Triste nuit

Comme disait la chanson de Reggiani, ce soir, je bois. Pas aux femmes qui ne m’ont pas aimé et aux enfants que je n’ai pas eu. Je bois pour rendre hommage à tous ces hommes grands et petits, connus et inconnus, décideurs et exécutants, intellectuels et manuels, qui se sont investis sans compter ont permis à la France de bénéficier de cet extraordinaire instrument qui est notre parc électronucléaire. Et je bois aussi pour leur demander pardon au nom de ma génération d’avoir si mal défendu leur héritage.

Cette nuit, on arrêtera définitivement le réacteur N°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim, mettant ainsi fin à 42 années de bons et loyaux services. 42 années pendant lesquelles il a démenti toutes les vaticinations de ses adversaires. On affirmait qu’il serait rapidement inexploitable, on constate aujourd’hui qu’il aurait pu aller jusqu’à 60 ans et peut-être même à 80. On prédisait qu’il ne serait jamais rentable, il a été amorti en 25 ans seulement. On tonnait que sa technologie n’était pas fiable et qu’elle serait tout le temps en panne, elle a produit avec un taux de disponibilité qui a toujours dépassé les 70%. Et l’accident toujours « inéluctable » qui était le grand espoir des écologistes n’a jamais eu lieu. Fessenheim-1 prendra donc sa retraite avec 42 annuités de bons et loyaux services.

Il y a quelque temps j’avais essayé dans un de mes papiers de répondre à la question de savoir pourquoi nous ne pouvions pas nous payer aujourd’hui ce que nous pouvions nous payer hier (des services publics de qualité, une recherche de premier niveau, un système éducatif qu’on nous enviait). Une des raisons, c’est la monstrueuse destruction de valeur, c’est-à-dire, la multiplication de dépenses parfaitement inutiles consenties pour satisfaire tel ou tel prejugé, tel ou tel intérêt particulier. Et bien, la fermeture de Fessenheim donne un exemple magnifique de ce gaspillage. Car fermer un réacteur trente ans trop tôt, c’est une perte de production de quelque 6,5 Md€ aux prix actuels de l’électricité. Même en tenant compte des frais d’exploitation et des investissements nécessaires, on jette tout de même par la fenêtre quelque 4 Md€.

Mais pourquoi, mon dieu, pourquoi ? Quelle est la rationalité de cette décision ? Quel est le lobby qui  en bénéficie ? Le plus triste, c’est que la réponse est « personne ». Ici, ce n’est pas un intérêt particulier qui s’est imposé à l’intérêt général, c’est un préjugé irrationnel. L’arrêt de Fessenheim a toutes les caractéristiques du sacrifice antique, c’est-à-dire, de la destruction inutile de valeur avec pour but avoué de contenter les dieux, et pour but inavouable de montrer sa richesse et sa puissance.

Ce sacrifice, c’est François Hollande – ou pour être plus précis Martine Aubry, qui négocie avec les écologistes en leur nom – qui l’accorde pour pouvoir compter sur les voix des « verts ». Etant donné le faible poids électoral des écologistes en France, on peut s’interroger sur l’intérêt d’une telle concession. Ce serait oublier que si les écologistes commandent peu de voix, leur pouvoir de nuisance philosophique et surtout médiatique est considérable. Il faut dire que François Hollande n’a rien inventé. Lionel Jospin, en 1997, avait lui aussi sacrifié Superphénix sur l’autel écologiste. Et en 1997 comme en 2012, on se trouve devant une décision qui n’a d’autre rationalité que politique. Dans les deux cas, elle ne repose pas sur une quelconque analyse économique ou technique. Aucun parmi les différents ministres chargés de l’énergie qui se sont succédés depuis n’a été capable d’articuler un discours qui ne soit une répétition de clichés du genre « 75% d’électricité nucléaire c’est trop » ou « le nucléaire empêche le développement des renouvelables » (1).

Mais pourquoi les successeurs de François Hollande, qui n’ont pas été élus avec les voix écologistes, s’efforcent de tenir ses promesses ? D’abord, parce qu’il faut du courage pour aller contre les idées reçues. Ensuite, parce que nos écologistes font une fixette sur le nucléaire. Et en fermant Fessenheim, le gouvernement achète la bienveillance des écologistes – et obtient ainsi des marges de manœuvre pour ne rien faire dans d’autres domaines. Et puis, cela ne coûte rien… du moins en apparence. Les conséquences ne se feront sentir que bien plus tard, quand l’équipe actuelle aura quitté le pouvoir.

En tout cas, cette affaire démontre une fois de plus combien qualifier nos gouvernements de « technocratiques » est mensonger. Un véritable gouvernement de « technocrates » n’aurait jamais arrêté la centrale de Fessenheim. Si elle s’arrête aujourd’hui, c’est précisément parce que contrairement à ce qu’on nous raconte tous les jours, ce n’est pas la rationalité technique qui commande les décisions. Non seulement le technicien ne gouverne pas – en réalité, il n’a jamais vraiment gouverné en France – mais il n’est même plus écouté par ceux qui gouvernent.

C’est Camus je crois qui écrivait « « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Et pourtant, malgré nos efforts, notre monde se défait sous nos yeux, de la main de mouvements politiques qui tirent fierté non pas d’avoir construit quelque chose, mais de l’avoir arrêtée, démantelée, supprimée.

Descartes

(1) Elizabeth Borne, notre ministre chargé de l’énergie, a ajouté l’insulte à l’injure en affirmant en cette journée si particulière que “il n’y aura aucune perte d’emplois” à Fessenheim. Ce gouvernement n’a toujours pas réussi à comprendre que des gens puissent être affectés ou se battre pour des considérations qui dépassent leurs petits intérêts personnels. On l’a vu avec le débat sur le statut de la SNCF (“seuls les nouveaux embauchés seront touchés, vous n’avez rien à craindre”), avec les retraites (la fameuse “clause du grand père”) et maintenant avec Fessenheim…

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130 réponses à Triste nuit

  1. cording dit :

    Le démantèlement de Fessenheim est aussi un cadeau fait aux luxembourgeois mais surtout aux Allemands qui ont renoncé unilatéralement au nucléaire civil.

    • Descartes dit :

      @ cording

      [Le démantèlement de Fessenheim est aussi un cadeau fait aux luxembourgeois mais surtout aux Allemands qui ont renoncé unilatéralement au nucléaire civil.]

      N’allons pas chercher les coupables ailleurs. Les écologistes allemands ont toujours eu Fessenheim dans le collimateur, mais leur pouvoir de nuisance chez nous est très limité. Et les Luxembourgeois se soucient de Cattenom, pas de Fessenheim. Non, l’arrêt de Fessenheim est un cadeau – le mot “sacrifice” au sens antique du terme est plus adapté à mon avis – à usage interne. Je pense d’ailleurs que les espoirs du gouvernement que ce geste lui donneront un petit vernis écolo risquent d’être amèrement déçus. La fermeture de la centrale ne contentera pas les écolos, qui demanderont toujours plus, et risque de réveiller l’opinion publique au fait qu’on saccage son héritage.

  2. Gugus69 dit :

    Mon cher ami et camarade, vous le savez comme moi : aussi antinucléaires soient-elles, nos “élites” se heurteront à la réalité. On ne peut pas se passer de notre production électronucléaire. Point barre. Sans elle, rupture d’alimentation !
    Alors, menons le combat pour imposer l’achèvement et la mise en service de l’EPR de flamanville. Car davantage que l’arrêt d’un vieux réacteur, je crains l’échec du nouveau. Ce serait infiniment pire.
    Car hors de l’Europe occidentale, le nucléaire progresse et se modernise.
    Après avoir été, nous Français, à l’avant-garde dans les années soixante-dix du dernier siècle, serons-nous les largués de la production énergétique décarbonée du XXIe siècle ?
    Pour nous aider heureusement, il y a les besoins en électricité qui ne baisseront pas, et la sagesse du peuple français dont les enquêtes d’opinion montrent qu’il n’approuve pas, dans sa majorité, la fermeture de nos centrales.
    Vous qui êtes un excellent connaisseur et vulgarisateur de ces questions, votre rôle est important.
    Il faut sauver et promouvoir la filière électronucléaire française. Dans l’intérêt de la France, des Français, et de l’environnement en Europe que les Allemands, les Polonais et les Danois sont en train de ravager avec leurs centrales à charbon !

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Mon cher ami et camarade, vous le savez comme moi : aussi antinucléaires soient-elles, nos “élites” se heurteront à la réalité. On ne peut pas se passer de notre production électronucléaire. Point barre. Sans elle, rupture d’alimentation !]

      Vous êtes trop optimiste. Il y a des pays qui n’ont pas de nucléaire, et qui arrivent quand même à alimenter leur population. Bien sûr, ils émettent dix fois plus de gaz à effet de serre, et l’électricité est chez eux deux ou trois fois plus chère que chez nous. Mais si on accepte ces contraintes, on y arrive.

      [Alors, menons le combat pour imposer l’achèvement et la mise en service de l’EPR de Flamanville.]

      Oui, mais isoler Flamanville dans nos combats ne sert à rien. On l’a bien vu : il est difficile de maintenir les savoir-faire et les compétences lorsqu’on ne construit rien pendant des années. Si la logique est de construire un réacteur tous les vingt ans, on ira de désastre en désastre, tout simplement parce qu’on aura perdu – et le cas de Flamanville le montre – la technicité nécessaire à la réalisation de ces objets. Ou alors on les fera construire par les Russes ou les Chinois qui, parce qu’ils réalisent toujours des infrastructures complexes, ont conservé cette technicité.

      Imaginez-vous de jeunes ingénieurs, techniciens, ouvriers s’engager dans le domaine nucléaire et acquérir les compétences qu’il faut alors qu’on leur explique que l’industrie nucléaire va sur sa fin, qu’on ne construira qu’au compte-gouttes et qu’on arrêtera rapidement l’existant ? Avec un tel discours, on les attirera peut-être vers l’industrie du démantèlement, mais certainement pas vers le domaine de la construction nucléaire.

      Moins que le « combat pour l’achèvement de Flamanville », le véritable combat aujourd’hui est celui pour le lancement d’un programme de constructions pour remplacer le parc existant. Et ce combat, on n’est pas près de le gagner.

      [Car davantage que l’arrêt d’un vieux réacteur, je crains l’échec du nouveau. Ce serait infiniment pire.
      Car hors de l’Europe occidentale, le nucléaire progresse et se modernise.]

      Même en Europe, les britanniques ont un plan largement plus ambitieux que le nôtre. Et ce n’est pas une coïncidence si cela arrive dans le pays qui est sorti de l’UE. Parce qu’il faut le dire haut et fort, le nucléaire suppose l’existence de politiques énergétiques de très long terme et des opérateurs publics solides, exactement le contraire du marché « libre et non faussé » qu’impose la Commission européenne.

      [Après avoir été, nous Français, à l’avant-garde dans les années soixante-dix du dernier siècle, serons-nous les largués de la production énergétique décarbonée du XXIe siècle ?]

      C’est en tout cas ce qui se prépare.

      [Pour nous aider heureusement, il y a les besoins en électricité qui ne baisseront pas, et la sagesse du peuple français dont les enquêtes d’opinion montrent qu’il n’approuve pas, dans sa majorité, la fermeture de nos centrales.]

      Certes, mais qui ne se bat pas non plus pour les garder. Malheureusement, ce sont les classes intermédiaires qui dominent le champ idéologique, et l’idéologie dominante rejette tout ce qui implique une infrastructure centralisée et un Etat fort. Parce qu’il faut comprendre que derrière le discours sur le « danger nucléaire », c’est cela qui se joue. L’écologie politique défend un idéal de société « communautaire », ou chacun produit SON énergie, composte SES déchets, cultive SES légumes, éduque SES enfants et tire l’eau de SON puits. L’écologie apparaît chez nous comme un rejet des collectivités impersonnelles – et au premier rang d’elles, la nation. D’où l’insistance sur le « local » et le « communitaire », c’est-à-dire, les collectivités où ce sont les rapports individuels et personnels qui priment. C’est pourquoi l’écologie c’est l’artisanat plutôt que l’industrie. Et dans ce contexte, le nucléaire est le concentré de tout ce que les écologistes ne veulent pas.

      [Vous qui êtes un excellent connaisseur et vulgarisateur de ces questions, votre rôle est important.
      Il faut sauver et promouvoir la filière électronucléaire française. Dans l’intérêt de la France, des Français, et de l’environnement en Europe que les Allemands, les Polonais et les Danois sont en train de ravager avec leurs centrales à charbon !]

      Sachez que c’est le combat de ma vie. Mais ce matin, je me sens si fatigué…

      • Gugus69 dit :

        —Vous êtes trop optimiste. Il y a des pays qui n’ont pas de nucléaire, et qui arrivent quand même à alimenter leur population. —

        Parce que les réseaux européens sont interconnectés, tout le monde utilise la production de tout le monde. Même les pays sans nucléaire… utilisent le nôtre.
        Mais justement, l’effacement de la production française serait une catastrophe pour tous les pays environnants.

      • CVT dit :

        @Descartes,
        [L’écologie apparaît chez nous comme un rejet des collectivités impersonnelles – et au premier rang d’elles, la nation. D’où l’insistance sur le « local » et le « communitaire », c’est-à-dire, les collectivités où ce sont les rapports individuels et personnels qui priment. C’est pourquoi l’écologie c’est l’artisanat plutôt que l’industrie. Et dans ce contexte, le nucléaire est le concentré de tout ce que les écologistes ne veulent pas.]

        Bah, si on prend l’expression de Hobbes au pied de la lettre, l’écologie n’est jamais qu’une métaphore de l’état de nature, non? Après tout, c’est cohérent avec l’idéologie du retour à la nature…

        Je pensais faire un hors-sujet, mais je me demande si je suis vraiment si loin du compte que cela: l’idéologie écolo poussée par le “bloc bourgeois” (que vous appelez “bloc dominant”), est contre-productive d’un point de vue capitaliste, car elle empêche une utilisation optimale des moyens de productions (i.e. elle aboutit à augmenter ARTIFICIELLEMENT le prix de l’électricité), et donc elle provoque une hausse du prix à la production. Et pourtant, depuis l’an dernier, c’est un véritable blitzkrieg, entre les grèves “école buissonnière” suscitées par l’égérie G.Thunberg, le soi-disant réchauffement climatique (devenu un vague changement climatique…), toutes les politiques générales sont impulsées par l’idéologie écolo, alors qu’elle est ultra-minoritaire chez les électeurs, et qu’elle est une cause OBJECTIVE d’appauvrissement des plus précaires.
        Comment une idéologie aussi NOCIVE, à la fois pour les capitalistes conséquents et les plus pauvres, peut-elle avoir autant pignon sur rue?
        Je pensais poser également cette question dans le cadre des “quotas” de parité homme-femme ou de diversité en entreprise, dont je pense qu’ils sont contre-productifs, puisqu’on élimine ARBITRAIREMENT des éléments méritants pour faire de la place à des éléments supposés plus “représentatifs”, et ce potentiellement au détriment de la productivité des entreprises…
        Pour moi qui croyais que l’une des rares vertus du capitalisme était son cynisme, j’en suis pour mes frais…

        • Descartes dit :

          @ CVT

          [Bah, si on prend l’expression de Hobbes au pied de la lettre, l’écologie n’est jamais qu’une métaphore de l’état de nature, non? Après tout, c’est cohérent avec l’idéologie du retour à la nature…]

          Oui, mais c’est le retour à l’état de nature mâtiné par le bon sauvage de Rousseau. En d’autres termes, un état de nature idyllique dans lequel, débarrassés de la « société » faite de collectivités impersonnelles – et donc de la nation et de l’Etat qui est son bras armé – les hommes seraient spontanément bons les uns envers les autres. La « communauté » des écologistes est constituée de gens qui tendent spontanément au bien commun. On est très loin du cynisme – ou plutôt du réalisme – hobbesien.

          [Je pensais faire un hors-sujet, mais je me demande si je suis vraiment si loin du compte que cela: l’idéologie écolo poussée par le “bloc bourgeois” (que vous appelez “bloc dominant”), est contre-productive d’un point de vue capitaliste, car elle empêche une utilisation optimale des moyens de productions (i.e. elle aboutit à augmenter ARTIFICIELLEMENT le prix de l’électricité), et donc elle provoque une hausse du prix à la production.]

          Oui et non. Il faut se souvenir que le bloc bourgeois n’est pas homogène. L’idéologie écologiste opère un transfert de pouvoir et donc de richesse entre la bourgeoisie industrielle « nationale » et la bourgeoisie financière « mondialisée ». Oui, les politiques écologiques font augmenter les prix de l’électricité. Mais la bourgeoisie financière n’en a cure, puisque sa production se fait ailleurs, dans des pays ou le bas coût de la main d’œuvre compense largement les coûts de l’énergie. Sans compter sur le fait que les subventions aux renouvelables sont payés non pas par l’industrie, mais par les consommateurs domestiques.

          [Et pourtant, depuis l’an dernier, c’est un véritable blitzkrieg, entre les grèves “école buissonnière” suscitées par l’égérie G.Thunberg, le soi-disant réchauffement climatique (devenu un vague changement climatique…), toutes les politiques générales sont impulsées par l’idéologie écolo, alors qu’elle est ultra-minoritaire chez les électeurs, et qu’elle est une cause OBJECTIVE d’appauvrissement des plus précaires.]

          C’est plus complexe que ça : ce n’est pas parce que le DISCOURS est « impulsé par l’idéologie écolo » que les POLITIQUES mises en œuvre le sont. Comme toute église, l’écologie a ses tartufes. Tout le monde enlève son chapeau devant G. Thunberg et cherche à se faire photographier avec elle, mais le poids de son discours sur les politiques effectivement mises en œuvre est faible. Tout au plus on aboutit à des politiques « sacrificielles » qui consistent à jeter l’argent par les fenêtres pour montrer combien on est « écologique » (l’Union européenne est en pointe dans ce domaine). Mais dès lors qu’il s’agit de toucher les intérêts des charbonniers, par exemple, tout s’arrête.

          [Comment une idéologie aussi NOCIVE, à la fois pour les capitalistes conséquents et les plus pauvres, peut-elle avoir autant pignon sur rue?]

          C’est une très bonne question. Même si l’on peut répondre en disant que cette idéologie n’est pas si nocive que ça pour le capitalisme financier – et c’est lui qui aujourd’hui domine la scène – on peut se demander comment une idéologie si négative peut s’imposer dans l’espace public jusqu’à déplacer toutes les autres. A cela il y a plusieurs explications. D’abord, il y a la sortie ratée de la guerre froide : si les anticommunistes ont réussi à chasser les idéologies qui ont mobilisé pendant un siècle le mouvement ouvrier, ils n’ont pas réussi à trouver une idéologie « positive » de substitution. Toutes les tentatives de proposer des « lendemains qui chantent » capitalistes ont échoué. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé : pendant vingt ans, on a prétendu successivement que notre avenir était la construction européenne, la société multiculturelle et multiraciale, la « fin de l’histoire » façon Fukuyama. Aucune n’a réussi à s’installer durablement, et on comprend pourquoi : la guerre froide n’a pas été gagnée par des démocrates amoureux de la liberté et du partage des richesses, mais par des forces qui ont combattu le communisme tout simplement parce qu’il menaçait leurs intérêts. Et ces forces ont profité de leur victoire pour reprendre tout ce qu’elles avaient dû concéder au monde du travail pendant un siècle. Difficile de construire une idéologie « positive » pour accompagner un si formidable recul.

          C’est pourquoi, pour organiser la société, le capitalisme ne génère que des idéologies négatives, qui promettent non pas des « lendemains qui chantent », mais au contraire de terribles catastrophes auxquelles on ne peut échapper – du moins partiellement – qu’en allant plus loin dans la voie des libéraux-libertaires. C’est ainsi qu’il faut comprendre la mutation de la promesse « l’Europe est notre avenir » en la très négative « Europe qui protège », la multiplication des discours terroristes façon Thunberg quand ce n’est pas de la « collapsologie » pure et simple.

          En tuant le communisme, les guerriers froids ont tué aussi l’optimisme et l’espoir d’un monde meilleur. Et on n’a pas fini d’en voir les conséquences.

          [Je pensais poser également cette question dans le cadre des “quotas” de parité homme-femme ou de diversité en entreprise, dont je pense qu’ils sont contre-productifs, puisqu’on élimine ARBITRAIREMENT des éléments méritants pour faire de la place à des éléments supposés plus “représentatifs”, et ce potentiellement au détriment de la productivité des entreprises…
          Pour moi qui croyais que l’une des rares vertus du capitalisme était son cynisme, j’en suis pour mes frais…]

          Je peux vous rassurer, le cynisme est toujours là. C’est pourquoi les discours sont une chose, et la pratique une autre. On a imposé des « quotas » là ou le capitalisme ne craint rien. Après tout, qu’est-ce que le capital a à foutre que les bancs des conseils régionaux ou les ministères soient occupés par des incompétents ? Mais votre remarque met en évidence un point intéressant: si la bourgeoisie contrôle les moyens de production, ce sont les classes intermédiaires qui contrôlent l’idéologie. Et si ces deux groupes ont globalement des intérêts coïncidents aujourd’hui, ils ont sur certains points des intérêts divergents…

  3. Trublion dit :

    Bonjour Descartes

    Vous écrivez “Ici, ce n’est pas un intérêt particulier qui s’est imposé à l’intérêt général, c’est un préjugé irrationnel.”

    C’est un peu plus compliqué. Cette décision fait des gagnants.
    D’abord Engie et Total car leur business du gaz pourra prospérer sur les ruines du nucléaire français. Les EnRI ont besoin de back-up. Et avec la construction en catimini de la centrale gaz de landivisiau on voit bien
    Ensuite Bruxelles et l’Allemagne. Il y a beaucoup de gens tous aussi dogmatiques qu’EELV chez les libéraux, et la présence d’un monopole est un affront pour eux. Fessenheim n’est qu’une étape de plus dans le démantèlement d’EDF.

    PS : avez-vous reçu mes derniers messages sur votre email ?

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Cette décision fait des gagnants. D’abord Engie et Total car leur business du gaz pourra prospérer sur les ruines du nucléaire français. Les EnRI ont besoin de back-up. Et avec la construction en catimini de la centrale gaz de Landivisiau on voit bien.]

      Franchement, je n’ai aucune connaissance – et je connais bien le milieu – que Total et Engie aient fait le moindre lobbying pour pousser à l’arrêt du nucléaire en France. Et cela pour une raison simple : produire de l’électricité n’est pas une bonne affaire. L’époque où l’on pouvait s’enrichir en produisant de l’électricité n’est qu’un lointain souvenir. La raison, c’est que l’électricité est devenu un bien essentiel, et à ce titre son prix est très contrôlé, et très proche du coût marginal de production. On peut faire des affaires dans l’éolien ou le solaire, parce que ce sont des économies de subvention, mais dans la production « classique », tout le monde perd de l’argent. Ce n’est pas par hasard si la plupart des grands électriciens européens – mais aussi américains – sont en difficulté.

      L’exemple de la centrale de Landivisiau est d’ailleurs emblématique : malgré les subventions – l’Etat paye parce qu’il faut une centrale pour soutenir le réseau breton, qui n’a pas d’unité de production sur place – la construction de cette unité on ne peut plus classique traîne depuis des années. Parce qu’au fond, personne n’a trop envie de la faire. Aujourd’hui, l’argent ne se trouve pas dans la production d’électricité ou dans la distribution de gaz, mais dans les « services énergétiques ». Total et Engie investissent massivement sur ces sujets.

      [Ensuite Bruxelles et l’Allemagne. Il y a beaucoup de gens tous aussi dogmatiques qu’EELV chez les libéraux, et la présence d’un monopole est un affront pour eux. Fessenheim n’est qu’une étape de plus dans le démantèlement d’EDF.]

      Tout à fait. Mais là encore, il n’y a pas vraiment de « gagnants ». C’est un pur sacrifice à une idéologie.

      [PS : avez-vous reçu mes derniers messages sur votre email ?]

      Le dernier que j’aie reçu date d’octobre dernier.

  4. Marcailloux dit :

    Bonjour, . . . . . si l’on peut dire !

    [« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »]

    Je me permets d’ajouter en codicille la suite du discours de Camus qui me parait, plus encore que cette citation, refléter le durable et inquiétant état de déliquescence de notre société.

    “Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C’est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond,
    je voudrais reporter l’honneur que vous venez de me faire”.

    Cependant, et c’est une félicité réconfortante, des résistances subsistent et se développent, votre blog en est un exemple. Jean Daniel qui vient de nous quitter, ami et mentor de Camus, enseignait qu’il faut toujours penser contre soi-même, prendre en considération la parole de ses adversaires (ou de ses contradicteurs, c’est moi qui ajoute). C’est ce qui se passe ici et c’est en soit rassurant .
    Pour ce qui est de Fessenheim, je vous invite à positiver. Une erreur s’avère toujours tôt ou tard et ce sont nos erreurs qui nous enseignent, c’est pourquoi elles n’ont pas que des effets négatifs.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je me permets d’ajouter en codicille la suite du discours de Camus qui me parait, plus encore que cette citation, refléter le durable et inquiétant état de déliquescence de notre société. (…)]

      Magnifique page, en effet. Je ne suis pas sûr que nous la lisions avec les mêmes yeux que Camus, et que ses paroles évoquent chez nous les mêmes dangers auxquels il pensait. Mais il donne une idée de ce qu’était l’état d’esprit à l’époque, et combien il a changé depuis. Je ne suis pas persuadé que notre génération, comme celle de Camus, soit « prête à mourir sans haine » pour gagner « le pari de la vérité et la liberté ».

      [Cependant, et c’est une félicité réconfortante, des résistances subsistent et se développent, votre blog en est un exemple.]

      Bien maigre…

      [Jean Daniel qui vient de nous quitter, ami et mentor de Camus, enseignait qu’il faut toujours penser contre soi-même, prendre en considération la parole de ses adversaires (ou de ses contradicteurs, c’est moi qui ajoute).]

      D’abord, je ne pense pas que Jean Daniel ait été le « mentor » de Camus. Camus était presque dix ans plus vieux que lui, et ils ne se rencontreront qu’à la fin de la guerre, quand Camus a déjà 35 ans. C’est Daniel qui a été marqué par Camus, et non l’inverse. Par ailleurs, je dois vous dire que Daniel n’est pas saint de ma dévotion, et que son action a beaucoup contribué à « défaire le monde ». Quant à l’idée qu’il faut « penser contre soi-même », le moins qu’on puisse dire est que Jean Daniel ne la pas beaucoup pratiqué dans sa vie. Je ne connais pas un seul texte de lui par exemple dans lequel il remette en cause son anticommunisme viscéral, par exemple. Difficile d’imaginer un penseur plus conformiste, plus figé dans ses certitudes que Jean Daniel. Si quelqu’un porte le mérite d’avoir appelé à « penser contre lui-même »… ce serait plutôt Descartes, et son « doute systématique ».

      [C’est ce qui se passe ici et c’est en soit rassurant.]

      Je vous remercie. C’est bien l’esprit de ce blog que de « penser contre soi-même ». Et c’est pourquoi vous trouverez dans mes papiers un refus de diaboliser ceux qui ne pensent pas comme moi. J’ajoute que cela m’a beaucoup été reproché, certains allant jusqu’à m’accuser de sarkozysme ou de lépénisme, simplement parce que je me refuse à les diaboliser.

      [Pour ce qui est de Fessenheim, je vous invite à positiver. Une erreur s’avère toujours tôt ou tard et ce sont nos erreurs qui nous enseignent, c’est pourquoi elles n’ont pas que des effets négatifs.]

      D’abord, les erreurs n’enseignent qu’à ceux qui sont prêts à les admettre, et je ne crois pas que ce soit dans l’air du temps, puisque chacun est supposé détenir SA vérité à défaut de détenir LA vérité. Ensuite, l’apprentissage implique un minimum de curiosité. Or, la curiosité est la qualité la moins répandu aujourd’hui dans l’espace public, et celle qui nous manque le plus. Nos élites aujourd’hui n’ont pas du tout envie de comprendre, elles plaquent leurs préjugés sur la réalité. Et c’est pourquoi elles ne peuvent pas apprendre de leurs erreurs.

      Oui, on tirera peut-être les conclusions de cette « erreur » dans vingt ou trente ans. Mais il sera alors trop tard.

      • Marcailloux dit :

        [D’abord, je ne pense pas que Jean Daniel ait été le « mentor » de Camus.]

        En effet. Où suis-je allé chercher ça ? ? ?
        A 6h30 le café n’était pas encore avalé ! Voila.

      • yoann dit :

        [Or, la curiosité est la qualité la moins répandu aujourd’hui dans l’espace public, et celle qui nous manque le plus]

        Et quand on tente d’expliquer aux gens quelques réalités industriels on se retrouve fasse a un mur infranchissable. J’ai des collègues qui m’expliquait que la voiture à air comprimé était le future mais que c’était bloqué par “les industriels” (évidement le concept de produire de l’énergie pour comprimer l’air les dépasses autant que le concept de brevet). Ou l’hydrogène c’est le future (mais la production d’électricité n’entre pas dans le débat, car l’hydrogène vient de nul part).

        Deux discussions autour d’un café ou je me suis un peu emporté au boulot… Le niveau des collègue : bac +3 à bac+5, en science…

        • Descartes dit :

          @ yoann

          [Et quand on tente d’expliquer aux gens quelques réalités industriels on se retrouve fasse a un mur infranchissable. J’ai des collègues qui m’expliquait que la voiture à air comprimé était le future mais que c’était bloqué par “les industriels” (évidement le concept de produire de l’énergie pour comprimer l’air les dépasses autant que le concept de brevet). Ou l’hydrogène c’est le future (mais la production d’électricité n’entre pas dans le débat, car l’hydrogène vient de nul part).]

          Que voulez-vous, quand on veut croire, même le mouvement perpétuel devient possible.

  5. Laurent dit :

    Bonjour , je me permet de retranscrire un extrait du livret vert du mouvement politique Osez la France.

    “Depuis François Hollande, qui a installé dans le débat politique le terme
    de « transition énergétique », celle-ci a une incarnation symbolique : la fermeture
    de la centrale nucléaire de Fessenheim. L’objectif affiché d’une diminution de la
    part du nucléaire dans le mix énergétique français est devenue tellement
    importante dans le débat public qu’une part croissante des Français la rattache
    à la lutte contre le réchauffement climatique. 44% des français croient que le
    nucléaire contribue beaucoup à l’effet de serre, et l’on monte à 63% sur la tranche
    18-24 ans16. C’est totalement inexact.
    Il ne sert à rien d’agiter le risque de fin du monde si l’on ne rappelle pas
    les enjeux et l’objectif de la lutte contre le réchauffement climatique.
    Qu’on soit pour ou contre le nucléaire, débat obsessionnel et clivant
    de la politique française, celui-ci contribue à des émissions de CO2 très
    faibles par rapport à celles des énergies fossiles, y compris en tenant compte
    du cycle complet (construction, extraction du combustible, enrichissement,
    démantèlement et gestion des déchets), et donc ce débat est distinct de celui de
    la lutte contre l’effet de serre. En d’autres termes, si l’on souhaite parler d’une
    transition énergétique permettant à la France de remplir ses objectifs ambitieux
    en matière de lutte contre le réchauffement climatique, il faut d’ores et déjà
    distinguer le débat sur l’électricité de celui sur l’énergie, en privilégiant le second.
    Tout d’abord, l’électricité ne représente qu’une (petite) fraction de la
    production et de la consommation française. Certes, le nucléaire correspond à
    72% de notre production électrique mais celle-ci ne pesait en 2015 que 22,9%
    de la consommation énergétique finale du pays. Le nucléaire ne représente donc
    que 16,5% du sujet énergétique. Les éoliennes et le solaire, dont on parle
    beaucoup dans les médias, ont une influence encore plus modeste puisqu’avec
    respectivement 5,1% et 1,9% de l’électricité, elles pèsent 1,2% et 0,4% de notre
    consommation énergétique. Le reste de notre consommation vient des produits
    pétroliers (45,1%), du gaz (19,1%), voire du charbon (3,3%)
    Lorsqu’on parle de transition énergétique pour diminuer les émissions de
    CO2, il faut donc réaliser que l’électricité est un débat très mineur si l’on
    s’intéresse à l’énergie finale. Plus de 30 % des émissions proviennent des
    transports routiers, transport individuel et de marchandises, plus de 20 % du
    bâtiment résidentiel et tertiaire. Pour sa part, la production d’électricité est
    responsable de 11 % des émissions. Les actions prioritaires pour parvenir à
    diminuer les émissions de CO2 doivent donc sans ambiguïté cibler le transport
    et le bâtiment.
    On comprendra donc pourquoi la transition énergétique prônée par les
    gouvernements qui se sont succédés depuis 2012 est un contre-sens
    écologique total. Ces derniers n’ont eu de cesse de présenter la transition
    énergétique sous la forme d’une réduction substantielle du nucléaire au profit de
    nouvelles énergies renouvelables (photovoltaïque, éoliennes…) alors que ce
    sujet n’a rien à voir avec la lutte contre le réchauffement climatique.

    La transition énergétique promue par l’écologisme est un gouffre financier

    Non seulement la politique actuelle de transition électrique est inefficace
    mais en plus elle absorbe les moyens disponibles pour véritablement agir contre
    le réchauffement climatique. On estime que près de 70% des sommes
    disponibles pour la transition énergétique sont mobilisés pour modifier la
    ventilation intérieure de 18,1% de notre panier énergétique18, sans que d’ailleurs
    cette recomposition ne puisse avoir le moindre effet sur le CO2 émis au niveau
    de la France, puisque le nucléaire, comme l’éolien ou le solaire sont déjà
    décarbonés.
    Sur près de 20 ans, cette politique qui n’a aucun intérêt environnemental
    a eu un coût budgétaire exorbitant.
    Le premier rapport du comité de gestion des charges de service public de
    l’énergie a chiffré entre 138 et 149 milliards d’euros le coût total des
    engagements pris par l’État entre le début des années 2000 et la fin 2018 en
    matière de dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques et de
    cogénération au gaz naturel en métropole continentale.
    Dans cet ensemble, 40 milliards correspondent au coût du soutien des
    contrats photovoltaïques signés avant 2010 et la publication d’un moratoire
    suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par le secteur
    photovoltaïque définie par le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000. Le
    rapport du comité de gestion des charges service public de l’énergie
    rappelle que « les soutiens engagés avant le moratoire de 2010 […] ont
    mené à la création d’une bulle spéculative et pèsent encore aujourd’hui
    pour près de 25 % des charges de SPE en 2019 ». Cette bulle spéculative
    nous en payons le prix. Et ce prix est exorbitant. Sur les 40 milliards d’euros
    en jeu, 15 ont été payés et 25 restent à payer

    • Descartes dit :

      @ Laurent

      [Bonjour , je me permet de retranscrire un extrait du livret vert du mouvement politique Osez la France.]

      Texte pertinent, et qui rappelle très factuellement les fondamentaux du problème. Pour ceux qui ne le savent pas, “Oser la France” est le petit mouvement politique fondé par Julien Aubert, député LR du Vaucluse, qui est chez LR l’homme qui a le plus travaillé sur les sujets énergétiques. Un des rares députés qui sait de quoi il parle.

      Ce que son texte met en évidence, c’est le caractère “sacrificiel” de notre politique énergétique. Celle-ci n’est pas fondée sur la réalité, mais sur des injonctions de nature quasi-religieuse. Le “développement des renouvelables” est un bien en soi, et on sacrifie à ce développement des sommes absolument colossales pour des résultats infimes. On décrète qu’il faut “réduire la part du nucléaire” comme si c’était une évidence, en nous expliquant que 75% “c’est trop” mais que “50% c’est bon”. Et pourquoi pas 60% ou 40% ?

  6. Luc dit :

    Bonjour cher Descartes ,Je partage cette amertume , je l’ai ressassé toute la nuit..Quel gâchis , une fois de plus orchestré par des dirigeants contre leur propre peuple, et nos voisins , tous malades des rejets de CO2 ,fous, imposés par les dirigeants allemands.
    Ne pensez vous pas que cette grave erreur des Macronards , peut servir de tremplin d’envol pour Sarkozy ,piaffant d’impatience , pour un retour victorieux en 2022,au vu des sondages qui lui sont favorables ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Ne pensez vous pas que cette grave erreur des Macronards peut servir de tremplin d’envol pour Sarkozy, piaffant d’impatience, pour un retour victorieux en 2022, au vu des sondages qui lui sont favorables ?]

      Je ne sais pas. Je ne crois pas que l’opinion française soit très sensible à ces questions. Mais il est clair que Sarkozy restera le dernier président a avoir osé affronter frontalement le lobby antinucléaire. Et que beaucoup de gens – moi parmi eux – n’y sont pas insensibles.

  7. Philippe Dubois dit :

    Bonjour Descartes

    Comme vous, je suis atterré par cette décision, que j’aurais tendance à assimiler à de la haute trahison :
    Décision contraire à l’intérêt de la France, prise par des politiciens sans scrupules uniquement pour acheter des voix ou se donner une image flatteuse auprès d’un lobby nuisible mais très remuant et bien relayé par les médias.
    Or, la vraie fonction du politique est de rendre possible ce qui est nécessaire

    En effet, plus je réfléchis, plus je pense que les politiciens qui se sont succédé au pouvoir depuis quelques décennies mériteraient d’être jugés, et particulièrement la clique de nuisibles qui squatte actuellement les palais de la république.

    En ce qui concerne le gouvernement de technocrates, je ferais la différence entre
    – technocrate : qui croît tout savoir sur tout et pour qui c’est la réalité qui a tort quand il s’est planté
    – technicien : qui sait ET qui possède l’humilité nécessaire pour se corriger lorsqu’il voit qu’il s’est engagé dans une solution inadaptée

    • Descartes dit :

      @ Philippe Dubois

      [Comme vous, je suis atterré par cette décision, que j’aurais tendance à assimiler à de la haute trahison :]

      Personnellement, je trouve que c’est une décision stupide, ce qui au fond est beaucoup plus grave. La haute trahison impliquerait au moins une action réfléchie, et donc une capacité à réfléchir. Non, on est ici en présence d’une décision purement stupide, ou chaque ministre a suivi la pente marquée par son prédécesseur sans que personne à un moment ou un autre ne se pose des questions. C’est pour moi un exemple flagrant d’inertie politique : ce qui au départ était un accord électoral devient une décision d’Etat non pas parce que ceux qui la prennent y croient, mais parce que personne n’a la sagesse d’écouter ceux qui s’y connaissent, et surtout le courage de dire « non ».

      Je n’imagine pas un instant que Macron, Kohler ou même Borne soient convaincus que SUR LE FOND l’arrêt de Fessenheim est une bonne idée. Mais personne n’osera – et cela en dit long sur le courage de nos gouvernants – le dire. Parce que c’est plus facile de suivre le cour de l’eau, on se trouve des prétextes, on se dit que finalement « ce n’est pas si grave », que « de toute façon il faudra l’arrêter un jour », que « personne ne perdra son emploi » (je n’invente rien, j’ai entendu ce discours dans la bouche de hauts responsables politiques)…

      [Décision contraire à l’intérêt de la France, prise par des politiciens sans scrupules uniquement pour acheter des voix ou se donner une image flatteuse auprès d’un lobby nuisible mais très remuant et bien relayé par les médias.]

      Mais surtout, par faiblesse. Par faiblesse intellectuelle, par faiblesse de caractère.

      [En effet, plus je réfléchis, plus je pense que les politiciens qui se sont succédé au pouvoir depuis quelques décennies mériteraient d’être jugés, et particulièrement la clique de nuisibles qui squatte actuellement les palais de la république.]

      N’oubliez pas que les politiciens qui se sont succédés ont été élus par des citoyens. La responsabilité est un peu plus large que vous ne la faites. A ce propos, je me permets de republier le texte de Terry Pratchett – un auteur que j’admire beaucoup – et qui a mon avis condense parfaitement le problème :

      « Je pense que vous trouvez la vie très dure parce que vous pensez qu’il y a les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Vous vous trompez, bien entendu : il n’y a seulement et toujours que des gens mauvais, mais ils sont des deux côtés (…). Ici-bas, il y a les gens qui suivront n’importe quel dragon, ignoreront n’importe quelle iniquité. Et cela, du fait d’une méchanceté banale. Non pas la méchanceté profonde et créative des grands criminels, mais une sorte de noirceur d’âme produite en masse. Le péché, on peut dire, sans la moindre trace d’originalité. Ils acceptent le mal non pas parce qu’ils disent « oui », mais parce qu’ils ne sont pas capables de dire « non » ».

      [En ce qui concerne le gouvernement de technocrates, je ferais la différence entre :
      – technocrate : qui croît tout savoir sur tout et pour qui c’est la réalité qui a tort quand il s’est planté
      – technicien : qui sait ET qui possède l’humilité nécessaire pour se corriger lorsqu’il voit qu’il s’est engagé dans une solution inadaptée]

      Je ne partage pas cette distinction qui finalement est morale. Le technicien est celui qui se concentre sur le « comment » : cela peut aller de comment construire une maison, comment compter de l’argent, comment produire de l’électricité. Le technicien, c’est l’homme des moyens et non des buts. Et lorsqu’on confie le gouvernement aux techniciens – c’est ce qu’on appelle la technocratie – alors le technicien se mue en technocrate. Il n’y a là aucun jugement moral, aucun sens péjoratif. Simplement, il y a des domaines ou la « technocratie » est efficace, et des domaines où elle a des effets désastreux. Un chantier de BTP, un champ de bataille, une salle d’opérations sont des « technocraties ». On exige de celui qui commande une capacité technique avant tout. On ne songerait pas à faire diriger une intervention chirurgicale ou une bataille par un membre de la société civile tirée au hasard.

      En France, le pouvoir des techniciens a été très variable. La cinquième République gaullienne a pu être qualifiée de technocratie – à tort. En fait, elle ne l’a jamais été : le politique écoutait les techniciens, certes, et leur faisait confiance pour atteindre les buts qu’il fixait, mais c’est toujours le politique qui a eu le dernier mot. Après 1981, on a écouté de moins en moins les techniciens… mais on a multiplié les attaques à la « technocratie ». C’est là ou réside chez nous la grande contradiction: on rejette les techniciens en les accusant de vouloir devenir des technocrates, et du coup on confie le gouvernement à des amateurs à qui on reproche leur incompétence technique.

  8. Vincent dit :

    [Quel est le lobby qui en bénéficie ? Le plus triste, c’est que la réponse est « personne »]

    Vous semblez oublier ce que nos dirigeants nous rappellent sans cesse : il faut arrêter de raisonner étroitement à l’échelle nationale, mais raisonner à l’échelle européenne !

    La production que ne fera pas Fessenheim sera assurée par le moyen de production au coût marginal immédiatement supérieur au nucléaire. C’est à dire le charbon. Et donc la production électrique qui ne se fera pas à Fessenheim se fera dans les centrales à charbon allemandes.

    Le charbon, comme le nucléaire, sont des centrales à fort coût fixe. Du coup, schématiquement :
    – les emplois perdus à Fessenheim seront gagnés dans les mines de charbon allemandes,
    – les sous perdus par EDF seront gagnés par les énergéticiens allemands.

    Comme, en plus, les écolos allemands avaient Fessenheim dans leur collimateur, on comprend mieux pourquoi il y avait un consensus de l’autre coté du Rhin pour mettre la pression sur la France pour fermer cette centrale…

    Autant je pense que la décision de Hollande était purement politicienne, comme vous le décrivez. Autant le choix de Macron de poursuivre sur sa lancée tient, à mon avis, à la pression allemande, qui vient à la fois des écolos et des industriels…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [La production que ne fera pas Fessenheim sera assurée par le moyen de production au coût marginal immédiatement supérieur au nucléaire. C’est à dire le charbon. Et donc la production électrique qui ne se fera pas à Fessenheim se fera dans les centrales à charbon allemandes.]

      Certes. Mais vous savez aussi que les centrales à charbon ne gagnent pas d’argent. D’une façon générale, il n’y a pas beaucoup d’argent à faire aujourd’hui dans la production d’électricité (sauf sur les renouvelables lourdement subventionnés), et c’est pourquoi pratiquement tous les électriciens sont en difficulté. Je vois mal les électriciens allemands faisant pression sur le gouvernement français pour sauver leurs centrales à charbon, fort peu rentables.

      [Le charbon, comme le nucléaire, sont des centrales à fort coût fixe.]

      Absolument pas. Pour le nucléaire, l’amortissement de l’investissement dépasse les trois quarts du coût de production, le combustible ne représentant qu’autour de 15%. Pour une centrale au charbon, c’est l’inverse : le combustible représente presque trois quarts du coût de l’électricité produite. Une centrale à charbon est très bon marché à construire.

      [Autant je pense que la décision de Hollande était purement politicienne, comme vous le décrivez. Autant le choix de Macron de poursuivre sur sa lancée tient, à mon avis, à la pression allemande, qui vient à la fois des écolos et des industriels…]

      Franchement, j’ai beaucoup de mal à le croire.

      • Vincent dit :

        [Je vois mal les électriciens allemands faisant pression sur le gouvernement français pour sauver leurs centrales à charbon, fort peu rentables.]

        Ils ont besoin de leurs centrales pour assurer la stabilité du réseau en cas de pénurie de vent. La question de les fermer ne se pose donc pas.
        En revanche, la fermeture de Fessenheim augmentera leur rentabilité… Ce qui peut les intéresser…

        [[Le charbon, comme le nucléaire, sont des centrales à fort coût fixe.]]

        [Absolument pas. Pour le nucléaire, l’amortissement de l’investissement dépasse les trois quarts du coût de production, le combustible ne représentant qu’autour de 15%. Pour une centrale au charbon, c’est l’inverse :]

        Ne confondez vous pas avec le gaz ou le fioul ?

        Les ordres de grandeurs que j’ai en tête sont :
        – 20% de coûts fixes pour le fioul
        – 30-40% de coûts fixes pour le gaz
        – 60% de coûts fixes pour le charbon
        – 80% de coûts fixes pour le nucléaire

        Mes ordres de grandeur recoupent les vôtres pour le nucléaire, mais je me demande si vous n’auriez pas extrapolé au charbon ce qui est valable pour les autres énergies fossiles ?

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [En revanche, la fermeture de Fessenheim augmentera leur rentabilité… Ce qui peut les intéresser…]

          Marginalement, oui. Mais je ne pense pas que ce soit suffisant pour en faire un élément essentiel de la décision de fermer les centrales.

          [« Absolument pas. Pour le nucléaire, l’amortissement de l’investissement dépasse les trois quarts du coût de production, le combustible ne représentant qu’autour de 15%. Pour une centrale au charbon, c’est l’inverse : » Ne confondez-vous pas avec le gaz ou le fioul ?]

          Non, pas du tout. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’on construise encore des centrales à charbon pour combler les trous d’intermittence de l’éolien ou du solaire. Si une centrale au charbon reste rentable même en opérant un nombre très réduit d’heures, cela implique que ses coûts fixes soient relativement faibles.

  9. CAPIEVIC Luc dit :

    Merci Descartes de partager cette colère attristée mais combien sommes nous hier à avoir ressenti ce sentiment d’un formidable gâchis ? …
    J’aimerais bien que vous réactualisiez votre fameux article de février 2016. ” La grande arnaque des énergies renouvelables ” car il me semble que l’arrêt de cette centrale a partie liée dans le cadre de la privatisation de l’Energie avec les affairistes du KW que vous pointiez alors.

    • Descartes dit :

      @ CAPIEVIC Luc

      [Merci Descartes de partager cette colère attristée mais combien sommes-nous hier à avoir ressenti ce sentiment d’un formidable gâchis ? …]

      Je ne sais pas. Franchement, j’ai trouvé les articles de presse et les reportages dans les médias bien moins « triomphalistes » que ce à quoi je m’attendais. Faut-il voir un signe que cette affaire a suscité un écho négatif dans l’opinion ? En tout cas, je fais le serment de ne jamais voter pour ceux qui ont consenti à ce scandale.

      [J’aimerais bien que vous réactualisiez votre fameux article de février 2016. ” La grande arnaque des énergies renouvelables ” car il me semble que l’arrêt de cette centrale a partie liée dans le cadre de la privatisation de l’Energie avec les affairistes du KW que vous pointiez alors.]

      Je ne comprends pas très bien ce qu’il y aurait à actualiser. L’arnaque continue, et l’arrêt de Fessenheim n’y change pas grande chose puisque la contribution des renouvelables subventionnés à la production électrique reste peu significative.

      • Jopari dit :

        [Je ne sais pas. Franchement, j’ai trouvé les articles de presse et les reportages dans les médias bien moins « triomphalistes » que ce à quoi je m’attendais. Faut-il voir un signe que cette affaire a suscité un écho négatif dans l’opinion ? En tout cas, je fais le serment de ne jamais voter pour ceux qui ont consenti à ce scandale.]

        La plupart des commentaires sous les articles du Monde consacrés à cette déplorable affaire parlent de gâchis; de même, ils se sont mis à publier la tribune d’une représentante du SFEN.

        Bien sur, il aurait été mieux de faite tout ça en 2012.

        • Descartes dit :

          @ Jopari

          [Bien sur, il aurait été mieux de faite tout ça en 2012.]

          Dans notre milieu politico-médiatique, les gens qui poussent une politique et qui ensuite, lorsque celle-ci aboutit à des conséquences désastreuses nous expliquent “qu’ils n’ont pas voulu ça”, c’est un grand classique. Combien qui ont fait campagne pour le “oui” à Maastricht fustigent aujourd’hui “l’Europe libérale” ? Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Bossuet déjà: “Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit.”…

  10. Bonjour Descartes,

    Pas facile de rester optimiste par les temps qui courent, n’est-ce pas?

    Je partage votre consternation et votre tristesse. Cette lamentable décision de fermer le réacteur de Fessenheim est symptomatique de ce qui se passe dans notre pays. Ce qui est vrai pour l’industrie nucléaire l’est aussi pour les institutions, l’identité nationale, la culture, l’idée même de tradition ou d’héritage: pour les gens qui nous gouvernent et les classes sociales qui les soutiennent, tout cela est à mettre à la poubelle. Tout ce qui fait que la France était quelque chose de grand, quelque chose de beau, d’aimable (au sens premier: qui vaut d’être aimé), en tout cas autre chose qu’une simple circonscription administrative de l’UE ou qu’une nation criminelle de négriers, de racistes, de colonialistes et j’en passe, tout cela doit disparaître. Et pour les gens qui ont aimé la grandeur, la beauté, l’ambition françaises, pour ceux qui admirent François 1er, Richelieu, Louis XIV, Napoléon, cette époque, notre époque, est terriblement noire et désespérante.

    La déliquescence est selon moi générale: déclin industriel, déclin agricole (oui, oui, même l’agriculture dont les Français sont si fiers est aujourd’hui à la traîne derrière l’Allemagne), déclin politique, déclin culturel, déclin démographique (certes, les naissances sont plus nombreuses que les décès en France, mais de plus en plus de nouveaux-nés ne sont pas français ou ne le sont que partiellement; pour le dire clairement, ce ne sont pas les blancs “de souche” qui soutiennent la natalité en France). Après chacun est plus ou moins sensible à tel ou tel type de déclin. Vous, Descartes, êtes particulièrement sensible au déclin industriel et politique, moi plutôt au déclin culturel et démographique. Je trouve assez significatif que les seuls qui défendent encore la France s’appellent aujourd’hui Zemmour, Finkielkraut, Bardella, Messiha… Aucun n’a un patronyme français. Je ne jette pas la pierre aux gens que je viens de citer, au contraire, ils ont toute ma sympathie. Mais je trouve affligeant qu’aucun représentant issu de la vieille bourgeoisie ou de la vieille aristocratie françaises ne soit capable de se lever pour défendre son pays. J’envierai presque les Anglais d’avoir un Boris Johnson, c’est-à-dire un bonhomme issu de la “bonne vieille” élite nationale, capable à un moment de parler à son peuple.

    Il faut lutter contre cette idéologie rétrograde, obscurantiste et technophobe qu’est l’écologie politique professée par tous les émules de Pierre Rahbi, cette idéologie qui prétend prôner l’autosuffisance, la sobriété, le tout-local, bref le repli le plus extrême qui soit (à côté, les nationalistes sont presque “ouverts”)… mais à condition quand même d’accueillir les immigrés de la Terre entière, d’avoir l’i-Phone dernier cri et de pouvoir partir en vacances en Espagne. L’écologie est devenue dans certains milieux une religion officielle avec ses tartuffes et surtout son côté pénitentiel: comme certains bourgeois vont à la messe pour s’entendre dire qu’être riche, c’est mal, l’écolo se répète que la mondialisation, le confort, bref le monde moderne, c’est mal, très mal. Mais je n’ai jamais vu un écolo renoncer à son confort, pas plus qu’un bourgeois abandonner sa fortune…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Pas facile de rester optimiste par les temps qui courent, n’est-ce pas?]

      Non, ce n’est pas facile. Comme vous le savez, pour moi l’optimisme est d’abord une position méthodologique. Il faut être optimiste pour pouvoir agir. Le pessimisme nous condamne à l’impuissance. Cela étant dit, je vous avoue que je commence à être fatigué d’agir sans jamais voir les fruits de mon action…

      [Je partage votre consternation et votre tristesse. Cette lamentable décision de fermer le réacteur de Fessenheim est symptomatique de ce qui se passe dans notre pays. Ce qui est vrai pour l’industrie nucléaire l’est aussi pour les institutions, l’identité nationale, la culture, l’idée même de tradition ou d’héritage: pour les gens qui nous gouvernent et les classes sociales qui les soutiennent, tout cela est à mettre à la poubelle.]

      Tout à fait. Peut-être le geste le plus emblématique est la proposition de remplacer le nom « Ecole Nationale d’Administration » par « Ecole d’Administration Publique ». Faut-il que le terme « national » fasse peur, pour qu’on veuille le faire disparaître à tout prix…

      [Tout ce qui fait que la France était quelque chose de grand, quelque chose de beau, d’aimable (au sens premier: qui vaut d’être aimé), en tout cas autre chose qu’une simple circonscription administrative de l’UE ou qu’une nation criminelle de négriers, de racistes, de colonialistes et j’en passe, tout cela doit disparaître. Et pour les gens qui ont aimé la grandeur, la beauté, l’ambition françaises, pour ceux qui admirent François 1er, Richelieu, Louis XIV, Napoléon, cette époque, notre époque, est terriblement noire et désespérante.]

      Oui, c’est vrai. Mais parce que l’époque est noire et désespérante elle nous impose des devoirs envers la génération qui suit : celui de transmettre, de préserver et de faire aimer ce pays, sa culture, son histoire. C’est à une nouvelle Résistance que nous sommes convoqués.

      [Après chacun est plus ou moins sensible à tel ou tel type de déclin. Vous, Descartes, êtes particulièrement sensible au déclin industriel et politique, moi plutôt au déclin culturel et démographique.]

      Je proteste. Je suis aussi sensible que vous au déclin culturel. Notre désaccord porte surtout sur la question du déclin démographique, qui pour vous est une catastrophe en toute circonstance, alors que pour moi il n’est désastreux qu’en l’absence d’une politique ferme d’assimilation qui permette de faire des Français de ceux qui n’ont pas leur « souche » dans notre pays.

      [Je trouve assez significatif que les seuls qui défendent encore la France s’appellent aujourd’hui Zemmour, Finkielkraut, Bardella, Messiha… Aucun n’a un patronyme français. Je ne jette pas la pierre aux gens que je viens de citer, au contraire, ils ont toute ma sympathie. Mais je trouve affligeant qu’aucun représentant issu de la vieille bourgeoisie ou de la vieille aristocratie françaises ne soit capable de se lever pour défendre son pays.]

      Je pense que votre réflexion prouve mon point : la question n’est pas d’où viennent les gens, mais de savoir s’ils sont ou non assimilés. Zemmour, Finkielkraut, Bardella ou Messiha n’ont pas leur « souche » en France – pas plus que moi-même – et cela ne les empêche pas d’assumer l’histoire de France comme étant la leur, d’aimer ce pays et de vouloir le rendre aimable. Cela renforce mon idée que l’essentiel se trouve dans le processus d’assimilation, que c’est lui qui a « fait la France » : assimilation intérieure qui a intégré les provinces, assimilation extérieure qui a fait des étrangers venus sur notre territoire des Français.

      Quant à la discrétion de la vieille bourgeoisie ou aristocratie française… je pense qu’elle s’explique aisément. Pour les français « de souche », être français est quelque chose de naturel, à laquelle on ne pense même pas. N’ayant pas connu autre chose, ils ont du mal à imaginer que cette identité puisse disparaître. Les étrangers assimilés – je parle d’expérience – ont une identité française qui n’a rien de « naturel », qui est associée à un effort, à un travail sur soi. Et parce qu’il a fallu la conquérir, les étrangers assimilés ont une conscience à la fois de combien cette identité est précieuse, et de combien elle est fragile. On imagine mal Jean-Marie Le Pen, Maurras ou le Comte de Paris parler de l’identité française comme de quelque chose « précieuse, fragile et périssable ». Pour cela, il faut un Finkielkraut.

      [J’envierai presque les Anglais d’avoir un Boris Johnson, c’est-à-dire un bonhomme issu de la “bonne vieille” élite nationale, capable à un moment de parler à son peuple.]

      Je partage votre sentiment. Malheureusement, nous restons un pays paysan, dont l’unité est plus le fruit d’une volonté que de la conscience d’un intérêt partagé. Notre bourgeoisie, malheureusement, a toujours regardé vers l’étranger.

      [L’écologie est devenue dans certains milieux une religion officielle avec ses tartuffes et surtout son côté pénitentiel: comme certains bourgeois vont à la messe pour s’entendre dire qu’être riche, c’est mal, l’écolo se répète que la mondialisation, le confort, bref le monde moderne, c’est mal, très mal. Mais je n’ai jamais vu un écolo renoncer à son confort, pas plus qu’un bourgeois abandonner sa fortune…]

      L’écologie n’est que la dernière « cause » à la mode. Un peu comme l’Europe l’a été dans les années 1980 et 1990. Hier, on mettait l’Europe à toutes les sauces, on proclamait qu’elle était notre horizon indépassable, et aucun leader visant un poste élevé n’osait faire un discours sans se proclamer européen. Aujourd’hui, c’est la même chose avec l’écologie. Mais cela n’implique nullement qu’on veuille agir pour sauver la planète. L’écologie ne sert qu’à justifier les politiques libérales-libertaires, tout comme l’Europe hier. L’affaire Fessenheim le montre: le but n’est pas de réduire les émissions de CO2.

      • @ Descartes,

        “Comme vous le savez, pour moi l’optimisme est d’abord une position méthodologique. Il faut être optimiste pour pouvoir agir. Le pessimisme nous condamne à l’impuissance.”
        Je sais. Votre persévérance dans l’optimisme force mon admiration, je dois le dire. Et puis, il y a une petite partie de moi qui, dans un élan de romantisme, considère que les causes perdues sont les plus belles… Mais je ne suis pas un grand romantique, et le contact avec la réalité me conduit à cette triste conclusion: “à quoi bon?”. Personnellement, je ne suis pas fait pour les combats solitaires. Je suis prêt à m’inscrire dans un combat collectif… mais le hic, c’est qu’il faudrait être plusieurs! Or je crains que les gens qui veulent préserver notre civilisation soient quelque peu dispersés.

        “Peut-être le geste le plus emblématique est la proposition de remplacer le nom « Ecole Nationale d’Administration » par « Ecole d’Administration Publique ».”
        J’ignorais cette dernière sottise. Mais, pour parler de ce qui me concerne directement, je suis étonné qu’on ait maintenu l’appellation “Education Nationale” (qui cependant succédait à “Instruction Publique”).

        “Mais parce que l’époque est noire et désespérante elle nous impose des devoirs envers la génération qui suit : celui de transmettre, de préserver et de faire aimer ce pays, sa culture, son histoire. C’est à une nouvelle Résistance que nous sommes convoqués.”
        Je vois un problème dans ce que vous dites. D’abord, mon côté bonapartiste serait tenté de vous dire: “il nous faut un chef” (je n’ose écrire: “il nous faut un de Gaulle”). Or, nous n’avons pas de chef. Et, à défaut de chef, du moins faudrait-il une organisation, allez, osons le mot, une institution solide (quelque chose du style parti communiste si vous voyez ce que je veux dire) pour rendre la résistance efficace. Je me permets d’ailleurs de vous poser la question: la Résistance aurait-elle été possible sans De Gaulle, le PCF et leur improbable alliance? Sans chef, sans organisation, je crains que votre résistance soit peu efficace… La résistance, c’est un but, mais on ne peut pas faire l’économie de penser les moyens, l’organisation, etc.

        “Notre désaccord porte surtout sur la question du déclin démographique, qui pour vous est une catastrophe en toute circonstance, alors que pour moi il n’est désastreux qu’en l’absence d’une politique ferme d’assimilation qui permette de faire des Français de ceux qui n’ont pas leur « souche » dans notre pays.”
        C’est en effet notre point de désaccord. Car je reprends à mon compte cette citation que Zemmour utilise régulièrement (je ne sais plus à qui il l’emprunte): “passé un certain seuil, la quantité devient une qualité”. J’ignore comment on fixe le seuil, mais j’ai le sentiment (et j’insiste: c’est un ressenti) que le seuil a été franchi depuis quelques temps déjà.

        “Je pense que votre réflexion prouve mon point : la question n’est pas d’où viennent les gens, mais de savoir s’ils sont ou non assimilés. Zemmour, Finkielkraut, Bardella ou Messiha n’ont pas leur « souche » en France – pas plus que moi-même – et cela ne les empêche pas d’assumer l’histoire de France comme étant la leur, d’aimer ce pays et de vouloir le rendre aimable.”
        Je pense que vous vous trompez. Quand à la fin du IV° et durant le V° siècle, les défenseurs de l’empire romain ont eu pour nom Arbogast, Stilichon, Sigisvult, Mérobaude, Ricimer, etc, eh bien la chute de l’empire a fini par advenir. Et pourtant, les hommes que je vous cite là étaient parfaitement assimilés, romanisés (ils avaient la citoyenneté romaine, les honneurs du consulat, le gentilice “Flavius” comme preuve de leur appartenance à l’entourage impérial). Souvent, ils ont combattu et massacré leurs anciens compatriotes francs ou goths pour protéger l’empire. Et à la fin, l’empire s’est effondré. Pourquoi?

        En effet, l’empire romain s’est montré l’une des meilleures machines à assimiler qu’ait connu le monde antique (voire le monde tout court). Pendant des siècles, les Romains ont assimilé. Mais un jour, le flux de Barbares est devenu ingérable. L’empire a continué à assimiler certains Barbares (ceux que j’ai cités), mais il a suffi que d’autres, une minorité peut-être, refusent l’assimilation, restent attachés à leur identité, pour que l’empire connaisse une grave crise.Le problème posé par les Goths rétifs n’est pas à première vue leur nombre, mais le fait qu’ils ont refusé d’abandonner leur identité fondée notamment sur leur adhésion au christianisme arien. Seulement, ces Goths qui ont refusé l’assimilation arrivaient après déjà plusieurs vagues migratoires qui avaient été plus ou moins assimilées (on sait qu’après la défaite romaine d’Andrinople en 378, nombre de soldats et d’esclaves d’origine germanique désertent le camp romain pour se joindre aux Goths), qui avaient “métissé” la population des régions au sud du Danube et en réalité déjà affaibli l’identité romaine dans un certain nombre de territoires. C’est la même chose dans le nord et l’est de la Gaule, zones repeuplées de prisonniers germains à partir du III° siècle. D’ailleurs, notons que la culture latine classique est celle de la fin de la République et du Haut Empire, rarement celle du Bas Empire qui pourtant a connu nombre de bons écrivains…

        L’assimilation ne relève pas de la magie. L’assimilation est un processus à double sens: l’étranger s’assimile aux natifs mais en même temps, l’identité du natif prend certains traits de la culture de l’étranger. Si vous répétez le même processus sur plusieurs générations, avec qui plus est des étrangers d’origine différente, au bout d’un moment, la culture “nationale” finit par se diluer. Et soit on obtient un “melting-pot” du style de ce qu’on trouve aux Etats-Unis ou au Canada, soit on en arrive à un candidat à la présidentielle qui parvient à se faire élire après avoir déclaré au cours de la campagne: “il n’y a pas de culture française, il y a des cultures en France”. Aucun futur président n’aurait osé tenir de tels propos il y a un siècle.

        Les Zemmour, Finkielkraut, Bardella, Messiha et autres sont les annonciateurs de la fin de la France. Pas parce qu’ils la souhaitent, mais parce qu’ils appartiennent à la fraction assimilée qui constate avec horreur que la dynamique démographique joue désormais en faveur des populations qui rejettent l’assimilation. Permettez-moi de vous raconter une anecdote: un journaliste demandait à Philippe Martinez, dirigeant de la CGT, ce qu’il pensait de la polémique des prénoms initiée par les propos de Zemmour. Réponse de l’intéressé: “voilà ce que je dis à Eric Zemmour: mon fils s’appelle Pablo, et j’en suis très fier”. Un dirigeant d’un grand syndicat français, dont les ancêtres sont venus en France en fuyant peut-être la misère ou le franquisme, dit publiquement qu’il est fier d’avoir donné à son enfant un prénom non-français, crachant par la même sur ses propres parents qui avaient choisi de l’appeler Philippe et non Felipe.

        Vous avez raison de dire qu’on a renoncé à l’assimilation par choix politique, par refus de payer le prix d’une telle politique. Mais vous oubliez que: 1) l’assimilation en elle-même, sur le long terme, affaiblit, affadit, dilue l’identité nationale; 2) le nombre d’immigrés n’est pas indifférent, contrairement à ce que vous semblez croire. Je le vois dans ma ville: pas un mois ne s’écoule sans que des élèves “primo-arrivants” non-francophones ne débarquent, et les sections FLE (Français Langue Étrangère) censées les accueillir étant saturées, il faut inclure ces jeunes dans le cursus classique… Avec les résultats que je vous laisse imaginer. C’est une invasion, et je pèse mes mots. Une invasion douce, sans violence (encore que), mais une invasion tout de même.

        “Pour les français « de souche », être français est quelque chose de naturel, à laquelle on ne pense même pas. N’ayant pas connu autre chose, ils ont du mal à imaginer que cette identité puisse disparaître.”
        Je ne suis pas d’accord. Je suis ce qu’il convient d’appeler un “Français de souche” et je suis très inquiet des menaces qui pèsent sur l’identité française. Et je connais quelques autres “souchiens” qui partagent mon inquiétude. Le fait qu’on retienne les noms de gens comme Marc Bloch hier ou Alain Finkielkraut aujourd’hui n’exclut nullement que des Français de souche aussi éprouvent des formes de “souffrance identitaire” ou des craintes concernant la survie de la France. Mais il est plus difficile pour eux de s’exprimer: on les taxe immédiatement de racisme, de xénophobie, de maurrassisme. Zemmour et Finkielkraut, eux, ont l’avantage d’être juifs et issus de l’immigration. Ils ont d’ailleurs l’honnêteté de le rappeler parfois.

        “On imagine mal Jean-Marie Le Pen, Maurras ou le Comte de Paris parler de l’identité française comme de quelque chose « précieuse, fragile et périssable ». Pour cela, il faut un Finkielkraut.”
        Le Pen a fait toute sa carrière politique sur la menace que l’immigration et les minorités représente pour l’identité française…

        Sur le nucléaire, permettez-moi de vous poser quelques questions:
        Est-il possible de réduire, de manière importante, la durée durant laquelle les déchets sont radioactifs? A-t-on progressé là-dessus depuis les débuts de la filière nucléaire? Des recherches sont-elles en cours sur cette question?

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [Personnellement, je ne suis pas fait pour les combats solitaires. Je suis prêt à m’inscrire dans un combat collectif… mais le hic, c’est qu’il faudrait être plusieurs! Or je crains que les gens qui veulent préserver notre civilisation soient quelque peu dispersés.]

          Je pense en fait qu’on est très nombreux. Simplement, beaucoup de personnes qui au fond veulent préserver ce qu’il y a de meilleur dans notre civilisation n’ont pas toujours conscience de le vouloir. Il y a dans nos sociétés un malaise diffus, dont les gens ne comprennent pas toujours les causes profondes. Et c’est pour cela que la réponse à ce malaise est, pour le moment, atomisée. Mais vous noterez que cette prise de conscience a pas mal avancé ces dernières années : en dix ans, des sujets qui étaient tabous ont pu revenir dans le débat public, et les prêcheurs du « métissage » et du « multuculturalisme » sont obligés d’affronter la contradiction.

          [Je vois un problème dans ce que vous dites. D’abord, mon côté bonapartiste serait tenté de vous dire: “il nous faut un chef” (je n’ose écrire: “il nous faut un de Gaulle”). Or, nous n’avons pas de chef.]

          Vrai. Vous noterez tout de même que les autres n’en ont pas non plus. Pas facile de trouver aujourd’hui une personnalité combinant le charisme et la hauteur de vues suffisante pour donner aux gens envie de le suivre jusqu’au bout du monde. Macron un chef ? Il est incapable régler un conflit entre Villani et Griveaux. Et il est président de la République !

          Le problème ne concerne donc pas seulement notre camp – car je me plais à croire que nous sommes vous et moi du même côté, même si nous sommes en désaccord sur beaucoup de choses. Il concerne l’ensemble de la société. La dévaluation de la parole publique tient aussi à la dévaluation du rôle du chef (au sens bonapartiste du terme). Il n’y a plus que des « managers »…

          [Et, à défaut de chef, du moins faudrait-il une organisation, allez, osons le mot, une institution solide (quelque chose du style parti communiste si vous voyez ce que je veux dire) pour rendre la résistance efficace.]

          Là, vous abandonnez la référence bonapartiste pour son opposé. Le modèle communiste ne repose en effet pas sur le « chef », mais sur l’institution. Là où le gaulliste dira que le chef a toujours raison – ou du moins, qu’il mérite d’être suivi même lorsqu’il a tort – le communiste dira la même chose du Parti, indépendamment de la personnalité qui est à sa tête. Même le stalinisme – qui pourtant est très proche du modèle bonapartiste dans les faits – a considéré nécessaire de maintenir la fiction d’une direction collective, d’un secrétaire général « primus inter pares ».

          [Je me permets d’ailleurs de vous poser la question: la Résistance aurait-elle été possible sans De Gaulle, le PCF et leur improbable alliance? Sans chef, sans organisation, je crains que votre résistance soit peu efficace… La résistance, c’est un but, mais on ne peut pas faire l’économie de penser les moyens, l’organisation, etc.]

          Je ne dis pas que ce soit facile. En 1940, la résistance a été rendue possible par des l’existence d’institutions puissantes : les partis politiques (et tout particulièrement le PCF, qui seul parmi tous avait une expérience réelle de la clandestinité), mais aussi l’armée, l’administration. Notre temps, au contraire, se caractérise par l’affaiblissement ou la disparition des institutions. On peut même dire, en voyant les « gilets jaunes », un rejet de l’idée même d’institution. Est-ce un moment de l’histoire, ou un mouvement de long terme ? Très difficile à dire. En tout cas, c’est une question qu’il faut penser.

          [C’est en effet notre point de désaccord. Car je reprends à mon compte cette citation que Zemmour utilise régulièrement (je ne sais plus à qui il l’emprunte): “passé un certain seuil, la quantité devient une qualité”.]

          Il l’emprunte probablement à Engels (dans « l’anti-Dühring ») ou Marx (dans « Le Capital ») qui eux même l’ont reprise de la « Logique » de Hegel. Je suis d’ailleurs toujours étonné de voir combien Zemmour puise dans les références marxistes et dans les discours des dirigeants communistes. A ma connaissance, c’est l’un des très rares commentateurs capables de reprendre en version intégrale une citation de Thorez.

          [Je pense que vous vous trompez. Quand à la fin du IV° et durant le V° siècle, les défenseurs de l’empire romain ont eu pour nom Arbogast, Stilichon, Sigisvult, Mérobaude, Ricimer, etc, eh bien la chute de l’empire a fini par advenir.]

          La chute de l’empire, comme structure politique, est tombée non pas parce que les Arbogast et les Ricimer ont précipité sa chute, mais parce que le mode de production antique, qui réposait sur un réservoir illimité d’esclaves, s’est épuisé. Mais la chute de la romanité comme civilisation ? Si j’en crois les travaux les plus récents des médiévistes, on tend à abandonner aujourd’hui l’idée d’une discontinuité entre la romanité et le haut moyen-âge. La civilisation romaine a continué à irriguer la culture européenne et cela jusqu’à notre époque.

          Je pense qu’il faut faire la différence entre la chute d’un ordre économique et la fin d’une civilisation. La France a connu plusieurs fois la chute d’un ordre économique. Pensez par exemple à la Révolution de 1789, qui a mis cul par-dessus tête l’ordre hérité de la féodalité pour ouvrir le règne de la bourgeoisie. La France a-t-elle pour autant disparu ? Non, bien sur que non : elle a simplement écrit un nouveau chapitre de son histoire. L’idée qu’on pourrait préserver une sorte de France immobile, fondée sur un ordre économique et politique immuable, est une illusion. L’histoire se poursuivra, et la France changera comme elle a changé en 1789. Et c’est très bien ainsi. Le combat aujourd’hui, c’est de préserver dans ce changement la continuité d’une civilisation.

          [L’empire a continué à assimiler certains Barbares (ceux que j’ai cités), mais il a suffi que d’autres, une minorité peut-être, refusent l’assimilation, restent attachés à leur identité, pour que l’empire connaisse une grave crise.]

          Je pense que vous avez une vision idéaliste de l’histoire. Ce qui a provoqué la crise – et qui a rendu l’assimilation moins intéressante, au point que certains barbares l’ont refusée – est d’abord une crise ECONOMIQUE. L’expansion continue de l’Empire avait permis de maintenir un flux continu de richesse et surtout d’esclaves des territoires périphériques vers Rome. La « romanisation » de ces territoires et la fin de l’expansion a tari ces flux. Or, un mode de production esclavagiste entre en crise dès lors qu’il n’arrive plus à renouveler le cheptel…

          Par certains côtés, on peut faire une analogie avec nos difficultés. C’est d’abord une transformation économique – avec la désindustrialisation et le chômage de masse – qui a mis un coup d’arrêt aux processus d’assimilation. Et on peut même se demander si on n’observe pas une désassimilation « interne », dans lequel une partie de la population « de souche » revient à des racines « locales » en abandonnant l’identification à la collectivité nationale.

          [L’assimilation ne relève pas de la magie. L’assimilation est un processus à double sens: l’étranger s’assimile aux natifs mais en même temps, l’identité du natif prend certains traits de la culture de l’étranger. Si vous répétez le même processus sur plusieurs générations, avec qui plus est des étrangers d’origine différente, au bout d’un moment, la culture “nationale” finit par se diluer.]

          C’est la théorie de la « dilution ». Cependant, je pense que cette théorie ne prend pas en compte un certain nombre d’éléments, et notamment ce qu’on pourrait appeler le « poids » d’une culture. Il y a des cultures qui, parce qu’elles arrivent à offrir à leurs citoyens plus de possibilités, plus de choix, sont plus influentes que d’autres. Et du coup, lorsque deux cultures entrent en contact, les éléments que chacune prend chez l’autre n’ont pas la même importance. Prenez par exemple le domaine du droit : alors qu’il y a dans notre pays un nombre considérable de personnes dont l’origine se trouve dans des pays musulmans, quels sont les emprunts que notre droit a fait au droit islamique ? La réponse est « rien ». Tout simplement parce que le droit français (issu en grande partie du droit romain…) est bien plus « lourd », plus adapté à un fonctionnement moderne, que le droit islamique.

          [Les Zemmour, Finkielkraut, Bardella, Messiha et autres sont les annonciateurs de la fin de la France. Pas parce qu’ils la souhaitent, mais parce qu’ils appartiennent à la fraction assimilée qui constate avec horreur que la dynamique démographique joue désormais en faveur des populations qui rejettent l’assimilation.]

          Le mot « annonciateur » ne me paraît pas juste, parce qu’il suppose qu’on considère l’issue comme acquise. Ce n’est certainement pas le cas de Bardella ou de Messiha, sans quoi ils ne militeraient pas. Ce n’est pas le cas de Finkielkraut, qui même s’il est très pessimiste prend une position assez proche de la mienne, sans quoi il ne se battrait pas. Seul Zemmour – et encore, très récemment – « annonce » une catastrophe qu’il pense inévitable.

          [Permettez-moi de vous raconter une anecdote: un journaliste demandait à Philippe Martinez, dirigeant de la CGT, ce qu’il pensait de la polémique des prénoms initiée par les propos de Zemmour. Réponse de l’intéressé: “voilà ce que je dis à Eric Zemmour: mon fils s’appelle Pablo, et j’en suis très fier”. Un dirigeant d’un grand syndicat français, dont les ancêtres sont venus en France en fuyant peut-être la misère ou le franquisme, dit publiquement qu’il est fier d’avoir donné à son enfant un prénom non-français, crachant par la même sur ses propres parents qui avaient choisi de l’appeler Philippe et non Felipe.]

          Martinez je m’a jamais impressionné par ses qualités intellectuelles ou sa capacité de s’écarter du « politiquement correct ». Dans sa réponse, je vois plus le réflexe de Pavlov de la gauche bienpensante qu’autre chose.

          [Vous avez raison de dire qu’on a renoncé à l’assimilation par choix politique, par refus de payer le prix d’une telle politique. Mais vous oubliez que: 1) l’assimilation en elle-même, sur le long terme, affaiblit, affadit, dilue l’identité nationale;]

          Je ne « l’oublie » pas, je le conteste. Contrairement à vous, je pense que l’identité nationale est dynamique : elle change, elle évolue, elle se transforme, et c’est très bien ainsi. Autrement, comment pourrait-elle tirer le meilleur profit des transformations sociales, scientifiques, technologiques ? Et dans ce cadre, la venue de gens de l’extérieur est un enrichissement, et non un « affaiblissement ». A une condition : que les nouveaux venus placent leur contribution dans une continuité avec la civilisation d’accueil.

          [Je ne suis pas d’accord. Je suis ce qu’il convient d’appeler un “Français de souche” et je suis très inquiet des menaces qui pèsent sur l’identité française. Et je connais quelques autres “souchiens” qui partagent mon inquiétude.]

          Je ne suis pas sûr que votre cas soit une généralité. Pour des raisons qui vous sont personnelles, vous êtes particulièrement sensible à ces problématiques – et votre énorme culture historique joue je pense aussi un rôle dans votre prise de conscience. Mais je crains que votre inquiétude ne soit pas la règle, ou du moins, qu’elle soit assumée.

          [“On imagine mal Jean-Marie Le Pen, Maurras ou le Comte de Paris parler de l’identité française comme de quelque chose « précieuse, fragile et périssable ». Pour cela, il faut un Finkielkraut.”
          Le Pen a fait toute sa carrière politique sur la menace que l’immigration et les minorités représente pour l’identité française…]

          Oui, mais il n’a jamais posé le problème en termes de « fragilité », au contraire. C’était là mon point. Pour percevoir cette fragilité, un Zemmour ou un Finkielkraut sont beaucoup mieux placés qu’un Le Pen.

          [Est-il possible de réduire, de manière importante, la durée durant laquelle les déchets sont radioactifs?]

          « Possible » au sens physique, oui. C’est faisable pour ce qu’on appelle les « actinides mineurs » (Plutonium, Américium, Curium) qui sont parmi les plus embêtants, et qui peuvent être « brulés » (en fait, il s’agit d’une transmutation en éléments plus légers) dans un accélérateur ou dans un réacteur à neutrons rapides. Cependant, la solution utilisant un accélérateur est difficile à mettre en œuvre industriellement, et est économiquement absurde. La solution consistant à les brûler dans des réacteurs à neutrons rapides (genre Superphénix) est faisable industriellement et économiquement, mais nécessite un parc de réacteurs de ce type…

          [A-t-on progressé là-dessus depuis les débuts de la filière nucléaire? Des recherches sont-elles en cours sur cette question?]

          On a pas mal progressé, et les études continuent. Mais avec la mise à l’arrêt définitive de nos réacteurs à neutrons rapides (Phénix et Superphénix), on n’a guère la possibilité de faire des études expérimentales à l’échelle industrielle.

          • @ Descartes,

            “Là, vous abandonnez la référence bonapartiste pour son opposé.”
            Je voulais dire: il faut l’un ou l’autre. Ma préférence va au chef charismatique, encore que l’un n’exclut pas forcément l’autre. Vous évoquiez Staline: on ne peut que constater que le parti communiste lui a largement survécu à la tête de l’URSS.

            “Je suis d’ailleurs toujours étonné de voir combien Zemmour puise dans les références marxistes et dans les discours des dirigeants communistes.”
            Zemmour n’hésite pas à citer Marx lui-même si ma mémoire ne me trompe pas. Je me souviens l’avoir entendu revendiquer l’héritage de la pensée de Marx dans certains domaines.

            “La chute de l’empire, comme structure politique, est tombée non pas parce que les Arbogast et les Ricimer ont précipité sa chute, mais parce que le mode de production antique, qui réposait sur un réservoir illimité d’esclaves, s’est épuisé.”
            Cette théorie se heurte à plusieurs problèmes: 1) la dernière phase d’expansion de l’empire romain remonte à Trajan (mort en 117), or l’empire romain entre en crise grave au début du V° siècle… 300 ans après! 2) L’empire romain d’Occident s’est effondré… mais l’empire d’Orient a survécu et même prospéré aux V° et VI° siècles, or les structures économiques de l’Orient romain ne différaient pas vraiment de celles de l’Occident. Alors?

            C’est je pense une grave erreur de penser la chute de l’empire romain comme la conséquence d’une crise économique, et j’y vois un exemple de la limite du matérialisme historique. A la vérité, la pénurie d’esclaves n’était pas nouvelle, et les guerres de la fin du IV° et du début du V° siècle réalimentent même le marché aux esclaves (le prix de l’esclave s’effondre après la bataille de Fiesole en 405/406 tant le marché se retrouve saturé par la pléthore de Goths vendus à l’encan après leur défaite). De plus, en Orient comme en Occident, on voit la main d’oeuvre servile, notamment dans les campagnes, remplacée par le système du colonat (paysan appelé “colon” fixé sur une terre moyennant redevance au grand propriétaire) qui préfigure le système médiéval. J’ajoute que l’empire avait déjà connu une très grave crise politique, économique et militaire au III° siècle… Et il s’était relevé.

            “Mais la chute de la romanité comme civilisation ? Si j’en crois les travaux les plus récents des médiévistes, on tend à abandonner aujourd’hui l’idée d’une discontinuité entre la romanité et le haut moyen-âge. La civilisation romaine a continué à irriguer la culture européenne et cela jusqu’à notre époque.”
            D’abord, les “travaux récents des médiévistes” sont tributaires du nouveau paradigme “bisounoursien” qui s’est imposé aujourd’hui dans la recherche historique, à savoir que les invasions et les envahisseurs, ça n’existe pas, les chroniqueurs et les historiens contemporains exagèrent toujours les violences et les destructions, soit parce que ce sont des païens furieux de la victoire du christianisme, soit ce sont des chrétiens hantés par la fin des temps. Il n’y aurait donc que des migrations, de paisibles infiltrations, le tout accompagné de féconds “échanges interculturels”, d’une lente acculturation profitable à tous. L’historiographie du début du XXI° siècle est immigrationniste parce qu’il faut expliquer aux imbéciles réfractaires que les immigrés sont une richesse, en tout temps et en tout lieu. Et peu importe que Sidoine Apollinaire ait été aussi choqué par le fait que les Goths se mettaient du beurre dans les cheveux que nous le sommes par le foulard islamique.

            Oui, la romanité s’est effondrée, et je peux vous en apporter des preuves: 1) je vous invite à feuilleter un ouvrage consacré à la littérature latine, et vous verrez que les grands auteurs ne sont connus que par une partie (parfois infime) de leur oeuvre, et plus nombreux encore sont les auteurs dont on n’a que des fragments, voire des citations trouvées chez un autre auteur; 2) on constate un net déclin des villes en Occident aux V° et VI° siècles, même s’il faut nuancer selon les régions, or les villes sont les lieux de production culturelle et de transmission par excellence. La romanité est une civilisation municipale et urbaine, or les structures municipales périclitent en Bretagne, en Gaule, en Espagne et en Afrique dès le V° siècle, en Italie au VI° siècle avec les ravages engendrés par la guerre de reconquête des Romains d’Orient. Il faut attendre le XI° siècle pour observer un nouvel essor urbain.

            En réalité, la chute de l’empire romain est liée à une crise fiscale et administrative. Que s’est-il passé? Les invasions (celle des Vandales et des Alains en Gaule en 407, celle des Goths en Italie dans les années 400) ont d’abord désorganisé l’administration, donc la capacité à lever l’impôt et à faire respecter l’ordre. Ensuite, ces invasions ont ravagé de nombreuses provinces (Vandales et Alains saccagent une grande partie de la Gaule en 407-409, avant de transformer l’Espagne en un champ de bataille durant 20 ans; les Goths ravagent l’Italie autour de 410, ils sont 100 000 en comptant les familles à “vivre sur le pays” comme on dit). Lorsque les régions ravagées repassent sous le contrôle impérial (lorsque ça arrive), le gouvernement doit opérer des remises d’impôt, qui diminue d’autant ses ressources financières, donc sa capacité à payer des soldats pour maintenir l’ordre… Et les populations, voyant que le gouvernement est incapable de maintenir l’ordre refuse de continuer à payer l’impôt. Vous voyez l’engrenage. Enfin, à terme, les envahisseurs occupent des provinces, souvent riches, de l’empire romain, le privant des rentrées fiscales de ces territoires: les Vandales occupent l’Afrique du Nord, grenier à blé de Rome, en 429; les Wisigoths sont installés en Aquitaine puis en Espagne; les Suèves occupent la Galice et le Portugal, les Huns la Pannonie, et ainsi de suite.

            Pour conclure ce point, les grandes invasions ne sont pas comparables, sans doute, à une “immigration de masse”: les Wisigoths sont autour de 100 000, les Vandales et Alains passant en Afrique en 429 sont autour de 80 000. Les Burgondes guère plus. Simplement, en multipliant la présence de bandes armées, plus ou moins incontrôlables, les envahisseurs ont installé un état d’insécurité endémique. Or les échanges économiques ont besoin de sécurité et de prévisibilité. La crise économique est bel et bien une conséquence de la crise militaire due à un flux ininterrompu d’envahisseurs, notamment dans la première décennie du V° siècle. Stilichon est un général capable et dispose d’une bonne armée, il bat les Vandales en 402, les Goths de Radagaise en 405/406, mais occupé à combattre les Goths d’Alaric, il ne peut empêcher l’invasion de la Gaule en 407… D’autant qu’il est assassiné en 408 dans le cadre des rivalités de palais.

            L’identité “romaine” a bien disparu: un siècle après la chute de l’empire d’Occident, les habitants de la Gaule se disent “Francs” (même les descendants de Gallo-romains) et les noms latins sont abandonnés au profit de noms germaniques. Les habitants de l’Espagne se disent “Wisigoths” à la veille de la conquête arabe. La plupart des aristocrates francs des VI° et VII° siècles ignorent le latin et n’ont jamais entendu parler de Tite-Live ou de Juvénal. L’apprentissage du grec (car la romanité est gréco-latine) s’effondre en Occident. Il y a bien rupture de la transmission.

            “La civilisation romaine a continué à irriguer la culture européenne et cela jusqu’à notre époque.”
            Oui, la civilisation romaine nous a laissé un héritage non-négligeable. Mais cet héritage ne doit pas masquer l’ampleur des pertes. La civilisation romaine en tant que telle a disparu, même si son cadavre a nourri l’Occident. De même la civilisation byzantine a péri en 1453 même si son souvenir a continué à nourrir les peuples de tradition orthodoxe (Russes, Grecs, Roumains, Serbes, Bulgares). Il ne faut pas confondre mutation et effondrement. Avec la Révolution française, la civilisation française a connu une transformation importante, mais on n’a pas oublié Ronsard, Molière ou La Fontaine. Avec les grandes invasions et la chute de Constantinople, les civilisations romaine et byzantine ont connu l’effondrement. L’immigration de masse que nous subissons depuis la fin du XIX° siècle est-elle le prélude à une transformation ou à un effondrement? La question mérite d’être posée.

            “Et on peut même se demander si on n’observe pas une désassimilation « interne », dans lequel une partie de la population « de souche » revient à des racines « locales » en abandonnant l’identification à la collectivité nationale.”
            Bien sûr, et cela valide ma théorie de la décomposition de la civilisation française, à rebours de ceux qui parlent d’une simple “mutation” sans danger.

            “Il y a des cultures qui, parce qu’elles arrivent à offrir à leurs citoyens plus de possibilités, plus de choix, sont plus influentes que d’autres.”
            L’islamisme offre la rigueur morale, une identité collective, une cause à laquelle sa vie et celle des autres méritent d’être sacrifiées; il promet la grandeur, le martyr, le paradis. La France de Macron offre la précarité, la résignation, la repentance. Demandez à vos enfants de choisir, Descartes…

            “Contrairement à vous, je pense que l’identité nationale est dynamique : elle change, elle évolue, elle se transforme, et c’est très bien ainsi.”
            Une identité peut changer, évoluer, se transformer, à condition de maintenir le contact, l’échange, le dialogue avec le passé historique, littéraire, artistique, religieux. Or nous voyons bien aujourd’hui que les références littéraires ont déserté le discours des politiques, alors qu’un Pompidou, un Le Pen même, étaient capables de citer des vers, de mémoire. Quant à l’histoire… Mes élèves ignorent qui est Clovis, n’ont jamais entendu parler de Charles Martel, n’ont pas bien compris ce que sont les Croisades. Mais ils savent que l’homo sapiens est originaire d’Afrique, que les Européens ont pratiqué la traite négrière et que la Révolution française n’a pas vraiment émancipé les femmes. Le patrimoine lui-même n’est pas épargné: “Oh, ça va, quel pataquès on fait pour Notre-Dame, alors que des pauv’gens meurent dans la rue”. Oui, je l’ai entendu, et pas que dans les médias.

            “Je ne suis pas sûr que votre cas soit une généralité.”
            Certes, je vous l’accorde.

            “Mais avec la mise à l’arrêt définitive de nos réacteurs à neutrons rapides (Phénix et Superphénix)”
            L’arrêt de ces réacteurs est-il uniquement lié au fait que Jospin voulait “acheter” l’alliance des Verts, ou bien y avait-il des raisons plus sérieuses (problèmes techniques, rentabilité discutable) pour abandonner cette filière?

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [“La chute de l’empire, comme structure politique, est tombée non pas parce que les Arbogast et les Ricimer ont précipité sa chute, mais parce que le mode de production antique, qui réposait sur un réservoir illimité d’esclaves, s’est épuisé.” Cette théorie se heurte à plusieurs problèmes: 1) la dernière phase d’expansion de l’empire romain remonte à Trajan (mort en 117), or l’empire romain entre en crise grave au début du V° siècle… 300 ans après!]

              J’hésite toujours à vous contredire sur l’histoire romaine, parce que je sais que c’est l’une de vos passions. Mais dans ce cas, je pense que vous faites erreur. L’Empire romain entre en crise bien avant, au début de troisième siècle. Après la mort de Septime Sévère, le pouvoir politique se morcelle pour aboutir à ce qu’on appelle « l’anarchie militaire ». Un siècle après la mort de Trajan, l’empire entre dans une période de crises cycliques.

              Mais ce qui me paraît bien plus intéressant dans votre analogie est que vous considérez l’empire romain comme une continuité jusqu’à sa chute au Vème siècle (et pour l’empire d’orient, bien plus tard). Mais si l’on regarde de plus près, comment interprétez-vous l’arrivée en terre romaine de cette religion orientale qu’on appelle le christianisme ? Si vous pensez que l’islamisation de la France doit être considérée comme la disparition de la France et de l’identité française, pourquoi n’appliquez-vous pas le même raisonnement à l’Empire romain ? Regardé sous cette lumière, on peut dire que l’Empire romain a « disparu » quelque part entre le deuxième et le quatrième siècle, tant en orient qu’en occident, puisque le droit, la culture, la religion, l’identité des « romains de souche » ont été progressivement effacés par l’arrivée du christianisme…

              [Oui, la romanité s’est effondrée, et je peux vous en apporter des preuves: 1) je vous invite à feuilleter un ouvrage consacré à la littérature latine, et vous verrez que les grands auteurs ne sont connus que par une partie (parfois infime) de leur oeuvre, et plus nombreux encore sont les auteurs dont on n’a que des fragments, voire des citations trouvées chez un autre auteur;]

              Cela dépend. « La guerre des Gaules » nous est arrivée presque complète. La copie la plus ancienne conservée date du IXème siècle, ce qui vous montre que la romanité n’était pas si morte que ça. En fait, le fait que les textes des grands auteurs ne nous soient parvenus ne prouve rien : étant donné que la seule reproduction possible du texte était la copie manuelle, les textes étaient conservés en un petit nombre d’exemplaires. Il suffisait qu’un auteur passe de mode pour que ses écrits soient oubliés, et dès lors ils avaient toutes les chances de disparaître. Seuls les textes les plus importants étaient copiés et recopiés, ce qui garantissait leur perennité.

              [L’identité “romaine” a bien disparu: un siècle après la chute de l’empire d’Occident, les habitants de la Gaule se disent “Francs” (même les descendants de Gallo-romains) et les noms latins sont abandonnés au profit de noms germaniques.]

              Encore une fois, je trouve curieux que vous considériez que « l’identité romaine » ait survécu à la christianisation, et qu’elle n’ait disparu que bien plus tard. C’est un peu comme supposer que l’identité française serait toujours là si demain un nouveau Constantin faisait de l’islam la religion officielle de la France… C’est en cela que je pense qu’il faudrait réviser votre idée de ce qu’est l’identité.

              [“Il y a des cultures qui, parce qu’elles arrivent à offrir à leurs citoyens plus de possibilités, plus de choix, sont plus influentes que d’autres.” L’islamisme offre la rigueur morale, une identité collective, une cause à laquelle sa vie et celle des autres méritent d’être sacrifiées; il promet la grandeur, le martyr, le paradis. La France de Macron offre la précarité, la résignation, la repentance. Demandez à vos enfants de choisir, Descartes…]

              Ais-je besoin de vous dire que la France que je propose à mes enfants n’est certainement pas celle de Macron ?

              [Une identité peut changer, évoluer, se transformer, à condition de maintenir le contact, l’échange, le dialogue avec le passé historique, littéraire, artistique, religieux. Or nous voyons bien aujourd’hui que les références littéraires ont déserté le discours des politiques, alors qu’un Pompidou, un Le Pen même, étaient capables de citer des vers, de mémoire. Quant à l’histoire… Mes élèves ignorent qui est Clovis, n’ont jamais entendu parler de Charles Martel, n’ont pas bien compris ce que sont les Croisades. Mais ils savent que l’homo sapiens est originaire d’Afrique, que les Européens ont pratiqué la traite négrière et que la Révolution française n’a pas vraiment émancipé les femmes.]

              Je partage tout à fait votre diagnostic. Mais vous m’accorderez que tout cela n’a rien à voir avec l’immigration. C’est là où je ne comprends pas votre analogie romaine. Chez nous, la rupture du dialogue avec le passé historique, littéraire, artistique ou religieux n’est pas le fait d’une invasion venue d’ailleurs, c’est un mouvement purement endogène. Les soixante-huitards nous ont convoqué à regarder notre nombril plutôt que notre histoire, et cela sans aucune aide extérieure – si l’on ne compte pas l’influence américaine.

              [“Mais avec la mise à l’arrêt définitive de nos réacteurs à neutrons rapides (Phénix et Superphénix)”
              L’arrêt de ces réacteurs est-il uniquement lié au fait que Jospin voulait “acheter” l’alliance des Verts, ou bien y avait-il des raisons plus sérieuses (problèmes techniques, rentabilité discutable) pour abandonner cette filière?]

              Dans le cas de Phénix, l’arrêt était logique puisque c’était une installation arrivée en fin de vie et qui avait donné tout ce qu’elle pouvait donner. Pour la filière, c’est plus compliqué. Le kWh produit par les réacteurs à neutrons rapides sera plus cher que celui produit par les réacteurs à eau légère, et cela même si la construction d’une série complète faisait baisser les prix. La filière avait été lancée dans l’hypothèse que le développement de l’énergie nucléaire allait faire grimper le prix de l’uranium et donc rendre la filière rentable. Or, l’uranium s’est révélé bien plus abondant par rapport à la demande qu’on ne l’avait pensé, et du coup la rentabilité des surrégénérateurs n’est pas pour demain. Mais on pouvait parfaitement « abandonner la filière » temporairement tout en faisant fonctionner Superphénix. Après tout, on avait déjà dépensé le capital, autant tirer le meilleur parti tant du point de vue de l’énergie produite que de l’expérience qu’on pouvait en tirer.

            • @ Descartes,

              “J’hésite toujours à vous contredire sur l’histoire romaine, parce que je sais que c’est l’une de vos passions.”
              Je crains d’avoir été maladroit et je ne veux pas que vous vous mépreniez. En lisant mon commentaire, vous avez peut-être été tenté de vous dire: “Quel prétentieux! Il étale sa science pour noyer le débat dans l’érudition, et me clouer le bec”. Sachez que ce n’était pas mon intention. Les exemples que je donne sont juste là pour appuyer mon argumentation. Je vous prie de lever vos hésitations, car parlons franchement: vous n’avez pas votre pareil pour trouver les failles dans le raisonnement de vos contradicteurs. En relevant mes incohérences, vous m’aiderez à peaufiner ma démonstration. Et le fait que vous ne soyez pas féru d’histoire romaine (et, entre nous, je n’ai pas fait de thèse) n’est pas un problème, mais plutôt un avantage: vous aurez une vue globale du raisonnement là où le “spécialiste” tend à se perdre dans les détails.

              “L’Empire romain entre en crise bien avant, au début de troisième siècle.”
              Exact. Mais avec le redressement opéré par Dioclétien dès la fin du III°, le IV° siècle ouvre une nouvelle période de grandeur et de prospérité jusque vers 380. Pourquoi l’empire n’a-t-il pas pu alors surmonter la crise de la fin du IV° et du début du V° siècle? D’autant qu’encore une fois, avec des structures économiques comparables, l’empire d’Orient s’en sort plutôt bien.

              “Regardé sous cette lumière, on peut dire que l’Empire romain a « disparu » quelque part entre le deuxième et le quatrième siècle, tant en orient qu’en occident, puisque le droit, la culture, la religion, l’identité des « romains de souche » ont été progressivement effacés par l’arrivée du christianisme…”
              Très bonne remarque. En somme, vous me dites: “la romanité tardive est une romanité chrétienne… du coup, est-ce encore la romanité?”. C’est une question passionnante. D’abord, un point sur la chronologie: avec Constantin, le christianisme devient la religion de l’empereur, et non la religion officielle (ce qui est une anomalie au regard de la tradition romaine). Lorsque Théodose fait du christianisme la religion officielle et interdit les cultes polythéistes, nous sommes en 392/393, les Goths non-assimilés sont dans la place.

              Ensuite, comme j’aime à le rappeler, l’Eglise est “sainte, catholique, apostolique et romaine”. Le christianisme s’est imposé à la romanité, mais la romanité a profondément imprégné le christianisme. L’organisation “administrative” de l’Eglise elle-même est romaine, la hiérarchie du clergé (avec les primats, métropolites, évêques) elle-même reprend le cadre romain, bien que le pape n’exerce pas encore la suprématie qui sera plus tard la sienne. Mais une question mérite d’être posée: le christianisme est-il vraiment une religion étrangère? Après tout, Jésus vit dans une province romaine ou au sein d’un royaume hérodien client de Rome. Saint Paul est citoyen romain, bien que juif. Ensuite, le christianisme se développe essentiellement dans le monde romain. Parmi ses adeptes, les “Gréco-romains” sont rapidement majoritaires. Cette diffusion de la nouvelle religion parmi des gens frottés à la philosophie grecque et au droit romain a nécessairement “hellénisé” et “romanisé” le christianisme. Le phénomène n’est d’ailleurs pas sans précédent: à l’époque hellénistique, une partie non-négligeable des juifs avaient été tentés par la culture grecque, provoquant des frictions avec les milieux “traditionalistes”. Avec sa vocation universaliste, le christianisme allait être encore plus perméable aux traditions culturelles du milieu dans lequel il se développe.

              Mais je vous vois venir. L’œil malicieux et le sourire narquois, vous allez me dire: “alors, quel est le problème avec l’islam? Comme le christianisme s’est romanisé, l’islam se francisera.” Je pense que les deux cas sont différents. D’abord, lorsque Constantin devient chrétien, le christianisme a à peine 300 ans, alors que l’islam a près de 1400 ans. Le christianisme du IV° siècle est une religion en train de fonder sa tradition, de poser ses dogmes. La religion chrétienne a quelques siècles, mais la culture chrétienne est en pleine élaboration. Et l’empereur est intervenu dans ce processus d’élaboration… Il est intervenu avec son héritage romain, avec sa culture juridique. Il est aussi intervenu avec sa force politique: la romanisation du christianisme n’a pas été un choix, elle a en partie été imposée par le pouvoir impérial, un peu comme Napoléon a utilisé son pouvoir pour franciser le judaïsme (sans y adhérer cependant).

              Lorsque l’islam s’implante véritablement en France, à la fin du XX° siècle, c’est une religion déjà ancienne, élaborée, avec sa culture, sa tradition juridique. Vous me direz: au temps de Napoléon, le judaïsme avait plus de deux mille ans. Certes, mais deux mille ans d’errance, de discriminations, de persécutions, là où les musulmans viennent d’une civilisation “impériale” et dominante dans de nombreuses contrées. Ensuite, il y a le nombre: quelques dizaines de milliers de juifs sous Napoléon, quatre à six millions (enfin, ce sont les estimations rassurantes) de musulmans en France en 2020. Et puis, il y a la laïcité.

              J’écoutais un débat très intéressant entre Eric Zemmour et Thierry Lentz, historien spécialiste de Napoléon. L’un comme l’autre faisait observer que Chevènement et Sarkozy, avec le CFCM, ont certainement rêver de réitérer ce que Napoléon avait fait avec les juifs. Le problème est que l’Etat aujourd’hui n’a pas l’autorité qu’avait Napoléon, et la laïcité consacre la séparation du religieux et du politique. Zemmour et Lentz remarquaient que Napoléon a posé un certain nombre de questions aux juifs de France (une juive peut-elle épouser un non-juif? les soldats juifs peuvent-ils manger en campagne de la nourriture qui ne soit pas casher? les autres Français sont-ils des frères aux yeux des juifs? etc). Or la réponse à ces questions n’allait pas de soi. En réalité, l’empereur a obligé les juifs à s’adapter à la France d’après 1789, en échange bien sûr d’une pleine et entière citoyenneté, contrepartie évidemment intéressante. Posez-vous cette question, Descartes: aujourd’hui, l’Etat pourrait-il poser les mêmes questions aux musulmans de France? Non, même si un dirigeant le voulait, il n’aurait pas la possibilité légale de le faire. C’est pourquoi le CFCM, outre qu’il est divisé en chapelles rivales, tient un discours ambivalent. Je ne crois pas que les musulmans soient capables d’opérer d’eux-mêmes un aggiornamento, et j’attire votre attention sur le fait que l’Etat affaibli et les Français, convertis au multiculturalisme ou écrasés par la censure antiraciste, n’ont ni la volonté ni le pouvoir d’imposer cette “modernisation” de l’islam.

              “Cela dépend. « La guerre des Gaules » nous est arrivée presque complète. La copie la plus ancienne conservée date du IXème siècle, ce qui vous montre que la romanité n’était pas si morte que ça.”
              Certes. Mais nous ne connaissons, par exemple, que le début de l’oeuvre de Tite-Live, qui raconte toute l’histoire de Rome des origines jusqu’au début de l’empire. Pourquoi avoir sciemment conservé le début et pas la suite?

              “Seuls les textes les plus importants étaient copiés et recopiés, ce qui garantissait leur perennité.”
              L’importance d’un texte, vous m’accorderez que c’est très subjectif… Un historien vous dirait que les livres perdus de Tite-Live seraient pour lui plus importants que la correspondance privée de Sidoine Apollinaire.

              “C’est un peu comme supposer que l’identité française serait toujours là si demain un nouveau Constantin faisait de l’islam la religion officielle de la France…”
              J’ai répondu à cela précédemment. Constantin (qui n’a pas fait du christianisme la religion officielle puisque son édit de Milan de 313 est un édit de tolérance) a romanisé le christianisme. Et parce que le christianisme est devenu romain, les Romains convertis au christianisme sont restés des Romains. Sidoine Apollinaire au V° siècle parsème ses écrits de références à la culture classique païenne… et il finira évêque de Clermont. J’attire votre attention sur le fait que, passé le VI° siècle, les références à la mythologie gréco-romaine disparaissent ou se font très rares (il y a l’origine troyenne des Francs, je vous l’accorde) avant de réapparaître à la Renaissance et à l’époque moderne.

              “Ais-je besoin de vous dire que la France que je propose à mes enfants n’est certainement pas celle de Macron ?”
              Votre remarque me laisse perplexe. Avez-vous donc le pouvoir de décider dans quelle France vous vivez? Moi pas. Hélas.

              “Chez nous, la rupture du dialogue avec le passé historique, littéraire, artistique ou religieux n’est pas le fait d’une invasion venue d’ailleurs, c’est un mouvement purement endogène.”
              Oui, enfin cela permet quand même de justifier le discours multiculturaliste, même si c’est a posteriori. L’arrivée de populations indifférentes voire hostiles, du fait du contentieux colonial, au récit national aide bien à enterrer ce dernier. Ce n’est pas “leur” histoire et les immigrés seront bientôt majoritaires dans la jeunesse “française”. On ne va pas les saouler avec l’histoire des sales blancs…

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Je crains d’avoir été maladroit et je ne veux pas que vous vous mépreniez. En lisant mon commentaire, vous avez peut-être été tenté de vous dire: “Quel prétentieux! Il étale sa science pour noyer le débat dans l’érudition, et me clouer le bec”. Sachez que ce n’était pas mon intention.]

              Je ne me méprends nullement, et mon intention n’était pas de vous reprocher quoi que ce soit, au contraire. Je trouve que vous avez une telle connaissance de l’histoire romaine que j’ai presque envie de me rendre à vos arguments par effet d’autorité sans prendre la peine de chercher les failles dans votre raisonnement. Mais je n’y vois aucune prétention, au contraire. Vous parlez avec passion de quelque chose qui vous passionne et que vous avez pris la peine d’étudier à fond. C’est cela qui fait que c’est un plaisir d’échanger avec vous.

              [Et le fait que vous ne soyez pas féru d’histoire romaine (et, entre nous, je n’ai pas fait de thèse) n’est pas un problème, mais plutôt un avantage: vous aurez une vue globale du raisonnement là où le “spécialiste” tend à se perdre dans les détails.]

              Ne vous méprenez pas à votre tour. J’adore l’histoire romaine, et l’un de mes regrets est de ne pas avoir étudié le Latin (je viens de m’y mettre… en partie grâce à vous !) et l’histoire antique. Mais dans la vie on ne peut pas tout faire…

              [D’abord, un point sur la chronologie: avec Constantin, le christianisme devient la religion de l’empereur, et non la religion officielle (ce qui est une anomalie au regard de la tradition romaine). Lorsque Théodose fait du christianisme la religion officielle et interdit les cultes polythéistes, nous sommes en 392/393, les Goths non-assimilés sont dans la place.]

              Certes. Mais devenir la religion de l’empereur, et du coup celle du culte public, ce n’est pas rien dans le contexte romain. Cela indique une pénétration du christianisme dans le peuple romain relativement importante. Imaginez-vous que Macron se convertisse demain à l’Islam. Quelle conclusion tireriez-vous ? Ne trouveriez-vous pas que cela manifeste une « rupture » avec la France d’avant ?

              [Mais une question mérite d’être posée: le christianisme est-il vraiment une religion étrangère? Après tout, Jésus vit dans une province romaine ou au sein d’un royaume hérodien client de Rome.]

              Un peu comme les marocains et les algériens, qui vivaient dans une « province » française ou dans un « royaume client » de la France. Et vous pensez pourtant que l’Islam est une religion étrangère, non ? Le judaïsme – et le christianisme est une hérésie juive – est la religion d’une colonie romaine, tout comme l’Islam est la religion d’une colonie française…

              [Mais je vous vois venir. L’œil malicieux et le sourire narquois, vous allez me dire: “alors, quel est le problème avec l’islam? Comme le christianisme s’est romanisé, l’islam se francisera.” Je pense que les deux cas sont différents.]

              Vous avez vous-même anticipé l’argument. Bien entendu, je ne conteste pas que la situation soit différente, pour les raisons que vous expliquez, mais aussi pour d’autres raisons qui tiennent à la structure économique des sociétés. Mais cette constatation détruit aussi votre analogie : si l’on ne peut faire une analogie entre l’Islam d’aujourd’hui et le christianisme du IIIème siècle, est-il logique de raisonner par analogie entre les musulmans d’aujourd’hui et les barbares du Vème siècle ?

              [Posez-vous cette question, Descartes: aujourd’hui, l’Etat pourrait-il poser les mêmes questions aux musulmans de France? Non, même si un dirigeant le voulait, il n’aurait pas la possibilité légale de le faire.]

              Je ne suis pas d’accord. Non seulement l’Etat pourrait poser la question, mais il est mieux armé que ne l’était Napoléon. A l’époque napoléonienne, la séparation du civil et du religieux était une idée nouvelle. Aujourd’hui, notre législation la consacre. Demander à une communauté étrangère comme le fit Napoléon d’accepter que la loi de la république s’impose à la loi religieuse comme condition d’accès à la citoyenneté au début du XIXème pouvait paraître discriminatoire – car on ne demandait pas encore aux catholiques d’accepter ce même principe. Aujourd’hui, au contraire, la demande apparaîtrait parfaitement symétrique : on a demandé aux juifs et aux chrétiens d’accepter que la loi religieuse s’efface devant la loi républicaine. Pourquoi ne pourrait-on pas l’exiger des autres ?

              La difficulté n’est pas juridique, elle est politique. Aujourd’hui, nos élites ne posent pas ces questions non pas parce qu’ils ne le peuvent pas, mais parce qu’ils ne le veulent pas. Et ils ne le veulent pas parce au contrairement à Napoléon, ils ne sont pas prêts à accorder aux assimilés la contrepartie de leur assimilation, c’est-à-dire, la pleine citoyenneté.

              [C’est pourquoi le CFCM, outre qu’il est divisé en chapelles rivales, tient un discours ambivalent. Je ne crois pas que les musulmans soient capables d’opérer d’eux-mêmes un aggiornamento,]

              Ca dépend quels musulmans. Vous parlez des musulmans comme s’ils constituaient un tout indifférencié. Mais ce n’est pas le cas : les musulmans français sont pour une large part assimilés, acceptent parfaitement la supériorité de la loi civile. Cela n’implique pas ignorer le « séparatisme » qui affecte une large partie des musulmans en France (et avant que vous me fassiez la remarque, je vous rappelle que j’utilise le terme « séparatisme » bien avant que notre président le découvre…).

              [et j’attire votre attention sur le fait que l’Etat affaibli et les Français, convertis au multiculturalisme ou écrasés par la censure antiraciste, n’ont ni la volonté ni le pouvoir d’imposer cette “modernisation” de l’islam.]

              Nos élites n’en ont certainement pas la volonté, ou pour être précis, ne sont pas prêtes à en payer le prix. Mais cela pourrait changer…

              [“Cela dépend. « La guerre des Gaules » nous est arrivée presque complète. La copie la plus ancienne conservée date du IXème siècle, ce qui vous montre que la romanité n’était pas si morte que ça.”
              Certes. Mais nous ne connaissons, par exemple, que le début de l’oeuvre de Tite-Live, qui raconte toute l’histoire de Rome des origines jusqu’au début de l’empire. Pourquoi avoir sciemment conservé le début et pas la suite?]

              Qu’est ce qui vous fait dire qu’on a « sciemment » conservé seulement le début ? Et à supposer que ce soit le cas, à quoi attribuez-vous cette omission ?

              [“Seuls les textes les plus importants étaient copiés et recopiés, ce qui garantissait leur perennité.”
              L’importance d’un texte, vous m’accorderez que c’est très subjectif… Un historien vous dirait que les livres perdus de Tite-Live seraient pour lui plus importants que la correspondance privée de Sidoine Apollinaire.]

              C’était bien mon point. Les seuls textes qui nous sont parvenus sont ceux qui ont été considérés « importants » sans discontinuer depuis l’antiquité jusqu’à l’invention de l’imprimerie. Et comme l’importance est, comme vous le dites, subjective, cela vous explique que si peu de textes latins nous soient parvenus complets.

              [Et parce que le christianisme est devenu romain, les Romains convertis au christianisme sont restés des Romains. Sidoine Apollinaire au V° siècle parsème ses écrits de références à la culture classique païenne… et il finira évêque de Clermont. J’attire votre attention sur le fait que, passé le VI° siècle, les références à la mythologie gréco-romaine disparaissent ou se font très rares (il y a l’origine troyenne des Francs, je vous l’accorde) avant de réapparaître à la Renaissance et à l’époque moderne.]

              Oui, mais pourquoi ? Parce que cette religion orientale qu’est le christianisme entend effacer tout ce qui sent le paganisme, et cela inclut les références mythologiques romaines. Je continue de m’étonner que vous, qui vous désolez de la « substitution culturelle » de notre époque estimiez que l’effacement presque total de la mythologie gréco-romaine par les chrétiens à partir du haut moyen-âge n’en soit pas une…

              [“Ais-je besoin de vous dire que la France que je propose à mes enfants n’est certainement pas celle de Macron ?” Votre remarque me laisse perplexe. Avez-vous donc le pouvoir de décider dans quelle France vous vivez? Moi pas. Hélas.]

              Celle dans laquelle je vis, non. Mais celle que je transmets, oui. Peut-être suis-je influencé par mes origines juives, culture qui a été capable de porter son identité avec elle et la conserver même en vivant parmi des gens de culture différente.

              “Chez nous, la rupture du dialogue avec le passé historique, littéraire, artistique ou religieux n’est pas le fait d’une invasion venue d’ailleurs, c’est un mouvement purement endogène.” Oui, enfin cela permet quand même de justifier le discours multiculturaliste, même si c’est a posteriori.]

              Je n’ai pas été clair. Quand je parle de « phénomène endogène », ce n’est pas au sens qu’il serait venu des descendants d’étrangers devenus français, mais qu’il est venu des propres élites « de souche ». Ce ne sont pas les étrangers ou leurs enfants qui ont fait mai 1968, qui ont défait l’école de la République, qui ont contesté le roman national pour lui substituer un discours révisionniste et victimiste. Ce sont des élites bien blanches et bien de chez nous, éduquées dans la laïcité et dans les meilleures écoles.

            • @ Descartes,

              “C’est cela qui fait que c’est un plaisir d’échanger avec vous.”
              Plaisir partagé, je vous l’assure (mais vous le savez).

              “Cela indique une pénétration du christianisme dans le peuple romain relativement importante.”
              Cette pénétration reste très difficile à mesurer. Les historiens qui, à ma connaissance, se sont risqués à des estimations établissent une fourchette de 15 à 25 % de chrétiens dans la population de l’empire au moment des édits de Théodose. La masse des paysans reste païenne (le mot “païen” a d’ailleurs la même étymologie que “paysan”) tandis qu’une bonne partie des élites municipales et sénatoriales, pour des raisons idéologiques, demeurent attachées au polythéisme traditionnel. Le christianisme a pour lui la cohérence et une relative unité (imposée par les empereurs) là où le polythéisme recouvre une grande variété de cultes et de discours théologiques. La pénétration du christianisme dans la société romaine est réelle, mais il ne faut pas l’exagérer non plus.

              “Le judaïsme – et le christianisme est une hérésie juive – est la religion d’une colonie romaine, tout comme l’Islam est la religion d’une colonie française…”
              Bonne remarque, mais je peux vous répondre que: 1) l’islam était présent au Maghreb depuis mille ans quand la France est arrivée, alors que le christianisme n’existait pas quand la Judée s’est retrouvée avec un procurateur romain; 2) le judaïsme, lui, est resté hostile à la civilisation romaine comme en témoignent les révoltes de 66, 115 et 132. Il me semble donc plus pertinent de comparer l’islam avec le judaïsme, plutôt qu’avec le christianisme.

              “est-il logique de raisonner par analogie entre les musulmans d’aujourd’hui et les barbares du Vème siècle ?”
              C’est une bonne question. Ma culture personnelle est essentiellement historique. Je pense le présent en fonction des instruments que j’ai à ma disposition, et l’histoire me paraît l’un des meilleurs instruments. Pour répondre à votre question, je pense que l’analogie est jusqu’à un certain point valable: confrontés à l’implantation de populations barbares, étrangères au monde gréco-romain, les Romains les ont assimilés à leur façon, et le prix de cette assimilation a été une mutation d’une telle ampleur que les Romains y ont perdu l’essentiel de leur identité. La construction de la nouvelle civilisation s’est faite autour du christianisme. Heureusement que le christianisme avait eu le temps d’intégrer certains éléments de la romanité, sinon il ne serait pas resté grand-chose de la culture romaine. C’est pourquoi je suis fermement opposé à votre projet d’assimiler les musulmans, parce que je crains que le prix à payer pour réaliser une sorte de synthèse acceptable entre leur identité et la mienne soit tel que, de fait, l’identité française disparaîtra.

              “Qu’est ce qui vous fait dire qu’on a « sciemment » conservé seulement le début ?”
              Vous m’avez affirmé qu’on n’avait conservé que les textes jugés importants. Si on a voulu conserver la suite de l’oeuvre de Tite-Live et qu’on n’a pas pu, il faut bien admettre une rupture de la transmission , liée à des destructions par exemple.

              “Non seulement l’Etat pourrait poser la question, mais il est mieux armé que ne l’était Napoléon.”
              La contrepartie offerte par Napoléon était aussi, pardon de le rappeler, un financement public des cultes. Proposez-vous de construire des mosquées et d’entretenir des imams aux frais de l’Etat?

              “Et ils ne le veulent pas parce au contrairement à Napoléon, ils ne sont pas prêts à accorder aux assimilés la contrepartie de leur assimilation, c’est-à-dire, la pleine citoyenneté.”
              Les musulmans de nationalité française “non-assimilés” n’auraient pas la pleine citoyenneté française? Je ne comprends pas.

              De manière générale, je pense que vous sous-estimez l’obstacle juridique. Il est réel.

              “Vous parlez des musulmans comme s’ils constituaient un tout indifférencié. Mais ce n’est pas le cas : les musulmans français sont pour une large part assimilés, acceptent parfaitement la supériorité de la loi civile.”
              Oui, au-delà des exceptions, “les musulmans” forment pour moi un tout, un corps étranger et intrusif qu’il convient de repousser. Un musulman est inassimilable. Ou plutôt le prix à payer pour s’assimiler est de renoncer à l’islam, pas seulement dans sa dimension religieuse mais aussi culturelle.

              “Et comme l’importance est, comme vous le dites, subjective, cela vous explique que si peu de textes latins nous soient parvenus complets.”
              Il est alors très étonnant que des textes mythologiques ou des livres de recettes nous soient parvenus. Et pourquoi avoir perdu les derniers livres de Tite-Live et avoir conservé les résumés et les abréviateurs si ce texte n’était pas important?

              “Parce que cette religion orientale qu’est le christianisme entend effacer tout ce qui sent le paganisme, et cela inclut les références mythologiques romaines.”
              Je ne le crois pas. Durant la romanité tardive, culture classique et culture chrétienne cohabitent. Seulement, avec les invasions barbares, l’Eglise récupère le monopole de la culture. Toutes les structures qui garantissaient la transmission de la culture classique (écoles financées par les cités, rhéteurs prestigieux et philosophes de renom dispensant leurs connaissances aux jeunes aristocrates dans les grands centres urbains) ont sombré à cause de l’anarchie, de la crise économique et du déclin de la vie municipale liés aux invasions et à la décomposition du pouvoir impérial, davantage qu’au triomphe du christianisme. Du moins en Occident. Il est vrai qu’en Orient, Justinien au VI° siècle mène une dure répression contre le paganisme et la culture classique. Mais c’est une volonté de l’empereur, pas une demande de l’Eglise.

              “Mais celle que je transmets, oui.”
              Je pense qu’il faut des institutions pour transmettre les éléments d’une identité commune. Parce que si dans un siècle, il y a autant d’identités françaises qu’il y a d’identités juives…

              “Peut-être suis-je influencé par mes origines juives, culture qui a été capable de porter son identité avec elle et la conserver même en vivant parmi des gens de culture différente.”
              Je comprends. Mais l’honnêteté m’oblige à vous dire que l’idée de me retrouver comme un juif en Palestine au XIX° siècle, étranger sur la terre de mes ancêtres, ne m’emballe pas.

              “Ce ne sont pas les étrangers ou leurs enfants qui ont fait mai 1968, qui ont défait l’école de la République, qui ont contesté le roman national pour lui substituer un discours révisionniste et victimiste. Ce sont des élites bien blanches et bien de chez nous, éduquées dans la laïcité et dans les meilleures écoles”
              Je suis d’accord avec ce point. Mais l’idée que la domination barbare était acceptable a aussi été théorisée au sein d’une partie de l’aristocratie gallo-romaine. On voit d’ailleurs un certain nombre de nobles gallo-romains collaborer avec les Goths, voire apprendre leur langue, au grand dam de Sidoine Apollinaire (qui lui est un “patriote” romain). Et qu’est-il advenu? Les descendants de ces aristocrates romains ont fini par fusionner avec l’aristocratie barbare et abandonner leurs noms latins, leur culture classique… Ils sont à terme devenus des Francs, des Goths, des Burgondes. Exemple à méditer: une identité culturelle est toujours produite par des élites. Que ces élites rejettent l’identité en question et elle est condamnée.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [“C’est cela qui fait que c’est un plaisir d’échanger avec vous.” Plaisir partagé, je vous l’assure (mais vous le savez).]

              Oui, je le sais, et je ne désespère pas de pouvoir un jour vous rencontrer et discuter face à face…

              [Le christianisme a pour lui la cohérence et une relative unité (imposée par les empereurs) là où le polythéisme recouvre une grande variété de cultes et de discours théologiques. La pénétration du christianisme dans la société romaine est réelle, mais il ne faut pas l’exagérer non plus.]

              Elle devait tout de même être suffisamment puissante dans les élites pour que les empereurs se convertissent puis rendent le christianisme religion d’Etat. Les paysans sont restés probablement païens (mais ce sera le cas jusqu’à l’époque moderne : on voit dans les campagnes coexister les institutions catholiques et la survivance des rites anciens, au point que pour s’implanter le catholicisme a fait siens certains de ces rites).

              [“Le judaïsme – et le christianisme est une hérésie juive – est la religion d’une colonie romaine, tout comme l’Islam est la religion d’une colonie française…”
              Bonne remarque, mais je peux vous répondre que: 1) l’islam était présent au Maghreb depuis mille ans quand la France est arrivée, alors que le christianisme n’existait pas quand la Judée s’est retrouvée avec un procurateur romain; 2) le judaïsme, lui, est resté hostile à la civilisation romaine comme en témoignent les révoltes de 66, 115 et 132. Il me semble donc plus pertinent de comparer l’islam avec le judaïsme, plutôt qu’avec le christianisme.]

              Cela dépend de la vision que vous avez du christianisme primitif : s’agit-il d’une religion totalement nouvelle, ou bien de la continuité de la religion juive, une sorte de judaïsme remis au goût du jour ? Personnellement, je penche pour la deuxième hypothèse. Après tout, les différences théologiques au départ sont minimes, et portent uniquement sur le fait de savoir si Jésus est ou non le messie que les juifs attendent depuis fort longtemps.

              [“est-il logique de raisonner par analogie entre les musulmans d’aujourd’hui et les barbares du Vème siècle ?” C’est une bonne question. Ma culture personnelle est essentiellement historique. Je pense le présent en fonction des instruments que j’ai à ma disposition, et l’histoire me paraît l’un des meilleurs instruments. Pour répondre à votre question, je pense que l’analogie est jusqu’à un certain point valable: confrontés à l’implantation de populations barbares, étrangères au monde gréco-romain, les Romains les ont assimilés à leur façon, et le prix de cette assimilation a été une mutation d’une telle ampleur que les Romains y ont perdu l’essentiel de leur identité.]

              C’est là où je pense que vous faites une lecture idéologique de ce que pouvait être l’identité romaine. On pourrait parfaitement faire la lecture opposée, et dire que l’identité romaine a évolué du fait de l’extension de l’empire et de l’assimilation de populations différentes, tout en restant fidèle aux racines romaines. Je retrouve ici l’opposition entre votre vision de l’identité et la mienne. Vous avez une vision statique, dans laquelle l’identité ne peut évoluer sans « perdre l’essentiel ». Pour moi, on garde l’essentiel dès lors que l’évolution se fait dans une continuité dans les éléments culturels, institutionnels, sociaux. Prenez par exemple le droit : les mutations de l’empire romain n’ont pas rompu la continuité juridique – au point que celle-ci s’étend jusqu’au moyen-âge et au-delà.

              [“Qu’est ce qui vous fait dire qu’on a « sciemment » conservé seulement le début ?” Vous m’avez affirmé qu’on n’avait conservé que les textes jugés importants. Si on a voulu conserver la suite de l’oeuvre de Tite-Live et qu’on n’a pas pu, il faut bien admettre une rupture de la transmission, liée à des destructions par exemple.]

              Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. J’ai dit qu’on a copié et recopié les textes jugés importants à chaque époque avec un souci de conservation. Les autres, ceux qui sont tombés à une époque ou l’autre dans l’oubli, ont été perdus ou conservés partiellement ou totalement par le fait du hasard.

              [“Non seulement l’Etat pourrait poser la question, mais il est mieux armé que ne l’était Napoléon.”
              La contrepartie offerte par Napoléon était aussi, pardon de le rappeler, un financement public des cultes. Proposez-vous de construire des mosquées et d’entretenir des imams aux frais de l’Etat?]

              Napoléon était un pragmatique : il avait compris qu’entretenir le culte et faire des prêtres des fonctionnaires permettait de les contrôler, et à une époque où les religions conservaient un pouvoir de prescription important, ce contrôle était un objectif légitime des pouvoirs publics. Aujourd’hui, le problème se pose différemment. Je ne suis pas sûr que les religions – catholicisme compris – soient prêtes à sacrifier leur indépendance en échange de la prise en charge des cultes par l’Etat. Mais si le problème est posé dans ces termes, je ne serais pas absolument contre une prise en charge des cultes par de l’argent public.

              [“Et ils ne le veulent pas parce au contrairement à Napoléon, ils ne sont pas prêts à accorder aux assimilés la contrepartie de leur assimilation, c’est-à-dire, la pleine citoyenneté.” Les musulmans de nationalité française “non-assimilés” n’auraient pas la pleine citoyenneté française? Je ne comprends pas.]

              Non, ils ne l’ont pas. Pour ne donner qu’un exemple, la « pleine citoyenneté », c’est aussi l’égalité dans l’accès aux services publics. Pensez-vous que le lycée Joliot-Curie de Pantin offre la même qualité d’enseignement que le lycée Henri-IV à Paris ? Pensez-vous que la sécurité des personnes et des biens soient protégés avec le même soin dans le VIIème arrondissement de Paris et à la Grande Borne ?

              Oui, nos concitoyens musulmans non assimilés ont la pleine citoyenneté du point de vue juridique. Ils ont en théorie les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres citoyens. Mais les conditions d’exercice de ces droits et de ces devoirs ne sont pas tout à fait les mêmes. Et ne sont pas les mêmes parce que nos classes intermédiaires ne sont pas prêtes à en payer le prix

              [Oui, au-delà des exceptions, “les musulmans” forment pour moi un tout, un corps étranger et intrusif qu’il convient de repousser. Un musulman est inassimilable. Ou plutôt le prix à payer pour s’assimiler est de renoncer à l’islam, pas seulement dans sa dimension religieuse mais aussi culturelle.]

              C’est sur ce point que nos différences sont les plus importantes. Peut-être parce que nous avons des expériences différentes. J’ai des collègues d’origine musulmane parfaitement assimilés, qui n’ont pas « renoncé à l’Islam » mais ont une pratique religieuse qui s’apparente à celle de la plupart des chrétiens ou des juifs assimilés. On garde les grandes fêtes – surtout quand elles sont l’occasion de réjouissances – qui ont un caractère plus traditionnel que religieux, on se rapproche de l’institution religieuse pour les naissances, les mariages ou les décès, et puis c’est tout.

              [Seulement, avec les invasions barbares, l’Eglise récupère le monopole de la culture. Toutes les structures qui garantissaient la transmission de la culture classique (écoles financées par les cités, rhéteurs prestigieux et philosophes de renom dispensant leurs connaissances aux jeunes aristocrates dans les grands centres urbains) ont sombré à cause de l’anarchie, de la crise économique et du déclin de la vie municipale liés aux invasions et à la décomposition du pouvoir impérial, davantage qu’au triomphe du christianisme. Du moins en Occident. Il est vrai qu’en Orient, Justinien au VI° siècle mène une dure répression contre le paganisme et la culture classique. Mais c’est une volonté de l’empereur, pas une demande de l’Eglise.]

              L’empereur étant en même temps pontife, la différence entre la volonté de l’empereur et celle de l’Eglise me paraît difficile à soutenir. Et pour ce qui concerne l’Occident, je trouve bien irénique votre vision sur la coexistence de la culture chrétienne et païenne. On trouve au contraire des exemples nombreux de destruction de monuments ou d’objets antiques sous prétexte de combattre l’idolâtrie païenne. Des temples sont démolis et des églises sont construites sur leurs décombres, quand ils ne sont simplement et purement récupérés et transformés.

              [“Peut-être suis-je influencé par mes origines juives, culture qui a été capable de porter son identité avec elle et la conserver même en vivant parmi des gens de culture différente.” Je comprends. Mais l’honnêteté m’oblige à vous dire que l’idée de me retrouver comme un juif en Palestine au XIX° siècle, étranger sur la terre de mes ancêtres, ne m’emballe pas.]

              Je voulais simplement vous faire observer qu’une culture peut survivre très longtemps dans des conditions hostiles aussi longtemps qu’existe une volonté de transmettre. Après deux mille ans d’errance, il restait assez de « culture juive » pour pouvoir reconstituer un Etat.

              [“Ce ne sont pas les étrangers ou leurs enfants qui ont fait mai 1968, qui ont défait l’école de la République, qui ont contesté le roman national pour lui substituer un discours révisionniste et victimiste. Ce sont des élites bien blanches et bien de chez nous, éduquées dans la laïcité et dans les meilleures écoles” Je suis d’accord avec ce point. Mais l’idée que la domination barbare était acceptable a aussi été théorisée au sein d’une partie de l’aristocratie gallo-romaine. On voit d’ailleurs un certain nombre de nobles gallo-romains collaborer avec les Goths, voire apprendre leur langue, au grand dam de Sidoine Apollinaire (qui lui est un “patriote” romain). Et qu’est-il advenu? Les descendants de ces aristocrates romains ont fini par fusionner avec l’aristocratie barbare et abandonner leurs noms latins, leur culture classique… Ils sont à terme devenus des Francs, des Goths, des Burgondes. Exemple à méditer: une identité culturelle est toujours produite par des élites. Que ces élites rejettent l’identité en question et elle est condamnée.]

              Bonne remarque. Oui, ce sont les élites qui contrôlent le champ des idées et de la culture. Et à ce titre ils ont une fonction essentielle dans la transmission et la préservation d’une identité culturelle. Mais j’attire votre attention sur le fait que le modèle « multiculturel » est en perte de vitesse chez nos élites et celles de nos voisins. Aujourd’hui, un Boris Johnson rétablit les frontières d’une façon qui aurait été impensable il y a vingt ans. Même chose chez Trump. Après les excès de la “haine de soi” des années 2000, le pendule est en train de revenir.

            • @ Descartes,

              “Oui, je le sais, et je ne désespère pas de pouvoir un jour vous rencontrer et discuter face à face…”
              Vous seriez déçu… Vous qui avez l’honneur de côtoyer des hauts fonctionnaires, des ingénieurs, des scientifiques, bref des gens qui allient une grande culture à une certaine ouverture au monde. Je ne suis pour ma part qu’un petit provincial désorienté (et un peu désespéré) par la marche du monde.

              “Cela dépend de la vision que vous avez du christianisme primitif : s’agit-il d’une religion totalement nouvelle, ou bien de la continuité de la religion juive, une sorte de judaïsme remis au goût du jour ?”
              A cela, je répondrais deux choses: 1) les juifs ont rapidement considéré les chrétiens avec une sourde hostilité; 2) les chrétiens ont tenu rapidement à se démarquer des juifs (abandon de la circoncision, de certains interdits alimentaires…). Après, je ne suis pas expert en théologie juive et je ne veux pas dire de sottise, mais j’avais cru comprendre que l’idée de salut individuel et l’existence d’un “royaume” extérieur au monde terrestre étaient des ruptures théologiques par rapport à la tradition juive.

              “Elle devait tout de même être suffisamment puissante dans les élites pour que les empereurs se convertissent puis rendent le christianisme religion d’Etat.”
              Je ne nie pas la pénétration du christianisme, y compris chez les élites romaines. J’observe simplement que tous les Romains, puissants ou humbles, ne sont pas devenus chrétiens de leur plein gré. En Orient, il a fallu les persécutions de Justinien pour en finir avec un paganisme encore assez répandu, y compris au sein des notabilités urbaines.

              “On pourrait parfaitement faire la lecture opposée, et dire que l’identité romaine a évolué du fait de l’extension de l’empire et de l’assimilation de populations différentes, tout en restant fidèle aux racines romaines.”
              Je suis d’accord. Mais j’en reviens à ma comparaison avec l’empire d’Orient: ceux que nous appelons “Byzantins” ont eux conservé une identité romaine. Ils continuent à s’appeler eux-mêmes “Romains” (alors qu’ils sont majoritairement de langue grecque), ils maintiennent plus longtemps les structures administratives héritées de l’empire, le droit romain est beaucoup moins entaché chez eux d’influences germaniques qu’en Occident. Bien sûr, l’empire évolue: en l’an mille, les Byzantins sont différents des Romains du IV° siècle. Il n’empêche qu’ils en ont conservé le nom, et la culture antique a été bien mieux conservée chez eux. Au-delà des changements, je vois en effet une forme de permanence de l’identité “romaine”, assumée et revendiquée comme telle, que je ne perçois pas en Occident, où il y a seulement un héritage qui se mêle à de nouveaux éléments fondateurs (baptême de Clovis, conquête sur les Romains, éléments de droit germanique). Mais je vous accorde qu’on peut discuter longuement de ce point.

              “Non, ils ne l’ont pas. Pour ne donner qu’un exemple, la « pleine citoyenneté », c’est aussi l’égalité dans l’accès aux services publics. Pensez-vous que le lycée Joliot-Curie de Pantin offre la même qualité d’enseignement que le lycée Henri-IV à Paris ?”
              Là, je ne vous suis pas. J’habite près de ce qu’il convient d’appeler une ZUP. Je puis vous assurer qu’il y a bien plus d’installations sportives, culturelles, éducatives, plus d’entreprises et de transports en commun, plus de médecins et de commerces de proximité que dans de nombreuses bourgades rurales que je connais, et qui sont peuplées à 95 % de “Français de souche”. On n’a guère plus de chance d’intégrer Henri-IV quand on habite à Triffouillis-les-Oies que quand on vit à Bobigny. Si j’étais méchant, je dirais même qu’on a plus de chance d’intégrer Sciences Po quand on est un basané de Trappes que lorsqu’on est fils d’ouvriers blancs d’une vallée industrielle sinistrée de Lorraine… Et que dire de ces communautés musulmanes devenues faiseuses de maires à Drancy ou ailleurs, et dont les caïds se voient accordés de bons postes municipaux avec les appointements correspondants?

              “Peut-être parce que nous avons des expériences différentes.”
              En effet. Les musulmans que je suis amené à côtoyer, pour la majorité d’entre eux, ont une attitude “différentialiste”: on affiche la religion (la plupart des femmes sont voilées), on ne donne que des prénoms musulmans aux enfants (même dans les couples “mixtes”), on refuse la cantine parce que la bouffe n’est pas “hallal”, etc. Et je ne parle pas du contrôle social interne exercé surtout dans les communautés d’origine turque et marocaine.

              “L’empereur étant en même temps pontife, la différence entre la volonté de l’empereur et celle de l’Eglise me paraît difficile à soutenir.”
              Objection, votre honneur! Les empereurs renoncent justement au titre et à la fonction de pontife vers 380. Les rapports entre empereurs chrétiens et Eglise sont d’ailleurs très complexes. En Occident, l’Eglise a plutôt bien survécu à la chute de l’empire. Idem en Orient après 1453.

              “On trouve au contraire des exemples nombreux de destruction de monuments ou d’objets antiques sous prétexte de combattre l’idolâtrie païenne. Des temples sont démolis et des églises sont construites sur leurs décombres, quand ils ne sont simplement et purement récupérés et transformés”
              J’ai parlé de cohabitation, pas de coexistence harmonieuse. Vous avez raison, la cohabitation a été orageuse au IV° siècle, et après les édits de Théodose, elle devient difficile avec la vague de destructions et de violences que vous signalez. Mais en Orient, on constate malgré tout la survie de structures transmettant la culture classique païenne (notamment les écoles néoplatoniciennes d’Athènes et d’Alexandrie), ce qui n’est pas le cas en Occident, alors même que l’Orient fut plus précocement et plus profondément christianisé. Et la longue résistance d’un paganisme intellectuellement structuré n’a pas été inutile et a sans doute permis une meilleure conservation de la culture antique dans le monde byzantin.

              “Après deux mille ans d’errance, il restait assez de « culture juive » pour pouvoir reconstituer un Etat.”
              Un Etat, peut-être. Mais une nation? Je lisais récemment un article sur la lutte acharnée que se livrent Netanyahou du Likoud (nationaliste et allié aux religieux) et Liberman (nationaliste mais qui déteste les religieux) pour gagner le vote “russe” (12 % de l’électorat composé de juifs originaires de l’ex-URSS, assez peu portés sur la religion semble-t-il) à coup d’affiches électorales en russe. Cela me laisse songeur… Pas vous?

              “Mais j’attire votre attention sur le fait que le modèle « multiculturel » est en perte de vitesse chez nos élites et celles de nos voisins.”
              Nous avons là je pense une différence de perception. Certes le rejet du modèle multiculturel monte, mais en même temps on voit les élites se crisper sur ce modèle et faire montre d’une grande agressivité. La bienpensance est encore très forte, et ceux qui la défient en paient le prix. Le matraquage idéologique continue à faire des ravages, surtout parmi la jeunesse abêtie.

            • Descartes dit :

              @ cd

              [Je sais que, sans doute par esprit de corps, vous n’aimez pas qu’on remette en cause la responsabilité de l’élite et particulièrement de vos chers énarques dans la situation où nous nous trouvons]

              Je me demande bien ce qui vous autorise à attribuer mes positions « sans doute » a un quelconque « esprit de corps ». Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à remettre en cause la responsabilité des élites administratives. Je le fais même très couramment ici, en particulier pour souligner combien les privilèges attachés à l’appartenance à une élite impliquent des devoirs eux aussi exceptionnels, dont nos élites ont une certaine tendance à s’affranchir. « Noblesse oblige » reste un principe qu’on devrait graver au fronton des écoles qui forment nos élites.

              Ce que je ne supporte pas, par contre, c’est qu’on critique chez nos élites sur la base de « on dit » absurdes, de la généralisation de cas individuels, du pouvoir qu’on leur attribue à tort et des prébendes dont ils ne bénéficient pas en fait.

              [Car enfin qui nous a conduits dans la situation où nous sommes ? Qui nous a chanté les louanges de la mondialisation heureuse, du marché unique et de l’euro sinon les Alain Minc et autres Attali, rejetant ceux qui pensaient autrement hors du « cercle de la raison » ?]

              D’abord, les Minc et les Attali ne nous ont jamais « conduit ». C’est aux gens qui ont choisi d’écouter les Minc et les Attali que vous devriez adresser vos critiques. Par ailleurs, pourquoi s’acharner sur les énarques alors que parmi ceux qui « nous ont conduit dans la situation ou nous sommes », vous trouvez pas mal d’avocats (Mitterrand, Sarkozy), des économistes (Delors, Barre)…

              [En ce qui concerne Minc, le seul bouquin que j’ai lu de lui est celui qu’il écrivit vers 1987 où il nous expliquait que l’Allemagne de l’Ouest était en voie d’être finlandisée par l’Allemagne de l’Est…
              Parlons aussi des Jean-Marie Messier ou des Jean-Yves Haberer, énarques, inspecteurs des finances, la crème de la crème, l’élite de l’élite qui, nommés à de vieilles entreprises qui marchaient ont réussi à les couler. Pourquoi ? Sans doute pour les mêmes raisons qui rendent les énarques insupportables à beaucoup : l’arrogance intellectuelle. « J’ai réussi l’ENA donc je suis un être supérieur, vous travaillez depuis vingt dans cette boîte vous ne savez rien et je n’ai rien à apprendre de vous. »’]

              Il est vrai que la charmante modestie d’un Sarkzoy ou d’un Barre, c’est tellement plus agréable…

              Pour votre information, sur une promotion qui varie chaque année autour d’une centaine d’énarques, seule une infime minorité peuvent se permettre l’arrogance d’un Minc ou d’un Messier. Les autres font des carrières obscures – et mal payées – de juge administratif, de magistrat d’une cour régionale de compte, de conseiller d’ambassade, de chef de bureau dans un ministère. Regardez le succès qu’à été le prélèvement à la source, révolution silencieuse qui s’est passée sans accroc. Seriez-vous capable de citer le nom d’un seul des énarques qui ont encadré ce projet réussi ? Non, bien sûr que non. Anonymes ils étaient, anonymes ils resteront. Et leurs chances de se faire connaître du grand public sont minimes. Qu’est-ce qui vous permet de les traiter « d’arrogants » ?

              On trouve de l’arrogance dans tous les milieux. Tapie est arrogant, Maitre Gims est arrogant, Mitterrand était un monstre d’arrogance. Aucun des trois n’était énarque. Alors, pourquoi généraliser à une corporation dans un cas et pas dans les autres ? Ce n’est pas parce que Maitre Gims est arrogant que tous les noirs sont arrogants. Ce n’est pas parce que Mitterand était arrogant que tous les avocats sont arrogants. Pourquoi faudrait-il que tous les énarques soient arrogants au prétexte que Minc ou Haberer le sont ?

              [Vous critiquez le conformisme de ces énarques mais n’est-ce pas la condition sine qua non de la réussite scolaire que de se conformer à un moule ? Et plaire à ses professeurs peut toujours aider pour les notations…]

              Mais n’est-ce pas vrai aussi des philosophes, des médecins, des électriciens et des plombiers ? Connaissez-vous beaucoup de métiers ou déplaire à ses professeurs aide la notation ? Il faut arrêter de fantasmer. Toute institution d’éducation note en fonction de la conformité de l’étudiant à un modèle qui est celui porté par l’institution. La question n’est donc pas de savoir si une institution récompense l’anticonformisme – aucune ne le fait. La question est de savoir si ce que l’institution vous enseigne vous permet d’avoir une pensée autonome et donc de construire éventuellement une pensée contre le modèle porté par l’institution.

              Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour trouver des énarques qui ont ramé contre le courant. Pensez à Philippe Séguin, à Jean-Pierre Chevènement… tiens, je me demande combien de philosophes anticonformistes – c’est-à-dire d’extrême droite – sont passés par les bancs de Paris VIII…

              [Toutes choses qu’un Emmanuel Macron a parfaitement fait toute sa vie. Pouvez-vous faire partie de la sacro-sainte botte en expliquant que vous êtes contre le néolibéralisme, l’Union européenne et pour la sortie de l’euro ?]

              Bien sûr que non. De la même façon que vous ne pouvez pas vous diplomer à Paris VIII en soutenant une thèse contredisant la théorie du genre. Le conformisme est partout. Mais à l’ENA, vous pouvez parfaitement être dans la botte tout en PENSANT contre le néolibéralisme. Philippe Seguin, par exemple, est sorti dans la botte. Ca ne l’a pas empêché de faire campagne contre Maastricht.

              [Et on peut continuer avec l’infantilisme qui consiste 30 ou 40 ans après à nous parler de leur rang de sortie à l’ENA. Jusqu’à ce pauvre Asselineau qui se vante d’être mieux gradé que Macron. Il faudrait quand même que quelqu’un lui dise qu’en attendant Macron est président et que lui culmine à 1%.]

              Vous trouvez des gens modestes qui trente ou quarante ans après se souviennent des mentions qu’ils ont eu au bac. Mon grand-père était fier comme un paon de sa deuxième place au concours général, ma grand-mère de sa première place au certificat d’études – elle n’était pas allée plus loin. Pourquoi ce qui est attendrissant chez ces gens serait « infantile » chez les énarques ?

              [Votre humble serviteur a lui terminé second au concours général des lycées catholiques du Nord/Pas-de-Calais en 1983. Hélas il n’y a plus que dans les Femmes savantes que savoir le grec peut vous valoir un bisou de ces dames…]

              Là, je ne vous comprends pas. Vous reprochez aux énarques leur « infantilisme » lorsqu’ils parlent de leur rang à l’ENA, et vous nous parlez avec fierté de votre seconde place au concours général. En quoi est-ce différent ?

              [On peut comparer avec le Royaume-Uni où une partie de l’élite a pris en charge la sortie de l’euro, en France, l’élite a décidé que de toute façon puisque le peuple votait mal, on ne lui demanderait pas son avis.]

              Vous réécrivez l’histoire. Sur l’Euro, on a demandé son avis au peuple français, et celui-ci a répondu « oui ». Ce fut un énarque sorti dans la « botte », Philippe Séguin, qui fut la voix la plus puissante de l’opposition à l’Euro. Et ce fut un avocat, François Mitterrand, qui fut le leader du camp du « oui ».

              [D’aillleurs quel est le but de Macron et de ses sbires si ce n’est de mettre au pas ce peuple français si rebelle ?]

              Mais quel rapport avec les énarques ? Regardez qui sont les principaux ministres de Macron : Jean-Yves Le Drian ? Professeur d’histoire. Christophe Castaner ? DESS de droit. Nicole Beloubet ? Agrégée de droit. Elizabeth Borne ? Ingénieur. Olivier Véran ? Médecin. Muriel Pénicaud ? DEA de psychologie clinique. Jean Michel Blanquer ? Agregé de droit. Gerald Darmanin ? Sciences Po Lille. Frédérique Vidal ? Docteur en Biochimie. Jacqueline Gourault ? Professeur d’histoire-géo. Annick Girardin ? Animatrice socio-culturelle. Franck Riester ? diplômé de l’ESSEC. Didier Guillaume ? Bachelier. Roxana Maracineanu ? Bachelière. Parmi les ministres titulaires, seulement deux énarques : Le Maire et Parly. Les professeurs sont nettement mieux représentés…

              Le paradoxe, c’est que vous faites de Macron le porte-étendard de l’ENA, alors que c’est celui de nos présidents qui aura eu le moins d’énarques dans son gouvernement. Et qu’il se propose même de supprimer cette vénérable institution.

              [Tout ça pour vous dire que la crise dans laquelle se trouve la France est aussi et surtout l’échec d’une certaine élite et que cela doit être regardé en face.]

              Faut vous décider. Soit vous pensez que l’élite en question a VOULU la situation ou nous sommes, et alors il faudrait parler de son « succès » plutôt que de son échec ; soit vous jugez que nos élites ont échoué, et alors il vous faut admettre que leur projet pour notre pays n’était pas ce que nous vivons aujourd’hui. Mais vous ne pouvez pas avoir les deux.

              [D’ailleurs si le débat sur l’euro est interdit en France, n’est-ce pas parce nos élites qui nous ont tant vanté cette monnaie qui ont exigé tant de sacrifices au peuple français (Cf le slogan « Il faut sauver l’euro » répété comme un mantra.) se rendent compte que reconnaître que c’était une erreur serait une remise en cause profonde de leur légitimité.]

              Là encore, je ne vois pas le rapport avec les énarques. Si ma mémoire ne me trompe pas, parmi ceux qui ont le plus « vanté » l’Euro se trouve un certain Jean-Luc Mélenchon. L’incluez-vous parmi les « élites » dont vous parlez ? Pourtant, il n’a pas usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’ENA.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Vous seriez déçu… Vous qui avez l’honneur de côtoyer des hauts fonctionnaires, des ingénieurs, des scientifiques, bref des gens qui allient une grande culture à une certaine ouverture au monde. Je ne suis pour ma part qu’un petit provincial désorienté (et un peu désespéré) par la marche du monde.]

              Ne soyez pas trop modeste. Je ne sais pas si c’est un « honneur », mais j’ai effectivement la possibilité de côtoyer des gens très intéressants – et de le faire dans une position où, n’étant pas pour eux un concurrent, on peut avoir des échanges intéressants. Mais je sais qu’on peut trouver des gens tout aussi intéressants dans d’autres milieux… et même en province. Franchement, je n’ai jamais croisé un haut fonctionnaire, un ingénieur ou un scientifique qui m’ait expliqué avec autant de passion l’histoire romaine.

              [“Cela dépend de la vision que vous avez du christianisme primitif : s’agit-il d’une religion totalement nouvelle, ou bien de la continuité de la religion juive, une sorte de judaïsme remis au goût du jour ?”
              A cela, je répondrais deux choses: 1) les juifs ont rapidement considéré les chrétiens avec une sourde hostilité;]

              En fait, nous n’en savons rien. Les seuls récits qui nous soient parvenus de cette époque sont les écrits chrétiens, qui avaient tout intérêt à exagérer la détestation dont les chrétiens faisaient l’objet de la part tant des juifs que des romains. On peut supposer que la hiérarchie du Temple ait été hostile aux chrétiens, une secte qui se réclamait seule « vraie » porteuse du message divin. Mais il semblerait que Jesus ne fut pas le seul à cette époque à se présenter comme le messie, ce qui tendrait à relativiser l’affaire.

              [2) les chrétiens ont tenu rapidement à se démarquer des juifs (abandon de la circoncision, de certains interdits alimentaires…).]

              Les chrétiens n’ont pas « abandonné la circoncision » aussi rapidement que vous le pensez. Dans les épitres, Paul de Tarse argumente contre la circoncision, ce qui prouve que le débat était encore vif à ce sujet. D’ailleurs, certaines églises chrétiennes la pratiquent toujours (Coptes, chrétiens d’Orient).

              [Après, je ne suis pas expert en théologie juive et je ne veux pas dire de sottise, mais j’avais cru comprendre que l’idée de salut individuel et l’existence d’un “royaume” extérieur au monde terrestre étaient des ruptures théologiques par rapport à la tradition juive.]

              Le problème est que le judaïsme n’est pas une religion unifiée, et qu’au temps de Jesus coexistent des sectes ayant des positions différentes sur ces questions. Le judaïsme antique admet l’existence d’un « royaume » extérieur, le « Gan Eden » ou « Jardin des Délices » (qui donna le Paradis chrétien). La véritable rupture théologique du christianisme est l’universalité : alors que Jahvé et le peuple juif sont liés par l’élection et le pacte d’Abraham (c’est d’ailleurs courant dans l’antiquité, les dieux étant liés en général à un peuple et résidant avec lui), le christianisme ne réserve pas son dieu à un peuple en particulier.

              Cependant, la continuité entre le judaïsme et le christianisme me semble incontestable, et d’ailleurs les chrétiens ont tenu à garder cette continuité. Ce n’est pas par hasard si l’on situe la passion du christ en même temps que la fête de pâques, pour ne donner qu’un exemple.

              [“On pourrait parfaitement faire la lecture opposée, et dire que l’identité romaine a évolué du fait de l’extension de l’empire et de l’assimilation de populations différentes, tout en restant fidèle aux racines romaines.” Je suis d’accord. Mais j’en reviens à ma comparaison avec l’empire d’Orient: ceux que nous appelons “Byzantins” ont eux conservé une identité romaine. Ils continuent à s’appeler eux-mêmes “Romains” (alors qu’ils sont majoritairement de langue grecque), ils maintiennent plus longtemps les structures administratives héritées de l’empire, le droit romain est beaucoup moins entaché chez eux d’influences germaniques qu’en Occident. Bien sûr, l’empire évolue: en l’an mille, les Byzantins sont différents des Romains du IV° siècle. Il n’empêche qu’ils en ont conservé le nom, et la culture antique a été bien mieux conservée chez eux.]

              Je connais très mal le monde byzantin, et je ne me risquerai donc pas à vous contredire. Je note cependant qu’il y a dans le monde byzantin un « retour en arrière » qui les rapproche du monde grec et les éloigne de la romanité. Je ne sais pas si l’on peut dire que les byzantins étaient « plus romains » que les romains d’occident malgré les influences germaniques.

              [“Non, ils ne l’ont pas. Pour ne donner qu’un exemple, la « pleine citoyenneté », c’est aussi l’égalité dans l’accès aux services publics. Pensez-vous que le lycée Joliot-Curie de Pantin offre la même qualité d’enseignement que le lycée Henri-IV à Paris ?” Là, je ne vous suis pas. J’habite près de ce qu’il convient d’appeler une ZUP. Je puis vous assurer qu’il y a bien plus d’installations sportives, culturelles, éducatives, plus d’entreprises et de transports en commun, plus de médecins et de commerces de proximité que dans de nombreuses bourgades rurales que je connais, et qui sont peuplées à 95 % de “Français de souche”.]

              Il faut comparer ce qui est comparable. Comparer une ville de 100.000 habitants et un village de 60 habitants n’a pas de sens. Pensez-vous que si vous prenez une ville ayant la même population et une position géographique équivalente à la vôtre mais peuplée par des « souchiens » les possibilités sont les mêmes ?

              [“Après deux mille ans d’errance, il restait assez de « culture juive » pour pouvoir reconstituer un Etat.” Un Etat, peut-être. Mais une nation? Je lisais récemment un article sur la lutte acharnée que se livrent Netanyahou du Likoud (nationaliste et allié aux religieux) et Liberman (nationaliste mais qui déteste les religieux) pour gagner le vote “russe” (12 % de l’électorat composé de juifs originaires de l’ex-URSS, assez peu portés sur la religion semble-t-il) à coup d’affiches électorales en russe. Cela me laisse songeur… Pas vous?]

              Le conflit entre laïcs et religieux n’est pas exclusif d’Israel. La question nationale se réduit pour moi à une seule question : y a-t-il une solidarité inconditionnelle et impersonnelle entre les citoyens israéliens ? Je pense que la réponse est largement « oui ». Le problème d’Israel est que cette solidarité est plus fondée sur la peur de la persécution que sur une culture commune – un Juif ashkénaze est plus proche culturellement d’un Russe ou d’un Allemand que d’un Juif sépharade…

              [“Mais j’attire votre attention sur le fait que le modèle « multiculturel » est en perte de vitesse chez nos élites et celles de nos voisins.” Nous avons là je pense une différence de perception. Certes le rejet du modèle multiculturel monte, mais en même temps on voit les élites se crisper sur ce modèle et faire montre d’une grande agressivité. La bienpensance est encore très forte, et ceux qui la défient en paient le prix. Le matraquage idéologique continue à faire des ravages, surtout parmi la jeunesse abêtie.]

              Nos perceptions coïncident. Je ne conteste pas que les élites se crispent sur le modèle « multiculturel » au fur et à mesure que le rejet de celui-ci s’affirme dans les reste de la société. La bienpensance est « encore » très forte, mais les temps de sa toute-puissance semblent révolus.

            • Ian Brossage dit :

              Bonsoir @nationaliste-ethniciste

              > C’est je pense une grave erreur de penser la chute de l’empire romain comme la conséquence d’une crise économique, et j’y vois un exemple de la limite du matérialisme historique.

              Que pensez-vous des propos d’Henri-Irénée Marrou sur le sujet ? Je me réfère à « Décadence romaine ou Antiquité tardive » (p. 138, Points Histoire) :

              « L’Orient a accepté de se soumettre à la tyrannie et à la terreur policière, bureaucratique et fiscale de l’État totalitaire du Bas-Empire – où, par exemple, le contribuable défaillant devait s’attendre non seulement à la confiscation, mais à la prison, à la torture… […] Or il paraît bien que, dès l’antiquité tardive, une résistance profonde se soit opposée, chez les hommes d’Occident, à ce prix trop élevé dont il fallait payer la survie de l’Empire.

              Comment ne pas nous sentir solidaires de ces Bagaudes, ces masses paysannes – colons et esclaves – en révolte contre l’oppression qui pesait sur eux, que nous voyons se soulever en Gaule dès 285-286 […]. Cette révolte, de caractère social, s’en prend à la « noblesse », à l’aristocratie des propriétaires fonciers, autant qu’aux confiscations et rapines des agents du fisc, à l’injustice des juges corrompus.

              Avant de déplorer, comme l’histoire s’est trop facilement contentée de le faire, la chute de l’Empire, il faut mesurer les limites des bienfaits que celui-ci apportait à l’ensemble du corps social. […] La grande limite de la civilisation antique est son caractère aristocratique ; tout est organisé en fonction d’une élite sociale, pour assurer le « bonheur » d’une « classe de loisirs », selon le mot heureux de Pierre Chaunu. […] À mesure qu’on s’éloigne, kilométriquement et socialement, du centre de la cité, le niveau de culture s’affaisse rapidement : les masses paysannes n’ont pas vu leur technologie ni, par suite, leur mode de vie, progresser beaucoup. […]

              Une autre issue s’offrait aux malheureux : se réfugier chez les Barbares. […] Et lorsque le pouvoir de fait passe aux mains des rois germaniques, les anciens sujets de l’Empire n’ont pas vraiment de regrets : « Leur voeu unanime, nous assure Salvien, était de ne jamais être forcés de retomber sous le joug de la loi romaine. » […] »

              (le passage est trop long pour le citer in extenso, hélas)

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Comment ne pas nous sentir solidaires de ces Bagaudes, ces masses paysannes – colons et esclaves – en révolte contre l’oppression qui pesait sur eux, que nous voyons se soulever en Gaule dès 285-286 […]. Cette révolte, de caractère social, s’en prend à la « noblesse », à l’aristocratie des propriétaires fonciers, autant qu’aux confiscations et rapines des agents du fisc, à l’injustice des juges corrompus.]

              Vous avez tout à fait raison de pointer cet élément que j’avais oublié de souligner dans mon propos. La crise du système esclavagiste tient aussi aux contradictions internes de la société romaine, et pas seulement au tarissement de la ressource.

            • Bonjour @Ian Brossage,

              “L’Orient a accepté de se soumettre à la tyrannie et à la terreur policière, bureaucratique et fiscale de l’État totalitaire du Bas-Empire – où, par exemple, le contribuable défaillant devait s’attendre non seulement à la confiscation, mais à la prison, à la torture…”
              Il y a un vieux débat sur la lourdeur bureaucratique de l’empire romain tardif. Soyons réalistes: les effectifs des fonctionnaires impériaux, si je me réfère à ce qu’écrit Georges Tate dans sa biographie de Justinien (Fayard), n’ont jamais donné aux empereurs un pouvoir comparable à celui d’un Napoléon, d’un Hitler ou d’un Staline. Et puis, il faut tenir compte de la géographie: dans les régions montagneuses d’Anatolie, le brigandage et le refus de la fiscalité sont endémiques, même sous Justinien. Ce qui relativise “l’acceptation de la tyrannie” que souligne Marrou…

              “où, par exemple, le contribuable défaillant devait s’attendre non seulement à la confiscation, mais à la prison, à la torture…”
              Je n’ai pas vérifié, mais il me semble que cette mesure est déjà présente dans le Code Théodosien, donc elle s’est appliquée en Occident. L’impôt est prélevé par les magistrats municipaux, qui sont responsables sur leurs biens de la perception. On comprend dans ces conditions le désamour pour l’appartenance aux curies municipales, une des causes du déclin de la vie municipale, qui est au coeur de la civilisation romaine.

              “Cette révolte, de caractère social, s’en prend à la « noblesse », à l’aristocratie des propriétaires fonciers, autant qu’aux confiscations et rapines des agents du fisc, à l’injustice des juges corrompus.”
              Mais la Bagaude illustre l’engrenage que j’ai essayé d’expliquer: à partir du moment où les provinces sont dévastées, lever l’impôt devient plus difficile et l’administration fiscale se montre brutale. Si dans le même temps, les autorités sont incapables de maintenir l’ordre et de rendre la justice, on peut aisément comprendre que les populations se soient interrogées sur l’utilité de payer l’impôt… voire sur la légitimité des autorités impériales. Mais l’insécurité comme la lourdeur du prélèvement fiscal sont liées aux guerres contre les Barbares. Par ailleurs, les dirigeants romains ne sont pas fous: les empereurs luttent contre la corruption comme ils peuvent et font régulièrement des remises d’impôts aux provinces en difficulté.

              “La grande limite de la civilisation antique est son caractère aristocratique ;”
              Cet argument me laisse de marbre. D’abord, la civilisation du haut Moyen Âge est autant sinon plus aristocratique. D’autre part, la civilisation romaine (et la byzantine après elle) a toujours eu une dimension méritocratique: il y a des empereurs romains issus de milieu modeste, des généraux qui sont d’anciens soldats du rang, des intellectuels devenus sénateurs parce que remarqués par les empereurs pour leurs capacités. Justinien lui-même est fils de paysans modestes, comme son oncle et prédécesseur Justin. Citez-moi un roi barbare qui soit d’origine obscure… Non, cet argument est irrecevable. Avant sa conversion, Augustin, fils d’un curiale d’Afrique (le dernière échelon de la petite notabilité provinciale), se préparait à une grande carrière dans l’administration. Et je ne parle pas des affranchis ou des Barbares qui finissent consuls.

              “Et lorsque le pouvoir de fait passe aux mains des rois germaniques, les anciens sujets de l’Empire n’ont pas vraiment de regrets”
              J’avoue que cette remarque me laisse songeur. La plupart des rois barbares installés en Occident se sont efforcés de conserver l’appareil fiscal romain pour l’utiliser à leur profit. Les comtes mérovingiens se signalent par autant d’exactions que les anciens fonctionnaires romains. Alors? Que l’impôt aille à César ou au chef goth ou franc, qu’est-ce que cela change? Non, le mérite du chef goth ou franc est certainement d’avoir rétabli un semblant d’ordre.

              Qu’une partie de la population ait vécu la “chute” de l’empire comme une libération, c’est possible. Mais il ne faut pas généraliser: nous avons des traces d’ambassades en provenance de Galice et de Bretagne envoyées auprès d’Aetius pour lui demander d’intervenir, preuve que le joug romain était parfois préféré au voisinage brutal des Barbares. Les populations ont parfois aussi soutenu les garnisons romaines dans leur résistance. Lorsque certaines provinces sont abandonnées, il est assez significatif qu’une partie de la population soit parfois évacuée (en Dacie, en Norique). La conquête vandale de l’Afrique amène un flot de réfugiés en Italie. Ne sous-estimons pas l’attachement d’une partie des populations à l’ordre romain.

            • yoann dit :

              @Descartes
              @nationaliste-ethniciste

              [Mais ce qui me paraît bien plus intéressant dans votre analogie est que vous considérez l’empire romain comme une continuité jusqu’à sa chute au Vème siècle]

              Il faut poser la question théorique de ce qu’est une nation / un état / un peuple, et de son rapport au temps.

              Pour reprendre l’analogie du corps, la France d’aujourd’hui est-elle celle d’hier ? Toute les cellules (être humains) d’hier ont disparu, remplacé par celles en vie aujourd’hui. Est-ce bien la même France ? Qu’elles sont les continuités ? Est-ce raisonnable de regarder derrière et d’y voir tout ce qu’on aimerait voir aujourd’hui, sans jamais voir ce qui nous aurait importuné hier ? (on dirait le film Midnight in Paris de Woody Allen : une vision idéale du passé, traduisant un malaise du présent… Et qui ne survit que tant qu’on ne voit pas le passé pour de vrai)

              C’est important pour comprendre l’empire romain. Car fondamentalement la noblesse Française du Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui c’est qui, sinon les descendant des propriétaires terriens de l’Empire Romain ? Et les esclaves ne sont-ils pas restés attachés à la terre, devant les serfs ? Les frontières ont changé, les langues ont divergé, les chefs ont changé… Les structures sociales sont restés.

              Certes la transmissions a été coupée, mais cela ne concernait qu’une infime minorité de personne pour qui elle était importante. La majorité des personnes sous l’empire Romain cultivait la terre, la culture Romaine c’est celle de son élite avant tout. Quid alors de l’Eglise, car en tant qu’institution est un héritage fort de l’empire Romain. Ou est la rupture ?

              Je suis un arrière-arrière-arrière(…) petit fils de paysan (1530!), autrement dit de personnes peu ou pas concerné par l’histoire Romaine ou l’histoire des croisades. Ce n’était pas l’élite, et la culture de l’élite a été enseigné seulement après 1870 au peuple. Y-a-t-il une continuité, ou est-ce que la culture Française partagée par tous n’est qu’un produit de l’éducation nationale obligatoire ?

              [L’islamisme offre la rigueur morale, une identité collective, une cause à laquelle sa vie et celle des autres méritent d’être sacrifiées; il promet la grandeur, le martyr, le paradis.]

              De même le retour au nationalisme Français, le communisme (me concernant), la religion chrétienne (encore), Jéhovah, ou même Raël sont des affects forts, car ils proposent une vision positive du futur.

              [Mes élèves ignorent qui est Clovis, n’ont jamais entendu parler de Charles Martel, n’ont pas bien compris ce que sont les Croisades. Mais ils savent que l’homo sapiens est originaire d’Afrique, que les Européens ont pratiqué la traite négrière et que la Révolution française n’a pas vraiment émancipé les femmes]

              Si la continuité c’est la mémoire alors il y a continuité avec ces exemples. Même si les références ont changées. Notre regard sur le passé est celui que nous avons sur le présent, et les questions qui nous travaillent aujourd’hui aiguillent notre regard sur le passé (sa en dit plus sur le présent que le passé, simple question d’anachronismes dont tu pointes du doigt un exemple : le féminisme à la révolution Française). C’est bien d’être capable de voir ce qui n’a rien de glorieux dans notre histoire, même si me concernant je ne prône pas l’autoflagellation, parce que l’histoire ce n’est pas celle de “la France” mais celle “des Français dans un environnement plus large appelé le monde”, et ces Français qui ont fait des choses contradictoire : la colonisation et la lutte contre, la collaboration et la résistance, les croisades pour les uns… cultiver la terre comme si de rien n’était pour les autres.

              Lordon allait plus loin dans Imperium en faisant remarquer que des personnes très opposés à la France et à son histoire ne se donnait pas ce regard critique envers les autres nations. Le rejet de la France en particulier est paradoxale, car il démontre un attachement très fort à cette France (sinon ces idées de “déconstruire” le passé ne serait pas aussi forte).

            • Descartes dit :

              @ yoann

              [Il faut poser la question théorique de ce qu’est une nation / un état / un peuple, et de son rapport au temps.]

              Oui, mais cette question ne peut se poser de la même manière dans n’importe quelle époque. Le rapport des individus à la nation implique que la nation existe comme telle. Or, les nations sont une invention relativement récentes.

              [Pour reprendre l’analogie du corps, la France d’aujourd’hui est-elle celle d’hier ? Toute les cellules (être humains) d’hier ont disparu, remplacé par celles en vie aujourd’hui. Est-ce bien la même France ?]

              C’était bien mon point. Pour moi, la France est une histoire. Et on est en France aussi longtemps que le présent est en continuité avec le passé, qu’il y a continuité entre les idées, les institutions, la sociabilité de nos ancêtres et la nôtre. N-E a l’air d’avoir une vision bien plus statique : la continuité ne lui suffit pas, il faut une certaine permanence.

              [C’est important pour comprendre l’empire romain. Car fondamentalement la noblesse Française du Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui c’est qui, sinon les descendant des propriétaires terriens de l’Empire Romain ? Et les esclaves ne sont-ils pas restés attachés à la terre, devant les serfs ?]

              Non, absolument pas. Le moyen-âge fait apparaître une aristocratie essentiellement militaire qui ne continue nullement l’aristocratie terrienne romaine. Certains d’entre eux sont d’ailleurs descendants d’esclaves. Et à l’inverse, les serfs ne sont pas les descendants des esclaves romains.

              [Je suis un arrière-arrière-arrière(…) petit fils de paysan (1530!), autrement dit de personnes peu ou pas concerné par l’histoire Romaine ou l’histoire des croisades.]

              C’est ce que vous croyez. Le droit romain s’est perpétué dans une bonne partie de la France médiévale, et vos arrière-arrière-… grands parents y étaient soumis. Mariages, séparations, héritages, droit foncier, tout cela était hérité des romains. Et le droit, comme disait un professeur à moi, c’est de l’histoire.

              [De même le retour au nationalisme Français, le communisme (me concernant), la religion chrétienne (encore), Jéhovah, ou même Raël sont des affects forts, car ils proposent une vision positive du futur.]

              Sauf que, vous noterez, ni le nationalisme français, ni le communisme, ni la religion chrétienne, Jéovah ou même Raël ne trouvent dans notre société beaucoup d’adeptes prêts au martyre. N-E a raison sur ce point : aujourd’hui l’Islam offre quelque chose de bien plus fort que les « affects » dont vous parlez.

              [C’est bien d’être capable de voir ce qui n’a rien de glorieux dans notre histoire,]

              Le problème apparaît lorsque la vision de ce qui n’est pas glorieux nous interdit de voir – et de se prévaloir – de ce qui l’est. Lorsqu’on interdit de célébrer la geste napoléonienne sous prétexte qu’il a rétabli l’esclavage dans les Antilles, par exemple…

              [Le rejet de la France en particulier est paradoxale, car il démontre un attachement très fort à cette France (sinon ces idées de “déconstruire” le passé ne serait pas aussi forte).]

              Je ne vois pas très bien où est le paradoxe. Qu’on cherche à déconstruire le récit national français ne prouve qu’une chose : qu’il y a des intérêts pour qui ce récit constitue une menace. Mais je ne vois pas en quoi cela témoignerait d’un quelconque « attachement ».

            • yoann dit :

              [Mais je ne vois pas en quoi cela témoignerait d’un quelconque « attachement]

              La non insistance pour déconstruire l’histoire des autres pays, face à l’insistance de déconstruire celle de la France ainsi que ses symboles.

              [N-E a raison sur ce point : aujourd’hui l’Islam offre quelque chose de bien plus fort que les « affects » dont vous parlez]

              Nul doute c’est vrai… Et triste à la fois.

              [e moyen-âge fait apparaître une aristocratie essentiellement militaire qui ne continue nullement l’aristocratie terrienne romaine. Certains d’entre eux sont d’ailleurs descendants d’esclaves. Et à l’inverse, les serfs ne sont pas les descendants des esclaves romains.]

              https://fr.wikipedia.org/wiki/Noblesse#Continuit%C3%A9_des_institutions_nobiliaires_franque_et_romaine

              https://fr.wikipedia.org/wiki/Servage#Origines

              Il y a des changements au sommet, des changements dans certaines traditions, mais globalement les nobles de l’antiquité sont les nobles du moyen-age, et les colons et esclaves de l’antiquité les serfs du moyen-age.

              Qu’il y eu une période de transition, de la mobilité, des changements et des évolutions c’est certains. Cela arrive dans toute période de troubles et de recomposition (ici autour des Francs).

            • Descartes dit :

              @ yoann

              [« Mais je ne vois pas en quoi cela témoignerait d’un quelconque « attachement » » La non insistance pour déconstruire l’histoire des autres pays, face à l’insistance de déconstruire celle de la France ainsi que ses symboles.]

              Ah… un attachement aux autres pays, vous voulez dire ?

              [« Le moyen-âge fait apparaître une aristocratie essentiellement militaire qui ne continue nullement l’aristocratie terrienne romaine. Certains d’entre eux sont d’ailleurs descendants d’esclaves. Et à l’inverse, les serfs ne sont pas les descendants des esclaves romains. » (…) Il y a des changements au sommet, des changements dans certaines traditions, mais globalement les nobles de l’antiquité sont les nobles du moyen-age, et les colons et esclaves de l’antiquité les serfs du moyen-age.]

              Vous confondez la continuité des INSTITUTIONS et la continuité des LIGNEES. Ce n’est pas parce que les institutions féodales prolongent les institutions romaines que ceux qui occupent les positions dirigeantes dans les dernières sont les descendents de ceux qui occupent ces positions dans les premières…

            • yoann dit :

              [Vous confondez la continuité des INSTITUTIONS et la continuité des LIGNEES.]

              A par les Francs au sommet, les lignées sont a peu près les mêmes non ?

              [Ah… un attachement aux autres pays, vous voulez dire ?]

              Je reformule : ils sont attachés à la France, et cela ce mesure de la façon suivante : la déconstruction, c’est que pour la France. Les symboles nationaux qui irrite : c’est ceux de la France. En bref ils se disent “citoyen du monde” mais ils sont Français sans s’en rendre compte… Un vrai citoyen du monde n’est pas plus embêté à la vu du drapeau Français, US, Chilien ou Algérien.

            • @ Yoann,

              “Un vrai citoyen du monde n’est pas plus embêté à la vu du drapeau Français, US, Chilien ou Algérien.”
              Je n’ai pas le souvenir que “La France Insoumise” se soit émue des drapeaux algériens ou turcs brandis par les envahis… pardon, par “les Français d’origine étrangère qui font la richesse de ce pays”. A gauche, on déteste les nationalistes français qui disent “la France aux Français” mais on a toujours manifesté de la sympathie pour le FLN qui n’a cessé de clamer “l’Algérie aux Algériens”… Cela devrait vous interpeller.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [“Un vrai citoyen du monde n’est pas plus embêté à la vu du drapeau Français, US, Chilien ou Algérien.” Je n’ai pas le souvenir que “La France Insoumise” se soit émue des drapeaux algériens ou turcs brandis par les envahis…]

              Je me rends compte que j’ai laissé passer le commentaire de Yoann sans réagir… je me demande ce qu’est un “citoyen du monde”. Un citoyen français a certains devoirs envers la France, un citoyen US envers les Etats-Unis. Mais envers qui le “citoyen du monde” a-t-il des devoirs ? Finalement, ce “citoyen du monde” n’est il pas la matérialisation de cet individu qui n’a que des droits et pas de devoirs ? Je crois que c’est là que se trouve la prémisse cachée de ce débat: la citoyenneté, ce n’est pas seulement des droits et des attachements. C’est aussi et surtout des devoirs.

              [A gauche, on déteste les nationalistes français qui disent “la France aux Français” mais on a toujours manifesté de la sympathie pour le FLN qui n’a cessé de clamer “l’Algérie aux Algériens”… Cela devrait vous interpeller.]

              Sans aucun doute. J’ai toujours trouvé très curieuse cette déformation de la “gauche” qui soutient acritiquement les nationalismes tiers-mondistes mais voue aux gémonies les nationalismes bien de chez nous. Pourquoi la constitution de l’état-nation est elle jugé progressiste en Algérie ou au Venezuela, et néfaste en France ou en Grande-Bretagne ? D’ailleurs, cela n’a pas toujours été comme ça. La nation était en 1789 une idée venue de la gauche et qui l’est resté jusqu’aux années 1960. C’est avec la prise du pouvoir des classes intermédiaires que le changement s’est fait.

            • @ yoann,

              “Pour reprendre l’analogie du corps, la France d’aujourd’hui est-elle celle d’hier ? Toute les cellules (être humains) d’hier ont disparu, remplacé par celles en vie aujourd’hui.”
              J’attire votre attention sur le fait que nos cellules, certes, se renouvellent, mais le patrimoine génétique dont elles sont porteuses reste le même. On peut reprendre votre analogie: une nation change naturellement par renouvellement des générations, reste à savoir si elle conserve une forme d’ “ADN culturel” si je puis dire.

              “Est-ce raisonnable de regarder derrière et d’y voir tout ce qu’on aimerait voir aujourd’hui, sans jamais voir ce qui nous aurait importuné hier ?”
              J’ignore si c’est raisonnable, mais je suis un conservateur, et je fais partie des gens qui pensent qu’il y a beaucoup de choses à garder du passé. Pas tout, bien sûr. Alors comment faire le tri? Eh bien je dirais d’abord en gardant ce qui est beau et agréable: les monuments, les poèmes, les romans, les peintures, les vitraux, la musique mais aussi la courtoisie, la galanterie, la gastronomie, les fêtes populaires… et ensuite en conservant précieusement la signification de ce patrimoine (ce qui suppose, par exemple, une bonne culture gréco-latine et chrétienne, tant ces éléments imprègnent la civilisation française). Puis, je suis favorable à l’idée de perpétuer un certain nombre de rituels: par exemple, je suis favorable à ce que les Français de tradition catholique (pas les autres, bien sûr) baptisent leurs enfants, car, après tout, le baptême de Clovis est un élément fondateur de cette nouvelle civilisation française qui, au cours du Moyen Âge, se substitue à l’ancienne civilisation romaine. La tradition passe aussi par l’onomastique: je pense qu’il faut choisir pour nos enfants des prénoms en rapport avec notre passé. Par exemple, j’ai donné à ma fille un prénom d’origine grecque mais qui est aussi le titre d’une pièce d’un grand tragédien français. Si ça avait été un garçon, j’aurais puisé dans les prénoms médiévaux français.

              Après, je ne veux pas que vous pensiez que je suis un bougon juste préoccupé de maintenir artificiellement des archaïsmes surannés. Je m’intéresse aux progrès de la science et de la technique, je préférerais qu’on bâtisse des centrales nucléaires au lieu de les fermer, etc. Pour résumer les choses, je pense qu’on peut préserver avec beaucoup de soin notre civilisation tout en regardant vers l’avenir. J’ai le sentiment que la Russie de Poutine essaye de marcher sur cette voie. Nous parlions des Romains: voilà des gens qui ont conquis le monde sans jamais oublier leurs origines (voir la cabane de Romulus qu’on montrait encore à l’époque impériale) ni cacher l’admiration pour les “vieux Romains” à la Caton et à la Cincinnatus. Et pourtant, leur mode de vie avait changé!

              “autrement dit de personnes peu ou pas concerné par l’histoire Romaine ou l’histoire des croisades.”
              Vous faites erreur: les Croisades n’ont pas concerné que les chevaliers, bien au contraire. Les Croisades populaires jettent sur les routes beaucoup de gens qui ne sont pas nobles. Y compris des paysans.

              “Y-a-t-il une continuité, ou est-ce que la culture Française partagée par tous n’est qu’un produit de l’éducation nationale obligatoire ?”
              Oui, il y a une forme de continuité, par exemple dans le rapport particulier que la culture française entretient avec la terre. Pourquoi croyez-vous que le paysan a une telle importance dans l’imaginaire français? Lorsque les républicains mettent en place l’école obligatoire, ils proposent une histoire qui intègre les couches populaires: on insiste sur la présence de milices communales à Bouvines ou sur le fait que Jeanne d’Arc est une bergère (ce qui n’est pas tout à fait exact).

              “C’est bien d’être capable de voir ce qui n’a rien de glorieux dans notre histoire, même si me concernant je ne prône pas l’autoflagellation”
              Je suis d’accord avec vous. Il ne s’agit pas d’écrire une histoire qui ne ferait que vanter les mérites de la France. La Saint-Barthélémy, la révocation de l’édit de Nantes, l’Etat français de Pétain, tout cela a existé. Et il est bon d’en parler. Le problème que nous avons, c’est qu’aujourd’hui la recherche historique tend à lire le passé sous le prisme exclusif et obsédant de “l’oppression blanche et masculine”. C’est contre ce paradigme que je m’élève.

              “parce que l’histoire ce n’est pas celle de “la France” mais celle “des Français dans un environnement plus large appelé le monde”, et ces Français qui ont fait des choses contradictoire : la colonisation et la lutte contre, la collaboration et la résistance, les croisades pour les uns… cultiver la terre comme si de rien n’était pour les autres.”
              Là, je ne suis pas d’accord. L’idée même de France repose sur l’idée qu’il y a une histoire commune. Et les axes de cette histoire commune sont fixés par l’Etat. Je me répète: à Bouvines, Philippe Auguste est là avec ses chevaliers, mais dix-sept communes (villes ayant une certaine autonomie) ont envoyé des contingents. On peut dire que la France a colonisé, on ne peut pas dire que la France a lutté contre la colonisation. Certains Français, oui, se sont élevés contre la colonisation, mais la France, elle, a un empire colonial. Durant la Guerre de Cent Ans, la France combat l’Angleterre, même si “certains Français” sont du côté anglais.

              Le problème de l’école déconstructiviste, c’est qu’à force de déconstruire l’histoire de France, elle finit par déconstruire la France elle-même (c’est d’ailleurs l’objectif). Et s’il n’y a plus de France, on voit mal comment il pourrait y avoir des Français… J’attire aussi votre attention sur le fait que les historiens de la déconstruction détruisent le roman national pour mieux nous vendre le roman européen ou le roman de la mondialisation.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [On peut reprendre votre analogie: une nation change naturellement par renouvellement des générations, reste à savoir si elle conserve une forme d’ “ADN culturel” si je puis dire.]

              Je trouve cette analogie particulièrement éclairante. L’ADN lui aussi évolue, mais conserve une filiation avec l’ADN d’origine…

              [Pas tout, bien sûr. Alors comment faire le tri? Eh bien je dirais d’abord en gardant ce qui est beau et agréable: les monuments, les poèmes, les romans, les peintures, les vitraux, la musique mais aussi la courtoisie, la galanterie, la gastronomie, les fêtes populaires… et ensuite en conservant précieusement la signification de ce patrimoine (ce qui suppose, par exemple, une bonne culture gréco-latine et chrétienne, tant ces éléments imprègnent la civilisation française).]

              Tout à fait d’accord. Je pense que vous oubliez un élément, c’est l’enseignement de l’histoire. Car c’est l’histoire qui permet de donner une signification au patrimoine, de lier les éléments qui le constituent dans une cohérence. C’est l’histoire qui nous situe dans une filiation.

              [Puis, je suis favorable à l’idée de perpétuer un certain nombre de rituels: par exemple, je suis favorable à ce que les Français de tradition catholique (pas les autres, bien sûr) baptisent leurs enfants, car, après tout, le baptême de Clovis est un élément fondateur de cette nouvelle civilisation française qui, au cours du Moyen Âge, se substitue à l’ancienne civilisation romaine.]

              Oui. Mais maintenir la culture vivante, c’est aussi inventer des nouveaux rituels dans la continuité des anciens. Ainsi, lorsque l’on arrache l’état civil aux églises pour le confier à l’Etat, on substitue au rituel du mariage religieux un rituel du mariage civil dont la construction qui n’est qu’une transcription du mariage catholique. Et la grande majorité des juifs, et des musulmans de ce pays se marient dans une cérémonie qui s’inscrit dans la tradition française – étroitement liée au catholicisme – sans que cela leur pose un problème.

              Dans les synagogues françaises, l’office s’ouvre par une prière pour la République française, héritière de la prière pour l’Empereur instituée du temps de Napoléon. Ce n’est pas une prière qui figure dans les textes canoniques, mais une innovation devenue au bout de deux siècles un rituel traditionnel qui ancre le judaïsme français dans l’histoire de France tout en conservant une continuité avec des traditions plus anciennes.

              [La tradition passe aussi par l’onomastique: je pense qu’il faut choisir pour nos enfants des prénoms en rapport avec notre passé. Par exemple, j’ai donné à ma fille un prénom d’origine grecque mais qui est aussi le titre d’une pièce d’un grand tragédien français. Si ça avait été un garçon, j’aurais puisé dans les prénoms médiévaux français.]

              Là encore, je suis d’accord avec vous. Mais la francisation des prénoms n’implique pas nécessairement une rupture avec d’autres origines. Ainsi, il était courant chez les juifs de donner le nom de « Maurice » aux enfants (par homophonie avec « Moïse »), et chez les musulmans on trouve le prénom « Olivier » qui n’est que la traduction du prénom « Zeitoun ».

              [Le problème de l’école déconstructiviste, c’est qu’à force de déconstruire l’histoire de France, elle finit par déconstruire la France elle-même (c’est d’ailleurs l’objectif). Et s’il n’y a plus de France, on voit mal comment il pourrait y avoir des Français… J’attire aussi votre attention sur le fait que les historiens de la déconstruction détruisent le roman national pour mieux nous vendre le roman européen ou le roman de la mondialisation.]

              C’est Orwell qui l’a dit le mieux : « qui contrôle le présent contrôle le passé, qui contrôle le passé contrôle le futur ». L’école déconstructiviste surgit à un moment particulier, celui où les états-nations deviennent un obstacle pour la libre circulation du capital mondialisé. Et c’est pourquoi il était nécessaire de les « déconstruire ». Et pour cela, quoi de mieux que de déconstruire leur histoire ?

            • yoann dit :

              @nationaliste-ethniciste

              [A gauche, on déteste les nationalistes français qui disent “la France aux Français” mais on a toujours manifesté de la sympathie pour le FLN qui n’a cessé de clamer “l’Algérie aux Algériens”… Cela devrait vous interpeller]

              Je fais un peu tâche à gauche sur ce sujet personnellement, vu que j’ai déjà porté le tricolore (quand j’ai pas un drapeau rouge, frappé des outils et d’une étoile dans le coin supérieur gauche – qui lui aussi créer du malaise chez certains, et d’autres sont content de le voir).

              Porter ce drapeau à entraîné grand nombre de discussions avec des gens de gauches, que je qualifierais d’une gauche qui répond parfaitement aux stéréotypes que la droite lui prête. Je prend du plaisir de lever les contradictions sur les drapeaux nationaux, notamment sur les cas coloniaux. Que veux-tu chacun ses contradictions.

      • Jopari dit :

        [Quant à la discrétion de la vieille bourgeoisie ou aristocratie française… je pense qu’elle s’explique aisément. Pour les français « de souche », être français est quelque chose de naturel, à laquelle on ne pense même pas. N’ayant pas connu autre chose, ils ont du mal à imaginer que cette identité puisse disparaître. Les étrangers assimilés – je parle d’expérience – ont une identité française qui n’a rien de « naturel », qui est associée à un effort, à un travail sur soi.]

        Ça me rappelle les Promesses de l’aube, lorsque la mère du narrateur, allant le visiter en formation militaire, est décrite comme étrangère car très patriote par d’autres élèves.

    • yoann dit :

      [oui, oui, même l’agriculture dont les Français sont si fiers est aujourd’hui à la traîne derrière l’Allemagne]

      L’Allemagne, ce modèle agricole. Supprimer de facto l’inspection du travail dans un pays qui domine par une monnaie faible et la proximité avec des pays pourvoyeur de main d’oeuvre à bas coût, voilà un modèle supérieur à la France. Pas d’inquiétude, on est sur le bon chemin. Suffit de lire “Les Raisins de la misère” de Ixchel Delaporte pour s’en rendre compte.

  11. Jean-Michel Dupuy dit :

    ” Même en tenant compte des frais d’exploitation et des investissements nécessaires, on jette tout de même par la fenêtre quelque 4 Md€. ”

    Rappelons que notre contribution nette à l’Union européenne nous coûte, chaque année, le double et que l’on va certainement passer au triple pour compenser la perte de la contribution britannique…

  12. joelantoine dit :

    “Triste nuit” et triste écrit.
    Bonjour,
    Je suis un abonné récent à votre blog. Vous m’aviez habitué à la réserve et j’appréciais votre réflexion toujours constructive. Aujourd’hui je m’étonne quant à vos remarques concernant l’arrêt du réacteur ” N°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim …
    Comment pouvez-vous écrire
    1- “… On prédisait qu’il ne serait jamais rentable, il a été amorti en 25 ans seulement …” alors qu’on ne sait toujours pas traiter les déchets nucléaires. Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il est rentable et amorti ?
    A-t-on réussi à estimer les risques pour l’environnement du stockage des déchets nucléaires et pour la population environnante, actuelle comme future ? Bien sûr, j’espère qu’un jour très proche, on saura traiter ces déchets, mais pour l’instant ce n’est pas le cas, on prévoit de les enfouir -cf Bure.
    Entre-temps quels auront été les répercussions sur la nature et les populations environnantes de ces zones de stockage hyper dangereuses ? Quels vont en être les coûts ? Le savez-vous ? A ce jour, que ce soit en France, en Europe bref au niveau mondial, personne ne peut le prédire, sauf à dire que ces coûts à venir seront considérables, à tous niveaux (nature, santé …).
    2- “… Et l’accident toujours « inéluctable » qui était le grand espoir des écologistes n’a jamais eu lieu …”. En admettant que des abrutis aient pu dire, écrire, envisager, voire espérer une telle catastrophe, je pense que vous écrivez sous la colère. Mon neveu vit à Tokyo, et voyage pour son travail dans tout le Japon. Il est marié à une japonaise. Ils ont une petite fille. A chaque fois qu’il y a un tremblement de terre ou un risque de tsunamis, c’est la peur qui s’empare de notre famille.
    Que vous soyez pro-nucléaire, c’est votre opinion je la respecte naturellement, tout comme je respecte l’opinion des anti-nucléaires. On est encore en démocratie et chacun peut s’exprimer tant qu’il respecte l’autre c-à-d sa sensibilité et son origine. Jusqu’alors vous m’aviez habitué à plus de recul et à une pensée plus étayée.
    Je n’ai pas votre grande culture. Toutefois, pour avoir été responsable de projets, avoir côtoyé mes homologues à l’EDF en charge du nucléaire, lors de nos travaux et échanges communs, eux-mêmes reconnaissaient une erreur terrible au départ de la construction de ces centrales nucléaires à usage civil. Qu’on nomme cela par les termes “hérésie”, “incurie”, “incompétence”, “précipitation”, … on n’aurait jamais dû construire ces centrales sans prévoir le traitement des déchets. C’est le b.a ba de la conduite de tout projet, surtout quand c’est l’humain qui est en jeu !
    J’écris sans aucune animosité, je constate seulement que maintenant que ces déchets sont là, ils faut les traiter et ne pas passer sous silence le coût faramineux de leur traitement . Il faut respecter la décision des ingénieurs nucléaires qui avaient créé ces centrales en indiquant que leur durée d’exploitation ne devait pas dépasser ce qui était prévu à l’origine. Respectons l’avis de ces professionnels dans l’intérêt de tous. N’outrepassons pas leurs avis, ils savaient et ils étaient désintéressés. Ils travaillaient pour le bien de la France.
    Puis ensemble, sereinement, entrevoyons le futur d’un nucléaire sûr, si c’est possible, en parallèle avec d’autres énergies plus responsables.
    Cordialement

    • Descartes dit :

      @ joelantoine

      [Je suis un abonné récent à votre blog. Vous m’aviez habitué à la réserve et j’appréciais votre réflexion toujours constructive. Aujourd’hui je m’étonne quant à vos remarques concernant l’arrêt du réacteur ” N°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim …]

      J’ai du mal à comprendre votre étonnement. Je ne crois jamais avoir fait preuve de « réserve » sur ces sujets, au contraire.

      [1- “… On prédisait qu’il ne serait jamais rentable, il a été amorti en 25 ans seulement …” alors qu’on ne sait toujours pas traiter les déchets nucléaires. Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il est rentable et amorti ?]

      Qu’est-ce qui vous permet de dire que « on ne sait toujours pas traiter les déchets nucléaires » ? On sait parfaitement traiter les déchets nucléaires, qui contrairement à ce que les gens s’imaginent ne sont pas très différents, en termes de risques, des déchets chimiques classiques. Je l’ai déjà expliqué plusieurs fois sur ce blog : on fait peur aux gens avec les déchets « qui ont une durée de vie de plusieurs centaines de milliers d’années », sans noter que les déchets chimiques comme le mercure, l’arsenic, le cadmium ont une durée de vie infinie, puisqu’il s’agit d’éléments stables. Chaque jour on enfouit dans le sol ou on dilue dans la mer des déchets toxiques de toute nature, et personne n’a l’air de proposer qu’on arrête l’industrie chimique, ni même qu’on soumette ces déchets à des contrôles aussi sévères que ceux qu’on prévoit pour les sites de stockage de déchets nucléaires.

      Le cas des déchets nucléaires est un exemple classique de comment à force de répéter un mensonge on finit par en faire une vérité d’évidence. La solution pour traiter les déchets nucléaires existe. Je dirais même qu’il en existe plusieurs. Pour n’en citer que deux, il y a la dilution dans la mer – le facteur de dilution est tellement grand que cela ne changerait pas grande chose aux substances radioactives contenues naturellement dans l’eau de mer – et l’enfouissement en couche géologique profonde.

      [A-t-on réussi à estimer les risques pour l’environnement du stockage des déchets nucléaires et pour la population environnante, actuelle comme future ? Bien sûr, j’espère qu’un jour très proche, on saura traiter ces déchets,]

      Mais pourquoi voulez-vous les « traiter » ? Je vous le répète : on enfouit chaque jour des déchets arsénieux, mercureux ou cadmieux dont la durée de vie est largement supérieure à celle des déchets nucléaires. Et s’agissant d’éléments stables, aucun « traitement » n’est et ne sera possible. Et tout le monde s’en accommode. Si l’on peut d’ores et déjà dire quelque chose, c’est que si nos déchets posent un jour un problème aux générations futures, le principal problème ne viendra pas des déchets nucléaires.

      [Entre-temps quels auront été les répercussions sur la nature et les populations environnantes de ces zones de stockage hyper dangereuses ?]

      Quelles « zones de stockage hyper dangereuses ». De quel « danger » parlez-vous ?

      [Quels vont en être les coûts ? Le savez-vous ? A ce jour, que ce soit en France, en Europe bref au niveau mondial, personne ne peut le prédire, sauf à dire que ces coûts à venir seront considérables, à tous niveaux (nature, santé …).]

      Oui, on le sait. S’il est vrai qu’il existe des incertitudes, il ne faut tout de même pas les exagérer. On a aujourd’hui une idée assez claire des risques, des moyens d’y faire face, et des coûts associés. J’ajoute que, comme le montre la Cour des Comptes dans son rapport sur les coûts du nucléaire, plus l’incertitude est loin dans le temps, et moins les réserves pour la couvrir sont importantes. Si vous voulez couvrir une incertitude d’un milliard dans dix ans, avec un taux d’amortissement de 1% il vous faut faire une réserve de 900 millions aujourd’hui. Mais s’il fallait un milliard dans cent ans, une réserve de 370 millions suffit. Et si l’incertitude se trouve dans mille ans, il faudrait faire une réserve de… 50.000 € seulement.

      [2- “… Et l’accident toujours « inéluctable » qui était le grand espoir des écologistes n’a jamais eu lieu …”. En admettant que des abrutis aient pu dire, écrire, envisager, voire espérer une telle catastrophe, je pense que vous écrivez sous la colère. Mon neveu vit à Tokyo,]

      Je vous rappelle qu’on parle de Fessenheim. Les écologistes français ont prédit l’accident en Alsace, pas au Japon.

      [et voyage pour son travail dans tout le Japon. Il est marié à une japonaise. Ils ont une petite fille. A chaque fois qu’il y a un tremblement de terre ou un risque de tsunamis, c’est la peur qui s’empare de notre famille.]

      Et chaque vois qu’ils montent en voiture, vous tremblez pour eux ? Parce que, si l’on regarde la chose sérieusement, on a plus de chance d’être tué dans un accident de voiture que dans un accident nucléaire. Même traverser la rue est plus dangereux que vivre près d’une centrale nucléaire. Alors, vous m’accorderez que la peur dont vous parlez est largement irrationnelle.

      [Que vous soyez pro-nucléaire, c’est votre opinion je la respecte naturellement, tout comme je respecte l’opinion des anti-nucléaires.]

      Je respecte les personnes, mais je ne vois aucune raison de respecter des « opinions ». Respectez-vous l’opinion de ceux qui pensent que la terre est plate, ou que le monde est dominé par une conspiration judéo-maçonnique ? Moi pas.

      [On est encore en démocratie et chacun peut s’exprimer tant qu’il respecte l’autre c-à-d sa sensibilité et son origine. Jusqu’alors vous m’aviez habitué à plus de recul et à une pensée plus étayée.]

      Je ne vois pas très bien quel est le point dans mon article que je n’aurais pas « étayé ». Mais si c’est le cas, je vous prie de me l’indiquer, et je ferai ce qu’il faut pour l’étayer.

      [Je n’ai pas votre grande culture. Toutefois, pour avoir été responsable de projets, avoir côtoyé mes homologues à l’EDF en charge du nucléaire, lors de nos travaux et échanges communs, eux-mêmes reconnaissaient une erreur terrible au départ de la construction de ces centrales nucléaires à usage civil. Qu’on nomme cela par les termes “hérésie”, “incurie”, “incompétence”, “précipitation”, … on n’aurait jamais dû construire ces centrales sans prévoir le traitement des déchets. C’est le b.a ba de la conduite de tout projet, surtout quand c’est l’humain qui est en jeu !]

      Pour avoir longuement travaillé dans la production nucléaire d’EDF, je peux vous dire que personne n’a jamais en ma présence reconnu une telle « erreur ». Un partout donc. Soyons sérieux : l’opinion de personnes non identifiées et ce qu’ils ont pu vous dire entre deux portes ne constitue pas un argument. Si on veut un débat sérieux sur le nucléaire, il faut revenir aux faits, et non aux « on dit » plus ou moins fiables.

      Pour ce qui concerne les déchets, si l’homme avait attendu pour domestiquer le feu de savoir comment on allait gérer les incendies, on serait encore dans une caverne. Comme disait Marx, les civilisations humaines ne résolvent que les problèmes qui se posent à eux.

      [J’écris sans aucune animosité, je constate seulement que maintenant que ces déchets sont là, ils faut les traiter et ne pas passer sous silence le coût faramineux de leur traitement.]

      Je ne vois pas qui « passerait sous silence » le coût de traitement des déchets. Il figure dans les rapports de la Cour des Comptes, il est constaté par arrêté ministériel, il fait l’objet de réserves financières dédiées chez les exploitants nucléaires. Encore une fois, il faut revenir aux faits, et non répéter comme des disques rayés « on ne sait pas quoi faire avec les déchets », « on n’a rien prévu pour payer leur stockage ». Ce n’est tout simplement pas vrai.

      [Il faut respecter la décision des ingénieurs nucléaires qui avaient créé ces centrales en indiquant que leur durée d’exploitation ne devait pas dépasser ce qui était prévu à l’origine.]

      Aucun ingénieur nucléaire n’a jamais dit pareille chose. Je vous mets au défi de trouver un seul document ou figure l’idée que « l’exploitation ne doit pas dépasser ce qui était prévu à l’origine ». Une fois encore, revenons aux faits : lors de la construction, on a demandé aux ingénieurs de faire une démonstration de sûreté pour quarante ans, c’est-à-dire, on leur a demandé de montrer que les centrales pouvaient être exploitées dans des conditions sûres pendant quarante ans. Ce qui n’implique nullement qu’on ne puisse pas les exploiter plus longtemps. Aujourd’hui, après quarante ans d’expérience, les ingénieurs sont capables de démontrer que les centrales peuvent aller jusqu’à 60 ans. Ou même 80 ans. En quoi ce serait manquer de respect aux ingénieurs qui ont fait les premières études que de continuer ?

      [Respectons l’avis de ces professionnels dans l’intérêt de tous.]

      Dans le cas de Fessenheim, les professionnels n’ont pas été consultés. On a décidé d’arrêter alors que les professionnels consultés sur des réacteurs similaires (le réacteur N°1 de Tricastin, mais aussi un certain nombre de réacteurs américains) ont conclu que l’exploitation pouvait continuer.

      [Puis ensemble, sereinement, entrevoyons le futur d’un nucléaire sûr, si c’est possible, en parallèle avec d’autres énergies plus responsables.]

      C’est quoi une « énergie responsable » ?

      • Jopari dit :

        [Dans le cas de Fessenheim, les professionnels n’ont pas été consultés. On a décidé d’arrêter alors que les professionnels consultés sur des réacteurs similaires (le réacteur N°1 de Tricastin, mais aussi un certain nombre de réacteurs américains) ont conclu que l’exploitation pouvait continuer.]

        A propos de Tricastin, les suspects habituels sont déjà à l’action.

      • yoann dit :

        [le principal problème ne viendra pas des déchets nucléaires]

        Faux. Car une parti des déchets nucléaires, notamment ceux à durée de vie longue, finissent en atomes stables (métaux lourds en général). Le problème des déchets nucléaires reste le même que celui de l’industrie non nucléaire.

        Ceci dit il y a petit à petit une prise de conscience de certains écolos sur les contaminations des sols, de l’air, des océans liées à l’activité minière.

        [on fait peur aux gens avec les déchets « qui ont une durée de vie de plusieurs centaines de milliers d’années »]

        Le pire c’est que ce sont les déchets les plus faciles à manipuler et les moins dangereux en terme de radioactivité. L’uranium peut être manipuler à main nue. Les déchets les plus difficiles à traiter ont des durées de vie courte (en millier d’année), il suffit donc de les vitrifier et de les enfouir. Dans “100 000” ans s’ils remontent à la surface ils n’auront plus rien de radioactif.

      • cdg dit :

        ” Je vous le répète : on enfouit chaque jour des déchets arsénieux, mercureux ou cadmieux dont la durée de vie est largement supérieure à celle des déchets nucléaires”
        Vous proposez serieusement d enfouir des dechets radioactif pour des dizaine de milliers d annees sous pretexte que d autres dechets ont ete enfouis ?
        C est vrai que dans le passe on a fait pas mal de conneries: on a balance du mercure dans l eau, ca a donné https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_de_Minamata
        On c est aussi debarrassé de munitions chimiques, 100 ans apres la fin de la premiere guerre, des pecheurs sont blessés en remontant de l yperite … (https://fr.wikipedia.org/wiki/Munition_immerg%C3%A9e#Fuites_toxiques_av%C3%A9r%C3%A9es)
        On a stocke des dechets chimique en alsace dans une ancienne mine. Super operation, il a fallu tout enlever car ca risquait de contaminer l eau …

        On doit quand meme apprendre de nos erreurs et pas refaire encore la meme chose. Le stockage en profondeur est une heresie. Ca consiste juste a cacher la merde sous le tapis. Il faut au contraire garder ses dechets a portee de main afin de pouvoir les surveiller et intervenir en cas de probleme (ce qui n est pas le cas si vous les balancez dans une fosse sous marine ou dans une mine)

        ” on leur a demandé de montrer que les centrales pouvaient être exploitées dans des conditions sûres pendant quarante ans. Ce qui n’implique nullement qu’on ne puisse pas les exploiter plus longtemps. Aujourd’hui, après quarante ans d’expérience, les ingénieurs sont capables de démontrer que les centrales peuvent aller jusqu’à 60 ans. Ou même 80 ans”
        Je connais pas le nucleaire, je suis ingenieur dans un autre domaine (aeronautique/spatial puis automobile). Chez nous c est plutot l inverse, on se rend compte qu il y des problemes qui n ont pas ete pris en compte on doit en general reduire plutot qu augmenter la duree de vie du produit. Franchement penser qu on puisse assurer le double de la duree initiale me laisse franchement septique. On peut evidement prolonger la duree de vie d une installation en changeant certaines pieces, mais dans une centrale nucleaire il y a des choses qu on ne peut changer car en zone radioactive
        Alores evidement on peut “tricher”. On baisse la probablilite d un evenement ou un coefficient d usure (ou je ne sais quoi) et hop on augmente la duree de vie. Autant c est pas vraiment un probleme quand vous parlez d un auto radio, autant c est moralement plus discutable pour une centrale nucleaire.
        Surtout vu les interets en jeu, il doit y avoir une pression maximale pour faire une evaluation favorable des risques

        Pour finir je vous rapelle que c est pas parce qu aucun accident n est arrivé que votre techno est sure. J ai travaille sur des projet ou les problemes ont ete remonte apres 20 ans (pendant 19 ans le systeme avait jamais ete dans une configuration trop defavorable et ca ne s etait pas vu). Le meilleur exemple c est le concorde. L avion a vole des dizaines d annees sans pepin majeur et est considere comme l un des plus sur du monde. Et un jour c est l accident et on se rend compte d un gros probleme qui existait depuis le debut (les reservoirs peuvent etre percé et mettre le feu a l avion https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_4590_Air_France) .
        Autrement dit, si vous avez peu d exemplaire d un produit en exploitation, avoir peu d incident ne prouve absolument pas que votre produit est sur

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Vous proposez sérieusement d’enfouir des déchets radioactif pour des dizaines de milliers d’années sous prétexte que d’autres déchets ont été enfouis ?]

          Non. Je propose sérieusement d’enfouir des déchets radioactifs pour des dizaines de milliers d’années parce que c’est une manière sûre de disposer d’eux. Simplement, je m’étonne qu’on fasse autant de bruit sur les déchets nucléaires et on pousse à dépenser des milliards pour avoir ceinture et bretelles, alors qu’on laisse en déshérence des déchets chimiques bien plus dangereux. Comment expliqueriez-vous ce paradoxe ?

          [C’est vrai que dans le passe on a fait pas mal de conneries: on a balance du mercure dans l’eau, ça a donné (Minamata). On s’est aussi débarrassé de munitions chimiques, 100 ans après la fin de la première guerre, des pêcheurs sont blessés en remontant de l’ypérite … ]

          Tout à fait. Et pourtant, malgré tout ça personne à ma connaissance a proposé d’arrêter de faire de la chimie. Alors qu’on trouve des partis politiques dont la réligion est la sortie du nucléaire, alors que celui-ci a finalement pas tué grand monde. Etonnant, non ?

          [On doit quand même apprendre de nos erreurs et pas refaire encore la même chose. Le stockage en profondeur est une hérésie. Ca consiste juste a cacher la merde sous le tapis.]

          Ca dépend. Si l’on stocke dans des couches géologiques dont la stabilité est très grande, c’est une solution rationnelle. J’ajoute que c’est ce que l’homme fait depuis le début de la civilisation, et que s’il y a eu quelques accidents de temps en temps, dans l’immense majorité des cas cela a marché.

          [Je ne connais pas le nucléaire, je suis ingénieur dans un autre domaine (aéronautique/spatial puis automobile). Chez nous c’est plutôt l’inverse, on se rend compte qu’il y des problèmes qui n’ont pas été pris en compte on doit en général réduire plutôt qu’augmenter la durée de vie du produit.]

          Les démarches sont très différentes. Dans l’aéronautique ou le spatial, la contrainte est de réduire le poids de l’objet pour augmenter sa rentabilité. Et pour réduire le poids, on doit réduire les marges. Dans le nucléaire, au contraire, c’est la durabilité qui fait la rentabilité. Et du coup, c’est rentable de prendre des marges. Et comme dans les années 1970 on ne savait pas forcément calculer au plus juste, on a pris d’énormes marges de sécurité. Ce sont elles qui font que finalement des cuves qu’on avait démontré pouvant tenir 40 ans arrivent en fait à tenir 80 ans.

          [Pour finir je vous rappelle que ce n’est pas parce qu’aucun accident n’est arrivé que votre techno est sure.]

          En théorie, le fait qu’une pièce tombe mille fois de suite sur « pile » n’implique pas qu’elle n’ait pas de « face ». Mais si l’on répète beaucoup de fois l’expérience et qu’on aboutit au même résultat, on peut raisonnablement déduire que la probabilité que la pièce tombe sur « face » est très faible. Et c’est cela une technologie « sûre » : une technologie dont la probabilité de défaillance est faible.

          [L’avion a volé des dizaines d’années sans pépin majeur et est considère comme l’un des plus sur du monde. Et un jour c’est l’accident et on se rend compte d’un gros problème qui existait depuis le début (les réservoirs peuvent être percés et mettre le feu a l’avion)]

          Si l’on raisonne comme vous le faites, alors on ne peut jamais savoir si une technologie est « sûre ». Un avion qui a volé pendant 60 ans en pleine sécurité et dont on arrêté l’exploitation aurait peut-être révélé un défaut (comme Concorde) si on l’avait exploité un an de plus…

          Non, l’accident de Concorde n’implique pas que l’avion soit moins « sûr ». Un accident était certes possible, mais les conditions pour qu’il arrive n’étaient pas réunies souvent, autrement on aurait eu l’accident plus tôt. Encore une fois, la « sûreté » d’une technologie est une question de probabilité. Et le fait qu’on lait exploité pendant quarante ans sans un seul accident grave nous dit quelque chose de cette probabilité.

          • cdg dit :

            “malgré tout ça personne à ma connaissance a proposé d’arrêter de faire de la chimie”. Certes mais on a fait des normes qui interdisent certaines choses (ou de facon plus hypocrite on les transferent dans les pays pauvres. Pourquoi croyez vous qu il n y a quasiment plus d usine chimique en europe ?)
            Apres il y a aussi l absence d alternative. Par ex si vous voulez des medicaments, il vous faut des usines pour faire les produits chimiques. Dans le cas du nucleaire, on peut tres bien faire de l electricite avec autre chose.

            Je ne suis pas un anti nucleaire absolu. Dans less annees 60-70 c etait surement une voie interessante. Par contre en 2020, j ai de gros doute. On a pas avance sur les dechets, les EPR sont un fiasco technico financier (bon jeveux bien qu on essuie les platres mais on fait quand meme tres fort). Je crains qu on investisse dans la mauvaise techno. Un peut comme si en 1910 on aurait mit le paquet sur les dirigeables au lieu des avions (a l epoque les performances des avions etaient ridicules par rapport aux dirigeables). Et pourtant les plus leger que l air sont une impasse technologique. Est ce que faire de l electricite avec de l uranium n est pas la aussi une impasse ?

            “Un accident était certes possible, mais les conditions pour qu’il arrive n’étaient pas réunies souvent, autrement on aurait eu l’accident plus tôt”
            Pas forcement. les conditions d exploitations changent. Ce qui etait rarissime il y a 10 ans peut etre courant aujourd hui. Par ex personne ne montait dans un avion il y a 15 ans avec un emetteur radio. Aujourd hui quasiment tout le monde se promene avec un telephone portable (lesquels pouvaient brouiller certains instrument de vols vu qu ils ont ete concus a une epoque ou ca n existait pas)
            Apres il faut prendre en compte l impact de la panne (AMDEC/FMEA). Si votre panne de probabilite 1 % fait que vous avez plus de musique dans votre voiture c est tout a fait acceptable. Si votre panne de 0.01 % fait que vous devez evacuer toute la valle du rhone car tricastin a eut un probleme un jour de mistral, c est nettement moins acceptable

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Apres il y a aussi l’absence d’alternative. Par ex si vous voulez des médicaments, il vous faut des usines pour faire les produits chimiques. Dans le cas du nucléaire, on peut très bien faire de l’électricité avec autre chose.]

              Oui, on peut la faire avec du charbon, mais il faut alors accepter le réchauffement climatique. Ou bien avec du solaire, mais alors il faut accepter de ne pas avoir de l’électricité la nuit. A chaque fois, c’est un équilibre entre le risque qu’on prend et les avantages qu’on en tire. On estime qu’avoir des téléphones portables justifie de produire des déchets mercureux ou arsénieux. En quoi ce risque serait plus « inacceptable » que celui des déchets nucléaires.

              [Je ne suis pas un antinucléaire absolu. Dans les années 60-70 c’était surement une voie intéressante. Par contre en 2020, j’ai de gros doutes. On a pas avance sur les déchets, les EPR sont un fiasco technico financier (bon je veux bien qu’on essuie les plâtres mais on fait quand même très fort).]

              Il faut être sérieux. Il est faux de dire que « on n’avance pas sur les déchets ». Dans les années 1960, nous n’avions pas le dixième des connaissances que nous avons aujourd’hui des problématiques de stockage en couche géologique profonde. Quant à l’EPR, si Flamanville est un fiasco – pour des raisons que j’ai expliqué ici et que je ne répète pas – cela ne suffit pas à transformer l’EPR en un fiasco. Vous noterez que deux EPR sont aujourd’hui en exploitation à Taishan, en Chine, et qu’ils fonctionnent à merveille, atteignant des taux de disponibilité supérieurs à ceux de la conception.

              [Est ce que faire de l’électricité avec de l’uranium n’est pas la aussi une impasse ?]

              Ca peut se discuter. Personnellement, je continue à penser que les arguments pour répondre « non » sont largement plus lourds que ceux qui pousseraient à répondre « oui ». Mais quoi qu’il en soit vous noterez qu’on a fermé Fessenheim pour des raisons qui n’ont rien à voir avec ce débat.

              [“Un accident était certes possible, mais les conditions pour qu’il arrive n’étaient pas réunies souvent, autrement on aurait eu l’accident plus tôt” Pas forcement. Les conditions d’exploitation changent. Ce qui était rarissime il y a 10 ans peut être courant aujourd’hui.]

              Mais l’inverse est aussi possible. Si ça se trouve, l’accident est aujourd’hui encore plus improbable qu’il y ait dix, vingt ou trente ans… Malheureusement, nous ne pouvons calculer des probabilités que sur la base de notre connaissance passée. Lorsqu’on dit que l’avion est le mode de transport le plus sûr, on le fait en se fondant sur les statistiques du passé. Avec votre raisonnement, rien ne vous dit que le jour de demain 90% des vols ne s’écraseront demain.

            • materialiste-patriote dit :

              [On a pas avance sur les dechets, les EPR sont un fiasco technico financier (bon jeveux bien qu on essuie les platres mais on fait quand meme tres fort). Je crains qu on investisse dans la mauvaise techno. Un peut comme si en 1910 on aurait mit le paquet sur les dirigeables au lieu des avions (a l epoque les performances des avions etaient ridicules par rapport aux dirigeables).]

              Il est d’autant plus faux de dire qu’on n’avance pas sur les déchets que les réacteurs à neutrons rapides, qui constituent le projet le plus mature pour succéder aux réacteurs de 3e génération comme l’EPR, ont parmi leurs principaux avantages le fait de réduire considérablement la quantité de déchets nucléaires (division par 20 du tonnage de déchets radioactifs par rapport aux réacteurs actuels), tout en transformant les éléments à durée de vie très longue en éléments à durée de vie bien plus courtes (environ 300 ans).
              Mais bon, on a passé le programme Astrid par pertes et profits donc quand ces réacteurs arriveront en France, c’est certainement qu’on les aura achetés aux Russes ou aux Chinois…

              Quant à la comparaison entre le dirigeable et l’avion, si le nucléaire est le dirigeable, quel est l’équivalent de l’avion? Le solaire? L’éolien? Les connaisseurs du sujet, comme Jancovici, en doutent sérieusement…

        • yoann dit :

          [Vous proposez serieusement d enfouir des dechets radioactif pour des dizaine de milliers d annees sous pretexte que d autres dechets ont ete enfouis ?]

          Il faut comprendre une chose essentielle concernant la radioactivité.

          La radioactivité en gros c’est une perte de masse sous forme d’énergie. Plus un atome perd sa masse rapidement, plus il est radioactif (un atome qui perd sa masse devient un autre atome). Et plus il est radioactif plus il faut s’en tenir éloigner. Pour quantifier la vitesse à laquelle des atomes perdent de l’énergie on parle de demi-vie (la durée nécessaire pour que la moitié des atomes soient transformé en autre chose).

          Deux exemple de demi-vie : l’uranium 235 est à 703 millions d’années. Le plutonium 80 millions. L’iode 131… 8 jours !

          La conséquence de cela : plus c’est long, moins il y a de perte de masse sous forme d’énergie, moins il y a de radioactivité. Tu peux prendre de l’uranium à main nue, par contre l’iode 131 que notre corps capte au niveau de la thyroïde peut te donner un cancer avec seulement un atome d’absorbé par le corps (c’est pour ça qu’on sature la thyroïde d’iode en cas d’accident nucléaire).

          Il faut donc comprendre une chose : les déchets radioactif dangereux ont des demi vie courte. Ceux qui servent a faire peur (avec des chiffres en centaines de milliers d’années) sont guère radioactif, et à mon avis le problème de l’enfouissement des déchets nucléaires et de leur remontée en surface , qui ne concerne pas la majorité des produits enfouis (on a un exemple de réacteur naturel au Gabon, et les isotopes radioactifs ne sont jamais remontée à la surface). Et quand bien même ils seront très peu radioactif.

          https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bc/Spent_nuclear_fuel_decay_sievert.jpg

          Voilà un graphique amusant. Tu voies qu’en 10 000 ans la majorité des déchets nucléaires n’est pas plus radioactif que de l’uranium. Il y a deux “soucis” : le plutonium (qu’on peut transformer en MOX et consommer dans une centrale type EPR, ou retraiter comme à La Hague) et les actinides (idem, réutilisable). On les appelles déchets de hautes activités à vie longue.

          Pour les déchets très radioactif on peut faire une chose très simple pour se prémunir de la radioactivité : une piscine. L’eau absorbe très bien les radiations (c’est pour ça que ceux qui sont allé voir le cœur de Tchernobyl comme Artur Kornayev sont encore en vie). En quelque années il ne reste que des métaux lourds et des atomes inoffensifs. 0.2% des déchets, 94% de la radioactivité.

    • Ian Brossage dit :

      Bonsoir joelantoine,

      Si vous voulez des références sérieuses et accessibles sur le sujet des déchets nucléaires, je vous conseille les articles suivants – écrits par des spécialistes du sujet :
      https://www.afis.org/Nucleaire-un-debat-qui-doit-ecarter-les-mauvais-arguments
      https://www.afis.org/Peut-on-stocker-les-dechets-nucleaires-en-formation-geologique-profonde
      https://www.afis.org/Charbon-ou-nucleaire-concentrer-ou-diluer-les-dechets

  13. Paul dit :

    Cher Descartes, vous êtes sur une mauvaise pente: il y a quelques semaines, vous avez picolé pour fêter le Brexit et hier soir pour pleurer Fessenheim. Si toutes les raisons sont bonnes pour ouvrir une bouteille !
    J’en ai fait autant.

  14. Henri Marteau dit :

    Au regard des émissions de gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire dégage peu de dioxyde de carbone (CO2). Elle est peu polluante.
    Mais en contrepartie elle produit des déchets radioactifs qui ont une durée de vie longue et que les pro-nucléaires ne veulent pas chez eux, mais chez les autres.
    Et l’on ne sait toujours traiter ces déchets nucléaires.
    Que répondez-vous ?

    • Descartes dit :

      @ Henri Marteau

      [Au regard des émissions de gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire dégage peu de dioxyde de carbone (CO2). Elle est peu polluante.]

      On nous explique en permanence que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est la priorité absolue, qui doit s’imposer à toutes les autres. Ne faut-il pas dans ces conditions accepter le risque nucléaire ?

      [Mais en contrepartie elle produit des déchets radioactifs qui ont une durée de vie longue et que les pro-nucléaires ne veulent pas chez eux, mais chez les autres.]

      Je ne sais pas d’où vous sortez cette idée. Ou voyez-vous les pro-nucléaires ne voulant pas les déchets chez eux ? Je vous fais amicalement remarquer que le personnel des installations nucléaires passent leurs vies à côté des installations dont ils ont la charge, et que cela n’a pas l’air de les gêner outre-mesure. Et personnellement, si on me disait demain qu’on allait bâtir un centre de stockage de déchets nucléaires derrière chez moi, cela ne me gênerait pas particulièrement. J’ai passé moi-même l’essentiel de ma vie professionnelle à quelques kilomètres d’une installation nucléaire.

      Pour venir à la question des déchets, je ne peux que vous faire la même réponse qu’à Joelantoine : ce n’est pas parce qu’on répète une contrevérité qu’elle devient une vérité. Les déchets nucléaires ont une vie longue, pour certains de quelques centaines de milliers d’années. Mais nous produisons chaque jour des tonnes de déchets contenant du mercure, de l’arsenic ou du cadmium, et ces déchets ont une durée de vie infinie, puisqu’il s’agit d’éléments stables. Et pourtant, leur enfouissement a lieu chaque jour, et dans des conditions bien moins contrôlées que les déchets nucléaires.

      Alors, pourquoi cette focalisation sur le nucléaire ? Ce n’est pas parce que le risque est plus important, mais parce que la bataille antinucléaire est une croisade de nature religieuse. A travers le nucléaire, c’est autre chose qu’on rejette…

      [Et l’on ne sait toujours traiter ces déchets nucléaires.]

      On sait parfaitement « traiter » ces déchets. Encore une fois, ce n’est pas parce que tout le monde répète une affirmation qu’elle devient vraie.

      • Gugus69 dit :

        C’est pénible cette question des déchets !
        Les anti-nucléaires sont tellement à cours d’arguments qu’ils se focalisent sur ce sujet en croyant tenir l’argument ultime. Combien de fois ai-je entendu “Pour ne pas avoir à stocker ou traiter des déchets radioactifs, le mieux est de ne pas en produire !”
        90 % de nos déchets radioactifs proviennent des activités médicales !
        Doit-on cesser la radiologie ? Le traitement des cancers par rayonnement ?
        Pour ne plus produire de déchets chimiques, doit-on “sortir du chimique” ?
        Il se produit en France 100 fois plus de déchets chimiques que de déchets radioactifs. Et souvent, ces déchets sont extrêmement toxiques.
        Aujourd’hui en France, l’ensemble des déchets produits DEPUIS 50 ANS est stocké dans l’équivalent d’un grand hangar. C’est vitrifié, coulé dans du béton, ça ne peut pas couler, ça ne peut pas exploser, ça ne peut pas bruler… C’est parfaitement contrôlé.
        Par ailleurs les déchets à longue durée de vie et à forte activité radioactive ne représentent qu’une très petite quantité du total. Et les derniers travaux des physiciens laissent espérer qu’on pourra prochainement réduire considérablement ces valeurs… Si tant est que ce soit nécessaire.
        Enfin, les centrales de nouvelles générations produiront beaucoup moins de déchets.
        Raison de plus pour les mettre en chantier ! Et pour poursuivre la recherche et le développement…

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [C’est pénible cette question des déchets ! Les anti-nucléaires sont tellement à cours d’arguments qu’ils se focalisent sur ce sujet en croyant tenir l’argument ultime. Combien de fois ai-je entendu “Pour ne pas avoir à stocker ou traiter des déchets radioactifs, le mieux est de ne pas en produire !”
          90 % de nos déchets radioactifs proviennent des activités médicales !]

          Vous avez tout à fait raison. J’ajoute un point important sur cette question. Ceux qui reprochent aujourd’hui aux nucléocrates de ne pas avoir pris en considération ce problème ont été eux-mêmes très lents à le prendre en considération. Lorsque le parc nucléaire a été construit, le discours écologiste se concentrait uniquement sur trois aspects : la sûreté des installations (« on va tous mourir irradiés »), leur fiabilité économique (« elles couteront cher et seront toujours en panne »), et le secret qui soi-disant les entourait (« il faut un état policier pour faire du nucléaire »). Je vous mets au défi de trouver un document de propagande écologiste des années 1980 abordant le sujet des déchets.

          Si les écologistes se sont tournés vers les déchets, c’est parce que leurs arguments concernant les réacteurs sont devenus de moins en moins convaincants. Après trente ans d’exploitation, difficile de contester que les réacteurs sont sûrs, fiables, et que l’état n’est pas devenu policier pour autant. Il faut trouver de nouveaux arguments pour faire peur aux gens, et les déchets font peur justement parce qu’il y a peu d’expérience opérationnelle sur leur stockage. D’où la répétition obsessionnelle de l’idée « qu’on n’a pas de solution pour traiter les déchets » alors qu’on en a plusieurs.

          Vous avez d’ailleurs tout à fait raison de noter que les écologistes se gardent bien d’attaquer le nucléaire médical, dont les déchets représentent à notre échelle mais aussi à l’échelle mondiale un problème autrement plus délicat et complexe que celui des déchets de l’industrie nucléaire. La raison est simple : alors que les déchets de la production sont répertoriés et contrôlés par un tout petit nombre d’acteurs, les sources de radiothérapie (mais aussi celles de contrôle industriel) sont largement diffusées, et sont dans les mains de gens qui n’ont ni la culture, ni la formation, ni les protections qu’on trouve chez EDF ou chez ORANO. Il faut souligner d’ailleurs que les plus gros accidents d’irradiation ont eu lieu pour le moment avec des sources médicales.

          [Doit-on cesser la radiologie ? Le traitement des cancers par rayonnement ?]

          Curieusement, aucun mouvement écologiste n’assume sérieusement ces propositions. Or, pour produire les sources qui permettent la radiothérapie, il faut bien des réacteurs nucléaires…

          [Par ailleurs les déchets à longue durée de vie et à forte activité radioactive ne représentent qu’une très petite quantité du total. Et les derniers travaux des physiciens laissent espérer qu’on pourra prochainement réduire considérablement ces valeurs… Si tant est que ce soit nécessaire.]

          Personnellement, je vous avoue que je n’y crois pas trop. C’est physiquement possible, bien entendu, mais je doute qu’on arrive à rendre le procédé efficace, sauf si l’on imagine un parc de réacteurs à neutrons rapides, qui aujourd’hui paraît futuriste. La solution la plus économique reste le stockage en couche profonde ou la dilution dans la mer.

          • Gugus69 dit :

            De plus, à tous les écolos en peau de lapin qui scandent que le nucléaire est nocif, voire qu’il représente un danger mortel, j’affirme, moi, que l’industrie électronucléaire a sauvé et prolongé des centaines de milliers de vies depuis un demi-siècle !
            En effet, du milieu du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe, le charbon a représenté la source d’énergie quasi unique pour le chauffage, l’industrie, le transport ferroviaire et le transport maritime et fluvial.
            Pendant toute cette période, l’extraction a coûté la vie à des dizaines de milliers de mineurs sur cette planète dans des effondrements ou des coups de grisou. Des centaines de milliers de mineurs ont vu leur espérance de vie écourtée en moyenne d’une dizaine d’années par la silicose. La pollution des villes, difficile à imaginer aujourd’hui (le fameux smog londonien) a abrégé directement l’existence de millions de citadins des pays développés. Aujourd’hui encore, les centrales à charbon, en Chine, en Pologne, en Allemagne… sont directement responsables de dizaines de milliers de décès prématurés.
            Quant au transport routier, qui consomme quasi exclusivement des produits pétroliers, inutile d’en décrire la nocivité (et pourtant, on en a besoin…).
            J’affirme donc que depuis un demi-siècle, si on avait dû produire avec du charbon ou du pétrole l’énergie qui, en réalité, a été générée par les centrales nucléaires à travers le monde, des centaines de milliers d’humains seraient morts accidentellement ou de maladies pulmonaires, cardio-vasculaires, bien avant leur heure.
            Clairement, l’industrie électronucléaire sauve des milliers de vies.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [De plus, à tous les écolos en peau de lapin qui scandent que le nucléaire est nocif, voire qu’il représente un danger mortel, j’affirme, moi, que l’industrie électronucléaire a sauvé et prolongé des centaines de milliers de vies depuis un demi-siècle !]

              Si l’on regarde les effets globaux sur la santé, il est clair que le nucléaire n’a pas à rougir. En termes d’accident, c’est l’hydraulique qui emporte de très loin la palme : les ruptures de barrages ont fait des dizaines de milliers de morts à travers le monde, et des centaines en France, suivie de près par le charbon et ses grands accidents miniers. Si on parle des effets non déterministes, le charbon reste la plus meurtrière, avec son cortège de silicoses et de maladies professionnelles, sans compter sur l’effet des fumées.

      • Alain Brachet dit :

        “Croisade de nature religieuse”? OK, mais à laquelle il faut ajouter celle, implicite chez les antis, qu’une telle technique, par sa complexité, par l’expertise, par l’esprit de responsabilité qu’elle demande à ceux qui la mettent en oeuvre, de la recherche à l’exploitation des installations, est, à mon point de vue, incompatible avec la loi du marché, sa concurrence libre et non faussée. Le nucléaire français a été un succès technique et de sûreté, tant qu’il était mis en oeuvre, par des entreprises nationalisées ou contrôlées fortement par une force publique qui, elle-même, y “croyait”. Ce que les antis détestent dans leur naïveté d’un retour à la nature. Et il se trouve que cette philosophie convient tout à fait au pouvoir en place, défenseur d’un capitalisme boursier, rentable à la microseconde… D’autre part, il faut toujours insister sur le fait que l’élimination des déchets et notamment du principal, le plutonium, était lui-même un développement presque exponentiel de la ressource uranium, à travers le surrégénérateur (type Super Phénix) dont on a arrêté le développement (au grand plaisir de ces mêmes antis…et du capitalisme actuel au pouvoir, qui n’a cure de la technique, si elle n’enrichit pas sans délais ses tenants…).

        • Descartes dit :

          @ Alain Brachet

          [OK, mais à laquelle il faut ajouter celle, implicite chez les antis, qu’une telle technique, par sa complexité, par l’expertise, par l’esprit de responsabilité qu’elle demande à ceux qui la mettent en œuvre, de la recherche à l’exploitation des installations, est, à mon point de vue, incompatible avec la loi du marché, sa concurrence libre et non faussée.]

          Tout à fait. Les marchés sont, par construction, myopes. Plus quelque chose s’éloigne, et moins ils la perçoivent. Or, le nucléaire est une technologie du temps long. De la table à dessin à la fin du démantèlement de l’installation, il y a un siècle ou plus. Rares sont les institutions privées qui ont ce genre d’horizon, qui assument leurs responsabilités sur de telles durées.

          [Le nucléaire français a été un succès technique et de sûreté, tant qu’il était mis en œuvre par des entreprises nationalisées ou contrôlées fortement par une force publique qui, elle-même, y “croyait”. Ce que les antis détestent dans leur naïveté d’un retour à la nature. Et il se trouve que cette philosophie convient tout à fait au pouvoir en place, défenseur d’un capitalisme boursier, rentable à la microseconde…]

          Tout à fait. Si quelque chose a tué le nucléaire, c’est la dictature du court terme qui s’est imposée à travers la dictature du marché.

          [D’autre part, il faut toujours insister sur le fait que l’élimination des déchets et notamment du principal, le plutonium,]

          Le Plutonium n’est pas un déchet, c’est une matière première !!! Comme me disait un ancien ministre et député gaulliste, “le Plutonium, c’est de l’or, il faudrait le mettre dans les coffres de la Banque de France !”

  15. JanHuss dit :

    Voilà le fond du problème. L’économie existe pour produire ce qui produit l’homme.

    Avec des systèmes de production d’énergie du XIIIème siècle (bois, charbon …), nous ne pourrons que produire le niveau de population mondial que nous avions au XIIIème siècle.

    C’est à dire que la campagne hystérique, idéologique, contre le nucléaire – et contre toute recherche fondamentale dans le domaine, par exemple, la fusion thermonucléaire – est en réalité une campagne en faveur de la limitation de la population, voire de l’extermination massive de centaines de millions de gens.

    Or, il n’est plus possible de retourner à la génération précédente de production d’énergie, sans retourner au niveau précédent de population mondiale.

    L’état actuel des courses est totalement cohérent avec la destruction délibérée des services publics: certains espèrent, très littéralement, qu’en fermant la majorité des hôpitaux publics et en détruisant l’assurance-maladie, on réussira à réduire la population des Sans-Dents.

    Soit dit en passant, relisons Friedrich List et Henry Carey. Ce dernier en particulier est tout à fait explicite sur le problème. Ses oeuvres ont-elles été traduites en français?

    • Descartes dit :

      @ JanHuss

      [Voilà le fond du problème. L’économie existe pour produire ce qui produit l’homme.]

      Oui et non. S’il est vrai qu’il y a eu longtemps une corrélation entre la richesse d’une civilisation et sa démographie, cette corrélation est loin d’être évidente aujourd’hui. Les pays comme l’Allemagne gagnent toujours en productivité, et leur population tend au contraire à décroître. En fait, il y a trois facteurs qui poussent les gens à faire beaucoup d’enfants : la mortalité – qui limite le nombre d’enfants qui complètent une carrière productive ; le besoin de bras pour exploiter le capital productif dans un contexte de faible productivité, et la faiblesse des systèmes de prévision qui mettent chaque génération à la merci de la génération suivante.

      Lorsque la productivité augmente, que la mortalité diminue, et que les systèmes de prévision prennent en compte solidairement les vieux, la natalité diminue naturellement. Pas la peine d’exterminer qui que ce soit…

  16. Jopari dit :

    Comme vous, je partage votre sentiment de dégout face à ce gâchis technique et financier, à la capacité de certains milieux de propager les peurs et les fantasmes ayant mené à cela ainsi qu’au court-termisme de dirigeants ne considérant notre infrastructure que comme une variable d’ajustement pour obtenir le soutien de blocs électoraux.

    Si des voix raisonnables venant de techniciens et d’ingénieurs avaient été mieux écoutées, que ce soit sur le prétendu danger tellurique (le dernier tremblement de terre local majeur remontant à 1356), sa vétusté (l’ASN a donné le feu vert à toute poursuite de l’exploitation et des centrales construites sur le même modèle reçurent l’autorisation d’être exploitées pour 80 ans) ou sur l’approvisionnement local en électricité, et si d’autres voix avaient critiqué le concept de transition énergétique en tant qu’arme contre le nucléaire, le programme de Hollande et d’EELV aurait paru aussi ridicule que la proposition de Griveaux de déplacer la gare du Nord hors de Paris, et ceux ayant osé émettre de telles propositions n’auraient pas passés comme sérieux dans l’électorat.

    Il aurait fallu enfin une meilleure instruction scientifique et technique pour les électeurs, qui les auraient rendus imperméables à ces discours de peur (“N’ayez pas peur!”).

    Je me demande comment devaient se sentir les sujets de l’empire Qing en 1850, ou ceux de l’empire romain en 450.

    • Descartes dit :

      @ Jopari

      Si des voix raisonnables venant de techniciens et d’ingénieurs avaient été mieux écoutées, (…) et si d’autres voix avaient critiqué le concept de transition énergétique en tant qu’arme contre le nucléaire, le programme de Hollande et d’EELV aurait paru aussi ridicule que la proposition de Griveaux de déplacer la gare du Nord hors de Paris, et ceux ayant osé émettre de telles propositions n’auraient pas passés comme sérieux dans l’électorat.]

      Oui, mais nous sommes ici dans le domaine de l’idéologie. Et une idéologie peut propager des idées fausses pendant des siècles lorsque ces idées servent des intérêts dominants. Quand les gens veulent croire, ils croient n’importe quel bobard. Je ne pense pas d’ailleurs que les Français dans leur grande masse soient dupes. A ma connaissance, les environs de Fessenheim ne se sont pas dépeuplés, les habitants ne sont pas partis ailleurs pour échapper au danger nucléaire. Même les écologistes locaux sont restés, c’est dire le crédit qu’ils accordaient à leurs propres prédictions apocalyptiques. Nous sommes en pleine doublepensée orwellienne.

      [Il aurait fallu enfin une meilleure instruction scientifique et technique pour les électeurs, qui les auraient rendus imperméables à ces discours de peur (“N’ayez pas peur!”).]

      Il y a là un travail intéressant à faire sur l’évolution de notre système éducatif. Profondément scientiste et cartésien avant 1968, il est devenu lentement mais sûrement le contraire. Au point de faire disparaître les mathématiques et la physique-chimie du tronc commun à la dernière réforme.

      • Jopari dit :

        [Il y a là un travail intéressant à faire sur l’évolution de notre système éducatif. Profondément scientiste et cartésien avant 1968, il est devenu lentement mais sûrement le contraire. Au point de faire disparaître les mathématiques et la physique-chimie du tronc commun à la dernière réforme.]

        Bonne chance pour les futurs instituteurs, recrutés principalement en L: ils pourraient n’avoir, dans le futur proche, que deux heures par semaine de vulgarisation scientifique au lycée, et vu qu’après le CRPE, il n’y a plus de remise à niveau en Ecole normale, il y a quelques déconvenues.

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        Pour être honnête, une meilleure instruction scientifique et technique ne suffirait pas, à elle seule, à un non-spécialiste pour se faire un avis éclairé sur le sujet de l’énergie nucléaire, surtout en l’absence d’information rigoureuse et impartiale dans les médias. En réalité, je pense surtout qu’il y a un problème de défiance systématique envers les institutions et l’autorité scientifique et technique, qui sont pourtant nécessaires à toute société développée…

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Pour être honnête, une meilleure instruction scientifique et technique ne suffirait pas, à elle seule, à un non-spécialiste pour se faire un avis éclairé sur le sujet de l’énergie nucléaire, surtout en l’absence d’information rigoureuse et impartiale dans les médias. En réalité, je pense surtout qu’il y a un problème de défiance systématique envers les institutions et l’autorité scientifique et technique, qui sont pourtant nécessaires à toute société développée…]

          Tout à fait. A partir d’un certain degré de complexité, il faut être capable de faire confiance à l’expert et à l’institution. Mais une bonne instruction scientifique et technique permet de comprendre comment l’expert travaille, et du coup facilite le fait de lui faire confiance. Je pense que si en France l’écologie a eu pendant si longtemps tant de mal à s’implanter, c’est parce que l’enseignement primaire et secondaire y est resté largement cartésien et positiviste. Ce n’est que récemment que l’école a ouvert les portes à une forme d’obscurantisme.

  17. yann Guerin dit :

    25 ans passés à l’EDF m’ont convaincu de la nocivité du nucléaire. Je ne vais pas ressasser tous les méfaits que cela engendre, tout le monde le sait très bien. Les pays pauvres chez qui on pille les matières premières, les régions qui se retrouvent être les poubelles de déchets dont on ne sait que faire etc etc. Les pro nucléaires sont à cette énergie, ce qu’est la FNSEA au glyphosate ou les ultra-libéraux à l’économie. Je m’arrête là, merci de me désabonner de ce blog qui devient de plus en plus réactionnaire et inintéressant. N’est pas Descartes qui veut; et il ne suffit pas de prendre un pseudonyme pour avoir le niveau.

    • Descartes dit :

      @ yann Guerin

      [25 ans passés à l’EDF m’ont convaincu de la nocivité du nucléaire.]

      Pourriez-vous nous en dire plus ? Dans quel service avez-vous passé « 25 ans », et en quoi votre expérience dans ce service vous ont « convaincu de la nocivité du nucléaire » ? Parce que prise isolément, votre affirmation ne vaut rien. Je pourrais dire avec le même aplomb « 35 ans de carrière dans l’industrie nucléaire m’ont convaincu de l’innocuité du nucléaire ». En quoi cela fait avancer le débat ?

      [Je ne vais pas ressasser tous les méfaits que cela engendre, tout le monde le sait très bien.]

      « Tout le monde » non, de toute évidence, puisque « tout le monde » est en majorité pour la poursuite du programme nucléaire. Selon l’enquête annuelle d’opinion qui est faite depuis plus de trente ans, ceux qui veulent une sortie du nucléaire restent autour de 40-45%

      [Les pays pauvres chez qui on pille les matières premières,]

      Je ne suis pas sûr de bien comprendre quelles sont les « matières premières » qu’on « pille ». Si vous parlez de l’uranium, notez d’abord qu’une partie de nos approvisionnements viennent d’Australie et du Canada, qui ne sont pas à proprement parler des « pays pauvres ». Mais plus profondément, l’uranium est un matériau qui ne sert à rien, sauf à fabriquer des combustibles nucléaires (et accessoirement à faire des têtes de missile ou des blindages, en profitant de sa densité importante). En d’autres termes, s’il n’y avait pas une industrie nucléaire, l’uranium ne serai pas une « matière première ». Je ne sais pas si le Niger est « pillé » par notre industrie nucléaire, mais si celle-ci n’existait pas, le Niger ne pourrait rien faire de son uranium…

      [les régions qui se retrouvent être les poubelles de déchets dont on ne sait que faire etc etc.]

      Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose… c’est qui déjà qui avait dit ça ? Au risque de me répéter : on sait très bien que faire des déchets. Pour ceux de faible activité, on les stocke en sub-surface, comme la plupart des déchets industriels. Pour ceux de forte activité et vie longue, on les stocke en couche géologique profonde.

      Quant aux « régions qui se retrouvent être des poubelles », où croyez-vous qu’on dépose les déchets industriels, et parmi eux des déchets chimiques aussi dangereux sinon plus que les déchets nucléaires ? Je vous le répète, si nos déchets menacent un jour les générations futures, les déchets nucléaires ne seront qu’une partie infime du problème. Vous n’imaginez pas combien de « poubelles » industrielles traînent sur notre territoire. Et grâce à la fixette des écologistes sur les déchets nucléaires, ces poubelles sont bien moins contrôlées…

      [Les pro nucléaires sont à cette énergie, ce qu’est la FNSEA au glyphosate ou les ultra-libéraux à l’économie.]

      Les noms d’oiseau et les comparaisons vaseuses n’ont jamais fait avancer le débat. Cela veut dire quoi exactement « les pro-nucléaires sont à cette énergie ce que les ultra-libéraux à l’économie » ? A part le fait de vouloir diaboliser les pro-nucléaires en les plaçant du même côté que les « ultra-libéraux », je ne vois pas la pertinence de cette analogie. Je vous fais d’ailleurs remarquer que dans votre combat contre le nucléaire, vous vous trouvez du même côté que les « ultra-libéraux » de la Commission européenne, ce qui ajoute une ironie sans doute involontaire à votre comparaison.

      [Je m’arrête là, merci de me désabonner de ce blog qui devient de plus en plus réactionnaire et inintéressant.]

      Je ne peux pas vous “désabonner”, car vous n’êtes pas abonné. Du moins, pas avec l’adresse mail que vous avez donné dans votre commentaire. Cela étant dit, chacun est libre de s’enfermer dans sa bulle, et si vous ne voyez pas l’intérêt de lire d’autres opinions que la vôtre et de débattre avec des gens qui ne sont pas d’accord avec vous, ce n’est pas moi qui ira vous l’expliquer.

      [N’est pas Descartes qui veut; et il ne suffit pas de prendre un pseudonyme pour avoir le niveau.]

      L’attaque ad hominem, dernier refuge de l’antinucléaire désespéré ?

  18. JanHuss dit :

    Je ne suis pas certain de m’être fait comprendre. Mieux vaut pour un Brit écrire en anglais. Je poursuis donc,

    1/ One cannot maintain the world’s population in 2020 with the energy sources that were available in 1320.

    Accordingly, if we seek is mass extermination, the quickest way is to return to the energy sources of 1320 – along, of course, with its Flagellants, its RATS (like Paris today) everywhere and its Black Death.

    One would need to burn down an entire forest to get the amount of energy obtained from approx. 3 minutes of a nuclear reactor in operation.

    Am I making myself clear?

    By the way, we shall no doubt shortly be hearing that Micronia will purchase highly-ecological, locavore, FRACKING gas from our Great Ally and Benefactor on the Other Side of the Atlantic.

    To make good, until fracking gas runs out in about six months, the massive shortfall.

    Little Green Men would likely find all this hilarious – the Germans shoot themselves in the foot and shut down the nuclear shop. Believing they can buy nuclear from France. the Italians think they can buy nuclear from France. And so it goes. Except that very shortly, there will be no-one to buy energy from. Except the Great Fracker in the West.

    Enrico Mattei actually built one of the first if not the first (test) nuclear reactor in Europe, at Latina near Frosinone, in 1960 or 61.

    I seem to recall that his circle of friends on the Other Side of the Atlantic was a rather narrow one.

    2/ At this point, might one suggest that the Western World has pretty much outlived its usefulness, from a cultural standpoint. It is, quite literally, suicidal.

    Every decision, and I do mean every decision, is taken by the financiers who pull the Euro-Commission’s strings and therefore, every EU Government. Which means short-term “SAVE OUR FINANCIAL SYSTEM” decisions.

    3/ When the so-called élite is suicidal, the last thing the rest of us should do is follow their example.

    DO NOT GIVE THEM THAT SATISFACTION.

    • Descartes dit :

      @ JanHuss

      [Je ne suis pas certain de m’être fait comprendre. Mieux vaut pour un Brit écrire en anglais. Je poursuis donc,]

      D’une façon générale, je ne poursuis pas des débats en langue étrangère. D’une part parce que cela ne permet pas aux autres lecteurs du blog de participer, et d’autre part parce que mon expression dans ces langues n’est pas forcément à la hauteur, et que comme vous j’ai peur de mal me faire comprendre. Mais puisque vous avez eu la courtoisie de poursuivre ce débat, je vous la rends. Sachez cependant pardonner mes fautes !

      [1/ One cannot maintain the world’s population in 2020 with the energy sources that were available in 1320.]

      Well, the answer to that question is not obvious. India, for instance, maintains a population far above what it was in 1320, mainly by using the same sources of energy that were in use at that time (mainly animal and human traction, wood and coal). Energy is certainly an important parameter when it comes to maintaining à population, but it is not the only one, nor the most important. That is why I don’t share your concern about a link between the environmentalists fight against nuclear as a part of a conspiracy to exterminate a portion of the world population.

      [By the way, we shall no doubt shortly be hearing that Micronia will purchase highly-ecological, locavore, FRACKING gas from our Great Ally and Benefactor on the Other Side of the Atlantic.]

      Indeed. Business is business, after all.

      [Little Green Men would likely find all this hilarious – the Germans shoot themselves in the foot and shut down the nuclear shop. Believing they can buy nuclear from France. the Italians think they can buy nuclear from France. And so it goes.]

      Which shows what a sham the much talked about “Europe of energy” is. The Commission in Brussels refuses any prescriptive policy in the name of the “regulation by the markets”. Markets are blind, because the timescale of energy policy is too long for markets to anticipate. And states bet on somebody else to solve their problems.

      [Enrico Mattei actually built one of the first if not the first (test) nuclear reactor in Europe, at Latina near Frosinone, in 1960 or 61. I seem to recall that his circle of friends on the Other Side of the Atlantic was a rather narrow one.]

      Of course. When France launched its nuclear program, it had very few friends on the other side of the Atlantic as well. Because nuclear technology equates energy independence. At if there is one thing that rattles the Other Side of the Atlantic, is independence.

      [2/ At this point, might one suggest that the Western World has pretty much outlived its usefulness, from a cultural standpoint. It is, quite literally, suicidal.]

      Let’s not be pessimistic. Yes, the EU pushes us to political, economic and cultural suicide. But this is not true for the rest of the “western world”. Donald Trump is not my cup of tea, but you must admit that he has ignored all the environmentalist razzmatazz, and hasn’t lost electoral support as a consequence. The problem is not with the “western world”, is with the EU.

  19. AlexJ dit :

    Concernant Fessenheim, un élément de l’équation à ne pas négliger est le coût de l’éventuelle mise à niveau parasismique.
    Le zonage sismique français sorti en 2005 modifie beaucoup l’aléa pour trois centrales nucléaires existantes, dont Fessenheim qui est la plus ancienne et celle dont la mise à niveau est la plus coûteuse. L’arrêté du 24 janvier 2011 a rendu obligatoire l’analyse de vulnérabilité au séisme des installations classées existantes, puis la mise à niveau avant le 1er janvier 2021.
    Les travaux pour Fessenheim auraient été évalués à plus d’un milliard d’euros… Désolé, on ne m’a jamais communiqué de chiffre plus précis, mais l’ordre de grandeur me paraît pas réaliste au regard du coût d’une nouvelle centrale.

    • Descartes dit :

      @ AlexJ

      [L’arrêté du 24 janvier 2011 a rendu obligatoire l’analyse de vulnérabilité au séisme des installations classées existantes, puis la mise à niveau avant le 1er janvier 2021.]

      Les installations nucléaires ne sont pas soumises à la réglementation sur les installations classées, et en première analyse l’arrêté du 24 janvier 2011 ne leur est pas applicable, puisqu’ils sont soumises à une législation bien plus exigeante, celle concernant les INB (Installation Nucléaire de Base).

      [Les travaux pour Fessenheim auraient été évalués à plus d’un milliard d’euros…]

      Par qui ?

  20. materialiste-patriote dit :

    Dans l’obscurité, il brille toujours quelques lueurs, et il faut s’en nourrir pour continuer le combat:
    https://www.les-patriotes.fr/face-au-crime-contre-lintelligence-a-fessenheim-creons-lassociation-de-defense-de-lenergie-nucleaire/
    Ce communiqué m’a fait franchir les portes du parti, on verra ce que j’y trouve…
    Dans le même temps, je note qu’une nouvelle fois la France Insoumise est complètement à côté de la plaque (aucune réaction, aucun communiqué) et laisse le RN dire la bonne parole. Je n’ai aucun regret d’avoir quitté le continent de “la gauche”.

    Pour finir, sachez que c’est par votre article sur “l’arnaque des énergies renouvelables” que j’ai connu ce blog, et que c’est grâce à vous (et à Jancovici aussi par la suite) que j’ai découvert que le sujet de l’énergie me passionnait et que je souhaitais défendre la place de l’énergie nucléaire, cette réussite industrielle et technologique de notre pays. Depuis je ne cesse de tenter de convaincre mon entourage, en attendant des actions plus “politiques”.

    • Descartes dit :

      @ materialiste-patriote

      [Ce communiqué m’a fait franchir les portes du parti, on verra ce que j’y trouve…]

      J’espère que vous nous raconterez vos aventures…

      [Dans le même temps, je note qu’une nouvelle fois la France Insoumise est complètement à côté de la plaque (aucune réaction, aucun communiqué) et laisse le RN dire la bonne parole. Je n’ai aucun regret d’avoir quitté le continent de “la gauche”.]

      Il faut dire que cette affaire place LFI dans une position impossible. Applaudir la fermeture, ce serait admettre qu’il y a quelque chose de commun entre LFI et Hollande/Macron. La rejeter serait en complète contradiction avec la ligne constante de LFI qui affirme son intention de « sortir du nucléaire » en dix ans. Dans les deux cas, il n’y rien à gagner, d’où ce silence assourdissant.

  21. bip dit :

    [En tout cas, cette affaire démontre une fois de plus combien qualifier nos gouvernements de « technocratiques » est mensonger. Un véritable gouvernement de « technocrates » n’aurait jamais arrêté la centrale de Fessenheim. Si elle s’arrête aujourd’hui, c’est précisément parce que contrairement à ce qu’on nous raconte tous les jours, ce n’est pas la rationalité technique qui commande les décisions. Non seulement le technicien ne gouverne pas – en réalité, il n’a jamais vraiment gouverné en France – mais il n’est même plus écouté par ceux qui gouvernent.]

    Je crois que c’est le point central. Alors qu’ils n’ont que des mots comme “pragmatisme” ou “concret” à la bouche, j’ai l’impression qu’avant de commencer à réfléchir à quoi que ce soit, ils s’assurent d’abord des conditions idéologiques à respecter.

    Exemple : “Parmi eux, le tout nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran. Sur le plateau du 20 Heures de France 2, ce dernier a notamment expliqué pourquoi la frontière avec l’Italie restait ouverte. “Ça n’aurait pas de sens, parce qu’un virus ne s’arrête pas aux frontières”, a-t-il déclaré.”

    https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-le-ministre-de-la-sante-se-veut-rassurant_3838437.html

    Et dans la vidéo du lien vers 30-40 secondes : “Nous allons travailler à l’échelle européenne avec mes homologues pour trouver une solution européenne à la situation actuelle”.

    Donc les profils “techniques” (neurologue) nous disent que les virus voyagent seuls (puisque capables de franchir les frontières indépendamment de support physique) ?
    Et alors j’imagine aussi que les quarantaines, qui sont une forme de… frontières, ne servent à rien ?
    Et, apothéose, qu’on va chercher des solutions à… l’échelle européenne ! Mettons qu’on ait des solutions “locales”, on les oublie parce que ça manque d’ “universalisme” ?

    ps : je ne discute pas ici la pertinence de ce qui est fait ou pas face au problème mais les justifications proposées.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Exemple : “Parmi eux, le tout nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran. Sur le plateau du 20 Heures de France 2, ce dernier a notamment expliqué pourquoi la frontière avec l’Italie restait ouverte. “Ça n’aurait pas de sens, parce qu’un virus ne s’arrête pas aux frontières”, a-t-il déclaré.” Et dans la vidéo du lien vers 30-40 secondes : “Nous allons travailler à l’échelle européenne avec mes homologues pour trouver une solution européenne à la situation actuelle”.]

      En effet, c’est un exemple très amusant. Pas la peine de travailler à une solution nationale puisque le virus ne s’arrête pas aux frontières nationales. Mais ce même virus a l’air de s’arrêter aux frontières européennes, puisqu’une « solution européenne » est possible…

      • cdg dit :

        je pense pas que le ministre en parlant de solution europeennes pensait a une fermeture des frontieres de l UE.
        De toute facon, si vous voulez vraiment avoir des frontieres etanches, vous devez faire comme en coree du nord: champs de mines, gardes ayant ordre de tirer sur tout ce qui bouge. et encore, meme comme ca ils y a des gens qui passent ….

        Le virus a une periode d incubation de 15 j, ou la personne est indectectable. donc soit vous la jouer au camarade Kim en vous barricadant et en donnant vraiment l ordre de tirer a vue soit vous laissez passer des gens et vous avez dans ce cas autant d efficacite qu une passoire

        Je tiens a rappeler que le virus a un taux de mortalite de 2 %. Autrement dit 98 % de ceux qui vont l attraper survivront …. la peste au moyen age eliminait entre 30 et 50 % des gens. Pas vraiment le meme echelle

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [je ne pense pas que le ministre en parlant de solution européennes pensait a une fermeture des frontières de l’UE.]

          Alors, expliquez-moi en quoi consiste une « solution européenne » à une épidémie.

          [De toute façon, si vous voulez vraiment avoir des frontières étanches, vous devez faire comme en Corée du nord: champs de mines, gardes ayant ordre de tirer sur tout ce qui bouge. et encore, même comme ça ils y a des gens qui passent …]

          Si la fermeture des frontières n’est pas efficace pour atténuer les effets de l’épidémie, il faudra m’expliquer pourquoi l’OMS a salué le fait que la Chine ait confiné la région du Hainan.

          [Je tiens à rappeler que le virus a un taux de mortalité de 2 %. Autrement dit 98 % de ceux qui vont l’attraper survivront …. la peste au moyen âge éliminait entre 30 et 50 % des gens. Pas vraiment le même échelle]

          Et la conclusion est… ?

          • yoann dit :

            [Et la conclusion est… ?]

            Que c’est une “très grosse grippe”. Les chiffres (Chinois) disent qu’en dessous de 60 ans la mortalité est de 0,2% (personnes ayant des facteurs de risques : cardiaque, pulmonaire, etc), et sa grimpe à 15% pour les 80+.

            Une personne de 30 ans avec une asthme fort à une probabilité de mourir entre 0,2 et 6%.

            La raison de vouloir confiner le problème a mon avis c’est d’éviter que la maladie ne passe chez un animal, et reviennent de façon chronique (comme la grippe par exemple). L’autre raison c’est d’éviter la surcharge hospitalière (on galère à gérer la grippe qui tue en France jusqu’à 15 000 personnes par ans, rajouter une seconde épidémie ça serait la cata dans les hôpitaux… ).

            • Descartes dit :

              @ yoann

              [“Et la conclusion est… ?” Que c’est une “très grosse grippe”.]

              Avec une mortalité de l’ordre de 3%, le coronavirus tue dix fois plus que la grippe. Et surtout, il n’existe pas de vaccin.

              Les chiffres (Chinois) disent qu’en dessous de 60 ans la mortalité est de 0,2% (personnes ayant des facteurs de risques : cardiaque, pulmonaire, etc), et sa grimpe à 15% pour les 80+.

              Une personne de 30 ans avec une asthme fort à une probabilité de mourir entre 0,2 et 6%.

              La raison de vouloir confiner le problème a mon avis c’est d’éviter que la maladie ne passe chez un animal, et reviennent de façon chronique (comme la grippe par exemple). L’autre raison c’est d’éviter la surcharge hospitalière (on galère à gérer la grippe qui tue en France jusqu’à 15 000 personnes par ans, rajouter une seconde épidémie ça serait la cata dans les hôpitaux… ).

            • yoann dit :

              [Avec une mortalité de l’ordre de 3%, le coronavirus tue dix fois plus que la grippe. Et surtout, il n’existe pas de vaccin.]

              Pour le vaccin on se plante souvent pour la grippe (difficile de savoir quels souches seront majoritaires l’hiver venu).

              Et oui la mortalité est supérieur à la grippe saisonnière, mais j’ai bien dis “grosse grippe”; la plus connu est celle de 1918.

            • Luxy Luxe dit :

              Les chiffres qu’on communique (et pas seulement le taux de mortalité) démontre amplement que le phénomène n’est pas comparable à la grippe.

              1/ le taux de contamination est supérieur (1,7 x la grippe)

              2/ la mortalité globale est 30 fois supérieure (30 pour 1000 contre 1 pour mille pour la grippe)

              3/ Surtout, la proportion de patients hospitalisés est très importante : 199 patients sur mille finissent à l’hôpital (oxygénation), dont 61 sur mille en soins intensifs (avec des défaillances de multiples organes rendant nécessaire un soutien respiratoire, la dialyse, etc)

              Le virus, s’il se répand, ne vas effectivement pas décimer la population.

              Mais il va par contre entraîner une saturation rapide du système hospitalier, dont le fonctionnement sera lui-même dégradé par la contamination d’une partie de son personnel.

              Sauf à ce que l’épidémie s’étale très lentement dans les temps, les services de soins intensifs vont être très vite dépassés, puis ce seront les hôpitaux dans leur ensemble qui seront saturés.

              Des gens qui auraient pu survivre au coronavirus avec les soins appropriés mourront.

              Des gens qui n’auront pas eu le coronavirus mourront, parce que les services médicaux seront désorganisés : des victimes d’accidents de la route, des victimes d’infarctus, etc.

              Si les Chinois ont pris des mesures drastiques, s’ils ont causé à leur économie un dommage sans précédent, c’est parce qu’ils ont considéré que les conséquences d’une épidémie seraient nettement plus préjudiciables que celles d’une quarantaine.

            • tmn dit :

              [Si les Chinois ont pris des mesures drastiques, s’ils ont causé à leur économie un dommage sans précédent, c’est parce qu’ils ont considéré que les conséquences d’une épidémie seraient nettement plus préjudiciables que celles d’une quarantaine.]

              Je trouve d’ailleurs que dans cette affaire, on traite un peu trop la Chine comme un pays presque arriéré. On voit à présent que l’Italie a des statistiques assez comparables au début de l’épidémie en Chine.

              Plus généralement je trouve assez incroyable les relativisations sur le mode “oh mais c’est pas si grave ce sont surtout les plus de 70 ou 75 ans qui sont à risque”, comme si c’était anecdotique !! Comme si voir mourir 5% de cette tranche d’âge ne serait pas grave ! Alors c’est bien de ne pas faire “surpaniquer” les gens mais il ne faut pas pousser… Je me demande dans quel état serait le pays si les chiffres étaient inversés (forte mortalité chez les plus jeunes).

              Si l’épidémie “décolle” en France comme en Italie, les jours ou semaines qui viennent risquent de nous en apprendre beaucoup sur la solidarité et la cohésion dont est capable notre pays.

  22. yoann dit :

    https://www.bfmtv.com/economie/allemagne-l-ouverture-prochaine-d-une-centrale-a-charbon-neuve-suscite-des-remous-1851037.html

    Le calendrier est bien fait quand même. On ferme ici “leur” centrale, et ils ouvrent une au charbon pour compenser. Les mêmes écolos qui vont ensuite râler contre le charbon, avant de charger l’éolien ( https://www.ouest-france.fr/sante/vaches-mortes-nozay-cancers-pediatriques-sainte-pazanne-une-source-de-contamination-commune-6747598 ) et le photovoltaïque.

    Les seuls écolos que je respecte ce sont les ZADistes. Au moins ils vivent avec les conséquences de ce qu’ils proposent.

    • Descartes dit :

      @ yoann

      [Le calendrier est bien fait quand même. On ferme ici “leur” centrale, et ils ouvrent une au charbon pour compenser. Les mêmes écolos qui vont ensuite râler contre le charbon, avant de charger l’éolien (…)]

      Des fois, on se dit que le monde est devenu fou.

    • Ian Brossage dit :

      @yoann

      > Les seuls écolos que je respecte ce sont les ZADistes. Au moins ils vivent avec les conséquences de ce qu’ils proposent.

      Jusqu’à ce qu’ils aient un bobo ou un souci de santé, auquel cas au mieux ils utilisent des médicaments « récupérés » çà et là, au pire ils vont à l’hôpital je plus proche.
      Ne parlons même pas des moyens qu’ils utilisent pour communiquer sur Internet.

      Les ZADistes ressemblent un peu aux navigateurs « en solitaire » suivis par toute une équipe prête à accourir au moindre pépin.

  23. bernard dit :

    Bonjour , débat intéressant sur c news ce lundi avec Zemmour face a je sais plus qui , Zemmour reprenant pas mal de votre argumentation sur le nucléaire et l’arnaque de l’éolienne !!

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Zemmour reprenant pas mal de votre argumentation sur le nucléaire et l’arnaque de l’éolienne !!]

      Peut-être même qu’il lit ce blog… 😉

    • Un Belge dit :

      @bernard

      [débat intéressant sur c news ce lundi avec Zemmour face a je sais plus qui , Zemmour reprenant pas mal de votre argumentation sur le nucléaire et l’arnaque de l’éolienne !!]

      C’était avec Emmanuelle Wargon. A titre personnel j’ai trouvé dommage que Zemmour aille trop loin (“Il faut démanteler les éoliennes, meme offshores, tellement que c’est laid ! En plus ca rend les gens malades”) ce qui le décrédibilisait un peu. Mais bon, vu ce qu’il y avait en face…

  24. Ian Brossage dit :

    Bonsoir Descartes,

    > Et en fermant Fessenheim, le gouvernement achète la bienveillance des écologistes – et obtient ainsi des marges de manœuvre pour ne rien faire dans d’autres domaines.

    Eh bien, ce n’est même pas sûr. Voyez ce dernier sondage :
    https://www.lepoint.fr/elections-municipales/la-popularite-d-emmanuel-macron-chute-chez-les-ecolos-25-02-2020-2364258_1966.php

    « La popularité du chef de l’État s’effondre notamment auprès des sympathisants d’Europe Écologie-Les Verts (- 22 points) par rapport au mois précédent, selon cette enquête pour La Presse régionale, France Inter et L’Express. Avec 35 % d’opinions favorables et près des deux tiers des personnes interrogées d’un avis opposé (64 %, + 1), le Premier ministre perd également 16 points auprès des proches d’EELV et 8 auprès de ceux du PS. »

    Il semble que la lâcheté ne paie pas.

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [« Et en fermant Fessenheim, le gouvernement achète la bienveillance des écologistes – et obtient ainsi des marges de manœuvre pour ne rien faire dans d’autres domaines. » Eh bien, ce n’est même pas sûr. Voyez ce dernier sondage : (…)]

      Vous avez raison : à la place de « achète » j’aurais du écrire « espère acheter ». Parier sur la gratitude des écologistes n’a jamais été une bonne affaire : « cria cuervos… y te sacaran los ojos » (« élève des corbeaux, et ils te crèveront les yeux »).

      • Jopari dit :

        [Vous avez raison : à la place de « achète » j’aurais du écrire « espère acheter ». Parier sur la gratitude des écologistes n’a jamais été une bonne affaire : « cria cuervos… y te sacaran los ojos » (« élève des corbeaux, et ils te crèveront les yeux »).]

        Lors du Grenelle de l’Environnement (2008), Fillon avait sacrifié l’agriculture (interdiction des OGM) en espérant que le nucléaire resterait intact.

        Nous avons vu ce que cela a apporté à Sarkozy, et comment le nucléaire est resté intact.

  25. cd dit :

    Dans le même temps ce gouvernement qui “espère acheter la gratitude des écologistes” freine le développement de l’éolien avec pour seul argument le fait que l’opinion est de plus en plus réticente aux éoliennes. Alors que ce gouvernement n’a cure de l’opinion de la majorité des Français sur les retraites ou sur l’ISF. “En même temps” il faut fermer les dernières centrales à charbon… Finalement par quel moyen va-t-on produire notre électricité ?
    J’avoue que j’ai du mal à saisir la logique qui est derrière tout ça. A moins que Gilles Legendre n’ait raison : ils sont trop intelligents pour qu’un minus habens du cerveau comme moi puisse les comprendre. Vous qui faites partie de l’élite intellectuelle de la nation, Descartes, vous pouvez expliquer la politique de ce gouvernement ?

    • Descartes dit :

      @ cd

      [Dans le même temps ce gouvernement qui “espère acheter la gratitude des écologistes” freine le développement de l’éolien avec pour seul argument le fait que l’opinion est de plus en plus réticente aux éoliennes. Alors que ce gouvernement n’a cure de l’opinion de la majorité des Français sur les retraites ou sur l’ISF.]

      C’est le problème des gouvernements qui suivent la politique du chien crevé au fil de l’eau. Il n’y a pas de véritable choix de fond, on navigue à vue en essayant de contenter telle ou telle catégorie en fonction de la situation au jour le jour. Comme on s’approche des élections municipales et que le mécontentement dans les territoires se traduit dans les votes, le gouvernement met les freins sur l’éolien terrestre – après avoir publié il y a seulement quelques mois une Programmation Plurianuelle de l’Energie qui compte sur l’éolien terrestre pour remplacer le nucléaire. Et vous verrez qu’à l’approche de l’élection présidentielle on verra fleurir des idées pour rétablir l’ISF…

      [J’avoue que j’ai du mal à saisir la logique qui est derrière tout ça. A moins que Gilles Legendre n’ait raison : ils sont trop intelligents pour qu’un minus habens du cerveau comme moi puisse les comprendre. Vous qui faites partie de l’élite intellectuelle de la nation, Descartes, vous pouvez expliquer la politique de ce gouvernement ?]

      Je ne sais pas si je fais partie de l’élite intellectuelle de la nation, mais en tout cas pas assez pour comprendre la politique ultra-intelligente de ce gouvernement… Ayons comme d’habitude recours au rasoir d’Occam: si tant de gens intelligents ont du mal à trouver la logique qui est derrière cette politique, c’est probablement parce qu’il y en a pas. Ou bien, parce qu’on cherche au mauvais endroit: on cherche une logique de fond, là ou la seule logique est celle de la navigation à vue.

  26. Bonjour,
    Pour info :
    “Dans un rapport publié hier et destiné à la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes fait un point complet sur le processus d’arrêt et de démantèlement des centrales nucléaires. Le rapport revient notamment sur la fermeture en cours de la centrale de Fessenheim et dénonce « un processus de décision chaotique » et qui risque d’être « coûteux pour l’État ». Les magistrats reviennent également en profondeur sur le dispositif de compensation financière pour les territoires concernés.”
    https://www.maire-info.com/energie/fermeture-centrales-nucleaires-la-cour-comptes-denonce-une-gestion-chaotique-article-23954

    • Ian Brossage dit :

      Je me demande si ce gouvernement est capable d’une gestion non-chaotique de quoi que ce soit. Entre la réforme des retraites, la fermeture de Fessenheim, la gestion de l’épidémie actuelle (où le gouv’ donne l’impression d’un attentisme transi, redoutant de devoir prendre les mesures qui s’imposent) ou des épisodes comme l’affaire Benalla, leur incapacité est atterrante.

      • Descartes dit :

        @ Ian Brossage

        [Je me demande si ce gouvernement est capable d’une gestion non-chaotique de quoi que ce soit. Entre la réforme des retraites, la fermeture de Fessenheim,]

        Soyons justes: la fermeture de Fessenheim n’est pas un projet de ce gouvernement, et la gestion “chaotique” de ce dossier date du gouvernement Hollande. Sur ce dossier, Macron n’a pas vraiment innové. En fait, votre remarque est intéressante parce qu’elle montre combien notre mémoire est courte. La “gestion chaotique” a marqué toute la présidence Hollande. Sur ce point, Macron n’est qu’un continuateur de son ancien employeur…

        [la gestion de l’épidémie actuelle (où le gouv’ donne l’impression d’un attentisme transi, redoutant de devoir prendre les mesures qui s’imposent)]

        La gestion de l’épidémie est intéressante parce qu’elle montre bien à quel point le gouvernement est coupé de son peuple. Ils ont tellement peur que les gens ne les croient pas, qu’ils sont incapables de tenir un discours raisonnable et pédagogique sur cette affaire. La réalité, c’est qu’à la fin on finira par avoir tous le virus. Le but est donc de maintenir le système de soins et les services essentiels en fonctionnement, et de réserver les soins à ceux qui en ont vraiment besoin.
        ou des épisodes comme l’affaire Benalla, leur incapacité est atterrante.

        • Ian Brossage dit :

          @Descartes

          > Soyons justes: la fermeture de Fessenheim n’est pas un projet de ce gouvernement, et la gestion “chaotique” de ce dossier date du gouvernement Hollande. Sur ce dossier, Macron n’a pas vraiment innové.

          Macron innove très peu en général (sa seule innovation finalement est d’avoir réussi à former ce parti dominant d’extrême-centre dont rêvent les idéologues libéraux depuis trente ans). Il reste qu’en choisissant de ne pas remettre en cause cette fermeture et ses modalités (il en avait largement la possibilité et les moyens politiques), il a choisi cette gestion chaotique.

          > La réalité, c’est qu’à la fin on finira par avoir tous le virus.

          Je ne sais pas trop ce qui permet de dire ça, mais il est vrai que l’expression « à la fin » est très imprécise (après tout, « à la fin », nous serons tous morts, pour paraphraser Keynes) : pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ?

          La réalité, pour l’instant, c’est plutôt que la progression de l’épidémie semble endiguée en Chine, mais au prix de mesures rigoureuses. Il paraît donc improbable que tout le monde en Chine attrappe le virus (sauf peut-être « à la fin », donc).

          Ce à quoi je faisais allusion, c’est que la progression de l’épidémie se déroule exactement en France comme elle s’est déroulée plus tôt dans d’autres pays (notamment l’Italie, avec laquelle nous avons énormément d’échanges, et notamment l’Italie du nord…), mais que le gouvernement semble se contenter d’attendre. Et, en effet, ils ne semblent même pas capables d’annoncer clairement les étapes à suivre.

          • Descartes dit :

            @ Ian Brossage

            [Macron innove très peu en général (sa seule innovation finalement est d’avoir réussi à former ce parti dominant d’extrême-centre dont rêvent les idéologues libéraux depuis trente ans). Il reste qu’en choisissant de ne pas remettre en cause cette fermeture et ses modalités (il en avait largement la possibilité et les moyens politiques), il a choisi cette gestion chaotique.]

            Disons qu’il a choisi de prolonger la gestion chaotique qui avait été celle de Hollande sous les ministères de Delphine Bato et de Ségolène Royal.

            [« La réalité, c’est qu’à la fin on finira par avoir tous le virus. » Je ne sais pas trop ce qui permet de dire ça, mais il est vrai que l’expression « à la fin » est très imprécise (après tout, « à la fin », nous serons tous morts, pour paraphraser Keynes) : pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ?]

            Je pense aux analyses des épidémiologistes allemands, qui estiment qu’in fine 70% de la population aura été exposée au virus (ce qui ne veut pas dire que ces gens-là seront repérés comme malades, puisque la maladie peut prendre une forme bénigne difficile à distinguer d’une grippe ordinaire.

            [Ce à quoi je faisais allusion, c’est que la progression de l’épidémie se déroule exactement en France comme elle s’est déroulée plus tôt dans d’autres pays (notamment l’Italie, avec laquelle nous avons énormément d’échanges, et notamment l’Italie du nord…), mais que le gouvernement semble se contenter d’attendre. Et, en effet, ils ne semblent même pas capables d’annoncer clairement les étapes à suivre.]

            Pour voir la chose de l’intérieur, je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. Comme d’habitude, nos trois fonctions publiques et l’ensemble des services publics sont mobilisés, préparent leurs plans de continuité d’activité, renforcent le fonctionnement des hôpitaux et de la médecine de ville. Par contre, le gouvernement hésite comme d’habitude à dire les vérités que les gens n’ont pas envie d’entendre et à assumer le coût des mesures qui s’imposent, et du coup la communication est un peu bizarre.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Je pense aux analyses des épidémiologistes allemands, qui estiment qu’in fine 70% de la population aura été exposée au virus.

              « Exposé » est-il synonyme de « porteur » ici ? Ou est-ce que cela indique que 70% de la population aura été en contact avec des personnes porteuses, sans forcément être contaminée elle-même ?

              Un exemple : Riester est porteur… et je ne doute pas qu’avant d’avoir été diagnostiqué positif, il a eu des occasions de transmettre le virus à d’autres membres du gouvernement, ou de son cabinet. Ces membres ont donc été « exposés ». Mais ils ne sont pas forcément contaminés.

              > Comme d’habitude, nos trois fonctions publiques et l’ensemble des services publics sont mobilisés, préparent leurs plans de continuité d’activité, renforcent le fonctionnement des hôpitaux et de la médecine de ville. Par contre, le gouvernement hésite comme d’habitude à dire les vérités que les gens n’ont pas envie d’entendre et à assumer le coût des mesures qui s’imposent, et du coup la communication est un peu bizarre.

              Ok, merci. Cela explique le sentiment d’immobilisme donné… C’est d’autant plus absurde qu’à mon avis, ils gagneraient à donner l’impression que les services publics sont en ordre de bataille et que des mesures efficaces sont prises.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« Exposé » est-il synonyme de « porteur » ici ? Ou est-ce que cela indique que 70% de la population aura été en contact avec des personnes porteuses, sans forcément être contaminée elle-même ?]

              Je pense que dans la vision allemande, les deux sont synonymes.

              [Un exemple : Riester est porteur… et je ne doute pas qu’avant d’avoir été diagnostiqué positif, il a eu des occasions de transmettre le virus à d’autres membres du gouvernement, ou de son cabinet. Ces membres ont donc été « exposés ». Mais ils ne sont pas forcément contaminés.]

              Si l’on retient cette interprétation, le taux de 70% paraît très largement sous-estimé.

              [Ok, merci. Cela explique le sentiment d’immobilisme donné… C’est d’autant plus absurde qu’à mon avis, ils gagneraient à donner l’impression que les services publics sont en ordre de bataille et que des mesures efficaces sont prises.]

              Que voulez-vous, l’allumage de cierges est devenue une politique publique, ces temps-ci. Je pense que le gouvernement a commencé par prier très fort que la chose n’arrive pas chez nous, et que cela lui a conduit à adopter une posture à priori rassurante dont il est difficile de se départir aujourd’hui sans se contredire. J’ai d’ailleurs sur ce point une analyse plus poussée… mais je la garde pour le prochain article.

  27. Lessart Pierre dit :

    Mois FC min FC moyen FC max TC min TC moyen TC max FC moyen FC max TC moyen TC max
    eolien % eolien % eolien % eolien % eolien % eolien % solaire % solaire % solaire % solaire µ

    2019-09 1,7 23,5 73,2 0,53 8,5 30 17,7 73,6 3,3 14,5
    2019-08 0,61 14,1 63,9 0,24 5,5 28 21,3 76,4 4,1 15,6
    2019-07 0,9 14,8 53,5 0,27 5,2 17,3 23,7 78,5 4,1 14,8
    2019-06 1,6 16,6 73,1 0,5 5,9 26,4 22,5 79,5 4,1 16,5
    2019-05 1,1 19,4 59,7 0,39 6,3 18,7 20,9 84,3 3,6 15,4
    2019-04 2,3 20,9 72,3 0,57 6,3 24,7 18,1 78,1 2,9 14
    2019-03 0,72 39,4 86,9 0,18 10,4 27,2 17,2 77,9 2,5 14
    2019-02 1,8 25,5 82,9 0,4 6 22,2 13,3 68,4 1,7 10,5
    2019-01 4,5 26,3 75,4 0,95 5,6 18,7 6,2 47,1 0,69 5,2
    2018-12 1,3 32,9 82,2 0,28 7,9 24,6 5,1 41,3 0,64 5,7
    2018-11 2,7 26,8 68,8 0,64 6,6 21,7 7 48,7 0,94 6,9
    2018-10 0,66 23,1 70,3 0,17 6,8 19,3 12 69 1,9 11,6
    2018-09 1,2 15,6 63,8 0,33 5 23,2 19,2 74,3 3,3 14,6
    2018-08 0,44 13,4 50,5 0,12 4,5 15,9 21,3 74,4 3,7 14,9
    2018-07 0,65 10,6 39 0,16 3,3 13,2 23,7 75,5 3,8 13,9
    2018-06 0,84 13,7 41,8 0,22 4,3 11,9 22,3 79,7 3,6 14,2
    2018-05 0,87 15,7 43,9 0,23 4,8 13,2 19,4 77,8 3,2 13,8
    2018-04 2,1 21,9 60,4 0,54 6 16,5 17,7 79,5 2,7 13,3
    2018-03 1,5 29,7 77 0,33 6,2 18,2 14,1 75,9 1,6 9,9
    2018-02 3,5 30,5 78,4 0,63 5,5 14,3 9,8 69,9 0,97 6,7
    2018-01 5 38,2 77,3 1,1 8,1 18,5 5,2 42,2 0,57 4,8
    2017-12 3,2 33,6 83,1 0,58 6,8 20,1 4,8 35,2 0,51 4
    2017-11 1,8 24,4 76,8 0,34 5,4 19,9 8,4 49,1 0,96 6,6
    2017-10 0,48 21,5 66,7 0,11 6 22,5 13,1 66 1,8 10
    2017-09 1,1 17,8 74 0,27 5 25,1 15,7 69,8 2,3 11,3
    2017-08 0,65 13,2 53,6 0,18 4 13,5 19,7 73,6 3 13,4
    2017-07 1 18,4 47,4 0,23 5,2 18,6 20,4 76 2,9 12,2
    2017-06 0,53 16,6 77,2 0,11 4,6 21,3 22,3 77,1 3,1 12,4
    2017-05 1,4 16,4 54,3 0,32 4,4 14,9 21 78,1 3 13
    2017-04 2,6 16,8 61,7 0,71 4,1 16,2 21 81,2 2,7 12,4
    2017-03 1,6 29,5 76,1 0,35 6,3 18,2 13,7 73,5 1,6 9,8
    2017-02 1,5 31,5 76,8 0,26 5,9 14,6 9,3 66,6 0,95 7,4
    2017-01 2,6 23,2 75,1 0,38 3,6 11,7 7,1 50,6 0,6 4,2

    • Descartes dit :

      @ Lessart Pierre

      Une explication s’impose, vous ne trouvez pas ?

      • Lessart Pierre dit :

        En effêt, seul le dernier tableau, illisible avait été transmis. Ce tableau indique sur 36mois le facteur de charge min, moyen et max pour l’éolien pour l’ensemble de la France. Ce FC varie de 0,6% à 80%. D’où mon interrogation : l’alimentation d’un pays en électricité peut-elle reposer sur l’éolien ?

        Le texte initial était celui-ci :

        Beau playdoyer pour le maintient en service de Fessenheim.
        Deux remarques :
        – Vers 1975, j’avais fait un calcul du temps de retour en supposant que tout le coût de construction d’une centrale était un coût d’énergie. J’avais trouvé un temps de retour bien inférieur à 25 ans. L’ingénieur CFDT auquel j’avais exposé mon raisonnement n’avait rien trouvé à redire.
        – Je sais que de nombreuses pièces des centrales sont régulièrement remplacées. De là à dire qu’elle pouvait fonctionner 80 ans !

        Mais la grande question est : peut-on se passer du nucléaire ?

        Les spécialistes nous disent que, pour que la température globale de la terre n’augmente pas de plus de 1,5°C, il faut que nous réduisions nos émissions de CO2 de 66%. (d’un facteur 3) Leurs calculs sont-ils exacts ? Je ne suis pas compétent pour en juger.
        Mais comment faire, en particulier en se passant de l’énergie nucléaire (marotte des écolos et de l’association NégaWatt) ?
        Ecrivons CO2 mondial en 2050 ( CO2(50) ) = 0,33 CO2 actuellement dégagé (production par les hommes, les animaux et la terre). Admettons que nous ne savons pas modifier la production de CO2 autre que celle des hommes, que la production non antrhopique est constante, et nous simplifierons en disant qu’il faut que l’homme réduise ses émissions de 70%.
        Le CO2 émis par l’homme peut être décomposé ainsi :

        Production de CO2 énergie consommée PIB mondial
        CO2 = ( ————————– ) x ( —————————— ) x ( —————— ) x N
        Energie produite PIB mondial produit N

        Avec N = population mondiale

        De tous les types de moteurs, c’est le moteur électrique qui a le meilleur rendement. Nous supposerons donc que, hors chauffage, toute l’énergie consommée sera électrique. Et, si tout va bien, l’énergie consommée est égale à l’énergie produite (pas de perte au stockage ou à la distribution). Remarque : une batterie Li ion, en charge lente (recommandée pour la batterie), est chargée sous 4,2V par élément et lors de l’utilisation ne délivre que du 3,6V (rendement 85%). En charge rapide, ce rendement décroît ! Pour une batterie au plomb, c’est plutôt 50%. Pour le stockage hydraulique 80% et, d’après la thermodynamique (jamais mise en défaut à ma connaissance), 70% pour l’hydrogène !

        Le GIEC a établi un tableau comparatif des émissions de CO2 par kWh électrique produit (voir plus loin). Trois énergies primaires se distinguent par leur faible taux d’émission de CO2 : le nucléaire, l’hydraulique et l’éolien. ( première fraction)

        Les économistes suivent la consommation d’énergie par rapport au PIB produit. La tendance est à la stabilisation pour les pays développés, et à la hausse pour les pays en voie de développement. ( seconde fraction)

        Le PIB mondial rapporté à la population mondiale (troisième fraction), c’est en quelque sorte le pouvoir d’achat individuel moyen (avec de grandes inégalités puisque 0,1% des gens les plus riches possèdent autant que les 50% des gens les moins riches). Une baisse de ce paramètre ne serait pas appréciée.

        Il est prévu un fort accroissement de la population mondiale N (Covid19 ou pas).

        Alors, comment réduire de 70% les émissions de CO2 si l’on rejette l’énergie nucléaire ? Les sites favorables à l’hydraulique sont presque tous exploités et l’éolien est bien souvent insuffisant (voir tableau établi mensuellement pour la France, et même en mutualisant la production européenne).

        NB : les tableaux suivants comportent une zone en italique qui correspondent à mes réflexions sur le tableu immédiatement au dessus.

        Capture d’écran : Etude du GIEC sur la production de CO2 lors de la production d’électricité.
        Remarques : Leur chiffres ( en particulier les maxima) semblent un peu folkloriques (hydroélectricité (max à 2200 ! ), nucléaire (max à 110 au lieu de 6 par EDF ! ), charbon (max à 910 au lieu de 950 pour EDF et min à 740, soit un rendement de conversion très voisin du rendement de Carnot)! ), panneaux solaires (pourquoi un max à 180 ? ), biomasse seule (min à 130)).
        Aucune donnée sur la géothermie.
        Aucune donnée pour le chauffage.

        Capture d’écran : Etude PICBLEU https://www.picbleu.fr/page/comparer-gaz-propane-energies-fossile-et-renouvelables
        quelques remarques.
        l’électricité ENR n’émet pas de CO2 ! Contredit par le GIEC (il faut évidemment construire les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques) ! Et, s’il y a « stockage » (pourtant indispensable car ce sont des énergies très variables), il faut aussi compter l’énergie nécessaire à la fabrication du moyen de stockage (batteries ? hydrogène ? autre ? ).
        Tout écologiste qui se respecte étant antinucléaire, l’étude dit que le chauffage électrique ou la production d’Eau Chaude Sanitaire (en France) produit plus de CO2 que le chauffage au charbon (603 contre 380) !
        D’où sortent-ils ce chiffre ? D’une étude ADEME/EDF : il s’agit de la production marginale une heure de pointe lorsqu’il faut utiliser toute la capacité de production EDF (dont les vielles centrales au charbon en état de fonctionner) et importer de l’électricité (en particulier d’Allemagne (beaucoup de centrales à charbon).
        Malheureusement pour les utilisateurs, un chauffage électrique ne fonctionne pas que dans ces conditions !
        Et souvent, le ballon d’ECS fonctionne en heures creuses (je suppose qu’EDF sait distinguer une heure creuse d’une heure de pointe et que, même un jour de forte demande, il y a des heures durant lesquelles les centrales les plus polluantes sont en sommeil !).

        Etude EDF : production de CO2 lors de la production d’électricité en France le 7 mars 2020

        Capture d’écran Etude EDF : pour la production d’électricité à partir de quelques énergies primaire. https://www.planete-energies.com/fr/medias/decryptages/production-d-electricite-et-ses-emissions-de-co2

        Capture d’écran

        Capture d’écran : Extrait d’un rapport des sénateurs : Ce ne sont pas des scientifiques !
        Quelques remarques
        Quelle que soit son origine (naturel ou biogaz) le CH4 dégage autant de CO2 ! On leur a dit l’inverse : ils l’écrivent ! De plus, en bonne logique, il faudrait compter une production doublée car, lors de la production de biogaz par fermentation anaérobie, il y a production d’environ une molécule de CO2 par molécule de CH4.
        Les chiffres donnés correspondent à l’utilisation en chauffage.
        L’énergie nécessaire à la prospection, au pompage, au transport et au raffinage est négligée mais n’est pas négligeable !
        Lors du chauffage au bois, l’émission de CO2 est une émission nette, sachant que le bois a été obtenu par séquestration de CO2 (44g pour 30g de bois sec) lequel bois, en brûlant, émet 44g de CO2 pour 30g de bois sec. Avec un PCI de 3.8 kWh/kg à 20% d’humidité, voir tableau précédent, l’émission réelle est de 308g de CO2 par kWh lors de la combustion.

        Tableau donnant le FC de l’éolien. Illisible, je l’ai effacé.

        Source EDF

        Remarqes : Pour chaque mois et l’ensemble de la France, il est intéressant d’examiner la variation des facteurs de charge de l’éolien. Peut-on faire reposer sur cette technique l’alimentation électrique d’un pays ?

        • Descartes dit :

          @ Lessart Pierre

          [En effet, seul le dernier tableau, illisible avait été transmis.]

          Sur ce blog, on ne poste que du texte. Si vous voulez mettre des tableaux ou des figures, ce n’est que à travers de liens avec des sites stockant ces éléments que vous pouvez le faire.

          [Deux remarques :
          – Vers 1975, j’avais fait un calcul du temps de retour en supposant que tout le coût de construction d’une centrale était un coût d’énergie. J’avais trouvé un temps de retour bien inférieur à 25 ans. L’ingénieur CFDT auquel j’avais exposé mon raisonnement n’avait rien trouvé à redire.]

          Cela dépend si vous prenez en compte le taux d’actualisation. En le prenant en compte, vous aboutissez à un amortissement entre 25 et 30 ans.

          [– Je sais que de nombreuses pièces des centrales sont régulièrement remplacées. De là à dire qu’elle pouvait fonctionner 80 ans !]

          Certaines centrales américaines en prennent le chemin. La seule pièce que vous ne pouvez pas remplacer, c’est la cuve du réacteur. Or, avec les connaissances de l’époque, on a pris sur ce composant des marges très importantes.

  28. François dit :

    Adieu Fessenheim après 45 ans de bons et loyaux services. Puisses ton martyr réveiller les consciences.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Adieu Fessenheim après 45 ans de bons et loyaux services. Puisses ton martyre réveiller les consciences.]

      “Martyre” est un bien grand mot. Je ne suis pas persuadé qu’on puisse parler de “martyre” à propos de Fessenheim et de ceux qui y travaillent. On n’a pas sorti les tenailles rougies, la roue ou le grill. Mais je partage votre tristesse, et j’y ajoute la colère devant l’indifférence de nos politiciens de droite et de gauche qui dans leur grande majorité n’ont un mot pour dénoncer ce scandale.

  29. Jopari dit :

    Bonne nouvelle: il semble que des membres du public et des spécialistes du domaine se soient montrés dans la rue pour protester contre cette forfaiture.
    Espérons que ce soit le début du reflux de cette mouvance, surtout après une “Convention Citoyenne” ayant proposé des mesures allant plus loin que celles ayant causé le mouvement auquel cette Convention était censé être une réponse/

    Arrêt de la centrale de Fessenheim : happening pro-nucléaire devant les locaux de Greenpeace

    Curieuse inversion des rôles : ils sont une quarantaine, lundi soir, devant les locaux de Greenpeace France, à crier des slogans et brandir des pancartes contre la fermeture du deuxième réacteur de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Cette fois, ce ne sont pas les activistes écologistes, habitués des happenings et des actions médiatiques, qui tiennent le haut du pavé, mais des militants pro-nucléaires beaucoup moins rompus à l’exercice, et un peu étonnés de se retrouver là.

    • Descartes dit :

      @ Jopari

      [Bonne nouvelle: il semble que des membres du public et des spécialistes du domaine se soient montrés dans la rue pour protester contre cette forfaiture. Espérons que ce soit le début du reflux de cette mouvance, surtout après une “Convention Citoyenne” ayant proposé des mesures allant plus loin que celles ayant causé le mouvement auquel cette Convention était censé être une réponse.]

      La manif devant Greenpeace, c’était bien trouvé mais je ne pense pas que cela va changer grand-chose. Pour impressionner l’opinion publique ces jours-ci il faut être capable de produire un « récit », et le récit du nucléaire (celui de l’indépendance nationale, de l’excellence technologique, de la passion du constructeur, de la puissance du collectif) est aujourd’hui un récit irracontable. Vous imaginez vous un écrivain contemporain écrivant « La meilleure part » ?

      Au-delà de la question du risque nucléaire ou du coût, le nucléaire est condamné parce qu’il ne correspond pas aux fantasmes de l’époque. On imagine le citoyen ayant une éolienne dans son jardin, un panneau solaire sur son toit, on n’imagine pas avoir un réacteur nucléaire dans sa cave. Qui dit nucléaire, dit forcément interdépendance envers un collectif. Et dans cet âge d’individualisme forcené, c’est très difficile à vendre aux classes intermédiaires, qui sont celles qui tiennent les hauts-parleurs.

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