Tempête dans un verre de Sciences-Po

Quand Sciences-Po Paris tousse, la France s’enrhume. Ou du moins, c’est ce que l’univers politico-médiatique semble croire. Il suffit qu’une centaine d’étudiants de cette vénérable institution occupent un amphithéâtre ou envahissent les escaliers qui conduisent au bureau du directeur pour que la République entre en crise, au point que le Premier ministre – lui-même ancien élève de cette école du bavardage – se sent tenu d’imposer sa présence au conseil d’administration pour donner des instructions, violant de ce fait l’autonomie universitaire.

Tous ces messieurs-dames peuvent être rassurés. La France en a vu d’autres bien plus sérieuses, et en voit d’ailleurs chaque jour. Ce n’est pas parce que quelques dizaines d’étudiants parmi les plus privilégiés de France perturbent pendant quelques jours le fonctionnement de leur institution pour apporter leur grain de sel à un conflit qui se déroule à quelques milliers de kilomètres d’eux et qui dure depuis un demi-siècle que nos institutions vacillent. S’ils veulent passer quelques nuits sous la tente dans leur campus, pourquoi pas ? Ça leur fera des souvenirs qu’ils pourront raconter plus tard, quand devenus « libéraux-libertaires » et fréquentant les cabinets ministériels, ils donneront des leçons à la terre entière, et je ne vise personne.

Il y a d’ailleurs une certaine justice poétique dans ce qui arrive à Sciences-Po. Cette institution a été – est-il besoin de le rappeler ? – le fer de lance de l’américanisation décomplexée de notre enseignement supérieur. On se souviendra de la décision, largement médiatisée par l’institution elle-même, d’importer la logique de « discrimination positive » du temps où Richard Descoings en exerçait la direction. Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Sciences-Po est de moins en moins une grande école à la française, et de plus en plus une université américaine : règne pesant du politiquement correct, cours en anglais, accent mis sur les activités « sociétales », importation de l’idéologie « woke », communautarisation du discours … ainsi, par exemple, le débat convoqué pour essayer d’endiguer la crise est appelé un « town hall », faisant référence à une tradition américaine qui n’a pas d’équivalent chez nous. Un « town hall » qui, la direction le déclare, « sera ouvert à toutes les communautés de Sciences Po » (sic).

Une importation qui avait déjà des effets délétères. L’éviction de Mathias Vicherat de la direction de l’établissement est un bon exemple de la manière dont l’intolérance anglosaxonne s’impose chez nous. Vicherat est poussé vers la sortie au nom de l’obligation d’exemplarité : il semblerait qu’il ait eu avec son épouse une relation orageuse, et que tous deux aient commis des faits de violence l’un envers l’autre, pour lesquels ils sont tous deux renvoyés devant un tribunal. Ce n’est pas bien, de régler ses conflits de couple de cette façon, et le juge dira quelle peine les époux méritent. Mais est-ce que cela justifie une sanction professionnelle ? Est-ce que le devoir d’exemplarité d’un directeur de grande école s’étend à sa vie conjugale, et d’une façon plus générale, à la sphère privée ? Doit-on, au nom du devoir d’exemplarité examiner, en préalable à sa nomination, comment chaque candidat éduque ses enfants, comment il traite sa femme, combien de points il a sur son permis de conduire, et vérifier qu’il a payé toutes ses amendes pour mauvais stationnement ? Si c’est le cas, alors on se demande qui pourrait demain prétendre à occuper des fonctions de direction – et ne parlons même pas des fonctions politiques. Car la sainteté est une denrée rare. Qui parmi nous pourrait se vanter d’avoir toujours été exemplaire ? « Que celui qui n’a jamais fauté lui jette la première pierre ». Et ne croyez pas que cette inquisition permanente rend les gens meilleurs. Non, ils continuent à tromper leur femme ou à mettre la main dans la caisse. Ils sont plus discrets, c’est tout.

Notre tradition, héritée du catholicisme, est construite autour du repentir et du pardon des fautes. La tradition américaine, héritée des sectes puritaines qui ont quitté une Angleterre jugée beaucoup trop tolérante au XVIIème siècle, est plutôt construite autour du châtiment et de l’exclusion : la communauté se purifie en envoyant le pêcheur rôtir sur le bûcher, et ce châtiment exemplaire dissuade ceux qui seraient tentés de l’imiter. La nôtre est une tradition essentiellement bienveillante et humaniste, qui prend les hommes tels qu’ils sont, c’est-à-dire, faillibles. Mais nous sommes en train d’importer du monde anglosaxon une tradition bien plus féroce, plus impitoyable, où la moindre faute, le moindre écart à l’idéal vous condamne aux feux de l’enfer – sur terre, de préférence. Et le plus paradoxal est que cette importation est largement le fait de la gauche, qui se prétend anti-américaine. Le traitement infligé à Adrien Quatennens – par ses propres camarades, et non par ses adversaires politiques – est très révélateur de cette dérive : on a vu un homme mis au ban par ses propres compagnons de combat pour un écart de conduite privée, somme toute banal dans le contexte. Des années de combats partagés ne lui ont valu aucune bienveillance de la part de gens avec qui il avait – on le suppose du moins – des rapports amicaux. Avoir reconnu sa faute, avoir manifesté son repentir ne lui aura servi à rien. La « communauté » est restée impitoyable : il a été marqué à tout jamais, sans pardon possible.

Oui, l’enseignement supérieur français a importé le modèle anglosaxon. Or, ce modèle est dysfonctionnel. Il propage une radicalisation, un communautarisme, un politiquement correct qui rend de plus en plus difficile la création et la transmission de connaissances. L’affaire du campus d’Evergreen State College en 2017, où des groupes « woke » radicalisés prennent le contrôle de l’université à partir d’une forme de terrorisme intellectuel est restée dans les mémoires. En 2020, Bret Weinstein, la victime expiatoire de l’affaire Evergreen, déclarait que « Evergreen est maintenant partout » aux Etats-Unis. Il avait tout à fait raison, et ce « partout » s’étend à ces institutions qui ont copié servilement le modèle américain. Lors du « town hall » organisé à Sciences-Po, le directeur provisoire de l’institution eut un mot qui est passé inaperçu, mais qui mérite qu’on le note. Voici ce qu’en dit « Le Monde » : « face à un étudiant juif qui affirmait être antisioniste, Jean Bassères, l’administrateur provisoire de Sciences Po, aurait assuré que ces propos étaient susceptibles de « choquer » d’autres jeunes présents ». Mais pourquoi ces propos tenus par un « étudiant juif » seraient plus « choquants » que s’ils avaient été tenus par un étudiant chrétien ou musulman ?  Parce que pour Bassères, implicitement, un étudiant « juif » est censé défendre la ligne de sa « communauté ».

Si Bassères était un vrai pédagogue, s’il se posait en continuateur de la tradition universitaire française, il aurait félicité ce jeune étudiant au lieu de chercher à le décourager – voire à le menacer. Un juif antisioniste, c’est à minima quelqu’un qui a la curiosité de chercher à comprendre l’autre, et le courage de rompre avec la logique imbécile de la solidarité communautaire. Le commentaire de Bassères nous ramène à cette logique, celle du « communautariste » importé : chacun de nous se doit à sa « communauté », et il est « choquant » qu’il s’en écarte.

Mais on peut lire dans le commentaire de Bassères un deuxième sens, encore plus problématique. On peut déduire en effet que « choquer », ce serait mal. Que tout propos susceptible de « choquer » devrait être banni dans la sphère universitaire. Cette idéologie est une vraie menace pour l’institution universitaire en particulier, et pour la pensée critique en général. Car toute idée qui contredit la conception dominante du monde « choque » quelqu’un. La théorie héliocentrique était considérée tellement « choquante » à son époque qu’on est allé jusqu’à lancer les foudres de l’Inquisition sur ceux qui l’ont soutenue. La théorie de l’évolution de Darwin avait « choqué » l’opinion au point de susciter des manifestations de rue en Angleterre et des procès aux Etats-Unis : en 1925, dans le Tennessee, on pouvait être condamné pour l’avoir enseignée, et la Butler Act, qui interdisait de fait son enseignement y est restée en vigueur jusqu’en 1960. S’abstenir de « choquer », c’est permettre à chaque « communauté » de censurer tout discours à sa convenance. Tout le contraire de ce que doit être le débat universitaire, ou seuls les arguments rationnels doivent compter, aussi « choquants » soient-ils.

Cette horreur de « choquer » est en fait un rideau de fumée pour cacher une formidable hypocrisie, une façon de s’assurer que certaines questions ne soient pas posées. Le lendemain de l’attaque russe, toutes les coopérations universitaires, scientifiques et techniques avec la Russie ont été gelées. Mais lorsque les étudiants de Sciences-Po prétendent remettre en cause les coopérations de leurs institutions avec les universités israéliennes, ils se retrouvent devant un mur. Que cela puisse les surprendre est peut-être le signe le plus évident de la faible qualité de la formation qui leur est dispensée. Car une bonne culture historique et politique aurait dû les préparer à cette situation. Après tout, on a bien vu les Etats-Unis envahir l’Irak sous un prétexte inventé de toutes pièces, et les membres de l’OTAN bombarder un état souverain, la Serbie, pour le forcer à accepter une amputation territoriale au bénéfice d’un mouvement séparatiste, sans que cela ait pour conséquence la moindre sanction internationale. Les agresseurs ont pu continuer à commercer librement sans craindre la moindre sanction, leurs dirigeants n’ont pas été inquiétés et leurs athlètes ont participé aux jeux olympiques successifs sous leurs propres drapeaux. Mais lorsque la Russie attaque l’Ukraine, il n’a fallu que quelques semaines pour que l’Union européenne prenne des sanctions, pour que la CPI lance des mandats d’arrêt contre les dirigeants russes, pour que nos mairies se couvrent des couleurs ukrainiennes, pour que les instances olympiques bannissent la Russie. Si à Sciences-Po on ne leur a pas enseigné les dures lois de la Realpolitik, ces étudiants devraient demander le remboursement des frais de scolarité.

Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation. Et il laisse les mains libres aux colons qui, en Cisjordanie, cherchent à obtenir le même résultat. Ce sont là des crimes de guerre, et peut-être même des crimes contre l’humanité. Et les Etats-Unis, l’UE ou l’OTAN ne font rien et ne feront rien pour arrêter le massacre. Il n’y aura pas de sanctions économiques contre Israël, on continuera à leur fournir des armes sans restriction, les coopérations universitaires ne seront pas remises en cause. On continuera à faire semblant de s’occuper de la question en faisant miroiter une « solution à deux états » qui n’a aucune chance de se matérialiser parce que les Israéliens n’en veulent pas, et que personne ne lèvera le petit doigt pour leur imposer, et on enverra quelques vivres aux populations palestiniennes affamées pour faire semblant de s’en préoccuper. Même sur le plan symbolique, même lorsque cela ne coûte rien, personne n’agit. Les athlètes Russes ne pourront venir aux jeux olympiques à Paris que sous le drapeau neutre, et encore à condition de bien montrer qu’ils n’ont pas de liens avec leur gouvernement. Les athlètes israéliens défileront derrière leur drapeau national, et personne n’a songé à leur demander un quelconque engagement politique.

Cette cécité sélective est chaque jour plus évidente. Les défenseurs du droit, si prompts à dénoncer la justice russe, ne semblent pas avoir des cas de conscience lorsque des prisonniers continuent à moisir à Guantanamo en dehors de toute garantie légale. On peut imaginer ce qu’on entendrait si la Russie s’avisait de créer ce genre d’institution. Malgré l’échec de l’intervention en Irak, la vision néoconservatrice de la guerre du Bien contre le Mal, devenue dominante dans les années 1980, n’a jamais été remise en cause. Tout acte doit être justifié sur des critères moraux, quitte à falsifier les faits et inventer des preuves. Saddam Hussein, que les occidentaux ont soutenu massivement contre l’Iran, est devenu le diable incarné – et ses « armes de destruction massive » jamais retrouvées une menace immédiate pour le monde entier – après avoir attaqué le Koweit, une pétromonarchie alliée des Etats-Unis. Le soutien donné à Israël est présenté comme découlant du « droit d’Israël à se défendre », « droit » qui ne saurait bien entendu être reconnu au régime iranien, par exemple. Parce que l’Iran appartient au camp du Mal, tandis qu’Israël appartient au camp du Bien. Seuls quelques esprits mal tournés peuvent penser que cette différence de traitement tient au fait qu’Israël est le « gendarme » de la région pour le compte des Américains depuis sa fondation, alors que l’Iran a rejeté la tutelle américaine dans les années 1980.

Vous me direz qu’il a toujours été ainsi, que déjà pendant la guerre froide on justifiait le soutien aux pires dictateurs et aux régimes les plus corrompus au nom de la « défense du monde libre » quand ce n’était pas « du mode de vie occidental et chrétien ». Mais ce discours de propagande, destiné au vulgum pecus, n’était pas celui des élites. Dans les universités, dans les groupes de réflexion, c’était la ligne « réaliste », fondée sur l’idée que chaque état défend ses intérêts, qui l’emportait. Le débat sur la dissuasion nucléaire est d’ailleurs un bon exemple : il a toujours été dit et écrit que celle-ci ne serait utilisée que lorsque la nation voit ses « intérêts essentiels » menacés, et non pour défendre le bien et la justice.

Aujourd’hui, justifier – fût-ce dans une enceinte universitaire ou dans les publications d’un groupe de réflexion – une décision de politique extérieure au nom de l’intérêt national est devenu tabou, comme est devenu tabou l’idée même de la raison d’Etat. Le but des armées n’est plus la défense de nos intérêts, mais la défense du Bien, de la morale, de la justice. Et c’est pourquoi on peut parler maintenant de « partager » notre dissuasion nucléaire avec nos partenaires de l’UE ou de l’OTAN, dont les « intérêts essentiels » ne sont pas les nôtres, mais avec qui on partage – ou du moins on veut nous le faire croire – une même vision du Bien.

Si le conflit à Gaza est politiquement explosif aux Etats-Unis et en Europe, c’est parce qu’il met à nu d’une façon dramatique la double hypocrisie du discours dominant. L’irruption de la guerre a tout à coup remis les hiérarchies à l’endroit, et relégué au second plan les revendications « sociétales » et « intersectionnelles » dans la jeunesse des classes intermédiaires. Les politiques qui cherchent cet électorat l’ont bien compris : Mélenchon, qui reste un grand tacticien, a centré la campagne de LFI sur le conflit de Gaza, faisant de Rima Hassan la tête de liste virtuelle éclipsant Manon Aubry ; Glucksmann, lui, ne parle que de l’Ukraine. L’intensité du conflit à Gaza et surtout la simultanéité avec le conflit en Ukraine ont fait en grande partie voler en éclats la narrative morale, et ont remis en évidence l’amoralité de la politique internationale, que le discours dominant s’était soigneusement appliqué à cacher depuis un demi-siècle, notamment sur les campus universitaires. Et les étudiants idéalistes de Sciences-Po ne peuvent qu’être effarés par le décalage entre ce qu’on leur raconte dans leurs cours sur les relations internationales – où l’on répète encore le catéchisme de « la paix par le droit » et autres balivernes moralisantes (1) – et ce qu’ils peuvent constater en décodant l’actualité.

Nous assistons en direct à la crise d’un récit, celui de l’Amérique triomphante de la fin du siècle dernier, confite dans la certitude d’avoir mené le camp du Bien à la victoire, et celui d’une Europe défendant partout la justice et les droits de l’homme. Euro-Disneyland – celui de Bruxelles, pas celui de Marne-la-Vallée – ne fait plus recette.

Descartes   

(1) Je me souviens avoir assisté à une conférence où l’on expliquait aux jeunes étudiants combien la création de la CPI constituait une avancée révolutionnaire dans les relations internationales.  Une décennie plus tard, que reste-t-il de cette « avancée » ? Un tribunal « fort avec les faibles et faible avec les forts », rapide à émettre des mandats d’arrêt contre Poutine et les siens, impuissante lorsqu’il s’agit de Netanyahou.

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28 réponses à Tempête dans un verre de Sciences-Po

  1. Manchego dit :

    @ Descartes
    ***Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation.***
    La réponse d’Israël à la barbarie du 7 octobre est disproportionnée, on est loin du “Oeil pour oeil, dent pour dent”, c’est de la boucherie, un véritable carnage. L’objectif me parait clair, il s’agit de chasser les Palestiniens de Gaza (vers l’Egypte qui s’y refuse), de façon à accroitre le territoire Israélien. Idem pour les Palestiniens de Cisjordanie, qu’Israël cherche à pousser vers la Jordanie, même si le processus est plus lent et moins brutal. Au bout du compte, le but c’est d’avoir 100 % de la Palestine, au lieu des 55 % octroyés par l’ONU en 1947.
    Tous les juifs ne soutiennent pas ce processus dégueulasse, il y a des intellectuels comme Elie Barnavi ou Rony Brauman qui me paraissent très humains et raisonnables, mais pour le moment ils ont peu d’influence sur les événements.
    ***Et il laisse les mains libres aux colons qui, en Cisjordanie, cherchent à obtenir le même résultat. ***
    Le comble du cynisme (et les cyniques sont nombreux) c’est d’affirmer qu’un juif ne sera jamais un colon en Judée-Samarie, car il est chez lui (comme si la bible était un cadastre).

    • Descartes dit :

      @ Manchego

      [La réponse d’Israël à la barbarie du 7 octobre est disproportionnée,]

      Si je comprends bien, d’un côté c’est une « barbarie », de l’autre une « réponse disproportionnée » ?
      Pourquoi ne pas dire plutôt que le 7 octobre fut une « réponse disproportionnée » aux dix ans de blocage de la bande de Gaza et aux différentes interventions israéliennes dans le territoire ?

      Dans ces affaires, mieux vaut s’en tenir au factuel. Le 7 octobre fut une attaque terroriste organisée par le Hamas contre l’état d’Israël. La qualifier de « barbare » n’ajoute rien.

      [on est loin du “Oeil pour oeil, dent pour dent”, c’est de la boucherie, un véritable carnage. L’objectif me parait clair, il s’agit de chasser les Palestiniens de Gaza (vers l’Egypte qui s’y refuse), de façon à accroitre le territoire Israélien. Idem pour les Palestiniens de Cisjordanie, qu’Israël cherche à pousser vers la Jordanie, même si le processus est plus lent et moins brutal. Au bout du compte, le but c’est d’avoir 100 % de la Palestine, au lieu des 55 % octroyés par l’ONU en 1947.]

      C’est aussi mon avis. Il s’agit de compléter le nettoyage ethnique de 1948. A l’époque, c’était aussi par la terreur qu’on a fait partir les habitants palestiniens de leurs villages.

      [Tous les juifs ne soutiennent pas ce processus dégueulasse, il y a des intellectuels comme Elie Barnavi ou Rony Brauman qui me paraissent très humains et raisonnables, mais pour le moment ils ont peu d’influence sur les événements.]

      Aucune, si ce n’est de parler pour l’histoire. La droite israélienne peut dormir sur ses deux oreilles, ni les Américains ni les Européens ne risquent de lui faire de la peine. En fait, le risque pour Israël vient plus de l’intérieur que de l’extérieur. C’est le risque de devenir un état prétorien…

      • Manchego dit :

        @ Descartes
        ***Dans ces affaires, mieux vaut s’en tenir au factuel. Le 7 octobre fut une attaque terroriste organisée par le Hamas contre l’état d’Israël. La qualifier de « barbare » n’ajoute rien.***
        Par principe je ne réponds jamais à vos objections, parce que dialoguer via un blog c’est très lourd (cela devient rapidement indigeste), mais je fais une exception.
        Depuis le 7 Octobre, dans les médias il y a une bataille sémantique sur le conflit israélo-palestinien.
        L’action du Hamas : Terrorisme ou acte de résistance ?
        La réponse d’Israël : Droit à se défendre, crime de guerre, crime contre l’humanité, voire génocide ?
        Mon propos n’était pas de prendre une position sur ce débat (je n’ai aucune compétence et encore moins de certitude sur le sujet), le mot “Barbarie” m’est venu à l’esprit compte tenu de la cruauté et de la férocité de l’attaque du Hamas (les juifs qui ont été massacrés dans les kibboutz étaient des innocents sans défense).
        Mais un acte dit terroriste peut aussi être en même temps un acte de résistance et avoir un caractère “barbare”. C’est d’ailleurs un beau sujet de philo pour le Bac : Différence entre résistance et terrorisme ?
        Pendant l’occupation Allemande, les actes de résistance étaient qualifiés de terroristes par les autorités de Vichy, à la libération les terroristes sont devenus des héros, ce qui montre qu’une même action est jugée différemment suivant le côté où l’on se trouve et suivant l’évolution d’un conflit.
         
         

        • Descartes dit :

          @ Manchego

          [Depuis le 7 Octobre, dans les médias il y a une bataille sémantique sur le conflit israélo-palestinien.
          L’action du Hamas : Terrorisme ou acte de résistance ?
          La réponse d’Israël : Droit à se défendre, crime de guerre, crime contre l’humanité, voire génocide ?]

          Oui, mais pour avoir un véritable débat il faut sortir de cette « bataille », ou se joue moins une question de « semantique » qu’une question de propagande. Comme dans l’imaginaire contemporain le « terrorisme » est devenu le symbole du Mal, obtenir la qualification du Hamas de « terroriste » est essentiel pour la machine publicitaire pro-israélienne. Et à l’inverse, la Shoah étant devenu le justificatif universel de la propagande israélienne, obtenir que l’état hébreu soit associé à un « crime contre l’humanité » est important pour ses adversaires.

          Pour sortir des ces batailles de propagande, il faut revendiquer les mots et les utiliser dans leur sens strict. Formuler comme vous le faites la question « l’action du Hamas : terrorisme ou acte de résistance ? » comme une alternative, c’est déjà falsifier le sens des mots. Une action « terroriste » peut très bien être un « acte de résistance ». Les deux qualificatifs ne sont pas sur le même plan : on qualifie un acte de « terroriste » en fonction de la méthodologie utilisée, alors qu’on qualifie un « acte de résistance » en fonction de son objectif. L’attaque du 7 octobre est un acte terroriste, puisque son objectif n’est pas d’affaiblir l’armée israélienne ou de détruire le potentiel économique d’Israël, mais bien de frapper de terreur la population israélienne. Et c’est un acte de résistance parce que son objectif est bien de s’opposer au processus d’étranglement du peuple palestinien par l’occupant israélien. Après, on peut longuement discuter sur le fait de savoir si le « terrorisme » est un moyen de lutte acceptable dans tel ou tel contexte.

          De même, le « droit à se défendre », tel qu’il est consacré par les textes internationaux, n’est pas illimité et ne permet pas n’importe quoi. En particulier, il ne rend pas acceptable – toujours en termes de droit international – le bombardement de populations civiles, la destruction volontaire des infrastructures sanitaires, etc. On peut bien entendu sortir du droit international, et parler d’un « droit à se défendre » qui s’apparente à la raison d’Etat, et qui n’aurait pas de limites. Mais là encore, il faut savoir de quoi on parle. Si le « droit à se défendre » est celui de la Charte de l’ONU, ou bien si l’on parle de la maxime « salus populo suprema lex esto », qui va bien plus loin.

          [Mon propos n’était pas de prendre une position sur ce débat (je n’ai aucune compétence et encore moins de certitude sur le sujet), le mot “Barbarie” m’est venu à l’esprit compte tenu de la cruauté et de la férocité de l’attaque du Hamas (les juifs qui ont été massacrés dans les kibboutz étaient des innocents sans défense).]

          Certes. Mais les civils palestiniens morts à Gaza ou en Cisjordanie sont eux aussi des « innocents sans défense », et ils sont infiniment plus nombreux. Et pourtant, le mot « barbarie » ne vous est pas venu à l’esprit. Notez-bien que je ne vous le reproche pas : nous sommes tous plus ou moins influencés par le discours médiatique. Je voulais juste attirer votre attention sur les contradictions de ce discours…

          [Mais un acte dit terroriste peut aussi être en même temps un acte de résistance et avoir un caractère “barbare”. C’est d’ailleurs un beau sujet de philo pour le Bac : Différence entre résistance et terrorisme ?]

          Cela impliquerait là aussi de revenir sur le sens du mot « barbare ». A l’origine, il s’appliquait à tout ce qui n’était pas romain, et donc à tout ce qui était extérieur à la civilisation romaine. Aujourd’hui, on l’utilise pour qualifier tout ce qui est extérieur à notre civilisation occidentale. Ainsi, personne ne parle de « barbarie » à propos du bombardement de la Serbie, de la politique Israélienne, ou de l’invasion de l’Irak. On réserve le terme aux actes de l’armée russe ou des pays arabes. Etonnant, non ?

          Quant à votre proposition, je doute qu’elle suscite un grand intérêt. C’est que, vous voyez, poser la question de la légitimité d’un moyen de lutte en fonction de l’objectif poursuivi conduit très rapidement à conclure que « la fin justifie les moyens », conclusion singulièrement hors de phase avec le discours euro-compatible de la sacralisation du droit…

          [Pendant l’occupation Allemande, les actes de résistance étaient qualifiés de terroristes par les autorités de Vichy, à la libération les terroristes sont devenus des héros, ce qui montre qu’une même action est jugée différemment suivant le côté où l’on se trouve et suivant l’évolution d’un conflit.]

          Il faut séparer des choses : une chose c’est la façon dont une action est « jugée », et une autre l’utilisation qu’on peut en faire en termes de propagande. Dès lors qu’un mot a une connotation négative, on a tendance à l’utiliser pour qualifier tout et n’importe quoi dès lors que cela sert nos objectifs. Ainsi, les mots « racisme » ou « génocide » sont aujourd’hui utilisés bien au-delà du sens strict, et chaque mouvement veut avoir son petit « crime contre l’humanité ». C’est d’autant plus visible aujourd’hui que la compétition victimaire entre les différentes « communautés » pousse à une surenchère dans ce domaine.

          Mais la question de savoir si les actes de résistance étaient véritablement des actes terroristes reste posée. Les sabotages des transports allemands ou des usines travaillant pour l’Allemagne, la coupure des fils télégraphiques et électriques, ce sont des actes de guerre destinés à réduire le potentiel économique et militaire de l’ennemi. Mais tuer un officier allemand choisi au hasard dans la rue, n’est ce pas un acte destiné à frapper de terreur l’occupant, à créer chez lui une sensation d’insécurité permanente ? Si on qualifie de « terroriste » l’assassinat des athlètes israéliens à Munich, on doit en toute logique donner le même qualificatif à l’assassinat de l’aspirant Moser à Paris.

  2. François dit :

    Bonjour Descartes,
    Chouette, un panachage de sujets clivants.
     
    [Il y a d’ailleurs une certaine justice poétique dans ce qui arrive à Sciences-Po. Cette institution a été – est-il besoin de le rappeler ? – le fer de lance de l’américanisation décomplexée de notre enseignement supérieur.]
    L’américanisation décomplexée n’a certes pas aidé à lutter contre, mais il ne faut pas oublier que la bordélisation de l’université française date de mai 1968. Il faut refaire de l’université française un lieu d’enseignement et non de militantisme. Je propose ainsi de rendre l’admission aux IEP post prépa (avec une épreuve obligatoire de mathématiques), ce qui permet d’écrémer les branleurs, plus susceptibles de foutre le bordel (en plus d’être intraitable contre les actions de blocage, et plus généralement, cesser de faire des universités des garderies).
     
    [On se souviendra de la décision, largement médiatisée par l’institution elle-même, d’importer la logique de « discrimination positive » du temps où Richard Descoings en exerçait la direction.]
    Le karma s’est occupé de cette institution :
    https://twitter.com/F_Desouche/status/1784304829721960522
     
    L’ironie dans tout cela, c’est quand on lit les propos de l’un des inspirateurs de l’École libre des sciences politiques, Édouard Lefebvre de Laboulaye :

    « Qu’on mette en présence, sur un même territoire, des Français et des Arabes, ce ne sont pas les Arabes qui deviendront Français, ce sont les Français qui deviendront Arabes. »

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77468t/f66.item.r=%C3%89douard%20Laboulaye
     
    [Un juif antisioniste, c’est à minima quelqu’un qui a la curiosité de chercher à comprendre l’autre]
    Une dinde qui vote pour Noël, c’est effectivement une curiosité à comprendre. C’est qu’il doit bien y avoir une raison pour laquelle le juif de gauche est une espèce en danger critique d’extinction.
    De façon générale, je trouve cocasse tous les mouvements « LGBT » prenant la défense du Hamas, sachant que celui-ci se ferait un malin plaisir de leur faire visiter les rooftops (encore debout) de Gaza.
     
    [Le traitement infligé à Alain Quatennens – par ses propres camarades, et non par ses adversaires politiques – est très révélateur de cette dérive : (…)]
    Je ne vois dans le sort de Quatennens que celui des piranhas qui s’entre dévorent. J’ai d’autant moins de compassion pour lui, que l’ingénieur à la DPN ne pardonne pas à cet ancien agent EDF, fut-ce à la direction commerciale, de s’engager dans un parti antinucléaire (même tarif pour la macroniste Maud Bregeon).
     
    [Avoir reconnu sa faute, avoir manifesté son repentir ne lui aura servi à rien.]
    Je crains malheureusement que le pardon ne lui sera accordé seulement après s’être coupé les couilles (voire suivi d’injections d’œstrogènes).
     
    [Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation.]
    Cela fait plus de deux ans que les opérations en Ukraine ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. Le gouvernement russe a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à une « nettoyage ethnique » en rendant le Donbass invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle colonisation.
    (Que l’on ne me dise pas que la « dénazification » n’a pas pour visée de chasser les ukrainophones.)
     
    [Les défenseurs du droit, si prompts à dénoncer la justice russe, ne semblent pas avoir des cas de conscience lorsque des prisonniers continuent à moisir à Guantanamo (…) On peut imaginer ce qu’on entendrait si la Russie s’avisait de créer ce genre d’institution.]
    Après le concert gâché du Crocus City Hall (le plus rigolo dans tout cela étant que les yankees ont prévenu les popovs, qui n’ayant eu que faire de cette mise en garde, ont préféré ensuite charger la mule « ukronazie »), avez vous entendu parler de Messieurs « Je mange un carpaccio d’oreille », « Je fais une recharge de vitalité en branchant mes couilles sur le continu avec des pinces crocodile », « J’ai tellement fait la teuf hier soir que maintenant je dors comme une pierre » ?
    Plus sérieusement, on ne peut pas vraiment dire que les occidentaux aient fait preuve d’une indignation outrancière suite aux actes de torture ouvertement assumés par les Russes en représailles à l’attentat de Moscou.
     
    [Si le conflit à Gaza est politiquement explosif aux Etats-Unis et en Europe, c’est parce qu’il met à nu d’une façon dramatique la double hypocrisie du discours dominant.]
    Si c’était seulement une réaction à un double discours, pourquoi donc la violation des droits de l’homme, ainsi que la guerre au Yémen, avec son bilan dramatique, menée par l’Arabie Saoudite, avec l’indifférence voire la bénédiction des occidentaux ne suscite t-elle pas les mêmes réactions d’hystérie ? Même chose pour l’île de Formose, où l’on défend les sécessionnistes taïwanais tout en pourfendant ceux du Donbass, pourquoi cela ne suscite pas de telles réactions ? Pourquoi donc la double hypocrisie du discours dominant est seulement explosive pour le conflit israélo-palestinien ?
    Et même, de façon plus générale, pourquoi s’indigner de la sorte de ce double discours (, si ce n’est pour déplorer qu’il contreviendrait aux intérêts de la France) ?
     
    Concernant les intérêts de la France donc, peu importe que la riposte au pogrom du 7 octobre puisse être considérée comme légitime ou non (en tous cas, elle fut inévitable), je ne peux qu’approuver l’extermination d’une coterie qui appelle au jihad mondial, donc en France :

    « We should take to the streets and the city squares in Arab and Islamic cities, as well as in cities everywhere where there are [Islamic] communities. There is a call [for demonstrations] this Friday – the Al-Aqsa Deluge Friday. »

    https://www.memri.org/tv/fmr-hamas-leader-calls-muslims-world-join-battle-palestine
    Khaled Mashal n’ayant pas pris la précaution oratoire de préciser que ça doit seulement être fait pacifiquement, au vu du passif du mouvement qu’il représente, j’en conclue donc que cet appel ne rejette pas implicitement l’usage de la force.
    Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de paroles, mais également d’actes : https://www.fdesouche.com/2024/01/13/preparation-dattentats-des-membres-presumes-du-hamas-arretes-au-danemark-en-allemagne-et-aux-pays-bas-abdelhamid-al-a-etait-charge-par-le-hamas-de-localiser-un-depot-darm/
     
    De plus, Tsahal a beaucoup à nous apprendre sur la guerre contre-insurrectionnelle en milieu urbain. Continuons à entretenir de bonnes relations, et si nous en faisons la demande, des instructeurs viendront nous enseigner ces méthodes, ce qui va nous être fort utile à l’avenir pour nettoyer les écuries d’Augias.
     
    [Nous assistons en direct à la crise d’un récit, celui de l’Amérique triomphante de la fin du siècle dernier, confite dans la certitude d’avoir mené le camp du Bien à la victoire]
    Bonne ou mauvaise nouvelle selon vous ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [L’américanisation décomplexée n’a certes pas aidé à lutter contre, mais il ne faut pas oublier que la bordélisation de l’université française date de mai 1968.]

      Vrai. Mais cette « bordélisation » visait à transformer l’Université en parking à chômeurs, et a préservé le système des grandes écoles, de plus en plus réservées de facto – dégradation de l’enseignement secondaire et voies d’admission parallèles aidant – aux enfants du « bloc dominant ». Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que la « bordélisation » commence à toucher les lieux ou sont censées se former les élites…

      [Il faut refaire de l’université française un lieu d’enseignement et non de militantisme. Je propose ainsi de rendre l’admission aux IEP post prépa (avec une épreuve obligatoire de mathématiques), ce qui permet d’écrémer les branleurs, plus susceptibles de foutre le bordel (en plus d’être intraitable contre les actions de blocage, et plus généralement, cesser de faire des universités des garderies).]

      Pour l’université, je suis d’accord. Cela suppose un recrutement au mérite, c’est-à-dire, reposant sur la notation d’un examen. Soit un examen national uniforme, c’est-à-dire, soit un véritable bac (comme on a pu le connaître jusqu’aux années 1980), soit un examen spécifique d’entrée à l’université. Pour les IEP… il faut se poser la question de leur intérêt. Quel type de profils s’agit-il de former, et pour quels parcours professionnels ? S’il s’agit de former des journalistes, alors une école de journalisme me semble mieux adaptée. S’il s’agit de former des cadres supérieurs des fonctions publiques, les IRA et l’ENA/INSP ont cette mission. S’il s’agit de former des avocats, la voie des études de droit semble bien plus sérieuse. Et s’il s’agit de former le personnel politique… à juger par ce qu’on voit on ne peut pas dire que cette formation contribue à développer des esprits curieux et profonds, avec une culture solide. Pour le dire vite, je pense que les IEP sont une sorte de « club », qui sert surtout à former des réseaux de connivences.

      [« Un juif antisioniste, c’est à minima quelqu’un qui a la curiosité de chercher à comprendre l’autre » Une dinde qui vote pour Noël, c’est effectivement une curiosité à comprendre.]

      Votre comparaison est très révélatrice, parce qu’elle contient une prémisse cachée. Pour un juif, ne défendre le projet sioniste, ce serait défendre ses propres intérêts. Cette prémisse, je la rejette avec la plus grande vigueur. Je suis juif, et Israël n’a jamais rien fait pour moi – et encore, je suis modéré, parce que grâce à la politique israélienne et à une propagande qui prétend confondre « juif » et « israélien » je suis assimilé par une partie du monde à un assassin. Alors, en quoi le fait que cet état existe ou disparaisse changerait rien à ma vie ? En quoi la dinde que je suis « voterait pour noël » en s’opposant à un projet qui ne change rien pour moi ?

      Votre prémisse cachée est que tout juif dans le monde, que qu’il soit, a intérêt à l’existence de l’Etat d’Israël. Et bien, je suis désolé mais ce n’est pas le cas. Israël est un état comme les autres, qui défend les intérêts de ses citoyens – les Israéliens – et non « les juifs ». En tant que juif français, je n’ai pas plus de raison de m’intéresser à son sort qu’à celui du Botswana.

      [C’est qu’il doit bien y avoir une raison pour laquelle le juif de gauche est une espèce en danger critique d’extinction.]

      Je ne vois pas le rapport avec « la gauche ». Il y a des juifs antisionistes de droite.

      [De façon générale, je trouve cocasse tous les mouvements « LGBT » prenant la défense du Hamas, sachant que celui-ci se ferait un malin plaisir de leur faire visiter les rooftops (encore debout) de Gaza.]

      Je ne me souviens pas d’avoir vu un mouvement LGBT « prenant la défense du Hamas ». Pourriez-vous être plus précis ?

      [« Le traitement infligé à Alain Quatennens – par ses propres camarades, et non par ses adversaires politiques – est très révélateur de cette dérive : (…) » Je ne vois dans le sort de Quatennens que celui des piranhas qui s’entre dévorent.]

      Sauf que, justement, les piranhas ne s’entre-dévorent pas. Une espèce dont les membres s’entre-dévorent n’a pas beaucoup de chances dans le processus de sélection naturelle… Et c’est cela qui est remarquable dans l’affaire Quatennens. Je vous parle d’ailleurs d’expérience : quel militant ne s’est pas trouvé dans la situation de découvrir qu’un camarade avec qui il avait mené des combats avait fait, dans sa vie privée, quelque chose qui « n’était pas bien » ? Dans une organisation normale, ces affaires se traitaient avec une certaine bienveillance. C’est aussi cela, la « camaraderie ». L’idée qu’on peut jeter aux chiens quelqu’un avec qui on a partagé des années de combats simplement parce que dans un moment d’égarement il a traversé une ligne rouge, cela me semble révélateur d’un fonctionnement politique. Aujourd’hui, les nouvelle organisations politiques ne sont pas des collectifs soudés par une camaraderie bâtie dans les combats partagés, mais un ramassis d’individualités qui n’attendent que l’opportunité de défenestrer l’autre.

      [« Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation. » Cela fait plus de deux ans que les opérations en Ukraine ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux.]

      Ah bon ? Pourriez-vous m’indiquer le cas d’un hôpital « sciemment détruit » par les troupes russes ? A force d’aller trop loin, vous détruisez votre propre argumentation…

      [Le gouvernement russe a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à une « nettoyage ethnique » en rendant le Donbass invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle colonisation.]

      Là encore, vous détruisez votre propre argument. Le gouvernement russe n’a jamais proclamé – ni en termes feutrés, ni autrement – sa volonté de « nettoyage ethnique » du Donbass, et cela pour la simple raison que les habitants du Donbass sont russophones et affines à la Russie. L’objet proclamé des russes n’a jamais été de déplacer des populations, et encore moins d’organiser une « colonisation » – dont on voit mal l’utilité, dans un pays à la démographie déclinante ou la terre n’est guère un problème. Sans vouloir vous offenser, le parallèle devient ici ridicule.

      Les buts de guerre de la Russie sont politiques, et non territoriaux : il s’agit de maintenir un « tampon » vis-à-vis de l’OTAN, et donc d’empêcher l’admission de l’Ukraine dans le système OTAN/UE. Cela n’a absolument aucun rapport avec les buts de guerre d’Israël dans les territoires occupés, qui est de récupérer du territoire pour installer des colons – dans un contexte de démographie dynamique – et de rendre impossible la création d’un état palestinien.

      Mais admettons un instant que votre parallèle soit valable, que l’action de la Russie en Ukraine soit comparable à celle des troupes israéliennes à Gaza. Comment expliquer alors que la Russie ait été mis au ban des nations par l’UE et les Etats-Unis, que des sanctions aient été imposées à son encontre, que l’on déverse une aide massive sur le pays agressé, que des mandats d’arrêt contre les dirigeants russes aient été lancées, et que de l’autre côte loin de soutenir le territoire agressé on continue à verser des milliards à Israël, qu’aucun sanction n’a été prononcé ni même envisagée, et que les dirigeants israéliens puissent se promener dans le monde sans craindre le moindre mandat à leur encontre ? Si les deux situations étaient comparables, comme vous l’affirmez, alors pourquoi ne reçoivent-elles une réponse similaire ? La raison ne serait-elle que dans un cas l’agresseur est un adversaire des Américains, et dans l’autre un allié ? Et comment concilier ce fait avec tous les beaux principes qu’on nous débite à longueur de journées ?

      Finalement, votre analogie apporte de l’eau à mon moulin. Deux situations similaires reçoivent des traitements opposés en fonction de nos intérêts, alors qu’on affirme agir en fonction de principes. Voilà l’hypocrisie que je voulais dénoncer. CQFD

      [(Que l’on ne me dise pas que la « dénazification » n’a pas pour visée de chasser les ukrainophones.)]

      On peut en douter. Pour le moment, les seules « villes détruites » concernent essentiellement des zones russophones.

      [Plus sérieusement, on ne peut pas vraiment dire que les occidentaux aient fait preuve d’une indignation outrancière suite aux actes de torture ouvertement assumés par les Russes en représailles à l’attentat de Moscou.]

      On n’a pas regardé les mêmes médias, alors.

      [« Si le conflit à Gaza est politiquement explosif aux Etats-Unis et en Europe, c’est parce qu’il met à nu d’une façon dramatique la double hypocrisie du discours dominant. » Si c’était seulement une réaction à un double discours, pourquoi donc la violation des droits de l’homme, ainsi que la guerre au Yémen, avec son bilan dramatique, menée par l’Arabie Saoudite, avec l’indifférence voire la bénédiction des occidentaux ne suscite-t-elle pas les mêmes réactions d’hystérie ?]

      D’abord, parce que là encore votre comparaison est abusive. Si l’on croit l’ONU, la guerre au Yemen a fait 25.000 morts entre 2015 et 2021. Les bombardements de Gaza auront fait plus de 40.000 morts en quelques mois. Ensuite, parce que le conflit ne porte pas sur une question existentielle : il s’agit d’une guerre civile entre le gouvernement de Sanaa et un certain nombre de tribus rebelles. L’Arabie Saoudite intervient en soutien de ce gouvernement, mais ne cherche pas à chasser les Yéménites et à annexer leur territoire pour y placer des colons saoudiens. Enfin, parce que si l’Arabie Saoudite n’intervient que très discrètement dans la politique française ou américaine, alors que les réseaux israéliens agissent activement – en utilisant sans vergogne les organisations communautaires juives – pour influencer les élus. Je ne me souviens pas que les élus se pressent au dîner annuel du conseil représentatif des institutions salafistes en France, ou que la presse couvre un tel dîner. Or, ces ingérences tendent à importer le conflit, et à produire des réactions en retour.

      Il faut aussi souligner que tout explosif a besoin d’un détonateur, et que les Houtis n’ont pas encore trouvé un moyen de renverser la table médiatique. Sans l’attaque du 7 octobre, Israël aurait continué « dans l’indifférence voire la bénédiction des occidentaux » sa politique de colonisation en Cisjordanie et d’étranglement de la bande de Gaza, sans que les campus américains ou français s’en émeuvent outre mesure. Si demain les Houtis organisaient une incursion en territoire Saoudien et prenaient des otages parmi lesquels des Américains, des Français et autres européens, peut-être verrait-on les campus se mobiliser…

      [Même chose pour l’île de Formose, où l’on défend les sécessionnistes taïwanais tout en pourfendant ceux du Donbass, pourquoi cela ne suscite pas de telles réactions ?]

      Parce que le temps a passé, et que peux de français savent même que Taiwan est le fruit d’une « sécession ». Vous savez, avec le temps on tend à « naturaliser » les choses, à penser qu’elles ne pourraient pas être autrement qu’elles ne le sont.

      [Pourquoi donc la double hypocrisie du discours dominant est seulement explosive pour le conflit israélo-palestinien ?]

      Parce que, comme je l’ai expliqué plus haut, la logique israélienne a été d’exporter le conflit, en utilisant sans vergogne les communautés juives installées dans les différents pays occidentaux. C’est grâce à cette « exportation » qu’Israël réussit à mobiliser les gouvernements occidentaux et les communautés juives de par le monde, et à obtenir des aides massives. Pensez-vous qu’il serait possible d’organiser en France une soirée annuelle a bénéfice de Tsahal s’il n’y avait pas ce discours permanent d’un Israël en guerre que chaque juif de par le monde a le devoir de soutenir ? Or, cette exportation produit nécessairement une réaction. Si Israël est le problème des juifs français, alors la Palestine devient par effet miroir le problème des musulmans français. C’est ainsi que le conflit est importé chez nous alors que, vous avez raison de le souligner, d’autres ne le sont pas.

      [Et même, de façon plus générale, pourquoi s’indigner de la sorte de ce double discours (si ce n’est pour déplorer qu’il contreviendrait aux intérêts de la France) ?]

      Peut-être que les gens n’aiment pas être pris pour des imbéciles, et qu’ils réagissent violemment quand ils s’aperçoivent que c’est exactement ce qu’on essaye de faire ?

      [Concernant les intérêts de la France donc, peu importe que la riposte au pogrom du 7 octobre]

      Pourquoi pas « ratonnade », puisqu’on y est. Quitte à abuser des mots, autant utiliser des mots français, non ?

      [puisse être considérée comme légitime ou non (en tous cas, elle fut inévitable), je ne peux qu’approuver l’extermination d’une coterie qui appelle au jihad mondial, donc en France :]

      Quand on fait tout pour tuer le directeur du cirque, on ne peut ensuite se plaindre de devoir négocier avec les lions. Et lorsqu’on pousse les gens au désespoir, on ne peut ensuite se plaindre qu’ils commettent des actes désespérés. « Exterminer le Hamas » ne servira à rien. La nature a horreur du vide, et si le Hamas disparaît le vide sera comblé par un autre mouvement tout aussi violent, tout simplement parce que la violence semble être la seule porte ouverte aux palestiniens pour se défendre. Israël a tout fait pour créer cette situation : pour liquider les élites palestiniennes formées dans l’OLP, pour affaiblir une Autorité palestinienne laïque, les israéliens ont favorisé les mouvements islamistes comme le Hamas. Cria cuervos…

      Israël ne veut pas comprendre que la seule façon d’avoir la paix est de donner aux palestiniens un espoir, de montrer que le combat mené par des moyens acceptables peut donner des résultats. Et comme personne n’est prêt à forcer Israël dans cette voie, on verra se répéter le même schéma, avec des explosions périodiques.

      [« We should take to the streets and the city squares in Arab and Islamic cities, as well as in cities everywhere where there are [Islamic] communities. There is a call [for demonstrations] this Friday – the Al-Aqsa Deluge Friday. » Khaled Mashal n’ayant pas pris la précaution oratoire de préciser que ça doit seulement être fait pacifiquement, au vu du passif du mouvement qu’il représente, j’en conclue donc que cet appel ne rejette pas implicitement l’usage de la force.]

      Remplacez « islamic » par « jewish » et « Al-Aqsa Deluge Friday » par « Iom Kippur », et vous aurez un texte qui pourrait être signé par le président du CRIF pour une manifestation de solidarité envers Israël. Quel est le problème ?

      Je trouve contre commentaire très étrange. Pourquoi Mashal devrait exclure l’usage de la force ? Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’une manifestation contre une loi en cours d’examen au parlement, ou pour obtenir qu’un gouvernement démocratiquement élu prenne une mesure. Il s’agit du conflit entre deux peuples, ou chacun estime légitime l’usage de la force. Si les israéliens jugent légitime d’user de la force pour expulser les palestiniens de leurs terres, pourquoi Mashal devrait-il exclure par principe l’usage de la force pour les récupérer ?

      [Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de paroles, mais également d’actes : (…)]

      Quel « acte » ? Pour le moment, aucune information n’a été fournie sur un quelconque « acte » de terrorisme. Tout ce qu’on sait en lisant le site que vous citez, c’est que des gens ont été arrêtés sur indication des services secrets israéliens, et qu’ils avaient des armes. Les autorités ne font référence à aucun projet d’attentat en Europe, et se content de dire que « l’affaire a un lien avec le Hamas ».

      [De plus, Tsahal a beaucoup à nous apprendre sur la guerre contre-insurrectionnelle en milieu urbain. Continuons à entretenir de bonnes relations, et si nous en faisons la demande, des instructeurs viendront nous enseigner ces méthodes, ce qui va nous être fort utile à l’avenir pour nettoyer les écuries d’Augias.]

      Tsahal a beaucoup appris déjà de nos bons vieux paras d’Algérie. Peut-être qu’on pourrait ressortir
      ces as de la gégène, plutôt que d’aller chercher des conseils à l’étranger « pour nettoyer les écuries d’Augias », comme vous dites… il est vrai que beaucoup sont morts, mais Aussaresses avait en sont temps commis un petit manuel qu’on pourrait remettre en circulation ? Seulement voilà, le problème est que, comme disait Talleyrand, « on peut se faire un trône avec des baïonnettes, mais il est dangereux de s’asseoir dessus ». Tsahal peut donner des leçons en matière de torture, mais les israéliens ont moins de leçons à donner en matière de politique. Et les guerres se gagnent ou se perdent là.

      [« Nous assistons en direct à la crise d’un récit, celui de l’Amérique triomphante de la fin du siècle dernier, confite dans la certitude d’avoir mené le camp du Bien à la victoire » Bonne ou mauvaise nouvelle selon vous ?]

      Ca dépend pour qui… personnellement, je pense que c’est une très bonne nouvelle. En matière de politique internationale, je préfère infiniment l’école “réaliste” à la Kissinger plutôt que l’exaltation des croisés.

  3. bernard dit :

    bonsoir 
    et ceux qui veulent etudier et empéchés par une minorité gauhe bobo

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [et ceux qui veulent étudier et empêchés par une minorité gauhe bobo]

      Ceux qui veulent étudier, peuvent étudier. Sciences-Po, ce n’est pas le lycée. Ce sont des étudiants universitaires, et à ce niveau on étudie – ou on devrait étudier – d’abord avec des livres. Et puis, le fait qu’il y ait quelques tentes dans la cour ou qu’on occupe l’escalier qui conduit à la direction pendant quelques heures n’a jamais empêché un enseignant d’enseigner. Les geignements du genre « les grévistes prennent en otage les usagers » doivent être pris avec grande précaution…

      L’université est un lieu de formation, et l’activité politique, syndicale, sociale est un élément de cette formation. C’est à l’institution, c’est aux enseignants de transformer ces moments en opportunités pédagogiques. Et c’est particulièrement vrai à Sciences-Po, qui est supposée – vaste programme – être l’école où l’on enseigne aux élèves à décrypter les évolutions de la société. Quand il y a une majorité qui « veut étudier », les minorités radicales sont vite marginalisées.

      L’histoire du “privilège universitaire”, qui fait que le maintien de l’ordre à l’intérieur de l’Université est l’affaire de l’Université est celle-là: s’il y a un statut particulier, c’est parce que le “désordre” fait jusqu’à un certain point partie du processus de formation, et que c’est donc à l’autorité universitaire d’apprécier si les bornes ont été ou non franchies. Que la direction de Sciences-Po ait appelé d’entrée les CRS est un aveu de faiblesse, c’est reconnaître son incapacité d’encadrer le désordre et lui donner une signification pédagogique.

  4. cdg dit :

    Pour Quatennens, c est assez logique. C est la lutte des places.
    C est trsite a dire mais la quasi totalite de notre classe politique ne croit en rien et se contente de faire carriere. D ou des changement de casaque (dernier en date R Dati). Dans le cas de LFI c est encore pire car la succession de Melanchon est dans les tetes de tous. Donc eliminer un rival potentiel fait sens, surtout si on peut grace a sa chute placer un homme qui vous doit tout
     
    Je suis d accord avec vous sur la pollution de l universite grace a l ideologie “woke”. De facon assez ironique, c est un retour a l envoyeur car si le mouvement vient des USA, il a etet initié la bas par des francais. Le coté positif c est que decredibiliser science po est plutot une bonne chose quand on voit ce que ca nous a donné comme dirigeants
     
    PS: “L’irruption de la guerre a tout à coup remis les hiérarchies à l’endroit, et relégué au second plan les revendications « sociétales » et « intersectionnelles » dans la jeunesse des classes intermédiaires. Les politiques qui cherchent cet électorat l’ont bien compris : Mélenchon, qui reste un grand tacticien, a centré la campagne de LFI sur le conflit de Gaza, faisant de Rima Hassan la tête de liste virtuelle éclipsant Manon Aubry ”
    A mon avis, la raison est ailleurs. Melanchon a clairement mit le cap sur l electorat “de banlieue” (sophisme pour dire l electorat d origine maghrebine). C est pas nouveau (cf le celebre tweet “la police tue”). Il met finalement en oeuvre la preconisation du think tank du PS (terra nova) qui il y a 20 ans expliquait qu il y avait bien plus d electeurs d origine magrebines que juives
     
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Pour Quatennens, c’est assez logique. C’est la lutte des places.]

      Bien sûr. Mais même lorsqu’il y a lutte des places, il y a des formes. Il ne faut pas être naïf : même au PCF de la grande époque, organisation ou la solidarité entre camarades était quelque chose de quasi religieux, la « lutte des places » était toujours présente. Mais personne n’aurait osé une attaque personnelle en public : cela aurait provoqué le rejet de la base. Dans les instances du PCF, toute mise en cause personnelle était fortement découragée. Celui qui s’y serait livré se voyait rappelé à l’ordre sur le mode « ne faisons pas une question de personnes, camarade ». La « lutte des places » ne pouvait se mener que discrètement, et en coulisse. Et c’était plus ou moins vrai dans tous les partis : les « compagnons » gaullistes pouvaient s’assassiner dans les couloirs, mais rarement en public.

      L’affaire Quatennens rappelle plutôt la culture de l’extrême gauche trotskyste et des écologistes, mouvements individualistes ou la camaraderie n’a jamais été une valeur cardinale. La manière dont les écologistes ont saboté plusieurs fois leurs propres candidats est de ce point de vue assez parlante…

      [C’est triste a dire mais la quasi-totalité de notre classe politique ne croit en rien et se contente de faire carrière. D’où des changement de casaque (dernier en date R Dati).]

      Oui, c’est la conséquence logique de la professionnalisation. Si un politique s’assimile à un cadre, pourquoi serait-il plus fidèle à son parti que le cadre ne l’est à son entreprise ? Pourquoi l’un et l’autre ne changeraient pas d’employeur si une meilleure offre se profile à l’horizon ? Eh oui, le capitalisme remplace tous les rapports par le « paiement au comptant ». Pourquoi voulez que la politique échappe à ce modèle ?

      [Dans le cas de LFI c’est encore pire car la succession de Mélenchon est dans les têtes de tous. Donc éliminer un rival potentiel fait sens, surtout si on peut grâce à sa chute placer un homme qui vous doit tout]

      Oui et non : d’une part, Mélenchon n’est pas encore mort et s’attaquer à son dauphin plus ou moins désigné comporte des risques non négligeables. Et d’autre part, ce n’est jamais une bonne politique que de brûler la maison qu’on espère hériter avec l’espoir de tuer dans l’incendie les autres héritiers. Si les militants LFI étaient sensibles à la notion de « camaraderie » comme l’étaient ceux du PCF d’antan, et si les dirigeants de LFI étaient sensibles à l’opinion de leurs militants, le traitement de l’affaire aurait été très différent.

      Dans cette affaire, je ferais une différence entre ceux qui ont attaqué Quatennens, et ceux qui dans l’ombre ne l’ont pas défendu. Les premiers ont je pense cédé à leurs instincts de meute, sans qu’un sentiment de camaraderie modère leur action, mais sans arrière-pensée politique : Sandrine Rousseau ou Clémentine Autain n’ont rien à gagner dans cette affaire. Les seconds, par contre, ont bien lu Shakespeare : « celui qui tient le poignard ne portera pas la couronne ». Ils ont laissé Quatennens se faire dépecer par la meute sans rien dire, mais n’ont pas participé à sa mise à mort. Bompard sort de cette affaire sans une égratignure…

      [Je suis d’accord avec vous sur la pollution de l’université grâce à l’idéologie “woke”. De façon assez ironique, c’est un retour à l’envoyeur car si le mouvement vient des USA, il a été initié là-bas par des français.]

      Je ne dirais pas ça. Je dirais plutôt qu’il a été initié par des gens qui ont (mal) lu un certain nombre de philosophes et de sociologues français, et qui ont trouvé chez eux la justification qu’ils cherchaient. Et de leur côté ces philosophes et sociologues ont été flattés par l’attention qu’on leur portait et ont eu tendance à donner à ce public ce que le public demandait.

      [Le côté positif c’est que décrédibiliser science po est plutôt une bonne chose quand on voit ce que ça nous a donné comme dirigeants]

      Je me demande si la décadence de Sciences-Po n’est victime, elle aussi, de la révolution néolibérale. Pendant longtemps, le prestige de Sciences-Po tenait à ce que c’était la voie royale vers les carrières administratives et politiques. Les anciens de Sciences-Po raflaient les places aux concours supérieurs de la fonction publique (ENA, IRA, administrateurs de l’Assemblée et du Sénat,…) et bien entendu des carrières politiques nationales. Or, ces carrières deviennent de moins en moins intéressantes. La fonction publique et la politique payent mal, et le véritable pouvoir s’est déplacé vers le secteur privé, et les ors de la République ressemblent de plus en plus à un décor à la Potemkine. On a assisté ces dernières années à ce que trente ou quarante ans aurait été inconcevable : des personnalités ont refusé des postes ministériels – et même primo-ministériels – pour ne pas quitter des postes de haut niveau dans le secteur privé. Quant aux hauts fonctionnaires, ils sont de plus en plus nombreux à quitter la fonction publique pour poursuivre leur carrière dans le privé.

      Sciences-Po a chercher à s’adapter à cette évolution : sa filière « service public », autrefois la plus prestigieuse, n’existe plus. Sciences-Po s’est tourné résolument vers le secteur privé… mais dans ce domaine elle est soumise à la concurrence des écoles d’ingénieur et des écoles de commerce, qui en général fournissent des formations bien plus consistantes, mais aussi des filières universitaires du droit qui sont-elles aussi, bien plus sérieuses. Du coup, Sciences-Po n’occupe une position dominante que dans le domaine des médias et de la communication…

      [PS: “L’irruption de la guerre a tout à coup remis les hiérarchies à l’endroit, et relégué au second plan les revendications « sociétales » et « intersectionnelles » dans la jeunesse des classes intermédiaires. Les politiques qui cherchent cet électorat l’ont bien compris : Mélenchon, qui reste un grand tacticien, a centré la campagne de LFI sur le conflit de Gaza, faisant de Rima Hassan la tête de liste virtuelle éclipsant Manon Aubry ” A mon avis, la raison est ailleurs. Mélenchon a clairement mis le cap sur l’électorat “de banlieue” (sophisme pour dire l’électorat d’origine maghrébine). Ce n’est pas nouveau (cf le celebre tweet “la police tue”).]

      Il ne faut jamais oublier que Mélenchon est un piètre stratège, mais un tacticien génial. C’est ce qui fait qu’il emporte les batailles et perd les guerres. Ainsi, il a réussi à créer ex-nihilo une organisation sur laquelle il exerce un contrôle total et qui arrive à obtenir un cinquième des voix dans une élection présidentielle et à faire élire plusieurs dizaines de députés. Pour cela, il est arrivé – et ce n’est pas un mince exploit – à amalgamer des courants et des électorats différents voire opposés. Vous trouvez à LFI des laïcards et des défenseurs du droit à porter le voile à l’école, des militants LGBT et des islamistes qui voudraient les voir morts, des scientistes et des partisans de la « deep écology ». « Et tout ça, ça fait/d’excellents insoumis », pour reprendre la chanson de Maurice Chevalier. Bien sûr, un tel syncrétisme ne peut être maintenu qu’en mettant les contradictions sous le tapis, et au prix de couacs périodiques. Mais cela marche, par la magie de l’égo-politique… et parce qu’il n’y a guère d’alternative dans le paysage de la gauche.

      L’exemple que vous donnez, celui de « la police tue », est un excellent exemple de la manière dont Mélenchon manie l’ambiguïté pour « tenir » ses différents électorats. Car ce slogan n’a pas la même signification pour son électorat « bobo » et pour son électorat « banlieue ». Pour les « bobos », cela joue sur le vieux sentiment « anti-flic » de la gauche et de l’extrême gauche, venu de la tradition anarcho-syndicaliste qui voit dans toute institution de l’Etat un instrument d’oppression. Pour les « banlieues », cela évoque plutôt les incidents à répétition entre la police et une communauté qui ressent toute intromission dans « son » territoire comme une agression. Le slogan « la police tue » caresse dans le sens du poil autant l’étudiant gauchiste que le petit trafiquant de banlieue. Avouez qu’à ce niveau de perfection, l’ambiguïté devient une œuvre d’art. Et Mélenchon se souvient très bien de la formule préférée de son mentor : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment »…

      Mélenchon vise clairement l’électorat « de banlieue », mais il est trop fin connaisseur de la carte électorale pour ne pas se rendre compte que cet électorat peut lui permettre de grapiller quelques points de pourcentage, mais ne suffit pas à lui seul à accéder au pouvoir. La question est donc de conquérir cet électorat sans pour autant perdre son ancrage chez les jeunes des classes intermédiaires. A priori, cela semble assez contradictoire de caresser dans le sens du poil les féministes et les LGBT tout en faisant des mamours aux Frères musulmans et autres salafistes, qui enverraient sans complexe les femmes à la cuisine et les LGBT au bûcher. Mais cela marche parce que du côté des féministes et des LGBT on pardonne pas mal aux islamistes au motif qu’ils font partie du camp des opprimés, et que du côté des islamistes on a compris l’intérêt qu’il peut y avoir à monter dans le train de LFI pour augmenter leur quota de pouvoir. Mais l’attelage reste fragile, comme le montrent les remous qu’à provoqué dans LFI la participation de Mélenchon à une manifestation « contre l’islamophobie » organisée par les Frères musulmans. Faire campagne sur la cause palestinienne, c’est contenter tout le monde : du côté « sociétal », c’est la cause des opprimés, du côté « banlieue », c’est la cause des musulmans.

  5. marc malesherbes dit :

     
    comme toujours, billet excellent.Je signale un petit excès pour la forme :
    *** Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. ***
    Israêl a préservé autant que possible les infrastructures et les hôpitaux, évitant de les détruire. Ainsi l’hôpital important Al-Shifa. n’a jamais été détruit, et même, occupé temporairement deux fois, il a été laissé sous le contrôle « de fait » du Hamas. Sans compter les nombreux autres hôpitaux de Gaza.
    Ce qui est vrai, c’est qu’en bombardant les combattants du Hamas, ici ou là, des infrastructures civiles on pu être détruites, sans que ce soit le but premier des bombardements.
    D’autre part Israël n’a pas rasé des villes entières. De fait, compte tenu de sa densité, Gaza n’est qu’une vaste conurbation, avec des noms donné à des zones autrefois villages isolés les uns des autres. La plupart des immeubles sont encore debout, même si un pourcentage appréciable, mais loin d’être majoritaire, a été endommagé, et non détruit. Toujours sans but de destruction, mais juste comme voisins ou participant aux caches du Hamas.

    *** Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation… Ce sont là des crimes de guerre, et peut-être même des crimes contre l’humanité.***
    Pour l’instant, il n’y a aucun nettoyage ethnique à Gaza. Certes le gouvernement Israélien aimerait sans doute bien le faire, mais si on s’en tient aux faits, ce n’est pas fait. Il n’y a donc pas à ce stade de crime de guerre ou contre l’humanité.
    Quand aux nombreuses pertes civiles (les chiffres du Hamas sont très surestimés, car il faudrait tenir compte du chiffre des morts combattantes, donc non civiles, et du taux de décès naturel dans la bande de Gaza) elles sont regrettables, condamnables, et montre que l’armée israélienne n’est pas très efficace, incapable malgré sa supériorité en armement de vaincre le Hamas au bout de tant de temps. Sans doute parce que son armée veut épargner autant que possible les civils, et ne veut pas aller au corps à corps ce qui induirait des pertes israéliennes beaucoup plus importantes, avec des recrues peu aguerries et une société israélienne hédonique, comme la nôtre, voulant avant tout le moins de pertes possibles.

    En résumé je crois qu’Israël a mal organisé sa guerre contre le Hamas, la faisant traîner en longueur, par peur d’avoir des pertes significatives dans ses propres rangs.

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [« Cela fera bientôt six mois que les opérations à Gaza ont commencé. On y a rasé des villes entières, on a sciemment détruit l’ensemble des infrastructures, jusqu’aux hôpitaux. » Israêl a préservé autant que possible les infrastructures et les hôpitaux, évitant de les détruire. Ainsi l’hôpital important Al-Shifa. n’a jamais été détruit, et même, occupé temporairement deux fois, il a été laissé sous le contrôle « de fait » du Hamas.]

      Ce n’est pas ce que disent les journaux. Voici par exemple ce que publie « Le Monde » le 2 avril 2024 : « L’armée israélienne n’a laissé derrière elle que ruines, cendres et cadavres. Aménagé après la seconde guerre mondiale par les occupants britanniques, le plus grand hôpital de la bande de Gaza était devenu un symbole palestinien, un vaisseau au cœur de la ville, qui se développait à la périphérie de celle-ci et restait debout, malgré les quinze guerres qu’Israël a menées contre l’enclave depuis 1948, selon l’historien spécialiste du Moyen-Orient Jean-Pierre Filiu. L’hôpital avait une capacité de 800 lits, et 2 500 à 3 000 mères accouchaient chaque mois dans la maternité.
      Aujourd’hui, ce symbole n’est plus. Les forces israéliennes ont assiégé les lieux, le 18 mars. Elles se sont retirées lundi 1er avril. « Tout a été détruit ou brûlé. L’hôpital a été transformé en cimetière. Il faut tout simplement en construire un nouveau », estime Kayed Hamad, résident gazaoui qui s’est rendu sur les lieux.
      »

      Et ce n’est pas le seul. Le 7 février 2024, « Le Monde » titrait : « Après le bombardement de l’hôpital Nasser à Khan Younès, dans la bande de Gaza, l’inquiétude pour les malades coincés à l’intérieur ». Le 18 mars, c’était l’hôpital Al-Chifa qui était bombardé. Et la liste est très longue…

      [Ce qui est vrai, c’est qu’en bombardant les combattants du Hamas, ici ou là, des infrastructures civiles ont pu être détruites, sans que ce soit le but premier des bombardements.]

      Quand on voit l’étendue des destructions, on a du mal à croire qu’elles soient collatérales à des bombardements sur « des combattants du Hamas ». L’intention d’Israël de rendre la bande de Gaza invivable me semble assez claire.

      [D’autre part Israël n’a pas rasé des villes entières. De fait, compte tenu de sa densité, Gaza n’est qu’une vaste conurbation, avec des noms donné à des zones autrefois villages isolés les uns des autres.]

      Le bande de Gaza a bien plusieurs « villes », séparées par des zones moins densement peuplées. Mais si à « rasé des villes entières » vous préférez « rasé des vastes portions de la conurbation gazaouie », je n’y vois pas d’inconvénient. Cela ne change pas grande chose aux faits.

      [La plupart des immeubles sont encore debout, même si un pourcentage appréciable, mais loin d’être majoritaire, a été endommagé, et non détruit.]

      J’aimerais connaître l’origine de vos chiffres. Selon une étude de la Banque Mondiale de janvier 2024, 62% des logements et 45% de l’ensemble des structures ont été détruits ou sérieusement endommagés.

      [Toujours sans but de destruction, mais juste comme voisins ou participant aux caches du Hamas.]

      Peut-être ont-ils découvert dans les tunnels du Hamas les armes de destruction massive de Saddam Hussein, vous savez, celles qui ont servi à justifier l’invasion de l’Irak, et qu’on n’a jamais vues… ?

      Donc, il suffit d’invoquer un vague « voisinage » ou une « participation » pour justifier le bombardement de la population civile. Est-ce que cette règle s’applique aussi à l’Ukraine ?

      [« Le gouvernement israélien a proclamé – en des termes feutrés, mais c’est bien cela que ça veut dire – sa volonté de procéder à un « nettoyage ethnique » en rendant la bande de Gaza invivable et en poussant ses habitants à partir, avant une éventuelle recolonisation… Ce sont là des crimes de guerre, et peut-être même des crimes contre l’humanité. » Pour l’instant, il n’y a aucun nettoyage ethnique à Gaza. Certes le gouvernement Israélien aimerait sans doute bien le faire, mais si on s’en tient aux faits, ce n’est pas fait.]

      Relisez le paragraphe que vous citez : c’est exactement ce que j’ai écrit.

      [Il n’y a donc pas à ce stade de crime de guerre ou contre l’humanité.]

      Le bombardement d’hôpitaux est un crime de guerre, tout comme le fait de priver une population civile d’eau et de nourriture. Il y a donc bien, à minima, des crimes de guerre.

      [Quand aux nombreuses pertes civiles (les chiffres du Hamas sont très surestimés, car il faudrait tenir compte du chiffre des morts combattantes, donc non civiles, et du taux de décès naturel dans la bande de Gaza)]

      Je dirais qu’elles son SOUSestimées, parce que s’il faut soustraire les morts combattants, il faudrait rajouter tous ceux dont les cadavres se trouvent sous les décombres ou dans les fosses communes creusées par les israéliens, et dont la mort n’a pas pu être constatée…

      [elles sont regrettables, condamnables,]

      Et une fois qu’on les a regrettées et condamnées, on fait quoi ?

      [et montre que l’armée israélienne n’est pas très efficace, incapable malgré sa supériorité en armement de vaincre le Hamas au bout de tant de temps.]

      Ou bien que le but réel de toute cette affaire n’est pas d’être « efficace » à l’heure d’éviter les victimes civiles. Si le but est de frapper de terreur la population gazaouie, de rendre le territoire invivable pour forcer les palestiniens à partir, on explique facilement l’étendue des destructions et le nombre de victimes civiles sans avoir à chercher l’incompétence des israéliens…

      [Sans doute parce que son armée veut épargner autant que possible les civils,]

      Vous croyez vraiment que le gouvernement israélien aujourd’hui a le moindre souci « d’épargner autant que possible les civils » ? Vraiment ?

  6. bernard dit :

    Bonsoir 
    Que proposez vous , je vois mal les européens aider millitairement le Hamas 

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Que proposez vous , je vois mal les européens aider militairement le Hamas]

      On arme bien le bataillon Azov en Ukraine, vous savez, ces gens qui ont des croix gammées tatouées sur le corps, chantent des chants antisémites et rendent hommage à Bandera… alors pourquoi pas le Hamas ? Mais sans aller jusque là, on pourrait commencer par infliger à Israël le même type de sanctions qu’on a infligés à la Russie. Rien qu’un embargo total sur les armes ferait à mon avis réfléchir le gouvernement israélien…

      Mais n’ayez crainte, on ne fera rien. Absolument rien. Même pas obliger les athlètes israéliens à défiler sous drapeau neutre. C’est que, voyez-vous, les israéliens sont les alliés des Américains. Et l’UE est incapable de faire la moindre peine à Washington.

  7. Denis Weill dit :

    Cher Descartes,
    Merci pour cet article salutaire dans l’air idéologique irrespirable de la période.
    Cette hystérisation politico-médiatique autour de quelques tentes installées à Sciences-(pi)Po est évidemment ridicule.
    Il semble que certains en France aient absolument besoin de monter en mayonnaise antisémite les manifestations de solidarité les plus inoffensives au sort des palestiniens pour légitimer un soutien tout à fait anti-républicain et largement immoral à Israël et son gouvernement.
    Mais c’est sur un autre point que j’aimerais avoir votre avis. Vous écrivez : “Seuls quelques esprits mal tournés peuvent penser que cette différence de traitement tient au fait qu’Israël est le « gendarme » de la région pour le compte des Américains depuis sa fondation”.
    Ce que je n’ai jamais réussi à comprendre dans l’histoire de ce conflit c’est la raison pour laquelle au départ, les britanniques, puis les américains ont eu besoin de s’appuyer sur le mouvement sioniste pour contrôler la région. Ils n’étaient pas du tout en terrain hostile avec les arabes, parfaitement disposés à servir les intérêts impérialistes en échange de leur indépendance. La branche Hachémite d’abord, avec Hussein puis son fils Fayçal qui combattront aux côté des anglais contre l’Empire Ottoman (Lawrence d’Arabie) et la famille Saoud ensuite avec les américains à partir de 45. Les britanniques se mordront d’ailleurs les doigts de ce soutien au sionisme comme en témoigne le nouveau libre blanc de 1939 puis leur fuite (à l’anglaise ?) de la région en 1948 et le jet de la patate chaude à l’ONU.
    Bien à vous,
     
     

    • Descartes dit :

      @ Denis Weill

      [Cette hystérisation politico-médiatique autour de quelques tentes installées à Sciences-(pi)Po est évidemment ridicule.]

      Ridicule ? Peut-être… mais aussi très révélatrice de la manière dont nos classes privilégiées s’inventent des « causes » lointaines sur lesquelles elles n’ont aucun moyen d’agir, pour occulter le fait qu’on ne s’occupe pas de celles proches de nous. Comme le disait Rousseau, « Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins ». Hier, les gauchistes se passionnaient pour le Vietnam en attendant de devenir sénateurs ou ministres mitterrandiens…

      [Il semble que certains en France aient absolument besoin de monter en mayonnaise antisémite les manifestations de solidarité les plus inoffensives au sort des palestiniens pour légitimer un soutien tout à fait anti-républicain et largement immoral à Israël et son gouvernement.]

      C’est la tactique habituelle des services israéliens – et de leurs relais « communautaires » – qui repose largement sur l’instrumentalisation de la Shoah et de l’exploitation de la mauvaise conscience occidentale. Schématiquement, cela revient à considérer que toute critique de la politique israélienne fait de vous un émule des nazis.

      [Mais c’est sur un autre point que j’aimerais avoir votre avis. Vous écrivez : “Seuls quelques esprits mal tournés peuvent penser que cette différence de traitement tient au fait qu’Israël est le « gendarme » de la région pour le compte des Américains depuis sa fondation”. Ce que je n’ai jamais réussi à comprendre dans l’histoire de ce conflit c’est la raison pour laquelle au départ, les britanniques, puis les américains ont eu besoin de s’appuyer sur le mouvement sioniste pour contrôler la région. Ils n’étaient pas du tout en terrain hostile avec les arabes, parfaitement disposés à servir les intérêts impérialistes en échange de leur indépendance.]

      Sauf que les occidentaux n’étaient nullement prêts à leur accorder. Tout au plus étaient-ils prêts à remplacer le bon vieux colonialisme britannique ou français par le néocolonialisme à l’américaine. L’exemple le plus net est celui de l’Egypte. L’occident était prêt à leur accorder l’indépendance… mais lorsque le gouvernement égyptien utilise cette « indépendance » pour récupérer le contrôle de ses ressources stratégiques – en l’espèce le canal de Suez – on intervient militairement pour l’empêcher, et ce n’est que parce que l’URSS tape du poing sur la table que l’intervention échoue. Même chose en Iran lorsque Mossadegh essaye de nationaliser le pétrole, en Irak lorsque Saddam Hussein cherche à se doter d’un programme nucléaire. En Arabie Saoudite, la fidélité du régime envers les Américains a toujours été un équilibre précaire entre les besoins de soutien de la famille régnante et ses velléités de puissance régionale. Il faut aussi se souvenir que les peuples secouant le joug occidental et cherchant un chemin de développement étaient fortement séduits par le modèle soviétique de modernisation et d’industrialisation, qui avait transformé un pays paysan arriéré en puissance mondiale en une génération.

      Avoir dans la région un allié capable de faire du renseignement et au besoin des opérations commando est devenu dans les années 1950 indispensable aux Américains, notamment pour protéger le canal de Suez, voie essentielle d’approvisionnement pétrolier, et contrer l’implantation soviétique dans la région. L’intervention de 1956 est un bon exemple…

      • Denis Weill dit :

        Merci pour votre réponse.
        “Il faut aussi se souvenir que les peuples secouant le joug occidental et cherchant un chemin de développement étaient fortement séduits par le modèle soviétique de modernisation et d’industrialisation, qui avait transformé un pays paysan arriéré en puissance mondiale en une génération.”
        Mais le mouvement sioniste a également été séduit par le socialisme. Souvenons nous d’ailleurs que l’URSS a voté en faveur du plan de partage en 1947.
        Au moment de la déclaration Balfour comme à celui du programme de Biltmore, rien n’indiquait que l’Etat juif en formation resterait fidèle à l’impérialisme anglo saxon. D’ailleurs en ce qui concerne les britanniques il a finit par se retourner contre eux (attentat de l’hôtel King David).
         
        Il n’est d’ailleurs pas impossible que nous assistions à un basculement et que les USA eux-mêmes commencent à remettre en question, même timidement, ce soutien inconditionnel à Israel. Surtout avec le probable retour d’un Trump qui, quoique très pro-sioniste dans les termes et la symbolique, a tout de même pour programme “America first” et a retiré les “boys” du Moyen Orient.
         
        Bien à vous,
         

        • Descartes dit :

          @ Denis Weill

          [Mais le mouvement sioniste a également été séduit par le socialisme.]

          Une partie du mouvement sioniste, certainement. Mais cette partie s’est vite trouvée devant un sérieux problème : le rapport avec la religion. La gauche sioniste s’est retrouvée très vite confrontée à la difficulté de définir ce qu’est un juif sans pour autant se référer à la pratique religieuse. Et ce défi n’a jamais pu être vraiment résolu.

          [Au moment de la déclaration Balfour comme à celui du programme de Biltmore, rien n’indiquait que l’Etat juif en formation resterait fidèle à l’impérialisme anglo-saxon. D’ailleurs en ce qui concerne les britanniques il a fini par se retourner contre eux (attentat de l’hôtel King David).]

          Tout à fait. Mais la géopolitique a ses lois. La décolonisation du monde arabe mettait au pouvoir des régimes soucieux de récupérer le contrôle de leurs ressources, que des contrats léonins avaient mis dans les mains d’un occident dominé par les Américains. Le conflit était donc inévitable, et l’opération de Suez en 1956 est de ce point de vue un symptôme révélateur. A l’inverse, l’état d’Israël ne menaçait aucun intérêt occidental. Il était donc naturel que les arabes cherchent du soutien ailleurs qu’en occident, alors que les israéliens aient dans la direction contraire.

          [Il n’est d’ailleurs pas impossible que nous assistions à un basculement et que les USA eux-mêmes commencent à remettre en question, même timidement, ce soutien inconditionnel à Israel.]

          Quel intérêt auraient-ils à le faire ? N’oublions pas que ce sont les intérêts qui façonnnent la politique internationale, et non les principes moraux. Les Américains ont toujours besoin d’un proxy et d’un poste d’observation dans la région. Et Israël ne leur coûte pas trop cher. Alors, pourquoi renoncer à une relation qui est aussi profitable à l’un qu’à l’autre ?

          • Denis Weill dit :

            La question est donc jusqu’où la profitabilité de ce soutien est-elle supérieure à son coût ?
            A mon sens, Israel n’a plus rien d’un simple “poste d’observation”pour les EU. Pour pouvoir jouer ce rôle, il est nécéssaire que le vassal puisse garantir un minimum de stabilité régionale. Or, les suprémacistes d’extrême droite au pouvoir en Israel paraissent totalement en roue libre et poussent à mettre la région à feu et à sang.
            Le soutien des USA à Israel coûte des milliards par an au citoyen américain, sans parler du coût en terme d’opinion internationale. Une Amérique désormais concurrencée par la Chine et dont l’élection de Trump montre qu’elle est traversée en interne par des contradictions importantes.
            Croyez vous que les EU iront jusqu’à s’attaquer à l’Iran pour les beaux yeux de leur “proxy” ? L’épisode du bombardement du consulat iranien à Damas a montré que ce ne sera certainement pas le cas.

            • Descartes dit :

              @ Denis Weill

              [La question est donc jusqu’où la profitabilité de ce soutien est-elle supérieure à son coût ?
              A mon sens, Israël n’a plus rien d’un simple “poste d’observation” pour les EU. Pour pouvoir jouer ce rôle, il est nécessaire que le vassal puisse garantir un minimum de stabilité régionale. Or, les suprémacistes d’extrême droite au pouvoir en Israël paraissent totalement en roue libre et poussent à mettre la région à feu et à sang.]

              Au-delà des foucades du gouvernement israélien, je pense que les services d’intelligence de l’état hébreu continuent leur travail de renseignement et le partagent avec les américains, sans compter sur certaines basses œuvres qu’ils conduisent pour leur compte… Ce n’est pas parce qu’on s’insulte en public qu’on ne collabore pas en privé…

              [Croyez-vous que les EU iront jusqu’à s’attaquer à l’Iran pour les beaux yeux de leur “proxy” ?]

              C’est dans le sens inverse que cela marche : si vous avez un « proxy », c’est pour qu’il fasse les choses à votre place, pour vous éviter d’en endosser la responsabilité. Ce serait plutôt les israéliens qui bombarderont l’Iran pour le compte des Etats-Unis… et d’ailleurs ils le font, et pas seulement avec des bombes. Prenez les attaques informatiques contre les installations nucléaires iraniennes, qu’on trace vers Israel…

  8. Roman dit :

    Bonjour Descartes,
    Avez-vous lu la formidable note de Jérôme Fourquet ? J’y ai retrouvé un grand nombre de constats que j’ai pu faire notamment en tant que douanier et originaire du la “france périphérique”. 
    https://blogs.alternatives-economiques.fr/gilles-raveaud/2024/05/13/jerome-fourquet-en-france-on-ne-produit-plus-l-etat-soutient-la-consommation-par-les-deficits

    • Descartes dit :

      @ Roman

      [Avez-vous lu la formidable note de Jérôme Fourquet ? J’y ai retrouvé un grand nombre de constats que j’ai pu faire notamment en tant que douanier et originaire du la “france périphérique”.]

      La note est en effet très intéressante. Elle rejoint l’une de mes marottes, largement abordée dans ce blog : la transformation de la société française d’une société de producteurs en une société de consommateurs. C’est d’ailleurs très net lorsqu’on regarde les programmes politiques, qui font une large place à la distribution des richesses sans jamais aborder la production des richesses en question. Une transformation d’ailleurs largement poussée par les institutions européennes, qui font de la protection des intérêts du consommateur l’alpha et l’oméga de leurs politiques. Je rejoins Fourquet lorsqu’il décrit les effets de cette transformation sur l’endettement, sur la balance commerciale et sur la désindustrialisation.

      Là où l’analyse de Fourquet est moins sérieuse et plus idéologique, c’est sur la question de l’Etat. Fourquet voit une extension permanente de l’intervention de l’Etat qui me paraît très discutable. Le mouvement d’extension de l’intervention publique dans certains domaines, que Fourquet évoque à juste titre, se trouve plus que compensé par le retrait massif de l’Etat dans d’autres, que Fourquet n’évoque pas. En 1980, l’Etat gérait en monopole les secteurs de l’électricité, du gaz, des télécoms, des tabacs, les postes, les poudres et explosifs, les chemins de fer. Une régie publique dominait le marché automobile, des banques et des compagnies d’assurances publiques le secteur financier. Aujourd’hui, tous ces secteurs sont ouverts à la concurrence, et à l’exception de l’électricité et des chemins de fer, totalement privatisés. Parler dans ces conditions d’extension du domaine d’action de l’Etat paraît pour le moins excessif.

      Il est d’ailleurs étonnant que Fourquet, si prolixe pour citer des chiffres, les omet dans un seul cas : celui des effectifs de la fonction publique. Alors qu’il affirme plusieurs fois que ceux-ci ont continument augmenté, aucun chiffre n’est donné. Et pour cause : les effectifs de la fonction publique d’Etat baissent de 2005 à 2017, et cette diminution est rattrapée entre 2028 et 2022. Il est donc faux de parler d’une croissance de la fonction publique d’Etat. L’inflation réglementaire n’est donc pas lié à la croissance des administrations, mais plutôt à une classe politique qui, pour exister, n’a d’autre levier que de faire de la réglementation. Chaque ministre veut laisser sa marque dans une « réforme », chaque député veut son nom dans une loi… C’est donc à tort que Fourquet dénonce la supposée lourdeur des administration ou leur pouvoir d’obstruction, que Macron se verrait obligé de “contourner”. Non, quand la volonté politique est là, l’administration applique. La meilleure preuve en est que la réforme de la haute fonction publique, qui démantèle cette dernière, a été mise en place par le gouvernement sans que personne ou presque ne fasse de la résistance.

  9. Manchego dit :

    @Descartes et Roman
    ***La note est en effet très intéressante. Elle rejoint l’une de mes marottes, largement abordée dans ce blog : la transformation de la société française d’une société de producteurs en une société de consommateurs. ***
    Oui, avec un consommateur très influencé par la société du spectacle (au sens de G. Debord), et avec une conscience de classe inexistante ou très faible. Quand la France était très industrialisée, il y avait une certaine prise de conscience et “éducation”qui se faisaient dans les grandes entreprises (notamment via la CGT et les cellules PCF dans les ateliers), aujourd’hui, dans une société de services à la consommation (à crédit via la dette), les salariés, plus ou moins Ubérisés, sont plutôt dans le “consomme, paye toi le dernier smartphone, tais-toi et évite de réfléchir”. Et bien sur, il y a une classe privilégiée qui n’a jamais été aussi riche depuis que ce processus est en marche, il y a des gagnants dans cette évolution (évolution qui à mon sens ne peut pas être pérenne).
    ***Je rejoins Fourquet lorsqu’il décrit les effets de cette transformation sur l’endettement, sur la balance commerciale et sur la désindustrialisation.***
    Et, de facto, sur les services publics que nous n’arrivons plus à financer correctement (Education, santé, police, justice…)
    ***Là où l’analyse de Fourquet est moins sérieuse et plus idéologique, c’est sur la question de l’Etat. Fourquet voit une extension permanente de l’intervention de l’Etat qui me paraît très discutable. ***
    Il qualifie l’état “d’état guichet”, pensant sans doute, comme bon nombre de libéraux influencés par l’école de Chicago, que l’état n’est pas la solution mais le problème.
    ***Aujourd’hui, tous ces secteurs sont ouverts à la concurrence, et à l’exception de l’électricité et des chemins de fer, totalement privatisés. Parler dans ces conditions d’extension du domaine d’action de l’Etat paraît pour le moins excessif.***
    C’est excessif, mais c’est confortable pour ne pas faire une vraie analyse et pointer les vraies responsabilités.

    • Descartes dit :

      @ Manchego

      [Oui, avec un consommateur très influencé par la société du spectacle (au sens de G. Debord), et avec une conscience de classe inexistante ou très faible. Quand la France était très industrialisée, il y avait une certaine prise de conscience et “éducation” qui se faisaient dans les grandes entreprises (notamment via la CGT et les cellules PCF dans les ateliers), aujourd’hui, dans une société de services à la consommation (à crédit via la dette), les salariés, plus ou moins Ubérisés, sont plutôt dans le “consomme, paye-toi le dernier smartphone, tais-toi et évite de réfléchir”.]

      Plus qu’une « conscience de classe », le sociétés européennes de l’avant-néolibéralisme sont des sociétés où chacun a une conscience aigue d’appartenir à différentes collectivités, où chacun se rattache à une filiation. La famille, la nation, l’entreprise, les organisations politiques ou sociales sont des véritables références, qui rattachent leurs membres à un passé commun. La « prise de conscience et éducation » dont vous parlez ne se faisait pas seulement dans les grandes entreprises, mais aussi à travers les institutions les plus diverses.

      La société de consommation change les choses parce que le consommateur est, par définition, un individu. Il exerce son pouvoir non pas par des actions collectives, mais par l’accrétion de décisions individuelles. Elle fabrique donc des êtres autocentrés, sans filiation ni appartenance. Et dans ces conditions, la transmission de valeurs, de pratiques, de traditions, de connaissances telle qu’elle se faisait dans le monde d’avant n’a plus cours. La relative indifférence à la question de la dette ou du passage de plus en plus évident de nos « bijoux de famille » à des mains étrangères montre assez bien d’ailleurs cette transformation : la dette ou le contrôle de notre patrimoine impliquent un rapport au futur. Or, et c’était le thème de mon papier, nous sommes une société du présent.

      [***Là où l’analyse de Fourquet est moins sérieuse et plus idéologique, c’est sur la question de l’Etat. Fourquet voit une extension permanente de l’intervention de l’Etat qui me paraît très discutable. ***
      Il qualifie l’état “d’état guichet”, pensant sans doute, comme bon nombre de libéraux influencés par l’école de Chicago, que l’état n’est pas la solution mais le problème.]

      Je n’irais pas aussi loin. La problématique du guichet n’est pas seulement un fantasme libéral. La transformation de l’Etat qui amène les citoyens à le percevoir comme une « vache à lait » dont la fonction serait de distribuer des chèques aux individus est un véritable problème. On peut difficilement me qualifier de libéral, et je suis partisan d’un Etat fort. D’un Etat qui soit régulateur, investisseur, organisateur. Mais pas d’un Etat-nounou, qui s’occupe de soigner les petits bobos des individus.

  10. Vincent dit :

    Bonjour,
     
    Je me permets une petite question qui n’a rien à voir : je recherche, et n’arrive plus à retrouver, un article que vous aviez écrit sur le thème “morale privée, vertu publique”, ou quelque chose dans le genre, expliquant bien qu’à titre individuel, la charité, la compassion, est une vertu admirable, mais que quelqu’un qui, un jour, est charitable avec quelqu’un, a le droit de décider, chaque jour, et avec qui il veut être charitable. Et a le droit de choisir ses “pauvres”, et d’arrêter de donner si il veut.
    Mais qu’il n’y a rien de tel pour un État, si bien que la comparaison ne tient pas.
     
    Je ne retrouve pas l’article. Sauriez vous m’aider ?
     
    Merci d’avance !

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      J’ai trouvé deux articles qui touchent cette question sous des formes différentes:

      Leonarda superstar

      Aquarius: histoire d’un chantage qui paie

      • Vincent dit :

        Effectivement :

        “La politique, par essence, est une pensée abstraite. (…) La pensée caritative pense au contraire le cas particulier, et non la règle générale : je fais la charité à tel individu qui me paraît sympathique, alors que je la refuse à tel autre qui m’est antipathique. Là où la politique parle d’égalité et fait des règles qui s’appliquent à tous, la charité est au contraire par essence inégalitaire et celui qui fait la charité choisit souverainement qui il veut aider et qui il abandonne à la misère”

        Mais j’avais le souvenir d’un article complet sur le sujet, y compris sur le fait que, quand on fait la charité, on ne s’engage pas dans le temps, et qu’on a le droit de changer d’avis, contrairement à l’Etat.
        J’avais du lire ça ailleurs…
        D’habitude, quand je me rappelle de quelque chose d’intelligent que j’ai lu en matière politique, je reviens sur ce blog pour le trouver… et ça fonctionne presque toujours !

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Mais j’avais le souvenir d’un article complet sur le sujet, y compris sur le fait que, quand on fait la charité, on ne s’engage pas dans le temps, et qu’on a le droit de changer d’avis, contrairement à l’Etat.
          J’avais du lire ça ailleurs…]

          Je pense. Je ne me souviens pas d’un tel article, et je ne l’ai pas retrouvé dans mes tablettes…

          [D’habitude, quand je me rappelle de quelque chose d’intelligent que j’ai lu en matière politique, je reviens sur ce blog pour le trouver… et ça fonctionne presque toujours !]

          Arrêtez, vil flatteur, vous allez me faire rougir…

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