Elections européennes: la conjuration des inutiles

Scandale ! Alors qu’il ne reste qu’un mois avant le scrutin qui doit élire un nouveau Parlement européen, la question n’a même pas effleuré cet honorable blog. Il est donc grand temps de réparer cette erreur. Comment mes lecteurs pourraient autrement s’orienter parmi les projets fournis des différents candidats, parmi les offres électorales toutes plus alléchantes les unes que les autres ?

Laissons de côté les ronchons, et regardons du côté de ceux qui nous proposent une Europe radieuse. De ce côté, on a l’embarras du choix. Prenez Valérie Hayer, par exemple, qui nous explique sur l’antenne de France Inter les vertus de l’Europe : « quand je suis née il y avait un mur aujourd’hui les jeunes peuvent aller faire la fête à Berlin et payer en euros ». Rendez-vous compte, une Europe qui abat les murs pour que les jeunes puissent aller faire la fête à Berlin sans avoir à passer par un bureau de change, n’est-ce pas là la véritable utopie du XXIème siècle faite réalité ? Et selon elle, les merveilles de la construction européenne ne s’arrêtent pas là. Jugez plutôt sa prose :

« Depuis deux ans, toutes les puissances mondiales veulent attirer à elles un tissu industriel de pointe. Outre-Atlantique, la Maison Blanche a déployé le tapis rouge aux meilleures industries du monde. Comme Pékin et comme d’autres.
Il était temps de réagir.
La Commission européenne vient d’autoriser une subvention de 902 millions d’euros pour produire un million de batteries électriques dans une nouvelle usine Northvolt, qui a failli se faire aux États-Unis.
C’est le début d’une révolution copernicienne.
L’Union ouvre la voie à un soutien assumé et légal de ses États à la réindustrialisation verte. Comme en France où les gigafactories s’installent les unes après les autres, toute l’Europe se met à bâtir un tissu industriel digne de ce nom.
Bientôt, notre souveraineté européenne sera véritablement technologique, industrielle, géopolitique. Ça s’appelle l’autonomie stratégique et c’est le plus grand chantier du siècle.
L’Union entre, enfin, dans la cour des grands. Et ce n’est que le début ! 
»

Au risque de doucher l’optimisme béat de la candidate, notons que la Commission n’a fait qu’autoriser une subvention, subvention qui sera payée par les contribuables nationaux. Ici, la « révolution copernicienne » consiste en fait à ce que la Commission renonce à appliquer les traités absurdes que Hayer et les siens ont voté avec le plus grand enthousiasme, et qui interdisent les aides d’État au nom de la « concurrence libre et non faussée ». Vous me direz qu’une faute avouée est à demi pardonnée, même si la faute en question nous a coûté quatre décennies de désindustrialisation et la perte de notre leadership dans la plupart des domaines industriels. Mais de là à voir dans la correction d’une erreur une « révolution copernicienne », il y a un pas qu’il vaut mieux ne pas franchir trop vite. Mais surtout, le « tapis rouge » déployé par la Maison Blanche dont parle Hayer s’inscrit dans un programme de relance de 1900 milliards – oui, milliards – de dollars. Imaginer que l’Union européenne entrerait « dans la cour des grands » parce qu’elle autorise un état membre – tout en lui serrant le kiki au niveau de la politique budgétaire – à subventionner à hauteur de 900 millions – oui, millions – d’euros une usine, c’est ridicule. À se demander si elle croit vraiment ce qu’elle dit.

Vous n’aimez pas Hayer ? Prenez alors Raphaël Glucksmann. Lui, au moins, ne dit pas n’importe quoi. Son discours – celui de la guerre froide adapté aux nouvelles circonstances géopolitiques – est rodé depuis plus d’un demi-siècle par les services les plus compétents au monde. Certains lecteurs pointeront que cela est impossible, compte tenu qu’il est né en 1979. Ce serait oublier que le jeune Raphaël a eu un papa, un certain André, « nouveau philosophe » de son état, ardent maoïste et défenseur de la grande révolution culturelle chinoise dans les années 1960-70, reconverti – anticommunisme aidant – en ardent défenseur des droits de l’homme – enfin, de certains hommes – dans les années 1980-90, puis ardent atlantiste et défenseur de l’intervention en Irak dans les années 2000. Un papa qui a eu le temps non seulement de roder le discours pour lui, mais de le faire bénéficier de ses contacts. On les retrouve d’ailleurs tous les deux entre 2006 et 2008 parmi les contributeurs d’une revue néoconservatrice, « Le Meilleur des Mondes », éditée par un cercle de réflexion lié aux services américains, le « Cercle de l’Oratoire », dans le but de justifier la guerre d’Irak. On y retrouve, outre les deux Glucksmann, un paquet d’anciens soixante-huitards à l’anticommunisme fervent ayant fait leur conversion « libérale-libertaire » : Pascal Bruckner, Romain Goupil, Stéphane Courtois, Olivier Rollin, Bruno Tertrais, Bernard Kouchner. Ceci explique peut-être l’engagement du jeune Glucksmann dans « Alternative Libérale », dont il sera candidat aux élections législatives de 2006, ainsi que son départ – avec l’appui de Bernard-Henri Lévy, toute une référence –pour rejoindre l’équipe de Mikhail Saakachvili en Géorgie, aventure qu’il résume lui-même ainsi : « le gouvernement est formé de jeunes gens dont la double nationalité américaine, anglaise ou israélienne fait ressembler Tbilissi à une Babel occidentale plantée au cœur du Caucase ». Il épousera  la ministre de l’intérieur géorgienne Eka Gouladzé. Le couple quittera la Géorgie lorsque les Géorgiens, fatigués de ces « jeunes à la double nationalité », congédieront Saakashvili et sa « Babel occidentale ». Il s’installera en Ukraine, où Eka Gouladzé deviendra après les manifestations d’Euromaidan, ministre… dans le gouvernement ukrainien, illustrant ainsi la formule de l’un de mes anciens professeurs : « avec un tas de chouettes copains, on s’en sort toujours ». À part cela, tous ceux qui pourraient imaginer que Glucksmann a des rapports étroits avec les services américains ne sont que des méchants calomniateurs.

Si Hayer a choisi la ligne de l’eurooptimisme béat, Glucksmann choisit plutôt le côté obscur de la force. Si on croit son discours, nous sommes menacés par toutes sortes de dangers dont seule l’Europe est capable de nous protéger. Le problème, c’est qu’à part cracher sur des ennemis réels ou imaginaires – Poutine, les « populistes », les « nationalistes » – Glucksmann n’a pas grand-chose à proposer. Son affiche de campagne est d’ailleurs assez parlante. Le profil héroïque du seul candidat – le reste de la liste n’a qu’à aller se rhabiller – avec pour slogan « réveiller l’Europe ». Sa vision ? Un de ses adjoints l’explique : « mieux se protéger, mieux se soigner, mieux se loger, mieux se nourrir ». Un programme qui pourrait être celui de n’importe quel candidat, du Rassemblement National à Lutte Ouvrière.

Regardons maintenant du côté des pas contents avec l’Europe. Là, on a plus de choix, entre les critiques gentillets – Bellamy, Desfontaines, Aubry – et les critiques méchants – Bardella et quelques poussières. Eux sont un peu plus réalistes, et consacrent leurs discours à ce qui ne va pas en Europe, appelant à des réformes profondes. Mais en termes pratiques, que proposent-ils ? Le Frexit est tabou, la sortie de l’Euro, le « plan A/plan B » et la « désobéissance » ont été remisés dans quelque cave obscure, et même ceux qui y pensent toujours n’en parlent jamais. Quels que soient leurs états d’âme en privé, ils se sont tous pliés avec enthousiasme, avec regret ou par omission à la logique supranationale de « l’autre Europe ». Au mieux, ils nous endorment avec la perspective d’une réforme « de l’intérieur » des institutions européennes, qui suppose le respect d’un carcan juridique qui ne laisse pratiquement aucune marge de manœuvre, ou bien une refonte des traités qui n’a aucune chance de se matérialiser compte tenu des rapports de force. Obtenir l’accord unanime de 27 gouvernements pour changer les traités, c’est déjà difficile. Mais il faut ensuite obtenir le consentement des peuples, et on a vu en 2005 que ce n’est pas gagné.

On dit que pour celui qui n’a jamais connu la liberté, l’asservissement est indolore. C’est ce qui explique qu’au cours de l’histoire, et malgré leur avantage numérique, les esclaves se soient révoltés ponctuellement contre les agissements d’un maître particulièrement inhumain, mais pratiquement jamais contre l’esclavage en tant que système. Et c’est ce qui explique aussi pourquoi les jeunes générations ne perçoivent pas le carcan de l’Union européenne comme tel. Il faut regarder les choses en face. La plus grande victoire des eurolâtres, c’est d’avoir réussi à « naturaliser » la construction européenne, à faire passer l’Union européenne comme allant de soi. Au point que, comme le dit si bien le personnage d’Orwell dans « 1984 » (1), nous sommes incapables de penser le monde sans cette construction. Nous n’avons tout simplement plus les mots pour le penser. Comment concevoir le concept de « souveraineté » alors qu’en lui accolant l’adjectif « européenne » les forgerons de la novlangue européenne le privent de toute signification ? Pour les jeunes d’aujourd’hui, l’Europe fait partie des phénomènes naturels, comme le lever du soleil ou l’épidémie de grippe hivernale. La novlangue européenne est devenue la langue courante. D’où le climat de résignation qui touche nos concitoyens, y compris ceux qui font de la politique : bonne ou mauvaise, l’Union européenne est là et on ne peut rien y faire. Il faut vivre avec. Tout au plus on peut essayer de ruser avec elle lorsque c’est possible. Les générations de politiques et de fonctionnaires qui se souviennent ce que c’est que d’avoir une politique économique, une politique monétaire, une politique industrielle autonomes – où l’on est seul à prendre les décisions et donc à assumer les responsabilités – et qui savaient conduire de telles politiques sont à la retraite ou dorment le sommeil du juste au cimetière. Leur place est progressivement prise par des générations de politiciens et de hauts fonctionnaires pour qui gouverner, c’est transposer plus ou moins bien les directives de Bruxelles, et éventuellement de négocier des « arrangements » avec la Commission. L’effet le plus néfaste de la construction européenne, c’est qu’elle a alimenté la paresse des élites en leur fournissant une béquille intellectuelle. A quoi bon réfléchir, à quoi bon concevoir des politiques sur mesure – et en prendre donc la responsabilité – puisque Bruxelles pense pour vous et vous fournit du prêt à porter intellectuel, et aussi un bouc émissaire commode si les choses venaient à mal tourner ?

Aujourd’hui, tout le monde a de grandes ambitions pour l’Union européenne. On ne compte pas les problèmes qui, pour nos élites, devraient trouver leur solution « au niveau européen ». À l’heure de dire ce que l’Union européenne devrait faire, la liste est longue. On voudrait bien entendu qu’elle protège les plus pauvres ; qu’elle enrichisse les classes intermédiaires ; qu’elle devienne une puissance industrielle capable de tenir tête aux États-Unis et à la Chine ; qu’elle nous protège des dangers du numérique ; qu’elle lutte contre le réchauffement climatique et protège l’environnement ; qu’elle gère l’immigration… la liste est interminable, et il suffit d’entendre le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne – ou celui de Jordan Bardella le même jour au siège de son parti, pour s’en convaincre. Mais lorsqu’il s’agit de passer des objectifs aux moyens, il n’y a plus personne. Ceux qui énoncent ces listes oublient un détail essentiel : l’Union européenne s’est construite par et pour le marché « libre et non faussé », et ce dogme de base rend tous ces beaux projets illusoires. Si les États-Unis et la Chine sont des puissances, c’est parce que leur économie, loin de reposer sur des marchés « libres et non faussés », sont construites autour d’oligopoles fortement soutenus et régulés par l’État. L’idée ne viendrait à personne aux États-Unis de casser les « champions » américains comme Google ou Microsoft en plusieurs petites entreprises au nom de la « concurrence ». Au contraire, le gouvernement américain utilise ces quasi-monopoles pour asseoir la puissance de leur pays, quitte à leur rogner les ailes quand ils abusent de leur position dominante.

L’Union européenne, au contraire, a systématiquement saboté la constitution d’oligopoles européens au nom du dogme concurrentiel, qui nécessite un marché « atomique », c’est-à-dire, éclaté entre des opérateurs dont aucun n’a de taille suffisante pour peser sur les prix. Moyennant quoi, ce sont les oligopoles étrangers qui font la loi chez nous, que ce soit Mittal dans l’acier ou Google dans les technologies de l’information. Et à partir de là, tous les discours sur la « souveraineté européenne », la « réindustrialisation » et « l’Europe puissance » ne sont que des rêves. À force d’entendre les élites proclamer des grandes ambitions pour l’Europe sans se donner les moyens, les citoyens finissent par se méfier. Ils ont bien raison.

Les partisans de « l’autre Europe » m’expliqueront qu’une autre Europe est possible, qu’on peut changer les textes pour passer d’une régulation par le marché à une régulation par une entité démocratique. Le problème qui se pose alors, ce sera la légitimité de cette régulation. Car on ne le dira jamais assez : l’Union européenne n’est pas, et ne sera pas dans un avenir prévisible, une nation, c’est-à-dire, une collectivité dont les membres se sentent liés par une solidarité impersonnelle et inconditionnelle – j’insiste, inconditionnelle. Et dans ces conditions, comment un « gouvernement européen » pourrait-il avoir une légitimité ? Comment les citoyens pourraient lui déléguer la souveraineté, alors qu’ils n’ont aucune raison de penser qu’il agira dans leur intérêt ? Les objectifs que l’on fixe à l’Union européenne sont structurellement incompatibles avec ce que l’Union européenne est, c’est-à-dire, un ensemble d’États-nations ayant concédé l’exercice de certaines de leurs compétences à une structure administrative. Si l’on veut rechercher la « souveraineté », si on veut impulser des politiques de solidarité, ce n’est pas au niveau européen qu’on pourra le faire. Il faut aller chercher autre chose.

Or, on ne voit personne évoquer cette « autre chose » en termes pragmatiques. Personne ou presque – même parmi ceux qui y croient encore – ne parle plus de « Frexit » ou même de sortie de l’Euro. Et on peut comprendre pourquoi : un tel discours ferait logiquement peur à tout le monde, dirigeants et dirigés confondus, de la même manière que le discours abolitionniste dans l’Amérique du XIXème siècle faisait peur à beaucoup d’esclaves. Car comment faire en dehors de cet ordre devenu « naturel » ? Comment régler sa vie s’il n’y a pas un maître pour vous dire comment faire ? Pour ceux qui ne l’ont jamais connue, la liberté fait peur, car être libre, c’est devoir se reposer sur ses propres capacités à faire des choix, et être responsable des conséquences. L’asservissement, c’est le confort d’avoir quelqu’un – au ciel ou sur terre – pour décider à votre place et pour en assumer le blâme.

Or, l’opinion doute de notre capacité collective à conduire le pays une fois débarrassés du carcan européen. Serions-nous capables de gérer sérieusement notre propre monnaie ? De contrôler nos frontières ? De nous défendre ? De discipliner nos finances ? Nos politiciens sauraient-ils concevoir et conduire de manière autonome une politique globale ? Nos administrations ont-elles les moyens et les compétences pour les soutenir et les accompagner ? Ces craintes résultent en partie d’un discours de la « haine de soi » qui, en s’appuyant sur le travers bien gaulois de râler sur tout, cherche à nous persuader que nous ne sommes capables collectivement de rien réussir. Mais ces craintes sont en partie justifiées lorsqu’on voit comment les capacités techniques de conception et de planification de l’État ont été affaiblies, au point qu’aujourd’hui la conception et le suivi de certaines politiques publiques doit être sous-traitée à des cabinets de conseil privés. Des structures comme la DATAR ont été démantelées, et du Commissariat au plan il ne reste rien si ce n’est une sinécure pour caser des politiciens qui ont dépassé leur date limite de vente. Les établissements et entreprises publiques qui étaient des réservoirs d’expertise dans leur domaine ont été privatisés ou démantelés. Si demain on devait rétablir le Franc, Bercy et la Banque de France seraient-ils capables de conduire la politique monétaire mieux qu’EDF n’est capable de conduire aujourd’hui un projet comme l’EPR de Flamanville ? Ou faudrait-il en confier la gestion à McKinsey et Morgan Stanley ?

Mais plus essentiel encore : est-ce que nos élites auraient la capacité de tracer une route, de fixer un cap, d’emporter avec elles l’adhésion populaire sur la base d’un récit partagé ? Et on revient ici à un élément fondamental que j’avais abordé dans mon papier précédent, celui du rapport au temps et à l’histoire. On ne peut se projeter l’avenir que par une connaissance du passé. Le discours de nos élites qui veut que l’actualité soit « inédite » et incomparable à toute situation passée est un discours empoisonné : si on ne peut rattacher le présent au passé, alors on ne peut rien dire de l’avenir, et on se condamne à une politique purement réactive au jour le jour. Nous ne pouvons nous projeter dans l’avenir que par le récit, et on ne peut construire un récit de l’avenir qu’à partir de l’expérience humaine, c’est-à-dire, d’un récit qui interprète le passé (2).

Ce n’est pas par hasard si tous les mouvements politiques ont d’abord cherché à réécrire l’histoire à leur sauce, et se sont construits des références dans le passé comme instrument pour élaborer un récit d’avenir. L’œuvre napoléonienne est inséparable de sa déclaration de filiation : « du baptême de Clovis à la fête de la Fédération, j’assume tout ». La IIIème République n’est pas concevable sans Michelet et Lavisse. C’est parce que notre société capitaliste avancée se concentre sur le présent, parce qu’elle rejette toute transmission, parce qu’elle dévalorise toute référence au passé, qu’elle perd la capacité de se projeter dans l’avenir. La construction européenne fut, d’une certaine façon, la dernière utopie occidentale. Elle a été dynamique aussi longtemps qu’elle plongeait ses racines dans une histoire, et notamment dans le traumatisme des deux guerres mondiales. Mais avec le passage des générations, avec l’approfondissement du capitalisme mondialisé, cette base historique a aujourd’hui disparu. Cherchez chez les partisans de la construction européenne d’aujourd’hui les références historiques, vous n’en trouverez pas. Les « pères de l’Europe » cherchaient à dépasser les conflits inscrits dans l’histoire. Les eurolâtres d’aujourd’hui cherchent au contraire à les effacer. Et c’est pourquoi la construction européenne a rompu avec l’histoire de l’Europe, et ces billets de banque qui représentent des architectures inexistantes en sont la meilleure illustration. Comme le dit Valérie Hayer, les jeunes vont à Berlin faire la fête. Ils n’y vont pas voir les musées. Ils ne s’intéressent pas à l’histoire tragique de cette ville, ou celle de l’Europe en général. Ils savent vaguement qu’un mur est tombé en 1989, mais ils ne savent guère pourquoi ou par qui il a été construit. Et au fond, cela ne les intéresse pas vraiment. C’est de l’histoire ancienne, qu’il vaut mieux oublier. Et cet oubli est encouragé par l’ensemble des institutions, qui font tout ce qu’elles peuvent pour effacer ce passé, par exemple en invitant les autorités allemandes aux commémorations du débarquement en Normandie, comme si l’Allemagne fédérale – qui, notez-le bien, ne célèbre pas le 9 mai comme une victoire – faisait partie des vainqueurs et non des vaincus. Rappeler que les troupes allemandes – et non pas « nazies » – envoyées par un régime soutenu par l’immense majorité du peuple allemand, ont occupé la France, torturé des résistants, brûlé vifs femmes et enfants, et que les responsables de ces actes ont souvent été protégés par la « nouvelle Allemagne » après 1945 serait impoli et, surtout, « anti-européen ». Ceux qui veulent faire de De Gaulle un « grand européen » à la sauce Delors oublient que le grand Charles cherchait une réconciliation qui n’impliquait nullement l’oubli. C’est cela qui a changé avec Maastricht : il s’agit de construire une Europe des marchés, et donc une Europe sans mémoire. La condition sine qua non de cette construction est une amnésie générale.

Ni Schumann ni Monnet ne sont saints de ma dévotion. Mais je dois leur reconnaître une chose : c’étaient des hommes qui connaissaient l’histoire et ses tragédies, et qui n’avaient rien oublié. Leurs écrits, leurs discours sont d’ailleurs truffés de références historiques. À cette aune, leurs successeurs sont des ignorants, et fiers de l’être. Pour trouver une référence qui sorte du pur exercice scolaire – ou de l’absurdité, comme la comparaison de Daladier avec Marine Le Pen, qui a valu à Valérie Hayer les critiques de plusieurs historiens – dans les discours des leaders européens d’aujourd’hui, il faut se lever de bonne heure. Alors que la guerre refait son apparition sur notre continent, en deux ans pas un seul dirigeant de l’Union européenne n’a fait un discours marquant, n’a ciselé une formule digne de passer à l’histoire. Et ce n’est pas seulement la faute des politiques : ils s’adressent à des citoyens qui, comme le prévoyait Orwell, n’ont plus les références pour comprendre un tel discours. A quoi bon travailler un texte d’ailleurs, alors qu’il sera oublié demain dans ce monde sans mémoire ?

Et sans mémoire, pas de récit. C’est pourquoi les campagnes électorales d’aujourd’hui sont ternes, qu’elles ne mobilisent pas grand monde – militants politiques compris. Parce qu’il n’y a plus de récits. Les discours électoraux tournent autour de la peur et le ressentiment, pas de l’espoir : la peur de Le Pen, la peur du « remplacement », la peur de Poutine, la peur du « fascisme », la peur du « néolibéralisme », la peur du déclassement. Le ressentiment des féministes, des « racisés », des « communautés » diverses et variées, des citoyens « périphériques ». Mais aucun candidat ne nous raconte un avenir commun qui soit finalement meilleur que le présent, un « lendemain qui chante ». Même chez ses partisans, la construction européenne est une question de nécessité à laquelle il faut se résigner pragmatiquement, et non un horizon désirable qui pourrait nous faire rêver (3).

L’amplitude du vote pour le Rassemblement national semble être le seul enjeu de cette élection, puisque tous les autres candidats, qu’ils soient eurobéats ou qu’ils épousent le discours de « l’autre Europe », se sont coulés dans le moule supranational et représentent, avec des nuances de plus en plus difficiles à distinguer, les mêmes couches sociales. Le vote pour le Rassemblement national, est intéressant parce qu’il traduit l’ambiguïté d’un électorat populaire écartelé entre le rejet d’une construction européenne qui se fait sans lui, et la peur d’un changement qui, compte tenu de la « naturalisation » de la construction européenne, est vu comme un saut dans l’inconnu. Un électorat qui, comme l’avait montré le mouvement des « gilets jaunes », est à la fois conscient du rôle essentiel des élites, et de leur inévitable trahison.

Et arrivé au bout de mon papier, je m’aperçois que j’ai oublié l’essentiel. À savoir, que cette élection servira à élire des députés européens. C’est-à-dire, une quarantaine de péquins qui iront se fondre dans les quelques sept cents individus venus de toute l’Europe, et dont l’activité débordante ne sert à rien. Car je mets au défi mes lecteurs de me citer un seul vote, une seule motion, un seul débat au Parlement européen qui ait laissé une marque dans l’histoire, qui ait changé en quoi que ce soit la vie de nos concitoyens. S’il était supprimé, personne ne s’en porterait plus mal – sauf bien entendu les députes européens et leurs collaborateurs, grassement payés pour une activité minimale (4). Cette élection n’est donc rien d’autre qu’un sondage grandeur nature, une opportunité pour les citoyens de faire connaître leur avis, avis que les institutions européennes n’auront ensuite aucun scrupule à ignorer – on l’a bien vu avec le référendum de 2005 – au motif qu’elles savent mieux que les citoyens ce qui est bon pour eux. Vous êtes donc pardonnés par avance de vous en désintéresser… et de choisir votre vote en fonction de basses considérations de politique nationale.

Descartes

(1) « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (…) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? » (G. Orwell, « 1984 »)

(2) De ce point de vue, le cas britannique est intéressant. D’une part, la Grande Bretagne est une civilisation où le rapport au passé reste très fort. Ce rapport a d’ailleurs fait de l’adhésion de la Grande Bretagne à l’Union européenne une adhésion très conditionnée, puisqu’elle fut conçue dans la continuité de la politique britannique d’empêcher l’apparition d’une puissance dominante en Europe continentale bien plus que comme un engagement spirituel. Et d’autre part, la Grande Bretagne reste un pays de conteurs, où le récit reste bien vivant. Cela se voit nettement dans la littérature, par exemple : la littérature anglaise reste fondée sur le récit, là où la littérature française contemporaine se contente de montrer des personnages qui se regardent le nombril. Le « Brexit » a été rendu possible par une confiance en soi alimentée par un récit historique valorisant, où le public chante toujours dans les théâtres « Britannia rules the waves » (« Britannia gouverne les flots »). Chez nous, le discours de la « haine de soi » rend le « Frexit » beaucoup plus difficile. Si n’avons pas été capables de bien faire les choses dans le passé, pourquoi serions-nous plus capables de le faire à l’avenir ?

(3) Cette mutation du discours eurolâtre mérite d’être soulignée. Aujourd’hui, même chez les partisans de la construction européenne, on défend l’Europe de moins en moins en vantant ce qu’elle nous apporte, et de plus en plus de ce que nous perdrions si elle n’était pas là. On est passé du discours « l’Europe nous permet de peser » à celui de « sans l’Europe, nous ne pèserions rien ». Ce changement du discours illustre le passage d’une logique du désir à une logique de la peur. Les eurolâtres ont compris que la construction européenne a cessé d’être désirable, elle ne se maintient que par la peur des citoyens de la voir disparaître.

(4) Pour ceux qui ne l’auraient pas encore regardé, je conseille la série « Parlement » – du moins la première saison – qui donne une image à peine exagérée de ce que c’est que le Parlement européen. Âmes sensibles s’abstenir…

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51 réponses à Elections européennes: la conjuration des inutiles

  1. Jean Paul B. dit :

    Bonjour,
    vous nous parlez de façon fort intéressante des prochaines élections du 9 juin au Parlement européen, mais sans jamais citer une seule fois les noms de l’UPR et de François Asselineau.
     Pourtant ils ont des propositions argumentées que les citoyens ont besoin de connaitre pour se faire une opinion plus juste sur l’UE et éventuellement réfléchir à la question d’en sortir.
    Cela aiderait les électeurs mieux informés de décider:
    1) s’ils doivent aller voter,
    2) et s’ils y vont (ce qui n’est pas gagné!), quel bulletin choisir en connaissance de cause.
     

    • Descartes dit :

      @ Jean Paul B.

      [vous nous parlez de façon fort intéressante des prochaines élections du 9 juin au Parlement européen, mais sans jamais citer une seule fois les noms de l’UPR et de François Asselineau.]

      C’est vrai. Peut-être parce que je ne crois pas qu’Asselineau apporte grande chose au débat. On ne fait pas sérieusement de la politique en s’enfermant dans un refus de discuter avec qui que ce soit. Il est clair que l’objectif d’Asselineau est de préserver sa petite boutique, et non de chercher des accords et des alliances qui pourraient faire avancer les idées souverainistes. Et puis, soyons sérieux : quand je vois que sur le site de l’UPR on ne voit qu’une seule tête, celle d’Asselineau, cela me pose problème. Une organisation politique qui n’est pas capable de former des cadres n’a aucun avenir. Asselineau se comporte en gourou d’une secte, et non en homme politique responsable. Et pourtant, dieu sait si j’ai regardé l’UPR avec un certain intérêt et une certaine bienveillance il y a quelques années…

      [Pourtant ils ont des propositions argumentées que les citoyens ont besoin de connaitre pour se faire une opinion plus juste sur l’UE et éventuellement réfléchir à la question d’en sortir.]

      Je ne sais pas. Je n’ai pas trouvé dans le site de l’UPR un programme pour les élections européennes. Et lorsque je reprends le programme présidentiel de 2022, je retrouve la logique de la « liste au père Noël », avec plein de mesures fort intéressantes, mais aucun détail sur qui va les payer. Plus de revenu pour tout le monde, moins de taxes pour tout le monde, moins de dépense de l’Etat et plus de services publics. C’est gentil, mais « l’argumentation » est particulièrement faible.

      • Halgand dit :

         

        [je ne crois pas qu’Asselineau apporte grande chose au débat. ]

        Ah bon, c’est le seul candidat qui soutient le Frexit (mis à part, peut-être, Philipot qui a refusé de rejoindre l’UPR pour monter sa propre « boutique »), qui argumente sur ce thème depuis 17 ans et il n’apporterait « rien au débat » ? Comment comprendre cette assertion dans votre texte qui passe au vitriol tous les autres candidats invoquant une « autre europe » irréalisable, ainsi que vous l’avez très bien analysé vous même ?

        [On ne fait pas sérieusement de la politique en s’enfermant dans un refus de discuter avec qui que ce soit.]
        Je ne sais pas sur quoi vous vous appuyez pour affirmer cela ! Où avez vous constaté, à quelle occasion, un refus de discuter de M. Asselineau alors que ce dernier ne cesse de réclamer un débat avec tous ceux qui soutiennent une stratégie différente vis à vis de l’UE dans les médias ? Comment à la fois décrire si bien la palette des candidats promoteurs d’une « autre europe » et faire grief à M. Asselineau de refuser de « discuter » (je suppose pour s’associer) avec certains d’entre eux ? Reprocherait-on au Général De Gaulle d’avoir refusé de « discuter » avec les pétainistes ? Par contre, « l’enfermement dans le refus de discuter », il résulte clairement de l’ostracisation scandaleuse des médias grand public à son égard.
         

        [Une organisation politique qui n’est pas capable de former des cadres n’a aucun avenir. Asselineau se comporte en gourou d’une secte, et non en homme politique responsable.]

         

        Quel procès d’intention ! Peut être préférez vous vous réfugier dans l’attitude des élites paresseuses que vous décrivez et qui se contentent de juger les autres sans s’engager?

         

        [Je n’ai pas trouvé dans le site de l’UPR un programme pour les élections européennes. ]

        On en peut pas considérer à la fois que le parlement européen n’a aucun pouvoir et réclamer à M. Asselineau (qui partage cet avis et le dit) un programme… Son but est uniquement, d’après ses dires, de donner de la visibilité au combat pour le FREXIT.

        [Et lorsque je reprends le programme présidentiel de 2022, je retrouve la logique de la « liste au père Noël », avec plein de mesures fort intéressantes, mais aucun détail sur qui va les payer. Plus de revenu pour tout le monde, moins de taxes pour tout le monde, moins de dépense de l’Etat et plus de services publics. C’est gentil, mais « l’argumentation » est particulièrement faible.]

        Là encore, vous êtes injuste. Les 27 milliards d’euros d’économie réalisée par l’arrêt de nos énormes subventions annuelles versées par la France au fonctionnement de l’UE et par la simplification du « mille-feuille » administratif (par suppression des régions et intercommunalités, notamment) constituent une source conséquente de redistribution. Le retour à une monnaie nationale, maîtrisée par l’État et calibrée en fonction des performances réelles de notre économie (et plus celle du deutche mark) en est une autre non moins négligeable. Mais cela, vous le savez et je me demande ce qui vous pousse au dénigrement.

         

         

        • Descartes dit :

          @ Halgand

          [« je ne crois pas qu’Asselineau apporte grande chose au débat. » Ah bon, c’est le seul candidat qui soutient le Frexit (mis à part, peut-être, Philipot qui a refusé de rejoindre l’UPR pour monter sa propre « boutique »), qui argumente sur ce thème depuis 17 ans et il n’apporterait « rien au débat » ?]

          Il y a dix-sept ans, il apportait quelque chose au débat. Mais depuis, il se contente à répéter toujours la même chose, sans jamais nous expliquer comment il compte faire pour organiser son « Frexit ». Il continue à parler d’une sortie négociée à travers de l’article 40 qui rend une telle sortie pratiquement impossible ou du moins très coûteuse pour un pays engagé dans l’Euro.

          [Comment comprendre cette assertion dans votre texte qui passe au vitriol tous les autres candidats invoquant une « autre europe » irréalisable, ainsi que vous l’avez très bien analysé vous même ?]

          Vous aurez quand même remarqué que je n’ai pas inclus Asselineau dans mes « portraits au vitriol ». Comme vous le dites, c’est le seul qui assume le « Frexit ». Mais c’est un « Frexit » tout aussi fantasmé que « l’autre Europe ». Rendre crédible le Frexit, c’est expliquer clairement comment on fait, quelles seront les conséquences et comment on y fait face.

          Par ailleurs, je n’ai pas pardonné à Asselineau – pas plus qu’à Philippot ou Dupont-Aignan d’ailleurs – leurs prises de position sur les vaccins pendant l’épidémie du COVID. Et pour moi, ce n’est pas là une mince question. Les crises révèlent les grands hommes, mais aussi les petits, et ces gens-là on failli au test. Dans un contexte d’urgence nationale, ils ont préféré essayer de capter les mécontentements – et quels mécontentements : ceux du secteur le plus obscurantiste – plutôt que de défendre la rationalité scientifique. Qu’il ait pris position contre le passe sanitaire ou invité Raoult à s’exprimer sur sa chaine youtube me pose un gros problème.

          [« On ne fait pas sérieusement de la politique en s’enfermant dans un refus de discuter avec qui que ce soit. » Je ne sais pas sur quoi vous vous appuyez pour affirmer cela !]

          Dans le discours tenu vis-à-vis des « Patriotes » de Philippot, par exemple.

          [Reprocherait-on au Général De Gaulle d’avoir refusé de « discuter » avec les pétainistes ?]

          Non, mais j’aurais pu lui reprocher de refuser de discuter avec les communistes si c’était là le prix à payer pour l’unité de la Résistance, dès lors que communistes et gaullistes étaient au moins d’accord sur les tâches prioritaires à accomplir, à savoir, la libération du territoire.

          [« Une organisation politique qui n’est pas capable de former des cadres n’a aucun avenir. Asselineau se comporte en gourou d’une secte, et non en homme politique responsable. » Quel procès d’intention !]

          Absolument pas. Je vous mets au défi de me montrer en quoi le paragraphe qui précède fait la moindre référence aux « intentions » d’Asselineau. Non, je me contente de regarder les faits. Et le fait est que depuis dix-sept ans que l’UPR existe, aucune autre figure que celle d’Asselineau n’a été digne de représenter l’organisation. Sur le site de l’UPR, on ne voit qu’Asselineau. Dans les vidéos mises en ligne, il n’y a qu’Asselineau qui tient le crachoir. Aux élections nationales, c’est Asselineau qui est candidat ou tête de liste. Tiens, quel serait pour vous le principal cadre de l’UPR, celui qui serait demain capable de prendre la place d’Asselineau – parce qu’Asselineau est mortel, soyez-en sûr. Je ne vous demande qu’un nom, un seul. Et ensuite, vous pourrez m’expliquer quelle formation il a reçu à l’UPR…

          [Peut être préférez-vous vous réfugier dans l’attitude des élites paresseuses que vous décrivez et qui se contentent de juger les autres sans s’engager ? ]

          Croyez-moi, toute ma vie je me suis engagé, et je l’ai payé cher en temps, en argent, en sacrifices de famille ou de carrière. Alors je vous assure que de ce point de vue j’ai la conscience tranquille, en tout cas assez pour que ce genre d’attaques me soient indifférentes.

          Je ne vois pas à quoi cette attaque ad hominem vous avance. Supposons un instant que je fasse effectivement partie des élites paresseuses en question. En quoi cela ferait changerait le fait qu’Asselineau se comporte comme un gourou, et l’UPR comme une secte ?

          [« Je n’ai pas trouvé dans le site de l’UPR un programme pour les élections européennes. » On en peut pas considérer à la fois que le parlement européen n’a aucun pouvoir et réclamer à M. Asselineau (qui partage cet avis et le dit) un programme… Son but est uniquement, d’après ses dires, de donner de la visibilité au combat pour le FREXIT.]

          Alors qu’il rédige un programme qui mette en valeur le Frexit, qui explique comment il compte s’y prendre pour le réussir. Je ne lui demande pas plus…

          [Là encore, vous êtes injuste. Les 27 milliards d’euros d’économie réalisée par l’arrêt de nos énormes subventions annuelles versées par la France au fonctionnement de l’UE et par la simplification du « mille-feuille » administratif (par suppression des régions et intercommunalités, notamment) constituent une source conséquente de redistribution.]

          Pas vraiment. L’arrêt des subventions annuelles à l’UE permettrait peut-être d’économiser 27 Md€, mais le Frexit suppose aussi l’arrêt des transferts dans le sens inverse. Et ceux-ci sont très loin d’être négligeables : selon la méthode de calcul, on les estime autour de 20 Md€. Autrement dit, sur ce volet on récupérerait quelques 7 Md€. Quant à la simplification du « mille feuilles administratif », cela ne permettrait d’économiser qu’une partie des coûts administratifs de ces structures. Prenons par exemple les lycées. Si les régions disparaissent, vous pourrez certes virer les fonctionnaires chargés d’administrer l’entretien et la construction des bâtiments des lycées. Mais il faudra bien que les lycées soient construits et entretenus. Ces coûts devront être pris en charge par une autre collectivité ou bien par l’Etat, et des fonctionnaires recrutés pour gérer ces programmes.

          Or, les coûts administratifs ne sont pas si importants que l’on croit. Selon l’INSEE (chiffres 2020), les effectifs des administrations régionales sont en dessous de 90.000 agents. Ce qui représente un coût (en supposant que leur salaire moyen est proche de la moyenne nationale) de quelque 2,7 Md€ par an. Mais, comme je vous l’ai montré plus haut, vous n’allez pas pouvoir tous les supprimer : ceux qui s’occupent de gérer les lycées, les interventions économiques, les transports, bref, les activités de service public, vous les retrouverez ailleurs parce que ces activités nécessitent du monde pour les faire.

          Pour le dire autrement, l’idée qu’on économise de l’argent en supprimant des STRUCTURES, c’est de la démagogie pure. Si les activités que ces structures accomplissent sont toujours nécessaires, vous ne faites que déplacer la dépense. Si vous voulez économiser de l’argent, ce n’est pas les STRUCTURES qu’il faut supprimer, ce sont les ACTIVITES. Et là, c’est déjà plus compliqué. Quelles sont les activités des régions ou des intercommunalités qu’Asselineau propose de supprimer ? L’entretien des lycées ? Les trains régionaux ?

          [Le retour à une monnaie nationale, maîtrisée par l’État et calibrée en fonction des performances réelles de notre économie (et plus celle du deutche mark) en est une autre non moins négligeable.]

          Le contrôle de la monnaie, oui, c’est absolument essentiel. Mais il est essentiel parce qu’il permet d’orienter l’économie, d’équilibrer la balance commerciale, de stimuler le développement industriel. Mais il ne faut pas croire que le contrôle de la monnaie permet de faire des miracles. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a, et le pays le plus souverain du monde ne peut distribuer que ce qu’il produit (ou, éventuellement, ce qu’il prélève ailleurs s’il en a la force). Et la politique monétaire ne peut changer cela.

          Le grand problème des souverainistes, c’est la crédibilité. Et c’est pourquoi il faut tenir un langage de vérité. Chercher à faire croire qu’un Frexit n’aura pas un cout, c’est une stratégie suicidaire: les gens ne sont pas idiots, et ils verront bien qu’il y a un loup. Mieux vaut expliquer sérieusement quel sera le coût, et surtout, qui va devoir le payer.

  2. CVT dit :

    @Descartes,

    [Car je mets au défi mes lecteurs de me citer un seul vote, une seule motion, un seul débat au Parlement européen qui ait laissé une marque dans l’histoire, qui ait changé en quoi que ce soit la vie de nos concitoyens.]

    Je vous trouve bien méchant, cher camarade: je peux au moins vous citez deux résolutions que ce “parlement” se pique d’endosser qui ont des conséquences bien concrètes dans notre vie:
    – L’interdiction de la vente de voitures à moteur à explosion à partir de 2035: la sauvegarde de notre chère planète est à ce prix…
    – Et plus fondamental encore: l’utilisation du port USB-C en standard pour nos téléphones portables à partir de 2025: c’est Apple qui fait la gueule😬😏…
    Plus sérieusement, ce sont deux décisions contre-productives à long terme: pour la première, elle livre l’industrie automobile des pays européens, y compris celle de la Bochie (oui, c’est méchant, mais j’en ai marre de mettre des gants avec nos “Amis les Kaskapointes” 😈) pieds et poings liés aux Chinois et aux Indiens (on y pense moins, mais ces derniers fabriquent des voitures électriques en masse, eux aussi…). Comme suicide industriel et économique, c’est dur de faire pire😡!
    Quant à la seconde résolution, c’est une façon de se payer Apple à bon compte, sachant que leurs téléphones tiennent plus de l’objet qui signe une appartenance de classe que d’un smartphone utilitaire…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Je vous trouve bien méchant, cher camarade: je peux au moins vous citez deux résolutions que ce “parlement” se pique d’endosser qui ont des conséquences bien concrètes dans notre vie:
      – L’interdiction de la vente de voitures à moteur à explosion à partir de 2035: la sauvegarde de notre chère planète est à ce prix…
      – Et plus fondamental encore: l’utilisation du port USB-C en standard pour nos téléphones portables à partir de 2025: c’est Apple qui fait la gueule…]

      Vous noterez que dans ces deux cas, il s’agit de propositions du Conseil et de la Commission. Même si le Parlement a voté ces deux textes, sa contribution à leur élaboration est nulle. Le Parlement n’aurait pas existé que les deux textes auraient été les mêmes.

      [Plus sérieusement, ce sont deux décisions contre-productives à long terme: pour la première, elle livre l’industrie automobile des pays européens, y compris celle de la Bochie (oui, c’est méchant, mais j’en ai marre de mettre des gants avec nos “Amis les Kaskapointes” ) pieds et poings liés aux Chinois et aux Indiens (on y pense moins, mais ces derniers fabriquent des voitures électriques en masse, eux aussi…).]

      Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais au-delà des bavardages sur la « réindustrialisation », la politique européenne est de renvoyer tout ce qui est industrie hors des frontières européennes, et de viser une « économie des services » à la façon de Singapour. Certains l’écrivent d’ailleurs sans fard : lisez par exemple cet article (https://www.euractiv.fr/section/concurrence/news/des-chercheurs-exhortent-leurope-a-epouser-la-desindustrialisation/).

      [Comme suicide industriel et économique, c’est dur de faire pire !]

      Meuh non, meuh non. Regardez Singapour ou Monaco, ils n’ont pas d’industrie et ils s’en sortent très bien.

      [Quant à la seconde résolution, c’est une façon de se payer Apple à bon compte, sachant que leurs téléphones tiennent plus de l’objet qui signe une appartenance de classe que d’un smartphone utilitaire…]

      Là, je suis moins d’accord avec vous. La standardisation des chargeurs est une mesure de bon sens. J’ai chez moi plusieurs ordinateurs portables, chacun avec son chargeur (tous fournissent la même tension, il n’y a que l’embout qui change). Quelle est la plus-value technique de ce foisonnement ? En pratique, la plupart des constructeurs de téléphones portables étaient d’ailleurs arrivés à cette conclusion et le mini-usb B s’est généralisé sur tous les grands constructeurs… sauf Apple. Cela étant dit, je ne suis pas sûr qu’une mesure contraignante soit indispensable.

      • Pierre dit :

        “Cela étant dit, je ne suis pas sûr qu’une mesure contraignante soit indispensable” : elle est surtout néfaste à moyen terme puisqu’elle interdit le progrès technique. La prescription réglementaire du port USB-C interdit l’avènement de l’USB-D

  3. Guy dit :

    […ce sont les oligopoles étrangers qui font la loi chez nous, que ce soit Mittal dans l’acier ou Google dans les technologies de l’information.]
    Je suis personnellement confronté à ce problème. Google a développé une suite logicielle permettant de faire du partage et de l’édition en ligne de documents. Il s’agit d’un outil très pratique lorsque l’on doit rédiger à plusieurs mains, ce qui est courant dans mon domaine (rapports d’activité, dépôt de projets impliquant plusieurs partenaires). Cette suite est très complète et simple d’utilisation. Mon employeur a, pour des raisons fort compréhensibles (Google peut mettre la main sur lesdits documents pour son profit), décidé d’interdire l’utilisation de cette suite dans nos activités. Nous nous sommes donc tournés vers lui pour lui demander s’il proposait quelque chose de comparable. Vous devez vous douter que la réponse a été “non”. Tout ce qu’il est mesure de nous fournir est un outil qui ne possède pas le quart des fonctionnalités de celui de Google.

    • Descartes dit :

      @ Guy

      [Mon employeur a, pour des raisons fort compréhensibles (Google peut mettre la main sur lesdits documents pour son profit), décidé d’interdire l’utilisation de cette suite dans nos activités. Nous nous sommes donc tournés vers lui pour lui demander s’il proposait quelque chose de comparable. Vous devez vous douter que la réponse a été “non”. Tout ce qu’il est mesure de nous fournir est un outil qui ne possède pas le quart des fonctionnalités de celui de Google.]

      Faut savoir ce que l’on veut. Google peut se permettre de développer des outils aux fonctionnalités merveilleuses parce que c’est un oligopole américain, et que les frais de développement peuvent être amortis sur un très grand nombre d’usagers sur son marché captif – les Etats-Unis – avant même d’aller le proposer sur le reste du monde. Un développeur français qui développerait des outils aussi merveilleux ne peut espérer amortir son produit sur le marché européen, et encore, il ne pourra capter qu’une toute petite partie – la Commission veille soigneusement à empêcher toute « position dominante ». Alors, qui ira investir dans de tels développements ?

      L’entreprise qui devient un empire mondial grâce à un produit révolutionnaire, c’est un mythe. Toutes les grandes entreprises se sont développées à partir d’une position d’oligopole sur un marché national protégé par l’Etat. C’est trivial dans le domaine de la défense, c’est une évidence dans le champ des technologies avancées (électronique, informatique, nucléaire, aéronautique…) et même dans certaines industries « matures » (automobile).

      Et selon la taille de ce marché, les possibilités sont plus ou moins importantes. Si l’on n’accepte pas, comme vous dites, d’utiliser des outils développes chez nous qui ont « le quart des fonctionnalités de celui de Google », on peut dire adieu à tout développement indépendant. C’est d’ailleurs ce qui arrive tout le temps. Pensez à la compétition entre les systèmes PAL et SECAM. C’est SECAM qui offrait la meilleure qualité d’image… et c’est pourtant PAL qui a gagné. Pourquoi ? Parce que les Allemands ont su défendre leur système, et nous pas.

    • Diderotien dit :

      Si vous ne les connaissez pas, je vous suggère de jeter un oeil à deux alternatives : Collabora, OnlyOffice.

  4. Glarrious dit :

    [ Scandale ! Alors qu’il ne reste qu’un mois avant le scrutin qui doit élire un nouveau Parlement européen, la question n’a même pas effleuré cet honorable blog. Il est donc grand temps de réparer cette erreur.]
     
    On peut dire la même chose des JO pourtant c’est un évènement mondiale.
     
    [ Le Frexit est tabou, la sortie de l’Euro, le « plan A/plan B » et la « désobéissance » ont été remisés dans quelque cave obscure, et même ceux qui y pensent toujours n’en parlent jamais.]
     
    Les adversaires du RN continuent d’en parler comme Macron qui accuse le RN de faire un Frexit caché ou Attal de Frexit en pièce détachée.
     
    [ Or, on ne voit personne évoquer cette « autre chose » en termes pragmatiques. Personne ou presque – même parmi ceux qui y croient encore – ne parle plus de « Frexit » ou même de sortie de l’Euro. Et on peut comprendre pourquoi : un tel discours ferait logiquement peur à tout le monde, dirigeants et dirigés confondus, de la même manière que le discours abolitionniste dans l’Amérique du XIXème siècle faisait peur à beaucoup d’esclaves.]
     
    La France a déjà connu cette situation dans l’entre de guerre avec un Etat-Major incapable de penser la guerre intellectuellement.
     
     

    • Descartes dit :

      @ glarrious

      [On peut dire la même chose des JO pourtant c’est un évènement mondiale.]

      J’y viens, j’y viens, vous ne perdez rien pour attendre…

      [« Le Frexit est tabou, la sortie de l’Euro, le « plan A/plan B » et la « désobéissance » ont été remisés dans quelque cave obscure, et même ceux qui y pensent toujours n’en parlent jamais. » Les adversaires du RN continuent d’en parler comme Macron qui accuse le RN de faire un Frexit caché ou Attal de Frexit en pièce détachée.]

      Par certains côtés, je pense que cette « accusation » est justifiée. Après tout, on voit mal comment le programme du RN pourrait être réalisé dans le respect des traités européens. Ceux qui ont pensé ce programme assument donc une forme de « Frexit », même si pour des raisons politiques ils peuvent difficilement le dire. Que les eurosceptiques cachent leur jeu, que les eurolâtres utilisent l’idée d’un « Frexit » comme un épouvantail vous montre combien l’aversion au risque devient l’élément essentiel du débat politique. La perspective de faire autre chose que ce qui se fait terrorise tellement l’électorat que personne finalement n’assume une position véritablement « révolutionnaire » en matière économique. Pas même l’ultragauche, qui derrière un discours « anticapitaliste » se désintéresse de tout ce qui n’est pas « sociétal ».

      [« Or, on ne voit personne évoquer cette « autre chose » en termes pragmatiques. Personne ou presque – même parmi ceux qui y croient encore – ne parle plus de « Frexit » ou même de sortie de l’Euro. Et on peut comprendre pourquoi : un tel discours ferait logiquement peur à tout le monde, dirigeants et dirigés confondus, de la même manière que le discours abolitionniste dans l’Amérique du XIXème siècle faisait peur à beaucoup d’esclaves. » La France a déjà connu cette situation dans l’entre deux guerres avec un Etat-Major incapable de penser la guerre intellectuellement.]

      La comparaison est osée. L’Etat-major était parfaitement capable de penser la guerre, seulement elle pensait une autre guerre, celle contre les Soviets. A l’aube de l’attaque allemande contre la Pologne, l’Etat-major rêvait d’une intervention franco-britannique pour soutenir les Finlandais en guerre contre l’URSS. La ligne Maginot était la traduction d’une pensée stratégique très rationnelle : il fallait pousser ou contraindre l’Allemagne à aller vers l’Est. Et il n’y avait pas que l’Etat-major pour penser cela : les élites étaient dans la même logique, et c’est pourquoi elles ont saboté les accords de sécurité commune avec l’URSS, et préféré la capitulation plutôt qu’une intervention soviétique pour soutenir la Tchécoslovaquie en 1938.

      Je ne pense pas du tout qu’on soit dans une situation comparable à celle des années 1920-30 ni même des années 1940-70. A l’époque, « un fantôme parcourait l’Europe », et l’action des élites comme des classes dominantes est déterminée par la peur qu’il suscite. Avant la guerre, elle se traduit par le soutien des « démocraties » aux régimes autoritaires et anticommunistes (Salazar, Franco, Hitler, Mussolini, Beck et j’en passe). Après, non seulement on a continué à soutenir les régimes autoritaires qui ont survécu (les dictatures espagnole et portugaise subsistent jusqu’aux années 1970 sans que les « démocraties » trouvent à redire) mais on bâtit des états-providence pour détourner la classe ouvrière des mauvaises pensées. Rien de tel aujourd’hui : les classes dominantes sont fermement installées et ne craignent rien, les rapports de force leur étant ultra-favorables. C’est cette sécurité qui – comme le résumait Fukuyama – les conduit à penser la fin de l’histoire et un futur qui ressemble au présent, la technologie en plus.

      • Glarrious dit :

        [ La ligne Maginot était la traduction d’une pensée stratégique très rationnelle : il fallait pousser ou contraindre l’Allemagne à aller vers l’Est. Et il n’y avait pas que l’Etat-major pour penser cela : les élites étaient dans la même logique, et c’est pourquoi elles ont saboté les accords de sécurité commune avec l’URSS, et préféré la capitulation plutôt qu’une intervention soviétique pour soutenir la Tchécoslovaquie en 1938.]
         
        Mais alors pourquoi avoir conclut des alliances avec des pays de l’Est si c’est pour pousser l’Allemagne à aller vers l’Est ?
         

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [Mais alors pourquoi avoir conclut des alliances avec des pays de l’Est si c’est pour pousser l’Allemagne à aller vers l’Est ?]

          Quelles « alliances » ? Au mieux, on a donné des « garanties », dont on a vu ce qu’elles valaient : en 1938, la Tchécoslovaquie fut abandonnée à son sort par les grandes puissances européennes. En 1939, la France et la Grande Bretagne déclarent la guerre… mais restent l’arme au pied pendant que la Pologne se fait battre. Si l’Allemagne avait attaqué l’URSS en 1940 au lieu de se retourner contre la France, il y a fort à parier que ni la France, ni la Grande Bretagne n’auraient levé le petit doigt.

          • Glarrious dit :

            Ils restent l’arme au pied car leurs armées ne sont pas prêt à attaquer à cause des retards de l’appareil industrielle, il faut attendre au moins 1941 pour être pleinement opérationnelle. La Grande Bretagne avait réduit son armée de terre pendant l’entre-deux-guerres donc il faut du temps pour être au nombre même si ils ont surestimés la Wehrmacht.

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Ils restent l’arme au pied car leurs armées ne sont pas prêt à attaquer à cause des retards de l’appareil industrielle, il faut attendre au moins 1941 pour être pleinement opérationnelle.]

              Mais alors, quel sens donner à la préparation d’une intervention pour aider les Finlandais contre les Soviétiques fin 1939 ? Les armées n’étaient pas “prêtes à attaquer a cause des retards de l’appareil industriel”, mais elles étaient parfaitement prêtes à monter une opération a plusieurs milliers de kilomètres de leurs bases ?

              Soyons sérieux: en 1940, même avec ses retards, l’armée française était formidable, et tous les historiens – Ian Kershaw, dans sa monumentale biographie de Hitler, pour ne donner qu’un exemple – démontre combien l’attaque sur la Pologne fut un “coup de poker”, qui aurait viré au désastre si les troupes françaises et britanniques avaient traversé un Rhin totalement dégarni. Hitler a parié que les occidentaux ne bougeraient pas, et les faits lui ont donné raison. Et s’ils n’ont pas bougé, c’est parce que les pauvres ne voulaient pas mourir pour Dantzig, et les bourgeois ne voyaient pas d’un mauvais oeil se renforcer le “cordon sanitaire” autour de l’URSS.

              [La Grande Bretagne avait réduit son armée de terre pendant l’entre-deux-guerres donc il faut du temps pour être au nombre même si ils ont surestimés la Wehrmacht.]

              Encore une fois, il ne semble pas que ces considérations aient pesé dans la préparation de l’opération en Finlande. Curieux quand même: alors que les armées franco-britanniques selon vous n’étaient pas prêtes à faire face à l’Allemagne, on était volontaire pour distraire des ressources importantes pour en découdre avec l’URSS. Etonnant, non ?

            • Glarrious dit :

              @Descartes
              [ Mais alors, quel sens donner à la préparation d’une intervention pour aider les Finlandais contre les Soviétiques fin 1939 ? Les armées n’étaient pas “prêtes à attaquer a cause des retards de l’appareil industriel”, mais elles étaient parfaitement prêtes à monter une opération a plusieurs milliers de kilomètres de leurs bases ?]
               
              Le montage de cette opération pour la Finlande n’est qu’une idée qui est passé dans la tête de Daladier ou bien il y a des moyens qui ont été  réellement mis en œuvre pour aboutir ? Des prises de contacts ont été entrepris avec les autorités finlandaise ?
               
              Pour ma part cette idée d’opération pour la Finlande c’est de la même acabit que Macron qui souhaite déployer l’armée en Ukraine. Selon moi un mouvement d’humeur rien de concret là-dedans.

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Le montage de cette opération pour la Finlande n’est qu’une idée qui est passé dans la tête de Daladier ou bien il y a des moyens qui ont été réellement mis en œuvre pour aboutir ? Des prises de contacts ont été entrepris avec les autorités finlandaise ?]

              Le plan en question était des plus sérieux : « en février 1940, la France et l’Angleterre offrirent leur aide : le plan approuvé le 5 février par le Haut-Commandement allié prévoyait l’envoi de 100 000 Britanniques et de 35 000 Français, qui devaient débarquer dans le port norvégien de Narvik et aller soutenir la Finlande via la Suède. Il fut convenu que le plan serait lancé le 20 mars si les Finlandais appelaient à l’aide. Le 2 mars, les forces alliées demandèrent officiellement des droits de passage aux gouvernements norvégiens et suédois. »

              [Pour ma part cette idée d’opération pour la Finlande c’est de la même acabit que Macron qui souhaite déployer l’armée en Ukraine. Selon moi un mouvement d’humeur rien de concret là-dedans]

              Pas du tout. C’était du sérieux. Si le plan a capoté, c’est parce que les Finlandais ont préféré négocier la paix avec l’URSS – alors que les alliés occidentaux l’encourageaient au contraire à prolonger la guerre…

      • democ-soc dit :

        Je te trouve bien dur avec la France…Ton descriptif est sans doute valable pour les années 20 : il y a même eu (déjà!) des contingents français en Ukraine, pendant la guerre civile entre blancs et rouges.Et même à cette occasion des mutineries dans l’armée et la flotte, ce qui en dit long sur les capacités de l’armée française à faire la guerre après 1918.Pour les années 30, je suis moins d’accord.Les dirigeants français n’ont pas eu la tâche facile. Je verrais plus dans les erreurs de leur politique étrangères des intérêts contradictoires qu’il fallait ménager.Le meilleur exemple, c’est Blum qui renonce à intervenir dans la guerre d’Espagne pour ne pas froisser les conservateurs anglais.les dirigeants de la IIIe république, quelque soit leur crèmerie, doivent composer entre un pacifisme massif héritée de la boucherie de 14-18 et des doctrines d’attaque à outrance, la collaboration perçue comme necessaire avec la Grande Bretagne, et des envies de plus en plus prononcées de ressusciter la triple entente avec la Russie soviétique.C’est palpable avec la signature du traité franco-soviétique d’assistance mutuelle de 1935 (signé par Laval!), avec l’ouverture de la frontière française aux livraisons d’armes soviétiques à L’Espagne au printemps 1938 (sans cela, les républicains n’auraient jamais pu lancer leur grande offensive à travers l’Ebre), puis avec la signature d’un traité d’assistance mutuelle entre GB, France et URSS en juillet 1939.
        Traité dont la mise en application est conditionnée, il est vrai, à la signature d’une convention militaire… Qui ne verra jamais le jour du fait des méfiances réciproques, notamment entre anglais et russes, et entre polonais et russes.De ce que j’en ai lu, les militaires français envoyés à Moscou pour négocier cette convention militaire ont fait tout leur possible, dans le but précisément d’avoir à éviter de faire la guerre!1940 a d’ailleurs montré que l’armée française ne savait ni attaquer, ce qui était prévisible, ni défendre, ce qui l’était moins. Si ça n’est pas être incapable de penser la guerre, je ne sais pas ce que c’est.Quant à la guerre du nord entre URSS et Finlande, elle ne commence qu’en décembre 1939, à une époque où la guerre est déclarée et où l’URSS est un allié objectif de l’Allemagne. Je donne quitus à Daladier et Raynaud d’avoir voulu éviter que toute la Scandinavie ne soit occupée par des puissances hostiles.

        • Descartes dit :

          @ democ-soc

          [Je te trouve bien dur avec la France…]

          Qui aime bien châtie bien. Et bien connaître les tenants et les aboutissants de cette époque est indispensable si on veut éviter de commettre les mêmes fautes.

          [Ton descriptif est sans doute valable pour les années 20 : il y a même eu (déjà!) des contingents français en Ukraine, pendant la guerre civile entre blancs et rouges. Et même à cette occasion des mutineries dans l’armée et la flotte, ce qui en dit long sur les capacités de l’armée française à faire la guerre après 1918.]

          Et surtout, sur la volonté de la bourgeoisie française à faire son possible pour tuer l’expérience bolchévique dans l’œuf. Une volonté largement partagé par les bourgeoisies européennes et qui sera le moteur essentiel des bouleversements du « court XXème siècle » pour utiliser la formule d’Eric Hobsbawm. C’est cette volonté qui conduit les bourgeois et leurs alliés à soutenir les régimes autoritaires (Europe centrale et orientale, Italie, Espagne, Portugal…) ainsi que l’idée d’un « nouvel ordre européen » résolument anticommuniste. Si Hitler avait été plus rationnel, si au lieu de se laisser aller à ses obsessions antisémites et exterminatrices et il avait fait le job pour lequel la bourgeoisie l’avait soutenu, il aurait maintenant sa plaque au Berlaimont et des rues dans les principales villes d’Europe.

          [Pour les années 30, je suis moins d’accord. Les dirigeants français n’ont pas eu la tâche facile. Je verrais plus dans les erreurs de leur politique étrangères des intérêts contradictoires qu’il fallait ménager. Le meilleur exemple, c’est Blum qui renonce à intervenir dans la guerre d’Espagne pour ne pas froisser les conservateurs anglais.]

          Pour ne pas froisser les conservateurs anglais, ou pour ne pas froisser les conservateurs français ? Pensez-vous que les radicaux l’auraient suivi dans une politique d’engagement aux côtés des « rouges » espagnols ? Mais laissons de côté le cas Blum, à qui on peut accorder le bénéfice du doute. Pensons plutôt aux gouvernements de centre droit, qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pour saboter tout accord de sécurité collective avec les Soviétiques. Le cas de Pierre Laval – dont la carrière politique ne commence pas, comme on le pense souvent, en 1940 – me paraît particulièrement révélateur. Et je ne pense pas que chez Laval ce sabotage soit le résultat d’une « erreur de leur politique étrangère » ou de sa volonté « de ménager des intérêts contradictoires ».

          [Les dirigeants de la IIIe république, quelque soit leur crèmerie, doivent composer entre un pacifisme massif héritée de la boucherie de 14-18 et des doctrines d’attaque à outrance, la collaboration perçue comme nécessaire avec la Grande Bretagne, et des envies de plus en plus prononcées de ressusciter la triple entente avec la Russie soviétique.]

          Les dirigeants de la IIIème République, il est vrai, n’avaient pas la tâche facile. Ce n’est pas tant le « pacifisme massif » (qu’ils ont tout fait pour encourager) ou les rapports avec la Grande Bretagne qu les bridaient, mais l’instabilité du système constitutionnel de la IIIème, qui permettait à chaque parti, à chaque lobby de prendre le gouvernement en otage et empêchait donc de mettre en œuvre des politiques avec un minimum de continuité. Une leçon dont ceux qui parlent de « VIème République » et conchient l’article 49.3 de la Constitution devraient prendre en compte.

          [C’est palpable avec la signature du traité franco-soviétique d’assistance mutuelle de 1935 (signé par Laval!),]

          Une précision est nécessaire ici : le traité a été négocié non pas par Pierre Laval, mais par Louis Barthou, qui était favorable à « l’alliance russe ». Après l’assassinat de Barthou fin 1934, Pierre Laval – qui est résolument hostile à tout accord avec les soviets et qui rêve au contraire d’un accord avec l’Italie mussolinienne – le remplace. Evidemment, la mécanique du traité était enclenchée, et il est donc signé, sachant que sans le « protocole militaire » qui devait l’accompagner le traité était une coquille vide. Laval fit ensuite tout son possible pour que le protocole en question ne soit jamais conclu. C’est cette tactique qui convainquit Staline qu’il n’avait rien à attendre de la France, et qu’il valait mieux s’entendre avec l’Allemagne que d’attendre quelque chose d’accords de sécurité collective.

          [avec l’ouverture de la frontière française aux livraisons d’armes soviétiques à L’Espagne au printemps 1938 (sans cela, les républicains n’auraient jamais pu lancer leur grande offensive à travers l’Ebre),]

          Pourriez-vous être plus précis ? De quelle « ouverture des frontières françaises » parlez-vous ? Comment les armes en question sont entrées sur le territoire français ?

          [puis avec la signature d’un traité d’assistance mutuelle entre GB, France et URSS en juillet 1939. Traité dont la mise en application est conditionnée, il est vrai, à la signature d’une convention militaire… Qui ne verra jamais le jour du fait des méfiances réciproques, notamment entre anglais et russes, et entre polonais et russes.]

          Je n’ai pas trouvé trace dans mes références de ce « traité d’assistance mutuelle » de 1939. Je pense que vous faites référence aux négociations ouvertes par la France et la Grande Bretagne avec l’URSS en avril 1939 en vue de la conclusion d’un tel accord. Mais le traité n’a pas été signé. C’est Crémieux-Brilhac je crois qui raconte comment les délégations allemande et française négociaient en simultané à Moscou, et comment la déclaration du négociateur français qu’il n’avait pas l’autorité pour signer le protocole militaire qui fut décisive pour pousser Staline de l’autre côté. L’histoire de l’accord de 1935, dont le protocole militaire n’a jamais vu le jour, avait de quoi échauder les Soviétiques…

          [De ce que j’en ai lu, les militaires français envoyés à Moscou pour négocier cette convention militaire ont fait tout leur possible, dans le but précisément d’avoir à éviter de faire la guerre!]

          Ce n’est pas les négociateurs qui sont en cause ici. Simplement, ils n’avaient pas reçu du gouvernement français le pouvoir de signer les accords. Avec l’expérience du traité de 1935 pour les éclairer, les Soviétiques ont vu dans cette négociation une tentative de gagner du temps, d’autant plus qu’une partie des élites occidentales n’avaient pas perdu l’espoir de pousser Hitler vers l’Est. Alors que de l’autre côté, l’Allemagne envoie son ministre des affaires étrangères avec le pouvoir de signer un pacte de non-agression…

          [1940 a d’ailleurs montré que l’armée française ne savait ni attaquer, ce qui était prévisible, ni défendre, ce qui l’était moins. Si ça n’est pas être incapable de penser la guerre, je ne sais pas ce que c’est.]

          Pourtant, au risque de me répéter, il ne semble pas que ces considérations aient pesé lorsque l’Etat major et le gouvernement français se sont mis en tête d’aider les braves Finlandais contre les méchants Bolchéviques. Comment expliquez-vous cela, sinon en admettant que les élites militaires et politiques ne pensaient pas à la même guerre que vous ?

          [Quant à la guerre du nord entre URSS et Finlande, elle ne commence qu’en décembre 1939, à une époque où la guerre est déclarée et où l’URSS est un allié objectif de l’Allemagne. Je donne quitus à Daladier et Raynaud d’avoir voulu éviter que toute la Scandinavie ne soit occupée par des puissances hostiles.]

          Attendez, attendez… vous me dites que l’armée française n’était pas en conditions d’attaquer l’Allemagne, et vous donnez quitus à Daladier et Reynaud d’avoir voulu engager une guerre contre l’URSS pour « éviter que la Scandinavie soit occupée par des puissances hostiles » ? On n’avait pas les moyens de défendre le Rhin, et on allait s’engager sur la Baltique ? Est-ce bien cohérent ?

          • democ-soc dit :

            Pourriez-vous être plus précis ? De quelle « ouverture des frontières françaises » parlez-vous ? Comment les armes en question sont entrées sur le territoire français ?

             
            Si j’en crois le livre “la guerre d’Espagne” de Guy Hermet, les convois sovietiques ont eu de plus en plus de mal à atteindre indemnes les ports espagnols de la cote mediterranéenne, face aux sous marins italiens et allemands.
             
            L’URSS negocie alors avec la France un gentlemen agrement : le transit et l’ouverture de la frontiere francaise aux livraisons d’arme du 13 mars à la mi juin 1938. 13 mars, le lendemain de l’Anschluss, cela dit en passant..
            En tout cas, Le Havre etait plus facile à atteindre que Valencia pour un navire russe.

             
            Je n’ai pas trouvé trace dans mes références de ce « traité d’assistance mutuelle » de 1939
             

            Je dois reconnaitre que je n’en trouve trace que dans un de mes livres d’Histoire, mais pas sur internet. Le livre cite comme source à ce sujet un livre de Georges Bonnet : “fin d’une Europe : de Munich à la guerre”.
            Georges Bonnet ne m’est pas tres sympathique, mais bon, c’etait quand meme le ministre des affaires étrangeres de la France à l’époque.
             
            Ce traité aurait été signé le 24 juillet par Molotov et les 2 ambassadeurs de France et de Grande Bretagne à Moscou. Il comprenait 7 articles, dont le 6e précisait que ce traité ne serait executoire qu’une fois la convention militaire conclue. Détail interessant : les Pays Bas et la Suisse, qui n’avaient pas reconnu l’URSS à l’époque, étaient exclus des états garantis par ce traité, au grand regret des occidentaux.
             
            Bien sur, l’URSS et l’Allemagne n’ayant pas de frontieres communes, les soviétiques, dans le cadre de cette convention militaire, ont ensuite réclamé le libre passage préventif à travers la Pologne orientale… Et le chef de l’armée polonaise, bousculé par ses collegues français, leur a demandé en retour si ils accepteraient, en tant que français, de faire garder l’Alsace Lorraine par les allemands…
             
            C’est cette impossibilité de convaincre les polonais qui décide de l’echec des négociations militaires. D’ailleurs, si la question des pleins pouvoirs avait été la cause principale, alors les négociations n’auraient meme pas du débuter. Et pourtant elles se poursuivent presque jusqu’à la date fatidique du 23 aout 1939
             

            Comment expliquez-vous cela, sinon en admettant que les élites militaires et politiques ne pensaient pas à la même guerre que vous ?
             

            Supporter la Finlande comporte aussi un but caché : pour Churchill, c’est une bonne occasion, sous pretexte de mieux aider les finlandais, de débarquer – pacifiquement si possible, de force sinon – en Norvege, pour couper la route du fer suedois vers l’Allemagne. Il est probable que si la Norvege n’avait pas été envahie par Hitler, elle l’aurait été par les alliés. Pour mieux dire, elle a probablement été envahie par Hitler avant de l’etre par les alliés…
             

            On n’avait pas les moyens de défendre le Rhin, et on allait s’engager sur la Baltique ? Est-ce bien cohérent ?
             

            La cohérence de la conduite de la guerre chez les alliés en 39-40, j’ai renoncé à la chercher, personnellement!

            • Descartes dit :

              @ democ-soc

              [Si j’en crois le livre “la guerre d’Espagne” de Guy Hermet, les convois sovietiques ont eu de plus en plus de mal à atteindre indemnes les ports espagnols de la cote mediterranéenne, face aux sous marins italiens et allemands. L’URSS negocie alors avec la France un gentlemen agrement : le transit et l’ouverture de la frontiere francaise aux livraisons d’arme du 13 mars à la mi juin 1938. 13 mars, le lendemain de l’Anschluss, cela dit en passant..
              En tout cas, Le Havre etait plus facile à atteindre que Valencia pour un navire russe.]

              Je ne connais pas cet épisode. Je trouve quand même l’histoire un peu rocambolesque. Cela suppose que des navires soviétiques aient débarqué au Havre des armes, qui auraient été ensuite acheminées à travers la France (comment ? par qui ?), le tout en comptant avec la bienveillance du gouvernement Daladier, où Georges Bonnet, un antisoviétique notoire, sympathisant du franquisme et plus tard pétainiste convaincu occupait la place de ministre des affaires étrangères ? On a du mal à le croire…

              [« Je n’ai pas trouvé trace dans mes références de ce « traité d’assistance mutuelle » de 1939 » Je dois reconnaitre que je n’en trouve trace que dans un de mes livres d’Histoire, mais pas sur internet. Le livre cite comme source à ce sujet un livre de Georges Bonnet : “fin d’une Europe : de Munich à la guerre”. Georges Bonnet ne m’est pas tres sympathique, mais bon, c’etait quand meme le ministre des affaires étrangeres de la France à l’époque.]

              Effectivement. Mais il a aussi de très bonnes raisons, lorsqu’il écrit ce livre après la guerre, de se donner le beau rôle, celui du ministre qui aura cherché à bâtir un système de sécurité collective incluant l’URSS. Je n’ai pas mon Crémieux-Brilhac ici pour vérifier, mais si ma mémoire ne me trahit pas il décrit la négociation en question en la rattachant non pas à un traité de 1939, mais au protocole militaire du traité de 1935/

              [D’ailleurs, si la question des pleins pouvoirs avait été la cause principale, alors les négociations n’auraient meme pas du débuter.]

              Je n’ai pas parlé des « pleins pouvoirs », mais du « pouvoir de signer ». Lorsqu’une négociation internationale commence, les ambassadeurs de l’une et de l’autre partie reçoivent de la part de leur gouvernement un mandat de négociation, qui n’inclut pas en général le pouvoir de signer un accord sans consulter leur gouvernement. Lorsque la négociation aboutit à un accord, les ambassadeurs transmettent en général le texte à leur gouvernement, qui en retour leur accorde le pouvoir de signature.

              [« Comment expliquez-vous cela, sinon en admettant que les élites militaires et politiques ne pensaient pas à la même guerre que vous ? » Supporter la Finlande comporte aussi un but caché : pour Churchill, c’est une bonne occasion, sous pretexte de mieux aider les finlandais, de débarquer – pacifiquement si possible, de force sinon – en Norvege, pour couper la route du fer suedois vers l’Allemagne.]

              Attendez : vous m’avez expliqué que les armées britanniques et françaises n’avaient pas les moyens de traverser le Rhin (alors que le gros des troupes allemandes étaient massées aux frontières de la Pologne…), et maintenant vous me dites que les britanniques avaient les moyens d’occuper la Norvège et de couper la route du fer suédois ? Faudrait savoir…

              Par ailleurs, couper la route du fer suédois était un objectif militaire valable. Pourquoi s’encombrer alors du prétexte d’une assistance aux Finlandais, qui mettait l’entente franco-britannique en situation de guerre avec l’URSS ?

              [« On n’avait pas les moyens de défendre le Rhin, et on allait s’engager sur la Baltique ? Est-ce bien cohérent ? » La cohérence de la conduite de la guerre chez les alliés en 39-40, j’ai renoncé à la chercher, personnellement!]

              Moi, je pars de l’hypothèse que les politiciens ne sont pas idiots. Et donc, qu’il y a une cohérence sous-jacente à leurs décisions. Si je ne la trouve pas, c’est parce que je regarde la chose sous le mauvais angle, que je n’ai pas trouvé quel est l’intérêt en jeu. Si on fait l’hypothèse que la priorité des bourgeoisies européennes était de réduire et dans l’idéal de faire disparaître l’expérience bolchévique, tout à coup beaucoup de choses deviennent très cohérentes…

            • democ-soc dit :

              Je reponds sur un nouveau commentaire, car on atteint les limites de l’ancien fil. Cette petite discussion me fait réviser mon Histoire contemporaine…

              Je ne connais pas cet épisode. Je trouve quand même l’histoire un peu rocambolesque.

              J’ai l’explication : cela survient au moment du 2e gouvernement Blum. A cette occasion, on s’est apparemment meme posé la question d’une intervention directe dans la guerre d’Espagne.L’attaché militaire français aupres des républicains espagnols aurait d’ailleurs dit à cette occasion la phrase restée célèbre : « Monsieur le président du Conseil, je n’ai qu’un mot à vous dire, un roi de France ferait la guerre»…Quant au transfert des armes du Havre à Barcelone, je ne vois pas pourquoi la sncf n’aurait pas pu s’en charger, et je vois mal les dockers et les cheminots français s’y opposer.

              Par ailleurs, couper la route du fer suédois était un objectif militaire valable. Pourquoi s’encombrer alors du prétexte d’une assistance aux Finlandais, qui mettait l’entente franco-britannique en situation de guerre avec l’URSS ?

              La propagande franco-britannique etait qu’on se battait pour le droit et la démocratie. Envahir la brave social-démocratie norvegienne qui n’avait rien demandé, ça collait assez mal avec le narratif… Un peu moins mal si c’était pour aider une pauvre petite nation agressée par un “allié” des nazis.
              Et de toute façon, il ne s’agissait pas ici d’aller combattre en Finlande mais d’ameliorer la logistique de son aide. Enfin, officiellement…

              Attendez : vous m’avez expliqué que les armées britanniques et françaises n’avaient pas les moyens de traverser le Rhin (alors que le gros des troupes allemandes étaient massées aux frontières de la Pologne…), et maintenant vous me dites que les britanniques avaient les moyens d’occuper la Norvège et de couper la route du fer suédois ? Faudrait savoir…

              Mais les alliés ont débarqué en Norvege! Avec 2 jours de retard sur les allemands. Ils ont été refoulés sur Narvik, et ils y sont restés jusqu’à Dunkerque. Ils n’en avaient pas les moyens mais ils l’ont fait.
              Quant aux moyens de traverser le Rhin en 1939, il faut faire comme Staline et compter les divisions. A Nuremberg, les généraux nazis ont effectivement parlé de 110 divisions alliées contre un rideau de 25 allemandes sur leur front de l’ouest. Alors vérifions.Selon mes sources, le 3 septembre 1939, aucun soldat anglais n’a mis le pied sur le continent et il faudra attendre debut octobre pour que cela change. De toute façon, la conscription venant tout juste d’etre votée, l’armée anglaise est squelettique au début de la guerre.L’armée française -la seule en jeu ici donc- comprend à cette date sur le papier 86 divisions. Mais il y a d’autres fronts possibles : il faut garder les Alpes et la Tunisie face à l’Italie, et pour cela soustraire encore 23 divisions. Plus quelques troupes pour surveiller les Pyrenées, meme si on croit savoir que Franco a probablement d’autres chats à fouetter en ces lendemains de guerre civile.Et enfin, la mobilisation générale décrétée le 1er septembre n’a rien de magique et il faudra attendre 3 semaines pour que tout soit en place.Ceci nous amènerait à 57 divisions françaises face a la ligne Siegfried le 3 septembre. Coté allemand, à la déclaration de guerre, l’état major a ajouté 9 nouvelles divisions aux 25 initiales, puis encore 6 de plus le 10 septembre. Donc 57 contre 34, puis 40 divisions derriere une ligne fortifiée, avec en plus un minage intelligent de la frontiere cote defenseur, alors que les français n’ont evidemment aucun detecteur de mine. L’affaire ressemblerait presque à une contre-offensive ukrainienne.Et puis d’ailleurs pourquoi préparer un plan d’attaque rapide, alors le general en chef, Gamelin, pense mi-aout 39 que “les polonais tiendront au moins 6 mois et nous viendrons les aider par la Roumanie”?
              Quand on met tout bout a bout, on en viendrait à se demander si “la 7e compagnie” est un film ou un documentaire…

            • Descartes dit :

              @ democ-soc

              [Je reponds sur un nouveau commentaire, car on atteint les limites de l’ancien fil. Cette petite discussion me fait réviser mon Histoire contemporaine…]

              C’est leur plus grande utilité. Ces échanges nous obligent justement à revenir vers les sources documentaires, à rechercher des exemples… et éventuellement à découvrir des épisodes qu’on ne connaît, ou à constater que ce qu’on croyait être un fait historique ne l’est pas.

              [J’ai l’explication : cela survient au moment du 2e gouvernement Blum. A cette occasion, on s’est apparemment même posé la question d’une intervention directe dans la guerre d’Espagne. L’attaché militaire français auprès des républicains espagnols aurait d’ailleurs dit à cette occasion la phrase restée célèbre : « Monsieur le président du Conseil, je n’ai qu’un mot à vous dire, un roi de France ferait la guerre»…]

              J’aime beaucoup cette formule. Je ne sais si l’anecdote est vraie ou si elle a été embellie, mais on ne peut que constater qu’à l’époque les fonctionnaires n’avaient pas leur langue dans la poche, et n’hésitaient pas à dire leur avis au politique, quitte à se faire mal voir… qui oserait dire la même chose à Macron aujourd’hui ?

              [Quant au transfert des armes du Havre à Barcelone, je ne vois pas pourquoi la sncf n’aurait pas pu s’en charger, et je vois mal les dockers et les cheminots français s’y opposer.]

              Sans doute. Mais une opération aussi complexe aurait nécessairement fait intervenir les cadres de la SNCF, et aurait été difficile à cacher. Vous imaginez le scandale si cela s’était su, alors que la droite n’attendait que cela pour faire tomber les gouvernements…

              [« Par ailleurs, couper la route du fer suédois était un objectif militaire valable. Pourquoi s’encombrer alors du prétexte d’une assistance aux Finlandais, qui mettait l’entente franco-britannique en situation de guerre avec l’URSS ? » La propagande franco-britannique etait qu’on se battait pour le droit et la démocratie.]

              Ah bon ? Je ne me souviens pas que cette question ait beaucoup pesé lorsqu’il s’est agi de dépecer la Tchécoslovaquie – l’une des rares démocraties de la région – au bénéfice d’une Allemagne et d’une Pologne autoritaires. A l’époque, on était nettement moins hypocrite et on ne s’encombrait pas avec le discours sur « le droit et la démocratie » : cela viendra plus tard, avec le manichéisme anglosaxon et la guerre froide. En 1939 on n’hésitera pas à défendre la Pologne – elle aussi gouvernée par un régime autoritaire, celle du général Beck – et cela alors qu’elle avait participé en 1938 au dépècement de la Tchécoslovaquie – l’une des rares démocraties de la région – en annexant la région de Teschen.

              [Envahir la brave social-démocratie norvegienne qui n’avait rien demandé, ça collait assez mal avec le narratif…]

              On aurait pu facilement prétendre que c’était pour « sauver la paix de notre temps », comme à Munich. On n’a pas eu ce genre de scrupules lorsqu’il s’est agi de faire avaler la couleuvre à Benès, pourquoi aurait-on hésité pour les Norvégiens ?

              [Et de toute façon, il ne s’agissait pas ici d’aller combattre en Finlande mais d’ameliorer la logistique de son aide. Enfin, officiellement…]

              Envoyer plus de cent mille hommes pour « améliorer la logistique » ? Pour croire cela, il fallait vraiment le vouloir…

              [« Attendez : vous m’avez expliqué que les armées britanniques et françaises n’avaient pas les moyens de traverser le Rhin (alors que le gros des troupes allemandes étaient massées aux frontières de la Pologne…), et maintenant vous me dites que les britanniques avaient les moyens d’occuper la Norvège et de couper la route du fer suédois ? Faudrait savoir… » Mais les alliés ont débarqué en Norvege! Avec 2 jours de retard sur les allemands. Ils ont été refoulés sur Narvik, et ils y sont restés jusqu’à Dunkerque. Ils n’en avaient pas les moyens mais ils l’ont fait.]

              Je vous parle de février 1940, vous me parlez de mai-juin. Je crois me souvenir qu’à ce moment-là les armées allemandes n’étaient plus sur la frontière polonaise…

              [Quant aux moyens de traverser le Rhin en 1939, il faut faire comme Staline et compter les divisions. (…)]

              Votre compte oublie une donnée essentielle : le temps jouait pour l’Allemagne. Si la supériorité française était – je ne vais pas discuter vos calculs, prenons-les à la lettre – de 2 contre 1 lorsque l’Allemagne attaque la Pologne, il sera bien plus défavorable une fois la Pologne vaincue. Je ne sais si une attaque en 1939 aurait connu un succès. Mais elle en avait bien plus de chances que la défense d’août 1940. Le parallèle avec « l’opération spéciale » russe en Ukraine est d’ailleurs assez amusant – si l’on peut utiliser ce terme dans ce genre d’affaires : la Russie a bien compris que l’Ukraine allait être intégrée et armée par l’OTAN, et a attaqué avant que le rapport de forces lui devienne trop défavorable.

              [Et puis d’ailleurs pourquoi préparer un plan d’attaque rapide, alors le general en chef, Gamelin, pense mi-aout 39 que “les polonais tiendront au moins 6 mois et nous viendrons les aider par la Roumanie”?]

              Gamelin était un « politique ». Il pensait ce que les politiciens à qui il devait sa carrière voulaient qu’il pense. Je pense que l’on n’échappe pas au fait que la bourgeoisie française ne voulait pas de guerre, entre autres choses parce qu’elle anticipait que le « nouvel ordre européen » hitlérien n’était pas si défavorable à ses intérêts, ce en quoi elle a commis une très grave erreur.

              Il faut je pense se mettre dans la peau des acteurs de l’époque, en faisant attention au fait que, contrairement à nous, ils ne connaissaient pas la fin de l’histoire. Quelle était leur expérience ? Celle des guerres périodiques (les guerres napoléoniennes, 1870-71, 1914-18…). A chaque fois un vainqueur et un vaincu. Et puis un traité de paix où le vaincu subissait quelques amputations territoriales, quelques pertes coloniales… jusqu’au prochain coup. La France vaincue en 1870 était rédevenu une puissance en 1914, l’Allemagne vaincue en 1918 l’était redevenu en 1939. Et à chaque fois la bourgeoisie avait bien tiré son épingle du jeu, d’abord en vendant des canons, puis en bénéficiant des aides à la reconstruction et de l’effacement des dettes. Sans compter avec la possibilité de discipliner le prolétariat. Même la défaite présentait un certain intérêt : la défaite de 1971 avait permis de liquider la partie la plus révolutionnaire du prolétariat parisien, pourquoi celle de 1940 ne permettrait pas de revenir sur les réformes du Front Populaire ?

              C’est à mon avis cela qu’il faut bien comprendre pour comprendre la dynamique sociale qui conduit à la défaite de 1940. La bourgeoisie française est tellement obnubilée par la révolution bolchévique et par l’agitation ouvrière en Europe occidentale qu’elle estime avoir beaucoup plus à perdre d’une répétition du Front Populaire que d’une défaite militaire. Je n’irais pas jusqu’à dire, comme Annie Lacroix-Ris, que la bourgeoisie française a VOULU la défaite, mais en tout cas elle ne la craignait pas particulièrement. Pour certains, même, ce fut la « divine surprise », qui allait finalement permettre de mettre au pas la gauche. C’est ce qui explique l’enthousiasme du patronat pour Vichy, alors qu’on ne trouve guère de patrons dans la France Libre ou la Résistance…

              C’est toute l’ambiguïté de la politique française. Au-delà d’un pacifisme réel à gauche, mais que la bourgeoisie française n’a jamais vraiment combattu, les bourgeois de l’époque ne voulaient pas – à quelques honorables exceptions près – la défaite de l’Allemagne. Lorsque Laval déclare imprudemment « je souhaite la victoire allemande, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s’installerait partout », il ne fait que refléter l’opinion d’une très large part de la bourgeoisie française. Ce que cette bourgeoisie n’a pas compris, c’est ce que signifiait vraiment une victoire de l’Allemagne nazi. Ils en étaient restés à la conception ancienne : après la victoire allemande, un traité comme celui de Francfort ou de Versailles, et on pourra repartir…

              [Quand on met tout bout a bout, on en viendrait à se demander si “la 7e compagnie” est un film ou un documentaire…]

              Encore une fois, quand une politique vous paraît totalement incohérente, c’est souvent parce qu’on ne cherche pas la cohérence du bon côté…

          • Manchego dit :

            @ démoc-soc & Descartes
            ***Pourriez-vous être plus précis ? De quelle « ouverture des frontières françaises » parlez-vous ? Comment les armes en question sont entrées sur le territoire français ?***
            Les fournitures d’armes soviétiques aux républicains Espagnols (payées rubis sur l’ongle avec l’or de la Banque d’Espagne transféré à Odessa) se sont faites essentiellement par voie maritime en Méditerranée (avec il est vrai des difficultés compte tenu des marines Italiennes et Allemandes). La logistique était très complexe, un des acteurs majeurs a été le PCF qui avait créé la compagnie maritime “France Navigation” pour assurer les livraisons d’armes depuis la Russie vers les ports Espagnols du levant. Les frontières entre la France et l’Espagne n’ont jamais été totalement étanches malgré la politique de non intervention imposée à Léon Blum, il y a eu des passages d’armes de toutes provenances (beaucoup de contrebande, trafic et bien sur corruption), mais à la marge en comparaison aux livraisons soviétiques. Pierre Cot et Jean Moulin ont aussi livré quelques avions aux républicains Espagnols via les frontières terrestres (avec sans doute l’aval de Léon Blum). 
            Les républicains Espagnols ont tout essayé et dépensé des sommes colossales pour acquérir des armes, ils sont même arrivé à acheter des armes aux nazis qui soutenaient Franco
             https://www.elespanol.com/el-cultural/historia/20220223/odisea-republica-conseguir-armas-franco-negocio-nazis/652184930_0.html
            mais au final le processus c’est révélé peu efficace avec un rapport qualité/prix très mauvais et beaucoup de corruption, et ils ne sont jamais arrivé à s’équiper à la hauteur de la coalition qu’ils avaient en face ( troupes franquistes, nazis et italiennes).
             

            • Descartes dit :

              @ Manchego

              [Les fournitures d’armes soviétiques aux républicains Espagnols (payées rubis sur l’ongle avec l’or de la Banque d’Espagne transféré à Odessa) se sont faites essentiellement par voie maritime en Méditerranée (avec il est vrai des difficultés compte tenu des marines Italiennes et Allemandes).]

              C’était bien ce que j’avais compris de mes lectures. D’où mon étonnement à l’idée que la France aurait « ouvert ses frontières » aux livraisons d’armes soviétiques, et encore plus en passant par Le Havre, ce qui supposait une logistique importante pour la traversée du territoire français.

        • François dit :

          @Descartes
          [Et surtout, sur la volonté de la bourgeoisie française à faire son possible pour tuer l’expérience bolchévique dans l’œuf. Une volonté largement partagé par les bourgeoisies européennes]
          On remarquera, alors qu’elle était encore plus réactionnaire que la « bourgeoisie » allemande qui avait trouvé son compte à ce qu’il y ait un coup d’état bolchévique, en laissant transiter Lénine sur son territoire pour qu’il puisse rentrer au pays. (On notera aussi l’ironie faisant qu’il y eu bien plus de réfugiés politiques communistes dans des pays capitalistes, que de réfugiés politiques capitalistes dans des pays communistes.)
           
          Pour le reste, un pays décide de rompre unilatéralement ses obligations militaires (paix de Brest-Litovsk) et financières (défaut sur les emprunts russes) à votre égard, et en plus, il annonce sa volonté de foutre le bordel chez vous (avec sa « révolution mondiale »).
          Vous lui envoyez un bouquet de fleurs ?

          • Descartes dit :

            @ François

            [« Et surtout, sur la volonté de la bourgeoisie française à faire son possible pour tuer l’expérience bolchévique dans l’œuf. Une volonté largement partagé par les bourgeoisies européennes » On remarquera, alors qu’elle était encore plus réactionnaire que la « bourgeoisie » allemande qui avait trouvé son compte à ce qu’il y ait un coup d’état bolchévique, en laissant transiter Lénine sur son territoire pour qu’il puisse rentrer au pays.]

            Vous allez un peu vite en besogne. Je doute fort que les autorités allemandes qui ont autorisé Lénine et les siens à traverser l’Allemagne pour rentrer au pays aient imaginé un seul instant que deux ans plus tard Lénine serait au pouvoir. A l’époque, Lénine apparaissait bien loin d’avoir les moyens de prendre le pouvoir. Les Allemands pensaient plutôt que le retour en Russie de quelques agitateurs ne pouvait qu’augmenter le désordre et compromettre donc les capacités militaires russes.

            [(On notera aussi l’ironie faisant qu’il y eu bien plus de réfugiés politiques communistes dans des pays capitalistes, que de réfugiés politiques capitalistes dans des pays communistes.)]

            D’abord, qu’est ce que vous en savez ? Auriez-vous une statistique du nombre de « réfugiés politiques capitalistes » (à supposer que cela veuille dire quelque chose) dans les pays communistes ? Non ? Alors, votre affirmation est plutôt téméraire.

            Mais surtout, à supposer que cela fut exact, qu’est-ce que cela prouverait ? Je vous rappelle qu’une coïncidence n’implique nullement une causalité. Il y a plein de raisons qui pourraient expliquer une telle différence. Par exemple, le fait que les pays « capitaliste » ouvraient les bras aux réfugiés venant de pays communistes, qui se voyaient accorder sans difficulté le statut de réfugié, n’avaient aucune difficulté pour trouver du travail, pour se loger, pour publier leurs ouvrages. Etre « victime du communisme » vous permettait de bénéficier d’un grand nombre d’avantages. A l’inverse, les pays « communistes » ont toujours eu des politiques de refuge extrêmement restrictives. L’autorisation de s’y installer n’étant accordée qu’à des dirigeants de haut niveau dont la vie était menacée.

            [Pour le reste, un pays décide de rompre unilatéralement ses obligations militaires (paix de Brest-Litovsk) et financières (défaut sur les emprunts russes) à votre égard,]

            Quel « pays » ? Les « obligations militaires » et les « emprunts » ont été contractés par l’Empire Russe, et non par la République des Soviets. Ladite République succédait-elle à l’Empire Russe – ce qu’on appelle la « succession d’Etats » ? Cela aurait supposé non seulement que l’URSS reprenne les obligations contractées par la Russie, mais que l’ensemble des Etats s’estiment liés envers l’URSS par les mêmes obligations qui les liaient à la Russie. Or, ce ne fut pas le cas : la plupart des gouvernements occidentaux n’ont pas reconnu le gouvernement soviétique. Comment un gouvernement pourrait être lié par des obligations envers des Etats qui ne le reconnaissent pas ?

            Le problème est un peu le même avec la France révolutionnaire. Devait-elle se sentir liée par les traités conclus par la monarchie, alors que les autres parties ne se sentaient plus liés par eux ?

            [et en plus, il annonce sa volonté de foutre le bordel chez vous (avec sa « révolution mondiale »).]

            Curieusement, lorsque l’UE annonce sa « volonté de foutre le bordel » en Ukraine lors de la « révolution de Maïdan », tout le monde trouve ça très bien. Comme quoi, il y a des « révolutions » (pardon, des « foutages de bordel ») qui sont admissibles, et d’autres pas..

          • François dit :

            @Descartes
            [Les Allemands pensaient plutôt que le retour en Russie de quelques agitateurs ne pouvait qu’augmenter le désordre et compromettre donc les capacités militaires russes.]
            Malgré tout, une stratégie bien hasardeuse si les « intérêts de classe » prennent le dessus sur toute autre considération. Après tout, il vaut mieux être perdre un peu en étant vaincu par des « bourgeois » étrangers que de tout perdre après que leurs prolétaires aient été tentés par de mauvaises idées.
             
            [Non ? Alors, votre affirmation est plutôt téméraire.]
            Force est de constater que Marx trouva refuge dans la capitaliste Grande Bretagne, Lénine dans la capitaliste Suisse, Trotski et Zinoniev dans la capitaliste Autriche. Ça fait beaucoup de leaders communistes qui ont trouvé refuge dans des capitalistes, alors qu’ils auraient pu les renvoyer dans leur pays d’origine pour croupir dans une geôle. Quels leaders réactionnaires en lutte contre un régime communiste ont trouvé refuge dans un pays communiste ?
            [Mais surtout, à supposer que cela fut exact, qu’est-ce que cela prouverait ? Je vous rappelle qu’une coïncidence n’implique nullement une causalité.]
            Je ne sais pas s’il y a une causalité, mais je trouve ça cocasse.
             
            [Etre « victime du communisme » vous permettait de bénéficier d’un grand nombre d’avantages.]
            Le capitaine russe blanc Adrian Beregovy, devenu ouvrier métallurgiste en savait quelque chose en effet. Non, ont pu se la couler douce sur la côte d’Azur, ceux qui avaient suffisamment bien assuré leurs arrières. La IIIe République avait autre chose à faire que de distribuer domaines et rentes à une aristocratie étrangère.
             
            [Quel « pays » ? Les « obligations militaires » et les « emprunts » ont été contractés par l’Empire Russe, et non par la République des Soviets.]
            Je change le nom de mon pays et abracadabra, je le délie de tous ses engagements !
             
            [Ladite République succédait-elle à l’Empire Russe – ce qu’on appelle la « succession d’Etats » ?]
            Ben oui.
             
            [Or, ce ne fut pas le cas : la plupart des gouvernements occidentaux n’ont pas reconnu le gouvernement soviétique.]
            À ma connaissance, Lénine a purement et simplement répudié les emprunts russes, il n’a pas mis la question en suspens dans l’attente d’une reconnaissance internationale. Car après tout, pourquoi attendre une reconnaissance de jure de la part de gouvernements « bourgeois » voués à s’effondrer à brève échéance ?
            Mais de facto il a été reconnu par la IIIe République, la mission militaire française en Russie ayant entretenu des liens avec le régime putschiste, jusqu’à porter une assistance dans la fondation de l’armée rouge, même après la paix de Brest-Litovsk :

            Des mesures sont donc prises pour réorganiser une véritable armée en développant l’embryon d’Armée rouge créée en février et organisée plutôt comme une milice qu’une véritable institution militaire. Le 22 mars, au cours d’une rencontre avec Lavergne, Trotsky, nommé depuis quelques jours commissaire du peuple à la Guerre, lui déclare que son objectif est de constituer en deux ou trois mois une armée de 300 à 500 000 hommes pour faire face à une éventuelle attaque allemande. Il propose aux Français d’en assurer l’instruction, réservant la formation des grenadiers et des artilleurs aux Britanniques et aux Italiens. Lavergne accepte cette proposition, recevant après coup l’approbation de Foch, et fin mars plusieurs officiers sont détachés auprès de Trotsky pour constituer une sorte de cabinet militaire officieux.

            https://dissidences.hypotheses.org/articles-inedits/larmee-francaise-et-la-revolution-bolchevik-octobre-1917-novembre-1918
             
            Comme quoi, les militaires réactionnaires français ont considéré qu’il valait mieux l’instauration d’un régime bolchévique capable de donner de mauvaises idées à leurs masses laborieuses, plutôt qu’un effondrement du front oriental, de maintenir une menace à l’Est pour l’armée allemande.
            Encore une fois, mais pourquoi donc ont-ils aidé à la consolidation du régime bolchévique, si cela va à l’encontre de leurs « intérêts de classe » ? Ne valait-il mieux pas une France dépecée, mais restant « bourgeoise », plutôt qu’une France intègre, mais socialiste ?
             
            [Le problème est un peu le même avec la France révolutionnaire. Devait-elle se sentir liée par les traités conclus par la monarchie, alors que les autres parties ne se sentaient plus liés par eux ?]
            Quels traités ? Sur proposition de Louis XVI (pensant qu’elle allait la perdre, mal lui en a pris), la France était en guerre avec les autres monarchies, les traités signés antérieurement devenant donc caducs.
             
            [Comme quoi, il y a des « révolutions » (pardon, des « foutages de bordel ») qui sont admissibles, et d’autres pas.]
            Qui a dit que je considère le soutien aux insurgés de Maïdan admissible ? Puisque votre réponse consiste à me renvoyer aux turpitudes de l’UE, j’en conclue donc, qu’implicitement, vous reconnaissez que les putschistes d’octobre 1917 avaient bien en tête le renversement des élites politiques démocratiquement élues de la IIIe République, « bourgeoises » comme vous dites, par la force.

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Les Allemands pensaient plutôt que le retour en Russie de quelques agitateurs ne pouvait qu’augmenter le désordre et compromettre donc les capacités militaires russes. » Malgré tout, une stratégie bien hasardeuse si les « intérêts de classe » prennent le dessus sur toute autre considération. Après tout, il vaut mieux être perdre un peu en étant vaincu par des « bourgeois » étrangers que de tout perdre après que leurs prolétaires aient été tentés par de mauvaises idées.]

              Tout à fait. Mais la bourgeoisie n’est pas omnisciente, et elle peut se tromper dans ses calculs. La stratégie qui consiste à aider les ennemis de mes ennemis en supposant qu’on pourra ensuite les contrôler traverse l’histoire, et on trouve des exemples même récents : pensez aux occidentaux aidant les « freedom fighters » afghans, pour se trouver à la fin du processus avec des avions percutant les tours du WTC…

              [« Non ? Alors, votre affirmation est plutôt téméraire. » Force est de constater que Marx trouva refuge dans la capitaliste Grande Bretagne, Lénine dans la capitaliste Suisse, Trotski et Zinoniev dans la capitaliste Autriche.]

              Avaient-ils une autre possibilité ? Y avait-il à l’époque un état socialiste disposé à l’accueillir ? Votre exemple montre à lui seul l’erreur de votre raisonnement… oui, je vous l’accorde, tous les réfugiés « communistes » d’avant 1917 se sont réfugiés dans des pays capitalistes. Le contraire aurait relevé du miracle…

              [Ça fait beaucoup de leaders communistes qui ont trouvé refuge dans des capitalistes, alors qu’ils auraient pu les renvoyer dans leur pays d’origine pour croupir dans une geôle.]

              Beaucoup ont été effectivement renvoyés dans leur pays d’origine – ou bien mis en geôle dans leur pays de refuge. Marx, Lénine, Trotsky ou Zinoviev ont été laissés en paix essentiellement parce qu’ils se contentaient d’écrire, et qu’ils étaient généralement considéré comme des illuminés pas vraiment dangereux.

              [Quels leaders réactionnaires en lutte contre un régime communiste ont trouvé refuge dans un pays communiste ?]

              Vous faites là une fausse symétrie entre les deux systèmes. Au XXème siècle, le capitalisme est un système installé, puissant, qui domine les rapports économiques et commerciaux. Les expériences socialistes ont été rares et toujours menées dans un état de siège. Le capitalisme avait donc des marges de manœuvre en termes de ce qu’il pouvait tolérer très larges par rapport à celles dont bénéficiaient les expériences socialistes.

              [« Etre « victime du communisme » vous permettait de bénéficier d’un grand nombre d’avantages. » Le capitaine russe blanc Adrian Beregovy, devenu ouvrier métallurgiste en savait quelque chose en effet.]

              Pour en juger, il faudrait savoir quel était le statut social du capitaine russe blanc Adrian Beregovy en Russie. En tout cas, il ne resta « ouvrier métallurgiste » que quelques années (ou quelques mois selon les sources) avant d’installer un café avec sa femme. Et son fils deviendra premier ministre. Beaucoup d’ouvriers métallurgistes français auraient aimé avoir une promotion aussi rapide… Je vous rappelle par ailleurs qu’on parlait ici des réfugiés POLITIQUES, et non des migrants économiques.

              [Non, ont pu se la couler douce sur la côte d’Azur, ceux qui avaient suffisamment bien assuré leurs arrières. La IIIe République avait autre chose à faire que de distribuer domaines et rentes à une aristocratie étrangère.]

              Je répète : on parlait de réfugiés politiques, pas de migrants économiques.

              [« Quel « pays » ? Les « obligations militaires » et les « emprunts » ont été contractés par l’Empire Russe, et non par la République des Soviets. » Je change le nom de mon pays et abracadabra, je le délie de tous ses engagements !]

              La question dépassait un peu le « changement de nom », la preuve : l’ensemble des pays qui reconnaissaient l’Empire Russe a refusé dans un premier temps de reconnaître la République des Soviets. Et ces pays se sont considérés eux-mêmes « déliés » des obligations qu’ils avaient envers l’Empire Russe. Je trouve d’ailleurs curieux que vous ne vous posiez pas la question symétrique : qu’est ce qui autorisait les puissances occidentales à renier les traités conclus avec l’Empire Russe, puisqu’il ne s’agissait qu’un changement de nom ? L’URSS devait payer les dettes de l’Empire, mais ne pouvait pas exiger les créances ?

              [« Ladite République succédait-elle à l’Empire Russe – ce qu’on appelle la « succession d’Etats » ? » Ben oui.]

              Mais dans ce cas, la reconnaissance internationale ou le bénéfice des traités de commerce aurait du lui être acquise, puisque dans le cadre de la « succession d’Etats », l’Etat « succédant » hérite non seulement des obligations, mais aussi des droits de l’Etat disparu. Ce ne fut pas le cas…

              [« Or, ce ne fut pas le cas : la plupart des gouvernements occidentaux n’ont pas reconnu le gouvernement soviétique. » À ma connaissance, Lénine a purement et simplement répudié les emprunts russes, il n’a pas mis la question en suspens dans l’attente d’une reconnaissance internationale.]

              Et alors ? Les « défauts » sur la dette, c’est monnaie courante et beaucoup d’Etats y ont eu recours au cours des siècles. Sans aller plus loin, l’Argentine a fait défaut sur sa dette trois fois en cinquante ans. Et à ma connaissance, cela n’a changé en rien son statut en tant qu’Etat reconnu, conservant l’ensemble des droits et obligations contractées internationalement par ailleurs.

              [Car après tout, pourquoi attendre une reconnaissance de jure de la part de gouvernements « bourgeois » voués à s’effondrer à brève échéance ?]

              Le fait est que la République des Soviets a cherché la reconnaissance internationale, et que celle-ci a été très longue à venir. Vous noterez par ailleurs qu’une reconnaissance internationale n’aurait pas permis aux puissances occidentales d’intervenir en Russie pour aider les forces « blanches »…

              [Mais de facto il a été reconnu par la IIIe République, la mission militaire française en Russie ayant entretenu des liens avec le régime putschiste, jusqu’à porter une assistance dans la fondation de l’armée rouge, même après la paix de Brest-Litovsk : (…)]

              Absolument pas. On peut aider un groupe en vertu du principe « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » sans pour autant les reconnaître en tant qu’Etat. Les Etats-Unis ont bien aidé les Talibans contre les soviétiques en Afghanistan, et cela n’implique nullement de qu’ils les aient reconnus en tant qu’Etat, avec toutes les prérogatives que cela implique.

              [Comme quoi, les militaires réactionnaires français ont considéré qu’il valait mieux l’instauration d’un régime bolchévique capable de donner de mauvaises idées à leurs masses laborieuses, plutôt qu’un effondrement du front oriental, de maintenir une menace à l’Est pour l’armée allemande.]

              Oui, et qu’il serait temps une fois l’ennemi allemand battu, de régler leur compte à ces « révolutionnaires ». Là encore, l’exemple des Talibans illustre à la perfection ce raisonnement – et l’erreur de calcul toujours possible. Un autre exemple est celui de la montée au pouvoir de Hitler, que la bourgeoisie allemande – mais aussi anglaise et française – pensaient pouvoir contrôler une fois qu’il aurait réglé son sort aux communistes et socialistes…

              [Encore une fois, mais pourquoi donc ont-ils aidé à la consolidation du régime bolchévique, si cela va à l’encontre de leurs « intérêts de classe » ? Ne valait-il mieux pas une France dépecée, mais restant « bourgeoise », plutôt qu’une France intègre, mais socialiste ?]

              Certainement : on verra cette logique se manifester pendant le régime de Vichy, avec un ralliement massif du patronat au « nouvel ordre européen » imposé par l’Allemagne. Mais mieux vaut encore une France victorieuse de l’Allemagne et réglant son compte à un régime bolchévique perçu comme faible et sans avenir. C’est d’ailleurs ce qui sera fait : une fois la victoire sur l’Allemagne acquise, s’ouvre la période des interventions occidentales en Russie pour aider les différentes armées « blanches ». Et il s’en est fallu de peu que ces armées soient victorieuses.

              [« Le problème est un peu le même avec la France révolutionnaire. Devait-elle se sentir liée par les traités conclus par la monarchie, alors que les autres parties ne se sentaient plus liés par eux ? » Quels traités ? Sur proposition de Louis XVI (pensant qu’elle allait la perdre, mal lui en a pris), la France était en guerre avec les autres monarchies, les traités signés antérieurement devenant donc caducs.]

              Si ma mémoire ne me trompe pas, ce sont les puissances européennes qui prennent l’initiative, et non l’inverse. La déclaration de Pillnitz du 27 août 1791, cosignée par Léopold II et le roi Frédéric-Guillaume II de Prusse, était une claire intromission dans les affaires intérieures de la France, et cela sans que la France révolutionnaire ait engagé le moindre geste agressif. Le conflit commence en fait avec l’abolition des privilèges, qui touche les intérêts d’un certain nombre de nobles européens qui ont des intérêts en France, et notamment les « princes possessionnés » allemands.

              [« Comme quoi, il y a des « révolutions » (pardon, des « foutages de bordel ») qui sont admissibles, et d’autres pas. » Qui a dit que je considère le soutien aux insurgés de Maïdan admissible ?]

              L’ensemble des journaux, de la classe politique, des élites intellectuelles et économiques, avec de très rares et honorables exceptions.

              [Puisque votre réponse consiste à me renvoyer aux turpitudes de l’UE, j’en conclue donc, qu’implicitement, vous reconnaissez que les putschistes d’octobre 1917 avaient bien en tête le renversement des élites politiques démocratiquement élues de la IIIe République, « bourgeoises » comme vous dites, par la force.]

              Je ne comprends pas cette remarque. De quels « putschistes d’octobre 1917 » parlez-vous ? En quoi menaçaient-ils « les élites politiques démocratiquement élues de la IIIème République » ?

              Mon commentaire visait simplement à noter que tout le monde est prêt à admettre la légitimité d’un « coup d’Etat » lorsqu’il va dans le sens de ses intérêts. On s’indigne de la violation de la souveraineté Ukrainienne lorsque les Russes soutiennent les séparatistes de Donetsk ou Louhansk, mais on bombarde avec enthousiasme la Serbie pour soutenir les séparatistes du Kossovo. En quoi le séparatisme est plus légitime dans un cas que dans l’autre ? En ce que la scission du Kossovo affaiblit un état « ennemi » de l’OTAN, alors que celle de Donetsk ou Louhansk affaiblit un état « ami ». Et ceux qui croient encore aux grands principes n’ont qu’à aller se rhabiller.

      • Glarrious dit :

        Pour continuer le sujet sur le RN, il semblerait que leur liste qui fait quand même plus de 30% des intentions de vote ce qui est une première dans ces élections ! Contient des profils dont on ne voit pas souvent dans le parti (en général des fonctionnaires comme des haut-fonctionnaires, une magistrate, un syndicaliste de la police) donc ces élections ne si inutiles que ça en terme de découverte. Par ailleurs si c’est la peur qui règne au tant l’utiliser pour voter un tel pour tenir l’Union européenne ou un tel pour la faire piquer dans le mur.

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [Pour continuer le sujet sur le RN, il semblerait que leur liste qui fait quand même plus de 30% des intentions de vote ce qui est une première dans ces élections !]

          Oui, mais ce score ne serait pas étonnant compte tenu de la faiblesse de l’offre politique ailleurs. C’est un peu ce que j’ai voulu souligner dans mon papier : les formations traditionnellement eurobéates ont mis en tête de liste des personnalités de second rang – et c’est un euphémisme – qui n’ont pas grande chose à dire à part répéter mécaniquement le discours « contre tout ce qui est mauvais, pour tout ce qui est bon » (le « bilan de mandat » publié par Glucksmann, que j’ai recopié dans un autre commentaire, en est un très bon exemple). LR non seulement a mis une personnalité sans véritable expérinece politique, mais hésite comme l’âne de Buridan entre une ligne eurosceptique qui le rapprocherait dangereusement du RN et une ligne europhile qui le rapprocherait tout aussi dangereusement des macronistes. LFI et les écologistes continuent dans leurs délires « sociétaux » et communautaristes, et les communistes sont trop divisés entre ceux qui se verraient mieux à LFI et ceux qui gardent la « vieille maison » ou ce qu’il en reste pour pouvoir tenir un discours percutant. Dans ce contexte, le RN n’a pas trop de mal à paraître sérieux.

          [Contient des profils dont on ne voit pas souvent dans le parti (en général des fonctionnaires comme des haut-fonctionnaires, une magistrate, un syndicaliste de la police) donc ces élections ne si inutiles que ça en terme de découverte.]

          Je pense que le RN est aujourd’hui le seul parti politique qui réfléchit sur le long terme. Le virage vers le « social-souverainisme », la logique de dédiabolisation ont été d’abord des usines à baffes pour ses dirigeants. Il a fallu patience et longueur de temps pour qu’ils donnent leurs fruits. Et il faut reconnaître à Marine Le Pen et son équipe une grande continuité dans leur stratégie, alors que toutes les pressions, toutes les sirènes médiatiques les encourageaient à dévier.

          Maintenant que le RN est proche du pouvoir, ses dirigeants sont de toute évidence soucieux de se doter des moyens d’exercer le pouvoir. La leçon des années 1990, quand le manque de cadres de bon niveau transforma les victoires électorales aux municipales en défaites politiques tant la gestion des nouvelles équipes fut désastreuse, a été bien intégrée. Marine Le Pen, Jordan Bardella et son équipe ont bien compris que battre les estrades et gouverner, ce n’est pas le même métier et nécessite des compétences différentes. Et que si l’on veut gouverner – et que cette expérience gouvernementale soit un succès – la compétence politique d’un Bardella n’est pas suffisante : il faut s’attacher les techniciens qui savent faire fonctionner la machine. Il y a dans l’appareil de l’Etat un millier de postes vitaux pour la réussite d’une expérience de gouvernement : préfets, ambassadeurs, directeurs des administrations ou des grands établissements publics. Il faut trouver donc un millier de techniciens de premier niveau compétents et prêts à servir loyalement un gouvernement dirigé par le RN – même s’ils ne partagent pas toutes les orientations. Montrer aux techniciens que leur parole est appréciée, qu’ils sont traités avec respect, qu’on leur offre des possibilités d’action alors même qu’ils ne sont pas militants du RN, cela fait partie de cette stratégie d’attraction.

          [Par ailleurs si c’est la peur qui règne autant l’utiliser pour voter un tel pour tenir l’Union européenne ou un tel pour la faire piquer dans le mur.]

          Quant on a peur, on vote pour la stabilité puisque tout changement est perçu comme conduisant au pire. C’est en ce sens que la « naturalisation » de la construction européenne est néfaste…

          • Glarrious dit :

            Le RN montre un sacré contraste avec les autres partis politiques, sur votre blog vous avez discuté de la nature des partis d’aujourd’hui en effet c’est curieux que le RN est passé d’une structure d’ego-politique à collectifs tandis que des partis de gauches ont fait le chemin inverse comme si ils se sont croisés pour ensuite prendre un chemin différents.

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Le RN montre un sacré contraste avec les autres partis politiques, sur votre blog vous avez discuté de la nature des partis d’aujourd’hui en effet c’est curieux que le RN est passé d’une structure d’ego-politique à collectifs tandis que des partis de gauches ont fait le chemin inverse comme si ils se sont croisés pour ensuite prendre un chemin différents.]

              Je ne pense pas que le RN/FN ait été, à aucun moment de son histoire, une organisation au service d’un « égo-politicien ». Le RN de Jean-Marie Le Pen était certainement une organisation bonapartiste, tenue par un chef tout-puissant ou presque. Mais cette toute-puissance se manifestait dans la désignation des cadres, dans le choix des thèmes de campagne ou de la stratégie politique. Mais sur le plan de l’idéologie, n’avait que très peu de marge de manœuvre. Le RN/FN avait une identité idéologique qui ne devait pas grande chose à Jean-Marie Le Pen, qui était le produit d’une histoire antérieure. Le Pen avait réussi à unifier un certain nombre de mouvements disparates, à leur donner une tête visible, mais c’est tout.

              Le RN/FN n’a jamais été une secte : pour y rester, il fallait obéir au chef, mais on n’était pas obligé d’être d’accord avec lui. C’est là pour moi toute la différence entre une organisation politique et une organisation « égo-politique ». Au RN/FN, les désaccords idéologiques étaient connus, assumés, et quelquefois très violents. A LFI, pour utiliser la très bonne formule de Charlotte Girard, « il n’y a pas de moyen d’être en désaccord ».

              Dans une organisation « égo-politique », l’organisation n’est qu’une extension du dirigeant. Celui-ci a tout pouvoir non seulement en matière tactique et stratégique, mais aussi idéologique. Il n’y a pas chez les macronistes d’autre idéologie que le service à Macron, tout comme il n’y a pas à LFI d’autre idéologique que la soumission à Mélenchon. Alors que Le Pen a dû négocier avec les différentes « tribus » de l’extrême droite pour maintenir son mouvement uni, ni Macron ni Mélenchon n’ont jamais négocié quoi que ce soit à l’intérieur de leur organisation.

              On pourrait se demander pourquoi la dérive vers l’égo-politique apparaît plutôt à gauche qu’à droite – car les deux meilleurs exposants de cette logique, Macron et Mélenchon, viennent tous deux de la matrice socialiste. Je n’ai pas de réponse à cette question, qui mériterait certainement une analyse…

            • Glarrious dit :

              @Descartes 
              [ Au RN/FN, les désaccords idéologiques étaient connus, assumés, et quelquefois très violents. A LFI, pour utiliser la très bonne formule de Charlotte Girard, « il n’y a pas de moyen d’être en désaccord ».]
               
              Mais alors comment analysez-vous la scission avec Bruno Mégret ? N’est ce pas un cas de “il n’y a pas de moyen d’être en désaccord”.

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [« Au RN/FN, les désaccords idéologiques étaient connus, assumés, et quelquefois très violents. A LFI, pour utiliser la très bonne formule de Charlotte Girard, « il n’y a pas de moyen d’être en désaccord ». » Mais alors comment analysez-vous la scission avec Bruno Mégret ? N’est-ce pas un cas de “il n’y a pas de moyen d’être en désaccord”.]

              Mais justement, comme l’illustration d’une vie démocratique à l’intérieur de l’organisation. Un parti politique « à l’ancienne » n’est pas un bloc monolithique, ou tout le monde pense pareil. Non, il peut y avoir des désaccords sur des choix tactiques et stratégiques, sur la ligne politique et même sur des questions idéologiques. Et l’organisation gère ces désaccords, organise la confrontation des idées différentes. Et à un moment donné il y a un arbitrage, et ceux qui ne le partagent pas doivent faire un choix : soit ils peuvent vivre avec l’arbitrage en question, et ils restent dans le cadre du parti, soit ils ne peuvent pas l’accepter (parce que le désaccord est trop profond, parce qu’ils estiment que la majorité n’a pas respecté leurs droits, parce qu’ils pensent trouver mieux ailleurs) et alors ils s’en vont voir ailleurs. Les scissions, cela existe dans tous les partis politiques.

              Le départ de Mégret fut un départ COLLECTIF. Il y avait un courant qui ne partageait pas l’orientation stratégique de Jean-Marie Le Pen, et qui est parti voir ailleurs fonder sa propre organisation. Vous noterez que ce n’est pas ce qui arrive chez Macron ou chez Mélenchon. A LFI comme chez les macronistes, les ruptures sont individuelles, jamais collectives. Et c’est logique, parce que dans ces organisations les militants n’ont pas un rapport collectif à des instances, mais un rapport individuel au gourou. On ne rompt pas avec une ligne politique, on rompt avec une personne. Cela est la logique même de l’égo-politique. Charlotte Girard explique cela très bien dans sa lettre de démission.

  5. claustaire dit :

    Le fait, comme vous le notez, que la Commission renonce (enfin !) à appliquer les “traités absurdes” interdisant les aides d’Etat au nom de la « concurrence libre et non faussée » et propose de subventionner des industries européennes, n’est-ce pas une « révolution copernicienne » ? Même si, pour le moment, le niveau des subventions fait plutôt penser à une ‘évolution’ qu’à une ‘révolution’ ? Mais pourquoi ne vous souciez-vous pas de mieux analyser les (r)évolutions récentes de cette UE qui, de ce fait, pourrait mériter d’autres critiques ou appréciations que celles que vous lui adressiez il y a des décennies ?
     
    Par ailleurs, un blog qui se veut de réflexion comme le vôtre, ne devrait-il pas s’interdire en guise d’analyses des attaques ad hominem contre un Glucksmann (ou son père !) ? Alors que l’on aurait pu s’intéresser au bilan des ses 5 années de travail de député européen (s’intéresser à ses votes au sein du Parlement européen., ses propositions, ses oppositions, etc.). Certes, cela supposerait qu’on s’intéresse vraiment au fonctionnement de l’UE (et à ses évolutions récentes) plutôt qu’à sa disqualification théorisée.
     
    Si vous relisiez les différentes pages consacrées depuis des années par votre blog à la critique systématique du système UE et les compariez à la dynamique évolutive tant de cette UE que de ses adversaires (dont plus personne ne propose encore quelque ‘exit’), peut-être constateriez-vous que celle-ci aurait, sur bien des points, évolué suffisamment pour mériter des analyses et observations plus proches du réel historique (évolution et développement qui sont le propre de tout organisme vivant) que d’une grille de lecture figée qui, certes jubilatoirement impertinente comme l’est votre UE-phobie, ne peut que risquer de finir sans la non pertinence.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ claustaire

      [Le fait, comme vous le notez, que la Commission renonce (enfin !) à appliquer les “traités absurdes” interdisant les aides d’Etat au nom de la « concurrence libre et non faussée » et propose de subventionner des industries européennes, n’est-ce pas une « révolution copernicienne » ?]

      Pas vraiment. Une « révolution copernicienne » implique un changement radical de la conception du monde. Avant Copernic, la terre était le centre de l’univers), après lui, la terre n’est qu’un corps céleste parmi d’autres. Avec les implications politiques et théologiques que vous pouvez imaginer.

      Dans le cas d’espèce, la Commission n’a pas reconnu l’absurdité des traités, ni renoncé à les appliquer, pas plus qu’elle n’a « proposé des subventionner des industries européennes ». Elle a autorisé dans un cas précis – et non en général – un Etat de subventionner une usine en particulier. Autrement dit, la Commission n’a pas révisé ses conceptions économiques, elle a autorisé une exception pour des questions d’opportunité. Il n’y a donc aucun changement dans la « conception du monde » de la Commission : la « concurrence libre et non faussée » reste l’objectif fondamental.

      [Même si, pour le moment, le niveau des subventions fait plutôt penser à une ‘évolution’ qu’à une ‘révolution’ ? Mais pourquoi ne vous souciez-vous pas de mieux analyser les (r)évolutions récentes de cette UE qui, de ce fait, pourrait mériter d’autres critiques ou appréciations que celles que vous lui adressiez il y a des décennies ?]

      Je ne vois pas quelles sont les « (r)evolutions récentes » dont vous parlez, et que je me serais abstenu d’analyser. Pourriez-vous être plus spécifique ?

      [Par ailleurs, un blog qui se veut de réflexion comme le vôtre, ne devrait-il pas s’interdire en guise d’analyses des attaques ad hominem contre un Glucksmann (ou son père !) ?]

      Je ne pense pas avoir proféré la moindre attaque « ad hominem ». Je n’ai pas parlé de son physique, de ses goûts, de ses préférences sexuelles, ni d’aucune question personnelle sans rapport avec son action politique. Le fait qu’un parti politique « de gouvernement » mette en avant un homme qui fut – et qui est peut-être encore – un agent d’influence américain n’est pas un élément important dans la « réflexion » ? Evoquer la filiation idéologique d’un candidat serait une attaque « ad hominem » ?

      [Alors que l’on aurait pu s’intéresser au bilan des ses 5 années de travail de député européen (s’intéresser à ses votes au sein du Parlement européen., ses propositions, ses oppositions, etc.).]

      Je n’ai pas fait référence par charité chrétienne. Voici le bilan de mandat établi par Glucksman lui-même :

      « Je suis fier de vous présenter notre bilan de mandat avec Aurore Lalucq !
      Un mandat de combats pour la dignité humaine, pour la justice sociale et écologique, pour l’égalité et la démocratie.
      Pour les Ouïghours déportés, les Ukrainiens massacrés, les exilés abandonnés, les sans voix et les sans droits.
      Pour la transition écologique, la réindustrialisation de l’Europe et l’emploi.
      Pour la régulation de la finance et des cryptos, la taxation des multinationales et la justice fiscale.
      Pour que la puissance publique cesse de baisser la tête face aux puissances d’argent. Contre la marchandisation du monde.
      Contre les accords de libre-échange climaticides et les accords d’investissement comme celui avec la Chine.
      Pour la souveraineté politique de l’Europe, pour les libertés publiques et l’État de droit. Contre la haine des minorités qui prolifère partout en Europe.
      Pour tous ces combats, nous avons besoin de l’Union européenne. Et nous avons besoin de la changer. De la libérer des lobbies. De la rendre plus démocratique. Plus puissante aussi.
      Pour qu’on puisse nous défendre nous-mêmes contre des tyrans comme Poutine. Pour qu’on puisse être armés afin d’affronter le plus grand défi de l’humanité : le péril climatique et l’effondrement de la biodiversité.
      Merci de nous avoir permis de vous représenter en tant que député Place publique au Parlement européen pendant toutes ces années. Merci d’avoir participé à notre combat à travers vos mobilisations incessantes.
      Notre mandat fut marqué par de grandes crises – de la pandémie à la guerre en Ukraine – qui ont profondément bouleversé les équilibres et les politiques de l’Union européenne.
      Nous sommes aujourd’hui à un tournant majeur de notre Histoire.
      Nous avons vu, pendant ces cinq années de travail et de combats, à quel point nous pouvions changer concrètement les choses. (…) »

      A la lecture de ce bilan, on peut apprécier le caractère concret de l’activité du député, et la manière dont ses votes ont changé notre vie.

      [Certes, cela supposerait qu’on s’intéresse vraiment au fonctionnement de l’UE (et à ses évolutions récentes) plutôt qu’à sa disqualification théorisée.]

      Croyez-moi, non seulement je m’y intéresse, mais je suis pour des raisons professionnelles en contact avec les institutions européennes et je peux observer très intimement leur fonctionnement. Accessoirement, j’attends toujours que vous m’indiquiez ces « évolutions récentes » dont vous faites si grand cas…

      [Si vous relisiez les différentes pages consacrées depuis des années par votre blog à la critique systématique du système UE et les compariez à la dynamique évolutive tant de cette UE que de ses adversaires (dont plus personne ne propose encore quelque ‘exit’), peut-être constateriez-vous que celle-ci aurait, sur bien des points, évolué suffisamment pour mériter des analyses et observations plus proches du réel historique (évolution et développement qui sont le propre de tout organisme vivant) que d’une grille de lecture figée qui, certes jubilatoirement impertinente comme l’est votre UE-phobie, ne peut que risquer de finir sans la non pertinence.]

      Au risque de me répéter, j’attends toujours que vous m’expliquiez en quoi consistent ces « évolutions ». Lorsqu’on observe l’évolution de l’UE ces vingt ou trente dernières années, on est ramené à la formule de Talleyrand : « ils n’ont rien oublié, et rien appris ». Les peuples ont rejeté l’orientation fédérale, qui ouvre un gouffre démocratique de plus en plus important entre eux et les institutions européennes ? Pas grave, on continue dans la même direction. La logique du « marché libre et non faussé » conduit à un retard économique de plus en plus grand par rapport aux Etats-Unis ou la Chine ? Pas grave, on continue dans la même direction. L’inféodation à la politique étrangère américaine conduit l’Europe à l’effacement diplomatique ? Pas grave, on continue dans la même direction. La politique déflationniste de la BCE conduit à une croissance anémique et au creusement des dettes ? Pas grave, on continue dans la même direction. « L’Europe de l’Energie » conduit à une gabégie indescriptible, des prix élevés et une pénurie d’électricité ? Pas grave, on continue dans la même direction. Les « évolutions » de l’UE se font toujours dans la même direction, et lorsque les résultats sont désastreux, au lieu de se dire « il faut changer de direction », on continue dans la même voie, à grands coups de rapports qui expliquent qu’il suffira d’aller assez loin pour que tout s’arrange…

      • claustaire dit :

        Honnêtement, vous avez vous-mêmes assez souvent évoqué (encore ci-dessus) les évolutions récentes du fonctionnement et des politiques mises en oeuvre au sein de l’UE pour que nul n’ait à vous les rappeler. 🙂
         
        Quant aux engagements de Glucksmann, ce que vous en rappelez utilement (sans entrer dans le détail des votes et propositions pour lesquels nos brefs échanges n’ont pas la place) permet à chacun de voir quel est le champ d’interventions auquel il a consacré l’essentiel de son énergie. Chacun de vos lecteurs pourra juger de leur orientation et de leurs ambitions.
         
        Sur le fond, fédération ou confédération peuvent, comme cela est en train de se passer au sein de l’UE, très bien se compléter selon les champs de compétences retenus.
         
        Ce qui, à mon avis, devrait importer le plus, c’est d’encourager par nos votes, les mobilisations, listes ou partis les plus engagés à fédérer au mieux les énergies communes de notre Union plutôt que de trop prêter l’oreille à ceux qui n’en pointeraient que les échecs ou les difficultés.
        Bien à vous

        • Descartes dit :

          @ Claustaire

          [Sur le fond, fédération ou confédération peuvent, comme cela est en train de se passer au sein de l’UE, très bien se compléter selon les champs de compétences retenus.]

          L’UE n’est ni une fédération, ni une confédération. Une fédération ou une confédération impliquent un gouvernement par des organes représentatifs du peuple souverain et responsables devant lui. L’Union européenne est gouvernée par un organe bureaucratique et irresponsable, la Commission européenne. Et il n’y a pas de « peuple européen » pour assumer la souveraineté…

          [Ce qui, à mon avis, devrait importer le plus, c’est d’encourager par nos votes, les mobilisations, listes ou partis les plus engagés à fédérer au mieux les énergies communes de notre Union plutôt que de trop prêter l’oreille à ceux qui n’en pointeraient que les échecs ou les difficultés.]

          Pardon, mais… depuis quand « fédérer au mieux les énergies communes » est un objectif en soi ? Faut-il vraiment soutenir ceux qui cherchent à « fédérer au mieux les énergies communes » pour imposer la privatisation des services publics ou l’emploi au rabais au nom du « marché libre et non faussé » ? Et ne me dites pas qu’il s’agit là « d’échecs ou de difficultés ». Le marché unique, la concurrence libre et non faussée sont le cœur, le pilier essentiel, l’objectif numéro un de la construction européenne. Enlevez-le, et tout le reste s’écroule, parce que c’est précisément pour cela que les classes dominantes l’ont soutenue.

  6. cdg dit :

    L auteur est contre l UE, ce qui est son droit. l UE est chargee de tous les pechés du monde. Soit. Mais l honnete intellectuelle devrait quand meme faire mentionner le Brexit. On a ici un pays majeur qui quitte l UE et qui finalement ne s en trouve pas mieux portant (plus d inflation, autant sinon plus d immigration (moins de l UE, plus d afrique & d asie), valse des premiers ministres et incapacite a conduire une politique economique …)
     
    Sinon je tiens a signaler a l auteur qu il se trompe sur un point : les USA ont intentés de multiples proces a Microsoft et n encouragent pas les monopoles. C est d ailleurs pour ca qu a une epoque Microsoft avait sauvé un Apple agonisant (au final une tres bonne decision pour les USA quand on voit le succes d apple). Je vous met une liste des deboires de MS avec la justice : https://www.zdnet.fr/actualites/affaire-microsoft-plus-de-dix-ans-de-procedures-aux-tats-unis-et-en-europe-39146527.htm
    Si l UE n est pas capable d avoir des entreprises comme google ou amazon (lesquelles d ailleurs se concurrencent entre elles , cf le cloud) la raison n est pas a chercher dans la non protection de l etat de nos monopoles (toutes les tentatives etatiques ont ete des echecs comme quaero qui devait damer le pion a google dans la recherche)
     
    PS: il faut etre coherent si vous appelez a des monoples/ologopoles, il faut aussi mentionner le prix a payer. Sans concurrence le prix pour le consommateur est plus elevé et les monoples ont tendance a s endormir sur leurs lauriers. Et quand la concurrence debarque ca fait mal. On en voit un exemple actuellement avec la grande distribution (il y avait 4 centrales achats. Arrive le vente via internet et les hypermarches sont en difficulte. d ou probleme chez Casino et Auchan)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [L’auteur est contre l’UE, ce qui est son droit. L’UE est chargée de tous les péchés du monde.]

      Absolument pas. Ne serait-ce que parce que je ne crois pas à la notion de « péché » en politique. L’UE ne fait que ce qu’elle a été programmée pour faire : enlever les leviers d’action des mains du politique pour les confier au capital financier. Ma position concernant l’UE n’est en rien morale : simplement, l’UE a été créée pour défendre des intérêts qui ne sont pas ceux que j’entends défendre.

      [Soit. Mais l’honnêteté intellectuelle devrait quand même faire mentionner le Brexit. On a ici un pays majeur qui quitte l’UE et qui finalement ne s’en trouve pas mieux portant (plus d’inflation, autant sinon plus d’immigration (moins de l’UE, plus d’Afrique & d’Asie), valse des premiers ministres et incapacité à conduire une politique économique …)]

      A cela, deux remarques. La première est que je n’ai jamais prétendu que le « Frexit » pourrait résoudre tous les problèmes. J’aime bien la formule de Todd : « la sortie de l’UE ne résoudra en elle-même aucun problème. Mais elle fera que les problèmes deviendront NOS problèmes ». Ou pour citer Ruffin, « Qu’on sorte de ce cadre, et on revient à une histoire qui est notre histoire, avec des difficultés qui sont nos difficultés. On redevient maître de notre propre destin. Ce qui mine les gens, actuellement, ça n’est pas simplement la baisse du niveau de vie, ou le chômage, ou des perspectives sombres : c’est le sentiment d’impuissance. Avec une appartenance collective, les gens débattent entre eux, éventuellement se foutent sur la gueule, prennent une décision, sont collectivement responsables de ce qui leur arrive. Je suis convaincu que, malgré les difficultés, inévitables, d’une sortie de la zone euro, l’effet psychique serait bénéfique, serait extraordinaire sur tout le monde.
      Putain mais on est là, à se faire chier, dans un ensemble de non-décisions, avec Bruxelles, avec Francfort, des négociations humiliantes, sans perspective, avec une histoire infiniment nulle qui se profile, et tout d’un coup, ça y est, on est dans la merde, ensemble, en tant que Français, on retrousse nos manches et on essaie de s’en sortir. Ça n’est pas beau, ça ? Et la démocratie renaît. Et au début, on est un petit peu appauvris. Mais on va quelque part, et nos enfants vont quelque part. »

      La deuxième remarque est que lorsque vous parlez du Royaume Uni « qui quitte l’UE et qui finalement ne s’en trouve pas mieux portant », j’aimerais que vous m’expliquiez ce « mieux portant » par rapport à quoi. Quelle est votre référence de comparaison ? Valse des premiers ministres ? Possible, mais ce n’est pas mieux dans l’UE : regardez par exemple l’Espagne, qui n’arrive pas élection après élection à avoir une majorité stable. Ou bien la Belgique, qui met plus d’un an a former un gouvernement, ou les Pays Bas qui sont sans gouvernement depuis trois mois. L’inflation ? Elle était déjà plus forte au Royaume Uni avant le Brexit, et cela pour des raisons structurelles. Et ce n’est pas nécessairement un mal : depuis quand la déflation à l’allemande est le meilleur des mondes ?

      Il faut arrêter de regarder la réalité britannique à travers le filtre des articles fielleux de la presse française – et notamment « Le Monde » – qui avant le Brexit pronostiquant des catastrophes si le « oui » l’emportait, catastrophes qui ne se sont pas réalisées, et qui maintenant une fois par semaine essaye de démontrer que le Brexit était une mauvaise idée. Je n’ai pas l’impression que la Grande Bretagne se porte moins bien aujourd’hui en étant hors de l’Union. L’économie a perdu quelques points de croissance ? Peut-être, mais la souveraineté a un prix. Et je n’ai pas l’impression que les britanniques regrettent le temps où ils recevaient des instructions de Bruxelles.

      [Sinon je tiens a signaler à l’auteur qu’il se trompe sur un point : les USA ont intentés de multiples procès a Microsoft et n’encouragent pas les monopoles.]

      Je tiens à signaler à l’auteur des ces lignes qu’il ferait bien de lire avec attention avant de commenter. J’avais bien écrit « Au contraire, le gouvernement américain utilise ces quasi-monopoles pour asseoir la puissance de leur pays, QUITTE A LEUR ROGNER LES AILES QUAND ILS ABUSENT DE LEUR POSITION DOMINANTE » (non souligné dans l’original). C’est bien à ces procès auxquels je faisais référence. Mais vous remarquerez que les procès en question concernaient à chaque fois l’intégration de certains logiciels dans le système d’exploitation (navigateur internet, media center). Aucun de ces procès ne menaçait le quasi-monopole du système d’exploitation Windows, qui est la véritable source du pouvoir stratégique de Microsoft.

      Je vous signale aussi que je n’ai jamais dit que le gouvernement américain « encourage les monopoles ». J’ai bien parlé de « oligopoles ». Ce n’est pas tout à fait la même chose…

      [Si l’UE n’est pas capable d’avoir des entreprises comme Google ou Amazon (lesquelles d ailleurs se concurrencent entre elles, cf le cloud) la raison n’est pas a chercher dans la non protection de l’Etat de nos monopoles (toutes les tentatives étatiques ont été des échecs comme quaero qui devait damer le pion a google dans la recherche)]

      J’attends encore que vous me donniez un exemple d’entreprise qui ait « échoué » malgré une protection de l’Etat équivalente à celle qu’offre l’Etat américain à ses oligopoles. Une simple lecture du code des marchés publics vous montrera que c’est tout bonnement impossible. Nous n’avons pas la possibilité de faire un équivalent du « buy american act » en France. Par ailleurs, chaque fois qu’un oligopole a commencé a se former en Europe, la Commission l’a cassé au nom de la sacro-sainte concurrence : ce fut le cas par exemple avec Schneider pour les équipements électriques, ou avec EDF lors de l’ouverture à la concurrence de l’électricité…

      [PS: il faut être cohérent si vous appelez a des monoples/ologopoles, il faut aussi mentionner le prix à payer. Sans concurrence le prix pour le consommateur est plus élevé]

      Oui. Et ce n’est pas une mauvaise chose. Comme le montre la théorie, le marché « pur et parfait » aboutit à ce que les prix tendent vers le coût de production, autrement dit, aux marges nulles. Or, c’est sur ces marges qu’on finance par exemple la recherche et le développement de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes. C’est d’ailleurs là la justification du système des brevets, qui pourtant constitue un obstacle évident à la concurrence « pure et parfaite ». Un système de marchés imparfaits surveillé par l’Etat pour empêcher que les marges deviennent excessives au détriment du consommateur semble une solution bien meilleure que le marché « pur et parfait ».

      Je vous accorde bien volontiers le fait que casser les monopoles/oligopoles permet de faire baisser les prix… mais cela compromet le développement de nouveaux produits, de nouvelles techniques pour demain. Une économie de concurrence « pure et parfaite » protège les intérêts immédiats des consommateurs, mais compromet leurs intérêts à long terme, et ceux de l’économie dans son ensemble.

      [et les monopoles ont tendance à s’endormir sur leurs lauriers.]

      Franchement, je trouve que l’expérience ne confirme pas cette théorie. On connaît des entreprises qui se sont « endormies sur leurs lauriers » dans des secteurs concurrentiels (pensez à Pan Am) et d’autres qui, étant des oligopoles, restent à la pointe de l’innovation. Pour prendre un exemple historique, EDF était un « monopole », et cela ne l’a pas empêché d’être une entreprise innovante – bien plus innovante du temps du monopole qu’elle ne l’est aujourd’hui.

      [Et quand la concurrence débarque ca fait mal. On en voit un exemple actuellement avec la grande distribution (il y avait 4 centrales achats. Arrive la vente via internet et les hypermarchés sont en difficulté. D’où probleme chez Casino et Auchan)]

      Je ne vois pas le rapport. La fabrication des lampes à huile était un secteur hautement concurrentiel, et lorsque l’ampoule électrique est apparu l’activité est entré en crise.

      • Glarrious dit :

        @Descartes 
        [ Absolument pas. Ne serait-ce que parce que je ne crois pas à la notion de « péché » en politique. L’UE ne fait que ce qu’elle a été programmée pour faire : enlever les leviers d’action des mains du politique pour les confier au capital financier. Ma position concernant l’UE n’est en rien morale : simplement, l’UE a été créée pour défendre des intérêts qui ne sont pas ceux que j’entends défendre.]
         
        Mais ce qui parle de l’euro comme une monnaie mal conçue, ne l’est pas vraiment alors même si la politique monétaire a été confié au “capital financier”, pourquoi appliquer des règles comme limité le déficit public à 3% ou combattre l’inflation en quoi des règles de ce type servent les intérêts “du capital financier” ? 
         

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [Mais ce qui parle de l’euro comme une monnaie mal conçue, ne l’est pas vraiment alors même si la politique monétaire a été confié au “capital financier”, pourquoi appliquer des règles comme limité le déficit public à 3% ou combattre l’inflation en quoi des règles de ce type servent les intérêts “du capital financier” ?]

          Ça paraît assez évident : le déficit fiscal aboutit toujours à l’augmentation des prélèvements. Soit à travers les impôts et taxes, soit à travers de l’inflation monétaire qui est en fait un prélèvement sur ceux qui ont de la monnaie. En fait, la règle des 3% est une machine de guerre contre la dépense publique : la concurrence fiscale fait qu’on ne peut pas augmenter les impôts des plus riches, et on ne peut pas pressurer sans fin les plus pauvres. L’indépendance de la banque centrale empêche de jouer sur l’inflation. Il ne reste donc qu’un seul moyen pour respecter la règle : réduire la dépense publique…

          Mais la faute de conception de l’Euro ne tient pas seulement au fait que c’est une monnaie au service du capital financier. Elle pose aussi le problème de la solidarité entre les états membres. Avec la monnaie unique, l’ensemble des états puise dans une caisse commune. Si chacun était libre de faire le déficit qu’il veut, alors chacun pourrait en fait faire supporter ses dépenses par les autres. Ce que personne ne peut accepter. Ces mécanismes existent dans n’importe quel état : en France, les collectivités locales doivent présenter des budgets à l’équilibre, et ne peuvent emprunter que sous certaines conditions. Cela empêche qu’une région décide de vivre aux crochets des autres. Mais en compensation, la solidarité inconditionnelle qui est l’essence de la nation fait que le pouvoir central organise des transferts permanents entre régions. En Europe, on a la restriction… sans la solidarité. Les états riches ne veulent surtout pas d’une « Europe des transferts »…

          Cette restriction mécanique des déficits rend impossible le fonctionnement des « stabilisateurs automatiques » keynésiens, autrement dit, des politiques contre-cycliques. Dans la logique keynésienne, l’Etat laisse filer le déficit quand on est en bas du cycle pour maintenir la demande (quitte à s’endetter), et reconstitue un excèdent en haut du cycle (et paye les dettes). Cela suppose une flexibilité que le système européen ne peut avoir, puisque les cycles ne sont pas synchrones dans les différents pays, et que sans une « nation européenne » personne n’est prêt à payer pour le voisin.

  7. Did dit :

    Les girondins, les gens des régions contre révolutionnaires, adorent la soumission. Ne pouvant plus ramper devant l’église, ils se sont vendus à la commission de Bruxelles, à l’Allemagne et aux USA. Leur jeunesse de droite, les Identitaires, reste européiste. La droite a parfaitement accepté la fin de la démocratie tant que cela lui permettait de se débarrasser des classes populaires. Les ouvriers et employés des régions ayant porté la révolution française, les sans culottes de la grande époque, sont impuissants à construire une force politique puissante et se sont réfugiés au RN sans pouvoir le contrôler.
    Les descendants des sans culotte pourraient bien être les seuls à vouloir sortir de l’UE pendant un certain temps encore. 

    • Descartes dit :

      @ Did

      [Les girondins, les gens des régions contre-révolutionnaires, adorent la soumission. Ne pouvant plus ramper devant l’église, ils se sont vendus à la commission de Bruxelles, à l’Allemagne et aux USA.]

      Je ne sais pas si c’est une question de « régions », mais il y a clairement dans toute notre histoire une dialectique permanente entre la « petite France » et la « grande France », entre une tendance à laisser à d’autres les grandes questions pourvu qu’on puisse continuer à mener sa petite vie dans son coin, et une autre qui cultive une forme de « grandeur » et veut peser sur les affaires du monde. Et notre système politique oscille entre ces deux pôles. Aujourd’hui, c’est la « petite France » qui prédomine…

      [Leur jeunesse de droite, les Identitaires, reste européiste. La droite a parfaitement accepté la fin de la démocratie tant que cela lui permettait de se débarrasser des classes populaires.]

      Oui, enfin, dans ce domaine la gauche est allé beaucoup plus loin que la droite n’a jamais rêvé d’aller. Après tout, c’est la gauche qui a cultivé les identités régionales et qui a le plus transféré des compétences à l’Union européenne.

      [Les descendants des sans culotte pourraient bien être les seuls à vouloir sortir de l’UE pendant un certain temps encore.]

      Oui, parce que le débat reste finalement un peu le même : le conflit entre la souveraineté populaire et le gouvernement de la bourgeoisie.

      • P2R dit :

        Il faut lire le dernier bouquin de J.Fourquet pour comprendre à quel point nous avons vécu une véritable révolution silencieuse, et à quel point tous les référentiels du passé ont volé en éclat. Il y a une rupture de continuité historique nette et objectivable dans la répartition géographique des appartenances politiques et au-delà dans les pratiques culturelles. La géographie du vote moderne n’est plus marquée par l’Histoire, mais par le phénomène de métropolisation et de séparatisme des élites, ainsi que par la rente tirée ou non du commerce mondialisé.
        Partant de ce constat, il me semble hasardeux de vouloir continuer à raisonner sur l’ancien référentiel des “régions contre-révolutionnaires”.

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [Il faut lire le dernier bouquin de J.Fourquet pour comprendre à quel point nous avons vécu une véritable révolution silencieuse, et à quel point tous les référentiels du passé ont volé en éclat. Il y a une rupture de continuité historique nette et objectivable dans la répartition géographique des appartenances politiques et au-delà dans les pratiques culturelles. La géographie du vote moderne n’est plus marquée par l’Histoire, mais par le phénomène de métropolisation et de séparatisme des élites, ainsi que par la rente tirée ou non du commerce mondialisé.]

          Je ne partage pas cette idée. D’autant plus qu’elle est évidemment fausse : prenez les métropoles. Est-ce qu’elles surgissent au hasard, ou même en fonction de critères géographiques ? Pas du tout : les métropoles surgissent autour de villes… qui étaient déjà des pôles importants du temps des Romains. Les axes de communication que nous utilisons sont encore, pour une large part, ceux qui étaient connus dès l’époque médiévale. Prenez les dix premières métropoles de France : combien d’entre elles sont des « villes nouvelles » ? Le « séparatisme des élites », lui aussi, à une histoire, et la problématique ne se pose pas de la même façon à Paris et à Marseille.

          Cette vision « anhistorique » me semble au contraire s’inscrire dans le courant qui voudrait qu’à rien ne sert d’étudier l’histoire, puisqu’elle ne fournit aucun point de repère pour comprendre le présent, forcément « inédit ».

          [Partant de ce constat, il me semble hasardeux de vouloir continuer à raisonner sur l’ancien référentiel des “régions contre-révolutionnaires”.]

          Bien entendu, on ne peut pas raisonner mécaniquement sur ce référentiel, qui était déjà passablement érodé en 1870, conséquence de la révolution industrielle poussée par le second empire qui a cassé les structures traditionnelles dans un certain nombre de régions. Ce mouvement s’est très fortement accentué après 1945, avec la modernisation rapide des « trente glorieuses ».

  8. MJJB dit :

    L’asservissement, c’est le confort d’avoir quelqu’un – au ciel ou sur terre – pour décider à votre place et pour en assumer le blâme.

    Ce que nos élites veulent par-dessus tout, c’est que la domination des Etats-Unis sur l’Europe continue coûte que coûte ; car elles en sont venues à la conclusion que sans tutelle états-unienne, elles se retrouveraient, sans défense aucune, face à un péril existentiel (pour elles) : la démocratie. Dieu sait si je n’aime pas nos élites, mais j’ai tendance à leur faire une confiance aveugle lorsqu’elles désignent ainsi leur ennemi, avec une netteté à ce point dépourvue de la moindre ambiguïté. Il est vrai que je me fie à leurs actions, et non à leurs paroles quelles qu’elles soient, auxquelles je n’accorde même plus la moindre attention (à quoi bon se farcir les déclarations de Machin ou de Chose, lorsqu’on sait d’avance ce qui sera fait ou non ?…).

    L’effet le plus néfaste de la construction européenne, c’est qu’elle a alimenté la paresse des élites en leur fournissant une béquille intellectuelle.

    La seule et unique raison de l’existence de ce machin invraisemblable qu’est l’Union Européenne, c’est que cette dernière facilite la domination des Etats-Unis sur l’Europe, et qu’elle détourne l’attention du public européen de cette dure réalité géopolitique ; pour paraphraser Théodore Roosevelt, l’UE parle doucement, afin que l’Otan, puisse, en Europe, porter un gros bâton. Et pour qu’un tel système continue à fonctionner, force est de constater que l’on n’y met aucune “paresse” ; à moins d’appeler “paresse”, le fait de vouloir faire semblant de remédier à une situation, dont, en réalité, on ne pourrait guère être plus satisfait…

    Comme le dit Valérie Hayer, les jeunes vont à Berlin faire la fête. Ils n’y vont pas voir les musées.

    Cela n’a hélas rien à voir avec le sujet de votre billet, mais les musées, justement, voient leur légitimité, voire leur existence même, de plus en plus ouvertement remises en question (cf. le débat ubuesque sur les “restitutions”). Et d’ailleurs, ce sont des institutions dont la nature ne semble tout simplement plus comprise par ceux qui les dirigent, quand on voit le caractère surréaliste de certaines activités qui y désormais organisées : boum techno avec “DJ”séances de yoga… 

    • Descartes dit :

      @ MJJB

      [Ce que nos élites veulent par-dessus tout, c’est que la domination des Etats-Unis sur l’Europe continue coûte que coûte ; car elles en sont venues à la conclusion que sans tutelle états-unienne, elles se retrouveraient, sans défense aucune, face à un péril existentiel (pour elles) : la démocratie.]

      Je pense que c’est un peu schématique. D’abord, parler d’élites dans ce contexte est trompeur. Le terme « élite » ne permet pas de situer les intérêts de quelqu’un. Les ouvriers autodidactes comme un Georges Marchais ou un Henri Krasucki, des grands intellectuels comme Frédéric Joliot-Curie ou Aragon faisaient incontestablement partie de « l’élite », et on peut difficilement dire qu’ils pouvaient ressentir la démocratie comme « péril existentiel ». L’élite, du point de vue étymologique, ce sont les « élus » (« élite » et « élire » vient de la même racine), et le mot prend dès la renaissance le sens de ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble.

      C’est cela que je trouve trompeur dans le discours populiste – de droite comme de gauche d’ailleurs : le discours contre les « élites » qui sert à occulter la lutte des classes. L’élite finit par devenir une sorte de substitut de « classe dominante ». Cette équivalence est fausse : « l’élite », ce sont aussi les savants, les experts, les artistes, et plus généralement tous ceux qui ont des connaissances, des savoir-faire, « des vertus et des talents », et dont on aura besoin si on veut changer la société. Ce n’est pas « l’élite » qui est l’ennemi des classes populaires, c’est le « bloc dominant » formé par la bourgeoisie et les classes intermédiaires. Et même si les élites se recrutent majoritairement dans ces classes-là, il est important de maintenir la distinction.

      Ensuite, je ne crois pas que l’américanophilie du bloc dominant soit liée à leur « peur de la démocratie ». En quoi la démocratie menace aujourd’hui ses intérêts ? Non, cette américanophilie repose sur une réalité : dans un monde qui a toujours été dangereux, c’est l’adhésion au parapluie américain qui présente pour ces couches sociales le meilleur rapport qualité-prix en termes de défense de leurs intérêts. Il faut bien comprendre que les classes dominantes européennes se soucient fort peu de notions comme la souveraineté, tant que leurs poches sont pleines.

      [La seule et unique raison de l’existence de ce machin invraisemblable qu’est l’Union Européenne, c’est que cette dernière facilite la domination des Etats-Unis sur l’Europe, et qu’elle détourne l’attention du public européen de cette dure réalité géopolitique ; pour paraphraser Théodore Roosevelt, l’UE parle doucement, afin que l’Otan, puisse, en Europe, porter un gros bâton.]

      Je ne le crois pas. L’Union européenne existe fondamentalement pour enlever les décisions économiques au politique, et les confier à une bureaucratie au service du « cercle de la raison », pour utiliser la terminologie d’Alan Minc. Et dans cette tâche, ses bâtisseurs ont exploité la « paresse » des élites politiques nationales en leur fournissant un kit de « prêt à penser » à un moment où celles-ci cherchaient désespérément une « cause ». Mais c’est faire beaucoup d’honneur à l’UE de penser qu’elle aurait un rôle complémentaire de l’OTAN en matière de politique internationale. Quand vous sortez de l’Europe et que vous allez en Amérique Latine, aux Etats-Unis ou en Asie, l’Union européenne n’existe tout simplement pas. Vos interlocuteurs vous parleront de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne. L’Union, connais pas.

      [Cela n’a hélas rien à voir avec le sujet de votre billet, mais les musées, justement, voient leur légitimité, voire leur existence même, de plus en plus ouvertement remises en question (cf. le débat ubuesque sur les “restitutions”). Et d’ailleurs, ce sont des institutions dont la nature ne semble tout simplement plus comprise par ceux qui les dirigent, quand on voit le caractère surréaliste de certaines activités qui y désormais organisées : boum techno avec “DJ”, séances de yoga]

      Cela a un rapport très étroit avec le sujet de mon billet, au contraire. Le musée – qui, faut-il le rappeler, est une invention occidentale – est une institution qui reflète dialectiquement notre rapport au passé. C’est le lieu où nous allons pour admirer des objets qui, étant détachés de toute fonction utilitaire, sont résolument placés dans le passé. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si la plupart des musées sont structurés autour d’une conception chronologique, si l’élément fondamental de la signalétique est la datation, qui permet de placer l’objet dans un contexte historique.

      Or, on voit dans les musées la même tendance qu’on peut observer dans le reste de la culture. C’est que, voyez-vous, le passé, c’est rance, c’est vieillot, c’est sans intérêt. Et puis, le comprendre, cela demande un minimum d’effort. Alors, il faut le « dépoussiérer ». Au musée, il faut des présentations vidéo, des parcours virtuels, des ordinateurs et des écrans. A l’opéra ou au théâtre, des mises en scène « modernes » qui raccourcissent les œuvres ou en changent le dénouement pour l’adapter au goût du jour. En littérature, on corrige les classiques pour supprimer les mentions ou personnages qui aujourd’hui pourraient être jugées « racistes » ou « sexistes », un peu comme on rajoutait au XIXème siècle des feuilles de vigne aux parties génitales dans les statues. L’héritage humaniste n’est acceptable que s’il est modernisé, actualisé, c’est-à-dire, dépouillé de son rapport au temps. Plutôt que de garder le mot « nègre » en s’adressant à un lecteur capable de resituer son usage à une époque donnée, on le supprime. Et on fabrique donc un texte qui n’appartient pas à son temps, mais au notre.

      Et partout, il faut du ludique, du rythme, de l’amusement. Comme on a renoncé à amener le public à regarder les collections pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire, des vestiges du passé, il faut attirer le public avec des produits d’actualité : boum techno ou séances de yoga…

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