Lendemains de censure

Le miracle n’a pas eu lieu : la motion de censure proposée par le groupe LIOT pour contrer l’engagement de la responsabilité gouvernementale sur le projet de loi réformant le système de retraites a échoué de seulement neuf voix.

Cet échec, c’est d’abord celui du parlement en tant qu’institution. Pourtant, le rédacteur de la motion, Charles de Courson, avait pris la peine de poser la question sans aucune ambiguïté. La censure, disait-il, n’est pas une prise de position sur la substance de la loi, sur la suppression des régimes spéciaux ou les 64 ans, sujets sur lesquels la représentation nationale abrite des opinions fort différentes, mais sur la procédure choisie par le gouvernement pour la faire adopter, sujet sur lequel un consensus dans l’ensemble des parlementaires de l’opposition – et même chez certains députés de la majorité – peut être trouvé. Sur ce texte, le gouvernement a en effet utilisé toutes les ficelles constitutionnelles, quitte à détourner la procédure. Et l’accumulation est impressionnante : le gouvernement a invoqué l’article 47.1 de la Constitution, théoriquement réservé à des lois de financement dont le vote dans des échéances précises est indispensable ; l’article 44.2 pour supprimer un certain nombre de sous-amendements déposés au sénat, l’article 44.3 dite « vote bloqué » pour obliger les sénateurs à se prononcer sur la totalité du texte sans mettre les amendements au voix, les articles 38 et 42 du règlement intérieur du Sénat pour limiter les prises de parole… sans compter avec un ministre déclarant « qu’il n’a pas de comptes à rendre » à la représentation nationale… Comment expliquer qu’il ne se soit pas trouvé parmi les parlementaires, les premiers intéressés à défendre les prérogatives des assemblées, une majorité pour mettre le holà devant une telle mise en place de la représentation nationale ?

La réponse rapide tient en un seul mot : « lâcheté ». Et cela commence avec la lâcheté des députés de la majorité. Il ne s’est pas trouvé un seul pour dénoncer les abus de l’exécutif. Pas un seul pour exiger un véritable débat parlementaire. La Constitution de la Vème République donne à l’exécutif les moyens de gouverner, c’est entendu. Mais elle donne aussi au Parlement le moyen de lui mettre des limites et de contrôler les abus. Cela suppose que les députés de la majorité aient un minimum de courage pour pouvoir dire « tu déconnes » au président qui les a fait élire lorsque celui-ci commence à dérailler. Qu’il n’ait pas eu un seul député sur les 170 que compte le groupe macroniste pour voter la motion de censure fait penser à l’adage qui dit « quand tout le monde pense la même chose, cela veut dire qu’il n’y a qu’un seul qui pense ». Les députés macronistes, ce n’est même plus les godillots de De Gaulle, ce sont des robots.

Mais la lâcheté la plus remarquable est celle de « Les Républicains », dont la prestation ressemble de plus en plus à celle d’un poulet sans tête. Coincés entre un électorat bourgeois dont les désaccords sur les questions économiques et sociales avec le camp macroniste sont minimes pour ne pas dire inexistants, et un électorat plus populaire qui rejette sans ambiguïté la réforme, les députés LR n’ont jamais réussi à définir une position tenable. La motion De Courson, centrée non sur le contenu de la loi mais sur la procédure, leur offrait une magnifique porte de sortie. Les dirigeants de LR n’ont pas su saisir leur chance – entre autres choses, parce qu’ils ont eu l’imprudence de négocier avec le camp macroniste. La base – et surtout celle constitué par des députés élus dans des circonscriptions populaires – s’est rebellée : un tiers des députés LR a voté la censure.

Maintenant, nous nous trouvons dans une situation extrêmement dangereuse. Une à une, les institutions démocratiques ont failli à leur fonction. L’exécutif, qui dans la logique de la Vème République tire sa légitimité non seulement de l’élection au suffrage universel, mais d’un dialogue permanent avec les citoyens, s’est montré sourd aux pétitions, et prêt à utiliser les outils constitutionnels non pour faire prévaloir la volonté du peuple sur les combines politiques – ce qui était l’intention de leur créateur – mais pour l’ignorer. Le législatif, qui s’est laissé domestiquer sans utiliser son pouvoir de dire « trop c’est trop » en votant la censure. Et on peut anticiper que le judiciaire faillira à son tour lorsque le Conseil constitutionnel validera – c’est le plus probable – une procédure qui conduit à faire adopter un texte sans qu’il soit finalement examiné et débattu. Rien ne souligne mieux cette faillite que l’intervention du président du 22 mars dernier. On s’attendait à ce qu’il propose une processus de sortie, on s’est retrouvé avec une intervention dépourvue de toute empathie, dans lequel le chef de l’Etat a exhibé un mépris sans limite pour tous ceux qui ne partagent sa vision du monde, et dont le message était finalement « je n’ai aucune raison de vous écouter ». 

Cette faillite des pouvoirs constitués conduit tout droit, si on n’y prend pas garde, à une forme de guerre civile larvée. Les citoyens comprennent en effet que les armes démocratiques que leur donne la Constitution, que ce soit le droit de vote, de pétition, de manifestation, de grève, n’ont aucune efficacité. Une réforme peut concentrer contre elle l’opposition de trois quarts des Français, et être adoptée quand même. Pire : dix semaines de grèves et manifestations n’ont rien obtenu, là où les ZAD ou d’autres actes de violence ont obtenu ici l’abandon d’un projet, là la remise en cause d’une taxe. Quand la violence permet d’obtenir ce qui est refusé au manifestant pacifique, il ne faut pas s’étonner que la violence s’installe comme un levier politique comme un autre. Et le fait qu’un quart des Français refuse de condamner les violences commises lors des manifestations est particulièrement révélateur de cette dérive.

Et maintenant ? (comme disait Bécaud) Que faire ? (comme disait Lénine)

Le gouvernement semble penser que le temps joue pour lui. En manifestant qu’il n’y a rien à discuter, rien à négocier, il parie sur l’essoufflement du mouvement. Il s’imagine que les grévistes finiront par reprendre le travail, usés par la contrainte économique, que les manifestants finiront par se lasser de manifester, et qu’il suffira d’attendre pour que tout rentre dans l’ordre. Et qu’une fois l’orage passé, les affaires reprendront comme d’habitude : les syndicats reviendront à la table des négociations, les députés LR accepteront de voter les projets de la majorité, les Français retourneront aux urnes.

A-t-il raison ? Je ne le crois pas. Cette affaire aura abîmé durablement les institutions républicaines. Si la réforme va au bout, une majorité de Français conclura – à juste titre – que leur parole ne compte pour rien. Que ni l’exécutif, ni le législatif, ni le judiciaire ne jouent leur rôle constitutionnel, qui est d’assurer « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Que syndicats et partis politiques n’ont pas les moyens de jouer leur rôle de relais de l’opinion. Bref, qu’on est gouvernés par une toute petite oligarchie qui n’écoute personne et qui s’estime investie de la souveraineté. Est-il besoin d’insister sur les dangers potentiels d’une telle configuration ?

A neuf voix près, le gouvernement n’a pas été censuré. Pour la première ministre, c’est une “victoire”. Comme le fut pour Macron la réélection en 2022. Mais ces “victoires” sont trompeuses. Elles traduisent moins une adhésion du peuple au camp “victorieux” que l’absence d’alternative politique. La première ministre s’est vantée dans son discours de réponse aux motions de censure qu’il n’y avait pas d’autre majorité possible. C’est peut-être vrai… mais c’est là le drame. Devant un gouvernement sans idées on trouve une opposition sans projet. Pas de quoi se réjouir.

Descartes

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

42 réponses à Lendemains de censure

  1. Luc dit :

    Si le constitutionnel refuse certains articles mais accepté l’essentiel,départ à 64ans ce 14/04,il restera  le RIP.
    Le 21/04, le conseil constitutionnel donnera ou pas le début de la procédure du RIP impulsé au départ par le PCF et 250 députés.
    Juppé et Fabius  sont ils sur une ligne possiblement rigoureuse donc pro RIP ?
    N’est il pas très probable qu’ils agiront conformément à la ligne pro UE suivie par eux l’essentiel de leur carrière ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Si le constitutionnel refuse certains articles mais accepté l’essentiel, départ à 64ans ce 14/04, il restera le RIP.]

      Oui. La procédure est complexe, et nécessite un grand nombre de signatures. Mais compte tenu de la mobilisation des gens et du passage en force du gouvernement, si les partis s’organisent et font front commun le recueil des signatures paraît possible.

      [Juppé et Fabius sont-ils sur une ligne possiblement rigoureuse donc pro RIP ? N’est-il pas très probable qu’ils agiront conformément à la ligne pro UE suivie par eux l’essentiel de leur carrière ?]

      N’oubliez pas que le Conseil constitutionnel navigue toujours dans un chenal étroit. Il y a bien entendu les engagements politiques de ses membres, mais il faut aussi tenir compte qu’une décision qui serait de façon trop évidente contraire au droit serait vue comme une atteinte à la souveraineté populaire et remettrait en question le statut du Conseil lui-même. C’est pourquoi le Conseil est très prudent dans ses décisions. Dans le cas présent, les « politiques » du Conseil sont plutôt sur une ligne européiste et favorable au recul de l’âge de la retraite, mais d’un autre côté réalisent très bien qu’ils ont la possibilité de jouer un « coup » qui redorerait auprès des Français le blason du Conseil en tant que gardien des procédures. Par ailleurs, n’oubliez pas que nous avons l’un des Conseils les moins politiques de son histoire, avec une prédominance des juristes de carrière…

    • Bonjour,
      Au risque de vous décevoir… Même après toutes les signatures, aucun référendum ne serait jamais organisé !
      Le RIP est un enfumage: si le Parlement “n’examine pas la proposition de loi dans un délai de six mois, le Président de la République convoque un référendum”. En clair, il suffit que la majorité LREM ou la droite sénatoriale mette le texte à l’ordre du jour (et le rejette !) pour qu’aucun référendum ne soit organisé.

      • Descartes dit :

        @ Gautier WIENMANN

        [Au risque de vous décevoir… Même après toutes les signatures, aucun référendum ne serait jamais organisé !]

        Oui… et non. Il est clair qu’en droit il suffirait de faire examiner le projet référendaire par l’assemblée et le sénat dans les six mois pour que le référendum n’ait pas lieu. Mais la question ici n’est pas juridique, elle est politique: si un grand nombre de députés présente la loi en vue du référendum, et qu’il se trouve quatre millions de Français pour signer, le gouvernement aura POLITIQUEMENT beaucoup de mal à éviter le référendum, quand bien même il aurait les moyens juridiques de le faire, sauf à faire voter la proposition de loi en question.

  2. Gugus69 dit :

    Des lâches ? Oui, sans doute, ami et camarade. Mais mettez-vous à leur place, les malheureux : en cas de censure du gouvernement, le risque était grand d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Et combien de nos députés de la majorité ou des Républicains sont assurés d’une réélection ? Un an seulement après le début de la législature, ce serait ballot…
    On savait déjà que la démocratie en France avait du plomb dans l’aile tant la rupture entre les Français et les élites politico-médiatiques est consommée depuis le traité de Lisbonne.
    Mais ce que ces pitres sont en train de mettre en péril, c’est aujourd’hui la République elle-même. 
    Il n’y a plus en France d’homme d’État ; il n’y a plus que des hommes de carrière. Les spasmes qui secouent aujourd’hui notre pays sont d’une nature bien plus grave que mai 68. Il y a un demi-siècle, le girondisme libéral-libertaire, individualiste, européiste se préparait à prendre le pouvoir ; Aujourd’hui, comme vous le dites, on a une opposition sans projet. C’est le néant politique qu’éclairent les incendies allumés par les black blocks et les terroristes verts.
    Pendant ce temps, un nouvel ordre mondial se construit qui nous tourne le dos.
    Il y a un an, j’avais analysé mon erreur d’avoir mésestimé la détermination des Russes dans l’affaire ukrainienne. J’avais avancé l’idée que nous avions peut-être méconnu une évolution dramatique du rapport de force en défaveur de l’occident. J’en suis de plus en plus convaincu.

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Des lâches ? Oui, sans doute, ami et camarade. Mais mettez-vous à leur place, les malheureux : en cas de censure du gouvernement, le risque était grand d’une dissolution de l’Assemblée nationale.]

      Le risque était quand même très limité. D’une part, parce que dans le climat actuel du pays, le risque était grand de se retrouver avec une Assemblée nationale encore plus ingouvernable. Et d’autre part, parce que dans une dissolution provoquée par une motion de censure votée par LR, les députés de cette formation avaient une chance non négligeable d’être reconduits.

      [Et combien de nos députés de la majorité ou des Républicains sont assurés d’une réélection ? Un an seulement après le début de la législature, ce serait ballot…]

      Dans le contexte actuel, après une censure votée par LR, je pense que pas mal de députés LR auraient accru considérablement leurs chances de réélection. Mais je ne crois pas un instant que Macron aurait dissout l’Assemblée.

      [On savait déjà que la démocratie en France avait du plomb dans l’aile tant la rupture entre les Français et les élites politico-médiatiques est consommée depuis le traité de Lisbonne. Mais ce que ces pitres sont en train de mettre en péril, c’est aujourd’hui la République elle-même.]

      Tout à fait d’accord. La République repose en grande partie sur une logique de hiérarchisation des fonctions et des problèmes. Quand les ministres s’exhibent dans Playboy ou chez Rouquier, quand les députés vont échanger des insultes chez Hanouna, c’est qu’il y a un problème. Parce qu’il n’y a pas d’autorité sans respect, et on ne peut pas respecter celui qui ne se respecte pas lui-même. La République repose aussi, comme son nom l’indique, sur une séparation entre la chose publique et la chose privée, séparation qui apparaît chaque fois plus tenue, avec un personnel politique et administratif qui fait des aller-retour entre public et privé. Enfin, la République repose sur un pacte entre les couches dominantes et les couches dominées qui fait de l’Etat le fléau de la balance du rapport de forces. Avec un gouvernement qui s’imagine que parce qu’il a les leviers formels du pouvoir il peut se comporter en souverain, ce pacte n’a plus de sens.

      [Il n’y a plus en France d’homme d’État ; il n’y a plus que des hommes de carrière.]

      Et surtout, des communicants. La communication absorbe tout. On ne fait plus, on communique. La politique se réduit maintenant à des annonces.

      [Les spasmes qui secouent aujourd’hui notre pays sont d’une nature bien plus grave que mai 68. Il y a un demi-siècle, le girondisme libéral-libertaire, individualiste, européiste se préparait à prendre le pouvoir ; Aujourd’hui, comme vous le dites, on a une opposition sans projet. C’est le néant politique qu’éclairent les incendies allumés par les black blocks et les terroristes verts.]

      Disons que la situation actuelle est la conséquence logique de ce processus ouvert symboliquement par mai 68. Nous avons aujourd’hui le pays dont le girondinisme libéral-libertaire, individualiste et européiste, qui s’est exprimé dans la rue en mai 68 et pris le pouvoir d’Etat en mai 1981, rêvait. Car il y a continuité de l’un à l’autre : ce sont les gens qui s’insurgeaient qu’on ne puisse pas dire « merde » à la télé en 1968 qui ont préparé le monde où un député et un animateur peuvent échanger des insultes sur un plateau en 2023. Le monde que nous avons, c’est le monde selon Cohn-Bendit.
      [Pendant ce temps, un nouvel ordre mondial se construit qui nous tourne le dos.]

      Parce que nos élites ont abandonné toute vision universaliste pour faire leur la vision allemande d’une Europe qui sortirait de l’histoire et s’enrichirait à l’ombre du parapluie américain, une sorte de Suisse à l’échelle du continent. A chaque crise internationale, au lieu de nous demander où est notre intérêt, nous suivons bêtement nos « alliés » – c’est-à-dire, les Américains. Nous faisons tout pour affaiblir la Russie ou la Chine, alors que ce sont là les seuls pôles en mesure d’équilibrer – un peu – la puissance dominante.

      [J’avais avancé l’idée que nous avions peut-être méconnu une évolution dramatique du rapport de force en défaveur de l’occident. J’en suis de plus en plus convaincu.]

      C’est quoi pour vous « l’occident » ?

      • Gugus69 dit :

        C’est quoi pour vous « l’occident » ?
         
        Tiens, c’est une bonne question, ça !
        Spontanément, je dirais que c’est l’Amérique du Nord, l’Union européenne et l’Australie. En gros, les pays qui croient être sous le parapluie américain, mais qui en réalité portent le pavois sur lequel les USA sont juchés.
        Ça recoupe l’OTAN, mais pas complètement. La Turquie, bien que membre de l’OTAN, joue souvent sa partition en dehors des blocs d’intérêts géostratégiques.
        Je vois les anciennes colonies des pays européens, en Afrique, en Asie, en Amérique Latine, davantage comme des clients (au sens romain) de l’occident que comme des composants de celui-ci. Leur tendance actuelle à prendre leurs distances pour se rapprocher du bloc qui se constitue autour de la Fédération de Russie et de la Chine avec l’émergence des BRICS, souligne qu’ils ne se considèrent pas eux-mêmes comme des pays “occidentaux”, mais comme des pays “du sud”.
        Les pays “occidentaux” se reconnaissent finalement à leur asservissement complet aux intérêts américains, fut-ce au mépris de leurs intérêts propres. On l’a vu de façon lumineuse en France, avec l’affaire des sous-marins australiens ou le bradage aux Américains de plusieurs de nos fleurons industriels stratégiques. Mais on l’a constaté aussi à propos de l’Allemagne, dont le gouvernement a avalé sans réagir la destruction des gazoducs Nordstream, qui a porté un rude coup à l’industrie du pays.
        Et globalement, avec l’alignement de l’Union européenne sur Washington jusqu’à mettre le territoire européen en péril de guerre atomique.
        Finalement, est-ce que l’occident géostratégique ne serait pas l’ensemble des pays -une trentaine- qui apporte à l’hégémonie américaine un soutien inconditionnel ?
        Mais cela mériterait d’être pensé plus avant et avec davantage de connaissances. Par exemple, je ne connais pas le Japon ou la Corée du Sud. Je ne connais pas leurs politiques et leurs influences régionales. Doit-on les accrocher au camp “occidental” sans autre forme de procès ? Je n’en sais rien.

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [Ça recoupe l’OTAN, mais pas complètement. La Turquie, bien que membre de l’OTAN, joue souvent sa partition en dehors des blocs d’intérêts géostratégiques.]

          C’était un peu mon point. Parler de « l’occident » en soulignant que le rapport de force lui serait défavorable, c’est épouser la théorie chère aux partisans de la « guerre des civilisations » selon laquelle la politique internationale serait faite des rapports entre blocs homogènes. Ce n’est pas parce que le rapport de forces est favorable aux Etats-Unis que le rapport de forces est favorable à la France… ce serait plutôt le contraire !

      • cdg dit :

        @Decartes
        “Nous faisons tout pour affaiblir la Russie ou la Chine, alors que ce sont là les seuls pôles en mesure d’équilibrer – un peu – la puissance dominante.”
        Je vais pas me prononcer sur la russie, mais j ai l occasion d aller en chine et de voir comment les gens vivent. Franchement je vois pas comment on peut justifier un soutien a Xi.
        – Il mene une politique quasi genocidaire avec les Ouigours
        – Il a mit en place une techno dictature (dont certains revent ici). Camera a reconnaissance faciale partout, surveillance et censure de l internet, credit social … ca fait rever 🙁
        – sur le plan diplomatique/militaire, contrairement a ses predecesseurs il mene une politique aggressive (spratley par ex), qui a pousse des pays limitrophes comme le vietnam dans les bras des USA . actuellement la chine lance chaque annee plus de bateaux millitaires que toute la flotte francaise reunie
        – sur le plan economique il a reussi a detruire ce que Deng Xiaoping avait fait: la reprise en main va durablement ralentir la croissance du pays. Et sa gestion du covid n a pas aidé
        – sur le plan politique, la aussi il a liquidé l heritage de Deng. Il marche sur les traces de Mao en instaurant un pouvoir personnel qu il gardera jusqu a sa mort. Reste a savoir s il fera un grand bon en avant comme son predecesseur
         
        Bref si un jour on devient vassaux de la chine, on va le sentir passer

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Nous faisons tout pour affaiblir la Russie ou la Chine, alors que ce sont là les seuls pôles en mesure d’équilibrer – un peu – la puissance dominante. » Je vais pas me prononcer sur la Russie, mais j’ai l’occasion d’aller en Chine et de voir comment les gens vivent. Franchement je ne vois pas comment on peut justifier un soutien a Xi.]

          Je suis allé aux Etats-Unis, j’ai vu comment les gens vivent, et franchement, je ne vois pas comment on peut justifier un soutien à Bidden. Et pourtant…

          Il ne s’agit pas là de « soutenir » tel ou tel gouvernant, tel ou tel régime. Il s’agit de veiller à la défense de nos intérêts. Après tout, quand il s’est agi de défendre nos intérêts en « combattant le communisme », notre grande démocratie a soutenu les Franco, les Videla, les Marcos, les Somoza ou les Pinochet. On s’est peut-être pincé le nez, mais on les a soutenus. Alors pourquoi pas Xi ? En quoi est-il pire que Videla ou Marcos ?

          [– Il mene une politique quasi génocidaire avec les Ouigours]

          Guère plus qu’Israel vis-à-vis des Palestiniens, et cela ne nous a jamais empêché de soutenir ce pays et de choyer ses dirigeants.

          [– Il a mit en place une techno dictature (dont certains rêvent ici). Camera à reconnaissance faciale partout, surveillance et censure de l’internet, crédit social … ça fait rêver]

          Vous avez la même chose aux Etats-Unis. Cela prend d’autres formes, mais la différence est minime.

          [– sur le plan diplomatique/militaire, contrairement à ses prédécesseurs il mène une politique agressive (Spratly par ex), qui a poussé des pays limitrophes comme le Vietnam dans les bras des USA. Actuellement la chine lance chaque année plus de bateaux militaires que toute la flotte française réunie]

          Quand leur flotte sera comparable à celle des Américains, on pourra en discuter. Quant à la politique « agressive »… il est vrai que nos alliés sont connus pour leur amour de la paix et le respect stricte des frontières internationalement acceptées. Franchement, reprocher à la Chine ce que les Américains font depuis l’époque de la doctrine Monroe…

          [– sur le plan économique il a réussi à détruire ce que Deng Xiaoping avait fait: la reprise en main va durablement ralentir la croissance du pays. Et sa gestion du covid n a pas aidé]

          Ça, c’est son problème et celui des Chinois, pas le nôtre. Je ne vois pas pourquoi nos choix de politique extérieure devraient être liées à la qualité de gestionnaire des dirigeants de tel ou tel pays.

          [– sur le plan politique, là aussi il a liquidé l’héritage de Deng. Il marche sur les traces de Mao en instaurant un pouvoir personnel qu’il gardera jusqu’à sa mort. Reste à savoir s’il fera un grand bond en avant comme son prédécesseur]

          Là encore, c’est le problème des Chinois, pas le nôtre. Nous n’avons pas mandat pour décider comment les autres devraient être gouvernés. La politique extérieure de la France doit veiller à défendre les intérêts de notre pays.

          [Bref si un jour on devient vassaux de la chine, on va le sentir passer]

          Les Chinois ne semblent pas particulièrement intéressés pour imposer leur régime à d’autres nations. Les Américains non plus, d’ailleurs, quelque soient leurs discours à ce sujet : Il n’y a qu’à voir le régime qu’ils ont imposé à l’Irak… Mais la question n’est pas de devenir “vassal” de la Chine, mais d’utiliser l’équilibre des puissances pour recouvrer notre liberté.

          • cdg dit :

            “Je suis allé aux Etats-Unis, j’ai vu comment les gens vivent, et franchement, je ne vois pas comment on peut justifier un soutien à Bidden”
            Je suis aussi alle aux USA, et franchement je crois que c est nettement mieux qu en chine. D ailleurs il y a bien plus de chinois qui immigrent aux USA que l inverse (et pourtant un americain en chine a des conditions de vie et un statut nettement superieur au chinois moyen)
            En ce qui concerne la société de surveillance, vous avez aucune idee du degré ou les chinois en sont. Aux USA il y a un systeme privé qui vous surveille (facebook et autre) mais vous ne risquez rien legalement a mentir a facebook. Pour le systeme etatique US, il y a quand meme des lois qui limitent la surveillance et leurviolation fait un scandale (cf snowden). En chine tout est controlé par l etat et celui ci peut vous interdire de prendre le train, savoir grace aux cameras ou vous allez et qui vous rencontrez ou faire pression sur vos relations pour qu ils vous ostracisent (merci le credit social)
            Xi est bien pire que Franco ou Videla. Franco n a jamais genocidé un peuple, ce que Xi essaie de faire (meme si tout le monde fait comme si de rien etait). Et non ca n a rien a voir avec les palestiniens. Les israeliens n envoient pas des gens dans chaque famille palestinienne pour les espionner, ni ne creent des “centres de formation” ou recourent a des stérilisation ou avortements forcés. On pourrait d ailleurs le leur reprocher car avec ces methodes energiques, le probleme palestinien aurait peut etre ete reglé
            Vous vous faites des illusions si vous pensez que la politique economique de Xi n impacte que la chine. l economie chinoise est maintenant interconnecté avec la notre et nous ne produisons plsu grand chose. Si par ex la bulle immobilière chinoise explose, la deflagration sera mondiale. Idem si la chine arrete de produire pour nous (on en a eut une petite idee lors du covid)
            En ce qui concerne l exportation de leur regime politique, la chine n en fait pas la promotion en europe mais c est autre chose en asie ou meme dans tous les pays sous developpé comme en Afrique.
            Penser utiliser la chine comme contrepoids aux USA est non seulement moralement condamnable c est aussi dangereux. un peu comme utiliser Adolf pour se proteger de Staline avec un resultat brillant en 40 en France
             
             

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Je suis allé aux Etats-Unis, j’ai vu comment les gens vivent, et franchement, je ne vois pas comment on peut justifier un soutien à Bidden » Je suis aussi allé aux USA, et franchement je crois que c’est nettement mieux qu’en Chine.]

              Peut-être, mais la question n’est pas là. Vous m’expliquez que « en voyant comment les gens vivent » vous ne voyez pas comment « on peut justifier le soutien à Xi ». Il ne s’agit pas donc de comparer la Chine avec un autre pays, mais d’une considération purement fondée sur l’application de vos standards de ce qui est acceptable ou inacceptable à un pays donné, et le lien qu’on peut faire avec son dirigeant suprême. Quand je vois comment vivent les noirs dans le Tennessee, je vous assure que cela ne donne pas envie de soutenir le pouvoir qui permet cela. Et cela indépendamment de toute comparaison avec la Chine.

              [D’ailleurs il y a bien plus de chinois qui immigrent aux USA que l’inverse (et pourtant un américain en Chine a des conditions de vie et un statut nettement supérieur au chinois moyen)]

              Il y a plus de Français qui immigrent aux USA que l’inverse. Doit-on déduire qu’il faut retirer notre soutien au gouvernement français ? Je trouve votre raisonnement très curieux : si je comprends bien, nous ne devons soutenir des dirigeants que dans la mesure où le niveau de vie dans leur pays est supérieur à celui des Etats-Unis ? Ca va pas faire beaucoup de monde…

              [En ce qui concerne la société de surveillance, vous avez aucune idée du degré ou les chinois en sont. Aux USA il y a un système privé qui vous surveille (facebook et autre) mais vous ne risquez rien légalement à mentir a facebook.]

              Mais justement, la beauté du système américain est que vous ne POUVEZ PAS mentir à Facebook. Parce que le système de surveillance agrège des données sur lesquelles vous n’avez pas de contrôle. Prenons un exemple : lorsque vous créez votre compte sur un très grand nombre de sites, le site vous demande un numéro de téléphone ou une adresse mel « à des fins de vérification ». Et vous ne pouvez pas donner une fausse adresse ou un faux téléphone, parce que l’adresse ou le téléphone sont utilisés pour vous envoyer un code de vérification que vous devez retourner, et sans lequel le compte n’est pas créé. Et comme ces comptes sont indispensables pour votre vie courante (déclarer un sinistre à votre assureur, payer vos impôts ou vos amendes, vous faire faire un passe navigo…), la boucle est bouclée.

              J’ajoute qu’aux USA, en plus du service de surveillance « privé », vous êtes soumis à une surveillance d’Etat qui, depuis le Patriot Act, n’a rien à envier au dispositif chinois en termes d’intrusion dans la vie privée.

              [Pour le système étatique US, il y a quand même des lois qui limitent la surveillance et leur violation fait un scandale (cf snowden).]

              Seulement quand elles sont connues. Les cas sont nombreux où l’on découvre des années plus tard – souvent lorsque des documents sont déclassifiés sous la règle des trente ans – que telle ou telle personnalité fut surveillée illégalement… J’ajoute que les lois en question sont beaucoup moins protectrices que vous ne le pensez, et tout particulièrement depuis la promulgation du Patriot Act.

              [En chine tout est contrôlé par l’état et celui-ci peut vous interdire de prendre le train, savoir grâce aux cameras ou vous allez et qui vous rencontrez ou faire pression sur vos relations pour qu’ils vous ostracisent (merci le crédit social)]

              Vous avez entendu parler du Maccarthysme ?

              [Xi est bien pire que Franco ou Videla. Franco n’a jamais génocide un peuple, ce que Xi essaie de faire (même si tout le monde fait comme si de rien était).]

              Franco est mort dans son lit, avec la protection bienveillante de l’ensemble des démocraties occidentales, et du coup n’a jamais été jugé. La question du « génocide » reste donc ouverte. Mais pour Videla, la question a été tranchée par le procès fait aux juntes militaires en 1985, et qui a abouti à cette qualification.

              [Et non ça n’a rien à voir avec les palestiniens. Les israéliens n’envoient pas des gens dans chaque famille palestinienne pour les espionner, ni ne créent des “centres de formation” ou recourent à des stérilisation ou avortements forcés. On pourrait d’ailleurs le leur reprocher car avec ces méthodes énergiques, le problème palestinien aurait peut-être été réglé.]

              Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Si on ne parle pas aux « génocidaires », alors ce principe vaut quelque soient les méthodes employées par ces personnages pour commettre leurs forfaits. Arrêtons l’hypocrisie : si l’on peut parler – et pas seulement parler, mais le considérer comme un ami et un allié – avec un gouvernement qui pratique le nettoyage ethnique, l’assassinat ciblé, qui cherche par tous les moyens à effacer l’identité collective d’un peuple en Palestine, je ne vois pas pourquoi on devrait avoir des pudeurs de jeune fille avec la Chine.

              [Vous vous faites des illusions si vous pensez que la politique économique de Xi n’impacte que la chine.]

              Je n’ai pas dit ça. Mais je ne pense pas que c’est en faisant la gueule à Xi et en soutenant les Américains dans leur nouvelle croisade contre la Chine qu’on changera la politique économique de ce pays – et encore moins qu’on la changera dans un sens favorable à nos intérêts.

              [En ce qui concerne l’exportation de leur régime politique, la chine n’en fait pas la promotion en Europe mais c’est autre chose en Asie ou même dans tous les pays sous développé comme en Afrique.]

              Pourriez-vous donner un exemple concret de pays ou la Chine ait imposé le régime politique ?

              [Penser utiliser la chine comme contrepoids aux USA est non seulement moralement condamnable c’est aussi dangereux. Un peu comme utiliser Adolf pour se protéger de Staline avec un résultat brillant en 40 en France]

              « Moralement condamnable » ? Diantre ! Y aurait-il une « morale » à respecter en matière de politique internationale ? Désolé, mais la politique internationale est faite de choix « moralement condamnables ». Soutenir – par action ou par omission – Somoza, Videla, Franco, Marcos ou Pinochet, était-ce « moralement acceptable » ? Fermer les yeux sur la politique israélienne ? Fermer les yeux sur l’agression à l’Irak ou sur Guantanamo ? Avoir participé au bombardement de la Serbie ?

              Pour en venir à votre analogie, les deux situations n’ont aucun rapport. C’est plutôt l’inverse : en 1940 on a laissé faire la menace la plus immédiate (Hitler) pour contrer une menace lointaine (Staline). Dans le cas présent, il s’agit au contraire de soutenir plutôt la menace lointaine (la Chine) plutôt que la menace proche (les USA). C’était le raisonnement de mongénéral lorsqu’il voulut en pleine guerre froide reconnaître le régime de Mao (qui n’était guère plus « immoral » que celui de Xi) ou d’établir de bonnes relations avec l’URSS.

            • cdg dit :

              [Mais justement, la beauté du système américain est que vous ne POUVEZ PAS mentir à Facebook. Parce que le système de surveillance agrège des données sur lesquelles vous n’avez pas de contrôle. Prenons un exemple : lorsque vous créez votre compte sur un très grand nombre de sites, le site vous demande un numéro de téléphone ou une adresse mel « à des fins de vérification ». Et vous ne pouvez pas donner une fausse adresse ou un faux téléphone, parce que l’adresse ou le téléphone sont utilisés pour vous envoyer un code de vérification que vous devez retourner, et sans lequel le compte n’est pas créé. Et comme ces comptes sont indispensables pour votre vie courante (déclarer un sinistre à votre assureur, payer vos impôts ou vos amendes, vous faire faire un passe navigo…), la boucle est bouclée.]
              C ets un tres mauvais exemple. Personnellement je n utilise aucun produit de facebook (c est a dire ni facebook ni instagram) et ca ne me pose aucun probleme
              Et il est tres facile d avoir un email gratuit qui vous permet de separer facebook du reste (je sais que la plupart ne le font pas et pire qu ils mettent l app de facebook sur leur smartphone ce qui permet a FB de pomper leur carnet d adresse et de suivre leur deplacement mais la encore, c est tout a fait possible de faire autrement
              Et en ce qui concerne les mails, si vous ne voulez pas dependre d un fournisseur de mail, rien ne vous empeche de creer votre propre serveur mail (ca coute pas grand chose)
              A l inverse, vous ne pouvez pas vous soustraire de l espionnage de l etat chinois. Outre la prise de vos empreinte digitales, vous avez des cameras partout. Et l etat chinois a du personnel et des moyens coercitifs que FB n a pas (sans aller jusqu a vous mettre en detention, l etat chinois utilise par ex un firewall. Les journaux etrangers sont interdit (meme si quasiment aucun chinois est capable de lire lemonde.fr), la seule messagerie autorisee est wechat (qui a une backdoor et qui a obligation de censurer les messages qui ne sont pas dans la ligne du parti)
              [Pourriez-vous donner un exemple concret de pays ou la Chine ait imposé le régime politique ?]
              Hong Kong. Xi s est assis sur la promesse de Deng “un pays 2 systemes”. Les chinois sont puissants depuis pas assez longtemps pour avoir des pays satellites mais ca arrivera un jour
              [En 1940 on a laissé faire la menace la plus immédiate (Hitler) pour contrer une menace lointaine (Staline). Dans le cas présent, il s’agit au contraire de soutenir plutôt la menace lointaine (la Chine) plutôt que la menace proche (les USA)]
              Je parlais du soutien au NSDAP a la fin des annees20 puis au debut des annees 30. Certains on cru qu il etait malin de lutter contre le communisme en soutenant Adolf. A cette epoque Adolf etait une menace toute theorique car pas au pouvoir et une partie voyait Mein Kampf comme des rodomontades, alors que l URSS apparassait comme un danger car l URSS avait tenté d envahir la pologne en 1919-1921 et une partie des dirigeants (trotski notamment) pensait a exporter la revolution bolchevique. Soutenir Xi aujourd hui c est comme soutenir Adolf en 1930. Une erreur majeur dont on mordra les doigts dans 15 ans

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Mais justement, la beauté du système américain est que vous ne POUVEZ PAS mentir à Facebook. Parce que le système de surveillance agrège des données sur lesquelles vous n’avez pas de contrôle. Prenons un exemple : lorsque vous créez votre compte sur un très grand nombre de sites, le site vous demande un numéro de téléphone ou une adresse mel « à des fins de vérification ». Et vous ne pouvez pas donner une fausse adresse ou un faux téléphone, parce que l’adresse ou le téléphone sont utilisés pour vous envoyer un code de vérification que vous devez retourner, et sans lequel le compte n’est pas créé. Et comme ces comptes sont indispensables pour votre vie courante (déclarer un sinistre à votre assureur, payer vos impôts ou vos amendes, vous faire faire un passe navigo…), la boucle est bouclée. » C’est un très mauvais exemple. Personnellement je n’utilise aucun produit de facebook (c’est a dire ni facebook ni instagram) et ça ne me pose aucun problème.]

              Et alors ? La question ici n’était pas si vous pouviez ne pas utiliser Facebook, mais si vous pouviez lui mentir. Ce n’est pas du tout la même chose. Vous pouvez ne pas utiliser Facebook, mais vous ne pouvez pas l’empêcher d’accéder à vos données. Parce que vous ne pouvez pas aujourd’hui vivre normalement sans laisser des traces dans la toile, et que Facebook a suffisamment de pouvoir économique pour acheter ces données.

              [Et en ce qui concerne les mails, si vous ne voulez pas dépendre d’un fournisseur de mail, rien ne vous empêche de créer votre propre serveur mail (ça coute pas grand-chose)]

              Ca coute pas mal en électricité tout de même.

              [A l’inverse, vous ne pouvez pas vous soustraire de l’espionnage de l’état chinois. Outre la prise de vos empreintes digitales, vous avez des cameras partout.]

              Je ne vois pas le rapport avec l’empreinte digitale. D’abord, beaucoup de pays occidentaux prennent les empreintes digitales (c’est le cas de la France depuis la création de la carte d’identité infalsifiable). Prendre l’empreinte digitale permet d’identifier de façon quasi-certaine une personne, mais ne donne aucune information sur ce qu’elle fait. Difficile de parler « d’espionnage ». Quant aux caméras, je ne suis pas persuadé qu’il y en ait plus à Pékin qu’à Londres ou New York, par exemple. Et je doute qu’on en trouve en dehors des grandes villes.

              [Et l’Etat chinois a du personnel et des moyens coercitifs que FB n’a pas (sans aller jusqu’a vous mettre en détention, l’état chinois utilise par ex un firewall. Les journaux étrangers sont interdits (même si quasiment aucun chinois est capable de lire lemonde.fr), la seule messagerie autorisée est wechat (qui a une backdoor et qui a obligation de censurer les messages qui ne sont pas dans la ligne du parti)]

              Mais là encore, c’est toute la beauté de notre système. Nos états n’ont pas besoin de censurer les journaux étrangers, il suffit de tuer chez les citoyens la curiosité d’aller les lire. Orwell l’avait très bien compris : la meilleure façon d’empêcher les gens de commettre des « crimes de la pensée », c’est de leur ôter les moyens de penser. Une fois qu’on a appauvri le langage et les références culturelles des gens, on peut leur laisser la liberté de lire ce qu’ils veulent, cela ne présente plus aucun danger pour le système. Et quand malgré tout cela présente un danger, on interdit : l’exemple de RT est de ce point de vue assez parlant.

              [« Pourriez-vous donner un exemple concret de pays ou la Chine ait imposé le régime politique ? »
              Hong Kong.]

              Vous êtes sérieux ? Hong Kong n’est pas un « pays », c’est une partie du territoire chinois détaché par les traités coloniaux, et réintégré à la Chine à l’issue du délai prévu par ces traités. C’est un peu comme si l’on reprochait à la France d’avoir imposé son régime à l’Alsace en 1918.

              [« En 1940 on a laissé faire la menace la plus immédiate (Hitler) pour contrer une menace lointaine (Staline). Dans le cas présent, il s’agit au contraire de soutenir plutôt la menace lointaine (la Chine) plutôt que la menace proche (les USA) » Je parlais du soutien au NSDAP à la fin des années 20 puis au début des années 30. Certains ont cru qu’il était malin de lutter contre le communisme en soutenant Adolf.]

              Vous parlez comme s’ils avaient eu tort… mais pour beaucoup, ce fut un investissement payant. D’un côté, la guerre a blessé mortellement l’URSS, même si les conséquences n’ont été visibles que bien plus tard. De l’autre côté de l’Atlantique, la guerre a permis aux Etats-Unis d’effacer les dernières conséquences de la crise de 1929 et de devenir la puissance dominante à un coût minime. Ceux qui aux Etats-Unis ont parié sur Hitler ont fait une excellente affaire…

              [A cette époque Adolf était une menace toute théoriques car pas au pouvoir et une partie voyait Mein Kampf comme des rodomontades, alors que l’URSS apparaissait comme un danger car l’URSS avait tenté d’envahir la Pologne en 1919-1921 et une partie des dirigeants (Trotski notamment) pensait a exporter la révolution bolchevique.]

              Vous réécrivez l’histoire à votre convenance. Jusqu’en 1918, la Pologne n’existe pas comme état indépendant depuis le partage de la Pologne entre la Russie et l’Allemagne. En 1919, le traité de Versailles crée un état, sans que des frontières internationalement reconnues soient établies. D’où la dispute entre la Pologne et l’URSS, qui verra alternativement les soviétiques avancer en territoire polonais, et vice-versa. Par ailleurs, je ne vois pas très bien en quoi le fait que l’URSS ait « tenté d’envahir la Pologne » constituait un danger pour la France. Qui plus est, à la fin des années 1920 la victoire politique de Staline sur Trotsky avec le principe du « socialisme dans un seul pays » a réduit significativement la menace d’une « révolution mondiale » conduite par l’URSS. A la fin des années 1930, l’URSS était pour la France – ou plutôt pour ses classes dirigeantes – une menace politique, mais difficilement militaire.

              Hitler – ou pour être précis la droite autoritaire et revancharde allemande – était une véritable menace pour la France. On pouvait penser que Mein Kampf, c’était des « rodomontades », mais il était clair qu’il y avait en Allemagne un mouvement puissant qui n’avait d’autre objectif que de prendre sa revanche sur la défaite de 1918.

              [Soutenir Xi aujourd hui c est comme soutenir Adolf en 1930. Une erreur majeur dont on mordra les doigts dans 15 ans]

              Vous voulez dire, comme soutenir les « combattants de la liberté » en Afghanistan contre les soviétiques ? Allons, allons… évitons le point Goodwin. Je ne vois pas les troupes de XI torturant des gens sur le sol européen – comme l’ont fait les Américains. Je ne vois pas les chinois montant des programmes du genre « young leaders » pour infiltrer nos administrations, ou offrant des ponts d’or aux anciens commissaires européens en remerciement des services rendus. Je ne connais pas de cas ou la justice chinoise ait emprisonné un cadre d’une grande entreprise française pour faire pression sur celle-ci. Je pense que vous vous trompez d’ennemi. Pendant qu’on bannit les équipements réseau de Huawei, ceux de Cisco permettent aux services américains d’espionner nos dirigeants…

  3. Cherrytree dit :

    @Descartes
    De toute façon, il n’y a plus guère de solutions. Si le Conseil Constitutionnel avait quelque pitié, il invalide rait cette réforme des retraites mal ficelée pour contraindre l’exécutif à une pause, l’inciter à un remaniement, et entamer un cycle de réflexion et de négociation avec les partenaires sociaux, des économistes sérieux, et des représentants de la société civile. 
    Au lieu de quoi, excusez du peu, on a une première ministre qui reçoit les syndicats tout en déclarant qu’il n’y a rien à négocier et un président aux abonnés absents.
    Enfin pas si absent que ça. Dans l’espace de 10 jours, nous avons un ministre du Travail qui fait son coming out dans Têtu, un président qui répond aux questions des jeunes lecteurs de Pif gadget, et une secrétaire d’État aux solidarités interviewée et posant dans Playboy, court vêtue, avec une cocarde tricolore sur une sorte de gros coeur en tissu. Moi c’est la cocarde tricolore qui m’a choquée, j’ai été porte-drapeau pour une association mémorielle et je trouve cela inadmissible de la part d’un membre du gouvernement ( par ailleurs impliquée dans un scandale d’argent public utilisé très bizarrement).
    Je ne suis pas loin d’y voir de la provocation, juste pour susciter des mouvements un peu violents et s’appuyer sur la partie de la population supposée raisonnable pour légitimer un pouvoir réduit a rien. Ce n’est plus ” C’est moi sinon ce sera le Pen”, c’est “C’est moi ou c’est le chaos, plus d’essence, des émeutes”. Jusqu’à présent tout se passe à peu près correctement, quelques black blocks mis à part sur lesquels on en fait des tonnes.
    Ces gens( je parle de l’exécutif, pas des blacks blocks) sont dangereux.Et vous avez raison de signaler la lâcheté de LR.

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [De toute façon, il n’y a plus guère de solutions. Si le Conseil Constitutionnel avait quelque pitié, il invaliderait cette réforme des retraites mal ficelée pour contraindre l’exécutif à une pause, l’inciter à un remaniement, et entamer un cycle de réflexion et de négociation avec les partenaires sociaux, des économistes sérieux, et des représentants de la société civile.]

      C’est la seule sortie « par le haut » que je vois à l’horizon. Et je pense que les politiques qui siègent au Conseil y verront aussi une occasion de renforcer leur institution, en montrant qu’elle est capable dans une situation de crise de prendre une décision courageuse pour protéger l’intégrité de notre démocratie. Mais auront-ils le courage que les députés LR n’ont pas eu ?

      [Au lieu de quoi, excusez du peu, on a une première ministre qui reçoit les syndicats tout en déclarant qu’il n’y a rien à négocier et un président aux abonnés absents.]

      J’ai beaucoup d’estime pour Elisabeth Borne, avec qui j’ai eu l’opportunité de travailler dans une vie antérieure. Mais je dois admettre qu’elle n’est pas la femme de la situation. Elle est excellente en tant qu’ingénieur ou en haut fonctionnaire, mais elle est une piètre politique. Avec le président, elle fonctionne dans une logique de haut-fonctionnaire discipliné qui la rend incapable de jouer le rapport de forces avec lui – sans quoi plusieurs ministres qu’elle a qualifié de « débiles » auraient déjà pris la porte. Et puis elle cède à l’illusion que parce que quelque chose est techniquement faisable elle est politiquement faisable, ce qui est une grave erreur.

      Un premier ministre plus « politique » aurait accepté de discuter de tout. Après tout, qu’est-ce qu’il risque ? Ce n’est pas parce qu’on accepte de discuter qu’on doit négocier et encore moins céder. Mais Borne est incapable de ce type de mensonge conventionnel. Pour elle, dire « j’accepte de discuter » vaut engagement. Comme disait Machiavel, « qui veut gouverner doit savoir dissimuler ». Je pense qu’elle en est incapable.

      [Enfin pas si absent que ça. Dans l’espace de 10 jours, nous avons un ministre du Travail qui fait son coming out dans Têtu, un président qui répond aux questions des jeunes lecteurs de Pif gadget, et une secrétaire d’État aux solidarités interviewée et posant dans Playboy, court vêtue, avec une cocarde tricolore sur une sorte de gros cœur en tissu.]

      Je laisse de côté l’apparition du président dans Pif. Que le président se prête à cela est un peu comme quand il accueille des enfants qui visitent l’Elysée. C’est un geste d’attention qui à mon sens valorise l’institution et n’a pas de contenu politique. Mais pour le reste, je suis d’accord avec vous. Et je vais plus loin, en y accolant la liste des élus de toutes origines qui dégradent leurs fonctions en allant chez Hanouna ou chez Rouquier, ou l’invitation de McFly et Carlito a dialoguer avec le président à l’Elysée. La politique a laissé le pas à la communication, et les hommes politiques sont plus soucieux de se fabriquer une image pour séduire telle ou telle catégorie que de gouverner. Un politique avait dit en plaisantant que « gouverner est devenu un pénible devoir entre deux élections ». Et on voit bien que nos politiques sont configurés pour gagner des élections, et ne savent ensuite que faire…

      [Moi c’est la cocarde tricolore qui m’a choquée, j’ai été porte-drapeau pour une association mémorielle et je trouve cela inadmissible de la part d’un membre du gouvernement ( par ailleurs impliquée dans un scandale d’argent public utilisé très bizarrement).]

      [Je ne suis pas loin d’y voir de la provocation, juste pour susciter des mouvements un peu violents et s’appuyer sur la partie de la population supposée raisonnable pour légitimer un pouvoir réduit a rien.]

      Ne confondons pas « léthargie » est « stratégie ». Je ne pense pas qu’il y ait là un Grand Komplot destiné à favoriser la violence pour faire peur aux populations. D’abord, parce que dans notre pays le désordre est généralement reproché au gouvernement qui se montre incapable de maintenir l’ordre.

      [Ce n’est plus ” C’est moi sinon ce sera le Pen”, c’est “C’est moi ou c’est le chaos, plus d’essence, des émeutes”. ]

      Sauf que les gens voient bien que c’est lui ET le chaos. Et que les gens font un lien entre sa façon de gouverner et le manque d’essence ou les émeutes. En ce sens, on n’est pas du tout dans le processus qui en juin 1968 a amené une Assemblée « bleu horizon ». Les gens à l’époque n’avaient pas jugé De Gaulle responsable de la « chienlit ». Aujourd’hui, la situation n’est pas du tout la même : plus des deux-tiers des Français estiment que le désordre est la faute du gouvernement.

  4. Quelques réflexions. Je me permettrais de faire de la propagande partisane, en appui de mon propos.
    L’utilité des partis est évidemment en cause… Mais dans quel sens fonctionne la causalité ? C’est parce qu’ils sont faibles, peu fournis et peu actifs que le rapport de forces se fait en leur défaveur.
    Certes, Macron ne les écoute pas et ne leur donne pas beaucoup d’importance… Mais c’est parce qu’ils ne sont pas importants, qu’ils échouent à entrainer la société. (la Première ministre les a invités récemment… Et eux n’ont pas répondu !)
    Le comportement des partis est également en cause : ils devraient saisir toutes les opportunités pour dire leurs propositions, en utilisant pourquoi pas une rencontre avec le Gouvernement comme une tribune et pour montrer qu’ils sont prêts, eux, à gouverner.
    En réalité, vous l’aurez compris, PCF, EELV, LFI semblent confortablement installés dans leurs sièges parlementaires, bien au chaud dans l’opposition. (A noter, la NUPES qui fait des efforts notables pour organiser des meetings sur les retraites. C’est un effort louable, qui tranche singulièrement avec l’absence du RN dans tout dialogue avec la société).
    Que faire ? Il faut adhérer ! Il faut s’impliquer à son niveau, dans des partis inclusifs (et non pas de simples machines électorales). La situation politique n’est pas différente de celle de la société en général : le bénévolat associatif, par exemple, est en recul sévère. La situation est celle d’un égoïsme, d’un individualisme, d’un rapport décomplexé à l’argent, d’une crise… de tout collectif humain. A croire que Twitter aurait remplacé les partis ? Dans ce délitement social, qui peut s’étonner que ceux qui dirigent soient la “startup Nation” ?
    Mais au moins ce mouvement social, même s’il échoue, porte les germes d’un mouvement populaire, d’une ambition sociale, collective… C’est déjà ça… Si les syndicats peuvent reprendre quelques couleurs, ce serait déjà ça.
    Adhérez à République Souveraine !

    • Descartes dit :

      @ Gautier WEINMANN

      [L’utilité des partis est évidemment en cause… Mais dans quel sens fonctionne la causalité ? C’est parce qu’ils sont faibles, peu fournis et peu actifs que le rapport de forces se fait en leur défaveur.
      Certes, Macron ne les écoute pas et ne leur donne pas beaucoup d’importance… Mais c’est parce qu’ils ne sont pas importants, qu’ils échouent à entrainer la société.]

      Les partis politiques étaient forts lorsqu’ils représentaient des couches sociales capables de faire peser dans le rapport de forces. La lutte politique s’organisait autour de la lutte entre les partis ouvriers et les partis bourgeois, avec un certain nombre de partis satellites qui représentaient d’autres groupes sociaux et qui cherchaient à jouer leur partition entre ces deux blocs. Pour utiliser une analogie commode, c’était un peu comme l’organisation de la politique internationale du temps de la « guerre froide » : la confrontation entre les « deux grands » permettait aux puissances intermédiaires, dont la France, de jouer un rôle sur la scène internationale.

      Aujourd’hui, le rapport de forces en faveur du « bloc dominant » est tel que les couches populaires, constatant leur impuissance, se sont placées en dehors du champ politique soit en s’abstenant, soit en s’abstenant, soit en votant pour des organisations protestataires sans véritable poids sur les politiques mises en œuvre. La politique ne s’organise plus autour d’une confrontation entre blocs, mais seulement autour des intérêts des différentes couches du bloc dominant. Dans ces conditions, l’utilité des partis est beaucoup moins évidente. Pour reprendre mon analogie, considérez le monde après la chute du mur, avec une seule superpuissance dominant tout. L’importance des puissances intermédiaires s’est trouvée réduite à presque rien…

      Lorsque la société était bipolaire, les partis politiques étaient obligés de se positionner sur les grands problèmes économiques et sociaux. Quand la société est monopolaire, le débat porte sur des questions secondaires.

      [Le comportement des partis est également en cause : ils devraient saisir toutes les opportunités pour dire leurs propositions, en utilisant pourquoi pas une rencontre avec le Gouvernement comme une tribune et pour montrer qu’ils sont prêts, eux, à gouverner.]

      Le problème est que certains ne sont pas prêts à gouverner, et ceux qui le sont ne sont pas prêts à gouverner différemment. Si demain ces partis présentaient leurs propositions, on se rendrait compte qu’elles sont soit irréalistes, soit très proches de celles de Macron. On l’a bien vu sur les retraites…

      [En réalité, vous l’aurez compris, PCF, EELV, LFI semblent confortablement installés dans leurs sièges parlementaires, bien au chaud dans l’opposition. (A noter, la NUPES qui fait des efforts notables pour organiser des meetings sur les retraites. C’est un effort louable, qui tranche singulièrement avec l’absence du RN dans tout dialogue avec la société).]

      Pardon, mais ce n’est pas dans les meetings qu’on « dialogue avec la société ». Les meetings, ce sont des moments de communion pour encourager militants et sympathisants déjà acquis à la cause. Combien de fois êtes vous allé à un meeting de LR ou du RN pour « dialoguer » ? On « dialogue avec la société » sur les marchés, dans les porte-à-porte… et aujourd’hui, le RN fait dans ces domaines aussi bien sinon mieux que la NUPES.

      Le problème n’est pas tant que les partis soient « confortablement installés, bien au chaud dans l’opposition », mais qu’ils répondent fondamentalement aux intérêts des classes intermédiaires, aujourd’hui alliées avec la bourgeoisie. A partir de là, leur marge de manœuvre pour se distinguer du macronisme sans verser dans l’irréalisme est minime.

      [Mais au moins ce mouvement social, même s’il échoue, porte les germes d’un mouvement populaire, d’une ambition sociale, collective… C’est déjà ça… Si les syndicats peuvent reprendre quelques couleurs, ce serait déjà ça.]

      « Je préfère l’optimisme de la volonté au pessimisme de la raison » disait Gramsci. Dans cette optique, vous avez sans doute raison.

  5. Paul dit :

    Lâcheté : c’est le mot juste, mais quel mot terrible ! Et le pouvoir qui se félicite de cette « victoire » obtenue grâce à la lâcheté de son opposition, ce pouvoir ne fait décidément pas preuve d’exemplarité.
    La lâcheté est également un manque d’énergie. Force est de constater que les oppositions ne mettent pas beaucoup d’énergie à chercher l’amorce d’une alternative politique au « macronisme ».
    Pourtant, l’on peut penser qu’outre les classes populaires, les « somewhere », il y a des fractions de la bourgeoisie qui ont intérêt à un retour à l’indépendance nationale. L’européisme, de même que la soumission aux USA, ne sont pas dans l’intérêt de tous. Pourquoi cela ne se retrouve-t-il pas dans la représentation ? Est-ce que c’est cette lâcheté qui permet la domination culturelle des « anywhere » ?

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Lâcheté : c’est le mot juste, mais quel mot terrible !]

      Si je voulais être cynique, je dirais que nous vivons dans une société de lâches parce que le rapport coût/avantages du courage n’a jamais été aussi mauvais. Une société qui rejette le culte du héros et lui préfère le culte de la victime ne peut encourager au courage, au contraire.

      [Et le pouvoir qui se félicite de cette « victoire » obtenue grâce à la lâcheté de son opposition, ce pouvoir ne fait décidément pas preuve d’exemplarité.]

      L’utilisation du mot « victoire » vous montre combien l’horizon temporel de nos classes dirigeantes est proche, combien la tactique a pris le pas sur la stratégie. Le gouvernement pense que parce qu’il a gagné une bataille il a gagné la guerre.

      [La lâcheté est également un manque d’énergie. Force est de constater que les oppositions ne mettent pas beaucoup d’énergie à chercher l’amorce d’une alternative politique au « macronisme ».]

      Parce que au fond les « oppositions » sont faites de gens qui « s’opposent » aux politiques mises en œuvre par Macron pour la seule et simple raison que ce ne sont pas eux qui sont aux commandes pour les mettre en œuvre. Quand LR était au pouvoir, quand le PS était au gouvernement, qu’ont-ils fait si ce n’est des « réformes paramétriques » des retraites pour équilibrer les comptes ? Quand Macron ferme Fessenheim, ne réalise-t-il pas une promesse du PS ? Quand il supprime l’impôt sur la fortune, ne satisfait-il pas une vieille revendication de LR ? Est-ce que quelqu’un croit vraiment que si Mélenchon arrivait au pouvoir il ferait une politique substantiellement différente après une courte période de grâce, comme avec Mitterrand ?

      [Pourtant, l’on peut penser qu’outre les classes populaires, les « somewhere », il y a des fractions de la bourgeoisie qui ont intérêt à un retour à l’indépendance nationale. L’européisme, de même que la soumission aux USA, ne sont pas dans l’intérêt de tous. Pourquoi cela ne se retrouve-t-il pas dans la représentation ? Est-ce que c’est cette lâcheté qui permet la domination culturelle des « anywhere » ?]

      Non. La domination culturelle traduit une domination économique. La réalité est que les couches populaires et la bourgeoisie industrielle « nationale » sont sur la défensive, et que depuis presque un demi-siècle ils perdent les batailles les unes après les autres. Engager un combat perdu d’avance, ce n’est pas du courage, c’est de l’inconscience…

  6. Cording1 dit :

    Comme vous le dites la Conseil constitutionnel ne censurera probablement pas ou si peu notamment parce qu’il est composé quasiment exclusivement d’élus ou anciens élus nommés par les pouvoirs politiques, aucun juge de nature purement juridique n’en fait partie. Cf “La Constitution maltraitée, anatomie du Conseil constitutionnel” de Laureline Fontaine aux éditions Amsterdam et préfacé par Alain Supiot.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Comme vous le dites la Conseil constitutionnel ne censurera probablement pas ou si peu notamment parce qu’il est composé quasiment exclusivement d’élus ou anciens élus nommés par les pouvoirs politiques, aucun juge de nature purement juridique n’en fait partie.]

      C’est inexact. La composition actuelle du Conseil privilégie plutôt les juristes. Il y a par exemple Corinne Luquiens, qui fit toute sa carrière comme administrateur de l’Assemblée nationale, et qui fut successivement directrice du service de la séance, directrice générale des services législatifs, puis secrétaire générale de l’Assemblée nationale, et qui s’est faite une réputation pour sa connaissance du droit constitutionnel et de la procédure parlementaire. Ou Michel Pinault, conseiller d’Etat, qui n’a jamais occupé de poste politique. En fait, les membres du conseil ayant occupé des postes politiques sont 5 : Laurent Fabius, Jacques Mézard, François Pillet, Alain Juppé, Jacqueline Gourault.

  7. Sami dit :

    Que faire ? Pas grand chose, à mon avis. Les partis, les députés, les manifestants, les ministres…, tout le monde a été jusqu’au bout jusqu’à atteindre chacun son seuil d’incompétence, avant rupture radicale (A PRIORI, au fond, personne ne désire LA rupture, chacun ayant ses raisons propres) .
    Alors quoi ?
    Alors, première hypothèse, peu probable (mais supposons…), un embrasement total, grève générale et illimitée, forcément “spontanée” puisque la chose terrifie tous les appareils (syndicats et partis) rien que d’y penser ! Et ce qui se passerait après une telle explosion, certainement une démission du Président réellement acculé dans son palais, et les partis qui essayeraient de recoller les morceaux (je ne vois pas vraiment comment, mais disons qu’il y aurait alors des alliances que la nécessité imposerait, etc.).
    Dans cette perspective, ma boule de cristal ne voit pas plus loin !…
    Seconde hypothèse, beaucoup plus probable : le pourrissement, le pays qui navigue à vue pendant 4 ans, la lassitude, un peu de désespoir, de démissions, de crise en crise… jusqu’aux prochaines élections (en espérant que d’ici là, la gestion catastrophique et globale de l’affaire Ukrainienne n’embrase pas le monde). Là, le FN prendrait le pouvoir “finger in the nose”, et il ne serait pas choquant d’imaginer, si ça continue comme ça, que cela se fasse dès le 1er tour ! (j’exagère un peu…). Le FN donc à l’Elysée, et le gros du peuple (la majorité) ayant voté pour punir les Macro-LR de leurs multiples félonies (et même beaucoup de FI refuseront peut-être le vote républicain, qu’on leur reproche à très juste titre aujourd’hui). Ce même peuple (une majorité dans ses rangs) ayant voté CONTRE le “système”, comprendra vite que Marine Lepen ne sera au final qu’une bonne vieille continuation du Système honni. On a vu en Italie, la Meloni, bien plus radicale que Marine, une fois au pouvoir, s’aplatir comme une crêpe devant Ursula et devant l’OTAN (ne parlons pas la nièce, Marion : je l’ai entendue déclarer froidement qu’à son avis, ce qu’il faudrait, c’est vite passer à la retraite par capitalisation (Macron ! Au secours !) ; on peut au moins dire à sa décharge, qu’elle annonce la couleur !). Et comme à chaque fois, le bon peuple comprendra qu’il s’est encore fait avoir (pour rester poli).Tout cela est bien désespérant.Laissons de côté le Grand soir. Le problème, vous en parlez bien, c’est l’échec de l’ensemble du corps politique, réduit à une bande de tristes saltimbanques. Avant, c’était juste le Grand soir qui était une utopie. Maintenant, même juste avoir un corpus politique digne et compétent dans un cadre républicain, devient aussi une utopie. Que faire ? Rien, parce qu’on ne peut rien faire. Quelque part, nous sommes en état de bug.
    Je sais, je suis hyper pessimiste ! 😀 

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Alors, première hypothèse, peu probable (mais supposons…), un embrasement total, grève générale et illimitée, forcément “spontanée” puisque la chose terrifie tous les appareils (syndicats et partis) rien que d’y penser ! Et ce qui se passerait après une telle explosion, certainement une démission du Président réellement acculé dans son palais, et les partis qui essayeraient de recoller les morceaux (je ne vois pas vraiment comment, mais disons qu’il y aurait alors des alliances que la nécessité imposerait, etc.).]

      Hypothèse invraisemblable. Tout le monde a beaucoup trop à perdre pour aller à un « embrasement général ». Les émeutes du désespoir ont besoin de désespoir, et on n’en est pas là. Quand à une grève générale, le grand fantasme trotskyste, il n’y a personne pour l’organiser et peu de gens pour la vouloir.

      [Seconde hypothèse, beaucoup plus probable : le pourrissement, le pays qui navigue à vue pendant 4 ans, la lassitude, un peu de désespoir, de démissions, de crise en crise… jusqu’aux prochaines élections (en espérant que d’ici là, la gestion catastrophique et globale de l’affaire Ukrainienne n’embrase pas le monde). Là, le FN prendrait le pouvoir “finger in the nose”, et il ne serait pas choquant d’imaginer, si ça continue comme ça, que cela se fasse dès le 1er tour ! (j’exagère un peu…).]

      Là aussi, j’ai du mal à y croire. Au-delà des questions sur son programme, le RN part avec un handicap important : personne – y compris ses propres partisans – ne croit vraiment à sa capacité à gouverner. Le RN aura du mal à sortir de son rôle de parti tribunicien pour apparaître comme un véritable parti de gouvernement.

      Je vais vous proposer une troisième hypothèse : une navigation à vue qui ira bien au-delà de la présidence Macron, avec des gouvernement qui joueront les syndics de faillite, cherchant à faire en sorte que les trous dans les murs – la faillite de nos services publics, l’effondrement de nos industries, le vieillissement des infrastructures, la catastrophe éducative – se voient le moins possible. Malheureusement, on ne voit pas à l’horizon une crise violente qui pourrait faire ce que fit la guerre d’Algérie pour la IVème République ou la défaite de 1940 pour la IIIème…

  8. François dit :

    Bonjour Descartes,
    Je ne vais pas revenir sur les différences d’opinion que nous échangées précédemment, mais j’ai quand même eu l’impression que vous semblez ôter au peuple souverain toute responsabilité dans la situation actuelle, qui en toute connaissance de cause a porté, puis reporté Macron au pouvoir. Sans oublier les syndicats qui semblent être blancs comme neige, nullement comptables de leur consigne de vote.
    Macron est une ordure finie, je crois que peu de gens sur votre blog diront le contraire. Reste à savoir pourquoi il a un tel pouvoir de nuisance. Il est peut-être là le fond du problème, que nos citoyens, dans leur majorité, sont tellement obsédé par le maintien du statut quo, sont près à voter pour n’importe quel candidat, du moment qu’ils croient qu’il maintiendra cet état de fait.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je ne vais pas revenir sur les différences d’opinion que nous échangées précédemment, mais j’ai quand même eu l’impression que vous semblez ôter au peuple souverain toute responsabilité dans la situation actuelle, qui en toute connaissance de cause a porté, puis reporté Macron au pouvoir.]

      « TOUTE responsabilité », non. Mais je souligne que cette « responsabilité » est limitée. Le peuple est certainement « responsable » d’avoir fait confiance à un homme qui ne l’écoute pas. On l’avait bien vu à l’œuvre depuis 2017, et son comportement ne peut surprendre personne. Mais cette responsabilité ne s’étend pas à l’ensemble de ce que Macron pourrait faire : l’élection ne vaut pas mandat, et la Constitution est très précise là-dessus.

      [Macron est une ordure finie, je crois que peu de gens sur votre blog diront le contraire. Reste à savoir pourquoi il a un tel pouvoir de nuisance. Il est peut-être là le fond du problème, que nos citoyens, dans leur majorité, sont tellement obsédé par le maintien du statut quo, sont prêts à voter pour n’importe quel candidat, du moment qu’ils croient qu’il maintiendra cet état de fait.]

      Ordure ou pas, il y a d’abord une réalité : les politiques mises en œuvre par Macron vont dans le sens des intérêts du bloc dominant. Cela lui garantit le soutien de la bourgeoisie et des classes intermédiaires, y compris d’un secteur qui fera mine de s’opposer à lui mais qui au fond est bien contente de le voir passer ses « réformes », retraites y comprises. Après, il y a toute une France populaire qui sait ce qu’elle risquerait de perdre avec un changement, et qui n’a pas confiance en ce qu’on lui promet – entre autres choses, parce qu’il a vu ceux qui promettent à l’oeuvre. C’est vrai, un petit appartement en banlieue et un boulot précaire payé au smic, ce n’est pas la joie, mais seriez-vous prêt à le parier sur la « révolution citoyenne » façon Mélenchon ?

      • François dit :

        @Descartes,
        [« TOUTE responsabilité », non. Mais je souligne que cette « responsabilité » est limitée]
        Responsabilité limitée au cadre d’action permis par la constitution. Et je n’ai pas souvenir que Macron ait outrepassé les décisions du Conseil constitutionnel. Donc, oui, ils sont pleinement responsables dans ce cadre contraint. Moralement, le Français ne peuvent pas dire qu’ils sont dupés.
         
        [Ordure ou pas, il y a d’abord une réalité : les politiques mises en œuvre par Macron vont dans le sens des intérêts du bloc dominant. Cela lui garantit le soutien de la bourgeoisie et des classes intermédiaires]
        Et que se passerait-il s’il perdait ce soutien ? Car in fine, le seul rapport de force que je connaisse, c’est de celui qui a le plus gros bâton. Et tant qu’il agit dans le cadre légal, je ne vois pas la Grande Muette lui retirer sa loyauté.
         
        [Après, il y a toute une France populaire qui sait ce qu’elle risquerait de perdre avec un changement, et qui n’a pas confiance en ce qu’on lui promet – entre autres choses, parce qu’il a vu ceux qui promettent à l’œuvre.]
        Pensez-vous sincèrement Descartes, que si demain, un candidat social-souverainiste se présentant à la magistrature suprême, sur la base d’un projet sérieux, accompagné  d’une équipe d’intellectuels, de hauts-fonctionnaires, etc, dignes de leurs noms, le tout en ayant suffisamment d’expérience et de profondeur politique pour savoir s’adapter à la situation, bref ayant toute la crédibilité nécessaire pour occuper dignement la fonction de Président de la République, qu’il ferait plus de 10% des voix ? Moi non.
         
        [C’est vrai, un petit appartement en banlieue et un boulot précaire payé au smic, ce n’est pas la joie]
        Je tiens juste à préciser que le salaire médian en France est de 1850€, sans oublier les nombreuses prestations fournies gratuitement par la collectivité, ce qui en fait (pour le moment encore), l’un des pays les plus agréables à vivre de cette planète. Donc oui, je maintiens, ce qui empêche le changement de paradigme politique, c’est l’obsession du statut quo. Quand les Français se mettront à voter avec leur ventre, les choses changeront sérieusement.
         
        [mais seriez-vous prêt à le parier sur la « révolution citoyenne » façon Mélenchon ?]
        Oh vous savez, au point où nous en sommes, Si je devais choisir entre Macron et Mélenchon, « l’accélérationnisme », ça se discute.
         
        En attendant, alors qu’elle ne promettait pas la lune, se contentant essentiellement de mesures paramétriques dans son programme, force est de constater que MLP a été rebattue avec plus de dix points d’écart.
         

        • Descartes dit :

          @ François

          [« « TOUTE responsabilité », non. Mais je souligne que cette « responsabilité » est limitée » Responsabilité limitée au cadre d’action permis par la constitution. Et je n’ai pas souvenir que Macron ait outrepassé les décisions du Conseil constitutionnel.]

          Non, justement. Vous persistez à voir dans l’élection une délégation de pouvoir presque absolue, dans laquelle l’élu est légitime à faire ce qu’il veut à condition de rester dans le cadre constitutionnel, les électeurs portant l’entière responsabilité de ses frasques.

          Je pense que rien n’est plus éloigné de la vision de nos constituants. L’élection n’a d’autre signification qu’un vote de confiance dans la capacité de l’élu à faire fonctionner les institutions. Mais elle ne vaut « mandat » ni même « autorisation » pour l’élu à faire ce qu’il veut, ni même à appliquer son programme. C’est à l’élu de maintenir un dialogue permanent avec la société, et c’est dans ce dialogue que le peuple peut ou non légitimer l’action de l’élu. Un dialogue qui passe par le débat public, par la manifestation, par la grève, par le référendum…

          A la rigueur, vous pouvez penser que si la loi passe, ce sont ceux qui n’ont pas pétitionné, qui n’ont pas fait grève, qui n’ont pas manifesté qui en porteront la responsabilité, bien plus que ceux qui ont voté ou appelé à voter pour Macron…

          [« Ordure ou pas, il y a d’abord une réalité : les politiques mises en œuvre par Macron vont dans le sens des intérêts du bloc dominant. Cela lui garantit le soutien de la bourgeoisie et des classes intermédiaires » Et que se passerait-il s’il perdait ce soutien ?]

          Il serait paralysé, ou peut-être même obligé à démissionner.

          [Car in fine, le seul rapport de force que je connaisse, c’est de celui qui a le plus gros bâton. Et tant qu’il agit dans le cadre légal, je ne vois pas la Grande Muette lui retirer sa loyauté.]

          Non, mais le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, les assemblées parlementaires si. Sans parler de millions de grévistes ou de manifestants. Nos institutions fonctionnent sur des équilibres bien plus subtils que celui du « gros bâton ».

          [« Après, il y a toute une France populaire qui sait ce qu’elle risquerait de perdre avec un changement, et qui n’a pas confiance en ce qu’on lui promet – entre autres choses, parce qu’il a vu ceux qui promettent à l’œuvre. » Pensez-vous sincèrement Descartes, que si demain, un candidat social-souverainiste se présentant à la magistrature suprême, sur la base d’un projet sérieux, accompagné d’une équipe d’intellectuels, de hauts-fonctionnaires, etc, dignes de leurs noms, le tout en ayant suffisamment d’expérience et de profondeur politique pour savoir s’adapter à la situation, bref ayant toute la crédibilité nécessaire pour occuper dignement la fonction de Président de la République, qu’il ferait plus de 10% des voix ? Moi non.]

          On le saura quand il y en aura un. Pour le moment, je n’en vois pas à l’horizon. Mais votre question n’a pas de sens, parce qu’elle présume une logique mécaniste, alors qu’on est dans une logique dialectique. Si la société était prête à voter pour un tel candidat, elle le produirait. Le problème, est qu’un tel candidat irait contre les intérêts du « bloc dominant », alors que seul le « bloc dominant » peut produire un tel candidat. C’est cette contradiction qui est la racine du problème.

          [« C’est vrai, un petit appartement en banlieue et un boulot précaire payé au smic, ce n’est pas la joie » Je tiens juste à préciser que le salaire médian en France est de 1850€, sans oublier les nombreuses prestations fournies gratuitement par la collectivité, ce qui en fait (pour le moment encore), l’un des pays les plus agréables à vivre de cette planète.]

          C’était bien mon point. Tout le monde, y compris les plus modestes, ont chez nous quelque chose à perdre. Les gens ne s’embarqueront donc dans un changement que s’ils ont des bonnes raisons de penser qu’ils y gagneront. Et certainement pas dans une aventure.

          [Donc oui, je maintiens, ce qui empêche le changement de paradigme politique, c’est l’obsession du statut quo. Quand les Français se mettront à voter avec leur ventre, les choses changeront sérieusement.]

          Au contraire : c’est parce qu’ils votent avec leur ventre – et que celui-ci est raisonnablement satisfait – qu’il est difficile de changer les choses. Vous demandez à des gens qui ont une vie raisonnablement heureuse de tout risquer dans un coup de poker. Pour suivre un tel projet, il faut être sûr de la main sur laquelle on parie…

          [« mais seriez-vous prêt à le parier sur la « révolution citoyenne » façon Mélenchon ? » Oh vous savez, au point où nous en sommes, Si je devais choisir entre Macron et Mélenchon, « l’accélérationnisme », ça se discute.]

          Entre Macron et Mélenchon, je voterais peut-être Mélenchon… parce que je ne crois pas un instant qu’il ferait sa « révolution citoyenne ». Si je le croyais… je voterais Macron !

          [En attendant, alors qu’elle ne promettait pas la lune, se contentant essentiellement de mesures paramétriques dans son programme, force est de constater que MLP a été rebattue avec plus de dix points d’écart.]

          En 2017, elle a été battue de 32 points (34/66). En 2022, de 17 points (41,5/58,5).

        • François dit :

          @Descartes,
          [Non, justement. Vous persistez à voir dans l’élection une délégation de pouvoir presque absolue, dans laquelle l’élu est légitime à faire ce qu’il veut à condition de rester dans le cadre constitutionnel, les électeurs portant l’entière responsabilité de ses frasques.
          Je pense que rien n’est plus éloigné de la vision de nos constituants. L’élection n’a d’autre signification qu’un vote de confiance dans la capacité de l’élu à faire fonctionner les institutions. (…)]
          Je ne sais pas si c’était dans la vision des constituants, mais si tel était le cas, il aurait été bon qu’ils l’eussent dument consigné dans la constitution de la Ve République.
          Dans un régime libre, tout ce qui n’est pas interdit, est autorisé, dit l’adage. Cela s’applique également aux dirigeants. Et aussi détestable que soit son comportement, Macron n’est donc nullement tenu légalement de dialoguer. La négociation, le référendum, etc, ne sont que des moyens mis à sa disposition, qu’il peut utiliser à sa discrétion.
           
          Donc oui, j’assume parfaitement que l’élection vaut délégation absolue du moment que cela reste dans le cadre de la constitution, et par ailleurs, les Français ne peuvent sincèrement affirmer avoir été dupé par l’usage de cette délégation absolue faite par Macron.
          Donc non, Macron n’a nullement enfreint le cadre démocratique défini par la constitution de la Ve République dans lequel il est tenu d’agir, si j’en crois la décision du CC, les reproches faits à s’en encontre étant principalement d’ordre politique et non juridique. Et c’est qu’il n’existe nulle part dans la constitution un article stipulant qu’à partir d’un certain seuil de mécontentement, exprimé sous une forme ou une autre, qu’il soit tenu de négocier avec les représentants de ses opposants ou de passer par un référendum. Et en attendant, le nombre de manifestants dans les rues a été  nettement inférieur à celui des suffrages exprimés en sa faveur pour que la question de sa légitimité se pose.
           
          [A la rigueur, vous pouvez penser que si la loi passe, ce sont ceux qui n’ont pas pétitionné, qui n’ont pas fait grève, qui n’ont pas manifesté qui en porteront la responsabilité, bien plus que ceux qui ont voté ou appelé à voter pour Macron…]
          À la rigueur, vous pouvez pensez que si la forêt part en fumée, ce sont ceux qui ne sont pas parti combattre l’incendie, qui en porteront la responsabilité, bien plus que celui qui y a mis le feu…
          Donc, voilà ce que sont des syndicats, CGT notamment : des pompiers pyromanes.
          Alors maintenant, sauf ceux qui ont voté MLP (ou blanc), arrêtent de chouiner, en particulier ceux qui l’ont ouverte pour donner consigne de vote. C’est que c’est particulièrement insupportable les gens qui n’assument pas les conséquences de ce qu’ils veulent. Surtout qu’ils ne font que subir par Macron les qualités qu’ils ont fallacieusement attribué à MLP.
          Non, ils ne peuvent pas s’exprimer avec morgue leur opposition à cette réforme, comme s’ils avaient le cul blanc comme neige dans cette histoire.
          Bref, meugler, (appeler à) voter Macron, puis meugler à nouveau, c’est la seule chose qu’ils sont capables de faire. Macron a parfaitement raison de cracher à la figure de ces couillons.
          Qu’ils fassent a minima preuve d’introspection, en particulier des syndicats (même si l’on voit que c’est mal parti à la suite du dernier congrès de la CGT…), que voter Macron face à Le Pen fût une faute fatale, et alors ils remonteront dans mon estime.
           
           
          [Il serait paralysé, ou peut-être même obligé à démissionner.]
          Concrètement, qu’est-ce qui l’amènerait à être paralysé, voire même démissionner ? Car encore une fois, au Chili, ce fut un coup d’état qui fut fatal à Allende, cas de figure très difficilement envisageable avec l’Armée française.
           
          [Non, mais le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, les assemblées parlementaires si. Sans parler de millions de grévistes ou de manifestants. Nos institutions fonctionnent sur des équilibres bien plus subtils que celui du « gros bâton ».]
          Il va de soit qu’un souverainiste ne pourrait mener à bien son projet sans majorité dans la chambre basse. Mais pour le reste, on en aurait quelque chose à foutre du mécontentement d’un startuppeur de la station F ou d’un commercial de LVMH ? Et je doute fort que les ingénieurs d’EDF se mettraient en grève. Tout comme je crains que les membres du CC et du CE ne constituant une ressource vitale pour ce pays, que s’ils venaient à outrepasser leurs prérogatives, qu’ils pourraient s’attendre à finir écrasés comme des mouches.
           
          [On le saura quand il y en aura un. Pour le moment, je n’en vois pas à l’horizon.]
          En attendant, on a bien vu ce que ça a donné avec Jean-Pierre Chevènement en 2002.
          [Mais votre question n’a pas de sens, parce qu’elle présume une logique mécaniste, alors qu’on est dans une logique dialectique. Si la société était prête à voter pour un tel candidat, elle le produirait.]
          Mais justement, les Français, dans leur majorité ne veulent pas du souverainisme. Reste donc les (ou ceux qui sont devenus) cinglés du genre d’Asselineau ou Philippot. Et même les raisonnables de République Souveraine sont contraints de s’allier au farfelu Jacques Cheminade.
           
          [Le problème, est qu’un tel candidat irait contre les intérêts du « bloc dominant », alors que seul le « bloc dominant » peut produire un tel candidat. C’est cette contradiction qui est la racine du problème.]
          Le « bloc dominant » constitué de syndicats appelant à voter Macron vous voulez-dire ? Plus sérieusement, encore une fois, comme dit précédemment, le « bloc dominant » n’est pas un tout homogène, mais son positionnement idéologique suit une distribution que l’on peut présumer gaussienne. Cela veut dire que même s’ils plus sont rares, on y trouve de tels candidats.
           
          [C’était bien mon point. Tout le monde, y compris les plus modestes, ont chez nous quelque chose à perdre.]
          Mais justement, les plus modestes dans ce pays (càd ceux qui votaient déjà MLP du temps ou elle était encore ouvertement eurosceptique) sont ceux qui ont le moins peur d’un « Frexit ». Et pour les autres, comme dit l’adage, qui ne tente rien n’a rien. Je suis donc obligé de constater que pour une majorité de Français, on vit suffisamment bien pour que l’aversion au risque garde le dessus.
           
          [Au contraire : c’est parce qu’ils votent avec leur ventre – et que celui-ci est raisonnablement satisfait – qu’il est difficile de changer les choses. Vous demandez à des gens qui ont une vie raisonnablement heureuse de tout risquer dans un coup de poker. Pour suivre un tel projet, il faut être sûr de la main sur laquelle on parie…]
          Pour une large majorité de Français, nous vivons donc dans le meilleur des mondes possibles, preuve en est que l’année dernière, ils ont encore infligé une cuisante défaite à MLP alors qu’elle proposait un programme somme toute modeste en termes de ruptures. Mais pas sûr qu’avec cette obsession du statut quo, que demain, ce meilleur des mondes soit encore possible…

          • Descartes dit :

            @ François

            [Je ne sais pas si c’était dans la vision des constituants, mais si tel était le cas, il aurait été bon qu’ils l’eussent dument consigné dans la constitution de la Ve République.]

            Si De Gaulle ou Debré revenait parmi nous, je pense que ce qui les surprendrait le plus c’est la passivité des Français, le fait que ce peuple réputé dans le monde entier pour son histoire révolutionnaire supporte sans monter sur les barricades un président immature qui ne perd d’occasion pour montrer à quel point il le méprise. Pour les constituants de 1958, je pense que l’idée que les gouvernants exerçaient leur mandat sous le regard vigilant du peuple qui pouvait le remettre en cause à tout moment était pratiquement une évidence.

            Par ailleurs, les constituants ont inclus dans le texte un élément qui va dans le sens de ce que je vous explique, c’est l’interdiction explicite d’un mandat impératif donné aux élus. Or, l’idée que les élus reçoivent une délégation pour appliquer leur programme aboutit logiquement au mandat impératif.

            [Dans un régime libre, tout ce qui n’est pas interdit, est autorisé, dit l’adage. Cela s’applique également aux dirigeants. Et aussi détestable que soit son comportement, Macron n’est donc nullement tenu légalement de dialoguer. La négociation, le référendum, etc, ne sont que des moyens mis à sa disposition, qu’il peut utiliser à sa discrétion.]

            JURIDIQUEMENT, oui. JURIDIQUEMENT, rien ne lui interdit non plus de mépriser le peuple français et de lui montrer son mépris à la télévision. Juridiquement, rien ne lui interdit de déclarer à la télévision « je vous ai bien eu, et je vais vous enc… sans vaseline ». Il peut même insulter le peuple à sa convenance, puisque JURIDIQUEMENT le président dispose d’une immunité plénière pendant son mandat, et ne peut donc pas être poursuivi en diffamation. Mais un élu n’est pas seulement soumis à des contraintes JURIDIQUES. Une constitution est soumise à une lecture juridique mais aussi à une lecture politique.

            Ainsi, par exemple, la constitution affirme dans son préambule que le peuple français, en faisant cette constitution, « proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 ». Or, la déclaration reconnait explicitement parmi les droits de l’homme celui de « la résistance à l’oppression ». L’article 2 de la Constitution précise que le principe de la République française est « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Donc, s’il peut être soutenu que la constitution donne aux élus la possibilité de faire des lois sans écouter personne, il peut être également soutenu que la constitution donne également au peuple la possibilité de « résister » dès lors que la loi en question n’est pas faite « par le peuple et pour le peuple ».

            [Donc oui, j’assume parfaitement que l’élection vaut délégation absolue du moment que cela reste dans le cadre de la constitution, et par ailleurs, les Français ne peuvent sincèrement affirmer avoir été dupé par l’usage de cette délégation absolue faite par Macron.]

            Je ne comprends pas l’étendue que vous accordez à cette « délégation absolue ». Est-ce que cette délégation permet à l’élu de faire TOUT CE QU’IL VEUT, à condition de rester dans le cadre de la Constitution, ou bien cette délégation ne vaut que pour faire ce à quoi il s’est explicitement engagé dans son programme ? Vos remarques suggèrent que vous retenez la deuxième option. Seulement, dans ce cas, Macron n’a aucune légitimité pour porter l’âge de la retraite à 64 ans, puisqu’il a promis dans son programme d’aller à 65 ans…

            Et puis, reste à savoir quel est « le cadre de la constitution ». Est-ce que la loi en question respecte le principe de « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » ? Cela me paraît fort discutable…

            [Donc non, Macron n’a nullement enfreint le cadre démocratique défini par la constitution de la Ve République dans lequel il est tenu d’agir,]

            Objection, votre honneur. Tout au plus, vous pouvez conclure qu’il n’a nullement enfreint je cadre NORMATIF défini par la constitution de la Vème. Mais le « cadre démocratique » ne se limite pas au cadre juridique défini par la constitution. La Constitution ne contient pas que des dispositions juridiques, elle contient aussi des prescriptions politiques.

            [Et c’est qu’il n’existe nulle part dans la constitution un article stipulant qu’à partir d’un certain seuil de mécontentement, exprimé sous une forme ou une autre, qu’il soit tenu de négocier avec les représentants de ses opposants ou de passer par un référendum.]

            Bien sur que si. Mais les dispositions politiques sont souvent plus complexes à interpréter que les dispositions normatives. Quand la constitution parle de « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », il est difficile de ne pas voir dans cette formule une injonction aux dirigeants à s’assurer en permanence que leur action est soutenue par le peuple, ce qui suppose une écoute non seulement des « opposants », mais de la société toute entière.

            [Et en attendant, le nombre de manifestants dans les rues a été nettement inférieur à celui des suffrages exprimés en sa faveur pour que la question de sa légitimité se pose.]

            Vous voulez dire que Mitterrand a eu tort en 1981 de renoncer à supprimer l’enseignement privé ? Après tout, il avait une majorité bien plus nette à l’assemblée, cela figurait dans ses promesses de campagne, et le nombre de manifestants était lui aussi très largement inférieur au nombre de suffrages exprimés en sa faveur…

            Voter raisonnement contient deux erreurs : la première est que les gens qui votent pour un candidat ne votent pas forcément pour chacun des points de son programme. La seconde, c’est que les manifestants ne sont que la face visible de l’iceberg. Que les gens ne manifestent pas n’implique pas qu’ils ne soient pas contre. Toutes les études d’opinion montrent qu’une large majorité des Français est contre cette réforme, que cette majorité est stable malgré la durée du mouvement. Vous me direz qu’un sondage n’exprime pas la souveraineté. Je suis d’accord : faisons donc un référendum, ce qui permettra de vérifier de manière incontestable quelle est la volonté du peuple dans cette matière. Pensez-vous que le « oui » aurait la moindre chance de passer ?

            [Alors maintenant, sauf ceux qui ont voté MLP (ou blanc), arrêtent de chouiner, en particulier ceux qui l’ont ouverte pour donner consigne de vote. C’est que c’est particulièrement insupportable les gens qui n’assument pas les conséquences de ce qu’ils veulent.]

            Mais avec votre logique de « mandat absolu », si les syndicats avaient fait voter pour MLP et que celle-ci avait gagné l’élection, ils ne pourraient non plus critiquer l’application du programme de MLP, programme qui contient des choses qui pour eux sont aussi odieuses que ce que Macron est en train de faire. En d’autres termes, dans votre logique, le peuple ne peut JAMAIS aller contre le gouvernement, puisque quelque soit son vote, il doit subir en silence et sans reproche celui qu’il a voté…

            [« Il serait paralysé, ou peut-être même obligé à démissionner. » Concrètement, qu’est-ce qui l’amènerait à être paralysé, voire même démissionner ? Car encore une fois, au Chili, ce fut un coup d’état qui fut fatal à Allende, cas de figure très difficilement envisageable avec l’Armée française.]

            Non. Ce qui fut « fatal à Allende », ce ne fut pas le coup d’état militaire, qui ne fut que la cerise sur un gâteau largement préparé par ailleurs. Ce qui fut « fatal à Allende », ce fut le sabotage systématique de l’économie et le blocus américain des exportations de cuivre… un chaos économique qui fait peur aux classes intermédiaires et acquis leur appui pour le coup militaire. En France le scénario serait probablement un peu différent, puisque l’armée n’a pas le poids politique qu’elle a en Amérique Latine.

            [« Non, mais le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, les assemblées parlementaires si. Sans parler de millions de grévistes ou de manifestants. Nos institutions fonctionnent sur des équilibres bien plus subtils que celui du « gros bâton ». » Il va de soi qu’un souverainiste ne pourrait mener à bien son projet sans majorité dans la chambre basse. Mais pour le reste, on en aurait quelque chose à foutre du mécontentement d’un startuppeur de la station F ou d’un commercial de LVMH ?]

            D’un startuppeur ou d’un cadre commercial, non. Mais d’un grand nombre d’entre eux, certainement. Les classes intermédiaires ont joué un rôle important dans la plupart des coups d’état et autres « révolutions de couleur », et il serait naïf d’imaginer que notre pays serait à l’abri de ce genre d’opérations. Quant au CC et au CE, la question n’est pas qu’ils se mettent en grève, mais qu’ils annulent lois et décrets, paralysant l’action gouvernementale et donnant au gouvernement le choix entre sortir de l’état de droit – avec le coût politique que cela implique – ou modérer ses ambitions.

            [« On le saura quand il y en aura un. Pour le moment, je n’en vois pas à l’horizon. » En attendant, on a bien vu ce que ça a donné avec Jean-Pierre Chevènement en 2002.]

            Je ne vous dis pas que la bataille soit évidente. Chevènement a été surtout victime de l’incapacité de la droite comme du gauche souverainiste de mettre de côté la guerre droite/gauche pour unir leurs efforts.

            [« Le problème, est qu’un tel candidat irait contre les intérêts du « bloc dominant », alors que seul le « bloc dominant » peut produire un tel candidat. C’est cette contradiction qui est la racine du problème. » Le « bloc dominant » constitué de syndicats appelant à voter Macron vous voulez-dire ?]

            Non, le bloc dominant formé par la bourgeoisie et les classes intermédiaires, et dont l’idéologie devient l’idéologie dominante, au point de pénétrer l’action syndicale. Tant que le PCF offrait une idéologie alternative, la CGT avait une colonne vertébrale idéologique qui lui permettait de résister à l’idéologie dominante. L’affaiblissement des partis ouvriers fait que le syndicalisme n’a plus de contexte idéologique propre sur lequel s’appuyer.

            [Plus sérieusement, encore une fois, comme dit précédemment, le « bloc dominant » n’est pas un tout homogène, mais son positionnement idéologique suit une distribution que l’on peut présumer gaussienne. Cela veut dire que même s’ils plus sont rares, on y trouve de tels candidats.]

            Le raisonnement statistique est ici peu applicable, parce que le processus n’est pas aléatoire. Un candidat qui a l’envie et les compétences pour exercer le pouvoir ne choisit pas son parti aléatoirement, il a tendance à aller vers les partis qui lui permettent d’accéder au pouvoir, c’est-à-dire, vers les partis de gouvernement. Ceux qui n’ont aucune chance ont peu de chances de trouver des cadres de qualité sauf à les former eux-mêmes, ce que le PCF a fait à son heure de gloire et que le RN commence tout juste à faire.

            [« C’était bien mon point. Tout le monde, y compris les plus modestes, ont chez nous quelque chose à perdre. » Mais justement, les plus modestes dans ce pays (càd ceux qui votaient déjà MLP du temps où elle était encore ouvertement eurosceptique) sont ceux qui ont le moins peur d’un « Frexit ». Et pour les autres, comme dit l’adage, qui ne tente rien n’a rien. Je suis donc obligé de constater que pour une majorité de Français, on vit suffisamment bien pour que l’aversion au risque garde le dessus.]

            C’était bien mon point.

          • François dit :

            @Descartes
            [Si De Gaulle ou Debré revenait parmi nous, je pense que ce qui les surprendrait le plus c’est la passivité des Français (…)]
            Sans oublier leur veulerie les conduisant à élire et réélire un personnage aussi détestable que Macron.
            Quant à De Gaulle, s’il aurait le courage de se représenter, je crains qu’il ne ferait pas plus que Zemmour au premier tour des élections présidentielles.
             
            [Par ailleurs, les constituants ont inclus dans le texte un élément qui va dans le sens de ce que je vous explique, c’est l’interdiction explicite d’un mandat impératif donné aux élus.]
            Certes, mais ils n’ont pas cru bon de contraindre explicitement les élus à faire preuve « d’écoute ».
             
            [Mais un élu n’est pas seulement soumis à des contraintes JURIDIQUES. Une constitution est soumise à une lecture juridique mais aussi à une lecture politique.]
            Quelle «lecture politique » ? Tout « principe politique » se doit d’être explicité en termes juridiques sans équivoque pour avoir force de loi. À défaut il ne reste que déclaration d’intention.
             
            [(…) il peut être également soutenu que la constitution donne également au peuple la possibilité de « résister » dès lors que la loi en question n’est pas faite « par le peuple et pour le peuple ».]
            Mais le « peuple » a pu « résister » légalement durant cette réforme grâce aux dispositions permises par la loi.
             
            [Je ne comprends pas l’étendue que vous accordez à cette « délégation absolue ». Est-ce que cette délégation permet à l’élu de faire TOUT CE QU’IL VEUT, à condition de rester dans le cadre de la Constitution, ou bien cette délégation ne vaut que pour faire ce à quoi il s’est explicitement engagé dans son programme ?]
            Disons que de jure, il lui est permis d’agir comme il l’étend, y compris en s’asseyant sur ses promesses électorales.
            Quant à la moralité, personne ne peut de bonne foi affirmer avoir été dupé par Macron, tant pour ses objectifs que sa façon d’agir. On peut chipoter pour savoir si reporter l’âge de la retraite à 64 ans au lieu de 65 ans constitue un « renoncement », il n’en reste pas moins qu’il avait clairement indiqué sa volonté de vouloir rehausser l’âge de départ à la retraite et non le rabaisser.
             
            [Et puis, reste à savoir quel est « le cadre de la constitution ». Est-ce que la loi en question respecte le principe de « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » ? Cela me paraît fort discutable…]
            Dans la mesure où Macron a été élu par le peuple français (du), qu’il fait partie du peuple français (par), et qu’il a indiqué avoir agit dans l’intérêt du peuple français (pour), cela me paraît indiscutable que cette réforme a respecté cette fameuse citation de Lincoln.
             
            [Mais le « cadre démocratique » ne se limite pas au cadre juridique défini par la constitution. La Constitution ne contient pas que des dispositions juridiques, elle contient aussi des prescriptions politiques]
            Eh bien pour moi, seul compte le cadre juridique, qui se doit d’être rédigé sans équivoque. Car le problème de ces « prescriptions politiques », c’est qu’il en existe autant d’interprétations que de citoyens. On l’a bien vu quand le CC s’est arrogé le droit de figer un sens précis au très polysémique substantif « fraternité »…
            Non, une constitution idéale se doit d’être aussi stupide que n’importe quel vulgaire code informatique, si bien que n’importe quelle bécane pourrait juger si telle ou telle action la viole, les si mal nommés « Sages » devenant de simples encombrants par la même occasion.
             
            [Quand la constitution parle de « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », il est difficile de ne pas voir dans cette formule une injonction aux dirigeants à s’assurer en permanence que leur action est soutenue par le peuple]
            Encore une fois, qui est là pour juger que l’action de Macron n’est pas soutenue par le peuple ? Et s’il ne s’en assure pas, que se passe t-il ? Il se fait taper les doigts avec une règle ?
            Oui, seul l’explicite sans équivoque ne trouve de valeur à mes yeux en matière de constitution.
             
            [Vous voulez dire que Mitterrand a eu tort en 1981 de renoncer à supprimer l’enseignement privé ?]
            Je ne sais pas. La suppression de l’enseignement privé était-elle la mesure emblématique de son programme électoral, sa raison d’être, au même titre que la réforme des retraite pour Macron ?
             
            [Voter raisonnement contient deux erreurs : la première est que les gens qui votent pour un candidat ne votent pas forcément pour chacun des points de son programme.]
            Disons qu’ils votent pour pour un spectre potentialités. Et dans le cas présent, la réforme des retraites était de potentialité très haute.
            [La seconde, c’est que les manifestants ne sont que la face visible de l’iceberg.]
            Mais les manifestants ne représentent qu’eux mêmes. Comment dans ces conditions présumer qu’ils constituent la face visible de l’iceberg ?
             
            [Je suis d’accord : faisons donc un référendum, ce qui permettra de vérifier de manière incontestable quelle est la volonté du peuple dans cette matière. Pensez-vous que le « oui » aurait la moindre chance de passer ?]
            Le « oui » selon moi n’aurait pas la moindre chance de passer. Mais cela ne reste que mon opinion personnelle, qui n’a pas la moindre valeur, a fortiori constitutionnelle. En l’absence de référendum, je crains que l’on ne puisse statuer sur la popularité de ladite réforme.
             
             
            [Mais avec votre logique de « mandat absolu », si les syndicats avaient fait voter pour MLP et que celle-ci avait gagné l’élection]
            Mais justement, je n’ai jamais reproché aux syndicats de ne pas avoir appelé à voter MLP, je leur reproche d’avoir appelé (sauf exceptions) à voter Macron. Et surtout je leur reproche de l’avoir fait sur la base de défauts fallacieusement attribués à MLP, défauts qu’ils subissent, karma oblige, maintenant par Macron.
            Bref, seuls les syndicats comme la CFE-CGC, n’ayant donné aucune consigne de vote peuvent avoir la conscience tranquille dans cette histoire.
             
             
            [Non. Ce qui fut « fatal à Allende », ce ne fut pas le coup d’état militaire, qui ne fut que la cerise sur un gâteau largement préparé par ailleurs. Ce qui fut « fatal à Allende », ce fut le sabotage systématique de l’économie et le blocus américain des exportations de cuivre…]
            Et que se serait-il passé si pour une quelconque, le coup d’état tant attendu échoua (ou n’advint jamais) ?
             
            [En France le scénario serait probablement un peu différent, puisque l’armée n’a pas le poids politique qu’elle a en Amérique Latine.]
            Et ce serait quoi concrètement ?
             
            [D’un startuppeur ou d’un cadre commercial, non. Mais d’un grand nombre d’entre eux, certainement.]
            Eh bien ça se terminera avec eux comme avec les gilets jaunes. À coups de tirs de LBD dans la tronche. Car on ne peut pas particulièrement dire qu’ils occupent des professions que l’on se doit de ménager pour avoir une société fonctionnelle.
             
            [Les classes intermédiaires ont joué un rôle important dans la plupart des coups d’état et autres « révolutions de couleur »]
            Ce qui fut fatal à Ianoukovytch, c’était le manque de fiabilité de sa majorité à la rada, et qui finit par se retourner contre lui, comportement typique d’une ploutocratie, où quelques deniers suffisent à changer de conviction.
             
            [Quant au CC et au CE, la question n’est pas qu’ils se mettent en grève,mais qu’ils annulent lois et décrets, paralysant l’action gouvernementale et donnant au gouvernement le choix entre sortir de l’état de droit – avec le coût politique que cela implique – ou modérer ses ambitions.]
            S’ils annulent en dehors de tout cadre légal ou constitutionnel, lois et décrets, ce sont eux qui sortent de l’état de droit avec le coût politique que cela implique.
             
            [Tant que le PCF offrait une idéologie alternative, la CGT avait une colonne vertébrale idéologique qui lui permettait de résister à l’idéologie dominante]
            La CGT n’aurait donc plus de colonne vertébrale idéologique, au point de se comporter en vulgaire syndicat maison et bêtement relayer les consignes du patronat ?

            • Descartes dit :

              @ François

              [Quant à De Gaulle, s’il avait le courage de se représenter, je crains qu’il ne ferait pas plus que Zemmour au premier tour des élections présidentielles.]

              Très possible : trop étatiste pour la bourgeoisie, trop ascétique pour les classes intermédiaires…

              [« Par ailleurs, les constituants ont inclus dans le texte un élément qui va dans le sens de ce que je vous explique, c’est l’interdiction explicite d’un mandat impératif donné aux élus. » Certes, mais ils n’ont pas cru bon de contraindre explicitement les élus à faire preuve « d’écoute ».]

              Très difficile d’écrire une disposition normative obligeant à « faire preuve d’écoute ». Car l’écoute peut prendre une infinité de formes dans des contextes différents…

              [« Mais un élu n’est pas seulement soumis à des contraintes JURIDIQUES. Une constitution est soumise à une lecture juridique mais aussi à une lecture politique. ». Quelle « lecture politique » ? Tout « principe politique » se doit d’être explicité en termes juridiques sans équivoque pour avoir force de loi. À défaut il ne reste que déclaration d’intention.]

              Pas du tout. Pensez au droit de « résistance à l’oppression », qui a valeur constitutionnelle du fait de l’incorporation de la Déclaration de 1789 dans le bloc de constitutionnalité. Il n’a jamais reçu la moindre « explicitation en termes juridiques », et pourtant il a rythmé notre histoire…

              [Mais le « peuple » a pu « résister » légalement durant cette réforme grâce aux dispositions permises par la loi]

              Sans aucun doute. Mais si les constituants ont écrit le « droit de résistance à l’oppression », c’est parce qu’ils entendaient reconnaître au peuple la possibilité de résister y compris par des moyens « illégaux » dès lors qu’il est soumis à « l’oppression ». Si le « droit » en question se limitait aux moyens « légaux », il ne serait pas nécessaire de le singulariser dans un texte, puisque tout ce qui est « légal » est par définition autorisé.

              [« Je ne comprends pas l’étendue que vous accordez à cette « délégation absolue ». Est-ce que cette délégation permet à l’élu de faire TOUT CE QU’IL VEUT, à condition de rester dans le cadre de la Constitution, ou bien cette délégation ne vaut que pour faire ce à quoi il s’est explicitement engagé dans son programme ? » Disons que de jure, il lui est permis d’agir comme il l’entend, y compris en s’asseyant sur ses promesses électorales.]

              Autrement dit, le fait que Macron ait promis de reculer l’âge de la retraite pendant sa campagne n’a aucune portée, puisque quand même il aurait promis exactement le contraire, il dispose d’une « délégation absolue » qui lui permet de le faire. Ais-je bien compris ?

              Cette conception réduit la démocratie à une tyrannie élective : le peuple élit tous les cinq ans un tyran, et il est ensuite soumis à son bon vouloir jusqu’à l’élection suivante. Personnellement, ma conception est très différente. Comme je l’ai expliqué par ailleurs, pour moi l’élection accorde une confiance, et non un mandat. Le peuple élit Untel parce qu’on fait plus confiance à Untel pour diriger le pays qu’à ses adversaires. Mais cela n’implique nullement que le peuple soit d’accord pour qu’il mette en œuvre telle ou telle de ses propositions – ou n’importe quelle autre mesure. Cet accord, il faut qu’il aille le chercher dans un dialogue avec les citoyens.

              [Quant à la moralité, personne ne peut de bonne foi affirmer avoir été dupé par Macron, tant pour ses objectifs que sa façon d’agir.]

              Bien sûr que si. Ceux qui voulaient aller à 65 ans peuvent légitimement se sentir trahis. Si vous pensez que l’homme politique est tenu de faire ce qu’il a promis, alors vous ne pouvez pas excuser cette trahison. Vous ne pouvez l’admettre que si vous admettez que l’homme politique a la possibilité « morale » de changer d’avis entre le moment de son élection et la mise en œuvre de sa politique.

              [Dans la mesure où Macron a été élu par le peuple français (du), qu’il fait partie du peuple français (par), et qu’il a indiqué avoir agit dans l’intérêt du peuple français (pour), cela me paraît indiscutable que cette réforme a respecté cette fameuse citation de Lincoln.]

              Vous voulez dire que le gouvernement de Louis XVI était un « gouvernement par le peuple » ? Après tout, lui aussi « faisait partie du peuple français »… quant à la question du « pour », je crains que le fait de « indiquer qu’on agit dans l’intérêt du peuple » ne soit pas suffisant pour que ce soit le cas…

              [« Mais le « cadre démocratique » ne se limite pas au cadre juridique défini par la constitution. La Constitution ne contient pas que des dispositions juridiques, elle contient aussi des prescriptions politiques » Eh bien pour moi, seul compte le cadre juridique, qui se doit d’être rédigé sans équivoque.]

              Ne me dites pas que vous partagez cette idée absurde qu’il est possible de rédiger une disposition « sans équivoque »… Toute disposition juridique ou presque est soumise à interprétation, parce qu’elle est écrite dans une langue où les mots et les constructions sont polysémiques, et dont le texte n’acquiert de sens que dans un contexte. Pensez au commandement « tu ne tueras point ». Seriez-vous capable de m’expliquer ce qu’il interdit exactement et univoquement ?

              En général, les textes juridiques contiennent une partie « déclarative » et une partie « normative ». La partie normative contient des règles impératives qu’on souhaite le moins équivoques possibles. La partie « déclarative » manifeste la volonté politique, et sert en général de guide d’interprétation au reste. Et quelquefois la partie déclarative est aussi importante que la partie normative.

              [Car le problème de ces « prescriptions politiques », c’est qu’il en existe autant d’interprétations que de citoyens. On l’a bien vu quand le CC s’est arrogé le droit de figer un sens précis au très polysémique substantif « fraternité »…]

              C’est une illusion de croire que cette affirmation ne s’applique pas aux prescriptions normatives…

              [Non, une constitution idéale se doit d’être aussi stupide que n’importe quel vulgaire code informatique, si bien que n’importe quelle bécane pourrait juger si telle ou telle action la viole, les si mal nommés « Sages » devenant de simples encombrants par la même occasion.]

              La grande différence est que le code informatique est univoque : chaque instruction commande le processeur de faire une opération précise, et il n’y a aucune ambiguïté sur le résultat. Le problème est que ce type de langage est par essence très limité dans le nombre de choses qu’il peut nommer, et ne permet de coder que des évènements prévus à l’avance, lorsque le processeur a été conçu. Alors que les langages « humains » permettent de décrire des objets qui n’existaient pas lorsque l’être humain est apparu sur terre…

              [« Quand la constitution parle de « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », il est difficile de ne pas voir dans cette formule une injonction aux dirigeants à s’assurer en permanence que leur action est soutenue par le peuple » Encore une fois, qui est là pour juger que l’action de Macron n’est pas soutenue par le peuple ?]

              Le peuple lui-même, of course. C’est lui le souverain.

              [Et s’il ne s’en assure pas, que se passe t-il ? Il se fait taper les doigts avec une règle ?]

              Oui. Ou bien il est forcé de démissionner, comme Louis Philippe. Ou est envoyé en prison, comme Pétain. Ou, éventuellement, se trouve raccourci comme ce pauvre Louis XVI. Tout dépend de l’étendue de sa négligence, de ses conséquences, du contexte. C’est pourquoi le principe de « résistance à l’oppression » ne saurait trouver de traduction normative explicite…

              [« Vous voulez dire que Mitterrand a eu tort en 1981 de renoncer à supprimer l’enseignement privé ? » Je ne sais pas. La suppression de l’enseignement privé était-elle la mesure emblématique de son programme électoral, sa raison d’être, au même titre que la réforme des retraites pour Macron ?]

              Bien plus, à mon avis. D’ailleurs, le renoncement à la loi Savary fut le début du recentrage qui conduisit les socialistes au pouvoir à faire une politique de droite.

              [« La seconde, c’est que les manifestants ne sont que la face visible de l’iceberg. » Mais les manifestants ne représentent qu’eux-mêmes. Comment dans ces conditions présumer qu’ils constituent la face visible de l’iceberg ?]

              Cela dépend de ce que vous appelez « représenter ». Les manifestants ne sont certes mandatés par personne. Mais tous ceux qui ont participé à un mouvement politique savent très bien qu’un mouvement ne tient pas dans la durée s’il n’est pas soutenu par la population. S’il n’y a pas vos collègues, vos voisins, les passants dans la rue pour vous dire « bravo, continuez », vous rentrez chez vous. Quant un mouvement tient dix ou douze semaines avec des manifestations massives à chaque fois, on peut raisonnablement dire qu’il « représente » une opinion largement partagée.

              [Le « oui » selon moi n’aurait pas la moindre chance de passer. Mais cela ne reste que mon opinion personnelle, qui n’a pas la moindre valeur, a fortiori constitutionnelle. En l’absence de référendum, je crains que l’on ne puisse statuer sur la popularité de ladite réforme.]

              Quand une loi fait l’objet d’un rejet massif dans les enquêtes d’opinion, quand elle provoque des manifestations massives pendant douze semaines, quand on n’arrive à la faire passer au Parlement qu’en utilisant tous les forceps constitutionnels, quand des gens comme vous sont convaincus qu’elle serait rejetée massivement dans un référendum, je pense qu’on peut raisonnablement présumer qu’elle n’a pas le peuple derrière elle. Ou du moins considérer qu’il y a un doute suffisant pour permettre au peuple de s’exprimer directement.

              [Bref, seuls les syndicats comme la CFE-CGC, n’ayant donné aucune consigne de vote peuvent avoir la conscience tranquille dans cette histoire.]

              Autrement dit, seuls ceux qui ne font rien peuvent avoir la conscience tranquille ?

              [« Non. Ce qui fut « fatal à Allende », ce ne fut pas le coup d’état militaire, qui ne fut que la cerise sur un gâteau largement préparé par ailleurs. Ce qui fut « fatal à Allende », ce fut le sabotage systématique de l’économie et le blocus américain des exportations de cuivre… » Et que se serait-il passé si pour une raison quelconque, le coup d’état tant attendu échoua (ou n’advint jamais) ?]

              Je ne comprends pas très bien votre question. Si je pousse quelqu’un par la fenêtre du vingtième étage elle se fracasse en bas. On peut toujours se poser la question de savoir ce qui se serait passé si la gravité avait été abolie au même moment, mais ce n’est pas une question très productive…

              [« En France le scénario serait probablement un peu différent, puisque l’armée n’a pas le poids politique qu’elle a en Amérique Latine. » Et ce serait quoi concrètement ?]

              L’annulation systématique de ses actes de gouvernement par les juges, par exemple. Souvenez-vous de la formule de Mitterrand : « les juges ont eu la peau de l’Ancien régime, ils auront la peau de la République »…

              [« D’un startuppeur ou d’un cadre commercial, non. Mais d’un grand nombre d’entre eux, certainement. » Eh bien ça se terminera avec eux comme avec les gilets jaunes. À coups de tirs de LBD dans la tronche. Car on ne peut pas particulièrement dire qu’ils occupent des professions que l’on se doit de ménager pour avoir une société fonctionnelle.]

              Non, mais ils ont l’argent dont on a besoin, comme vous dites, pour maintenir une société fonctionnelle… et puis n’oubliez pas que la bourgeoisie a bien compris qu’elle a besoin de l’appoint des classes intermédiaires pour conserver leur pouvoir… et c’est pourquoi elle protégera leurs intérêts. Affronter les cadres commerciaux ou les startuppeurs, c’est affronter la bourgeoisie…

              [« Les classes intermédiaires ont joué un rôle important dans la plupart des coups d’état et autres « révolutions de couleur » » Ce qui fut fatal à Ianoukovytch, c’était le manque de fiabilité de sa majorité à la rada, et qui finit par se retourner contre lui, comportement typique d’une ploutocratie, où quelques deniers suffisent à changer de conviction.]

              Vous voulez dire que la bourgeoisie ukrainienne et les classes intermédiaires étaient à fond pour Yanoukovitch, mais que quelques députés achetés on ne sait pas par qui se seraient retournés contre lui ?

              [S’ils annulent en dehors de tout cadre légal ou constitutionnel, lois et décrets, ce sont eux qui sortent de l’état de droit avec le coût politique que cela implique.]

              Oui. Et alors ?

              [« Tant que le PCF offrait une idéologie alternative, la CGT avait une colonne vertébrale idéologique qui lui permettait de résister à l’idéologie dominante » La CGT n’aurait donc plus de colonne vertébrale idéologique, au point de se comporter en vulgaire syndicat maison et bêtement relayer les consignes du patronat ?]

              Non. Au point de se limiter à défendre les intérêts moraux et matériels de ses membres.

            • François dit :

              @Descartes,
              [Très possible : trop étatiste pour la bourgeoisie, trop ascétique pour les classes intermédiaires…]
              Et trop quoi pour la majorité du corps électoral ?
               
              [Très difficile d’écrire une disposition normative obligeant à « faire preuve d’écoute ». Car l’écoute peut prendre une infinité de formes dans des contextes différents…]
              Eh bien si « l’écoute » est quelque chose de difficilement caractérisable, ça ne sera jamais rien d’autre que quelque chose de subjectif. Vous trouvez que Macron n’a pas fait preuve de suffisamment d’écoute, un macroniste au contraire vous répondra qu’il en a largement fait.
               
              [Pas du tout. Pensez au droit de « résistance à l’oppression », qui a valeur constitutionnelle du fait de l’incorporation de la Déclaration de 1789 dans le bloc de constitutionnalité.]
              Je crains que pour les bourgeois rédacteurs de la DDHC,  « l’oppression » consiste en l’aliénation des droits naturels y figurant (et tels qu’ils les concevaient) , et donc malheureusement, que la retraite par répartition n’en n’est pas un. Macron n’a donc fait preuve d’aucune « oppression » avec ladite réforme, les bourgeois droits naturels ayant été respectés.
               
              [Autrement dit, le fait que Macron ait promis de reculer l’âge de la retraite pendant sa campagne n’a aucune portée, puisque quand même il aurait promis exactement le contraire, il dispose d’une « délégation absolue » qui lui permet de le faire. Ais-je bien compris ?]
              Oui, il dispose d’une délégation lui permettant de faire tout ce qu’il souhaite, du moment qu’il ne contrevient pas au dispositions constitutionnelles. On peut se désoler de la façon dont il agit, mais il ne commet aucun abus de pouvoir.
              Je crains malheureusement que le prérogatives accordées au président de la République, dans la constitution de la Ve République permettent le comportement de Macron, aussi détestable soit-il.
               
              [Cette conception réduit la démocratie à une tyrannie élective : le peuple élit tous les cinq ans un tyran, et il est ensuite soumis à son bon vouloir jusqu’à l’élection suivante. Personnellement, ma conception est très différente. Comme je l’ai expliqué par ailleurs, pour moi l’élection accorde une confiance, et non un mandat.]
              Je crains que cela ne soit que votre conception personnelle de la démocratie. Chacun a sa vision de la démocratie, la votre étant basée sur « l’écoute », la mienne sur le « projet ». Et en attendant, on parle bel et bien de mandat électif.
              Je crois par ailleurs, que sous la IIIe République, des gouvernements ont pu faire preuve d’un grand mutisme, bien plus violent que celui de Macron. Diriez-vous que Clemenceau, au vu de son passif, n’était pas un démocrate ?
               
              [Bien sûr que si. Ceux qui voulaient aller à 65 ans peuvent légitimement se sentir trahis. Si vous pensez que l’homme politique est tenu de faire ce qu’il a promis, alors vous ne pouvez pas excuser cette trahison]
              Personnellement si quelqu’un me promet quelque chose, mais qu’il ne parvient pas à compléter intégralement cet objectif, mais en ayant toutefois agit de bonne foi, je ne me sentirais pas trahi par ce semi-échec.
               
              [Cette conception réduit la démocratie à une tyrannie élective : le peuple élit tous les cinq ans un tyran, et il est ensuite soumis à son bon vouloir jusqu’à l’élection suivante.]
              Aussi détestable cela-soit-il eh bien cela est parfaitement permis par les institutions de la Ve République. C’est que je n’ai pas vu passer de tribunes de constitutionnalistes, pourtant souvent critiques à l’encontre du CC expliquant que sa validation de la réforme des retraites constitue un abus de pouvoir.
              Les maux actuels n’ont pas pour origine une personne, mais institutionnelle diraient certains…
               
              [Vous voulez dire que le gouvernement de Louis XVI était un « gouvernement par le peuple » ? Après tout, lui aussi « faisait partie du peuple français »]
              Je ne savais pas que sous l’ancien Régime, que le Roi fusse considéré comme partie intégrante du peuple français. Mais admettons, cela ne remplit qu’un critère sur trois.
              [quant à la question du « pour », je crains que le fait de « indiquer qu’on agit dans l’intérêt du peuple » ne soit pas suffisant pour que ce soit le cas…]
              Je crains malheureusement qu’il n’existe de critère objectif pour déterminer si le pour est rempli ou non.
               
              [Ne me dites pas que vous partagez cette idée absurde qu’il est possible de rédiger une disposition « sans équivoque »… Toute disposition juridique ou presque est soumise à interprétation (…)]
              Oh que oui, je fais mienne cette idée absurde de notre plus grand juriste, Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, celle du juge-machine :

              « Les juges de la Nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur »

               
              [Pensez au commandement « tu ne tueras point ». Seriez-vous capable de m’expliquer ce qu’il interdit exactement et univoquement ?]
              C’est très simple : l’interdiction de détruire tout système thermodynamique ayant les caractéristiques suivantes :
              – dissipatif
              – autocatalytique
              – homéostasique
              – apprenant
              Quant à l’applicabilité de ce commandement, c’est une autre histoire…
               
              [La partie « déclarative » manifeste la volonté politique, et sert en général de guide d’interprétation au reste. Et quelquefois la partie déclarative est aussi importante que la partie normative.]
              Encore faudrait-il qu’elle serve effectivement de guide d’interprétation. Seulement voilà, selon l’humeur du moment, le juge saute d’une lecture à la lettre à une lecture de l’esprit des textes de lois, parfois même en tordant la volonté initiale du législateur…
              Il est donc préférable de s’en tenir à une stricte « rédaction à la lettre des lois ».
               
              [C’est une illusion de croire que cette affirmation ne s’applique pas aux prescriptions normatives…]
              Il est bien là le problème…
               
              [La grande différence est que le code informatique est univoque : chaque instruction commande le processeur de faire une opération précise, et il n’y a aucune ambiguïté sur le résultat.]
              Eh bien on y arrive très bien avec le traitement automatique des contraventions pénales causées par excès de vitesse. Je ne vois donc pas pourquoi on ne chercherait pas à le généraliser aux autres infractions pénales.
               
              [Le problème est que ce type de langage est par essence très limité dans le nombre de choses qu’il peut nommer, et ne permet de coder que des évènements prévus à l’avance]
              Je ne vois pas où vous voulez en venir. Les simulations informatiques ne permettent-elles pas de faire des prédictions dans des domaines divers et variés ?
               
              [[Encore une fois, qui est là pour juger que l’action de Macron n’est pas soutenue par le peuple ?]
              Le peuple lui-même, of course. C’est lui le souverain.]
              Eh bien dans ce cas son action est soutenue par le peuple souverain, puisqu’il a été élu puis réélu sans qu’il y ait eu quelconque duperie sur la marchandise.
               
              [Oui. Ou bien il est forcé de démissionner, comme Louis Philippe. Ou est envoyé en prison, comme Pétain. Ou, éventuellement, se trouve raccourci comme ce pauvre Louis XVI.]
              Aucune de ces trois personnes, à la différence de Macron, n’est arrivée au pouvoir par un processus démocratique.
               
              [Bien plus, à mon avis. D’ailleurs, le renoncement à la loi Savary fut le début du recentrage qui conduisit les socialistes au pouvoir à faire une politique de droite.]
              Eh bien si votre avis est le bon, Mitterrand aurait eu tort de reculer.
               
              [Mais tous ceux qui ont participé à un mouvement politique savent très bien qu’un mouvement ne tient pas dans la durée s’il n’est pas soutenu par la population.]
              Je crains qu’il y ait malheureusement trop de paramètres libres (degré détermination, de planification, moyens à disposition des manifestants, etc) pour pouvoir établir une quelconque loi de relation entre le nombre de manifestants et le soutien populaire.
               
              [Quant un mouvement tient dix ou douze semaines avec des manifestations massives à chaque fois, on peut raisonnablement dire qu’il « représente » une opinion largement partagée.]
              Regardez les zadistes : ils tiennent dans la durée au point de faire plier le gouvernement alors que leur opinion a été sanctionnée comme minoritaire pour NDDL.
               
              [(…) je pense qu’on peut raisonnablement présumer qu’elle n’a pas le peuple derrière elle.]
              On peut effectivement le penser raisonnablement, mais ça n’est malheureusement pas une certitude au même titre que le résultat d’une élection.
               
              [Ou du moins considérer qu’il y a un doute suffisant pour permettre au peuple de s’exprimer directement.]
              Mais il n’appartient hélas qu’à Macron de permettre de trancher, chose qu’il n’a nullement envie de faire, le référendum d’initiative populaire ne figurant pas dans notre constitution.
               
              [Autrement dit, seuls ceux qui ne font rien peuvent avoir la conscience tranquille ?]
              En effet, ceux qui s’abstiennent de l’ouvrir pour assener des stupidités peuvent avoir la conscience tranquille.
               
              [Je ne comprends pas très bien votre question. Si je pousse quelqu’un par la fenêtre du vingtième étage elle se fracasse en bas.]
              Concrètement, si Allende et le projet de l’UP étaient déjà en échec, pourquoi l’armée chilienne a t-elle décidé d’en faire un martyr, puis de traquer impitoyablement ses membres ?
               
              [L’annulation systématique de ses actes de gouvernement par les juges, par exemple. Souvenez-vous de la formule de Mitterrand : « les juges ont eu la peau de l’Ancien régime, ils auront la peau de la République »…]
              Ça n’est pas moi qui vais vous contredire sur la phrase de Mitterrand. Eh bien s’ils abusent de leur pouvoir, ils doivent s’attendre au même sort que le Parlement de Paris en son temps.
               
              [Non, mais ils ont l’argent dont on a besoin, comme vous dites, pour maintenir une société fonctionnelle…]
              Eh bien préparons nous à la lutte. Je tiens également à préciser que si la bourgeoisie tient à ce que ses valeurs mobilières ne deviennent que de vulgaires bouts de papiers, qu’elle a intérêt à ce que l’escalade ne soit pas trop importante.
               
              [Vous voulez dire que la bourgeoisie ukrainienne et les classes intermédiaires étaient à fond pour Yanoukovitch, mais que quelques députés achetés on ne sait pas par qui se seraient retournés contre lui ?]
              Très probablement non, mais mon propos était de dire qu’il ne disposait pas d’une équipe fiable.
               
              [[S’ils annulent en dehors de tout cadre légal ou constitutionnel, lois et décrets, ce sont eux qui sortent de l’état de droit avec le coût politique que cela implique.]
              Oui. Et alors ?]
              S’ils commettent une faute, alors la riposte est légitime
               
              [Non. Au point de se limiter à défendre les intérêts moraux et matériels de ses membres.]
              En appelant à voter Macron ?
               

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Très possible : trop étatiste pour la bourgeoisie, trop ascétique pour les classes intermédiaires… » Et trop quoi pour la majorité du corps électoral ?]

              Ca n’a guère d’importance. C’est l’idéologie des classes dominantes qui devient l’idéologie dominante…

              [« Très difficile d’écrire une disposition normative obligeant à « faire preuve d’écoute ». Car l’écoute peut prendre une infinité de formes dans des contextes différents… » Eh bien si « l’écoute » est quelque chose de difficilement caractérisable, ça ne sera jamais rien d’autre que quelque chose de subjectif.]

              Je n’ai pas écrit qu’elle soit « difficilement caractérisable ». J’ai dit qu’elle prend des formes très différentes dans des contextes différents, et qu’il est difficile de prévoir dans un texte normatif écrit toujours ex ante quelle forme elle doit prendre dans une situation donnée. La Constitution prévoit quelques outils « d’écoute » – l’élection, la dissolution, le référendum – ainsi que des outils d’expression – droits de pétition, de manifestation, d’expression. La loi prévoit dans certains contextes des consultations obligatoires. Mais il est difficile d’aller plus loin.

              [Vous trouvez que Macron n’a pas fait preuve de suffisamment d’écoute, un macroniste au contraire vous répondra qu’il en a largement fait.]

              Certes. Mais quatre Français sur cinq sont d’accord avec moi, et seulement un est d’accord avec le macroniste. Cela dit quelque chose. Car quand même bien il aurait raison, si le peuple ne se SENT pas écouté, tout subjectif que cette impression puisse être, cela pose un problème du point de vue démocratique.

              [« Pas du tout. Pensez au droit de « résistance à l’oppression », qui a valeur constitutionnelle du fait de l’incorporation de la Déclaration de 1789 dans le bloc de constitutionnalité. » Je crains que pour les bourgeois rédacteurs de la DDHC, « l’oppression » consiste en l’aliénation des droits naturels y figurant (et tels qu’ils les concevaient), et donc malheureusement, que la retraite par répartition n’en n’est pas un. Macron n’a donc fait preuve d’aucune « oppression » avec ladite réforme, les bourgeois droits naturels ayant été respectés.]

              Je vous rappelle que j’avais donné cet exemple pour contrer votre affirmation selon laquelle « tout principe politique se doit d’être explicité en termes juridiques sans équivoque pour avoir force de loi ». Mon exemple montre clairement que ce n’est pas le cas. Quant à l’interprétation de la formule, elle a certainement varié dans le temps. Même en retenant le principe que l’oppression se résume à l’aliénation des droits naturels, la définition de ces droits naturels a beaucoup varié dans le temps. Aujourd’hui, un gouvernement qui restreindrait le soufrage universel serait certainement considéré comme justifiant le recours à la « résistance à l’oppression », alors qu’en 1789 on n’était pas jusqu’à donner le vote aux femmes…

              [Oui, il dispose d’une délégation lui permettant de faire tout ce qu’il souhaite, du moment qu’il ne contrevient pas au dispositions constitutionnelles. On peut se désoler de la façon dont il agit, mais il ne commet aucun abus de pouvoir.]

              Mais dans ce cas, quelle est l’utilité du « droit de résistance à l’oppression » ?

              [Je crains malheureusement que les prérogatives accordées au président de la République, dans la constitution de la Ve République permettent le comportement de Macron, aussi détestable soit-il.]

              Qu’ils le permettent juridiquement, c’est indiscutable. Qu’ils le permettent politiquement, c’est une autre affaire. Et encore une fois, la Constitution est autant un texte juridique que politique.

              [Je crains que cela ne soit que votre conception personnelle de la démocratie. Chacun a sa vision de la démocratie, la vôtre étant basée sur « l’écoute », la mienne sur le « projet ». Et en attendant, on parle bel et bien de mandat électif.]

              Il n’empêche que les démocraties qui fonctionnent bien sont généralement fondées sur l’écoute, et que celles fondées sur le projet sont à la fois rares et dysfonctionnelles.

              [Je crois par ailleurs, que sous la IIIe République, des gouvernements ont pu faire preuve d’un grand mutisme, bien plus violent que celui de Macron. Diriez-vous que Clemenceau, au vu de son passif, n’était pas un démocrate ?]

              Je le dirais, oui. Clemenceau était un républicain passionné, mais sa confiance dans la démocratie était fort limitée. Je vous rappelle sa formule : « la tolérance, il y a des maisons pour ça… ». Mais on peut difficilement reprocher à Clemenceau – et plus généralement au personnel politique de la IIIème – de ne pas avoir « écouté le peuple ». Les assemblées étaient à l’époque bien plus diverses socialement qu’aujourd’hui, les élus étaient soit des notables bien implantés localement, soit portés par des partis « de masse ». On pourrait lui faire le reproche contraire : trop d’écoute, pas assez de décisions.

              [Personnellement si quelqu’un me promet quelque chose, mais qu’il ne parvient pas à compléter intégralement cet objectif, mais en ayant toutefois agit de bonne foi, je ne me sentirais pas trahi par ce semi-échec.]

              A partir de quel pourcentage d’atteinte vous ne vous estimez pas trahi ?

              [C’est que je n’ai pas vu passer de tribunes de constitutionnalistes, pourtant souvent critiques à l’encontre du CC expliquant que sa validation de la réforme des retraites constitue un abus de pouvoir.]

              Parce que vous ne lisez pas les bons journaux. Deux éminents constitutionnalistes au moins, Olivier Beaud et Dominique Rousseau, ont critiqué le CC considérant qu’il n’avait pas utilisé les pouvoirs que lui confère la Constitution.

              [Les maux actuels n’ont pas pour origine une personne, mais institutionnelle diraient certains…]

              Ils auraient tort. Ces institutions ont parfaitement fonctionné sous De Gaulle, Pompidou, Mitterrand, Chirac, Sarkozy… et même Hollande. Qu’est ce qui a changé depuis, si ce n’est un homme ? La différence, c’est que quelque aient été les défauts de ses prédécesseurs, ils avaient tous une qualité : ils connaissaient profondément le pays qu’ils gouvernaient, et ils avaient pour lui et pour ses habitants une profonde tendresse. Et ils prenaient même plaisir à écouter le pays. Le problème aujourd’hui n’est pas dans les institutions, il n’est pas non plus dans un seul homme, mais dans la baisse de la qualité du personnel politique en général. Le monde politique est de plus en plus peuplé de militants professionnels qui fonctionnent en vase clos.

              [Je ne savais pas que sous l’ancien Régime, que le Roi fusse considéré comme partie intégrante du peuple français. Mais admettons, cela ne remplit qu’un critère sur trois.]

              Vous pensez vraiment que pour remplir la condition « gouvernement par le peuple » il suffit que le gouvernant soit UN membre du peuple ?

              [Je crains malheureusement qu’il n’existe de critère objectif pour déterminer si le pour est rempli ou non.]

              Mais d’où vous vient une telle soif d’objectivité ? Si on pouvait faire des règles fondées exclusivement sur des critères objectifs, on n’aurait pas besoin d’êtres humains pour nous gouverner. Un ordinateur ferait très bien l’affaire.

              [« Ne me dites pas que vous partagez cette idée absurde qu’il est possible de rédiger une disposition « sans équivoque »… Toute disposition juridique ou presque est soumise à interprétation (…) » Oh que oui, je fais mienne cette idée absurde de notre plus grand juriste, Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, celle du juge-machine : « Les juges de la Nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur »]

              Et bien, ce grand juriste s’est foutu le doigt dans l’œil. Parce que toutes les tentatives de créer un code pénal ou les peines seraient fixes, et ne donneraient au juge aucun pouvoir d’appréciation quant à la « force et la rigueur » ont échoué. D’ailleurs, s’il en était ainsi, on n’aurait pas besoin de juges humains : s’il s’agit seulement de « prononcer les paroles de la loi », un ordinateur peut parfaitement le faire.

              [« Pensez au commandement « tu ne tueras point ». Seriez-vous capable de m’expliquer ce qu’il interdit exactement et univoquement ? » C’est très simple : l’interdiction de détruire tout système thermodynamique ayant les caractéristiques suivantes :
              – dissipatif
              – autocatalytique
              – homéostasique
              – apprenant
              Quant à l’applicabilité de ce commandement, c’est une autre histoire…]

              Vous pensez vraiment que le commandement en question interdit de tuer un chien ? Et un soldat ennemi ?

              [« La partie « déclarative » manifeste la volonté politique, et sert en général de guide d’interprétation au reste. Et quelquefois la partie déclarative est aussi importante que la partie normative. » Encore faudrait-il qu’elle serve effectivement de guide d’interprétation. Seulement voilà, selon l’humeur du moment, le juge saute d’une lecture à la lettre à une lecture de l’esprit des textes de lois, parfois même en tordant la volonté initiale du législateur… Il est donc préférable de s’en tenir à une stricte « rédaction à la lettre des lois ».]

              Mais encore une fois, c’est une illusion. Ecrire une disposition normative de telle manière qu’elle ne soit sujette à interprétation, c’est une tâche impossible. Croyez-moi, je suis bien placé pour le savoir…

              [« La grande différence est que le code informatique est univoque : chaque instruction commande le processeur de faire une opération précise, et il n’y a aucune ambiguïté sur le résultat. » Eh bien on y arrive très bien avec le traitement automatique des contraventions pénales causées par excès de vitesse. Je ne vois donc pas pourquoi on ne chercherait pas à le généraliser aux autres infractions pénales.]

              Non, on n’y arrive pas « très bien ». Je vous rappelle qu’il existe une instance d’appellation à l’amende automatique, devant un juge humain. Et que cette instance est nécessaire parce qu’il y a l’appréciation des circonstances atténuantes ou excusatoires. Par exemple, la personne qui fait un excès de vitesse en conduisant un blessé grave à un hôpital mérite le retrait des points de son permis ? Vous imaginez-vous un « traitement automatique » appréciant l’excuse de légitime défense ?

              [« Le problème est que ce type de langage est par essence très limité dans le nombre de choses qu’il peut nommer, et ne permet de coder que des évènements prévus à l’avance » Je ne vois pas où vous voulez en venir. Les simulations informatiques ne permettent-elles pas de faire des prédictions dans des domaines divers et variés ?]

              Les outils de simulation utilisés par un être humain, oui. Mais un outil de simulation sans aucune intervention humaine ne peut que refaire indéfiniment le même calcul…

              [« Encore une fois, qui est là pour juger que l’action de Macron n’est pas soutenue par le peuple ?]
              Le peuple lui-même, of course. C’est lui le souverain. » Eh bien dans ce cas son action est soutenue par le peuple souverain, puisqu’il a été élu puis réélu sans qu’il y ait eu quelconque duperie sur la marchandise.]

              Non : tout au plus vous pouvez dire qu’elle ETAIT soutenue au moment de l’élection. Mais à supposer même qu’elle le fut – et je vous ai dit pourquoi je ne pense pas qu’on puisse inférer d’une élection un soutien de tous et chacun des points du programme du candidat – le souverain est le souverain, et l’un de ses privilèges est de changer d’avis. Le dialogue démocratique sert à ça : à vérifier que le gouvernant a le soutien du souverain hic et nunc.

              [« Oui. Ou bien il est forcé de démissionner, comme Louis Philippe. Ou est envoyé en prison, comme Pétain. Ou, éventuellement, se trouve raccourci comme ce pauvre Louis XVI. » Aucune de ces trois personnes, à la différence de Macron, n’est arrivée au pouvoir par un processus démocratique.]

              Pardon : Pétain est arrivé au pouvoir par le vote de l’Assemblée nationale, en conformité avec les règles constitutionnelles de la IIIème République. Et il n’avait nullement caché que son programme était d’obtenir un armistice à n’importe quel prix. Le parallèle avec la situation de Macron est saisssant… tous deux doivent leur élection à la peur d’une calamité majeure, et tous deux ont été élus légalement pour appliquer leur programme. Je ne comprends pas pourquoi vous reconnaissez la légitimité de l’un et pas de l’autre à le mettre en œuvre…

              Quant aux deux autres, Louis XVI était arrivé au pouvoir « démocratiquement » lorsqu’il a été guillotiné, puisque la transformation de la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle avec le « citoyen capet » à sa tête avait bien été voté par la Constituante…

              [« Mais tous ceux qui ont participé à un mouvement politique savent très bien qu’un mouvement ne tient pas dans la durée s’il n’est pas soutenu par la population. » Je crains qu’il y ait malheureusement trop de paramètres libres (degré détermination, de planification, moyens à disposition des manifestants, etc) pour pouvoir établir une quelconque loi de relation entre le nombre de manifestants et le soutien populaire.]

              Une relation mécanique, possiblement. Mais on a suffisamment d’expérience historique dans ce domaine pour caractériser un lien sans trop de chances de se tromper. Rares sont dans notre histoire les mouvements massifs, gênants pour les usagers et qui ont duré longtemps sans susciter des manifestations d’hostilité, et qui n’avaient pas un soutien important de la population

              [« Quant un mouvement tient dix ou douze semaines avec des manifestations massives à chaque fois, on peut raisonnablement dire qu’il « représente » une opinion largement partagée. » Regardez les zadistes : ils tiennent dans la durée au point de faire plier le gouvernement alors que leur opinion a été sanctionnée comme minoritaire pour NDDL.]

              D’abord, les ZAD ne sont pas massives (tout au plus quelques centaines voire ponctuellement quelques milliers de manifestants). Ensuite, elles n’introduisent aucune gêne au public en général. Et finalement, elles suscitent un large rejet de l’opinion. C’est un contre-exemple par rapport à des mouvements massifs comme les « gilets jaunes » où les protestations contre la réforme des retraites. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas faire plier le gouvernement. Mais ce n’est ni la masse ni le soutien populaire qui le leur permet.

              [« (…) je pense qu’on peut raisonnablement présumer qu’elle n’a pas le peuple derrière elle. » On peut effectivement le penser raisonnablement, mais ça n’est malheureusement pas une certitude au même titre que le résultat d’une élection.]

              Ni plus ni moins. Une élection ne vous procure qu’une seule certitude : qu’une majorité de gens ont mis le bulletin portant le nom du candidat élu dans l’urne. Vous n’avez aucun élément qui vous permette d’affirmer « avec certitude » que cela traduit un accord avec son programme, ni même un soutien à sa personne.

              [« Ou du moins considérer qu’il y a un doute suffisant pour permettre au peuple de s’exprimer directement. » Mais il n’appartient hélas qu’à Macron de permettre de trancher, chose qu’il n’a nullement envie de faire, le référendum d’initiative populaire ne figurant pas dans notre constitution.]

              Tout à fait. Mais un président soucieux de respecter la logique du « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », sachant qu’il existe un doute sur le soutien populaire à la loi qu’il propose, devrait dans le respect de l’esprit de la constitution appeler à un référendum ou bien dissoudre l’Assemblée pour permettre au peuple de trancher. Les constituants de 1958 lui ont certes donné le pouvoir d’utiliser ces instruments, mais – pour utiliser l’expression consacrée du droit administratif britannique, ce pouvoir lui a été donné pour être utilisé « raisonnablement ».

              [« Autrement dit, seuls ceux qui ne font rien peuvent avoir la conscience tranquille ? » En effet, ceux qui s’abstiennent de l’ouvrir pour assener des stupidités peuvent avoir la conscience tranquille.]

              Autrement dit, vous admettez la stupidité par omission, mais pas la stupidité par action…

              [« Je ne comprends pas très bien votre question. Si je pousse quelqu’un par la fenêtre du vingtième étage elle se fracasse en bas. » Concrètement, si Allende et le projet de l’UP étaient déjà en échec, pourquoi l’armée chilienne a-t-elle décidé d’en faire un martyr, puis de traquer impitoyablement ses membres ?]

              Parce que l’UP n’était pas « en échec », justement. La majorité du peuple chilien – et notamment les classes populaires – continuaient à le soutenir, parce qu’elles étaient conscientes que ce qu’on pouvait considérer comme « échec » du point de vue économique n’était pas lié au mauvais gouvernement de l’UP, mais à l’action intérieure et extérieure d’une minorité. C’est parce que ce sabotage n’a pas réussi à rendre l’UP impopulaire ou à provoquer sa chute institutionnelle qu’il a fallu avoir recours à des méthodes plus expéditives…

              [Ça n’est pas moi qui vais vous contredire sur la phrase de Mitterrand. Eh bien s’ils abusent de leur pouvoir, ils doivent s’attendre au même sort que le Parlement de Paris en son temps.]

              Certes, mais ça peut prendre beaucoup de temps…

              [« Vous voulez dire que la bourgeoisie ukrainienne et les classes intermédiaires étaient à fond pour Yanoukovitch, mais que quelques députés achetés on ne sait pas par qui se seraient retournés contre lui ? » Très probablement non, mais mon propos était de dire qu’il ne disposait pas d’une équipe fiable.]

              Quand vous avez les classes intermédiaires contre vous, avoir une équipe fiable ne suffit pas.

              [« Non. Au point de se limiter à défendre les intérêts moraux et matériels de ses membres. » En appelant à voter Macron ?]

              Oui. C’est une logique de minimisation des risques. Macron, on connait. On sait qu’il continuera la politique mise en œuvre par les gouvernements successifs depuis quarante ans. Marine Le Pen, c’est le saut dans l’inconnu. Je ne crois pas un instant que le véritable moteur des appels syndicaux à barrer la route à Le Pen aient été l’antifascisme. Le moteur fondamental à mon sens, c’est l’aversion au risque.

  9. Carloman dit :

    Bonjour Descartes,
     
    Je présume que vous avez vu le “profil” de la nouvelle chef (cheffe?) de la CGT: ancienne de l’UNEF, ancienne CPE, très préoccupée par les “questions environnementales” et “l’égalité homme-femme”. J’ai presque envie de vous dire: ça y est, la CGT a basculé du côté obscur des classes intermédiaires. Ces dernières auront même eu la peau de la CGT, cet ancien bastion ouvrier… La CGT est pour ainsi dire neutralisée. Qu’en pensez-vous?
     
    Bon courage.

    • Descartes dit :

      @ Carloman

      [J’ai presque envie de vous dire: ça y est, la CGT a basculé du côté obscur des classes intermédiaires.]

      Je suis tenté de tirer la même conclusion. Il ne faut pas bien entendu tirer des conclusions hâtives: la CGT n’est pas un “mouvement gazeux” dirigé par un gourou, et dont les militants font ce qu’on leur dit. Le secrétaire général n’est qu’un “primus inter pares” du bureau confédéral, et non un dictateur qui peut faire ce qui lui chante. Et les fédérations ont une autonomie considérable dans leurs choix d’orientation. Tout ce qu’on peut dire, c’est quel es conflits internes dans une CGT de plus en plus fracturée n’ont pas permis d’élire un secrétaire général fort, soutenu par une coalition solide. On a donc choisi un “pape de transition”, venant d’une fédération historiquement faible…

  10. cdg dit :

    Je pense que Macron a fait un erreur avec ce rafistolage (c est pas une reforme, c est juste rafistoler un systeme a bout de souflle pour tenir un peu plus longtemps. C est d ailleurs pas le premier (Touraine) et pas le dernier.
    Par contre notre president peut legitimement dire qu il a un mandat pour ce changement car il l a annoncé lors de la campagne electorale. Et c est meme la seule chose qu il a dit clairement (contrairement par ex au mariage homo promit discretement par Hollande pendant la campagne electorale puis mit en oeuvre a grand coup de cymbales)
     
    Apres c est sur que Macron a ete elu par des gens pas concernés (les retraités actuels) ou peu impacté (les CSP + qui ont commence a travailler tard aurait du de toute facon travailler apres 64 et ont souvent des emplois peu penible). Mais la on arrive au probleme de representativité. Comment faire pour qu une majorité relative ne tyranise pas le reste de la population en se dechargeant de tout ce qui est desagreable.
    Pour le reste, vous avez helas raison. Manifester pacifiquement ne mene a rien en France alors que tout casser et user de violence paie. C est pas nouveau, la FNSEA applique ce principe depuis les annees 80 au moins (avant j etais trop jeune pour me rappeller). Et les pecheurs l ont bien mit en oeuvre la semaine derniere (https://www.letelegramme.fr/bretagne/a-brest-incendie-au-port-de-commerce-31-03-2023-13308314.php) ce qui a donné l aurorisation de racler les fonds marin des aires protegees https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/peche-vers-une-autorisation-des-chaluts-dans-les-aires-marines-protegees-jusqu-en-2030_5751461.html.
    PS:
    – sur l intervention TV du president, le choix de passer a 13 h indiquait deja a qui il allait s addresser. A part les retraités qui est chez soi a regarder le journal TV de 13 h ?
    – les LR parlent lors des campagnes electorale de repousser l age a 65 ans et la 1/3 disent que 64 c est trop. Pas tres coherent non ?
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Je pense que Macron a fait une erreur avec ce rafistolage (ce n’est pas une réforme, c’est juste rafistoler un système à bout de souffle pour tenir un peu plus longtemps. C’est d’ailleurs pas le premier (Touraine) et pas le dernier.]

      Oui. Le projet de la retraite « à points » était finalement bien plus intéressant et cohérent. Mais Macron a bâcle cette véritable « réforme » par incapacité technique : au lieu de présenter un projet ficelé, avec des arbitrages clairs sur l’ensemble des points délicats (comment les points allaient être accordés, comment prendre en compte la pénibilité de certains métiers, comment on allait passer de l’ancien système au nouveau) il a maintenu un flou artistique qui a fini par inquiéter tout le monde. Les échecs de Macron ont été souvent dus a l’incapacité de ses équipes et à leur refus d’écouter et de faire travailler les experts. Finalement, il y a du Guevara dans Macron : la volonté peut tout, l’intendance n’a qu’à suivre. Ironique pour un président en qui beaucoup voient un « technocrate »…

      [Par contre notre président peut légitimement dire qu’il a un mandat pour ce changement car il l’a annoncé lors de la campagne électorale.]

      Encore une fois, vous posez comme une évidence ce qui est éminemment discutable. Ce n’est pas parce que vous parlez de quelque chose pendant votre campagne que vous avez mandat pour le faire. Quand Hollande dit « mon ennemi c’est la finance », doit on comprendre que son élection lui donne mandat pour faire la guerre à cet « ennemi » ? Mais d’un autre côté, Hollande a dit exactement le contraire à un autre auditoire pendant la campagne. Doit on comprendre qu’il a le mandat inverse ?

      Encore une fois, notre tradition constitutionnelle interdit les « mandats impératifs ». Ce n’est pas pour rien : on élit une personne en qui on a confiance pour conduire le char de l’Etat, mais cette élection ne vaut pas « mandat » pour le conduire dans telle ou telle direction. Une fois l’homme politique élu, c’est à lui de négocier avec la société pour trouver la bonne direction. Ses annonces de campagne permettent à l’électeur de savoir de quel côté son cœur balance – ou plus perversement, de quel côté il voudrait que l’électeur croie qu’il balance – mais rien de plus.

      [Apres c’est sûr que Macron a été élu par des gens pas concernés (les retraités actuels) ou peu impacté (les CSP + qui ont commencé à travailler tard auraient dû de toute façon travailler après 64 et ont souvent des emplois peu pénible). Mais là on arrive à problème de représentativité. Comment faire pour qu’une majorité relative ne tyrannise pas le reste de la population en se déchargeant de tout ce qui est désagréable.]

      C’est pourquoi cette théorie du « mandat », qui réduit la démocratie à une consultation tous les cinq ans, est une aberration. Le seul contrôle pour éviter qu’une couche sociale – qu’un groupe d’influence – impose sa volonté aux autres, c’est le dialogue permanent avec le souverain, qu’il passe par les partis politiques, par les droits de pétition ou manifestation… et éventuellement par l’émeute.

      [Pour le reste, vous avez hélas raison. Manifester pacifiquement ne mène a rien en France alors que tout casser et user de violence paie.]

      Oui, mais il y a là un choix des dirigeants. Il y a des structures – je pense à des entreprises comme la SNCF ou EDF – ou les directions voyaient l’intérêt d’avoir des syndicats forts. Alors, ils faisaient en sorte que la négociation paye, en faisant des concessions qu’ils auraient pu éviter, mais qui évitent l’apparition de mouvements « incontrôlés ». Le « gaullo-communisme » fonctionnait un peu de la même façon : De Gaulle n’aimait pas les communistes ou la CGT, mais avait compris l’intérêt d’avoir des organisations pour encadrer la masse ouvrière. On l’a bien vu en mai 1968.

      [PS: sur l intervention TV du president, le choix de passer a 13 h indiquait deja a qui il allait s addresser. A part les retraités qui est chez soi a regarder le journal TV de 13 h ?]

      La France provinciale, qui rentre déjeuner chez soi.

      [les LR parlent lors des campagnes électorale de repousser l’âge a 65 ans et la 1/3 disent que 64 c’est trop. Pas très cohérent non ?]

      Je ne suis pas d’accord avec vous. Je ne me souviens pas d’avoir vu les « frondeurs » LR écrire que « 64 ans c’est trop ». Le plus voyant d’entre eux, Pradié, fonde sa révolte sur le sort fait aux carrières longues, et non sur le recul de l’âge légal. Qui plus est, le vote de la motion de censure était moins un rejet de la loi qu’un vote sur la procédure employée. On peut parfaitement accepter un report à 64 ans, et trouver que le gouvernement abuse des instruments constitutionnels pour étouffer le débat.

      • cdg dit :

        [Ce n’est pas parce que vous parlez de quelque chose pendant votre campagne que vous avez mandat pour le faire. Quand Hollande dit « mon ennemi c’est la finance », doit on comprendre que son élection lui donne mandat pour faire la guerre à cet « ennemi » ?]
        Si vous faites campagne sur un thème, vous avez une légitimité pour appliquer les mesures que vous avez mentionnées. Sinon, vous ne faites plus rien ou vous la jouez à la chirac : des promesses pour vous faire élire et changement de cap dès elu
        Surtout que dans le cas de Macron c’est un des rares thèmes qu il a abordé. C est là la difference avec Hollande et le mariage homo qui apparaissait certes dans son programme mais qu il s etait bien gardé de mettre en avant durant la campagne
        En ce qui concerne “mon ennemi c est la finance”, tout le monde avait bien compris que c etait un effet d estrade et Hollande c etait bien gardé d evoquer une guerre a la finance avec des mesures concretes
         
         
        [La France provinciale, qui rentre déjeuner chez soi.]
        C etait vrai il y a 30 ans. C est de plus en plus rare, travail feminin oblige
        Si vous lisez https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/qui-regarde-le-journal-televise-de-13-h-ou-emmanuel-macron-va-sexprimer-sur-les-retraites-1f6177cc-c88d-11ed-a412-5cbed970d9f5 vous avez
        “Médiamat, l’âge moyen des téléspectateurs des journaux télévisés de la mi-journée est plutôt élevé : 59,1 ans sur TF1 et 63,3 ans sur France 2”

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Ce n’est pas parce que vous parlez de quelque chose pendant votre campagne que vous avez mandat pour le faire. Quand Hollande dit « mon ennemi c’est la finance », doit on comprendre que son élection lui donne mandat pour faire la guerre à cet « ennemi » ? » Si vous faites campagne sur un thème, vous avez une légitimité pour appliquer les mesures que vous avez mentionnées.]

          Si l’on suit ce raisonnement, alors Macron aurait une légitimité pour reporter l’âge de la retraite à 65 ans. Mais pas à 64, puisqu’il n’a jamais mentionné ce chiffre pendant sa campagne. Ou doit-on conclure que l’homme politique qui a mentionné une mesure pendant sa campagne est non seulement légitime pour l’appliquer, mais légitime pour la modifier à sa convenance ?

          Non : un homme politique qui a fait d’une mesure donnée une « mesure-phare » de son programme – ce qui n’est pas le cas dans l’espèce – peut à la rigueur bénéficier d’une présomption de légitimité à l’appliquer. Mais cette légitimité demande à être confirmée par une dialectique sociale, et au besoin par des actes politiques (vote parlementaire, référendum, etc.). Et au cours de ce processus, le « mandat » en question peut être modifié – comme par exemple, pour passer de 65 ans à 64 ans, dans le cas d’espèce – ou bien révoqué.

          Supposer le contraire revient à instituer un mandat impératif. Car si l’homme politique par le simple fait de son élection reçoit de ses électeurs un mandat pour mettre en œuvre une réforme, celle-ci ne saurait être modifiée ou omise sans trahir ce mandat.

          [Sinon, vous ne faites plus rien ou vous la jouez à la Chirac : des promesses pour vous faire élire et changement de cap dès élu]

          Vous voulez dire que Chirac aurait dû s’attaquer en priorité à la « fracture sociale » ? Car c’était là, souvenez-vous, le thème central de sa campagne… et pourtant on peut douter sérieusement que ce fut ce que ses électeurs voulaient le voir faire ! Il faut être lucide : dans une démocratie « avancée », les élections se jouent en général sur des petites différences. Autrement dit, l’homme politique qui veut être élu ne peut se contenter de la base électorale qui votera pour lui quoi qu’il dise. Son problème est de conquérir les électeurs flottants, qui sont peu nombreux, mais qui décident de l’élection. Et pour les conquérir, on leur promet des choses que la majorité ne veut pas mais qui est indispensable pour gagner les voix qui vous manquent. Une fois élu, le gouvernant doit-il tenir ces promesses, quitte à aller contre l’avis de la majorité des électeurs ? Ce serait donner à ces petites minorités un pouvoir disproportionné.

          C’est pour cela que Hollande déclare « mon ennemi est la finance », alors même que ce n’est pas le cas pour la plus grande partie de sa base électorale. Seulement, cette base aurait voté pour lui-même s’il avait dit le contraire. Seulement, une frange de l’électorat de gauche n’aurait pas voté pour lui s’il n’avait pas dit ça. Pensez-vous pour autant que Hollande avait un mandat populaire pour mettre la finance au pas ? Bien sur que non.

          [Surtout que dans le cas de Macron c’est un des rares thèmes qu’il a abordé.]

          Mais ce n’était pas le seul, ni le plus important. Le thème clé, celui qui l’a fait élire, c’est « je suis le seul à pouvoir barrer la route à Marine Le Pen ». Si Macron a reçu un mandat, c’est celui-là.

          [“Médiamat, l’âge moyen des téléspectateurs des journaux télévisés de la mi-journée est plutôt élevé : 59,1 ans sur TF1 et 63,3 ans sur France 2”]

          Autrement dit, la moyenne des auditeurs des journaux télévisés n’est pas retraitée (l’âge de départ moyen en France est de 64 ans)… QED

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *