérales et s’étonne des inégalités sociales, de la violence, de l’insécurité que celles-ci génèrent. Et Madame la Ministre n’est pas enseignante, elle appartient à cette caste de hauts fonctionnaires, arrogants et prétentieux, qui détient les clés de l’Etat, le pouvoir, l’influence, les réseaux, et qui passe son temps à donner des leçons à la Terre entière… leçons qu’eux-mêmes se gardent bien d’appliquer, soit dit en passant. Jetons un oeil à la tendre moitié de notre Ministre: Frédéric Oudéa, polytechnicien, énarque, inspecteur des finances, devenu PDG de la Société générale puis de Sanofi. Et ça a la Légion d’honneur… Sûrement pour récompenser le fait d’avoir fait profiter le privé des réseaux acquis dans le public. De la corruption légale en somme.

    • Descartes dit :

      @ Carloman

      [Je crains que votre détestation des classes intermédiaires en général, et des enseignants en particulier – je m’étonne d’ailleurs de tous ces “amis” enseignants que vous invoquez si souvent – ne vous égare quelque peu, sauf votre respect.]

      Je veux bien admettre une détestation des classes intermédiaires. Mais certainement pas des enseignants. Je tiens le métier d’enseignant pour l’un des plus nobles et exigeants qui soient. Plus que détester les enseignants, je déteste leur aveuglement, qui les a conduit à contribuer à scier la branche sur laquelle ils étaient assis, et nous avec.

      [Madame la Ministre peut scolariser ses enfants où elle le veut. Plutôt que de se justifier maladroitement, elle aurait bien mieux fait de répondre : “écoutez, c’est un choix personnel qui regarde mon mari et moi-même, point à la ligne”. Seulement voilà, elle s’est justifiée… Et de la pire manière : en expliquant qu’elle n’avait pas eu le choix la pauvre, et que “toutes les familles qui le peuvent” font pareil. Et les familles qui ne peuvent pas, eh beh, malheur aux derniers de cordée…]

      C’était bien mon point. Ce que cette affaire montre, c’est la mauvaise conscience des classes intermédiaires, qui jouissent de leurs privilèges mais ne veulent pas les assumer. C’est vrai pour la ministre, qui cherche maladroitement à expliquer que si elle joue de ses privilèges, ce n’est pas par choix mais parce qu’elle est forcée par une circonstance extérieure, et que tout le monde à sa place ferait pareil. Mais c’est aussi vrai pour toute cette classe politico-médiatique qui pousse des cris d’orfraie, mais qui EFFECTIVEMENT ferait – et dans beaucoup de cas fait – la même chose que la ministre.

      [Les absences non-remplacées? Je pouffe. Je sais de source sure qu’il y a aussi des absences dans le privé, et qu’elles ne sont pas toutes remplacées, loin s’en faut.]

      L’argument n’est pas crédible, je suis d’accord avec vous. Quand bien même on ne peut nier qu’il y a des problèmes de remplacement dans l’enseignement public, je doute qu’ils touchent sérieusement les écoles du VIème arrondissement de Paris. Et, comme vous le dites, l’enseignement privé n’est pas non plus immunisé contre les absences et la problématique des remplacements est la même.

      [Il me paraît important de citer la Ministre, ce que vous n’avez pas vraiment fait, vous qui êtes si attaché d’habitude à la rigueur: “Depuis, de manière continue, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, mais aussi qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance”.]

      Je n’ai pas cité cette formule, parce qu’elle n’avait pas de rapport avec ma démonstration. Ce qui m’intéresse, c’est moins la véracité du prétexte donné par la ministre que la réaction que ses propos ont suscitée. Pour être schématique : alors qu’à Paris l’enseignement privé scolarise plus du tiers des élèves, le milieu politico-médiatique parisien se scandalise parce qu’une ministre explique que l’école publique ne remplit pas ses expectatives… avouez qu’il y a dans cette réaction une large dose d’hypocrisie…

      [Cette phrase appelle quand même quelques observations : (…)]

      Je partage bien entendu l’essentiel de vos observations. Cependant, je vous invite à relire la phrase de la ministre que vous citez. Elle ne dit nullement que les éléments qu’elle cite manquent dans l’école publique. Ce qu’elle dit, c’est que depuis qu’elle a inscrit ses enfants à Stanislas – pour des raisons qui n’ont rien à voir, selon elle, avec la qualité de la formation, l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, leur bonheur ou leur épanouissement, le fait qu’ils aient des amis, qu’ils soient bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance – elle veille à ce qu’ils bénéficient dans le privé de ces mêmes avantages. J’ai l’impression que sa formule répond en fait à ceux qui font de Stanislas une école rigoriste, traditionnaliste, et peu attentive aux besoins des enfants – souvenez-vous qu’il y a eu des accusations dans ce genre il y a quelque temps.

      [J’ajouterai ceci: confiez-moi un établissement scolaire et laissez-moi choisir les élèves – c’est-à-dire ce que font beaucoup de bahuts privés – et je vous garantis que j’obtiendrai d’excellent résultats, je formerai des polytechniciens et des normaliens. Seulement l’enseignement public, ça ne marche pas comme ça, l’enseignement public a le devoir d’accueillir tout le monde.]

      On est bien entendu tout à fait d’accord sur ce point. Si les classes intermédiaires choisissent le privé, c’est pour deux raisons : d’une part, parce que cela garantit à leurs rejetons un « entre soi » avec d’autres enfants venant de foyers à haut capital intellectuel. Et, comme vous le dites si bien, avec ce genre de public on peut avoir d’excellents résultats facilement. La deuxième raison est plus sordide : quand on paye, on a du pouvoir. C’est flagrant dans l’affaire Oudéa-Castéra : il s’avère, après enquête, que si la ministre a inscrit son petit trésor à Stanislas, c’est parce que l’école publique lui a refusé de sauter une classe pour des raisons pédagogiques. Dans le privé, le client est roi… et Stanislas lui a accordé sans problème la chose.

      [Madame la Ministre n’a pas “dit la vérité” contrairement à ce que vous écrivez. Madame la Ministre déplore une situation que le gouvernement auquel elle participe a largement contribué à aggraver.]

      Là encore, vous n’avez pas compris mon point. Ce qui m’intéresse, c’est moins ce que pense la ministre que la réaction de la caste politico-médiatique, largement dominée par les classes intermédiaires. Dans ces couches sociales, le diagnostic porté par la ministre – qu’il soit juste ou non, d’ailleurs – est largement partagé, sa réaction aussi. Alors, pourquoi tous ces cris d’orfraie ?

      [Et Madame la Ministre n’est pas enseignante, elle appartient à cette caste de hauts fonctionnaires, arrogants et prétentieux, qui détient les clés de l’Etat, le pouvoir, l’influence, les réseaux, et qui passe son temps à donner des leçons à la Terre entière…]

      Désolé, mais c’est insulter notre haute fonction publique que de compter Madame Oudéa-Castéra parmi les siens. Si j’en crois sa biographie officielle, elle est bien passée par l’ENA et intégré la Cour des Comptes à la sortie, mais elle n’a été fonctionnaire que pendant quatre ans (2004-2008), avant de quitter la fonction publique pour le privé (d’abord chez AXA, puis à Carrefour, enfin à la FFT). Rien à voir donc avec les véritables hauts fonctionnaires, qui font des carrières discrètes dans les administrations, les établissements publics, les préfectures, et qui ne donnent des leçons à personne si ce n’est à leurs collaborateurs.

      • Carloman dit :

        @ Descartes,
         
        [Plus que détester les enseignants, je déteste leur aveuglement, qui les a conduit à contribuer à scier la branche sur laquelle ils étaient assis, et nous avec.]
        Quarante ans d’aveuglement, ça ressemble à de la cécité volontaire. On n’est quand même pas loin de la malveillance, vous ne croyez pas?
         
        [Rien à voir donc avec les véritables hauts fonctionnaires, qui font des carrières discrètes dans les administrations, les établissements publics, les préfectures, et qui ne donnent des leçons à personne si ce n’est à leurs collaborateurs.]
        Je m’interroge: que se passe-t-il quand un haut fonctionnaire voit débarquer dans son bureau un ancien camarade de promo passé dans le privé? Il fait semblant de ne pas le reconnaître? J’ai quand même du mal à le croire. Et d’ailleurs, pourquoi le privé est-il si friand d’anciens hauts fonctionnaires? On se demande quel pourrait être l’intérêt de recruter des gens qui n’apportent pas un petit quelque chose. Et il semble assez logique de se dire que ce “petit quelque chose” réside dans les relations que l’ex-haut fonctionnaire conserve parmi les anciens collègues et énarques, hauts fonctionnaires restés au service de l’Etat…
        Je ne vois aucune raison de considérer les hauts fonctionnaires comme une catégorie de saints qui, par on ne sait quel miracle, échapperaient à la connivence généralisée.

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [« Plus que détester les enseignants, je déteste leur aveuglement, qui les a conduit à contribuer à scier la branche sur laquelle ils étaient assis, et nous avec. » Quarante ans d’aveuglement, ça ressemble à de la cécité volontaire. On n’est quand même pas loin de la malveillance, vous ne croyez pas ?]

          Non. Le rôle de l’idéologie dominante, c’est justement de convaincre les gens qu’ils font le bien lorsqu’ils servent les intérêts du bloc dominant. Je ne crois pas que les enseignants aient eu collectivement conscience de ce qu’ils étaient en train de faire lorsqu’ils ont voulu être le « prof-copain », lorsqu’ils ont conchié devant leurs élèves l’institution, lorsqu’ils ont « mis l’élève au centre du système ». Vous savez, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions.

          [« Rien à voir donc avec les véritables hauts fonctionnaires, qui font des carrières discrètes dans les administrations, les établissements publics, les préfectures, et qui ne donnent des leçons à personne si ce n’est à leurs collaborateurs. » Je m’interroge : que se passe-t-il quand un haut fonctionnaire voit débarquer dans son bureau un ancien camarade de promo passé dans le privé? Il fait semblant de ne pas le reconnaître ? J’ai quand même du mal à le croire.]

          Il y a vingt ou trente ans, au-delà des rapports personnels, il était vu comme un traître. Aujourd’hui, à force de voir des gens venus du privé passer devant eux pour prendre les bons postes, et d’entendre un discours qui veut qu’on n’est pas digne des hautes fonctions si l’on n’a pas fait une expérience dans le privé, les choses sont un peu différentes…

          [Et d’ailleurs, pourquoi le privé est-il si friand d’anciens hauts fonctionnaires?]

          Parce que le système de formation des hauts fonctionnaires reste excellent en France, et qu’on trouve des gens qui ont des parcours et des expériences exceptionnels. Et parce qu’ils connaissent le fonctionnement de l’Etat, dans un pays où celui-ci joue toujours un rôle central. Et, bien entendu, parce qu’ils ont un beau carnet d’adresses…

          [ Et il semble assez logique de se dire que ce “petit quelque chose” réside dans les relations que l’ex-haut fonctionnaire conserve parmi les anciens collègues et énarques, hauts fonctionnaires restés au service de l’Etat…]

          Bien entendu. Mais j’insiste : la grande majorité des hauts fonctionnaires ne va PAS dans le prive, et fait des carrières discrètes dans les administrations publiques…

          [Je ne vois aucune raison de considérer les hauts fonctionnaires comme une catégorie de saints qui, par on ne sait quel miracle, échapperaient à la connivence généralisée.]

          Certainement. Mais quid des hauts fonctionnaires qui servent l’Etat toute leur vie professionnelle, refusant d’entendre les sirènes du privé ?

          • Carloman dit :

            @ Descartes,
             
            [Mais quid des hauts fonctionnaires qui servent l’Etat toute leur vie professionnelle, refusant d’entendre les sirènes du privé ?]
            Mais quid des enseignants qui essaient de servir l’institution (qui n’est d’ailleurs pas toujours de leur côté) et de maintenir un certain niveau d’exigence chez leurs élèves, refusant la démagogie ambiante? 
             
            Je vous invite quand même à éviter le “deux poids, deux mesures”: si on s’attaque aux hauts fonctionnaires, vous sortez les griffes en proclamant qu’ “il y a ceux dont on ne parle pas, et qui font leur devoir”. Par contre, je note que “les enseignants” sont presque systématiquement englobés dans un tout apparemment homogène.
             
            Si les hauts fonctionnaires appartiennent aux “classes intermédiaires”, alors ils ont les mêmes intérêts que les enseignants. Et donc ils collent leurs gosses dans le privé quand nécessaire, applaudissent à la construction européenne et s’accommodent du néolibéralisme. Si ce n’est pas la cas, faut-il comprendre que les hauts fonctionnaires constituent une classe à part?

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [« Mais quid des hauts fonctionnaires qui servent l’Etat toute leur vie professionnelle, refusant d’entendre les sirènes du privé ? » Mais quid des enseignants qui essaient de servir l’institution (qui n’est d’ailleurs pas toujours de leur côté) et de maintenir un certain niveau d’exigence chez leurs élèves, refusant la démagogie ambiante ?]

              Ils méritent tous les honneurs, et je leur rends hommage volontiers chaque fois que j’en ai l’opportunité. En particulier, j’ai souligné ici plusieurs fois la dette de gratitude que j’ai envers mes professeurs, et regretté que cette idée de « dette » ne soit pas plus répandue. Mais au cas ou ce ne serait pas assez clair, oui, j’ai croisé pas mal d’enseignants qui sont des militants de l’institution, et qui ont fait leur possible pour la défendre des attaques venues non seulement de l’extérieur, mais – et c’est infiniment plus difficile – de l’intérieur.

              [Je vous invite quand même à éviter le “deux poids, deux mesures”: si on s’attaque aux hauts fonctionnaires, vous sortez les griffes en proclamant qu’ “il y a ceux dont on ne parle pas, et qui font leur devoir”. Par contre, je note que “les enseignants” sont presque systématiquement englobés dans un tout apparemment homogène.]

              Si mon discours est perçu comme « deux poids deux mesures », je le regrette, ce n’était certainement pas mon intention. Mais vous remarquerez qu’il y a une petite différence : la plupart de nos concitoyens a des rapports étroits avec le corps enseignant, et a pu le voir à l’œuvre. Le haut fonctionnaire reste une présence fantasmatique. Chacun de nous a été en classe, mais combien parmi les français a eu à travailler avec un juge administratif, un préfet, un directeur d’administration, un ambassadeur ? Combien d’entre eux connaissent leur travail ?

              Quand on critique les enseignants, on critique ce qu’on connaît : tout le monde ou presque sait en quoi consiste la journée d’un enseignant, qu’elles sont ses tâches, ses responsabilités, combien il prend de vacances et combien il gagne. Savez-vous en quoi consiste la journée d’un préfet, d’un directeur de service déconcentré, d’un juge administratif ? D’un chef de service ? D’un attaché d’ambassade ? D’un contrôleur général de la police ? D’un général de gendarmerie ? Combien est-il payé ? Quand prend-t-il ses vacances ? Quelles sont ses responsabilités ? Non, presque personne ne le sait et presque personne ne s’y intéresse. On critique un fantasme, et ce fantasme est construit sur la petite minorité de hauts fonctionnaires qui, justement, quittent la fonction publique pour faire du privé ou de la politique. C’est un peu comme si on jugeait les enseignants sur la base de ceux qui ont choisi d’être maires ou députés…

              Vous comprenez alors pourquoi cela m’énerve. Qu’on critique les hauts fonctionnaires qui ne tiennent pas leur rôle comme on critique les enseignants qui font de même, je suis d’accord. Mais qu’on critique sur la base d’une vision fantasmatique, non.

              [Si les hauts fonctionnaires appartiennent aux “classes intermédiaires”, alors ils ont les mêmes intérêts que les enseignants. Et donc ils collent leurs gosses dans le privé quand nécessaire, applaudissent à la construction européenne et s’accommodent du néolibéralisme. Si ce n’est pas la cas, faut-il comprendre que les hauts fonctionnaires constituent une classe à part ?]

              Non, bien sur que non. Mais leur mode de sélection et de promotion fait qu’ils sont – pour le moment, mais cela risque de ne pas durer – mieux « tenus » par la tradition aristocratique du service public. C’est que, contrairement aux enseignants, les hauts fonctionnaires sont tenus à une stricte obligation de réserve et d’obéissance hiérarchique. Un enseignant peut critiquer l’institution scolaire devant ses élèves sans risquer grande chose. Un préfet qui s’épancherait sur l’institution préfectorale aurait immédiatement de sérieux ennuis.

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [Quand on critique les enseignants, on critique ce qu’on connaît : tout le monde ou presque sait en quoi consiste la journée d’un enseignant, qu’elles sont ses tâches, ses responsabilités, combien il prend de vacances et combien il gagne.]
              Permettez-moi une petite nuance: quand on critique les enseignants, on critique ce qu’on CROIT connaître, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Parce que ce qui est “visible” (et encore, peu de gens se rendent compte de la difficulté réelle à “tenir” certaines classes de 30 gamins) ne représente pas l’ensemble des tâches dévolues à l’enseignant. Nous avions déjà abordé ce sujet il y a longtemps, mais je me permets d’y revenir: il y a le travail effectué en amont (préparation, lectures, photocopies) et en aval (correction des copies). Et de ce point de vue là, le fait est que la charge de travail peut beaucoup varier d’un enseignant à l’autre: celui qui fera trois évaluations par trimestre et par classe, des petites évaluations vite corrigées, et celui qui fera six ou sept évaluations plus conséquentes n’auront pas la même charge de travail. Idem entre celui qui reprend régulièrement ses cours et celui qui ne modifie pas grand-chose. 
               
              C’est d’ailleurs la même chose pour les congés: certains enseignants travaillent pendant leurs congés (ils lisent, ils corrigent, ils préparent), d’autres se débrouillent pour n’avoir rien ou pas grand-chose à faire.
               
              Je vous accorde néanmoins que les gens ont plus de mal à concevoir ce que fait un préfet ou un autre haut fonctionnaire parmi ceux que vous avez cités. Et je vous concède bien volontiers qu’un préfet qui fait mal son boulot est certainement relevé de ces fonctions rapidement, alors qu’un enseignant peu consciencieux ne risque finalement pas grand-chose.
               
              Cela étant dit, permettez-moi de vous dire qu’à l’heure de la communication triomphante, l’Etat aurait peut-être intérêt à produire des documentaires pédagogiques présentant de manière claire et accessible le travail, les obligations et responsabilités d’un préfet, d’un chef d’administration, d’un contrôleur général de la police, d’un juge administratif, etc, ainsi que les rémunérations correspondantes. Cela permettrait sans doute de dissiper certains mythes. Je ne vous cache pas ma curiosité de connaître davantage l’emploi du temps et les tâches confiées à nos hauts fonctionnaires… 
               
              Et comme vous semblez connaître le sujet, et si je peux en toute amitié vous suggérer un thème d’article, peut-être pourriez-vous par exemple faire parler un ami préfet et produire un texte décrivant son quotidien (sous couvert d’anonymat bien sûr). Le préfet me semble être le haut fonctionnaire qui est encore le plus “familier” aux Français, parce que finalement il est assez proche géographiquement (tout le monde a un préfet et des sous-préfets dans son département).

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [« Quand on critique les enseignants, on critique ce qu’on connaît : tout le monde ou presque sait en quoi consiste la journée d’un enseignant, qu’elles sont ses tâches, ses responsabilités, combien il prend de vacances et combien il gagne. » Permettez-moi une petite nuance: quand on critique les enseignants, on critique ce qu’on CROIT connaître, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.]

              Vous avez raison de nuancer. Mais je pense que vous avez tort en pensant qu’il y a une très grande différence entre le métier tel qu’il est perçu et tel qu’il s’exerce réellement. Par exemple, je pense qu’aujourd’hui tout le monde est parfaitement conscient de la difficulté de « tenir » une classe du point de vue disciplinaire – la question est d’ailleurs abordée dans un grand nombre de films, comme le très courageux « la journée de la jupe », sans compter avec une actualité où les violences dans les établissements scolaires sont largement abordées. Cette connaissance se reflète d’ailleurs très bien dans les candidatures aux concours d’enseignement…

              Non seulement nous avons tous été usagers du service public de l’éducation, mais en plus les enseignants sont relativement nombreux, ce qui fait que beaucoup de citoyens ont parmi leurs connaissances un enseignant, qui souvent n’hésite pas à raconter ses malheurs. Et tout le monde sait que les corrections ne se font pas par magie, pas plus que les documents que l’enseignant distribue. C’est le travail de préparation qui est le plus méconnu, parce qu’il est d’ailleurs très variable entre les différents enseignants : j’en ai eu qui débitaient chaque année le même cours – qui n’était pas forcément de mauvaise qualité – et qui vivaient donc sur un investissement, certes importants, mais réalisé au cours de leurs premières années d’enseignement ; et d’autres qui faisaient un effort considérable d’intégrer chaque année des contenus nouveaux ou de varier la didactique sur les points qui n’étaient pas « passés » les années précédentes…

              Je pense donc que ce qu’on « croit » connaître du travail de l’enseignant et le travail réel sont finalement assez proches. La critique repose donc sur une connaissance bien meilleure que pour le cas des hauts fonctionnaires. Ce qui n’exclut pas, bien entendu, dans un cas comme dans l’autre, les stéréotypes, qui dans le cas des enseignants concernent moins la nature de leur travail que la manière dont ils le font. La sortie de Oudéa-Castéra le montre d’ailleurs très bien : son prétexte était construit non pas autour de la qualité du travail de l’enseignant, mais sur un aspect accessoire, les « absences ».

              [Je vous accorde néanmoins que les gens ont plus de mal à concevoir ce que fait un préfet ou un autre haut fonctionnaire parmi ceux que vous avez cités.]

              Tout à fait. Contrairement aux enseignants, la littérature et le cinéma se sont peu penchés sur les hauts fonctionnaires. Peut-être parce que leur travail est beaucoup trop « cérébral », pas assez « épique » pour créer des situations dramatiques (à contrario, voir l’excellent téléfilm « la dette », avec un magnifique préfet joué par André Dussolier qui, même si la situation est un peu caricaturale, donne une bonne idée du métier).

              [Cela étant dit, permettez-moi de vous dire qu’à l’heure de la communication triomphante, l’Etat aurait peut-être intérêt à produire des documentaires pédagogiques présentant de manière claire et accessible le travail, les obligations et responsabilités d’un préfet, d’un chef d’administration, d’un contrôleur général de la police, d’un juge administratif, etc, ainsi que les rémunérations correspondantes.]

              Je ne suis pas contre. Seulement, il faut être conscient que la « grandeur » de ces métiers consiste souvent à résister au politique, à lui rappeler ses devoirs – et tout particulièrement le principe de légalité. Or, c’est là un grand « non-dit » de notre système, et je ne suis pas sûr que le politique serait d’accord pour une telle présentation.

              [Cela permettrait sans doute de dissiper certains mythes. Je ne vous cache pas ma curiosité de connaître davantage l’emploi du temps et les tâches confiées à nos hauts fonctionnaires…]

              Il y aurait un très beau livre à écrire sur ce sujet…

              [Et comme vous semblez connaître le sujet, et si je peux en toute amitié vous suggérer un thème d’article, peut-être pourriez-vous par exemple faire parler un ami préfet et produire un texte décrivant son quotidien (sous couvert d’anonymat bien sûr). Le préfet me semble être le haut fonctionnaire qui est encore le plus “familier” aux Français, parce que finalement il est assez proche géographiquement (tout le monde a un préfet et des sous-préfets dans son département).]

              C’est certainement le haut fonctionnaire le plus « visible », celui dont le rôle de représentation est le plus important. Un directeur d’administration, un chef de service, un juge administratif, un contrôleur général de police mènent des vies discrètes, et leurs noms sont généralement inconnus du grand public – et lorsqu’ils sont connus, c’est généralement le signe qu’ils ont fait une bêtise. Mais si vous pensez que le sujet intéresserait quelqu’un, je veux bien essayer…

  4. Choix de proximité dit :

    [Si la gauche en général et les enseignants en particulier avaient le sens de l’humour et de la repartie, plutôt que de pousser des cris d’orfraie, ils auraient dû applaudir les déclarations de la ministre : pour une fois qu’en macronie on admet que les discours martiaux des ministres de l’éducation qui se sont succédé, affirmant que toutes les absences seraient remplacées et qu’il y aurait un enseignant devant chaque classe, ne sont que de la poudre aux yeux… elle mériterait les félicitations ironiques pour sa sincérité, plutôt que les quolibets.]
    J’ai trouvé cela très juste en vous lisant, puis j’ai essayé de comprendre pourquoi les propos de la ministre m’avaient sidéré, en tant qu’enseignant de collège public.
    En fait, la ministre ne dit pas la même chose que les syndicats.
    Sur les heures non remplacées d’une part, cela fait des années que les syndicats se plaignent de la suppression de postes, mais que le discours ambiant fait porter la responsabilité aux enseignants : polémiques autour du jour de carence, lieu-commun de l’enseignant gréviste, et plus récemment le PACTE (on compte sur ces fainéants d’enseignants pour remplacer leurs collègues au pied-levé s’ils veulent mériter la revalorisation promise aux élections) et la suppression par Attal des heures de formation continue sur temps scolaire.
    Notre nouvelle ministre s’est vautrée dans ce discours facile du prof absent, à renfort d’expressions de comptoir sensées illustrer le bon sens populaire (“des paquets d’heures pas remplacées”), sans prendre la précaution de distinguer les carences de l’institution et l’engagement de ses agents
    Et si nous ne savions pas encore que ses propos étaient faux, on pouvait en revanche se douter qu’une école, même publique, du 6ème arrondissement, n’était probablement pas la plus mal lotie en remplaçants ni la plus anxiogène pour ses enfants, ce qui montrait déjà une déconnexion du réel plus inquiétante qu’amusante.
    Mais je crois que la consternation a pris le pas sur la surprise amusée lorsque j’ai entendu la suite du discours : “Depuis, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu’ils sont heureux, qu’ils sont épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance, et c’est le cas pour mes trois petits garçons qui sont là-bas. Alors, je pense qu’avant de stigmatiser le choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école c’est celle de la République, et que la République travaille avec tout le monde, dès lors qu’on est au rendez-vous, voilà, de cette exigence et de ces valeurs.”
    Ces considérations semblent indiquer en creux que le million d’acteurs de l’éducation nationale ne pèche pas, après-tout, par manque de moyens, mais par manque “d’exigence et de ces valeurs”. On peut en discuter, mais ce n’est pour le coup pas du tout le discours de nos syndicats.

    • Descartes dit :

      @ Choix de proximité

      [J’ai trouvé cela très juste en vous lisant, puis j’ai essayé de comprendre pourquoi les propos de la ministre m’avaient sidéré, en tant qu’enseignant de collège public. En fait, la ministre ne dit pas la même chose que les syndicats. Sur les heures non remplacées d’une part, cela fait des années que les syndicats se plaignent de la suppression de postes, mais que le discours ambiant fait porter la responsabilité aux enseignants : (…)]

      Soyons précis : la ministre a fait un constat, celui des « paquets d’heures non remplacées ». Elle n’a attribué la responsabilité à personne. Je n’ai pas de sympathie particulière pour la ministre, mais il ne faut pas non plus lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit. Elle s’est contentée de constater un « paquet d’heures non remplacées ». Et sur ce point, les syndicats disent exactement la même chose.

      [Notre nouvelle ministre s’est vautrée dans ce discours facile du prof absent, à renfort d’expressions de comptoir sensées illustrer le bon sens populaire (“des paquets d’heures pas remplacées”), sans prendre la précaution de distinguer les carences de l’institution et l’engagement de ses agents]

      Certainement. Mais là, vous lui faites le procès de ce qu’elle n’a pas dit, et non de ce qu’elle a dit. En fait, vous ne discutez pas le constat factuel, vous lui reprochez de ne pas avoir élaboré les responsabilités de cet état de fait. Et c’est là que je trouve la réaction des enseignants un peu étrange. Que les syndicats soient montés au créneau pour rétablir les responsabilités des uns et des autres dans le « paquet d’heures non remplacées », je l’aurai compris. Mais faire de la constatation d’un dysfonctionnement réel une « insulte aux enseignants », cela me paraît déjà plus difficile à comprendre. Qu’un constat factuel soit vécu comme un insulte est généralement le signe qu’on n’a pas la conscience tranquile…

      [Et si nous ne savions pas encore que ses propos étaient faux, on pouvait en revanche se douter qu’une école, même publique, du 6ème arrondissement, n’était probablement pas la plus mal lotie en remplaçants ni la plus anxiogène pour ses enfants, ce qui montrait déjà une déconnexion du réel plus inquiétante qu’amusante.]

      En effet, l’explication de la ministre n’était pas vraiment crédible dès le départ. Mais la réaction de la caste politico-médiatique et des syndicats enseignants n’a pas consisté à mettre en doute la crédibilité de la justification. Tout ce beau monde a réagi « comme si » les faits rapportés étaient exacts. Ce qui d’ailleurs vous montre combien ce diagnostic – faux dans le cas d’espèce, mais vrai globalement – fait consensus.

      [Mais je crois que la consternation a pris le pas sur la surprise amusée lorsque j’ai entendu la suite du discours : “Depuis, nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu’ils sont heureux, qu’ils sont épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils sont bien, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance, et c’est le cas pour mes trois petits garçons qui sont là-bas. Alors, je pense qu’avant de stigmatiser le choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école c’est celle de la République, et que la République travaille avec tout le monde, dès lors qu’on est au rendez-vous, voilà, de cette exigence et de ces valeurs.”
      Ces considérations semblent indiquer en creux que le million d’acteurs de l’éducation nationale ne pèche pas, après-tout, par manque de moyens, mais par manque “d’exigence et de ces valeurs”. On peut en discuter, mais ce n’est pour le coup pas du tout le discours de nos syndicats.]

      Ce texte est très difficile de comprendre. Si on le lit attentivement la première partie, on voit moins une critique l’école privée qu’une justification contre l’accusation que ses enfants seraient moins bien traités, moins épanouis, moins bien formés à Stanislas qu’ils ne le seraient à l’école publique, puisque « depuis » qu’ils sont inscrits dans le privé, elle se sent obligée de « s’assurer » que ses enfants sont bien traités, ce qui apparemment n’était pas le cas quand son fils était à Littré. Quant au dernier paragraphe, il est incompréhensible.

  5. Bob dit :

    @ Descartes
     
    N’Diaye, Attal, Oudéa-Castéra, troix ministres de l’Education de suite qui ont leurs enfants ou ont fait leurs études dans le privé. N’est-on pas en droit d’attendre d’un ministère qui est censé avant tout veiller sur l’Ecole publique qu’il ait son chef qui “donne l’exemple” ?
    Ou bien c’est une provocation volontaire de la part de Macron, le message subliminal étant “je continue à détruire l’école publique”. Je me pose la question.

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [N’Diaye, Attal, Oudéa-Castéra, troix ministres de l’Education de suite qui ont leurs enfants ou ont fait leurs études dans le privé.]

      Et encore, ce n’est que la face visible de l’iceberg. Parmi les « quadra », combien d’hommes de pouvoir, politiques, journalistes, chefs d’entreprise sortent eux-mêmes de l’enseignement privé et y mettent leurs enfants ? D’une certaine manière, les enquêtes sur N’Diaye, Attal ou Oudéa-Castéra ont l’avantage de mettre la lumière sur un phénomène sur lequel nos classes intermédiaires préfèrent rester très discrètes, celui d’un séparatisme scolaire.

      C’est d’ailleurs une évolution logique. N’est-il pas « normal » que chaque parent cherche, dans la mesure de ses moyens, à offrir dans à ses enfants ce qu’il y a de mieux ? Si on est d’accord avec ce principe, et je pense qu’il fait un large consensus dans toutes les classes sociales, pourquoi reprocher aux parents qui peuvent offrir l’Ecole Alsacienne ou Stanislas à leurs enfants de le faire ?

      [N’est-on pas en droit d’attendre d’un ministère qui est censé avant tout veiller sur l’Ecole publique qu’il ait son chef qui “donne l’exemple” ?]

      Pourquoi demander à un ministre de faillir à son rôle de parent au motif qu’il doit « donner l’exemple » ? Tout ce qu’on peut lui reprocher, c’est de tenir un discours selon lequel tout va bien à l’école publique, et démentir ce discours dans les faits.

      Le procès qui est fait à Oudéa-Castéra est un mauvais procès. Au lieu de faire porter le débat sur la dégradation de la qualité de l’enseignement, qui pousse les parents qui ont les moyens et qui sont sensibles à la question scolaire à chercher des moyens d’échapper au déterminisme en contournant la carte scolaire ou en inscrivant leurs enfants dans le privé, on porte le débat sur « l’exemplarité ». Quand j’étais au lycée, le privé c’était pour les cancres, pour les « élèves à problèmes » – en dehors de quelques grandes institutions de prestige – parce que le public offrait un enseignement de qualité et, last but not least, un environnement qui favorisait les apprentissages. Ce qu’on devrait demander au ministre, ce n’est pas de « donner des exemples », mais de reconstruire le système scolaire.

      [Ou bien c’est une provocation volontaire de la part de Macron, le message subliminal étant “je continue à détruire l’école publique”. Je me pose la question.]

      Je ne crois pas au machiavélisme en politique. La destruction de l’école publique n’est pas un objectif, mais l’effet collatéral de la volonté des classes intermédiaires de figer les catégories sociales et donc d’arrêter l’ascenseur social. Ce n’est pas un but, c’est un moyen.

  6. cdg dit :

    Quand on lit le monde, j ai l impression qu on lui reproche pas tant d avoir mit ses enfants dans le privé que de les avoir mit dans une ecole catholique traditionelle, ce que les progressistes appellent “homophobe”.
    C est sur que pour l electeur moyen c est secondaire mais pour la camarilla des medias c est un peché mortel
    Apres, c est sur que le fait d avoir menti (l institutrice n etait pas absente et la motivation etait de faire sauter une classe a un enfant en maternelle) n arrange pas les choses et fait qu une info mineure devient un fait majeur et une ministre qui s enfonce elle meme (un peu comme un ministre du budget qui affirme ne pas avoir de compte en suisse et qui se fait prendre la main dans le sac)
     
    Sur le fond, je suis pas sur que Mme Oudea s assoie sur quelque principe, que ca soit pour ses enfants ou pour elle meme. Comme sa collegue Rachida Dati, elle n en a aucun (ce qui leur reussit)
    PS: redresser l education nationale est un chantier immense, qui est hors de porte de cette brave dame, meme si elle le voulait

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Quand on lit le monde, j’ai l’impression qu’on ne lui reproche pas tant d’avoir mis ses enfants dans le privé que de les avoir mis dans une école catholique traditionnelle, ce que les progressistes appellent “homophobe”.]

      Il faut séparer deux « affaires ». Il y a d’un côté les questions posées par un ministre de l’éducation qui met ses enfants dans le privé. Et il y a la question du fonctionnement de Stanislas. Il y a un courant qui voudrait profiter de la première affaire pour faire la peau d’un établissement connu par sa proximité avec les intégristes catholiques. Tout le monde sait que Stanislas viole la loi, par exemple en rendant le catéchisme obligatoire – ce que la loi interdit pour les établissements sous contrat d’association – sans compter avec des discours sur l’homosexualité qui dépassent largement le cadre de la liberté d’enseignement. Tout ça était bien dit dans un rapport d’inspection qui dormait le sommeil du juste dans quelque tiroir ministériel, et que Médiapart, profitant des déclarations d’Oudéa-Castéra, a remis sur la table. Ce n’est d’ailleurs pas une mauvaise chose !

      [C’est sûr que pour l’électeur moyen c’est secondaire mais pour la camarilla des médias c’est un péché mortel]

      Je ne sais pas ce qu’en pense « l’électeur moyen », mais c’est tout de même un problème que dans une institution d’enseignement reconnue et financée par l’Etat on enseigne comme des vérités scientifiques des choses fausses. Qu’on explique aux élèves dans des cours facultatifs de catéchisme que Dieu condamne l’homosexualité, pourquoi pas. Après tout, c’est bien ce que disent les textes, et les élèves ont le choix, s’ils ne veulent pas écouter ces sornettes, de ne pas y assister. Mais qu’on explique dans un cours de SVT que les MST sont une punition divine ou que l’homosexualité est une maladie, c’est inacceptable.

      [Apres, c’est sûr que le fait d’avoir menti (l’institutrice n’était pas absente et la motivation était de faire sauter une classe a un enfant en maternelle) n’arrange pas les choses et fait qu’une info mineure devient un fait majeur et une ministre qui s’enfonce elle-même (un peu comme un ministre du budget qui affirme ne pas avoir de compte en suisse et qui se fait prendre la main dans le sac)]

      Oui, mais plus que de lui reprocher un geste que tout parent aujourd’hui peut comprendre – et que beaucoup adoptent, ou le feraient s’ils en avaient les moyens – on devrait lui reprocher un manque d’expérience et de technicité politique. Un vrai politique sait qu’il ne faut jamais utiliser un prétexte qui puisse qui puisse être prouvé faux, de la même manière qu’il ne faut jamais fixer un objectif chiffré pour une date qui soit antérieure à votre fin de mandat…

      [PS: redresser l’éducation nationale est un chantier immense, qui est hors de porte de cette brave dame, même si elle le voulait]

      Ce n’est pas pour autant qu’on ne peut faire les choses un peu mieux ou un peu moins bien. Mais je ne pense pas qu’on puisse « redresser l’école », parce que l’école est un miroir de la société. Dans une société inégalitaire et bloquée, l’école ne peut que reproduire les inégalités et figer les parcours. La réussite de l’école de la IIIème République tient moins aux méthodes – qui ont quand même leur importance – qu’au contexte social d’une République qui, ayant balayé les élites monarchistes et aristocratiques, avait besoin de constituer de nouvelles élites. La massification des « trente glorieuses » n’a pas dégradé le système tant que la modernisation du pays créait un appel d’air pour la promotion sociale. C’est à la fin des années 1960, avec la fin de la croissance de rattrapage puis les deux crises pétrolières, que tout se coince, que les classes intermédiaires bloquent l’ascenseur social.

      • Tythan dit :

        @Descartes, en remerciant cdg pour son commentaire

        [Il y a un courant qui voudrait profiter de la première affaire pour faire la peau d’un établissement connu par sa proximité avec les intégristes catholiques]

        Ancien élève de l’établissement, je peux vous assurer que Stanislas n’est en rien un repère d’intégristes. Vous tombez dans la caricature gauchiste qui n’aiment les catholiques que lorsqu’ils se soumettent. Stanislas est un établissement catholique traditionnel. Sans doute effectivement l’un de ceux qui s’est le moins soumis, le moins “La Croix” si vous voulez, mais enfin ce n’est en rien de l’intégrisme. 

        [Tout le monde sait que Stanislas viole la loi, par exemple en rendant le catéchisme obligatoire – ce que la loi interdit pour les établissements sous contrat d’association]

        Officiellement, Stanislas, mais là pour le coup comme de très nombreux établissements sous contrat, distingue le cours de culture religieuse, obligatoire, des cours de catéchisme. Je vous reconnais volontiers que la distinction est un peu artificielle, mais il ne faut pas non plus exagérer : personne ne force les parents à mettre leurs enfants dans les établissements catholiques, et il est normal qu’il y ait une dimension catholique dans ces établissements, dimension qui est d’ailleurs de moins en moins présente au fur et à mesure des reculs de l’influence catholique dans la société française.

        [Tout ça était bien dit dans un rapport d’inspection qui dormait le sommeil du juste dans quelque tiroir ministériel, et que Médiapart, profitant des déclarations d’Oudéa-Castéra, a remis sur la table]

        J’ai lu ce rapport, et à mon avis s’il dormait du sommeil du juste dans un tiroir ministériel, c’est avant tout parce que malgré l’intention malveillante assez manifeste de ses auteurs, qui eux-mêmes ont été missionnés à la suite de “révélations” de Médiapart qui vomit littéralement tout ce que Stanislas représente, ils n’ont pas trouvé grand chose à se mettre sous la dent.

        [C’est tout de même un problème que dans une institution d’enseignement reconnue et financée par l’Etat on enseigne comme des vérités scientifiques des choses fausses]

        Ce n’est pas ce que dit le rapport, qui reproche simplement à l’établissement de ne pas suivre les recommandations sur les cours d’éducation à la sexualité. Et franchement, je suis désolé, mais à titre personnel, je pense que cela n’est pas du rôle de l’éducation nationale. 
        Vous ne le dites pas, mais je l’ai lu sur Twitter ou autres : il y a vraiment des gens, certes en général politisés très à gauche, qui croient sincèrement que Stanislas est un repère d’intégristes enseignant des théories créationnistes ou refusant d’expliquer la reproduction sexuée en cours de biologie. Pardon d’avoir l’impression de m’en prendre à vous en commentant votre texte, mais à ces gens, je n’ai rien d’autre à dire qu’il faut arrêter les délires au bout d’un moment.

        [Qu’on explique aux élèves dans des cours facultatifs de catéchisme que Dieu condamne l’homosexualité, pourquoi pas. Après tout, c’est bien ce que disent les textes, et les élèves ont le choix, s’ils ne veulent pas écouter ces sornettes, de ne pas y assister]

        J’ai évidemment tout le respect du monde pour toutes les personnes, et leur orientation sexuelle ne regarde bien entendu qu’elles. Mais en revanche, je ne suis pas d’accord avec votre proposition.
        Le fait que les religions, et en particulier celle catholique, condamnent l’homosexualité, est important à connaître. Et que si elles le font, sans que je demande à qui que ce soit d’y adhérer, ce n’est pas pour rien.
        Les catholiques, mais c’est vrai aussi des juifs et des musulmans, ont une vision particulière de l’homme et de la femme, et de leurs rapports entre eux. Vous êtes bien sûr libre de qualifier cela de sornettes, mais ce n’est pas mon cas et je considère qu’il est tout à fait normal que l’école transmette cette vision à mes enfants.
        Et c’est pour moi non seulement normal, mais c’est la raison pour laquelle j’ai inscrit mes enfants dans des écoles confessionnelles, même si je sais bien qu’aujourd’hui la plupart des parents y mettent leurs enfants pour d’autres raisons.

        [Mais qu’on explique dans un cours de SVT que les MST sont une punition divine ou que l’homosexualité est une maladie, c’est inacceptable]

        C’est l’évidence. Encore une fois, je ne dis pas que c’est votre cas, mais j’ai observé que de très nombreux Français pensaient sincèrement que c’était le cas s’agissant de Stanislas.
        Des propos à cette aune ont effectivement été tenus par un intervenant bénévole en cours de culture religieuse (obligatoire donc), mais le type a été exclu dès que la direction a été mise au courant (il semble toutefois qu’il y ait eu un petit ratage : de ce que je comprends, le gars avait tenu des propos limites auparavant sans qu’il y ait de retours appropriés. En revanche, quand il a tenu des propos inacceptables, là, l’info est remontée vite et la personne a été exclue dans la journée.

        • Descartes dit :

          @ Tythan

          [Ancien élève de l’établissement, je peux vous assurer que Stanislas n’est en rien un repère d’intégristes.]

          En tant qu’ancien élève, vous pouvez à la rigueur m’assurer que Stanislas n’était pas un répère d’intégristes à l’époque où vous l’avez fréquenté. Si j’en crois ce que racontent des amis dont les enfants fréquentent aujourd’hui l’établissement, je trouve que le mot « intégriste » est encore trop faible. « sectaire » serait plus précis.

          [Stanislas est un établissement catholique traditionnel.]

          L’intégrisme consiste précisément à reprendre de façon acritique la « tradition »…

          [« Tout le monde sait que Stanislas viole la loi, par exemple en rendant le catéchisme obligatoire – ce que la loi interdit pour les établissements sous contrat d’association » Officiellement, Stanislas, mais là pour le coup comme de très nombreux établissements sous contrat, distingue le cours de culture religieuse, obligatoire, des cours de catéchisme. Je vous reconnais volontiers que la distinction est un peu artificielle,]

          Est-ce que ces cours de « culture religieuse » font partie des programmes officiels ? Si ce n’est pas le cas, alors en les rendant « obligatoires » l’institution viole la loi, qui est très précise à ce sujet. D’autant plus que vous reconnaissez que la distinction est « artificielle ».

          [mais il ne faut pas non plus exagérer : personne ne force les parents à mettre leurs enfants dans les établissements catholiques,]

          De la même façon que personne ne force Stanislas à signer un contrat d’association avec l’Etat, contrat par lequel Stanislas reçoit de l’argent de mes impôts quand bien même je n’enverrai pas mes enfants là bais. Et en échange, Stanislas est tenu à un certain nombre d’obligations. Et l’une d’elles, c’est d’accueillir les élèves dont les parents ne souhaitent pas qu’ils reçoivent une instruction religieuse.

          [et il est normal qu’il y ait une dimension catholique dans ces établissements, dimension qui est d’ailleurs de moins en moins présente au fur et à mesure des reculs de l’influence catholique dans la société française.]

          Dès lors qu’ils sont sous contrat avec l’Etat, cette « dimension catholique » ne peut être que facultative. S’ils veulent la rendre obligatoire, alors ils n’ont qu’à rester hors contrat. Celui qui paye les musiciens choisit la musique.

          [« C’est tout de même un problème que dans une institution d’enseignement reconnue et financée par l’Etat on enseigne comme des vérités scientifiques des choses fausses » Ce n’est pas ce que dit le rapport, qui reproche simplement à l’établissement de ne pas suivre les recommandations sur les cours d’éducation à la sexualité.]

          Excusez-moi, mais parler de l’homosexualité comme une « maladie », ou affirmer que les homosexuels iront en enfer va bien au-delà de « ne pas suivre les recommandations sur les cours d’éducation à la sexualité ».

          [Et franchement, je suis désolé, mais à titre personnel, je pense que cela n’est pas du rôle de l’éducation nationale.]

          A titre personnel on peut penser beaucoup de choses, mais la loi c’est la loi. Et les écoles privées ne sont pas dispensées de l’appliquer.

          Vous ne le dites pas, mais je l’ai lu sur Twitter ou autres : il y a vraiment des gens, certes en général politisés très à gauche, qui croient sincèrement que Stanislas est un repère d’intégristes enseignant des théories créationnistes ou refusant d’expliquer la reproduction sexuée en cours de biologie.]

          Je ne le dis pas parce que je n’ai aucune information à ce sujet. Mais si je crois ce que me disent des amis, il y a à Stanislas une frontière assez floue entre ce qui relève de la vérité scientifique, et ce qui relève de la foi religieuse. Et souvent, des enseignants semblent confondre les deux. Et cela me semble très grave.

          [« Qu’on explique aux élèves dans des cours facultatifs de catéchisme que Dieu condamne l’homosexualité, pourquoi pas. Après tout, c’est bien ce que disent les textes, et les élèves ont le choix, s’ils ne veulent pas écouter ces sornettes, de ne pas y assister » (…) Le fait que les religions, et en particulier celle catholique, condamnent l’homosexualité, est important à connaître.]

          Notez bien qu’il y a ici un glissement sémantique. Dire que « dieu condamne l’homosexualité » et expliquer que « les religions condamnent l’homosexualité », ce n’est du tout la même chose. Dans le deuxième cas, c’est l’énonciation d’un fait historique. Dans la première, c’est une opinion religieuse, qui suppose a) que dieu existe, b) que les textes bibliques ou coraniques reflètent sa position. Deux points hautement discutables…

          [Les catholiques, mais c’est vrai aussi des juifs et des musulmans, ont une vision particulière de l’homme et de la femme, et de leurs rapports entre eux. Vous êtes bien sûr libre de qualifier cela de sornettes, mais ce n’est pas mon cas et je considère qu’il est tout à fait normal que l’école transmette cette vision à mes enfants.]

          Là encore, je vous demande de me relire avec attention. Qu’on explique aux enfants que catholiques, juifs et musulmans ont une – en fait plusieurs, parce que tous les catholiques, tous les juifs, tous les musulmans ne partagent pas la même – « vision particulière de l’homme et de la femme et de leurs rapports entre eux », cela ne me gêne nullement. C’est là l’énoncé d’un fait historique. Ce qui me gêne beaucoup plus, c’est qu’on attribue cette « vision » à dieu lui-même. C’est cette position que je qualifie de « sornettes ».

          [Et c’est pour moi non seulement normal, mais c’est la raison pour laquelle j’ai inscrit mes enfants dans des écoles confessionnelles, même si je sais bien qu’aujourd’hui la plupart des parents y mettent leurs enfants pour d’autres raisons.]

          Que l’école confessionnelle sous contrat d’association – et donc financée en partie sur deniers publics – transmette les valeurs en question dans des cours facultatifs, pourquoi pas. Mais rendre ces cours de facto ou de jure obligatoires, cela viole tout simplement l’esprit du contrat en question, pour ne pas mentionner la loi.

          [« Mais qu’on explique dans un cours de SVT que les MST sont une punition divine ou que l’homosexualité est une maladie, c’est inacceptable » C’est l’évidence. Encore une fois, je ne dis pas que c’est votre cas, mais j’ai observé que de très nombreux Français pensaient sincèrement que c’était le cas s’agissant de Stanislas. Des propos à cette aune ont effectivement été tenus par un intervenant bénévole en cours de culture religieuse (obligatoire donc), (…)]

          Pardon : ces « nombreux français qui pensent sincèrement que c’est le cas s’agissant de Stanislas » ont donc raison de le penser, puisque ce type de propos ont été EFFECTIVEMENT tenus.

          [mais le type a été exclu dès que la direction a été mise au courant (il semble toutefois qu’il y ait eu un petit ratage : de ce que je comprends, le gars avait tenu des propos limites auparavant sans qu’il y ait de retours appropriés. En revanche, quand il a tenu des propos inacceptables, là, l’info est remontée vite et la personne a été exclue dans la journée.]

          J’ai cru comprendre que ce n’est pas le cas, que des propos tout aussi « inacceptables » ont été tenus par cet intervenant – et par d’autres – et que les sanctions ne sont arrivés que tardivement, et seulement lorsque Stanislas s’est rendu compte qu’il était dans le collimateur de Médiapart.

        • Descartes dit :

          @ Tythan

          [Et c’est pour moi non seulement normal, mais c’est la raison pour laquelle j’ai inscrit mes enfants dans des écoles confessionnelles, même si je sais bien qu’aujourd’hui la plupart des parents y mettent leurs enfants pour d’autres raisons.]

          Après avoir commenté votre commentaire, j’ai eu un regret sur ce point qui me semble fondamental. Que vous souhaitiez transmettre à vos enfants une certaine vision des rapports entre les hommes et les femmes, et plus largement, une certaine conception des rapports humains ancré dans une certaine tradition, c’est votre droit et c’est tout à votre honneur. Mais le lieu privilégié de cette transmission est la famille, et non l’école. L’école publique n’est pas une école privée payée sur des fonds publics. La différence entre les deux est que l’école privée est l’école d’une communauté, alors que l’école publique est l’école de tous.

          Que vous le vouliez ou non, sauf à s’isoler dans une communauté de gens comme eux, vos enfants auront à vivre, à partager, à interagir dans une société où tout le monde ne partage pas leur vision du monde – ou la vision du monde que vous leur aurez transmise. Des gens aux origines, aux niveaux sociaux, aux traditions diverses. Où feront-ils l’apprentissage de cette coexistence, si ce n’est à l’école ? En les mettant dans une école qu’il faut bien appeler « communautaire », puisqu’elle-même joue sur cette logique de communauté, vous reproduisez le comportement de ceux – immigrés surtout, mais pas seulement – qui cherchent à s’isoler et isoler leurs enfants de la société en créant un cocon communautaire avec ses normes, ses règles, son fonctionnement. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, y compris du point de vue de celui qui veut transmettre à ses enfants une certaine tradition. N’oubliez pas que l’identité, cela se construit aussi « contre » une autre identité.

  7. Sylla dit :

    Bonjour,
    Je n’ai pas non plus compris les réactions, ou, n’ayant pas creusé, peut être le montage qu’en font les médias.
    Il me semble néanmoins que l’actuelle ministre, héritière de la situation et des promesses laissées par sept ans de ministres macron (voire plus, “hypercentre” oblige), aurait pu faire de ce constat un préalable à l’action -même si je comprends que les contraintes budgétaires associées à la baisse démographique et la répartition électorale n’incitent pas à l’embauche de nouveaux fonctionnaires, voire que son méga ministère disperse quelque peu l’attention de cette dame, reste que l’éducation et l’encadrement de la jeunesse d’un pays devrait être un engagement soutenu et permanent.
      Après, si comme vous le dites, le choix millénaire est de retirer l’échelle et de recruter ailleurs pour servir une minorité bien dotée…
      Un gros bémol néanmoins, j’ai cru comprendre qu’on parle de 1% d’heures non remplacées, ce qui me paraît négligeable en face des heures perdues dans des enseignement folkloriques (de l’option cirque aux activités scoubidou).
    Et surtout est elle seulement ministre autrement qu’en titre?

    • Descartes dit :

      @ Sylla

      [Il me semble néanmoins que l’actuelle ministre, héritière de la situation et des promesses laissées par sept ans de ministres macron (voire plus, “hypercentre” oblige), aurait pu faire de ce constat un préalable à l’action -même si je comprends que les contraintes budgétaires associées à la baisse démographique et la répartition électorale n’incitent pas à l’embauche de nouveaux fonctionnaires, voire que son méga ministère disperse quelque peu l’attention de cette dame, reste que l’éducation et l’encadrement de la jeunesse d’un pays devrait être un engagement soutenu et permanent.]

      L’actuelle ministre hérite d’une politique qui, depuis la fin des années 1970, exhibe une remarquable continuité. Celle qui écarte l’école – et j’entends par là l’ensemble du système éducatif – de sa fonction institutionnelle pour en faire un lieu de consommation. Pour caricaturer, on est passé de discours « l’école est là pour former les citoyens dont la France a besoin » au discours « l’élève au centre du système ». Il ne s’agit pas d’éduquer et encadrer la jeunesse, mais d’offrir aux jeunes – et à leurs parents – une sorte de « supermarché des diplômes ». Et tous ceux qui travaillent dans l’éducation le constatent : le comportement aujourd’hui des élèves comme des parents est celui d’un « client », qui estime que l’institution est là pour satisfaire ses demandes individuelles, et non celles de la nation dans son ensemble.

      Cette politique n’est pas le résultat d’un choix machiavélien, elle accompagne une transformation de la société. Que ce soit pour le train, l’électricité, l’eau ou la poste on est passé de l’usager au client. Pourquoi l’école devrait-elle échapper à ce mouvement ? Et de la même manière qu’on privatise les trains, l’électricité, l’eau et le courrier, on privatise « à bas bruit » l’éducation.

      [Un gros bémol néanmoins, j’ai cru comprendre qu’on parle de 1% d’heures non remplacées, ce qui me paraît négligeable en face des heures perdues dans des enseignement folkloriques (de l’option cirque aux activités scoubidou).]

      Sauf que, s’il y a 1% d’heures non remplacées, ce 1% n’est pas distribué uniformément. On laisse bien plus facilement une classe sans professeur à La Courneuve qu’à Neuilly…

      [Et surtout est-elle seulement ministre autrement qu’en titre ?]

      Cela dépend de l’idée qu’on se fait du rôle d’un ministre…

  8. bernard dit :

    A mourir de rire même Roussel demande des excuses publiques !!

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [A mourir de rire même Roussel demande des excuses publiques !!]

      Fut un temps où les dirigeants du PCF refusaient de participer à ce genre de polémiques personnelles. O tempora, o mores…

  9. Cording1 dit :

    Le journaliste Nicolas Poincaré qui a un enfant scolarisé dans le même établissement que Madame le ministre a démenti son allégation de “paquets d’heures non remplacées”. 
    Les promesses de Macron et sa clique de voir tous les professeurs absents remplacés ainsi que la disparition des SDF de nos villes n’engagent que ceux qui les reçoivent et ont la naïveté d’y croire. Moi qui suis hostile à Macron depuis qu’il a été ministre de l’économie de Hollande. Je n’ai jamais joué les castors et ne le ferait jamais quoiqu’il arrive pour lui et/ou le clone qui lui succédera en 2027.
    Tous mes meilleurs voeux pour vous et pour 2024 en espérant qu’elle sera moins pire que 2023 ce qui n’est pas sûr du tout. Et au plaisir de vous lire.

  10. Patriote Albert dit :

    La société française, du moins dans sa partie médiatique et politique, est franchement en train de virer à la crise d’hystérie généralisée. Déjà 48h que les médias tournent en boucle sur la question de savoir pourquoi la Ministre a mis ses enfants dans le privé ; on ne compte plus les appels à la démission pour ce crime infâme ; un obscur syndicat a porté plainte contre “AOC” devant la Cour du justice de la République pour ses propos…
     
    La palme du pathos revient à Patrick Bloche, adjoint à la maire de Paris chargé de l’éducation, qui est allé à l’école Littré hier matin pour… « soutenir les équipes ». Mais que n’a-t-on pas mis en place une cellule d’aide psychologique ! Une minute de silence à l’Assemblée !
     
    En attendant, on esquivera bien sûr le débat de fond sur la légitimité de la coexistence d’un système public et d’un système privé, et on contribuera encore une fois à éloigner un bonne partie des Français de la chose publique. Peut-être est-ce également pour cela que les commentaires perdent en intensité sur ce blog auquel, pour ma part, je suis toujours aussi attaché, et grâce auquel j’ai pu élargir considérablement ma culture politique – soyez-en remercié au passage. Mais que reste-t-il à commenter de cette actualité politique qui ressemble de plus en plus à un spectacle de cirque ?
     
    Bonne année 2024 quand-même !

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [La société française, du moins dans sa partie médiatique et politique, est franchement en train de virer à la crise d’hystérie généralisée. Déjà 48h que les médias tournent en boucle sur la question de savoir pourquoi la Ministre a mis ses enfants dans le privé ; on ne compte plus les appels à la démission pour ce crime infâme ; un obscur syndicat a porté plainte contre “AOC” devant la Cour de justice de la République pour ses propos…]

      Tout à fait. A force de faire de la communication l’alpha et l’oméga, le monde politico-médiatique devient fou. Les remarques grossières qu’un acteur en fin de carrière peut faire en privé deviennent une affaire d’Etat, au point que le président de la République donne son avis sur la question – et que les journalistes l’interrogent sur celui-ci. Une ministre est mise au pilori médiatique pour avoir fait ce que la moitié des classes intermédiaires parisiennes font, et que l’autre moitié rêve de faire. Et pendant ce temps, un gouvernement incomplet – depuis quand on prend deux semaines en France pour compléter l’équipe ministérielle ? – semble gérer les affaires courantes.

      [En attendant, on esquivera bien sûr le débat de fond sur la légitimité de la coexistence d’un système public et d’un système privé,]

      Mais c’est bien le but. Si les classes intermédiaires, si bien représentées dans nos milieux politiques et médiatiques, font un tel scandale, c’est parce que la ministre par sa maladresse risque de mettre le projecteur sur la question du séparatisme scolaire, de la coexistence entre un système qui peut se permettre de sélectionner ses élèves – et donc d’organiser l’entre-soi – et un autre obligé de prendre celui qui se présente à sa porte.

  11. claustaire dit :

    Même si le pays s’y est résigné depuis plus de 50 ans (Cf. loi Debré), il ne devrait pas être interdit de se demander comment justifier que les futurs concitoyens d’une même République une et indivisible puissent être formés et instruits dans des écoles distinctes pratiquant une sélection sociale ou idéologique dans le choix de leurs élèves. 
     
    Certes, naguère, on pouvait prétendre que le Service militaire incorporerait tous les futurs citoyens pour les forger dans un creuset national, ce qui n’est même plus le cas depuis Chirac.
     
    Qu’on ne s’étonne donc pas que s’accentuent les clivages sociaux dans un pays où, dès l’enfance, les futurs concitoyens peuvent être forgés séparément pendant des années. Surtout si l’enseignement privé ne peut que se renforcer en prestige à mesure que l’enseignement public se sera dégradé, à cause du cercle vicieux d’une comparaison injuste et faussée.
     
     

    • Descartes dit :

      @ claustaire

      [Même si le pays s’y est résigné depuis plus de 50 ans (Cf. loi Debré), il ne devrait pas être interdit de se demander comment justifier que les futurs concitoyens d’une même République une et indivisible puissent être formés et instruits dans des écoles distinctes pratiquant une sélection sociale ou idéologique dans le choix de leurs élèves.]

      Je pense qu’il faut noter quand même un changement important depuis la loi Debré qui date, il faut le rappeler, de 1959. A l’époque, le système public d’enseignement était incontestablement l’un des meilleurs du monde. Le statut des enseignants, le système de formation et de recrutement, sa capacité à financer des services de support pédagogique permettaient d’offrir une qualité très supérieure à celle du privé – exception faite de quelques grands établissements privés de prestige, qui d’ailleurs ont souvent préféré garder leur autonomie et ne pas conclure de contrat avec l’Etat.

      En 1959 il ne s’agissait pas d’organiser l’entre-soi des privilégiés, mais d’encadrer l’enseignement religieux privé : en échange d’un soutien financier, on leur imposait des règles pour ce qui concerne les programmes et le recrutement des enseignants, tout en préservant le choix des parents qui souhaitaient apporter à leur enfant un complément sur des sujets que l’école publique ne peut ou ne veut aborder – en général, les questions religieuses.

      L’équation change radicalement lorsqu’on commence à voir dans l’enseignement privé non pas un moyen d’apporter ce complément, mais un moyen d’échapper à la baisse de la qualité de l’enseignement public, d’élever ses enfants dans un « entre soi » social, voire à bénéficier d’un traitement de « client privilégié » comme cela semble être le cas dans l’affaire Oudéa-Castéra.

      [Certes, naguère, on pouvait prétendre que le Service militaire incorporerait tous les futurs citoyens pour les forger dans un creuset national, ce qui n’est même plus le cas depuis Chirac.]

      Depuis bien avant en fait : des contournement comme les volontariats longs ou la coopération sans parler des affectations permettaient à ceux qui avaient fait des études longues – c’est-à-dire en général les rejetons des classes intermédiaires et bourgeoises – d’échapper au crapahutage en forêt, aux bordels des villes de garnison et autres expériences initiatiques.

      [Qu’on ne s’étonne donc pas que s’accentuent les clivages sociaux dans un pays où, dès l’enfance, les futurs concitoyens peuvent être forgés séparément pendant des années.]

      On ne s’étonne pas. Je dirais même que c’est le but poursuivi ! C’est pour cela qu’Oudéa-Castéra est condamnée par ceux-là même qui rêvent de faire comme elle. Parce qu’elle risque de mettre sur la place publique quelque chose que nos élites préféreraient maintenir discrètement caché.

      • kaiser hans dit :

        Après pour être un peu nuancé Stanislas à une certaine époque accordait des bourses (charité chrétienne tout ça). J’en ai bénéficié six ans.
        Par contre et c’est là une forme de conseil que je donne, tous les élèves qui n’étaient pas vraiment du milieu stan se sont fait harceler violent , et ce avec la complicité des profs. Donc , et c’est là mon conseil, n’allez pas à stan si vous n’êtes pas du milieu stan

        • Descartes dit :

          @ kaiser hans

          [Par contre et c’est là une forme de conseil que je donne, tous les élèves qui n’étaient pas vraiment du milieu stan se sont fait harceler violent , et ce avec la complicité des profs.]

          Sans vouloir évoquer des souvenirs qui peuvent être douloureux, pouvez-vous être plus explicite ? En quoi consistait cet “harcèlement” ? Je vous demande cela parce qu’il faut faire une différence entre les rituels d’initiation et le simple harcèlement. Lorsqu’on accède à un milieu qui n’est pas le notre, il y a souvent une forme d’initiation plus ou moins violente qui teste symboliquement la volonté du candidat à s’intégrer à son nouveau milieu. Tant que cela ne dépasse certaines limites, ce comportement ne me paraît pas en lui-même malsain…

          • kaiser hans dit :

            On parle d’agressions physiques à 4 contre un , quotidiennes, de gifles données en cours pour vous faire coller quand vous vous retournez, de livres de cours brûlés de manteaux volés, d’argent racketté, de poussée plus croche pattes dans l’escalier et ça dure tant que vous ne partez pas ou tant que, comme une relation, vous ne vous suicidez pas

            • Descartes dit :

              @ kaiser hans

              [On parle d’agressions physiques à 4 contre un , quotidiennes, de gifles données en cours pour vous faire coller quand vous vous retournez, de livres de cours brûlés de manteaux volés, d’argent racketté, de poussée plus croche pattes dans l’escalier et ça dure tant que vous ne partez pas ou tant que, comme une relation, vous ne vous suicidez pas]

              Merci de ces précisions. Effectivement, cela dépasse très largement la logique d’une initiation. Cela ressemble plutôt au fonctionnement d’un groupe qui prétend préserver son “entre soi” en chassant tous ceux qui ne correspondent à son profil.

  12. Jacobin dit :

    A mon avis, les propos de la ministre font scandale, certes pour ce qu’elle dit (à tort) concernant l’absentéisme (qui est plus faible à l’EN que dans le privé et dans le reste du public), mais surtout pour ce qu’elle ne dit pas, ce qui est tellement évident pour elle que ça tombe sous le sens : puisqu’elle en a les moyens (et ce ne sont pas des moyens de “classe intermédiaire”, car Mme la ministre est une grande-bourgeoise), elle assume de ne pas se priver de faire sécession, de choisir l’entre-soi, fût-il le plus rétrograde (mais à la limite ce point est secondaire, cf l’école alsacienne, réputée plus progressiste), de ceux pour qui l’argent ouvre toutes les portes, est ce filtre des bénis de la société capitaliste qui, ensuite, viendront justifier, la main sur le coeur, leur amour de cette “méritocratie” qui les a portés au Mont Olympe, et qui justifie leurs mentions très bien, leurs grandes écoles, leurs grands corps, leurs rosettes de la légion d’honneur.
    Je le dis d’autant plus que, ayant fait tout mon parcours dans le public et étant aussi arrivé là (grandes écoles, grands corps), j’ai l’impression d’avoir eu à consentir à des efforts infiniment plus importants, de travail mais aussi de connaissance du labyrinthe des “bonnes” orientations, pour y parvenir que ceux qui ont fait Stani ou Ginette, et que, même dans le corps, les hiérarchies antérieures demeurent patentes (je suis clairement resté un plouc de province à leurs yeux, et nous n’aurons de toute façon ni les mêmes postes, ni les mêmes paies et, quand bien même, leur héritage patrimonial rend de toute façon vains tous les efforts pour tenter de faire semblant de croire que ce fichu ascenseur social fonctionne encore, si bien que je me demande vraiment ce que je fais là). Mme la ministre étale, sans même se rendre compte du pavé qu’elle jette dans la marre de ce que certains dans son parti feignent encore de faire semblant de faire tenir (la république, tout ça), son mépris pour tout ça ; il n’y a même plus d’éléments de langage (ou en rattrapage de dernière minute), l’objectif est de ringardiser le service public (pas que l’école) et, avec lui, tous ceux qui n’ont que ça comme espoir. J’attends la prochaine saillie de la ministre de la santé, qui sera du genre : “j’en avais marre de l’attente aux urgences de l’hôpital public, alors je suis allé à la clinique privée”… quoi on y est déjà ?

    • Descartes dit :

      @ Jacobin

      [puisqu’elle en a les moyens (et ce ne sont pas des moyens de “classe intermédiaire”, car Mme la ministre est une grande-bourgeoise),]

      Je ne vois pas en quoi elle serait une « grande bourgeoise ». A-t-elle des usines ? Vit-elle des rentes de son capital ? Non, elle a toujours vécu de ses salaires. Salaires tout à fait confortables certes – pour certains, le mot « indécents » semble plus approprié – mais salaires enfin. Elle illustre à la perfection ma théorie du capital immatériel : pourquoi la FFT a accepté de lui payer quelque 35.000 € annuels, si ce n’est pas parce qu’elle y apportait quelque chose qui va bien au-delà de sa simple force de travail ?

      [elle assume de ne pas se priver de faire sécession, de choisir l’entre-soi,]

      Mais justement, elle ne l’assume pas. Elle ne dit pas au journaliste « j’ai mis mon enfant dans le privé parce que je voudrais qu’il soit avec des enfants qui lui ressemblent », ou bien « j’ai mis mon enfant là où il aura le meilleur enseignement ». A aucun moment elle ne présente sa décision comme un choix libre de sa part. Elle s’invente une excuse et tient un discours du genre « vous comprenez, je n’ai pas eu le choix ».

      Si elle était comme vous dites une « grande bourgeoise », elle aurait probablement répondu au journaliste « nous sommes dans un pays libre, j’inscris mon enfant à l’école de mon choix, et je n’ai pas à me justifier ». Mais comme Oudéa-Castéra n’est pas une « grande bourgeoise », mais bien un membre des classes intermédiaires, elle hérite d’un surmoi qui l’oblige à se justifier, à essayer de montrer qu’elle est conforme aux « valeurs » égalitaires…

      [de ceux pour qui l’argent ouvre toutes les portes, est ce filtre des bénis de la société capitaliste qui, ensuite, viendront justifier, la main sur le coeur, leur amour de cette “méritocratie” qui les a portés au Mont Olympe, et qui justifie leurs mentions très bien, leurs grandes écoles, leurs grands corps, leurs rosettes de la légion d’honneur.]

      Vous noterez qu’ils scient ce faisant la branche sur laquelle ces couches sont assises. La méritocratie avec un effet légitimant aussi longtemps que le jeu paraissait raisonnablement ouvert. Mais si tout le monde perçoit que les dés sont pipés dès le départ, alors la justification méritocratique perd tout son sens.

      [Je le dis d’autant plus que, ayant fait tout mon parcours dans le public et étant aussi arrivé là (grandes écoles, grands corps), j’ai l’impression d’avoir eu à consentir à des efforts infiniment plus importants, de travail mais aussi de connaissance du labyrinthe des “bonnes” orientations, pour y parvenir que ceux qui ont fait Stani ou Ginette,]

      Certes, mais vous y êtes arrivé quand même. La méritocratie n’a jamais prétendu éliminer les différences sociales. Il aurait été d’ailleurs étonnant que les classes dominantes tolèrent un système de sélection qui empêcherait leur reproduction sociale. Il est clair que les classes dominantes cherchent à se perpétuer, et qu’elles partent avec un avantage. Mais tant que cet avantage reste raisonnable, tant que les individus issus des autres classes gardent une possibilité raisonnable d’être promus au mérite, le système marche.

      [et que, même dans le corps, les hiérarchies antérieures demeurent patentes (je suis clairement resté un plouc de province à leurs yeux, et nous n’aurons de toute façon ni les mêmes postes, ni les mêmes paies et, quand bien même, leur héritage patrimonial rend de toute façon vains tous les efforts pour tenter de faire semblant de croire que ce fichu ascenseur social fonctionne encore, si bien que je me demande vraiment ce que je fais là).]

      Pour ce qui me concerne, je n’ai peut-être pas eu la carrière que j’aurais eu si j’avais appartenu à la classe intermédiaire « installée » et passé par Stan ou Ginette, mais grâce à la méritocratie et en passant par le système public et gratuit – certes, à une époque qui n’est plus la nôtre – j’ai pu faire une carrière impensable pour mes parents et mes grands-parents. La méritocratie n’est peut-être pas un système parfaitement égalitaire – comment pourrait-il l’être, dans une société fondamentalement inégalitaire – mais reste le pire à l’exception de tous les autres. Ne crachons donc pas trop vite sur la méritocratie.

      [Mme la ministre étale, sans même se rendre compte du pavé qu’elle jette dans la marre de ce que certains dans son parti feignent encore de faire semblant de faire tenir (la république, tout ça), son mépris pour tout ça ;]

      Exactement mon point. Si l’establishment gueule, c’est parce que la maladresse de la ministre conduit à mettre les projecteurs sur un sujet que le bloc dominante n’a aucune envie de voir discuté.

      [J’attends la prochaine saillie de la ministre de la santé, qui sera du genre : “j’en avais marre de l’attente aux urgences de l’hôpital public, alors je suis allé à la clinique privée”… quoi on y est déjà ?]

      Sans commentaire…

      • Jacobin dit :

        Je maintiens que Mme la ministre est, au moins par alliance, grande-bourgeoise : elle est l’épouse du PDG de Sanofi, lui-même ancien PDG de la Société générale (et accessoirement ancien haut-fonctionnaire ayant délaissé le service de l’Etat pour aller dans le privé). Si moi, plouc de province devenu haut fonctionnaire, je veux bien me laisser qualifier de membre de la classe intermédiaire même supérieure si on veut, je n’ai ni les moyens de vivre dans le 6e arrondissement de Paris (ni par mes salaires propres ni même en y ajoutant ceux de ma compagne) ni même, dans la ville de province où j’ai dû déménager suite à la naissance de mon fils au regard du coût de la vie à Paris, de scolariser celui-ci dans le privé (ne parlons même pas de Stanislas).
        Pour le reste, oui fondamentalement la société reste liquide et rien n’est formellement ni interdit ni impossible, mais il y a comme une force de rappel, une viscosité à cette liquidité supposée de la démocratie libérale, que pour pouvoir emprunter les chemins qu’elle prétend ouverts à qui le veut ou le peut, il faut en réalité des efforts difficiles que certains font faire à leur argent ; d’autres, comme moi, y passent leurs soirées et weekends. Et une fois franchis ces obstacles, la déception de constater la médiocrité de ces gens qui sont arrivés là si naturellement par la seule force de l’argent de leurs héritages et qui reproduisent, à l’intérieur même des grands corps, les hiérarchies sociales antérieures. Comme vous, je n’aurais sans doute pas eu cette trajectoire si tout était verrouillé, mais d’une part, par comparaison à mes grands-parents (ouvriers et paysans), la structure socio-économique a évolué et ces métiers ont décru pendant que les métiers du tertiaire ont fortement augmenté, et d’autre part, d’une certaine façon est-ce que les “transfuges de classe” (je n’aime pas ce mot mais admettons le) ne servent pas de caution à un système dont ils sont pourtant l’exception ? Certes j’ai peut-être fait la nique a un certain nombre d’ex de Stan et Ginette sur le papier (diplôme, concours, etc), mais en attendant la plupart d’entre eux seront de toute façon toujours plus riche que moi et avec infiniment moins d’efforts (et y compris dans les grands corps, une stricte hiérarchie sociale demeure de toute façon). La seule satisfaction de jouir du mépris que m’inspire la médiocrité (toute bourgeoise) de pas mal de ces gens installés et des congénères de mon corps d’appartenance n’est pas suffisante pour compenser l’impression que, quoi que je fasse, je serai de toute façon perdant et ferai de toute façon partie des dominés face à eux.
        L’affaire Stan / Oudea-Castera met tout ça en lumière et explique la rage qu’elle suscite. Mais je ne crois pas que les classes intermédiaires soient celles qui soient les plus coupables car elles sont elles-mêmes dominées par la (haute) bourgeoisie, même alliées à elle comme vous le soulignez souvent (à juste titre) dans vos papier. Si les classes intermédiaires tentent, par le privé, de se raccrocher à la bourgeoisie, elles font à mon avis fausse route sur l’illusion de pouvoir un jour être son égale ; le poids du capital économique est trop puissant pour être contrebalancé par le capital culturel (pour reprendre la grille d’explication bourdieusienne) ; si dans les années 60, le premier a pu se faire nuancer par le second, je crois qu’il n’en est plus ainsi aujourd’hui mais certains y croient encore et mettent en conséquence leurs enfants dans un privé (qui n’est pas forcément Stanislas…) dans l’espoir (déçu d’avance à mon avis) ou l’illusion que l’école permettra l’ascension sociale.  Certes, le public est dans un tel état de dégradation organisée depuis des décennies qu’il rend encore moins possible qu’à nos époques l’ascenseur social, mais je crois que les classes intermédiaires se leurrent quant à la capacité du privé auquel elles ont accès de pouvoir le faire aussi.
         
         

        • Descartes dit :

          @ Jacobin

          [Je maintiens que Mme la ministre est, au moins par alliance, grande-bourgeoise : elle est l’épouse du PDG de Sanofi, lui-même ancien PDG de la Société générale (et accessoirement ancien haut-fonctionnaire ayant délaissé le service de l’Etat pour aller dans le privé).]

          Mais un PDG salarié est-il un « bourgeois » ? Oui si l’on utilise le mot « bourgeois » au sens de quelqu’un qui a un haut revenu. Frédéric Oudéa fut certes PDG de la Société Générale, mais il fut un PDG salarié, et non le détenteur du capital. Autrement dit, un employé des actionnaires. Certes, un employé ayant un pouvoir de décision et une autonomie importante, et disposant d’un revenu très confortable, mais un employé quand même. A partir de quel niveau pour vous un cadre salarié devient un « bourgeois ?

          Si on veut utiliser la grille d’analyse marxiste, il faut être rigoureux avec les concepts. Ce qui distingue le bourgeois du prolétaire n’est pas son haut revenu ou son mode de vie, mais la place que chacun occupe dans le mode de production. Le bourgeois détient le capital, et achète la force de travail du prolétaire – à un prix inférieur à la valeur produite par ce dernier. Le prolétaire vend sa force de travail. Maintenant, de quel côté se trouve le PDG salarié d’une grande entreprise ? Il vend certes sa force de travail, mais on peut difficilement dire qu’il le vende à un prix inférieur à la valeur qu’il produit. Il n’est donc pas « bourgeois » pas plus qu’il n’est « prolétaire » : c’est pour combler ce vide qu’il faut introduire l’idée d’une troisième classe, la « classe intermédiaire »…

          [Si moi, plouc de province devenu haut fonctionnaire, je veux bien me laisser qualifier de membre de la classe intermédiaire même supérieure si on veut, je n’ai ni les moyens de vivre dans le 6e arrondissement de Paris (ni par mes salaires propres ni même en y ajoutant ceux de ma compagne) ni même, dans la ville de province où j’ai dû déménager suite à la naissance de mon fils au regard du coût de la vie à Paris, de scolariser celui-ci dans le privé (ne parlons même pas de Stanislas).]

          Certes. Et alors ? Une classe n’a aucune raison d’être homogène en termes de revenu. Il y a des manœuvres qui gagnent à peine le SMIC, alors qu’un soudeur qualifié nucléaire peut gagner entre cinq et huit fois plus. Diriez-vous qu’ils n’appartiennent pas à la même classe ? Et de même, quel rapport entre le PDG de la Société générale et le propriétaire d’un atelier mécanique ayant cinq salariés ?

          Contrairement à ce que croient beaucoup de nos concitoyens, on ne fait pas fortune dans la haute fonction publique. Les « hauts fonctionnaires » ont souvent des fonctions intéressantes qui leur donnent un pouvoir important sur la vie de leurs concitoyens, mais leurs revenus sont rarement en relation avec leurs responsabilités, et certainement pas comparables à ceux du privé pour des responsabilités équivalentes. Cela ne les empêche pas d’appartenir à la même classe, d’avoir des intérêts communs et donc des comportements politiques similaires… pensez-vous que le vote des hauts fonctionnaires soit fondamentalement différent de celui des PDG des grandes entreprises ?

          [Pour le reste, oui fondamentalement la société reste liquide et rien n’est formellement ni interdit ni impossible, mais il y a comme une force de rappel, une viscosité à cette liquidité supposée de la démocratie libérale, que pour pouvoir emprunter les chemins qu’elle prétend ouverts à qui le veut ou le peut, il faut en réalité des efforts difficiles que certains font faire à leur argent ; d’autres, comme moi, y passent leurs soirées et weekends. Et une fois franchis ces obstacles, la déception de constater la médiocrité de ces gens qui sont arrivés là si naturellement par la seule force de l’argent de leurs héritages et qui reproduisent, à l’intérieur même des grands corps, les hiérarchies sociales antérieures.]

          Je ne vous dirai pas le contraire. Comme vous, j’aimerais que notre République fut une méritocratie intégrale. Comme vous, j’ai pu noter que si l’on trouve dans la haute fonction publique des personnalités exceptionnelles qui méritent totalement leur brillante carrière, on y trouve aussi des individus qui, sans le capital social hérité de leurs parents ne seraient certainement pas là où ils sont. Même si nous ne sommes pas encore arrivés à l’état ou l’on peut acheter une place au Conseil d’Etat ou à l’Inspection des finances, comme c’était le cas avec la vénalité des charges sous l’ancien régime.

          [et d’autre part, d’une certaine façon est-ce que les “transfuges de classe” (je n’aime pas ce mot mais admettons le) ne servent pas de caution à un système dont ils sont pourtant l’exception ?]

          Je n’aime pas le terme de « transfuges de classe », parce qu’il est pour moi associé à une idéologie d’immobilisme social. Elle suggère quelque part qu’un individu a un « devoir » de rester dans sa classe, qu’il trahirait en cherchant une promotion. Or, la volonté pour chacun d’entre nous d’améliorer sa situation est une volonté universelle, qu’il faut à mon sens encourager plutôt que de censurer.

          Le système est ce qu’il est, c’est-à-dire, inégalitaire. Et comme on ne voit pas de crise systémique à l’horizon, il risque de le rester encore quelque temps. Dans ce contexte, la question qu’il faut se poser est quel est le système le moins pire, celui qui permet le mieux de réduire les inégalités. Je reste persuadé que le système méritocratique, qui permet une représentation – limitée, certes, mais réelle – de gens venus des couches populaires dans les positions de pouvoir est meilleur qu’un système où votre statut social est strictement lié à votre patrimoine. Vous noterez d’ailleurs que les deux systèmes se trouvent des « cautions » pour déguiser leur caractère inégalitaire…

          [Certes j’ai peut-être fait la nique a un certain nombre d’ex de Stan et Ginette sur le papier (diplôme, concours, etc), mais en attendant la plupart d’entre eux seront de toute façon toujours plus riche que moi et avec infiniment moins d’efforts (et y compris dans les grands corps, une stricte hiérarchie sociale demeure de toute façon).]

          Je ne saurais vous dire, je n’ai pas eu la chance comme vous d’intégrer un “grand corps”, je me contente d’un “petit”… 😉

          Désolé, pour vous, mais nous vivons dans une société capitaliste. Et vous ne pouvez demander à un système de sélection sociale de fonctionner comme si ce cadre n’existait pas. Le jour où nous ferons le socialisme, nous arriverons peut-être à une méritocratie intégrale. En attendant, il nous faut nous contenter de rechercher le moindre mal. Je reste persuadé qu’un système ou des gens comme vous et moi peuvent accéder à des fonctions d’un certain niveau – même si cela n’efface pas les inégalités de fortune – est bien meilleur que celui où cet accès est barré à ceux qui n’ont pas le capital.

          [L’affaire Stan / Oudea-Castera met tout ça en lumière et explique la rage qu’elle suscite. Mais je ne crois pas que les classes intermédiaires soient celles qui soient les plus coupables car elles sont elles-mêmes dominées par la (haute) bourgeoisie, même alliées à elle comme vous le soulignez souvent (à juste titre) dans vos papiers.]

          Je ne parle pas de « culpabilité », ce qui supposerait une qualification morale. Les classes intermédiaires défendent leurs intérêts, c’est tout.

          [Si les classes intermédiaires tentent, par le privé, de se raccrocher à la bourgeoisie, elles font à mon avis fausse route sur l’illusion de pouvoir un jour être son égale ; le poids du capital économique est trop puissant pour être contrebalancé par le capital culturel (pour reprendre la grille d’explication bourdieusienne) ; si dans les années 60, le premier a pu se faire nuancer par le second, je crois qu’il n’en est plus ainsi aujourd’hui mais certains y croient encore et mettent en conséquence leurs enfants dans un privé (qui n’est pas forcément Stanislas…) dans l’espoir (déçu d’avance à mon avis) ou l’illusion que l’école permettra l’ascension sociale.]

          L’obsession des classes intermédiaires aujourd’hui n’est pas tant de réussir l’ascension vers la bourgeoisie, comme cela pouvait être le cas dans les années 1960, que d’éviter le déclassement vers les couches populaires. Certes, il reste des groupes dans les « classes intermédiaires » qui croient à cette promotion et la recherchent – pensez par exemple à la mythologie du « start-upper » devenu milliardaire dans les Grandes écoles d’ingénieurs – mais ils sont très minoritaires. La grande majorité des classes intermédiaires est assez consciente du fait qu’elle vit dans une société bloquée, dont la faible croissance réduit à presque rien la mobilité sociale vers le haut. Le problème n’est pas tant de monter que d’éviter de descendre.

          Mettre ses enfants dans le privé, c’est leur assurer une éducation meilleure que la moyenne – et surtout meilleure que celle de leurs éventuels compétiteurs venus des couches populaires. Cela ne permet pas de devenir bourgeois, mais au moins les préserve des affres du déclassement…

        • claustaire dit :

          Une “liquidité visqueuse”, admirable expression pour qualifier la dynamique sociale de notre méritocratie.

  13. P2R dit :

    @ Descartes
     
     
    Pour en avoir discuté avec des connaissances du corps enseignant, la levée de boucliers contre l’excuse des heures non-remplacées a été pour certains motivés non-pas par un sentiment de remise en cause personnelle (ou du corps enseignant dans sa globalité), mais pour ce qu’elle apparaissait comme une tentative grossière de justifier un comportement personnel discutable sur le plan éthique en mettant en avant un problème que le gouvernement s’attelle spécifiquement à régler depuis quelques mois. Autrement dit, des enseignants ont suspecté la ministre de tenter de retourner le “buzz” de la scolarisation de ses enfants pour faire la publicité de la politique gouvernementale, et en particulier du Pacte enseignants. Je ne sais pas à quel point ce motif de grogne est étendu ou limité, à première vue j’avoue que l’argument me semble un peu suspect.
     
     
    En tout cas, et toujours pour le vivre non-pas de l’intérieur mais avec une certaine proximité, j’ai l’impression que le pacte enseignant est une étape dans la bonne direction. Les professeurs râlent, mais au final ils sont de plus en plus nombreux à accepter des missions périphériques, dont le remplacement de courte durée d’un collègue absent fait obligatoirement partie. Il y a bien entendu des abus (par exemple un cours de maths annulé, remplacé par une heure d’étude surveillée par un prof d’EPS..) mais je pense qu’il faut laisser le temps au dispositif de trouver son rythme de croisière et d’ajuster ses conditions d’applications.. A moins que l’objectif ne soit de produire de la statistique, auquel cas les heures d’enseignement fondamental remplacées par des heures d’étude ont de belles heures devant elles. L’avenir nous le dira.

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [En tout cas, et toujours pour le vivre non-pas de l’intérieur mais avec une certaine proximité, j’ai l’impression que le pacte enseignant est une étape dans la bonne direction. Les professeurs râlent, mais au final ils sont de plus en plus nombreux à accepter des missions périphériques, dont le remplacement de courte durée d’un collègue absent fait obligatoirement partie.]

      Pour moi, le « pacte enseignant » jette une lumière crue sur la dégradation du climat chez les enseignants. J’ai travaillé dans beaucoup de milieux, dans l’industrie, dans la recherche, dans l’administration, et partout où j’ai exercé mes maigres talents ont trouvait parfaitement normal de « couvrir » pour un collègue absent pour une courte durée – à charge ce revanche – sans demander pour autant une rémunération complémentaire ou une prime quelconque. Le fait que ce genre de services exceptionnels qu’on rend à l’institution soient tarifés me pose, je l’avoue, un sérieux problème.

      A la décharge des enseignants – sans quoi, je vais me faire accuser encore de les « détester » – je dois dire que cette affaire de « pacte enseignant » est une manière assez peu élégante de faire illusion d’améliorer les rémunérations tout en refusant une augmentation générale. Mais on peut aussi retourner l’argument en disant que si tous les enseignants étaient volontaires pour rendre ces services, le « pacte enseignant » aboutirait à une augmentation générale.

      [Il y a bien entendu des abus (par exemple un cours de maths annulé, remplacé par une heure d’étude surveillée par un prof d’EPS..) mais je pense qu’il faut laisser le temps au dispositif de trouver son rythme de croisière et d’ajuster ses conditions d’application.]

      Au risque de provoquer une levée de boucliers, il faudrait aussi peut-être se poser la question de l’absentéisme. J’ai eu le privilège d’avoir des professeurs qui se faisaient un point d’honneur à être là qu’il gèle ou qu’il vente. Est-ce le cas aujourd’hui ? Pour le côté positif, on sait que chez les enseignants pour cause personnelle est en moyenne plus faible que pour la moyenne des travailleurs, mais cela cache de grandes disparités : entre le département le moins assidu (Seine Saint Denis) et le plus assidu (Deux Sèvres) on passe de 3 à 9%. Il faut aussi compter sur le fait qu’une partie non négligeable des absences tient au fonctionnement même de l’éducation nationale, et notamment au fait que la formation continue se déroule pendant les heures d’enseignement. Peut-être pourrait-on gagner en plaçant la formation hors de ce temps-là ?

      • P2R dit :

        @ Descartes

        [Pour moi, le « pacte enseignant » jette une lumière crue sur la dégradation du climat chez les enseignants. J’ai travaillé dans beaucoup de milieux, dans l’industrie, dans la recherche, dans l’administration, et partout où j’ai exercé mes maigres talents ont trouvait parfaitement normal de « couvrir » pour un collègue absent pour une courte durée – à charge ce revanche – sans demander pour autant une rémunération complémentaire ou une prime quelconque. Le fait que ce genre de services exceptionnels qu’on rend à l’institution soient tarifés me pose, je l’avoue, un sérieux problème.]
         
        Alors là, je crois que vous faites une erreur de discernement quant à l’évolution du monde du travail au XXIème siècle. Je vous le dis avec d’autant plus de sincérité que je fais partie de ceux qui ont été élevés selon ces valeurs de conscience professionnelle, qui, au passage, dépassent le cadre du service public: oui, il y a 20 ou 30 ans, faire passer l’œuvre avant le contrat était la norme, et mal vu était celui qui partait à l’heure pile en laissant ses collègues dans la panade. Aujourd’hui, non seulement cette mentalité n’existe plus (ou presque) mais elle s’est même renversée: on ne trouve pas normal que quelqu’un en fasse plus que ce qu’il est sensé faire. Même à l’hôpital, quand vous parlez avec les infirmières du temps où les chefs de services vivaient quasiment sur place, on vous dit “oui, c’est sûr, ils étaient dévoués, mais ce n’était quand même pas normal, c’est pas une vie”…

        Ce qui est désarmant, c’est que cette logique du “travail contractuel” (c’est à dire alimentaire, en somme), est précisément ce que Marx décrit comme le mécanisme par lequel le travail devient un aliénation. Ce que Marx n’avait peut-être pas vu venir, c’est qu’un beau jour, l’établissement d’une société de consommation et de loisirs entrainerait les travailleurs à être les acteurs de leur propre aliénation, en modifiant la finalité du travail, à savoir travailler pour être payé plutôt que pour accomplir une œuvre. Cela, de mon point de vue, c’est un signe de décadence à l’état chimiquement pur.

        [A la décharge des enseignants – sans quoi, je vais me faire accuser encore de les « détester » – je dois dire que cette affaire de « pacte enseignant » est une manière assez peu élégante de faire illusion d’améliorer les rémunérations tout en refusant une augmentation générale. Mais on peut aussi retourner l’argument en disant que si tous les enseignants étaient volontaires pour rendre ces services, le « pacte enseignant » aboutirait à une augmentation générale.]

        Exactement. C’est moche mais voyez-vous un autre moyen de parvenir au même résultat (sans baguette magique) ? Moi, non. Ce n’est pas la victoire du “paiement au comptant”, c’est juste la reconnaissance d’une défaite déjà ancienne et une adaptation aux nouvelles règles du jeu.. 

        [Au risque de provoquer une levée de boucliers, il faudrait aussi peut-être se poser la question de l’absentéisme. J’ai eu le privilège d’avoir des professeurs qui se faisaient un point d’honneur à être là qu’il gèle ou qu’il vente. Est-ce le cas aujourd’hui ?]

        Je pense que globalement oui, c’est encore le cas, en tout cas parmi ceux que je côtoie, mais il faut aussi replacer les choses dans le contexte actuel: la société a changé, et les structures familiales aussi. Aujourd’hui, si vous êtes une femme dans un couple où les deux conjoints travaillent, ou pire, dans une famille monoparentale, et que le cadet se réveille avec 39 de fièvre, il n’y a pas beaucoup de solutions, là où il y a 50 ans, les familles étaient beaucoup moins éclatées, et où à défaut on connaissait toujours une voisine au foyer pour garder le mioche.. Ajoutez à ça le peu de valeur que l’institution elle-même donne aux heures de cours, et ne cherchez pas plus loin.

        [Il faut aussi compter sur le fait qu’une partie non négligeable des absences tient au fonctionnement même de l’éducation nationale, et notamment au fait que la formation continue se déroule pendant les heures d’enseignement. ]

        Exactement. Et par là même, l’institution envoie un message subliminal désastreux aux enseignants quant à la valeur d’une heure de cours. 

        [Peut-être pourrait-on gagner en plaçant la formation hors de ce temps-là ?]

        Non-seulement on gagnerait du temps, mais on assumerait officiellement que l’heure d’enseignement est sacrée. Mais bon courage…

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [Alors là, je crois que vous faites une erreur de discernement quant à l’évolution du monde du travail au XXIème siècle. Je vous le dis avec d’autant plus de sincérité que je fais partie de ceux qui ont été élevés selon ces valeurs de conscience professionnelle, qui, au passage, dépassent le cadre du service public :]

          Disons que je joue les faux naïfs. Ce n’est pas moi, lecteur du « Manifeste » de Marx et Engels, qui vous dira le contraire. J’ai moi-même cité plusieurs fois ici le paragraphe de ce texte magistral qui décrit la manière dont la conscience professionnelle et le dévouement à l’œuvre sont noyées par le capitalisme « dans les eaux froides du calcul égoïste ». Mais au niveau personnel et ayant été comme vous élevé selon ces valeurs, je suis toujours choqué de constater que ce que Marx avait écrit comme théoricien se vérifie dans la réalité de tous les jours. Et c’est particulièrement choquant dans le service public, puisque la fonction publique reste au moins formellement attachée aux valeurs « aristocratiques » – au meilleur sens du terme – et n’est pas (encore) totalement soumise aux mécanismes du capitalisme néolibéral.

          [oui, il y a 20 ou 30 ans, faire passer l’œuvre avant le contrat était la norme, et mal vu était celui qui partait à l’heure pile en laissant ses collègues dans la panade. Aujourd’hui, non seulement cette mentalité n’existe plus (ou presque) mais elle s’est même renversée : on ne trouve pas normal que quelqu’un en fasse plus que ce qu’il est sensé faire. Même à l’hôpital, quand vous parlez avec les infirmières du temps où les chefs de services vivaient quasiment sur place, on vous dit “oui, c’est sûr, ils étaient dévoués, mais ce n’était quand même pas normal, c’est pas une vie”…]

          Tout à fait. Le plus paradoxal, c’est que je reste persuadé que ces chefs de service qui vivaient pratiquement à l’hôpital étaient largement plus satisfaits de leur sort, plus heureux de leur travail et de leur statut, que les médecins « 35 heures » d’aujourd’hui. C’est peut-être mon éducation, mais pour moi le sentiment d’être utile, de réussir un ouvrage que je sais utile aux autres me donne une satisfaction qu’aucun loisir ne pourrait me procurer.

          [Ce qui est désarmant, c’est que cette logique du “travail contractuel” (c’est à dire alimentaire, en somme), est précisément ce que Marx décrit comme le mécanisme par lequel le travail devient une aliénation. Ce que Marx n’avait peut-être pas vu venir, c’est qu’un beau jour, l’établissement d’une société de consommation et de loisirs entrainerait les travailleurs à être les acteurs de leur propre aliénation, en modifiant la finalité du travail, à savoir travailler pour être payé plutôt que pour accomplir une œuvre.]

          Pardon : Marx a vu cela très bien, même si la question des « loisirs » ne se posait pas en ces termes à son époque. Relisez le « manifeste ».

          [Cela, de mon point de vue, c’est un signe de décadence à l’état chimiquement pur.]

          Il faut faire attention au terme « décadence », qui suggère un jugement de valeur entre l’état antérieur et l’état présent. Or, ce jugement de valeur nous le faisons à partir de notre propre éducation. Pour vous et moi, dont l’univers mental est organisé autour de la satisfaction du travail bien fait et de l’utilité collective, la disparition de ces valeurs est une tragédie. Mais pour des gens qui auront été formés dans une autre logique, ce n’est pas le cas. Est-ce que la société que nos valeurs avaient produite était plus créative, plus libre, plus efficiente que celle qui se prépare ? Je pense que oui, mais on ne le saura avec certitude que rétrospectivement…

          [Exactement. C’est moche mais voyez-vous un autre moyen de parvenir au même résultat (sans baguette magique) ? Moi, non. Ce n’est pas la victoire du “paiement au comptant”, c’est juste la reconnaissance d’une défaite déjà ancienne et une adaptation aux nouvelles règles du jeu…]

          Mais justement, les « nouvelles règles du jeu », c’est le « paiement au comptant »…

          [Je pense que globalement oui, c’est encore le cas, en tout cas parmi ceux que je côtoie, mais il faut aussi replacer les choses dans le contexte actuel: la société a changé, et les structures familiales aussi.]

          Je ne suis pas si ancien que cela. Quand j’allais à l’école, les femmes travaillaient déjà – surtout dans le milieu enseignant, où l’endogamie est importante – et les structures familiales étaient passablement distendues.

          [Aujourd’hui, si vous êtes une femme dans un couple où les deux conjoints travaillent, ou pire, dans une famille monoparentale, et que le cadet se réveille avec 39 de fièvre, il n’y a pas beaucoup de solutions, là où il y a 50 ans, les familles étaient beaucoup moins éclatées, et où à défaut on connaissait toujours une voisine au foyer pour garder le mioche…]

          Pardon : aujourd’hui on a le téléphone portable, qui vous permet d’être connecté en permanence. Plus que les structures familiales, ce qui a changé c’est l’autonomie des enfants. Quand j’avais douze ans, mes parents n’hésitaient pas à me laisser seul à la maison avec ma petite sœur (et on n’avait pas le téléphone !). Aujourd’hui, je vois des collègues rester à la maison parce que le petit chéri de 16 ans a de la fièvre…

          [Ajoutez à ça le peu de valeur que l’institution elle-même donne aux heures de cours, et ne cherchez pas plus loin.]

          C’est peut-être là qu’il faut regarder. J’imagine qu’on n’a pas envie de faire un grand effort pour être là quand les parents eux-mêmes sont convaincus qu’il n’est pas grave de faire manquer un jour d’école à leurs enfants pour partir plus tôt en vacances.

          [« Peut-être pourrait-on gagner en plaçant la formation hors de ce temps-là ? » Non-seulement on gagnerait du temps, mais on assumerait officiellement que l’heure d’enseignement est sacrée. Mais bon courage…]

          En effet…

          • Glarrious dit :

            [ C’est peut-être là qu’il faut regarder. J’imagine qu’on n’a pas envie de faire un grand effort pour être là quand les parents eux-mêmes sont convaincus qu’il n’est pas grave de faire manquer un jour d’école à leurs enfants pour partir plus tôt en vacances.]
             
            Attendez ! Il y a vraiment des parents qui font ce genre de choses ??? Ou bien vous affabulez ?

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Attendez ! Il y a vraiment des parents qui font ce genre de choses ??? Ou bien vous affabulez ?]

              Demandez à n’importe quel ami enseignant, et il vous dira que les absentes justifiées par les parents – quelquefois avec les excuses les plus fantaisistes – se multiplient pour les jours qui précèdent les départs en vacances. Alors, ou bien les grands-mères ont une tendance à mourir lorsque la saison de ski approche, ou bien il faut conclure qu’un départ anticipé vaut bien, pour beaucoup de parents, la perte de quelques heures voire quelques jours de classe.

            • Carloman dit :

              @ Glarrious,
               
              [Attendez ! Il y a vraiment des parents qui font ce genre de choses ??? Ou bien vous affabulez ?]
              Il y a également le problème spécifique aux étrangers (pardon “Français issus de l’immigration”). faut savoir que les billets d’avion pour “le bled” (Maroc, Algérie, Turquie) sont moins chers hors vacances scolaires.
               
              Oui, je puis en témoigner: chaque année, un certain nombre de petits Maghrébins et de petits Turcs (pas tous quand même) partent en juin avant la fin des cours. Et, précisons-le, ils reviennent généralement dix jours après la rentrée de septembre… Etrangement ces élèves sont rarement tête de classe. Mais aucune sanction n’est prise, tout ça est devenu naturel. Il est vrai que “l’immigration contribue pour les 4/5ème à la croissance démographique française” dixit Hervé le Bras, pape de la démographie française. La “survie de la France” vaut bien une chahada. 

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Il y a également le problème spécifique aux étrangers (pardon “Français issus de l’immigration”). faut savoir que les billets d’avion pour “le bled” (Maroc, Algérie, Turquie) sont moins chers hors vacances scolaires.]

              Pardon, mais ce problème n’est pas « spécifique aux étrangers ». Si je crois ce qui m’a été dit par l’un de vos collègues, il concerne aussi les Français ultramarins, par exemple. Votre obsession des étrangers vous perdra…

              [Mais aucune sanction n’est prise, tout ça est devenu naturel.]

              Comment sanctionner ce qui est devenu acceptable pour l’ensemble des parents d’élèves, étrangers ou pas ? Même le politique l’accepte, puisqu’on fait le calendrier des vacances scolaires moins en fonction des intérêts des élèves que de ceux du secteur du tourisme ? Inutile d’introduire une différence entre français et étrangers : la dévalorisation de l’heure de cours est générale. Le temps où des élèves faisaient une heure de marche dans la neige pour ne pas manquer un jour d’école est, malheureusement, révolu.

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [Pardon, mais ce problème n’est pas « spécifique aux étrangers ». Si je crois ce qui m’a été dit par l’un de vos collègues, il concerne aussi les Français ultramarins, par exemple.]
              Je me suis mal exprimé: la dévalorisation de l’ “heure d’enseignement” est généralisée, là dessus, je suis d’accord avec vous.
              Par contre, désolé de vous le dire, mais MON EXPERIENCE est que les élèves qui manquent le plus en raison des “départs en vacances anticipés” ou des “retours de vacances tardifs” (parce qu’il y a d’autres causes d’absentéisme important qui là touchent les natifs aussi bien que les allogènes) sont bel et bien les jeunes “issus de l’immigration”, tout particulièrement les petits Maghrébins et les petits Turcs. Relisez mon commentaire: je parle là de ce que j’ai VU, de ce dont je puis témoigner, et je ne prétends pas que ce type d’absentéisme ne touche QUE les enfants issus de l’immigration. Mais il est clair que rares sont les natifs qui arrivent en cours le 15 ou le 20 septembre, soit deux semaines après la rentrée.
               
              Quant aux ultra-marins… Leur situation fait d’eux des sortes d’ “immigrés internes”.
               
              [Votre obsession des étrangers vous perdra…]
              Vous êtes injuste: j’ai précisé ensuite “Français issus de l’immigration”. Et puis, que voulez-vous, dans mon milieu, la xénophobie est une distinction d’aristocrate…

          • P2R dit :

            @ Descartes
             
            [il y a 20 ou 30 ans, faire passer l’œuvre avant le contrat était la norme, et mal vu était celui qui partait à l’heure pile en laissant ses collègues dans la panade. //Tout à fait. Le plus paradoxal, c’est que je reste persuadé que ces chefs de service qui vivaient pratiquement à l’hôpital étaient largement plus satisfaits de leur sort, plus heureux de leur travail et de leur statut, que les médecins « 35 heures » d’aujourd’hui.]

            Oui mais voilà, ces médecins sacrifiaient sur l’autel de leur dévouement professionnel non seulement leurs loisirs, mais bien souvent aussi leur vie familiale, et je ne vous parle même pas de la participation aux tâches ménagères ou d’aller chercher le dernier à l’école et d’emmener la grande au piano le mercredi après midi. Aujourd’hui, socialement, soigner 5 personnes de plus par jour n’est plus une excuse pour ne pas passer l’aspirateur ou langer le petit dernier.. Parce que la logique du dévouement à la profession implique d’avoir une armée de soutient derrière le front, qui était bien souvent l’épouse au foyer..

            [Ce que Marx n’avait peut-être pas vu venir, c’est qu’un beau jour, l’établissement d’une société de consommation et de loisirs entrainerait les travailleurs à être les acteurs de leur propre aliénation, en modifiant la finalité du travail, à savoir travailler pour être payé plutôt que pour accomplir une œuvre // Pardon : Marx a vu cela très bien, même si la question des « loisirs » ne se posait pas en ces termes à son époque. Relisez le « manifeste ».]
             
            Malheureusement je dois bien avouer être un piètre lecteur: après mes journées de boulot et le coucher des enfants, j’arrive à grand peine à lire plus de 10 pages d’un ouvrage un peu exigeant intellectuellement, et les weeks-ends ne me laissent pas non plus le loisir de grandes après-midis solitaires où je puisse m’immerger dans tel ou tel ouvrage. Bon, là j’avance doucement mais sûrement dans “Voyage au cœur du malaise Français”, mais j’ai calé sur “En finir avec l’économie du sacrifice”. Je reprendrai, mais il y a un certain embouteillage sur ma liste de lecture. Bref, je n’ai pas lu le manifeste, juste parcouru quelques résumés, et il me semblait que si Marx avait bien théorisé l’aliénation que la mutation de la finalité du travail (passant de la réalisation d’une œuvre à un rapport purement contractuel) pouvait engendrer, je ne savais pas qu’il avait prédit que les travailleurs eux-mêmes auraient fini, sous la “pression” de la société de loisir, par exiger ce nouveau rapport “contractuel” au travail. Car c’est bien ce qui se passe aujourd’hui: les travailleurs sont de plus en plus responsables que victimes de cette mutation du travail.

            [Il faut faire attention au terme « décadence », qui suggère un jugement de valeur entre l’état antérieur et l’état présent. Or, ce jugement de valeur nous le faisons à partir de notre propre éducation. Pour vous et moi, dont l’univers mental est organisé autour de la satisfaction du travail bien fait et de l’utilité collective, la disparition de ces valeurs est une tragédie. Mais pour des gens qui auront été formés dans une autre logique, ce n’est pas le cas. Est-ce que la société que nos valeurs avaient produite était plus créative, plus libre, plus efficiente que celle qui se prépare ? Je pense que oui, mais on ne le saura avec certitude que rétrospectivement…]

            Je ne suis pas d’accord, parce qu’il me semble que la société actuelle montre objectivement un aspect dysfonctionnel. La décadence, de mon avis, se décrit avant tout par la perte de vue, par déni, oubli ou aveuglement idéologique, des fondements de la vie en société, à savoir assurer sa propre subsistance en se donnant les moyens de régénérer sa force de travail. Aujourd’hui, même la portée de vue des classes dominantes laisse franchement à désirer. Certains en sont conscients, et ce n’est à mon avis pas décorrélé du fait qu’un nombre croissant de femmes de ces couches sociales renoncent à avoir un enfant..
             
            [Mais justement, les « nouvelles règles du jeu », c’est le « paiement au comptant »…]

            Pensez-vous que cette nouvelle règle du jeu date du Pacte enseignant ? bien sûr que non. Depuis longtemps une part croissantes des profs a un rapport contractuel à sa fonction. Ce point étant établi, on peut continuer à faire “comme si”, ce qui pourrait-être une voie porteuse si le projet était de restaurer un rapport “aristocratique” à la fonction. Mais comme ce n’est pas le cas, autant jouer cartes sur table et utiliser les leviers que les nouvelles règles permettent.. C’est pour cela que je dis que le Pacte enseignant ne fait que reconnaitre une défaite depuis longtemps actée sur le terrain. Mais je vous rejoins pour dire que ce cap rendra d’autant plus compliqué un retour en arrière.. mais qui y croit encore ?
             
            C’est un paradoxe, mais avec l’universalisation de la règle du paiement au comptant, la dernière arme que peut garder le politique, c’est l’administration de l’économie. Pour prendre un exemple, il suffirait en théorie de faire baisser le prix de la consultation médicale pour que les médecins soient obligés de consulter plus pour maintenir leur niveau de vie..

            Réflexion à suivre, je dois retourner bosser 🙂

            • Descartes dit :

              @ P2R

              [Oui mais voilà, ces médecins sacrifiaient sur l’autel de leur dévouement professionnel non seulement leurs loisirs, mais bien souvent aussi leur vie familiale,]

              En partie, oui. Je ne suis pas persuadé que la famille s’en portait plus mal. J’ai eu des parents qui travaillaient tous les deux – et qui mettaient de la passion dans leur travail – et cela ne m’a jamais gêné, au contraire. Cela m’a permis d’avoir une autonomie que je n’aurais certainement pas eu si j’avais eu un parent au foyer…

              [et je ne vous parle même pas de la participation aux tâches ménagères ou d’aller chercher le dernier à l’école et d’emmener la grande au piano le mercredi après-midi. Aujourd’hui, socialement, soigner 5 personnes de plus par jour n’est plus une excuse pour ne pas passer l’aspirateur ou langer le petit dernier… Parce que la logique du dévouement à la profession implique d’avoir une armée de soutient derrière le front, qui était bien souvent l’épouse au foyer…]

              L’épouse au foyer, c’était il y a longtemps. Déjà dans la génération de mes parents la majorité des femmes travaillait au moins à mi-temps. Mais plus profondément, est-il rationnel qu’un chirurgien consacre du temps à « langer le petit dernier », tâche que n’importe qui peut faire avec deux mois de formation, plutôt qu’à traiter des patients, tâche pour laquelle il faut neuf ans d’études ? Et puis, dans une société où la retraite s’allonge, pourquoi les grands parents ne pourraient-ils pas former cette « armée de soutien » ?

              [Malheureusement je dois bien avouer être un piètre lecteur : après mes journées de boulot et le coucher des enfants, j’arrive à grand peine à lire plus de 10 pages d’un ouvrage un peu exigeant intellectuellement, et les weeks-ends ne me laissent pas non plus le loisir de grandes après-midis solitaires où je puisse m’immerger dans tel ou tel ouvrage.]

              Faites comme mes parents : couchez les enfants plus tôt, ils dormiront mieux et vous aurez plus de temps pour le consacrer à vous-même… Je ne sais pas si c’est votre cas, mais je vois beaucoup de parents jeunes qui consacrent beaucoup trop de temps à leurs enfants. Il faut cultiver chez eux une forme d’autonomie, une recherche personnelle, et non les abreuver en permanence de stimuli. Mes parents étaient de grands lecteurs, et à la maison on n’avait pas la télévision. Et bien, pendant les longues soirées d’hiver, il fallait que je me trouve moi-même un amusement…

              [Bon, là j’avance doucement mais sûrement dans “Voyage au cœur du malaise Français”, mais j’ai calé sur “En finir avec l’économie du sacrifice”.]

              Là, je vous comprends. L’écriture de Guaino est particulièrement difficile, parce qu’il tend à faire comme si le lecteur avait une grande culture économique. Alors, il esquisse le début du raisonnement et laisse le lecteur le compléter. Ce qui, pour le lecteur moyen, devient vite déroutant.

              [Je reprendrai, mais il y a un certain embouteillage sur ma liste de lecture. Bref, je n’ai pas lu le manifeste, juste parcouru quelques résumés, et il me semblait que si Marx avait bien théorisé l’aliénation que la mutation de la finalité du travail (passant de la réalisation d’une œuvre à un rapport purement contractuel) pouvait engendrer, je ne savais pas qu’il avait prédit que les travailleurs eux-mêmes auraient fini, sous la “pression” de la société de loisir, par exiger ce nouveau rapport “contractuel” au travail.]

              Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. Le point était « qu’une société de consommation et de loisirs entraine les travailleurs à être les acteurs de leur propre aliénation, en modifiant la finalité du travail, à savoir travailler pour être payé plutôt que pour accomplir une œuvre », et non que les travailleurs eux-mêmes « exigeraient » ce rapport. Marx a très bien vu que la société industrielle allait étendre le travail aliéné.

              Je ne peux que vous conseiller de lire rapidement le « manifeste » (surtout la première partie). Ca se lit très facilement…

              [Car c’est bien ce qui se passe aujourd’hui: les travailleurs sont de plus en plus responsables que victimes de cette mutation du travail.]

              Je ne sais pas de quel « travailleurs » vous parlez ici. Je ne pense pas que ce soit chez les manœuvres de chez Renault ou les lignards d’EDF qu’on est le plus chaud pour faire disparaître « l’amour du travail bien fait ». Au contraire, c’est chez les ouvriers que la substitution de « l’ouvrage » par le rapport monétaire provoque le plus de résistances.

              [Je ne suis pas d’accord, parce qu’il me semble que la société actuelle montre objectivement un aspect dysfonctionnel.]

              Admettons. Mais ne pensez-vous que la société passée, celle de nos parents, montrait-elle aussi pas mal d’aspects « dysfonctionnels » ? Et celle où ont vécu nos grands parents ?

              [La décadence, de mon avis, se décrit avant tout par la perte de vue, par déni, oubli ou aveuglement idéologique, des fondements de la vie en société, à savoir assurer sa propre subsistance en se donnant les moyens de régénérer sa force de travail. Aujourd’hui, même la portée de vue des classes dominantes laisse franchement à désirer. Certains en sont conscients, et ce n’est à mon avis pas décorrélé du fait qu’un nombre croissant de femmes de ces couches sociales renoncent à avoir un enfant…]

              Mais là encore, vous jugez la société en fonction des valeurs qui sont les vôtres… c’est vous qui pensez – et je suis d’accord, notez le bien – qu’une société de personnes autonomes est « meilleure » qu’une société d’aliénés, qu’une société avec une vision optimiste et progressiste est « meilleure » qu’une société décroissante et régressive. Mais est-ce que ce jugement peut être universalisé ? Telle est la question.

              La réalité est qu’avec la révolution néolibérale, le capitalisme – et les valeurs qui le sous-tendent – est en expansion. Difficile dans ces conditions de parler de « décadence » au sens qu’on donne à ce terme pour les grands empires du passé…

              [« Mais justement, les « nouvelles règles du jeu », c’est le « paiement au comptant »… » Pensez-vous que cette nouvelle règle du jeu date du Pacte enseignant ? bien sûr que non. Depuis longtemps une part croissantes des profs a un rapport contractuel à sa fonction.]

              Je suis d’accord. On n’est pas passé d’un rapport « aristocratique » à un rapport « contractuel » du jour au lendemain. C’est une idéologie qui s’insinue depuis la révolution néolibérale des années 1980. Le « pacte enseignant » n’est qu’une nouvelle étape dans cette évolution, et en même temps il la formalise de manière visible.

              [Ce point étant établi, on peut continuer à faire “comme si”, ce qui pourrait-être une voie porteuse si le projet était de restaurer un rapport “aristocratique” à la fonction. Mais comme ce n’est pas le cas, autant jouer cartes sur table et utiliser les leviers que les nouvelles règles permettent… C’est pour cela que je dis que le Pacte enseignant ne fait que reconnaitre une défaite depuis longtemps actée sur le terrain. Mais je vous rejoins pour dire que ce cap rendra d’autant plus compliqué un retour en arrière.. mais qui y croit encore ?]

              Ma position est un peu différente. Je pense qu’il faut lutter pied à pied contre chaque pas dans cette direction, et utiliser ces combats pour faire prendre conscience aux gens des enjeux. Après, on sait bien qu’il sera difficile d’emporter une victoire dans un contexte où les vents et les courants poussent dans l’autre direction.

  14. Arthur dit :

    Juste un témoignage : après avoir passé quatre ans de collège dans le public à Henri IV, j’ai terminé ma scolarité dans le privé et ma terminale à Stanislas. A l’époque Stanislas n’était pas encore mixte. Il y avait une heure de « catéchisme » par semaine. Ce cours ne s’appelait d’ailleurs pas comme cela (je ne me souviens pas de l’intitulé) et on y parlait principalement de sujets sociétaux. Ce n’était pas un cours obligatoire. Y allait qui voulait. Dans ma classe de terminale il y avait deux élèves qui revendiquaient ouvertement leur homosexualité et qui en parlaient lors de ce “cours” et ne souviens pas qu’ils aient été critiqués d’une quelconque manière. Si c’est vraiment le cas, je me demande bien ce qui a changé à Stanislas. À quel moment “Stan” serait passé à quelque chose de très traditionnel et très religieux et d’homophobe. Évidemment mon expérience date de 1983-84 donc c’est ancien mais à l’époque il me semblait que ça se passait plutôt bien. Aucune pression. Je n’ai jamais été à la messe ou à l’aumônerie ou autre et personne ne me l’a demandé. J’ai aussi passé un an aux Francs bourgeois (privé catholique) en seconde, les prêtres étaient plus présents mais là aussi il n’y avait pas vraiment de pression religieuse. Je me demande si les écoles privées catholiques se sont rabougries.

    • Descartes dit :

      @ Arthur

      [Je me demande si les écoles privées catholiques se sont rabougries.]

      Rabougries, je ne sais pas. Mais je pense qu’on a tort de penser que le raidissement religieux/identitaire ne touche que les musulmans. Il touche à mon avis toutes les religions. Je suis convaincu – je l’ai écrit plusieurs fois ici – que l’intégrisme musulman est une forme de réaction à l’avance d’un capitalisme qui remet en cause comme jamais auparavant les structures et valeurs héritées des siècles précédents. Une forme de sécularisation qui n’a rien à voir avec celle qui avait imposé la laïcité à la française: les Républicains de 1905 entendaient en finir avec la dictature cléricale, mais ne remettaient pas en cause la famille monogame, la filiation, une forme de sacré héritée des siècles de catholicisme. La société néolibérale, elle, remet en cause tout cet héritage. Maintenant, si ma théorie est exacte, alors il n’y a aucune raison que le raidissement qu’on observe chez les musulmans ne se retrouve pas chez les catholiques pratiquants. Et l’exemple que vous donnez apporte de l’eau au moulin de cette théorie…

    • kaiser hans dit :

      Je suis passé à Stan de 1995 à 2001 le raidissement était déjà bien entamé à cette époque

  15. Jordi dit :

    L’éducation, c’est important. Si vous partagez ce constat, vous ne pouvez que vous féliciter de voir que le nouveau locataire de Matignon résidait auparavant rue de Grenelle.
     
    Je trouve cette affaire symptomatique d’un tir croisé où madame la ministre n’est peut-être pas irréprochable, mais m’apparaît fort sympathique. C’est une bourgeoise, représentante d’une noblesse d’état moderne. Elle souhaite les meilleures ressources éducatives pour Castérama junior. Mais dans notre société moderne, les codes des classes intermédiaires exigent une certaine hypocrisie, un “j’ai été obligé de”, quitte à se cacher derrière un prétexte médiocre. Excuse d’autant plus nécessaire que l’attrait de Stanislas est en partie du à Affelnet, la réforme de merde de son prédécesseur qui organise une bordélisation scolaire dans les affectations des lycées parisiens, faisant de Stanislas la rare garantie d’accès à un bon lycée. Honni soit qui mal y pense, surtout quand on voit ses détracteurs.
     
    Si les écoles privées sont devenues si attractives, c’est parce que les écoles publiques, malgré d’énormes moyens, sont devenues merdiques (et non, le classement PISA n’est pas un complot contre les génies du pédagogisme français que le monde entier nous envie). La médiocrité générale des écoles publiques n’est pas une fatalité, d’autres pays tels que la Suisse, Singapour ou l’Allemagne arrivent à les faire tourner. Les études privées n’ont pas besoin d’être chères, les systèmes de chèque éducation pratiqués en Suède ou aux US marchent très bien (et me paraissent la voie à suivre pour la France).
     
    L’échec des écoles publiques s’explique par une idéologie pourrie, et notamment le refus de l’exigence et d’un certain élitisme qui fonctionnent si bien à Stanislas. Faire de l’école publique une garderie pour abrutir les futurs consommateurs, c’est un choix. Imprimer des faux diplômes comme la république de Weimar imprimait des faux billets, c’est aussi un choix. Camoufler l’effondrement du niveau scolaire sous des piles de contrôle continu et de “commission d’harmonisation des notes” c’est encore un choix. Refuser d’avoir en classe le minimum de discipline nécessaire au bon déroulement des cours, c’est aussi un choix : celui de ne pas exclure les élèves perturbateurs. Avoir des élèves de quatrième qui savent à peine lire, c’est aussi un choix.
     
    Le vrai scandale n’est pas que madame la ministre mette son enfant dans une bonne école, c’est que l’école publique soit nulle. Mais les critiques qui poussent des cris d’orfraie  et dénonce l’hypocrisie de AOC préfèrent regarder la paille dans l’oeil du voisin. ¡Que se vayon todos estos zuros de mierda!
    C’est désormais à l’école publique de regagner la confiance des parents français.
     
    Une petite remarque pour @Gugus69 : je suis trop jeune pour avoir connu votre école, je n’en ai vu que les restes. Restes infiniment supérieurs à la dinde avarié servie au collège Rosa Parks.
     

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [L’éducation, c’est important. Si vous partagez ce constat, vous ne pouvez que vous féliciter de voir que le nouveau locataire de Matignon résidait auparavant rue de Grenelle.]

      Il est vrai que le départ de Gabriel Attal de l’Education est une excellente chose, mais je doute que cela suffise pour améliorer significativement les choses. Après tout, son remplacement suis la règle N°1 des remplacements macroniens : « chaque fois que quelqu’un est remplacé, il est remplacé par quelqu’un de pire ».

      [Si les écoles privées sont devenues si attractives, c’est parce que les écoles publiques, malgré d’énormes moyens, sont devenues merdiques]

      « Enormes moyens » ? N’exagérons rien…

      [(et non, le classement PISA n’est pas un complot contre les génies du pédagogisme français que le monde entier nous envie).]

      Un complot non, mais on ne devrait pas oublier que les évaluations PISA sont conçues à partir de l’idéologie des « compétences », qui n’est pas tout à fait la mienne. Quand bien même on ferait l’école de mes rêves, je ne suis pas sûr que cela se verrait dans l’évaluation PISA. Pour ne donner qu’un exemple, comment traduire la connaissance de l’histoire en termes de « compétences » ?

      [La médiocrité générale des écoles publiques n’est pas une fatalité, d’autres pays tels que la Suisse, Singapour ou l’Allemagne arrivent à les faire tourner.]

      Singapour ou la Suisse sont difficilement comparables à notre situation : ce sont des pays très riches grâce à la rente financière, et qui peuvent se permettre de laisser les manants aux portes. Et l’éducation publique allemande n’est guère meilleure que la notre.

      [Les études privées n’ont pas besoin d’être chères, les systèmes de chèque éducation pratiqués en Suède ou aux US marchent très bien (et me paraissent la voie à suivre pour la France).]

      Les études montrent que le système de chèque éducation marche très mal partout où il a été essayé. Et c’est simple à comprendre pourquoi : en mettant les écoles en concurrence, on accentue encore la transformation des parents en « clients ». L’école qui mettra des mauvaises notes au contrôle continu perdra des « clients »… et aura donc tout intérêt à baisser le niveau d’exigence. De même, l’école qui a des mauvais résultats aura du mal à trouver des « clients »… et est donc encouragée à sélectionner ses élèves, en rejetant les élèves les moins brillants.

      [L’échec des écoles publiques s’explique par une idéologie pourrie, et notamment le refus de l’exigence et d’un certain élitisme qui fonctionnent si bien à Stanislas.]

      Installez Stanislas à la Grande Borne, enlevez lui la possibilité de sélectionner ses élèves, donnez-lui les moyens d’un collège de banlieue, et on verra combien de temps durera ce « certain élitisme ». L’idéologie joue son rôle, mais la matière domine…

      [Le vrai scandale n’est pas que madame la ministre mette son enfant dans une bonne école, c’est que l’école publique soit nulle.]

      Les mauvaises langues vous diront que les deux sont liés. Si les classes intermédiaires n’avaient pas le choix de mettre leurs enfants dans les écoles privées, elles utiliseraient leur considérable pouvoir pour pousser vers le haut le niveau de l’éducation publique. De la même manière qu’elles feraient en sorte que l’hôpital public soit de bon niveau si elles n’avaient pas le choix de se faire soigner en clinique privée…

      • cdg dit :

        [Singapour ou la Suisse sont difficilement comparables à notre situation : ce sont des pays très riches grâce à la rente financière, et qui peuvent se permettre de laisser les manants aux portes.]
        La suisse est un pays plus industriel que la france (%du PIB de l industrie en suisse est quasi le double de la france). Et peut etre que bientot le % du PIB des banques sera plus fort en france qu en suisse (on a deja des tres grosses banque comme BNP ou credit agricole et si l industrie francaise continue de decliner ca va faire monter le % des banques dans le PIB)
        Quant a laisser les manants aux portes, c est partiellement faux. Il y a une enorme immigration en suisse, bien plus qu en france. C est pour cela que le % d immigre en suisse est bien plus fort qu en france. Par contre oui, les suisses sont moins couillons que nous et expulsent plus facilement les Nahel
        Pour avoir pratiqué l ecole suisse via mon fils je ferai le resumé suivant :
        – le % d immigré est plus fort qu en France (en primaire il y avait au moins 50 % de la classe avec un grand nombre d ex yougoslave)
        – les non germanophones (c etait en suisse alemanique) ont des cours en plus pour ratrapper le retard
        – le systeme est bien plus selectif qu en France ou quasiment tous se retrouvent au lycee. En suisse le lycee c est moins de 30 % des eleves (plus en suisse romande qu en suisse alemanique)
        – le niveau en mathematique n est pas terrible jusqu au lycee (je compare ici avec ce que j ai connu en france dans les annees 70-80. aucune idee du niveau francais actuel)
        – utilisation massive d internet et de PC/tablette (a mon avis une tres mauvaise idee)
        – moins de communication parents/professeur qu en france (vous avez une reunion par an et c est tout)
        [Installez Stanislas à la Grande Borne, enlevez lui la possibilité de sélectionner ses élèves, donnez-lui les moyens d’un collège de banlieue, et on verra combien de temps durera ce « certain élitisme ». L’idéologie joue son rôle, mais la matière domine…]
        la raison du succes de ce type de lycée c est qu ils ont des eleves motivés et que les parents s en occupent. Si on autorisait certains lycee public a faire de meme ils auraient les memes resultats. A une certaine epoque ca existait sous le nom de classe camif (on mettait les enfants de profs et autres CSP+ dans une classe a part d ou son nom)
        [Si les classes intermédiaires n’avaient pas le choix de mettre leurs enfants dans les écoles privées, elles utiliseraient leur considérable pouvoir pour pousser vers le haut le niveau de l’éducation publique.]
        J en doute. En chine Xi a interdit les cours privés (pas par egalitarisme mais pour essayer de booster la natalite du pays car ces cours coutent une fortune et donc les parents se limitaient a 1 enfant). Que croyez vous qu il se soit passé ? ces cours sont juste devenu clandestin ou deguisés (au lieu d avoir un cours de chinois vous envoyez votre fils suivre un cours de poesie)
        Si on veut pousser par le haut le niveau de l ecole publique, il suffit de reintroduire la selection (apres tout a mon epoque l ecole publique etait selective et seuls les mauvais avec des parents aisés allaient dans le privé)
         
        PS: la selection permet certes a des enfants “bien né” d etre dans des meilleures classes mais ca permet aussi a des enfants comme moi qui avait un pere ouvrier d aller dans ces classes. Aujourd hui ces classes n existent plus et la seule option c est le privé.

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Singapour ou la Suisse sont difficilement comparables à notre situation : ce sont des pays très riches grâce à la rente financière, et qui peuvent se permettre de laisser les manants aux portes. » La suisse est un pays plus industriel que la France (%du PIB de l’industrie en suisse est quasi le double de la France). Et peut-être que bientôt le % du PIB des banques sera plus fort en France qu’en Suisse (on a déjà des très grosses banque comme BNP ou crédit agricole et si l’industrie française continue de décliner ça va faire monter le % des banques dans le PIB)]

          Le PIB, comme vous le savez, mesure la valeur ajoutée. Or, la mesure de la valeur ajoutée dans l’activité bancaire est très partielle, et ne reflète nullement l’importance économique du secteur. Vous noterez d’ailleurs que l’essentiel des opérations qui enrichissent les banques ne sont pas soumises à la TVA… Quant à la part de l’industrie, il est assez logique que dans un pays ou la géographie limite sérieusement les activités agricoles, l’industrie représente une part importante du PIB. Il ne faut cependant pas trop exagérer l’importance de l’industrie : les services représentent les trois quarts de l’économie suisse, un peu plus qu’en France (70%).

          [Quant a laisser les manants aux portes, c’est partiellement faux. Il y a une énorme immigration en suisse, bien plus qu’en France.]

          Pourriez-vous indiquer la source de vos chiffres ? Bien entendu, on parle d’immigrés, c’est-à-dire, des gens qui travaillent ET RESIDENT DE FACON PERMANENTE en Suisse, et non des frontaliers…

          [la raison du succès de ce type de lycée c’est qu’ils ont des élevés motivés et que les parents s’en occupent.]

          C’est un élément important, mais ça ne suffit pas. Quand on parle des écoles privées de prestige, s’ajoute aussi le capital – monétaire et culturel – des parents. Parce que les parents du VIIème arrondissement ne « s’occupent » pas de leurs enfants de la même manière – ni avec les mêmes moyens – que les parents de la Grande Borne, quand bien même ils seraient très « motivés ».

          [Si on autorisait certains lycée public à faire de même ils auraient les mêmes résultats. A une certaine époque ca existait sous le nom de classe camif (on mettait les enfants de profs et autres CSP+ dans une classe a part d ou son nom)]

          C’est-à-dire, la sélection des élèves. Nous sommes d’accord. Mais l’idée des « classes camif » à l’époque n’était pas d’exiger moins des élèves qui y étaient, mais au contraire d’exiger plus. Aujourd’hui, la logique de l’école publique est une logique de nivellement par le bas. Et dans une telle logique, même la sélection des élèves aurait peu de résultats…

          [« Si les classes intermédiaires n’avaient pas le choix de mettre leurs enfants dans les écoles privées, elles utiliseraient leur considérable pouvoir pour pousser vers le haut le niveau de l’éducation publique. » J’en doute. En chine Xi a interdit les cours privés (pas par égalitarisme mais pour essayer de booster la natalité du pays car ces cours coutent une fortune et donc les parents se limitaient a 1 enfant). Que croyez-vous qu’il se soit passé ? ces cours sont juste devenues clandestins ou déguisés (au lieu d’avoir un cours de chinois vous envoyez votre fils suivre un cours de poésie)]

          Il y aura toujours des gens qui chercheront à contourner le système. Mais elles seront bien plus marginales que si le système lui-même offre les moyens de le contourner.

          [Si on veut pousser par le haut le niveau de l’école publique, il suffit de réintroduire la sélection (après tout à mon époque l’école publique était sélective et seuls les mauvais avec des parents aisés allaient dans le privé)]

          Nous sommes d’accord. Le problème, c’est que ce système ne convient pas aux « classes intermédiaires », parce qu’il ne leur garantit pas la reproduction. Vous le dites très bien ici :

          [PS: la sélection permet certes a des enfants “bien né” d’être dans des meilleures classes mais ça permet aussi à des enfants comme moi qui avait un père ouvrier d’aller dans ces classes.]

          Et donc d’occuper la place qui autrement serait échue à un enfant « bien né ». Vous comprenez donc pourquoi ce système ne convient pas du tout aux parents d’enfants « bien nés », qui ne veulent pas que les gens comme vous viennent concurrencer leurs rejetons…

          • cdg dit :

            Pour les etrangers, la suisse a 25 % de sa population (on ne compte pas ici les frontaliers). Vous avez une decomposition par pays https://www.swissinfo.ch/fre/societe/s%C3%A9rie-migration-partie-1-_deux-millions-d-%C3%A9trangers-en-suisse-mais-qui-sont-ils/42409190 ou avec des chiffres plus recent https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-93093.html
            [C’est-à-dire, la sélection des élèves. Nous sommes d’accord. Mais l’idée des « classes camif » à l’époque n’était pas d’exiger moins des élèves qui y étaient, mais au contraire d’exiger plus]
            Tout a fait, c est ce qui manque a l EN. Tant qu on continuera a niveler par le bas, il y aura une fuite des parents vers le privé. Je reconnais que ca serait suicidaire pour un ministre de l EN d assumer selection et exigences renforcees, il aurait LFI et les syndicats enseignants contre lui. Comme il ne restera pas en poste longtemps, les effets positifs de sa reforme ne seront pas mit a son credit
            [Et donc d’occuper la place qui autrement serait échue à un enfant « bien né ». Vous comprenez donc pourquoi ce système ne convient pas du tout aux parents d’enfants « bien nés », qui ne veulent pas que les gens comme vous viennent concurrencer leurs rejetons…]
            Pas tout a fait. Deja les “bien nés” representait d apres mes souvenirs moins 1/3 de la classe (eh oui, comme c est une minorité et que cette minorité fait pas enormement d enfants, ils sont pas tres nombreux)
            Ensuite, meme si vous etes “fils de”, si vos resultats sont mauvais vous alliez etre retrogradé (aka aller dans une classe inferieure) ou redoubler
            Le systeme actuel est encore pire, car soit vous allez dans le privé pour avoir une education digne de ce nom soit vous restez dans le public et vous avez un diplome qui ne vaut rien
            Meme du point de vu de ce que vous appelez les classes intermediaires ce n est pas tres positif. Certes leurs enfants ont moins de concurrence a affronter en France. Mais a un moment, mondialisation oblige ils vont devoir affronter le reste du monde. soit directement quand ils vont se retrouver en concurrence sur un poste soit indirectement quand leur employeur va decider s il implante son centre de R&D en France ou en Suisse (j ai pris expres la suisse pour prendre un pays proche ou les gens sont nettement mieux payé qu en France)

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Pour les étrangers, la suisse a 25 % de sa population (on ne compte pas ici les frontaliers). Vous avez une décomposition par pays (…).

              Trois remarques importantes : la première, c’est que si l’on ne « compte pas les frontaliers », la plupart le sont : parmi les quatre principales nationalités des étrangers résidant en Suisse figurent… les Italiens, les Français et les Allemands, autrement dit, les gens qui proviennent des pays frontaliers. Et 75% des étrangers en Suisse sont d’origine européenne. Les autres nationalités sont si diverses et en nombre si petit qu’on peut se demander s’il s’agit de travailleurs ou de gens qui viennent attirés par le secret bancaire et la fiscalité favorable dont bénéficient les résidents.

              Le deuxième point est que la Suisse n’est pas régie par le droit du sol. Autrement dit, les enfants des étrangers naissent étrangers, et la nationalité suisse ne s’acquiert pas facilement. Presqu’un quart des « étrangers » comptabilisés par la Suisse sont en fait nés en Suisse. L’application de la même règle en France donnerait un nombre d’étrangers bien plus important…

              Le troisième point est que vos références ne donnent aucune information sur la durée du séjour. Or, il semble que la notion de « résident permanent » couvre aussi des séjours relativement courts, puisqu’elle englobe les « séjours en vue d’une formation ou d’un perfectionnement ».

              [« C’est-à-dire, la sélection des élèves. Nous sommes d’accord. Mais l’idée des « classes camif » à l’époque n’était pas d’exiger moins des élèves qui y étaient, mais au contraire d’exiger plus » Tout à fait, c’est ce qui manque à l’EN. Tant qu on continuera a niveler par le bas, il y aura une fuite des parents vers le privé.]

              Je me le demande. Les parents, même – et surtout – ceux des classes privilégiées sont à votre avis si sensibles au niveau d’exigence auquel sont soumis leurs rejetons ? Je ne le pense pas. Et on le voit bien dans la pratique : lorsqu’un enseignant devient exigeant, lorsqu’il met des mauvaises notes et exige des travaux supplémentaires, la réaction des parents est souvent hostile. Ma grande tante, enseignante, gardait dans sa collection un billet d’un parent d’élève datant des années 1950 : en réponse à une note dans le cahier de correspondance infligeant des heures de colle, le parent écrit « bravo, faites-en voir à ce vaurien, ça lui apprendra ». Combien de parents aujourd’hui seraient aussi solidaires de l’institution.

              Quand le système français de sélection des élites était méritocratique, les parents voulaient une école exigeante parce qu’ils étaient conscients que c’est par l’exigence que leurs enfants pouvaient acquérir les connaissances et les méthodes nécessaires pour gagner la course. Mais dès lors que le système ne valorise guère le mérite, qu’il sélectionne plus sur des critères de capital social, l’exigence n’intéresse plus personne. Le privé est plébiscité par les classes privilégiées non parce qu’il serait plus « exigeant », mais parce qu’il permet un entre-soi ou peut se transmettre ce « capital social ».

              [Je reconnais que ça serait suicidaire pour un ministre de l’EN d assumer sélection et exigences renforcées, il aurait LFI et les syndicats enseignants contre lui. Comme il ne restera pas en poste longtemps, les effets positifs de sa réforme ne seront pas mis à son crédit.]

              La question des délais se pose en effet. Mais je ne sais pas si une telle réforme serait aujourd’hui « suicidaire ». Si la « sélection » et « l’exigence renforcée » assuraient à ceux qui passent à travers un emploi reconnu, je pense qu’elle serait bien acceptée, et notamment par les couches populaires. Le problème, c’est qu’il est difficile de parler d’école qui sélectionne au mérite dans une société qui sélectionne au « capital social ». L’exemple des grandes écoles est de ce point de vue éclairant : des élèves qui se sont crevé le cul pour acquérir le niveau et les méthodes qui leur permettent de passer des concours difficiles se voient rejoints – et concurrencés à la sortie – par des élèves qui ont contourné ceux-ci en faisant une année à l’étranger – payée par papa – et recrutés sur dossier. Est-ce que cela vous donnerait envie de préparer un concours ?

              [« Et donc d’occuper la place qui autrement serait échue à un enfant « bien né ». Vous comprenez donc pourquoi ce système ne convient pas du tout aux parents d’enfants « bien nés », qui ne veulent pas que les gens comme vous viennent concurrencer leurs rejetons… » Pas tout à fait. Déjà les “bien nés” représentait d’après mes souvenirs moins 1/3 de la classe (…)]

              Vous apportez de l’eau à mon moulin. Justement, ce qui est insupportable pour les « bien nés », c’est qu’il y ait autant de places occupés par ceux qui ne le sont pas, et qui ensuite concurrenceront leurs enfants…

              [Ensuite, même si vous êtes “fils de”, si vos résultats sont mauvais vous alliez être rétrogradé (aka aller dans une classe inferieure) ou redoubler]

              C’était bien mon point : c’est pourquoi les « fils de » ont démantelé ce système si injuste qui rétrogradait les « fils de » dont les résultats étaient mauvais alors que les enfants des manants avec des bons résultats continuaient la course. Le système actuel est exactement le système que les « fils de » ont rêvé pour leurs propres enfants : un système où le mérite n’est plus rien, et le « capital social » est tout.

              [Le système actuel est encore pire, car soit vous allez dans le privé pour avoir une éducation digne de ce nom soit vous restez dans le public et vous avez un diplôme qui ne vaut rien]

              Non. Le diplôme est le même, et il ne vaut rien. Mais si vous êtes allé dans le privé, vous avez acquis un « capital social » de relations, de contacts, de « savoir être » qui vous permettra de vous débrouiller dans la vie. La dévalorisation des diplômes permet elle aussi d’assurer aux classes intermédiaires qu’elles ne seront pas concurrencées.

              [Même du point de vue de ce que vous appelez les classes intermédiaires ce n’est pas très positif. Certes leurs enfants ont moins de concurrence à affronter en France. Mais à un moment, mondialisation oblige ils vont devoir affronter le reste du monde.]

              Ne surestimez pas la vision à long terme des classes intermédiaires – et d’une façon générale, de l’ensemble des classes sociales. L’intérêt de classe anticipe rarement les changements de long terme. Pour les classes intermédiaires la question de la reproduction sociale – c’est-à-dire, la possibilité de transmettre leur « capital social » à leurs enfants sans craindre la concurrence se pose hic et nunc.

            • cdg dit :

               
              @ descartes
              [Trois remarques importantes : la première, c’est que si l’on ne « compte pas les frontaliers », la plupart le sont : parmi les quatre principales nationalités des étrangers résidant en Suisse figurent… les Italiens, les Français et les Allemands, autrement dit, les gens qui proviennent des pays frontaliers.]
              Vous avez une definition peu commune des frontaliers. En général on appelle frontalier la personne qui travaille en suisse (ou en RFA) et qui habite dans un autre pays (par ex je vis a Mulhouse et travaille a Bâle. Que je sois français ou non ne change rien. Il y a ainsi beaucoup de frontalier suisses (des suisse qui vivent en France car la vie y est moins chère)
              [ Et 75% des étrangers en Suisse sont d’origine européenne. ]
              Ce qui paraît assez logique, vous attirez les ressortissants des pays voisins qui parlent votre langue. En plus il faut a mon avis faire une grosse distinction en fonction de l age. Si vous avez enormement d italiens immigres dans les gens de + 60 ans (en gros des gens qui ont migre quand l Italie était extrêmement pauvre dans les années 60), la proportion chute aujourd’hui
              [Les autres nationalités sont si diverses et en nombre si petit qu’on peut se demander s’il s’agit de travailleurs ou de gens qui viennent attirés par le secret bancaire et la fiscalité favorable dont bénéficient les résidents. ]
              Apres la france, italie … vous avez en 5eme le kosovo (et les autres partie de l ex yougoslavie sont dans les 10 permieres). Ca m etonnerai que ca soit pour le secret bancaire (si vous connaissez pas la suisse, les ressortissant de l ex yougoslavie c est un peu les algeriens en france)
              Les forfaits fiscaux concernent si peu de personne (quelque milliers) que c est statistiquement negligeable
              [Le deuxième point est que la Suisse n’est pas régie par le droit du sol. Autrement dit, les enfants des étrangers naissent étrangers, et la nationalité suisse ne s’acquiert pas facilement.]
              c est pas si complique que ca. Mais c est vrai qu ils sont moins couillons que nous qui distribuons la nationalite francais a des gens qui n en veulent pas. Ca n a pas empeche qu ils ont aussi eut un footballeur «suisse» de leur equipe nationale qui a dit qu il se sentait albanais. Comme chez nous
              [Les parents, même – et surtout – ceux des classes privilégiées sont à votre avis si sensibles au niveau d’exigence auquel sont soumis leurs rejetons ? Je ne le pense pas. Et on le voit bien dans la pratique : lorsqu’un enseignant devient exigeant, lorsqu’il met des mauvaises notes et exige des travaux supplémentaires, la réaction des parents est souvent hostile.]
              ca vaut ce que ca vaut mais dans ma famille le declencheur pour le privé ca a ete le manque d exigence du public. Apres oui, vous avez des parents qui ralent quand le prof donne trop de devoir ou des mauvaises notes. Mais est que c est des parents des «classes privilegiees» ?
              En etant tres provocateur, je pense qu on devrait créer une «garderie nationale» ou les parents pouraient deposer leur enfant. L enfant n apprendrait rien mais ca serait gratuit et les parents pouraient partir tranquille en WE (pas d ecole le samedi matin) , partir hors vancances scolaire (vous comprenez c est moins cher) . Et de l autre on aurait une ecole «vraie» ou les enfants devraient travailler et les parents suivre la scolarité
              [Quand le système français de sélection des élites était méritocratique, les parents voulaient une école exigeante parce qu’ils étaient conscients que c’est par l’exigence que leurs enfants pouvaient acquérir les connaissances et les méthodes nécessaires pour gagner la course.]
              Je pense que c est pire que ca. C est la valeur du travail qui c est completement effondrée dans la societe. C est pour ca qu on a des medecins qui veulent pas faire trop d heures d ou les deserts medicaux (on a plus de medecin par habitant aujourd hui en 1970, mais plus aucun medecin qui fait comme quand j etais enfant 7h-19h avec visite a domicle)
              D un autre cote c est sur que travailler pour au final gagner un un an ce qu un footballeur (ou une star TV) gagne en une journee ca motive peu
              [Le privé est plébiscité par les classes privilégiées non parce qu’il serait plus « exigeant », mais parce qu’il permet un entre-soi ou peut se transmettre ce « capital social ».]
              Dans le cas de AOC c etait pas le cas. L école maternelle publique n accueillait que des enfants CSP++. Je suis sur qu a Henri IV ou a neuilly vous allez avoir un parfait entre soi
              [ L’exemple des grandes écoles est de ce point de vue éclairant : des élèves qui se sont crevé le cul pour acquérir le niveau et les méthodes qui leur permettent de passer des concours difficiles se voient rejoints – et concurrencés à la sortie – par des élèves qui ont contourné ceux-ci en faisant une année à l’étranger – payée par papa – et recrutés sur dossier. Est-ce que cela vous donnerait envie de préparer un concours ? ]
              Pour les ecoles d ingenieurs les admis sur titre c est encore marginal . Surtout si dans votre dossier, on voit que vous etes allé a l etranger pour eviter math sup (vous pouvez avoir fait une partie de votre scolarite a l etranger par ex car vos parents y habitaient, donc un parcours etranger n est pas forcement suspect)
              [[Le système actuel est encore pire, car soit vous allez dans le privé pour avoir une éducation digne de ce nom soit vous restez dans le public et vous avez un diplôme qui ne vaut rien]
              Non. Le diplôme est le même, et il ne vaut rien. Mais si vous êtes allé dans le privé, vous avez acquis un « capital social » de relations, de contacts, de « savoir être » qui vous permettra de vous débrouiller dans la vie.]
              On en est pas encore a dire qu un diplôme de centrale ou polytechnique ne vaut rien 🙂
              Meme pour le bac, il y aura une difference entre une mention TB et juste passable
              Quant au capital social, il faut pas rever, la difference se fait dans les familles. Si vous amenez votre fils dans un musée au lieu d euro disney aura plus d impact que d avoir ete a la cantine avec le fils du ministre.
              [Ne surestimez pas la vision à long terme des classes intermédiaires – et d’une façon générale, de l’ensemble des classes sociales. L’intérêt de classe anticipe rarement les changements de long terme.]
              A un certain moment vous avez ecrit l inverse. C etait quand je mentionnais que les retraités actuels sacrifiaient l avenir pour preserver leur niveau de vie actuel. Vous aviez ecrit de memoire qu un grand pere au moment de voter prenait en compte le futur de ses petits enfants. Ce qui est carrement du tres long terme. Si au niveau individuel vous pensez au long terme, votre classe sociale devrait le faire aussi. Pas la peine d etre visonnaire pour comprendre que si toutes les societes francaises ont le sort d alcatel votre fils va avoir du mal a trouver un travail autre que livreur de pizza, surtout avec un diplôme en carton, meme si vous avez des relations
               
              PS : tout autre sujet mais qui est dans vos cordes. Que pensez vous des deboires d EDF en grande bretagne ? Autant je peux comprendre qu on explose les couts et delai sur le premier et second EPR mais la on est parti pour faire un second flammanville en GB payé par le contribuable francais. Il n y a pas de retour d experience ? Apres l echec de flammanville, on a promut les non participants ?
               
               

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Trois remarques importantes : la première, c’est que si l’on ne « compte pas les frontaliers », la plupart le sont : parmi les quatre principales nationalités des étrangers résidant en Suisse figurent… les Italiens, les Français et les Allemands, autrement dit, les gens qui proviennent des pays frontaliers. » Vous avez une definition peu commune des frontaliers. En général on appelle frontalier la personne qui travaille en suisse (ou en RFA) et qui habite dans un autre pays]

              Nous sommes d’accord. Je note quand même que les immigrants en Suisse viennent majoritairement des pays frontaliers.

              [« Les parents, même – et surtout – ceux des classes privilégiées sont à votre avis si sensibles au niveau d’exigence auquel sont soumis leurs rejetons ? Je ne le pense pas. Et on le voit bien dans la pratique : lorsqu’un enseignant devient exigeant, lorsqu’il met des mauvaises notes et exige des travaux supplémentaires, la réaction des parents est souvent hostile. » Ca vaut ce que ça vaut mais dans ma famille le déclencheur pour le privé ca a été le manque d’exigence du public.]

              Mes parents eux aussi cherchaient l’exigence, mais ça c’était avant, dans un pays où pour avancer il fallait passer sous les fourches caudines d’une sélection exigeante. Dans ce contexte, chercher l’exigence est logique, puisque c’est par un enseignement exigeant que l’élève acquiert les instruments pour pouvoir participer à la course avec la meilleure chance de succès. J’ai la nette impression que ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui : aujourd’hui, le succès n’est en rien attaché à l’acquisition des connaissances et des méthodes de travail. Alors, à quoi bon chercher l’exigence ?

              [Apres oui, vous avez des parents qui râlent quand le prof donne trop de devoir ou des mauvaises notes. Mais est que c’est des parents des « classes privilégiées » ?]

              Oui. Si les classes intermédiaires mettent leurs enfants dans le privé, c’est aussi parce que cela leur donne plus de contrôle sur l’institution (« celui qui paye les musiciens choisit la musique »).

              [En étant très provocateur, je pense qu on devrait créer une «garderie nationale» ou les parents pourraient déposer leur enfant. L’enfant n’apprendrait rien mais ça serait gratuit et les parents pourraient partir tranquille en WE (pas d’école le samedi matin), partir hors vacances scolaire (vous comprenez c’est moins cher). Et de l’autre on aurait une école «vraie» ou les enfants devraient travailler et les parents suivre la scolarité.]

              C’est un peu le choix qu’on fait les Anglais, et c’est la route qu’on prend…

              [« Quand le système français de sélection des élites était méritocratique, les parents voulaient une école exigeante parce qu’ils étaient conscients que c’est par l’exigence que leurs enfants pouvaient acquérir les connaissances et les méthodes nécessaires pour gagner la course. » Je pense que c’est pire que ça. C’est la valeur du travail qui s’est complètement effondrée dans la société. C’est pour ça qu’on a des médecins qui veulent pas faire trop d’heures d ou les déserts médicaux (on a plus de médecins par habitant aujourd’hui qu’en 1970, mais plus aucun médecin qui fait comme quand j’etais enfant 7h-19h avec visite a domicile)]

              Oui. Et cette dégradation est d’autant plus grave quand elle touche une aristocratie qui a oublié que « noblesse oblige »…

  16. Sami dit :

    Ce nouveau gouvernement est absolument extraordinaire, lumineux, aveuglant d’enseignements politiques !… 
    Qu’on ne vienne plus parler du macronisme comme une sorte de jonglerie qui oscille entre une chose et son contraire : le macronisme, digne “ava-batard” du miterrandisme, puis du hollandisme, c’est en quelque sorte le point d’orgue, la synthèse carrément grotesque et caricaturale (mais impossible de faire autrement), d’une social-démocratie (avec son armée de zombies que vous appelez “classes intermédiaires”, pour ma part j’en reste à la bonne vieille définition “petite bourgeoisie”, sans cesse oscillant (oui, là, on peut parler d’oscillations ! 😀 )) synthèse donc d’une bonne vieille sociale démocratie (SD) arrivée à son terme de fraîcheur, trahison après trahison, et qui commence à pourrir méchamment (un vraie cas d’école !). Une SD qui, effectivement, à l’image de AOC, ne fait même plus l’effort de cacher “la vérité” (“oui, l’Ecole Française est sinistrée, et malheur aux pauvres qui ne pourront la contourner à coup d’Euros, et après moi le déluge, et de toute façon, nous autres riches, OSF !”). 
    Mais il n’y a pas qu’AOC qui est criante de vérité : il y a le reste. Un Lemaire qui semble bien plus passionné d’histoires de c… dont il ne fait (au contraire !) aucun effort pour les maintenir dans la sphère privée (et ça en dit long sur le bougre), tout en se foutant comme de l’an 40 de l’économie du pays (tout occupé à détruire celle de Russie ! hi hi…), qui nous abreuve de ses horribles, ignobles… “éléments de langages” devenus LE langage propre au foutage de gueule politique tous azimuts (pas que lui ! lorsque j’écoute un Bardella ou un Attal, j’ai une poussée fiévreuse de boutons sémantiques et verts !)… Attal, jeune freluquet bien plus intéressé par ses canines qui rayent le plancher que par le devenir du pays, etc etc etc. et j’en passe et des Dati !Je ne listerai pas toute la bande, parce que c’est tellement criant, ce grand virage à 180° de la SD mené tambour battant et qui enfin dit les choses clairement : en France, le capitalisme, tel un vent mauvais, a tout raflé et a tout pourri, de A à Z.
    Enfin, presque jusqu’à Z. Je connais votre théorie sur le mouvement des Gilets jaunes, mais voilà, après les trahisons sur tout le front de gauche (oui, même le PC est devenu triste une caricature du FN, pendant que Rousseau danse la Zumba !), que leur restait-il, à ces Français sincèrement désespérés, mais qui ne sont pas des agrégés de la lutte politique ? Bah, les rond-points, les tracteurs,… 
    Les Gilets jaunes, les agriculteurs qui grondent, la petite bourgeoisie aux abois qui ne sait plus quoi faire, quoi voter, la droite globale (de Zemmour à Macron en passant par Ciotti…) en mode capitalisme fin de règne, Macron tel Néron qui chante alors que Rome brûle ou Caligula nommant son cheval Consul…On en est là… Quel affreux constat ! Mais comment les politiques ont-ils osé, TOUS, toute honte bue, mener la France à ce niveau de décadence ? Où est passée la légendaire combativité des Gaulois ?…
    J’en reste ébaubi et consterné, avec un gros début de désespoir, une immense tristesse.Vite, une révolution ! Problème : menée par qui, tant les esprits ont été érodés… Qui est l’homme/la femme, quel est le groupe politique (forcément nouveau)… qui sonnera l’alarme et tentera d’empêcher la “chute finale” ?…

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Les Gilets jaunes, les agriculteurs qui grondent, la petite bourgeoisie aux abois qui ne sait plus quoi faire, quoi voter, la droite globale (de Zemmour à Macron en passant par Ciotti…) en mode capitalisme fin de règne, Macron tel Néron qui chante alors que Rome brûle ou Caligula nommant son cheval Consul…On en est là… Quel affreux constat !]

      La petite bourgeoisie aux abois ? Où voyez-vous ça ? Quand je la regarde, elle est toujours là, et semble se porter à merveille. Elle consomme à qui mieux mieux, part toujours en vacances, et réussit à placer ses enfants. De quoi on se plaint ? Ne vous laissez pas berner par le théâtre politique, devenu un vrai théâtre depuis que les décisions se prennent ailleurs. Plus que le capitalisme, ce qui est « en fin de règne » c’est la République, c’est-à-dire, l’idée qu’on se donnait un gouvernement pour poursuivre le « bien commun », « l’intérêt général ». Nous sommes au contraire devant une société fracturée comme jamais, où chaque groupe entre en compétition sur le marché avec les autres en fonction de ses intérêts. Nous n’avons plus que l’apparence d’un gouvernement, les vrais équilibres s’établissent ailleurs.

      [Mais comment les politiques ont-ils osé, TOUS, toute honte bue, mener la France à ce niveau de décadence ? Où est passée la légendaire combativité des Gaulois ?…]

      Peut-être parce que ces politiques représentent un bloc dominant qui a tout intérêt à ce que vous appelez une « décadence » ?

      [J’en reste ébaubi et consterné, avec un gros début de désespoir, une immense tristesse. Vite, une révolution ! Problème : menée par qui, tant les esprits ont été érodés… Qui est l’homme/la femme, quel est le groupe politique (forcément nouveau)… qui sonnera l’alarme et tentera d’empêcher la “chute finale” ?…]

      Malheureusement, ce n’est pas qu’une question de leaders. C’est une question de rapport de forces.

  17. Geo dit :

     
    À Descartes
    [Tout à fait. Le plus paradoxal, c’est que je reste persuadé que ces chefs de service qui vivaient pratiquement à l’hôpital étaient largement plus satisfaits de leur sort, plus heureux de leur travail et de leur statut, que les médecins « 35 heures » d’aujourd’hui. C’est peut-être mon éducation, mais pour moi le sentiment d’être utile, de réussir un ouvrage que je sais utile aux autres me donne une satisfaction qu’aucun loisir ne pourrait me procurer.]
    Pour être un peu plus positif que la tonalité globale des commentaires: l’attitude que vous décrivez là n’a pas disparu, même parmi de plus jeunes. Elle s’est individualisée, est devenue une stratégie personnelle, à savoir devenir une “personne ressource” connue et appréciée comme telle, même si pas mieux payée. Il me paraît notable qu’aucun ricanement n’est osé publiquement concernant ces personnes, dans mon expérience en tout cas.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Pour être un peu plus positif que la tonalité globale des commentaires : l’attitude que vous décrivez-là n’a pas disparu, même parmi de plus jeunes. Elle s’est individualisée, est devenue une stratégie personnelle, à savoir devenir une “personne ressource” connue et appréciée comme telle, même si pas mieux payée. Il me paraît notable qu’aucun ricanement n’est osé publiquement concernant ces personnes, dans mon expérience en tout cas.]

      Il y a encore des milieux, particulièrement dans le service public, où les logiques « aristocratiques » survivent et sont même dominantes et transmises aux nouveaux embauchés Mais elles sont partout en retrait, et surtout, elles sont combattues par le système. Il faut être sourd pour ne pas entendre partout cette injonction à « mieux concilier la vie personnelle et la vie professionnelle », comme si entre l’une et l’autre de ces « vies » il y avait une cloison étanche, comme si ce qui se faisait de plus dans l’une se faisait au détriment de l’autre, au point qu’il faudrait les « concilier ».

      Ne nous racontons pas d’histoires : le mouvement de l’histoire va dans le sens de la marchandisation de tout. Il n’y a dans ce constat aucune « négativité ». Comme je l’ai dit ailleurs, pour ceux qui comme moi ont été élevés dans d’autres valeurs, cela peut paraître triste de voir disparaître un monde régit par d’autres types de rapports. Mais c’est là un point de vue purement personnel, et je ne suis pas sûr que les jeunes d’aujourd’hui, pour qui cette marchandisation est naturelle, en souffrent beaucoup. Pour eux, le chef de service qui passe sa vie à l’hôpital n’est pas un modèle, une vie désirable.

      • Carloman dit :

        @ Descartes,
         
        [Mais c’est là un point de vue purement personnel, et je ne suis pas sûr que les jeunes d’aujourd’hui, pour qui cette marchandisation est naturelle, en souffrent beaucoup. Pour eux, le chef de service qui passe sa vie à l’hôpital n’est pas un modèle, une vie désirable.]
        Au-delà la question du “modèle” et de ce qui serait “désirable”, n’y a-t-il pas quand même un problème d’efficacité de la société qui finit par se poser?
         
        Je vous donne un exemple: être un médecin qui passerait sa vie au boulot, ce n’est pas forcément la vie dont je rêverais à titre personnel. Mais quand mon gosse est malade, et que je ne trouve aucun médecin susceptible de me recevoir (pas de créneau pour les urgences, des consultations uniquement sur les “heures de bureau”, 9h-17h30, pas de rendez-vous les mercredi après-midi), eh ben, je suis un peu embêté quand même, et je regrette que ce type de médecin n’existe plus. Du coup, je suis tenté de me dire que si je demande aux autres de faire des efforts, est-ce que je ne dois pas, à mon niveau, accepter de faire quelques efforts également? Si tout le monde fait un effort, et même si c’est une contrainte, la société fonctionne de manière plus efficace et tout le monde y gagnerait. 
         
        Là où le bâts blesse, c’est qu’il faudrait que celui qui accepte de faire des efforts, de faire un peu plus, soit valorisé. Et je ne parle pas d’un point de vue financier, mais d’un point de vue symbolique. Quand mon chef m’a dit: “vous êtes quelqu’un de fiable et je sais que je peux compter sur vous”, cela m’a apporté plus de satisfaction qu’une augmentation… Mais il est vrai que je perçois une rémunération très convenable.

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [« Mais c’est là un point de vue purement personnel, et je ne suis pas sûr que les jeunes d’aujourd’hui, pour qui cette marchandisation est naturelle, en souffrent beaucoup. Pour eux, le chef de service qui passe sa vie à l’hôpital n’est pas un modèle, une vie désirable. » Au-delà la question du “modèle” et de ce qui serait “désirable”, n’y a-t-il pas quand même un problème d’efficacité de la société qui finit par se poser ?]

          Oui, mais parler d’efficacité implique de définir des objectifs, à l’aune desquels l’efficacité est mesurée. Or, ce qui caractérise notre société fracturée, c’est qu’il est difficile de définir des objectifs partagés par les différents groupes sociaux. Mais au-delà de cette difficulté vous avez raison, ce qui nous ramène au texte de Castoriadis déjà amplement cité dans ce blog. Oui, l’efficacité du capitalisme repose sur des « structures anthropologiques » comme le juge intègre, l’enseignant dévoué, le fonctionnaire honnête. Et pourtant le capitalisme – et c’est là l’une de ses contradictions – n’est pas capable de renouveler ces structures hérités des modes de production antérieurs, qu’elle noie au contraire « dans les eaux froides du calcul égoïste ».

          [Je vous donne un exemple : être un médecin qui passerait sa vie au boulot, ce n’est pas forcément la vie dont je rêverais à titre personnel. Mais quand mon gosse est malade, et que je ne trouve aucun médecin susceptible de me recevoir (pas de créneau pour les urgences, des consultations uniquement sur les “heures de bureau”, 9h-17h30, pas de rendez-vous les mercredi après-midi), eh ben, je suis un peu embêté quand même, et je regrette que ce type de médecin n’existe plus.]

          Mais regretter ne suffit pas. La question est plutôt de savoir si on est prêt à payer le prix social pour que ce type de médecin existe. Parce que ces professeurs de médecine qui passaient leur vie dans leur service à l’hôpital faisaient certes un grand don de soi, mais recevaient aussi un retour, moins en termes de paye qu’en termes de respect, de pouvoir et de reconnaissance. Dans les campagnes, le médecin était un notable respecté, et personne n’imaginait de le menacer parce qu’il refusait de vous faire un arrêt de travail de complaisance dimanche soir… (exemple réel arrivé couramment à un ami qui est médecin de village). On ne peut à la fois regretter que ce type de médecin n’existe plus, et vouloir avec son médecin un rapport de « client »…

          [Du coup, je suis tenté de me dire que si je demande aux autres de faire des efforts, est-ce que je ne dois pas, à mon niveau, accepter de faire quelques efforts également ? Si tout le monde fait un effort, et même si c’est une contrainte, la société fonctionne de manière plus efficace et tout le monde y gagnerait.]

          C’est dans ce « tout le monde » qui réside le problème. Non, « tout le monde » ne gagnerait pas, justement. Le système que vous évoquez coûterait plus à certains qu’à d’autres. La logique « noblesse oblige » met sur les classes privilégiées (bourgeoisie et classes intermédiaires) une obligation relativement lourde, pour des avantages aléatoires.

          [Là où le bât blesse, c’est qu’il faudrait que celui qui accepte de faire des efforts, de faire un peu plus, soit valorisé. Et je ne parle pas d’un point de vue financier, mais d’un point de vue symbolique. Quand mon chef m’a dit: “vous êtes quelqu’un de fiable et je sais que je peux compter sur vous”, cela m’a apporté plus de satisfaction qu’une augmentation… Mais il est vrai que je perçois une rémunération très convenable.]

          Il faut s’entendre sur le mot « symbolique ». Oui, les gestes symboliques comptent. Mais pour que cela marche, ces « symboles » doivent symboliser quelque chose de réel. Si votre chef vous dit « vous êtes quelqu’un de fiable et je sais que je peux compter sur vous », et qu’ensuite il vous flique en permanence et ne vous donne aucune latitude dans l’organisation de votre travail, autrement dit, si les faits matériels démentent la déclaration « symbolique », le système ne tient pas. Pour que ça marche, il faut que le réel suive le « symbolique ». Si mon chef me dit « je vous fais confiance » et qu’ensuite il ne m’accorde pas la liberté que cette « confiance » implique, le symbole perd vite son sens.

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