L’austérité qui vient

A peine le gouvernement nommé, des cris d’orfraie se sont élevés à propos des engagements de certains ministres sur toutes sortes de questions sociétales. Celle-ci – horreur ! – a participé à la manif pour tous, celui-là – malheur ! – est contre l’extension de la PMA. Il est tout de même significatif de constater que cette vigilance ne s’étend pas aux engagements des mêmes sur les questions économiques et sociales. Comme si voter contre le soi-disant « mariage pour tous » (1) ou l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution étaient des crimes irréparables, alors que voter la loi El Khomri, la réforme de la haute fonction publique ou celle des retraites n’étaient que des péchés véniels vite oubliés. Et ne parlons même pas de ceux qui, à gauche, se sont drapés dans la dignité offensée pour rejeter la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron alors qu’ils avaient voté des deux mains celle portée par Marisol Touraine. Tout est oublié, tout est pardonné, et François Hollande, qui fit de Macron un ministre et de El Khomri une loi, est aujourd’hui député du Nouveau Front Populaire, et donne des leçons de politique sociale à son successeur.

C’est que, voyez-vous, dès lors qu’à gauche comme à droite c’est la même classe qui détient les manettes, les questions économiques et sociales ont cessé d’être matière à débat. Un large consensus sur les politiques à mettre en œuvre existe dans ces domaines, même si certains – surtout à gauche – prétendent le contraire, du moins lorsqu’ils sont dans l’opposition. Personne dans « l’arc républicain » ne veut rompre avec l’Union européenne, personne ne veut rompre avec l’Euro. Cela ne laisse guère de marges de manœuvre pour contrer la désindustrialisation, la baisse de la productivité et de l’investissement. Et qu’on ne m’explique pas qu’on a une droite austère et une gauche dépensière. Les trente dernières années ont montré que les déficits dérapent quel que soit le gouvernement. Qu’il soit de droite, de gauche ou du centre, le résultat est à peu près le même, et l’ampleur du dérapage dépend plus de la conjoncture que de la couleur de l’hôte de Bercy. Bruno Le Maire, homme de droite devant l’Eternel et partisan – du moins en paroles – de l’orthodoxie budgétaire a régné sept ans sur Bercy, et que laisse-t-il derrière lui ? Rien de très différent de ce qu’ont laissé les gouvernements socialistes…

Le dérapage inquiétant des finances publiques ne doit rien au hasard, pas plus qu’il n’est attribuable au COVID. Les causes sont bien plus profondes. Depuis les années 1980, on a fait le choix d’enrichir le bloc dominant en appauvrissant l’Etat. Ou pour le dire autrement, l’Etat s’est endetté pour pouvoir subventionner le niveau de vie des Français en général, et des classes dominantes – bourgeoisie et classes intermédiaires – en particulier. Parce qu’il ne faut pas se tromper : si la dépense publique augmente, ce n’est pas parce que l’Etat consomme plus, mais parce qu’il distribue plus. Depuis quarante ans, nous assistons à la multiplication des subventions, des allocations, des transferts de toutes sortes. Et dans la mesure où cette multiplication se fait dans un contexte de croissance faible et de désindustrialisation continue, dans la mesure où l’on produit de moins en moins de biens et services exportables, elle ne peut se financer que par l’emprunt.

Pour rompre avec cette spirale, il faudrait un gouvernement ayant une solide légitimité populaire. Or, la base sociale sur laquelle les gouvernements peuvent compter ne fait que se rétrécir. Les élections de 2017 ont pu faire illusion, mais celle-ci s’est vite évaporée. Depuis la crise des « gilets jaunes », on assiste à la fuite en avant d’une majorité présidentielle qui, consciente de la faiblesse de sa base, a acheté la paix sociale à grands coups de milliards. Les réductions diverses d’impôts concédées depuis 2017 s’élèvent à 60 Md€ par an, à quoi il faut ajouter toutes sortes de sucettes offertes à telle ou telle profession, à tel ou tel territoire dès qu’une crise se profile. L’exemple des prix de l’énergie est caricatural : après avoir livré l’électricité au marché, réforme censée aboutir à une baisse des prix, on découvre tout à coup que les marchés peuvent fluctuer à la baisse… mais aussi à la hausse. Alors, quand les prix baissent les consommateurs y gagnent, et quand les prix montent, c’est l’Etat qui casque par le biais du « bouclier tarifaire ». Et comment finance-t-on ledit bouclier ? Par l’endettement…

Aujourd’hui, on arrive au bout de cette politique. On se trouve avec un gouvernement dont la base est encore plus étroite, et dont les marges de manœuvre pour acheter la paix sociale sont, du fait du contrôle budgétaire européen et des réactions des marchés, de plus en plus réduites. Des décisions douloureuses vont devoir être prises, et le gouvernement n’a qu’une faible légitimité pour les imposer. Difficile dans ces conditions de faire des véritables choix fondés sur une analyse des besoins plutôt que sur l’évitement de ceux qui gueulent le plus fort. Et le risque qui nous guette, c’est celui du saupoudrage.

Aujourd’hui, nos ministres sonnent le tocsin, et parlent d’une situation budgétaire catastrophique. C’est de bonne guerre. Vous connaissez l’adage : « on succède toujours à un incompétent, on est toujours remplacé par un arriviste ». Noircir l’héritage laissé par son prédécesseur, c’est le meilleur moyen d’imposer des décisions drastiques sans avoir à en porter la responsabilité, puisqu’elles sont « inévitables » compte tenu du désastre laissé par le gouvernement précédent. Cette fois-ci, ce discours n’est pas très crédible, compte tenu de la continuité affichée par les nouveaux ministres avec les politiques antérieures. On ne peut à la fois défendre le bilan et le tenir pour désastreux. Il n’empêche que des décisions drastiques seront certainement nécessaires. Le modèle de financement du niveau de vie des classes intermédiaires et de pacification des couches populaires par l’endettement est à bout de souffle, en France certes, mais aussi dans l’ensemble des pays européens, qui affichent dans leur ensemble des niveaux d’endettement inquiétants. Les marchés commencent à réaliser que, même avec la meilleure volonté, ces dettes ne seront jamais payées – du moins pas en totalité. Pour le moment, l’Euro assure une certaine protection contre la hausse des taux d’intérêt, mais cela risque de ne pas durer si la panne de l’économie allemande – qui est la véritable garantie de l’Euro – se prolonge. Mieux vaudrait avoir des digues solides quand la vague arrivera.

Evacuons tout de suite le faux débat entre ceux qui proposent d’augmenter les recettes de l’Etat, et ceux qui voudraient réduire la dépense publique. Les deux opérations aboutissent au même résultat : faire baisser le niveau de vie des Français dans leur globalité, même si la répartition de la réduction n’est pas la même dans les deux cas. Et au risque de froisser quelques camarades de la gauche, cette réduction globale est INEVITABLE si on n’arrive pas à faire repartir la productivité. Parce que refuser le modèle d’endettement, c’est renoncer à financer par l’emprunt une partie de notre niveau de vie. Equilibrer l’économie, cela implique de ne consommer que l’équivalent de la valeur qu’on produit. Et comme on produit en termes relatifs de moins en moins – notre croissance est depuis vingt ans largement inférieure à celle des grands acteurs économiques comme la Chine ou les Etats-Unis – il est normal que notre niveau de vie baisse en termes relatifs. Et si en plus on veut réduire le niveau d’endettement, il faudra produire plus ou consommer moins pour dégager des marges…

Augmenter les impôts, c’est moins d’argent dans votre poche. Réduire la dépense publique, c’est réduire les services publics, les allocations, les indemnisations dont vous bénéficiez, et qu’il vous faudra payer directement si vous voulez avoir le même niveau de service. Imaginer qu’on peut réduire la dépense sans réduire le service, cela relève de la pensée magique, ou plutôt de la croyance naïve qu’il y a beaucoup de « gras » dans l’Etat, beaucoup de gens qui font des choses inutiles et dont la disparition ne serait pas remarquée. Le problème, c’est que quand on sort des généralités et qu’on demande aux politiques et aux commentateurs de nous dire précisément où se trouve ce « gras », personne ne semble très dissert. Chaque fois qu’on a cherché à réduire la dépense publique, ce sont des postes de policier, d’enseignant, d’infirmier qui ont disparu. C’est sur l’entretien des lignes électriques, des voies de chemin de fer, du matériel roulant, des centrales nucléaires qu’on a rogné. Et on a vu les effets…

Si l’expérience des Jeux Olympiques peut nous apprendre quelque chose, c’est que notre pays est capable de réussir n’importe quel projet, POURVU QU’IL Y AIT LA VOLONTE POLITIQUE ET QU’ON METTE LES MOYENS NECESSAIRES. Rien n’est autant susceptible de faire échouer un projet que les économies de bouts de chandelle. Et pourtant, cette leçon régulièrement répétée – je pense à l’échec du logiciel de paye « Louvois », qu’on peut opposer au succès de la mise en place du prélèvement à la source – n’est toujours pas intégrée. On continue à s’imaginer que si dix personnes font le boulot correctement, alors on peut se permettre d’en supprimer une sans que l’usager s’en aperçoive. Que le train qu’on entretenait une fois par an peut être entretenu tous les quatorze mois. Que la ligne électrique qu’on renouvelait tous les trente ans peut être refaite tous les trente-cinq. Après tout, quelques mois de plus ou de moins, qu’est-ce que cela change ? Cela fait penser à la fable du paysan qui, ayant entendu la légende de Mithridate, ce roi grec qui, en prenant des doses de poison de plus en plus importantes accoutuma son organisme jusqu’à devenir invulnérable à la substance toxique en question, décida d’accoutumer son âne à ne plus manger en réduisant chaque jour un peu sa ration. Et lorsque l’âne – prévisiblement – meurt, la conclusion du paysan ressemble beaucoup à celle de nos ministres. Elle consiste à blâmer le mauvais sort : « juste au moment où il avait appris à ne pas manger, il meurt de vieillesse… ».

Comme pour l’âne, l’idée qu’on peut réduire les rations sans que cela ait un effet finit par coûter plus cher que ce qu’on économise : un train qui tombe en panne et bloque la circulation, la coupure d’une ligne qui laisse sans électricité quelques dizaines de milliers d’usagers, cela a un coût. Mais bien sûr, ce coût ne se voit pas sur les budgets de maintenance… et avec un peu de chance, les problèmes ne se manifestent que longtemps après que le responsable des décisions a changé de poste. Et c’est ainsi qu’on fait des économies budgétaires qui en fait n’en sont pas… et que personne n’en prend la responsabilité.

Je ne suis pas personnellement par principe contre l’idée de réduire la dépense publique. Mais si on le veut sérieusement, il faut débattre non pas du « combien » mais du « quoi ». Il faut dire précisément quel est le service qu’on supprime, et l’assumer. Et non pas expliquer qu’il y aura moins de policiers et plus de sécurité, moins d’hôpitaux sans dégradation de la couverture sanitaire, moins d’enseignants et un meilleur enseignement. Mieux vaut supprimer complètement un service qu’on n’estime pas prioritaire pour dégager les moyens qui permettent aux autres de fonctionner correctement, que de « saupoudrer » les coupes, ce qui conduit à multiplier les dysfonctionnements partout.

Il faut raisonner en termes de projet : tel projet a un intérêt tel qu’il mérite d’être réalisé ? Alors on se donne les moyens de le réussir. Et si on n’a pas ces moyens, si on arrive à la conclusion qu’on ne peut pas se le payer, alors on ne le lance pas. Mais se dire qu’on fera le travail de cent ingénieurs en n’affectant que quatre-vingt postes, c’est une absurdité. C’est s’embarquer sur un navire à l’équipage incomplet et qui n’a pas tout son équipement : le voyage durera deux fois plus que prévu, les passagers arriveront énervés, et on multiplie les chances de naufrage.

Mais diffuser cette approche chez nos élites politico-médiatiques semble une tâche proprement impossible. La difficulté, c’est que ces soi-disant élites ont de la dépense publique une vision purement sacrificielle. On ne dépense plus pour conduire des projets – les politiques portant un projet sont d’ailleurs de plus en plus rares – mais pour marquer son intérêt pour tel ou tel sujet. A l’image d’Agamemnon, à qui les oracles prescrivent de « sacrifier son trésor le plus précieux » – ce sera sa fille Iphigénie qui fera les frais de l’affaire – pour calmer la colère d’Artemis, nos ministres annoncent fièrement dans leurs bilans qu’ils ont augmenté de tant de milliards supplémentaires le budget de la justice, la culture ou l’environnement. Comme si le fait d’augmenter la dépense de leur ministère était un bien en soi, indépendamment de l’utilisation qui en est faite, des projets qui sont financés, des résultats obtenus qui ne sont jamais évalués lorsqu’on établit le bilan de l’action d’un gouvernement ou d’un homme politique.

Oui, on peut faire mieux avec moins… à condition de faire moins. Ce qu’il nous faut, c’est une véritable RGPP, vous savez, cette « revue générale des politiques publiques » qui, comme beaucoup de projets sarkozystes, était une bonne idée au départ, et s’est révélée néfaste par une mauvaise exécution. L’idée de départ, c’était de regarder chaque politique publique en se demandant si elle était vraiment utile, si elle valait le prix qu’elle coûtait. A l’arrivée, c’est devenu une machine à distribuer les réductions de budget et de postes. Aujourd’hui, il ne serait pas inutile de relancer le processus dans sa conception originale, parce qu’il y a pas mal de choses qu’on pourrait parfaitement supprimer sans que le service public en souffre. Je pense par exemple au programme dit « certificats d’économie d’énergie » qui, comme le dit un récent rapport de la Cour des Comptes, revient à créer un impôt invisible pour financer des travaux dont la contribution aux économies d’énergie est loin d’être démontrée, le tout à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Ou bien les subventions aux énergies renouvelables, qui ont couté d’ores et déjà plus que n’en a couté la construction du parc nucléaire entre 1979 et 1997, pour une production dix fois moindre. Et si ces programmes inutiles existent dans le domaine de l’énergie, je ne doute pas qu’ils doivent aussi exister dans tous les autres domaines de l’action publique. Par exemple dans la politique de l’emploi, où l’on a généreusement distribué au patronat des dispenses de cotisations sociales dans des secteurs qui ne sont pas soumis à la concurrence internationale, pour un résultat qui, selon les évaluations sérieuses, est minime.

Mais je n’ai guère d’espoir qu’on prenne le chemin de la raison. Le problème, voyez-vous, c’est que supprimer des programmes, c’est s’exposer à l’action des lobbies. Parce que l’argent investi dans ces actions inutiles n’est pas perdu pour tout le monde, et surtout pas pour le patronat et les classes intermédiaires. Et un gouvernement faible ne peut se permettre de créer des conflits avec sa base. Alors, que c’est tellement plus facile, dans la logique de la politique du chien crevé au fil de l’eau que nos soi-disant élites adorent, de faire du saupoudrage…

Chaque service de l’Etat sera prié de réduire son budget et son personnel de X%, et cela touchera autant les programmes essentiels que les programmes inutiles. Et comme on le fait depuis trente ans, on réduira d’abord l’investissement à long terme et dans la maintenance, parce que c’est ce qui se voit le moins, du moins dans le court terme. Les voies, les lignes électriques, les hôpitaux et les écoles continueront à se dégrader, mais doucement, et nous finirons par nous y habituer, comme on s’est habitué à la disparition des postes ou des commerces dans la « France périphérique ». Seulement, comme on a pu l’expérimenter depuis trente ans, cela fait des fausses économies, parce que sur le long terme, le manque d’investissements ou de maintenance se paye. Et très cher.

Descartes

(1) Il faut toujours insister sur le fait qu’en matière sociétale on a tendance à falsifier les faits, la répétition finissant par installer chez les gens une vision déformée de la réalité. Il n’y a jamais eu de « mariage pour tous », puisque la loi en question interdit le mariage entre frère et sœur, entre ascendant et descendant en ligne directe. De la même manière, on parle à propos de la loi du 4 août 1982 de « dépénalisation de l’homosexualité », alors que l’homosexualité n’est plus un délit en France depuis… 1791, et que la loi en question ne fait qu’aligner l’âge de la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels (autrefois fixée à 21 ans) avec celui des rapports hétérosexuels (18 ans).

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39 réponses à L’austérité qui vient

  1. kaiser hans dit :

    Bonjour excellente analyse à laquelle je souscris. 
     
    je pense apporter un mini élément mais qui éclaire ce texte.
     
    Les entreprises privées en France fonctionnent de la même façon et c’est même une culture très française. le cost killing à la française est réputé mais c’est comme ça qu’il marche . on prend une équipe de 10 on dit vous allez faire le travail à 9. on exige de la baisse budgétaire de X% par an pour tout le monde. résultat ceux qui étaient fit ne font plus le travail et ceux qui étaient en surplus le restent encore un peu…ce que vous décrivez me fait penser à ça…
     
    pour le rgpp, ça ressemble quand même à ce que le RN avait demandé

    • Descartes dit :

      @ kaiser hans

      [Les entreprises privées en France fonctionnent de la même façon et c’est même une culture très française. Le cost killing à la française est réputé mais c’est comme ça qu’il marche. On prend une équipe de 10 on dit vous allez faire le travail à 9. On exige de la baisse budgétaire de X% par an pour tout le monde. Résultat ceux qui étaient fit ne font plus le travail et ceux qui étaient en surplus le restent encore un peu…ce que vous décrivez me fait penser à ça…]

      Je ne le pense pas. Les « cost killers » que j’ai vu agir dans le privé ne fonctionnent pas de cette façon. Ils tendent au contraire à repérer les activités rentables et les activités non rentables, pour ensuite liquider ces dernières. Prenez le cas des pétroliers : l’exploration/exploitation rapporte, le raffinage non. Et du coup, on continue à investir massivement dans le premier domaine, et on n’hésite pas à fermer des raffineries.

      Il faut ici noter que l’entreprise et l’Etat n’ont pas les mêmes contraintes. L’entreprise existe pour enrichir ses actionnaires, l’Etat pour pourvoir aux besoins communs. Dans le privé, l’idée qu’on puisse dégrader ou même arrêter le service rendu au client si cela améliore les résultats financiers est parfaitement légitime. Qu’une entreprise arrête un service qui donne entière satisfaction à ses clients parce qu’il n’est pas assez rentable est parfaitement normal, et le « cost killer » qui recommanderait une telle mesure ne ferait que son boulot. L’Etat n’a pas cette possibilité : il ne peut pas décider par exemple de fermer les hôpitaux ou les écoles au motif qu’ils ne rapportent pas assez. A l’heure de supprimer un service, l’Etat n’a pas les mêmes critères que le privé.

      [pour le rgpp, ça ressemble quand même à ce que le RN avait demandé]

      Pas vraiment, ou alors je n’ai pas bien compris le discours du RN. Ce que Bardella proposait, c’est un « audit des comptes », autrement dit, un travail pour établir si la comptabilité de l’Etat est sincère et vérifier qu’il n’y a pas d’engagements ou de déficits « cachés ». Ce dont je parle n’est en rien un travail comptable. Il s’agit plutôt d’évaluer le rapport entre le coût des différents programmes de l’Etat et leur utilité.

  2. xc dit :

    Un petit rectificatif  à propos de la “dépénalisation de l’homosexualité”.
    Ce n’est pas l’âge de la “majorité sexuelle”, une expression discutable, mais passons, qui était en cause. Il a toujours été le même pour les rapports homos que pour les rapports hétéros. Mais le niveau de la répression en cas de rapports sexuels avec un mineur était plus élevé pour les premiers depuis Vichy. En 1982, la répression a été mise à égalité pour les deux.
    Ceux qui disent que l’homosexualité a été dépénalisée en 1982 sont soit de mauvaise foi soit mal informés. Comme on dit: “de la mauvaise foi ou de l’ignorance, la seconde est la plus probable, car la première demande un effort de réflexion”.
    https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/18/l-homosexualite-a-t-elle-ete-depenalisee-en-1791-ou-en-1982_1660079/
     
    Sur le fond, j’ai été choqué qu’on apostrophe le nouveau gouvernement sur des questions comme la PMA ou le “mariage pour tous”. Comme s’il n’y avait pas plus grave.

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Ce n’est pas l’âge de la “majorité sexuelle”, une expression discutable, mais passons, qui était en cause. Il a toujours été le même pour les rapports homos que pour les rapports hétéros.]

      Vous faites erreur. Si le code pénal de 1791 fait disparaître le « délit de sodomie » et l’ensemble des dispositions punitives qui singularisaient les rapports homosexuels, ce régime, unique en Europe, subsiste jusqu’à l’acte dit loi du 6 août 1942, modifiant l’alinéa 1 de l’article 334 du Code pénal, qui instaure une distinction discriminatoire dans l’âge de consentement entre rapports homosexuels et hétérosexuels : 21 ans pour les rapports homosexuels, et 13 ans pour les rapports hétérosexuels (puis 15 ans à partir de 1945). Cette disposition est maintenue à la Libération : l’ordonnance du 8 février 1945 transfère l’alinéa 1 de l’article 334 vers l’alinéa 3 de l’article 331 du Code pénal, punissant « … d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 60 francs à 15 000 francs quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe mineur de vingt et un ans. ». Enfin, en 1974, l’âge de la majorité sexuelle pour les rapports homosexuels est abaissé à 18 ans, et la peine prévue à l’alinéa 3 de l’article 331 du Code pénal est transférée à l’alinéa 2 de celui-ci en 1980.

      On voit donc que c’est bien « l’âge de la majorité sexuelle », c’est-à-dire, l’âge à partir duquel la personne peut consentir librement à une relation sexuelle sans qu’on puisse parler de « détournement de mineur ». Je ne vois pas très bien par ailleurs en quoi l’expression « majorité sexuelle » serait discutable, dès lors que le délit est qualifié de « détournement de mineur ».

      [Mais le niveau de la répression en cas de rapports sexuels avec un mineur était plus élevé pour les premiers depuis Vichy.]

      Sur cette question, Vichy n’a rien à voir. Je pense que vous faites référence à l’ordonnance du 25 novembre 1960, qui crée l’alinéa 2 de l’article 330 du Code pénal. Cette disposition vient doubler la peine minimum pour outrage public à la pudeur, lorsqu’il s’agissait de rapports homosexuels, créant de fait un « caractère aggravant d’homosexualité ».

  3. François dit :

    Bonjour Descartes,
    [Le dérapage inquiétant des finances publiques ne doit rien au hasard, pas plus qu’il n’est attribuable au COVID. Les causes sont bien plus profondes. Depuis les années 1980, on a fait le choix d’enrichir le bloc dominant en appauvrissant l’Etat.]
    Et quelles sont les données quantitatives qui vous permettent d’affirmer cela ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [« Le dérapage inquiétant des finances publiques ne doit rien au hasard, pas plus qu’il n’est attribuable au COVID. Les causes sont bien plus profondes. Depuis les années 1980, on a fait le choix d’enrichir le bloc dominant en appauvrissant l’Etat. » Et quelles sont les données quantitatives qui vous permettent d’affirmer cela ?]

      Eh bien… prenons par exemple la baisse relative de la pression fiscale sur les revenus et patrimoines les plus élevés. Ainsi, par exemple, la suppression des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu : on est passé d’un barème à treize tranches allant jusqu’à 60% en 1980 à un barème à cinq tranches allant jusqu’à 45% en 2023. En échange de cette réduction d’une taxe progressive, on a créé des contributions « plates » : la CSG et la CRDS, qui touchent au même taux les pauvres et les riches…

      Un autre exemple ? Prenons l’évolution de la TVA, qui passe d’un système à trois taux en 1980 (un taux réduit à 7% pour les produits de première nécessité, un taux normal à 17,6%, et un taux majoré à 33% pour les produits de luxe) à une TVA globalement à deux taux (je laisse de côté les taux spécifiques qui sont des « niches » fiscales), l’un à 5,5% pour les produits de première nécessité, l’autre à 20%. Le taux à 33% a, lui, disparu. Devinez qui sont les grands gagnants ?

      Un autre mécanisme qui appauvrit l’Etat pour enrichir les acteurs privés est celui de la socialisation des passifs. Prenez l’exemple du COVID : l’Etat a prêté aux entreprises à taux zéro pour leur fournir de la trésorerie. Mais pour accorder ces prêts, l’Etat a dû s’endetter, et non pas à taux zéro, mais au taux du marché. Autrement dit, les emprunteurs n’ont pas eu à payer les intérêts, et les prêteurs ont bien touché leur bénéfice… le seul qui se soit appauvri dans cette opération, c’est l’Etat. Et cette opération est loin d’être un exemple isolé, on voit le même mécanisme à l’œuvre régulièrement. Prenez par exemple la dernière crise sur les prix de l’électricité: quand les prix étaient bas, les distributeurs privés se faisaient des couilles en or sur le dos d’EDF. Quand les prix sont devenus prohibitifs… l’Etat a volé à leur secours.

      Ces transferts expliquent pourquoi la dette privée, contrairement à la dette publique, reste relativement raisonnable dans notre pays…

      • Patriote Albert dit :

        [Ces transferts expliquent pourquoi la dette privée, contrairement à la dette publique, reste relativement raisonnable dans notre pays…]
        Je me permets une incursion, car c’est ce que je pensais aussi, mais après vérification, il semblerait que nos agents privés soient au contraire davantage endettés que leurs homologues européens : https://www.banque-france.fr/sites/bdf_espaces2/files/webstat_pdf/TAU_END_ANF_COM_INT_2263_fr__SI_endet_comparaisons_internationales_2023T1.pdf
        J’avoue que je ne comprends pas pourquoi nos grands voisins s’en sortent mieux que nous. Passe encore pour l’Allemagne qui a gardé (jusqu’à aujourd’hui su moins) une industrie puissante, mais l’Italie ? L’Espagne ?

        • Descartes dit :

          @ Patriote Albert

          [« Ces transferts expliquent pourquoi la dette privée, contrairement à la dette publique, reste relativement raisonnable dans notre pays… » Je me permets une incursion, car c’est ce que je pensais aussi, mais après vérification, il semblerait que nos agents privés soient au contraire davantage endettés que leurs homologues européens.]

          La comparaison entre pays différents est toujours très difficile d’interpréter, parce que les questions culturelles sont très importantes. Prenons un exemple : dans le monde anglosaxon, l’essentiel des ménages est propriétaire du logement, et la location est relativement marginale. Les anglais, par exemple, s’endettent dès leur entrée sur le marché du travail – et sur des périodes souvent très longues – pour acheter leur premier logement avec un apport personnel nul, et ensuite en fonction de l’évolution professionnelle et familiale vendent ce premier bien pour en acheter un autre et transfèrent leur crédit sur leur nouvel achat. Alors qu’en France, les ménages commencent souvent par louer, et n’achètent que plus tardivement et avec un apport personnel souvent plus important.

          Du point de vue économique, on peut analyser la location comme un emprunt dont on ne paye que les intérêts mensuellement et le capital à la fin du contrat. Mais du point de vue de la statistique, la personne qui emprunte pour acheter un appartement est considérée comme endettée, alors que le locataire, lui, ne l’est pas.

          On peut faire le même raisonnement avec les études. Dans les pays anglosaxons, on emprunte pour financer ses études et on rembourse lorsqu’on touche un salaire. Chez nous, l’Etat nous avance les études et récupère son argent en taxant nos revenus. Dans un cas, la statistique prend en compte l’endettement, pas dans l’autre… même si du point de vue économique les deux situations sont équivalentes.

          Ce qu’il faut comparer n’est pas tant la dette privée des Français avec celle des Allemands ou des Britanniques, mais regarder l’évolution de la dette privée et de la dette publique. Or, on observe que la dette privée des Français est relativement stable, alors que la dette publique est hors de contrôle…

          [J’avoue que je ne comprends pas pourquoi nos grands voisins s’en sortent mieux que nous. Passe encore pour l’Allemagne qui a gardé (jusqu’à aujourd’hui su moins) une industrie puissante, mais l’Italie ? L’Espagne ?]

          Si vous regardez les Britanniques ou les Américains, vous tireriez la conclusion inverse. Alors qu’en France on est sous les 65% du PIB pour les ménages, on en est à 81% en Grande Bretagne et au-dessus de 100% pour les Etats-Unis. L’Espagne sort d’un crash immobilier, et qui dit des prix immobiliers en baisse dit endettement immobilier en baisse…

  4. Manchego dit :

    Ce qui me semble le plus inquiétant c’est que parmi les gens qui sont aux manettes, où parmi ceux qui pourraient les prendre, on n’avance aucune solution de fond.
    Réduire la voilure pour ramener le déficit de 6% par an à 3% par an ne me semble pas pérenne car même à 3 % on continue à accroître le déficit global qui dépasse déjà les 3000 milliards d’euros. Et pour un déficit ramené à 3% en 2025, il faudrait, d’après ce qui se dit dans les médias, dégager 60 milliards (40 par l’impôt et 20 par les réductions de dépense), ce qui va sans doute être très douloureux pour tout le monde.
    J’avoue que je n’ai pas les compétences pour expliquer ce déclassement, mais je suis dubitatif lorsque j’entends des économistes expliquer que nous n’avons pas encore poussé le libéralisme assez loin. Mon sentiment c’est que nous ne produisons plus assez de richesses et que c’est le libéralisme qui nous a collectivement ruinés, tout en générant des fortunes colossales pour une petite minorité.
    J’entends aussi que les retraités auraient un niveau de vie très supérieur aux actifs,  et que notre déficit serait du pour 50 % aux retraites. A la retraite on a moins de revenus qu’en activité, si certains retraités ont de bonnes pensions c’est qu’ils ont eu de bons salaires à une époque où la France produisait plus de richesses et où les entreprises pouvaient payer de bons salaires. Aujourd’hui les salaires sont relativement faibles (un ingénieur débutant gagnait beaucoup plus en 1980 qu’aujourd’hui), car nous produisons moins de richesses dans un environnement qui est très défavorable au collectif (le capitalisme  peu régulé c’est une compétition où comme dans toute compétition il y a des perdants).
    Je crois que nous sommes maintenant confrontés à deux choix, soit continuer dans la même voie et voir notre pays se déliter d’avantage, soit dire stop et revenir au capitalisme régulé des 30 glorieuses. Le premier choix est le plus confortable mais in fine il aboutirait à une société encore plus violente et inégalitaire, le deuxième suppose une rupture avec l’Europe des marchands, ce qui serait aussi très douloureux dans un premier temps.
     
     

    • Descartes dit :

      @ Manchego

      [Ce qui me semble le plus inquiétant c’est que parmi les gens qui sont aux manettes, où parmi ceux qui pourraient les prendre, on n’avance aucune solution de fond.]

      Il est difficile d’avancer des « solutions de fond » quand on n’est pas capable de bien poser le problème. Notre classe politico-médiatique ignore la maladie et ne voit que le symptôme. Les déséquilibres ne sont problématiques que du jour où ils sont visibles. Tout le monde se passionne pour le déficit des comptes publics – qui a acquis une grande visibilité du fait des critères de Maastricht – mais personne ne s’inquiète du déséquilibre de la balance des paiements, qui est négative, ou la balance commerciale, qui se creuse depuis des décennies pour atteindre des valeurs abyssales.

      La désindustrialisation, le vieillissement de nos infrastructures, la dégradation de notre appareil éducatif et de notre recherche, voilà les véritables problèmes. Ce sont ces processus qui affaiblissent la productivité, et donc la taille du gâteau qu’on peut se partager. Et si le gâteau se réduit, la seule manière de maintenir la taille des parts, c’est de s’endetter. L’endettement et donc un symptôme, et non la maladie. La réduction de la dépense telle qu’elle est proposée aboutira fatalement à affaiblir encore plus notre productivité, et donc à réduire la taille du gâteau. C’est une spirale du déclin qui nous est proposée…

      [Réduire la voilure pour ramener le déficit de 6% par an à 3% par an ne me semble pas pérenne car même à 3 % on continue à accroître le déficit global qui dépasse déjà les 3000 milliards d’euros.]

      Pas tout à fait. Pour le comprendre, il faut séparer deux équilibres budgétaires : celle de « l’équilibre primaire », qui est la différence entre les recettes et les dépenses HORS REMBOURSEMENT DE LA DETTE, et « l’equilibre global », qui est la différence entre les recettes et les dépenses tout compris. Tant que vous avez un « excédent primaire », votre dette se réduit même si vous avez un « déficit global ».

      Pour illustrer le propos, imaginons que vous avez contracté une dette de 1000 € sur dix ans. La première année vous paierez donc 10 € d’intérêt et 100 € de capital. Maintenant supposons que vous ayez un revenu annuel de 1000 €, et que vous dépensez pour vivre 900 €. Vous avez donc un « excédent primaire » de 100 €, et un « déficit global » de 10€. Imaginons que vous empruntiez ces 10 € pour couvrir votre déficit. A la fin de l’année, vous aurez une dette de… 910 €. Votre dette se sera réduite de 90 €.

      Autrement dit, ce n’est pas parce que vous êtes « globalement » en déficit que votre dette se creusera. Tout dépend de la taille de votre excédent primaire : pour que votre dette diminue, il suffit que l’excédent primaire soit plus grand que les intérêts de la dette.

      [Et pour un déficit ramené à 3% en 2025, il faudrait, d’après ce qui se dit dans les médias, dégager 60 milliards (40 par l’impôt et 20 par les réductions de dépense), ce qui va sans doute être très douloureux pour tout le monde.]

      Douloureux est un mot faible. Quand votre ménage est en déficit, vous vous serrez la ceinture et dépensez moins au supermarché. Mais ça s’arrête là : les effets de votre serrage de ceinture sur les prix affichés ou sur votre salaire est négligeable. Mais l’Etat n’est pas un ménage : ses choix ont des effets macroéconomiques importants. Si l’Etat arrête de dépenser, il y a des entreprises qui se retrouvent sans commandes, des travailleurs qui se retrouvent au chômage, et donc des entrées fiscales qui diminuent et des dépenses sociales qui augmentent. Alors qu’un ménage peut faire ses choix purement en termes d’équilibre budgétaire, l’Etat doit penser au bouclage macroéconomique.

      [J’avoue que je n’ai pas les compétences pour expliquer ce déclassement, mais je suis dubitatif lorsque j’entends des économistes expliquer que nous n’avons pas encore poussé le libéralisme assez loin.]

      Ça dépend : « assez loin » pour qui ? Le « déclassement » dont vous parlez ne fait pas les affaires du pays en général, mais il y a des couches sociales qui en tirent de considérables bénéfices…

      [Mon sentiment c’est que nous ne produisons plus assez de richesses et que c’est le libéralisme qui nous a collectivement ruinés, tout en générant des fortunes colossales pour une petite minorité.]

      C’est un peu schématique, mais je suis globalement d’accord avec vous. Le néolibéralisme à la sauce européenne a été construit en fonction des intérêts du consommateur, et non du producteur. C’est d’ailleurs flagrant lorsqu’on lit les documents de la Commission : le marché unique, l’ouverture à la concurrence des services publics, la fin des monopoles ont pour justification « d’offrir plus de choix » ou de « faire baisser les prix » pour le consommateur. Le fait d’avoir des activités productives puissantes et modernes reposant sur des équipements de pointe, des infrastructures de qualité et une main d’œuvre bien formée et bien rémunérée, ce sont au mieux des objectifs de second rang quand ils ne sont pas oubliés pure et simplement. Le néolibéralisme n’a jamais intégré le fait que le producteur et le consommateur soient la même personne, et que faire baisser les prix ne sert à rien si les salaires baissent dans la même proportion.

      Or, pousser les prix et les salaires vers le bas conduit à une société « low cost ». C’est la théorie libérale elle-même qui le dit : dans un marché « pur et parfait », les marges tendent vers zéro. Ce qui veut dire que les entreprises ne dégagent plus de marge suffisante pour investir dans l’équipement ou la recherche. Ce n’est pas par hasard si les entreprises qui investissent le plus en recherche et développement sont des quasi-monopoles – monopole souvent assuré le plus légalement du monde par des systèmes de brevets – ou agissent dans des secteurs où le marché est très imparfait. Car c’est justement l’imperfection du marché qui leur permet de dégager les marges nécessaires à l’investissement et la recherche.

      [J’entends aussi que les retraités auraient un niveau de vie très supérieur aux actifs, et que notre déficit serait dû pour 50 % aux retraites. A la retraite on a moins de revenus qu’en activité, si certains retraités ont de bonnes pensions c’est qu’ils ont eu de bons salaires à une époque où la France produisait plus de richesses et où les entreprises pouvaient payer de bons salaires.]

      Il ne faut pas confondre. Les retraites – que ce soit dans un système par capitalisation ou par répartition d’ailleurs – résultent de l’état de l’économie aujourd’hui, et non de celui de l’époque où les cotisations ont été payées. Si les retraites d’aujourd’hui ont des bonnes retraites, ce n’est pas parce qu’ils avaient de bons salaires, mais parce que on fait le choix de sacrifier un peu son niveau de vie quand on est actif pour s’assurer une retraite confortable. Ce qui revient à faire supporter une certaine charge par les actifs, que les actifs l’acceptent parce qu’il existe un engagement implicite qui veut que, lorsqu’ils seront vieux, la génération suivante acceptera de supporter la même charge à leur tour. C’est pourquoi les « réformes » des retraites qui tendent à dénoncer ce contrat implicite sont si dangereuses…

      [Aujourd’hui les salaires sont relativement faibles (un ingénieur débutant gagnait beaucoup plus en 1980 qu’aujourd’hui), car nous produisons moins de richesses dans un environnement qui est très défavorable au collectif (le capitalisme peu régulé c’est une compétition où comme dans toute compétition il y a des perdants).]

      Qu’est ce qui vous amène à dire que « un ingénieur débutant gagnait beaucoup plus en 1980 qu’aujourd’hui » ? Si je prends les chiffres qu’on trouve sur le net, un ingénieur avec moins de 10 ans d’expérience gagnait en moyenne 54.000 € brut annuel en 1989. Le chiffre aujourd’hui tourne autour de 60.000 €… Cela étant dit, la composition des salaires a beaucoup changé, avec moins de fixe et plus de variable. Par ailleurs, le fait d’avoir un diplôme d’ingénieur implique de moins en moins de travailler dans l’industrie : on trouve pléthore d’ingénieurs dans la banque, l’assurance, les services financiers, le conseil, le marketing…

      [Je crois que nous sommes maintenant confrontés à deux choix, soit continuer dans la même voie et voir notre pays se déliter d’avantage, soit dire stop et revenir au capitalisme régulé des 30 glorieuses. Le premier choix est le plus confortable mais in fine il aboutirait à une société encore plus violente et inégalitaire, le deuxième suppose une rupture avec l’Europe des marchands, ce qui serait aussi très douloureux dans un premier temps.]

      Je ne sais pas si on peut poser le problème comme ça. Le « capitalisme régulé » était rendu possible par une convergence d’intérêts entre une bourgeoisie industrielle « nationale » d’un côté, et l’ensemble constitué des couches populaires de l’autre, avec des classes intermédiaires relativement peu nombreuses et encore très proches des couches populaires. Est-il possible d’y revenir alors que cette bourgeoisie industrielle a pratiquement disparu, et qu’il y a une alliance entre des classes intermédiaires et une bourgeoisie de plus en plus internationalisées ?

  5. Manchego dit :

    @ Descartes
    ***Si les retraites d’aujourd’hui ont des bonnes retraites, ce n’est pas parce qu’ils avaient de bons salaires, mais parce que on fait le choix de sacrifier un peu son niveau de vie quand on est actif pour s’assurer une retraite confortable.***
    Avec de bons salaires, mécaniquement on cotise d’avantage, ce qui a un impact significatif sur le salaire de référence pour le calcul de la retraite de base (c’est la moyenne des 25 meilleures années actualisées), et aussi un impact sur les points agirc-arrco qu’on acquière tout au long de sa carrière. Donc in fine une meilleure retraite. Et puis pour sacrifier un peu son niveau de vie quand on est actif il faut le pouvoir (c’est plus facile avec un bon salaire).
    ***Qu’est ce qui vous amène à dire que « un ingénieur débutant gagnait beaucoup plus en 1980 qu’aujourd’hui » ? Si je prends les chiffres qu’on trouve sur le net, un ingénieur avec moins de 10 ans d’expérience gagnait en moyenne 54.000 € brut annuel en 1989. Le chiffre aujourd’hui tourne autour de 60.000 €… ***
    Les 54 k€ brut annuel de 1989 ce sont des euros constants ou courants ? Si c’est des euros courants il y a bien perte de salaire car 54 k€ de 1989 équivalent à 103 k€ de 2024, mais j’imagine que ce sont des euros constants (mais même si ce sont des euros constants on reste sur des salaires qui n’ont pas beaucoup bougé en 35 ans).
    En fait je ne peux pas démontrer de façon rigoureuse qu’un ingénieur débutant gagne moins aujourd’hui qu’en 1980, j’ai repris ce que me dit un ami qui est DRH dans une grosse entreprise de la pétrochimie.
    Après, les ingénieurs c’est comme les footballeurs, il y a plusieurs niveaux, suivant l’école ce n’est pas le même salaire (ceux qui sortent d’une grande école type polytechnique ou supelec gagnent plus).

    • Descartes dit :

      @ Manchego

      [Avec de bons salaires, mécaniquement on cotise davantage, ce qui a un impact significatif sur le salaire de référence pour le calcul de la retraite de base (c’est la moyenne des 25 meilleures années actualisées), et aussi un impact sur les points agirc-arrco qu’on acquière tout au long de sa carrière.]

      Oui, mais les formules de calcul ne sont pas contractuelles. Elles peuvent être modifiées à chaque instant par le législateur. Autrement dit, si demain la société souhaitait réduire les retraites pour améliorer la situation des actifs, rien ne l’empêcherait de changer la formule de calcul. C’est ce que je veux dire quand j’écris que le montant de votre retraite dépend de décisions prises aujourd’hui, et non de l’état de l’économie lorsque vous avez cotisé.

      [Les 54 k€ brut annuel de 1989 ce sont des euros constants ou courants ?]

      Courants, bien entendu. J’ai utilisé la calculatrice de l’INSEE pour faire la correction.

      [(mais même si ce sont des euros constants on reste sur des salaires qui n’ont pas beaucoup bougé en 35 ans).]

      On peut en discuter, mais en tout cas il n’est pas exact de dire qu’un ingénieur gagne moins aujourd’hui qu’en 1980.

      [Après, les ingénieurs c’est comme les footballeurs, il y a plusieurs niveaux, suivant l’école ce n’est pas le même salaire (ceux qui sortent d’une grande école type polytechnique ou supelec gagnent plus).]

      Bien entendu. Mais je pense que le principal changement ne se trouve pas dans le salaire, mais plutôt dans l’emploi et la carrière. Alors que dans les années 1980 n’importe quel ingénieur trouvait un CDI en quelques semaines, c’est moins vrai aujourd’hui, en particulier pour les écoles les moins cotées. D’où la multiplication des « doubles diplômes », des stages à l’étranger et autres gadgets pour se distinguer dans la concurrence face aux recruteurs. Et on voit se développer une forme de précarité dans le métier, avec des ingénieurs qui se retrouvent au placard ou au chômage vers 50 ans et qui ont ensuite beaucoup de mal à rebondir.

  6. maleyss dit :

    [Le problème, c’est que quand on sort des généralités et qu’on demande aux politiques et aux commentateurs de nous dire précisément où se trouve ce « gras », personne ne semble très dissert. ]
    Disert, voulez-vous dire. Pour ma part, j’ai bien quelques idées, et je suppose que ce sont peu ou prou les mêmes que les vôtres. On pourrait, par exemple, fortement réduire le budget “communication” de l’Etat et des collectivités. Je suis particulièrement agacé de voir ma ville, ma métropole, mon département, ma région, s’offrir des campagnes d’affichage en 4×3 sous le moindre prétexte tout en expliquant que l’argent manque. Les subventions à nombre d’associations ne me semblent pas non plus relever d’une nécessité brûlante. Et supprimer quelques comités Théodule ne ferait pas non plus de mal ; pouvez-vous m’éclairer sur l’utilité du CESE ?
    Ensuite, il me parait évident qu’il va bien falloir expliquer à la population que l’Etat-guichet, c’est  fini, qu’il n’est plus question, contrairement à ce qui a été entrepris récemment, de subventionner la reprise des chaussettes ou le ressemellage des souliers.
    Ceci n’est qu’un petit début, mais les petits ruisseaux…

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Disert, voulez-vous dire. Pour ma part, j’ai bien quelques idées, et je suppose que ce sont peu ou prou les mêmes que les vôtres.]

      Pour commencer, il faudrait que nos concitoyens connaissent les ordres de grandeur. La masse salariale des administrations publiques – Etat et collectivités confondues – ne représentent que 15% de la dépense publique et 8% du PIB. Dans ce montant, l’Etat représente un peu moins de la moitié (46%), et sur cette partie les enseignants représentent un peu plus de la moitié. Autrement dit, sauf à supprimer des postes d’enseignant, gagner un point de PIB impliquerait de faire disparaître un poste de fonctionnaire sur deux.

      En fait, aujourd’hui l’Etat est surtout un tuyau qui prélève des impôts d’un côté et verse des subventions et des allocations de l’autre. Les salaires et l’investissement public ne représentent qu’une part minoritaire du total. Si on était rationnel, on comprendrait que la seule manière logique de réduire la dépense publique, c’est de réduire les subventions, et notamment celles – massives – dont bénéficient les entreprises…

      [On pourrait, par exemple, fortement réduire le budget “communication” de l’Etat et des collectivités. Je suis particulièrement agacé de voir ma ville, ma métropole, mon département, ma région, s’offrir des campagnes d’affichage en 4×3 sous le moindre prétexte tout en expliquant que l’argent manque. Les subventions à nombre d’associations ne me semblent pas non plus relever d’une nécessité brûlante.]

      Il y a certainement du ménage à faire. Mais si ces réductions sont indispensables à mon sens pour leur valeur symbolique, ce n’est pas là que vous allez trouver les milliards qui manquent. Non, ce qu’il faudrait, c’est de supprimer les subventions à l’économie, qui ne servent qu’à enrichir le capital. La Cour des comptes repère régulièrement des dispositifs qui se comptent en milliards et qui ne servent strictement à rien – quand ils ne sont pas nuisibles. Prenez par exemple les dispositifs d’aide à l’accession à la propriété (prêts à taux zéro, aides fiscales…). Elles sont efficaces dans les territoires où il y a du foncier pour construire, parce que l’augmentation de la demande solvable encourage à construire. Mais dans les métropoles, où le foncier est rare et l’offre est donc inélastique, ces aides ne font que pousser les prix vers le haut… pour le plus grand bonheur des propriétaires. Même chose sur les dispenses de cotisations sur les bas salaires : cela peut avoir un effet – et encore – sur les activités soumises à une forte concurrence internationale. Mais pour les autres, elles ne servent à rien – sinon à permettre aux classes intermédiaires de disposer de femmes de ménage bon marché.

      [Et supprimer quelques comités Théodule ne ferait pas non plus de mal ; pouvez-vous m’éclairer sur l’utilité du CESE ?]

      Beaucoup de comités ont été supprimés ces dernières années… et pas toujours à bon escient, parce qu’on a supprimé quelques instances qui étaient vraiment utiles au nom des économies. Mais encore une fois, si ce genre de ménage est utile symboliquement, ce n’est pas là que vous allez récupérer des milliards.

      Quant au CESE, son inutilité résulte surtout de la manière dont il est utilisé. Quand il est créé en 1946, l’idée n’est pas mauvaise : il s’agit de disposer d’une enceinte où les acteurs de la production (industriels, représentants du patronat et des syndicats) se retrouvent, et qu’on consulte sur la législation économique ou sociale ainsi que sur les instruments de planification. Dans cette création, on peut voir l’importance qu’on donnait à cette époque à la question de la production, qu’on voyait inséparable de la question sociale. D’ailleurs, le CESE n’est pas le seul organisme de ce type : par exemple, on créé en même temps le « Conseil supérieur de l’électricité et du gaz », devenu depuis le « Conseil supérieur de l’énergie », qui réunit toujours des représentants des énergéticiens, des syndicats, des consommateurs, et qui examine tous les textes réglementaires relatifs à l’énergie. Et pour y avoir participé, je peux vous dire que son action est très utile, et qu’il contribue à améliorer les textes qu’il examine.

      Le problème, c’est qu’aujourd’hui la problématique économique et sociale n’intéresse plus grand monde. Le CESE est donc devenu, au fil des réformes, une enceinte censée représenter « la société civile », ce qui fait double emploi avec le Parlement. On lui demande de moins en moins son avis, et lorsqu’on le consulte dans le cadre d’une consultation obligatoire, on ne tient guère compte de son opinion. Par ailleurs, les nominations sont devenues beaucoup moins sélectives, et cela sert surtout comme sinécure accordée aux personnalités politiques et syndicales qu’il faut recaser.

      [Ensuite, il me parait évident qu’il va bien falloir expliquer à la population que l’Etat-guichet, c’est fini, qu’il n’est plus question, contrairement à ce qui a été entrepris récemment, de subventionner la reprise des chaussettes ou le ressemelage des souliers.]

      De quelle « population » parlez-vous ? Vous savez, ce n’est pas avec la reprise des chaussettes ou le ressemelage des souliers que vous allez récupérer des milliards. Par contre, si l’on croit la Cour des comptes, les subventions aux entreprises représentent 66 Md€ par an. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait expliquer à cette « population » que « l’Etat-guichet, c’est fini » ?

      Sans vouloir vous offenser, votre discours illustre très bien le dictum d’Alphonse Allais : « il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres ». Chaque fois que je vous entend parler d’une économie, il s’agit d’aller prendre un bout de chandelle. Mais c’est quand qu’on s’attaque au véritable « gras » ? Aux grandes entreprises qui, profitant de l’optimisation fiscale permise par l’UE, ne payent pas d’impôts ou si peu ? A une protection sociale financée par des prélèvements sur le travail qui épargnent donc les produits étrangers ? A des subventions de toute nature qui créent autant d’effets d’aubaine au bénéfice du capital ? Aux « niches » qui permettent aux classes intermédiaires de bénéficier de toutes sortes de privilèges ? Aux « partenariats public-privé » et autres concessions léonines – je pense aux autoroutes – qui appauvrissent l’Etat et enrichissent le privé ? Il y a là des milliards, des dizaines de milliards à récupérer. Quand on les aura repris, on pourra alors s’occuper de souliers et des chaussettes, et les Français l’accepteront parce qu’ils verront que la politique est juste, et frappe plus lourdement ceux qui ont plus de moyens.

      [Ceci n’est qu’un petit début, mais les petits ruisseaux…]

      S’attaquer aux petits ruisseaux et laisser les grands fleuves continuer à couler ne peut qu’avoir un résultat : la révolte d’une population qui voit se perpétuer un système qui tape les faibles et laisse les forts s’enrichir. C’est approfondir encore la sécession entre le bloc dominant et les couches populaires.

      • P2R dit :

        @ Descartes
         
        [Mais c’est quand qu’on s’attaque au véritable « gras » ? Aux grandes entreprises qui, profitant de l’optimisation fiscale permise par l’UE, ne payent pas d’impôts ou si peu ? A une protection sociale financée par des prélèvements sur le travail qui épargnent donc les produits étrangers ? A des subventions de toute nature qui créent autant d’effets d’aubaine au bénéfice du capital ? Aux « niches » qui permettent aux classes intermédiaires de bénéficier de toutes sortes de privilèges ? Aux « partenariats public-privé » et autres concessions léonines – je pense aux autoroutes – qui appauvrissent l’Etat et enrichissent le privé ? Il y a là des milliards, des dizaines de milliards à récupérer. ]
         
        Je vous rejoins sur le fait qu’il existe un certain nombre d’effets d’aubaine, dont on tait soigneusement l’existence. J’en suis le témoin privilégié: en tant que professionnel de santé, je viens de recevoir un courrier de l’ARS qui m’offre une “aide au maintien” conséquente (on parle 4000 euros – bruts de charges sociales et d’impôts – par an) au prétexte que j’exerce dans une zone médicale très sous-dotée. Or je peux vous garantir que 95% de mes confrères auraient continué d’exercer là où ils sont sans cette aide, qui est à la fois trop faible pour inciter quelqu’un qui n’est pas du coin à renoncer aux agréments d’une grande métropole ou d’une zone cotière, et qui va couter une fortune. On est à 100% dans la logique de sacrifice que vous décrivez: le seul objectif de cette mesure est de dire “on a consacré xxx millions pour maintenir des pros de santé dans les territoires sous-dotés”… Et l’ARS pourra même se vanter du succès de la mesure, dans le sens où les praticiens qui de toute façon n’avaient pas envisagé de partir… restent !
         
        En revanche, un certains nombre d’autres pistes que vous evoquez impliquerait un sérieux bras de fer avec l’UE non ? Sans controle des frontières, des importations et des mouvements de capitaux, ceux-ci iront voir ailleurs dès que la politique fiscale sera “moins offrante” ici qu’ailleurs, et les produits étrangers à bas coûts viendront massacrer notre production locale. Ceci est accentué par le fait qu’on a privilégié une politique visant à être attractif pour des capitaux étrangers (qui n’ont donc aucune sorte d’attache au territoire) plutôt que de faire croitre nos propres entreprises.

        • Descartes dit :

          @ P2R

          Désolé, mais votre commentaire est tombé dans les « indésirables » et je viens seulement de le voir…

          [On est à 100% dans la logique de sacrifice que vous décrivez: le seul objectif de cette mesure est de dire “on a consacré xxx millions pour maintenir des pros de santé dans les territoires sous-dotés”… Et l’ARS pourra même se vanter du succès de la mesure, dans le sens où les praticiens qui de toute façon n’avaient pas envisagé de partir… restent !]

          Et accessoirement, on achète la bienveillance des syndicats de médecins, parce que je doute que ces 4000€ aient été donnés par le gouvernement sans contrepartie…

          [En revanche, un certain nombre d’autres pistes que vous évoquez impliquerait un sérieux bras de fer avec l’UE non ? Sans contrôle des frontières, des importations et des mouvements de capitaux, ceux-ci iront voir ailleurs dès que la politique fiscale sera “moins offrante” ici qu’ailleurs, et les produits étrangers à bas coûts viendront massacrer notre production locale.]

          Il y a là une réflexion à avoir sur la structure du système fiscal. Il faut comprendre que du point de vue économique, tout impôt est payé par le consommateur. En effet, si vous imposez les bénéfices des sociétés, si vous imposez une cotisation sur les salaires, si vous taxez le capital, le coût de ces prélèvements sera transféré au consommateur. A partir de là, il vaut mieux peut-être taxer directement la consommation – par exemple par la voie de la TVA, qui a l’avantage de grever les produits importés aussi bien que les produits locaux, et qui n’a donc pas d’effet négatif sur la concurrence. Vous me direz que la TVA est une taxe « plate », alors que l’imposition sur les revenus ou les bénéfices peut être progressive. Mais on peut rendre la TVA progressive en taxant différemment les produits consommés par les riches et ceux consommés par tout le monde. C’est ce qu’on faisait naguère avec la TVA à 33% pour les produits dits « de luxe ».

          Après, il est clair que la libre circulation des capitaux conduit à ce que le capital aille là où la rentabilité est la plus élevée, et donc là où la productivité par euro payé est la plus importante. Ce qui conduit à la délocalisation de la production vers les pays à bas salaires et faible réglementation, et celle de la consommation vers les pays à faible taxation et fort pouvoir d’achat. Ce qui a terme conduit à une contradiction, puisqu’on paye des salaires qui ne permettent pas de consommer, et on consomme là où il n’y a plus d’activité productive grâce à l’endettement…

          [Ceci est accentué par le fait qu’on a privilégié une politique visant à être attractif pour des capitaux étrangers (qui n’ont donc aucune sorte d’attache au territoire) plutôt que de faire croitre nos propres entreprises.]

          C’est là non pas un choix, mais une conséquence. Dès lors qu’on choisit de privilégier le consommateur plutôt que le producteur, il faut combler le trou des importations, ce qui suppose l’arrivée d’argent de l’extérieur sous forme de prêts ou d’investissements étrangers. Il ne faut pas oublier que l’investissement étranger est lui aussi une forme de dette…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        Je crois savoir que la formule d’A. Allais se concluait par « [les pauvres] ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais qu’est-ce qu’ils sont nombreux. »

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Je crois savoir que la formule d’A. Allais se concluait par « [les pauvres] ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais qu’est-ce qu’ils sont nombreux. »]

          Je ne sais si cette formule vient du même texte, mais c’est un peu le “crédo” sous-jacent au discours des inspecteurs des finances de l’école de Michel Rocard: il faut des impôts à taux faible et à assiette large, parce que ce sont ceux qui distordent le moins les sacro-saints marchés et sont politiquement les plus faciles à vendre. Bien sur, ce genre d’impôt – comme la CSG ou la CRDS – frappe plus lourdement les pauvres que les riches… une coïncidence, sans doute.

          • cdg dit :

            il faut des impôts à taux faible et à assiette large, parce que ce sont ceux qui distordent le moins les sacro-saints marchés et sont politiquement les plus faciles à vendre.”
            Si vous faites un impot a base etroite et taux eleve, vous allez inciter les gens qui y sont soumit en theorie a l eviter. Soit par la fraude soit en payant un conseiller fiscal pour trouver une faille legale. Car plus le taux est eleve, plus il devient rentable de payer un conseiller pour l eviter plutot que payer l impot
            C est pas pour cela qu on ne peut pas faire d impots qui ne frappent pas plus les “riches” que les autres. Si vous faites un impot sur le capital, vous pouvez faire comme les suisses, un impot qui prend tout en compte avec un taux faible et une base large (on paie a partir de 200 000 je crois) ou un impot ideologiqe comme Mitterrand avec l ISF qui avait un taux elevé mais epargnait les oeuvres d art ou les dirigeants d entreprises , qui etait plafonné ….
             

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« il faut des impôts à taux faible et à assiette large, parce que ce sont ceux qui distordent le moins les sacro-saints marchés et sont politiquement les plus faciles à vendre. » Si vous faites un impôt a base étroite et taux élevé, vous allez inciter les gens qui y sont soumis en théorie à l’éviter. Soit par la fraude soit en payant un conseiller fiscal pour trouver une faille légale. Car plus le taux est élevé, plus il devient rentable de payer un conseiller pour l’éviter plutôt que payer l’impôt]

              Je suis surpris par votre raisonnement. Ce ne sont pas les « conseillers » qui permettent d’éviter l’impôt. Si les lois sont bien faites, elles ne laissent pas de « faille légale ». Et pour ce qui concerne la fraude, l’effet est plus ambigu que cela : il est vrai que plus le taux est fort, plus l’incitation à la fraude est large. Mais en même temps, plus l’assiette est étroite, plus le contrôle est facile. Prenez par exemple la taxe sur les installations nucléaires de base : il n’y a en pratique que trois assujettis. Je vois mal comment ils pourraient frauder sans se faire prendre…

              [Ce n’est pas pour cela qu’on ne peut pas faire d’impots qui ne frappent pas plus les “riches” que les autres.]

              Bien sur que si. La logique « taux faible/assiette large » ne marche que s’il s’agit d’un impôt « plat ». Si vous avez un impôt progressif, alors il s’analyse comme l’addition de plusieurs impôts, chacun ayant une assiette plus restreinte. Prenez par exemple un impôt sur le revenu à trois tranches, 10% jusqu’à 50 k€, 25% entre 50 et 100k€, 40% à partir de 100 k€. Cet impôt est équivalent à trois impôts. Un premier impôt qui touche tous les contribuables et dont le taux est 10%, un deuxième qui touche seulement les contribuables gagnant plus de 50 k€ au taux de 15%, et un troisième qui touche une assiette encore plus étroite, celle des revenus supérieurs à 100 k€, au taux de 20%. Autrement dit, si vous voulez frapper « les plus riches » plus lourdement que les pauvres, vous êtes obligé à restreindre l’assiette, et donc à vous exposer aux risques que vous détailliez plus haut.

              [Si vous faites un impôt sur le capital, vous pouvez faire comme les suisses, un impôt qui prend tout en compte avec un taux faible et une base large (on paie a partir de 200 000 je crois) ou un impot ideologiqe comme Mitterrand avec l’ISF qui avait un taux élevé mais épargnait les œuvres d’art ou les dirigeants d’entreprises , qui était plafonné ….]

              Je pense que vous confondez ici deux choses, à savoir, la simplicité du dispositif et la question de l’assiette et du taux. Que les dispositifs compliqués, avec des exceptions et des plafonds dans tous les sens sont des véritables nids à fraude légale, c’est une réalité. Et c’est pourquoi mieux vaut un dispositif simple quitte à laisser passer certaines situations, plutôt que des dispositifs censés coller de très près à toutes les circonstances mais qui du coup sont d’une complexité hallucinante. Ne négligez pas non plus le fait que souvent les « failles légales » sont tout à fait volontaires, et permettent aux gouvernements d’imposer les riches de jure tout en leur permettant d’y échapper de facto.

              Mais tout cela n’a rien à voir avec la problématique du taux et de l’assiette.

  7. cdg dit :

    Tout a fait d accord avec le texte. Nous depensons bien plus que nous produisons et ce depuis 50 ans. On a pu maintenir l illusion avec l endettement mais on arrive au bout de cette logique. La seule facon d en sortir sera une chute du niveau de vie de la population pour retrouver un equilibre
    La ou je diverge avec l auteur c est sur le fait que l endettement a surtout ete beneficiaire a la bourgeoisie ou les classes intermediaires. Les 2 plus gros postes de depenses sont le paiement des pensions de retraite puis les soins medicaux (on atteint deja 50 % des depenses). Certes les soins medicaux permettent de payer les chirurgiens et les grosses pensions permettent a certains retraités de mener grand train mais c est quand meme pas la que la bourgeoisie tire le gros de ses moyens.
    A mon avis au lieu de raisonner par classes sociales, on devrait raisonner par classe d age. La periode des deficits (1975-2024) a ete une periode qui a consisté a privilegier les baby boomers au depend des generations d apres. Elle a payé moins d impots qu elle aurait du, elle a depensé essentiellement dans du social au lieu d investir et a cree des dettes a rembourser par la generation qui lui succede. C est pas pour rien que quand macron entreprend un rafistolage des retraites (on peut pas appeler une reforme un truc qui ne regle aucun probleme), il repousse l age de 2 ans pour les gens neés apres 1966 et augmente de 5 % les pensions de ceux qui sont DEJA retraités
     
    PS: pour reduire reellement les depenses il faut en effet decider ce qu on doit garder, ce qu on doit developper et ce qu on doit abandonner (aka soit il y a un clientele pret a payer et le marché y pourvoira soit ca disparaitra). La methode du rabot utilisé depuis 40 ans est la pire methode qui soit car elle ne fait aucun choix rationnel. Par contre je doute qu il soit impossible d optimiser le fonctionnement de l etat. Rien que pour l’anecdote, le monde publie un article sur le projet de budget et l illustre par une photo du ministre qui sort de la voiture dans la cour de l elysee. On y voit donc le ministre et … une personne qui lui tient un parapluie pour qu il ne se mouille pas… Supprimer les postes d ouvreur de porte et de porte parapluie ne va pas supprimer le deficit mais ca indique bien qu il y a quand meme pas mal de gens payés a des occupations pour le moins discutables

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Tout a fait d accord avec le texte.]

      Aaargh ! Que vont dire mes relations…

      [Nous dépensons bien plus que nous produisons et ce depuis 50 ans. On a pu maintenir l’illusion avec l’endettement mais on arrive au bout de cette logique. La seule façon d’en sortir sera une chute du niveau de vie de la population pour retrouver un équilibre]

      Vous me direz assez vite je pense dans le raisonnement que par « population » on entend « les couches populaires ». Car on ne peut pas faire « chuter le niveau de vie des riches » parce qu’ils iront avec leurs capitaux voir ailleurs. CQFD. Est-ce que je me trompe ?

      Voici donc de retour « l’économie du sacrifice » si bien analysée par Henri Guaino. « La seule façon » – on croirait entendre Thatcher et son « there is no alternative » – serait donc une « chute du niveau de vie de la population ». Curieusement, vous excluez l’autre façon naturelle de retrouver l’équilibre : produire plus.

      [Là ou je diverge avec l’auteur c’est sur le fait que l’endettement a surtout été bénéficiaire a la bourgeoisie ou les classes intermédiaires. Les 2 plus gros postes de dépenses sont le paiement des pensions de retraite puis les soins médicaux (on atteint déjà 50 % des dépenses). Certes les soins médicaux permettent de payer les chirurgiens et les grosses pensions permettent a certains retraités de mener grand train mais c’est quand même pas la que la bourgeoisie tire le gros de ses moyens.]

      Il y a une faute de raisonnement ici. Il ne vous aura pas échappé que si les retraites et la couverture santé sont les plus importants, c’est surtout parce qu’ils touchent les catégories les plus nombreuses : les retraites sont perçues par un quart de nos concitoyens, les soins médicaux concernent la totalité de la population. Mais lorsqu’on regarde ces dépenses, on remarque qu’elles ne sont pas régulièrement reparties. Ainsi, par exemple, les cadres supérieurs et les bourgeois ont une espérance de vie de dix ans supérieurs aux ouvriers. Ils jouissent donc de leurs pensions sur une durée double, alors qu’ils cotisent sur la même durée. Et de même, un cadre a beaucoup plus de chances de vivre aux âges qui nécessitent des soins nombreux et coûteux qu’un ouvrier. Il n’est donc pas déraisonnable de dire que le financement par la dette du régime de retraites ou de la protection santé se fait au bénéfice des classes intermédiaires et de la bourgeoisie.

      [A mon avis au lieu de raisonner par classes sociales, on devrait raisonner par classe d’âge. La période des déficits (1975-2024) a été une période qui a consisté à privilégier les baby-boomers au dépend des générations d’après.]

      Admettons. Mais parmi les baby-boomers ouvriers nés en 1945, plus d’un sur deux n’a pas touché la pension qui lui était due à partir de 2005, alors que deux cadres sur trois l’ont touchée pendant dix ans et plus. Le privilège accordé aux baby-boomers n’a donc pas touché TOUS les baby-boomers… derrière ce « privilège » accordé aux baby-boomers se cache en fait un privilège accordé aux classes intermédiaires. Pourquoi croyez-vous que l’on n’ait jamais voulu différentier l’âge de départ en fonction de la pénibilité, pire, qu’on ait cherché à aligner les âges de la retraite dans les professions où cette différentiation existait ?

      [Elle a payé moins d’impôts qu’elle aurait dû,]

      Pourriez-vous être plus spécifique ?

      [elle a dépensé essentiellement dans du social au lieu d’investir et a créé des dettes à rembourser par la génération qui lui succède.]

      Je ne vois pas très bien en quoi elle aurait « dépensé dans du social au lieu d’investir ». Sauf à laisser mourir de faim les chômeurs, il fallait bien faire face au chômage de masse. Mais je n’ai pas l’impression que la couverture sociale dont bénéficient les plus modestes soit aujourd’hui meilleure qu’elle ne l’était dans les années 1960. Je pense que le véritable arbitrage n’a pas été entre investissement et dépense sociale, mais entre investissement et consommation.

      [C est pas pour rien que quand macron entreprend un rafistolage des retraites (on peut pas appeler une reforme un truc qui ne regle aucun probleme), il repousse l age de 2 ans pour les gens neés apres 1966 et augmente de 5 % les pensions de ceux qui sont DEJA retraités]

      Que penseriez-vous d’une réforme qui mettrait l’âge de la retraite à 60 ans pour les ouvriers et à 70 ans pour les cadres et professions libérales, de manière à ce que chacun touche sa retraite pendant la même durée ? Voilà que permettrait de rétablir l’équilibre d’une manière juste… mais vous auriez tout de suite contre vous les classes intermédiaires. L’âge uniforme de départ à la retraite est un moyen d’assurer un transfert des couches populaires vers les classes supérieures. Un scandale que personne ne dénonce… je me demande bien pourquoi !

      [PS: pour réduire réellement les dépenses il faut en effet décider ce qu’on doit garder, ce qu’on doit développer et ce qu’on doit abandonner (aka soit il y a un clientèle prête à payer et le marché y pourvoira soit ca disparaitra).]

      Tout à fait d’accord. L’ennui, c’est que ce « on » qui doit décider est difficile à trouver. Notre société est trop fragmentée pour qu’on puisse trouver facilement un consensus – comme ce fut le cas sous le gaullo-communisme – sur « ce qu’on garde » et « ce qu’on jette ». Les partis politiques « de massse » capables d’agir en tant que médiateurs n’existent plus.

      [Par contre je doute qu il soit impossible d’optimiser le fonctionnement de l’Etat.]

      Sans aucun doute. Mais ne vous faites pas trop d’illusions sur ce que cette « optimisation » peut vous faire gagner. L’idée qu’il y a beaucoup de gras dans l’Etat est un fantasme : d’une part, parce que les dépenses de fonctionnement de l’Etat ne représentent qu’une part très faible du budget, et d’autre part parce que sur beaucoup de fonctions on est à l’os.

      [Rien que pour l’anecdote, le monde publie un article sur le projet de budget et l’illustre par une photo du ministre qui sort de la voiture dans la cour de l’Elysée. On y voit donc le ministre et … une personne qui lui tient un parapluie pour qu’il ne se mouille pas… Supprimer les postes d ouvreur de porte et de porte parapluie ne va pas supprimer le déficit mais ça indique bien qu’il y a quand même pas mal de gens payés a des occupations pour le moins discutables]

      L’exemple choisi est un très mauvais exemple. L’Etat n’est pas seulement un pourvoyeur de services, il a une fonction symbolique. Et cette fonction implique un protocole. Si le ministre arrive à l’Elysée en métro, s’il s’habille en sport et est accueilli à son arrivée comme le plombier, il est difficile de maintenir le sentiment que le ministre est une personne importante, que le travail qu’il fait est essentiel, qu’il mérite un respect particulier. Pour vous donner un exemple simple : on pourrait économiser pas mal d’argent en enlevant les drapeaux tricolores de tous les bâtiments et monuments publics. Il faut acheter les drapeaux, les laver, les installer… Seriez-vous d’accord ?

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Que penseriez-vous d’une réforme qui mettrait l’âge de la retraite à 60 ans pour les ouvriers et à 70 ans pour les cadres et professions libérales, de manière à ce que chacun touche sa retraite pendant la même durée ? Voilà que permettrait de rétablir l’équilibre d’une manière juste… (…). Un scandale que personne ne dénonce… je me demande bien pourquoi !]
         
        En effet, c’est idée semble très juste in fine. Personne ne l’a jamais suggéré. Moi aussi je me demande bien pourquoi.
         
        [Si le ministre arrive à l’Elysée en métro (…) il est difficile de maintenir le sentiment que le ministre est une personne importante, que le travail qu’il fait est essentiel]
         
        C’est le cas en Suède, où les ministres prennent les transports en commun. Notre pompe monarchique choquerait sans doute dans ces contrées. Vous allez probablement dire que la différence de culture, de religion l’explique.
        Cela dit, je pense que sans “l’ouvreur de porte” pour la voiture du ministre et sans celui qui lui tient le parapluie, la fonction du ministre n’apparaitrait pas moins importante, et cela aurait l’avantage de montrer, au moins symboliquement, que l’argent n’est pas gaspillé pour des choses complètement futiles. On est là dans le symbole pur, puisqu’évidemment la dette ne sera pas résorbée par ces mesures “de décorum” supprimé. Vous-même dites souvent que les symboles sont importants. Celui de l’exemplarité ne l’est-il pas ?
        Par exemple, quand j’entends des sénateurs ou des députés expliquer qu’il faut se serrer la ceinture alors qu’ils se sont auto-voté une augmentation substantielle (plusieurs centaines d’euros) de leur frais de mandat il y a quelques mois ; ou que l’Elysée a finalement décidé de ne pas augmenter son budget – et non pas le réduire -, alors que dans le même temps on rogne sur de plus en plus de choses, la pilule pas mal chez moi. Le serrage de ceinture pour les politiciens attendra…

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [« Que penseriez-vous d’une réforme qui mettrait l’âge de la retraite à 60 ans pour les ouvriers et à 70 ans pour les cadres et professions libérales, de manière à ce que chacun touche sa retraite pendant la même durée ? Voilà que permettrait de rétablir l’équilibre d’une manière juste… (…). Un scandale que personne ne dénonce… je me demande bien pourquoi ! » En effet, c’est idée semble très juste in fine. Personne ne l’a jamais suggéré. Moi aussi je me demande bien pourquoi.]

          Et de la même manière, si demain on aligne la pension moyenne des femmes sur celle des hommes, il faudrait doubler leurs cotisations : après tout, elles touchent en moyenne deux fois plus longtemps leurs pensions ! Là encore, personne n’a proposé cette mesure de justice.

          [« Si le ministre arrive à l’Elysée en métro (…) il est difficile de maintenir le sentiment que le ministre est une personne importante, que le travail qu’il fait est essentiel » C’est le cas en Suède, où les ministres prennent les transports en commun.]

          Oui. Et vous noterez que la Suède a cessé de se concevoir comme une puissance depuis le XVIème siècle. On ne peut que se demander si ces deux questions ne sont pas liées… Le protocole est aussi un moyen de projeter l’image qu’on a de soi-même. Il faut dire aussi que selon les traditions, la pompe n’est pas mise au même endroit. En Grande Bretagne, le premier ministre vit et travaille dans une maison semblable à d’autres et se déplace sans protocole particulier, mais le chef de l’Etat est, lui, entouré d’un protocole extrêmement rigoureux.

          [Notre pompe monarchique choquerait sans doute dans ces contrées. Vous allez probablement dire que la différence de culture, de religion l’explique.]

          Pas seulement. C’est surtout l’image qu’on veut projeter qui est différente. Le protocole vous dit en général ce qu’un peuple attend de ses gouvernants. Chez les Suédois, on ne demande pas aux gouvernants d’être exceptionnels. Au contraire, ceux-ci s’en font une fierté d’être « comme tout le monde ». On leur pardonne facilement d’ailleurs l’incompétence, mais on ne leur pardonne pas une dérive personnelle – comme par exemple payer un chocolat avec l’argent public. Les Français, au contraire, considèrent leur pays comme exceptionnel et exigent donc des gouvernants exceptionnels. C’est pourquoi ils sont prêts à pardonner pas mal d’écarts personnels, mais exigent une compétence.

          [Cela dit, je pense que sans “l’ouvreur de porte” pour la voiture du ministre et sans celui qui lui tient le parapluie, la fonction du ministre n’apparaitrait pas moins importante, et cela aurait l’avantage de montrer, au moins symboliquement, que l’argent n’est pas gaspillé pour des choses complètement futiles.]

          Mais est-ce « futile » ? C’est là où nous ne sommes pas d’accord. Je me souviens de mes professeurs, qui venaient au lycée en costume avec une cravate. Ils auraient parfaitement pu venir en jean et t-shirt, et cela leur aurait couté certainement moins cher. Etait-ce pour autant une dépense « futile » ? Je ne le crois pas. Qu’on fasse pour un ministre un geste qu’on ne fait pour personne d’autre, cela permet de transmettre un message. Et le fonctionnement de la cité a besoin de ces messages, qui permettent à chacun de situer l’autre dans une échelle d’importance et de mérite. Qu’on pavoise les bâtiments publics lors de la fête nationale, est-ce une « dépense futile » ? Je vous laisse répondre…

          [On est là dans le symbole pur, puisqu’évidemment la dette ne sera pas résorbée par ces mesures “de décorum” supprimé. Vous-même dites souvent que les symboles sont importants. Celui de l’exemplarité ne l’est-il pas ?]

          Pour moi, certainement pas. Cette idée que les politiques doivent être des “exemples” de vertu est une idée qui nous vient de la tradition protestante et du monde anglo-saxon, et que je rejette absolument. On n’élit pas des gens pour donner l’exemple, on les élit pour conduire le char de l’Etat dans le sens de l’intérêt général. Je préfère infiniment le pécheur qui fait la grandeur de la France, plutôt qu’un saint qui ne laisse rien derrière lui. Nos grands hommes – Napoléon, Louis XIV, Colbert, Richelieu – n’étaient certainement pas des exemples de vertu.

          Et puis, exemplarité de quoi, exactement ? Prenons l’exemple du ministre qui arriverait en transport en commun plutôt qu’une voiture de fonction. Même en laissant de côté la question de la sécurité, le fait de prendre les transports en commun vous fait perdre du temps : dans sa voiture, un ministre travaille, consulte ses dossiers, discute avec ses collaborateurs, toutes choses impossibles dans le métro. Autrement dit, un ministre qui prend le métro n’est-il pas un « symbole » d’un ministre qui a du temps à perdre, qui n’est pas tout concentré sur sa tâche ? Alors, prendre le métro transmet quel « exemple » ? Celui d’un ministre économe des deniers publics, ou un ministre qui peut se permettre de perdre son temps ?

          Les anglais ont une très belle formule : « familiarity breeds contempt » (« la familiarité produit le mépris »). Le respect des institutions implique de créer une forme de distance, et ce sont les gestes protocolaires – comme celui d’accueillir une personne dans le perron, ou de le protéger de la pluie – qui marquent cette distance.

          [Par exemple, quand j’entends des sénateurs ou des députés expliquer qu’il faut se serrer la ceinture alors qu’ils se sont auto-voté une augmentation substantielle (plusieurs centaines d’euros) de leur frais de mandat il y a quelques mois ; ou que l’Elysée a finalement décidé de ne pas augmenter son budget – et non pas le réduire -, alors que dans le même temps on rogne sur de plus en plus de choses, la pilule pas mal chez moi. Le serrage de ceinture pour les politiciens attendra…]

          Vous donnez des exemples qui n’ont aucun rapport avec le protocole. Augmenter ou diminuer un budget ou une indemnité n’a rien de protocolaire si on ne sait pas à quoi précisément servira la rallonge. Par contre, si on vous explique qu’on rallonge l’indemnité des députés pour leur permettre de se présenter correctement habillés dans l’hémicycle, si on explique que l’Elysée a besoin d’une rallonge pour restaurer telle ou telle pièce du patrimoine pour pouvoir recevoir correctement les chefs d’Etat étrangers, par exemple, là il y aurait un symbole… et je suis sûr que les Français l’accepteraient. Mais une rallonge qui peut autant servir à payer le type qui accueille avec le parapluie qu’un sondage de popularité de Macron, ce n’est pas tout à fait la même chose.

          • Carloman dit :

            @ Descartes,
             
            [Oui. Et vous noterez que la Suède a cessé de se concevoir comme une puissance depuis le XVIème siècle.]
            Depuis le XVI° siècle? Vous êtes dur! La Suède de Gustave Adolphe (mort en 1632) impose sa suprématie en Europe du nord (y compris au nord de l’Allemagne). Et si on peut reprocher à Charles XII (1697-1718) d’avoir échoué, notamment en s’attaquant à la Russie de Pierre le Grand en plein essor, on ne saurait lui retirer une volonté inébranlable de faire de son pays une grande puissance…
             
            C’est après la Guerre du Nord et la mort de Charles XII que la volonté de puissance suédoise s’assoupit dans la suite du XVIII° siècle.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Depuis le XVI° siècle? Vous êtes dur! La Suède de Gustave Adolphe (mort en 1632) impose sa suprématie en Europe du nord (y compris au nord de l’Allemagne). Et si on peut reprocher à Charles XII (1697-1718) d’avoir échoué, notamment en s’attaquant à la Russie de Pierre le Grand en plein essor, on ne saurait lui retirer une volonté inébranlable de faire de son pays une grande puissance…]

              La Suède de Gustave Adolphe avait certainement une vision de puissance. Mais ce n’était déjà plus le cas de Charles XII, dont la politique était essentiellement défensive devant l’alliance constituée par la Russie, le Danemark et la Saxe à partir de 1699.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Depuis le XVI° siècle? Vous êtes dur! La Suède de Gustave Adolphe (mort en 1632) impose sa suprématie en Europe du nord (y compris au nord de l’Allemagne). Et si on peut reprocher à Charles XII (1697-1718) d’avoir échoué, notamment en s’attaquant à la Russie de Pierre le Grand en plein essor, on ne saurait lui retirer une volonté inébranlable de faire de son pays une grande puissance…]

              La Suède de Gustave Adolphe avait certainement une vision de puissance. Mais ce n’était déjà plus le cas de Charles XII, dont la politique était essentiellement défensive devant l’alliance constituée par la Russie, le Danemark et la Saxe à partir de 1699.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Et de la même manière, si demain on aligne la pension moyenne des femmes sur celle des hommes, il faudrait doubler leurs cotisations : après tout, elles touchent en moyenne deux fois plus longtemps leurs pensions ! Là encore, personne n’a proposé cette mesure de justice.]
             
            Encore une fois, c’est très juste. Très “novateur” aussi par rapport aux diverses solutions qui sont proposées. Très disruptif également. Bref, beaucoup trop audacieux, soit risqué, pour quiconque le proposerait. C’est je suppose la raison qui explique que jamais cette mesure n’a été ne serait-ce que mise sur la table.
             
            [Et vous noterez que la Suède a cessé de se concevoir comme une puissance depuis le XVIème siècle. On ne peut que se demander si ces deux questions ne sont pas liées]
             
            Intéressant parallèle. Peut-être le sont-ils en effet. Cela donne à réfléchir.
             
            [Mais est-ce « futile » ? C’est là où nous ne sommes pas d’accord. Je me souviens de mes professeurs, qui venaient au lycée en costume avec une cravate. Ils auraient parfaitement pu venir en jean et t-shirt (…) « familiarity breeds contempt »].
            Très belle formule. J’abonde dans votre sens. Le seul de mes professeurs de lycée qui m’a vraiment marqué était celui de physique-chimie en classe de première. C’était en quelque sorte un professeur “à l’ancienne”, il était d’ailleurs proche de la retraire, cheveux bien blancs. Lui aussi venait en costume (c’était le seul à la faire parmi tous mes professeurs) et nous vouvoyait. Outre le fait qu’il était excellent pédagogue, je pense rétrospectivement que l’attention et la déférence qu’il semblait installer naturellement venaient aussi de ce “décorum”. Je vais regarder le gars qui “ouvre la porte” de la voiture d’un autre œil.
             
            [On n’élit pas des gens pour donner l’exemple, on les élit pour conduire le char de l’Etat dans le sens de l’intérêt général. Je préfère infiniment le pécheur qui fait la grandeur de la France, plutôt qu’un saint qui ne laisse rien derrière lui. Nos grands hommes – Napoléon, Louis XIV, Colbert, Richelieu – n’étaient certainement pas des exemples de vertu].
            Certainement. C’est d’ailleurs la tradition française qui attend régulièrement que l’homme providentiel vienne nous sortir du marasme, là où le monde saxon et protestant y voit davantage une gouvernance collégiale.
            Notons qu’avec de Gaulle nous avions les deux : l’homme “qui en impose” et qui est la pour conduire le pays, en même temps qu’il paie son électricité et ses factures de téléphone sur ses deniers propres pour se montrer “exemplaire”, en tout cas selon la “légende”.
             
            [si on explique que l’Elysée a besoin d’une rallonge pour restaurer telle ou telle pièce du patrimoine pour pouvoir recevoir correctement les chefs d’Etat étrangers, par exemple, là il y aurait un symbole… et je suis sûr que les Français l’accepteraient.]
            Oui, c’est possible. Cela dit, je pense aussi que les gens y sont d’autant moins sensibles et l’acceptent d’autant plus difficilement que la situation économique du pays est difficile. Quand le soleil brille, chacun accepte que la pompe républicaine resplendisse, par temps de pluies répétées, c’est moins sûr.
            [Alors, prendre le métro transmet quel « exemple » ? Celui d’un ministre économe des deniers publics, ou un ministre qui peut se permettre de perdre son temps ?]
            Les deux sans doute.
             
            [Vous donnez des exemples qui n’ont aucun rapport avec le protocole]
            C’était un exemple pour l’exemplarité en ces temps de disette.
             

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Notons qu’avec de Gaulle nous avions les deux : l’homme “qui en impose” et qui est la pour conduire le pays, en même temps qu’il paie son électricité et ses factures de téléphone sur ses deniers propres pour se montrer “exemplaire”, en tout cas selon la “légende”.]

              Mais vous noterez que De Gaulle n’économisait pas sur le protocole. Autant il marquait le fait qu’il ne profitait pas de ses fonctions pour s’enrichir personnellement, autant en tant qu’incarnant une institution il tenait à être traité avec tous les égards dus à son rang. De Gaulle était « exemplaire » en ce qu’il séparait strictement le privé et le public. Mais il n’était nullement « exemplaire » lorsqu’il s’agissait de faire des économies.

              [Quand le soleil brille, chacun accepte que la pompe républicaine resplendisse, par temps de pluies répétées, c’est moins sûr.]

              Au contraire. C’est quand les choses sont dures que la « pompe républicaine » est la plus nécessaire. Cela a été rappelé par un autre commentateur : lorsque Londres était sous les bombardements, la reine-consort Elizabeth (mère d’Elizabeth II) allait rendre visite aux sinistrés élégamment habillée. Quand on lui demandait si ce geste était opportun dans une période de grande difficulté, elle répondait que c’était un geste de respect, que si les gens venaient lui rendre visite, ils essaieraient certainement de se mettre sur leur trente-un, et que c’était normal qu’elle fasse le même effort.

      • Manchego dit :

        @ Descartes et cdg
        ****Mais parmi les baby-boomers ouvriers nés en 1945, plus d’un sur deux n’a pas touché la pension qui lui était due à partir de 2005, alors que deux cadres sur trois l’ont touchée pendant dix ans et plus.***
        Et puis ces boomers ouvriers ils n’étaient pas aux 35 heures, ils n’avaient ni RTT ni télétravail, ils ont marné dur pour relever la France ruinée par la guerre 39-45. Je trouve misérable cette passion triste qui consiste à dénigrer et jalouser les anciens, passion triste qui se manifeste de plus en plus dans la “génération consommateurs”.
        ***Je ne vois pas très bien en quoi elle aurait « dépensé dans du social au lieu d’investir ».***
        Moi non plus je ne vois pas, au contraire j’observe que la génération boomers, et celle qui a précédé, ont laissé des institutions et des infrastructures dont nous bénéficions aujourd’hui (sécurité sociale, nucléaire, TGV, aérospatial, réseau routier, ports maritimes, réseau SNCF, barrages, progrès technologiques…). Je me demande même si actuellement on ne vit pas sur l’inertie des grands investissements transmis par les anciennes générations, sans avoir d’ambition et projets pour les renouveler.
         
         
         

        • Descartes dit :

          @ Manchego

          [Et puis ces boomers ouvriers ils n’étaient pas aux 35 heures, ils n’avaient ni RTT ni télétravail, ils ont marné dur pour relever la France ruinée par la guerre 39-45. Je trouve misérable cette passion triste qui consiste à dénigrer et jalouser les anciens, passion triste qui se manifeste de plus en plus dans la “génération consommateurs”.]

          En fait, il y a une faute de raisonnement dans ce discours qui prétend opposer les générations. Il est vrai que la génération qui avait vingt ans en 1968 a eu une jeunesse dorée : les séquelles de la guerre avaient largement disparu, les difficultés de la fin des « trente glorieuses » ne se manifestaient pas encore. Il est vrai aussi qu’ils ont hérité jeunes et vécu vieux, ce qui leur a permis de jouir d’un patrimoine relativement important. Mais ceux qui avaient vingt ans en 1968 en ont eu trente en 1978, et ont dû donc faire face à la désindustrialisation, au chômage de masse. Et ce ne sont pas eux qui ont vraiment profité de la retraite à 60 ans, vu que l’âge de départ a été relevé à partir de la réforme de 2010, et que le nombre de trimestres exigés avait déjà été relevé à 41 et demi. Ce n’est pas eux non plus qui ont bénéficié des 35 heures.

          Tous ces raisonnements ont en commun un discours décliniste, qui veut que « pour la première fois une génération vit (matériellement) moins bien que la précédente ». C’est très largement inexact : d’un point de vue strictement matériel, les jeunes d’aujourd’hui ne vivent pas moins bien que leurs ainés au même âge. Ils sont mieux soignés, ils font des études plus longues, ils vivent dans des appartements plus grands… et ne parlons même pas des divertissements.

          [Moi non plus je ne vois pas, au contraire j’observe que la génération boomers, et celle qui a précédé, ont laissé des institutions et des infrastructures dont nous bénéficions aujourd’hui (sécurité sociale, nucléaire, TGV, aérospatial, réseau routier, ports maritimes, réseau SNCF, barrages, progrès technologiques…). Je me demande même si actuellement on ne vit pas sur l’inertie des grands investissements transmis par les anciennes générations, sans avoir d’ambition et projets pour les renouveler.]

          Je pense que c’est effectivement le cas. Quand on pense aux boomers, on pense aux soixante-huitards. Mais a côté de ces inutiles il y a eu beaucoup de gens qui ont beaucoup bossé. Les ingénieurs qui ont construit le programme nucléaire ou le TGV étaient pour beaucoup des « boomers »… C’est plutôt la vague suivante, celle qui avait vingt ans en 1981, qui a fait tant de dégâts…

        • cdg dit :

          [Et puis ces boomers ouvriers ils n’étaient pas aux 35 heures, ils n’avaient ni RTT ni télétravail, ils ont marné dur pour relever la France ruinée par la guerre 39-45.]Les boomers sont ne entre 1945 et 1965. Il va falloir m expliquer comment ils ont pu relever la France entre 45 et 50. Au mieux ils étaient nourrissons, au pire pas né. Ils n ont meme pas été en Algerie (les derniers sont nés en 1942 et a cause d une affreuse discrimination sexiste comme dirait S Rousseau c était que des males blancs soit moins de 50%)En ce qui concerne les RTT et le reste, j ai eut la chance de travailler a partir du milieu des annees 80. Franchement je suis prêt a échanger les 35h (théoriques, a part dans l administration je doute qu il y ait grand monde qui y soit) contre les 39 h de l époque. Le rythme de travail c est clairement intensifié et « grâce » aux outils modernes vous vous retrouver a travailler le soir, le WE et en vacances …[Moi non plus je ne vois pas, au contraire j’observe que la génération boomers, et celle qui a précédé, ont laissé des institutions et des infrastructures dont nous bénéficions aujourd’hui (sécurité sociale, nucléaire, TGV, aérospatial, réseau routier, ports maritimes, réseau SNCF, barrages, progrès technologiques…).]Vous remarquerez que les gros de ce que vous citez a été fait par les parents dedits boomers (la secu date de 45, les barrages c est les années 50, le TGV a été concu entre 66 et 74).
          Par contre on doit aux  boomers mai 68, l election de Mitterrand ou internet (bon c était concu par des boomers americains mais comme j ai rien trouve de significatif et positif pour les boomers francais)Ma critique était pas tant que les boomers n ont rien fait (meme si leur apport a mon avis est faible) que sur le fait qu ils usent de leur poids démographique et electoral pour saigner les autres generations. On le voit encore en ce moment. A l assemblee nationale les députés tempetent car le gouvernement propose de décaler la hausse des pensions de retraite mais aucun n est gêné pour geler le point d indice des fonctionnaires (qui eux travaillent) ou par le fait que les retraites augmenteront plus que les salaires des actifs du privé.Si comme l auteur de ce blog on veut reindustrialiser la france et relancer la production, je vois pas comment on peut faire si la partie oisive de la France decide de prélever toujours plus et que les efforts c est pour les autres (vu la démographie rien qu un maintien des pensions implique une augmentation de leur poids total sur l economie). Pour ceux qui revent de faire rendre gorge au capital, je signale juste qu il y a environ 3 millions d actionnaires en france et 17 millions de retraites, juste 6 fois plus ….

          • Descartes dit :

            @ cdg

            [En ce qui concerne les RTT et le reste, j ai eut la chance de travailler a partir du milieu des années 80. Franchement je suis prêt a échanger les 35h (théoriques, a part dans l’administration je doute qu il y ait grand monde qui y soit) contre les 39 h de l’époque.]

            Décidément, les maux de « l’administration » sont chez vous une idée fixe. Je peux vous rassurer, les 35 heures sont aussi « théoriques » dans l’administration qu’ailleurs. Pour ne vous citer que mon cas personnel, depuis que je suis dans l’administration, je ne suis jamais arrivé à utiliser mes RTT. Je me les fais systématiquement payer, ce qui au fond revient à pratiquer les 39 heures. Et encore, je suis gentil, parce que lorsque je regarde mon temps de travail, j’ai rarement fait des semaines de moins de 48 heures. Et je ne suis pas le seul : dans les services que j’ai eu l’honneur de diriger, c’était assez systématique pour les cadres.

            [Le rythme de travail s’est clairement intensifié et « grâce » aux outils modernes vous vous retrouver à travailler le soir, le WE et en vacances …]

            Ce n’est que partiellement vrai. Encore une fois pour vous citer mon cas personnel, on n’a pas attendu les « outils modernes » pour amener du travail à la maison. Dans certains métiers, je pense par exemple à la médecine hospitalière, on était médecin 24/24, 365 jours par an, et on portait le beeper sur soi en permanence bien avant l’invention d’internet. Mais il est vrai que les outils de communication ont effacé pour beaucoup de cadres la frontière entre l’espace privé et l’espace professionnel.

            [« Moi non plus je ne vois pas, au contraire j’observe que la génération boomers, et celle qui a précédé, ont laissé des institutions et des infrastructures dont nous bénéficions aujourd’hui (sécurité sociale, nucléaire, TGV, aérospatial, réseau routier, ports maritimes, réseau SNCF, barrages, progrès technologiques…). »] Vous remarquerez que les gros de ce que vous citez a été fait par les parents dedits boomers (la secu date de 45, les barrages c est les années 50, le TGV a été concu entre 66 et 74).]

            Vous avez raison pour la sécurité sociale, et en partie pour les barrages. Mais pour le reste, c’est moins évident. Les jeunes ingénieurs nés en 1945 avaient plus de vingt ans « entre 66 et 74 », et ont donc participé à la conception du TGV. Et la conception n’est pas tout : la construction du réseau TGV eut lieu à partir de 1976, et là les « boomers » ont joué tout leur rôle. Même chose pour le programme nucléaire, dont la construction commence en 1976, ou les fusées qu’on développe à partir des années 1970.

            [Par contre on doit aux boomers mai 68, l’élection de Mitterrand (…)]

            Non. Mitterrand a gagné grâce aux voix des « djeunes », dont beaucoup votaient pour la première fois, nés dans les années 1960. On n’est plus chez les boomers…

            [Ma critique était pas tant que les boomers n’ont rien fait (même si leur apport a mon avis est faible) que sur le fait qu’ils usent de leur poids démographique et électoral pour saigner les autres générations.]

            Je pense que c’est un effet d’optique. Les « boomers » correspondent aussi à la génération où les classes intermédiaires ont pris le pouvoir. On a donc tendance à voir ce qu’elles font pour défendre leurs intérêts de classe comme une question de génération, alors que c’est une question de classe.

            [On le voit encore en ce moment. A l’assemblée nationale les députés tempêtent car le gouvernement propose de décaler la hausse des pensions de retraite mais aucun n est gêné pour geler le point d’indice des fonctionnaires (qui eux travaillent) ou par le fait que les retraites augmenteront plus que les salaires des actifs du privé.]

            On peut difficilement comparer la dynamique des retraites et celle des salaires. Prenez les fonctionnaires : même si le point d’indice n’augmente pas, le GVT est suffisant pour que les salariés ne perdent pas de pouvoir d’achat. Le problème des retraités est qu’il n’existe pas de GVT dans leur cas. En l’absence de revalorisation, les retraités perdent du pouvoir d’achat au rythme de l’inflation.

            [Si comme l’auteur de ce blog on veut réindustrialiser la France et relancer la production, je vois pas comment on peut faire si la partie oisive de la France décide de prélever toujours plus et que les efforts c’est pour les autres (vu la démographie rien qu’un maintien des pensions implique une augmentation de leur poids total sur l’économie).]

            De leur poids absolu, oui, de leur poids relatif, non. Si la productivité augmente plus vite que l’espérance de vie, il n’y a aucune raison pour que le poids relatif des retraites à pouvoir d’achat constante augmente. Vous faites le lien entre deux choses indépendantes : d’un côté il y a la productivité et l’investissement, qui font la taille du gâteau. De l’autre, la manière dont ce gâteau est partagé entre les différents âges de la vie.

            [Pour ceux qui rêvent de faire rendre gorge au capital, je signale juste qu’il y a environ 3 millions d’actionnaires en France et 17 millions de retraites, juste 6 fois plus ….]

            Oui, et pourtant on arrive plus facilement à faire rendre gorge aux retraités qu’aux actionnaires… mystères de la démocratie libérale avancée.

          • Manchego dit :

            @ cdg
            ***Il va falloir m expliquer comment ils ont pu relever la France entre 45 et 50.***
            Il a fallu plus de cinq ans pour relever la France. Par exemple, les barrages ne sont pas tous terminés dans les années 50 comme vous le dites. Grand Maison (qui est un chef d’oeuvre hydraulique d’une puissance de 1800 MW et capable de fonctionner en STEP) c’est les années 80 avec uniquement des boomers (de l’ingénieur au manoeuvre…), et puis pas mal de boomers encore pour la centrale hydraulique de GAVET dans la première décennie du 21eme siècle.
            Vous savez, chaque génération apporte sa pierre et les suivantes en profitent et améliorent ce qui leur a été transmis. C’est comme ça depuis que homo sapiens est sur terre. Cette guerre de générations que certains veulent instaurer (vous n’êtes pas le seul, c’est une petite musique qui prend de l’ampleur) est absurde et contre productive.
             

            • Descartes dit :

              @ Manchego

              [Vous savez, chaque génération apporte sa pierre et les suivantes en profitent et améliorent ce qui leur a été transmis. C’est comme ça depuis que homo sapiens est sur terre. Cette guerre de générations que certains veulent instaurer (vous n’êtes pas le seul, c’est une petite musique qui prend de l’ampleur) est absurde et contre productive.]

              Tout à fait d’accord. J’irais même plus loin: on parle de “génération” comme si l’expérience des gens nés dans la même période était la même, indépendamment de la classe sociale à laquelle ils appartiennent. Les “boomers” des classes intermédiaires ont eu la vie belle: ils ont pu faire de bons études, ils ont eu une jeunesse dorée grâce au travail de leurs parents, le marché du travail leur tendait les bras (le chômage, pendant les années 70-90 ne touchait pas encore les classes intermédiaires). Mais est-ce le cas des “boomers” ouvriers, confrontés au chômage de masse dès les années 1970, et qui pour cette raison n’ont souvent pas les trimestres pour prendre leur retraite ?

              Cette “guerre des générations” est en fait une “guerre” interne aux classes intermédiaires. C’est le cri des héritiers putatifs qui trouvent que leurs ancêtres ne leur laissent pas la place assez tôt…

      • cdg dit :

        [Vous me direz assez vite je pense dans le raisonnement que par « population » on entend « les couches populaires ». Car on ne peut pas faire « chuter le niveau de vie des riches » parce qu’ils iront avec leurs capitaux voir ailleurs. CQFD. Est-ce que je me trompe ? ]
        Vous vous trompez. Par population je parle de la population totale, riche ou non
        En ce qui concerne les « riches » il faut déjà savoir de qui on parle. Car entre B Arnault et la personne qui gagne 4000 €/mois (le riche qu’ il faut taxer selon le NFP) il y a une immense difference. Mais de toute façon la chute du niveau de vie de la population en général ne va pas épargner le propriétaire de supermarchés ou le dirigeant de PME qui va vendre moins et avec une marge plus faible car les acheteurs auront moins d argent … Et même l odieux actionnaire aura moins de dividende car l’entreprise fera moins de bénéfice
        Apres c est sûr que vu que LVMH fait 7% de son CA en France, B Arnault ne va pas être trop impacté mais les propriétaires de multinationales qui font une fraction infime de leur CA en France ça doit être 0.0001% de la population francaise
        [Voici donc de retour « l’économie du sacrifice » si bien analysée par Henri Guaino. « La seule façon » – on croirait entendre Thatcher et son « there is no alternative » – serait donc une « chute du niveau de vie de la population ». Curieusement, vous excluez l’autre façon naturelle de retrouver l’équilibre : produire plus.]
        En France on a déjà un probleme :  on a plus les usines pour produire plus. Et meme quand on les a , on ne peut produire plus car ca ne se vend pas (trop cher, pas adapte a la demande …) . Les difficultes de l automobile en sont un exemple parfait. Les usines peuvent produire bien plus mais a quoi bon produire une voiture qui ne se vend pas ?
        On pourra aussi remarquer que l option de produire plus pour résoudre nos problèmes a été tentee plusieurs fois (en 81 par une relance de la consommation, par Chirac plus tard et meme par Macron avec sa tentative de reindustrialisation). Chaque fois ca a été un echec. On peut disserter sur les causes et comment faire mieux la prochaine fois mais penser s en sortir en augmentant la production sans résoudre nos autres problèmes c est un peu comme avoir un tuyau percé et dire qu’ il suffit dd’augmenter le debit pour avoir plus d’eau
        [Il n’est donc pas déraisonnable de dire que le financement par la dette du régime de retraites ou de la protection santé se fait au bénéfice des classes intermédiaires et de la bourgeoisie.]
        L argument n est pas faux mais doit être nuancé. Par ex la duree de vie a la retraite dépend de la categorie sociale mais aussi du sexe. Allez vous écrire que la dette des retraites est due aux femmes ? (attention S Rousseau va vouloir vous pendre haut et court)
        Plus sérieusement, pour les retraites, les cotisations étant plus élevées je suis pas sur que ca soit vraiment une source du deficit. Pour l allocation chomage par ex, le fait que les cadres paient plus de cotisations étaient bien plus rentable que leur faire payer moins et raboter leur indemnités (meme si personnellement je pense qu il est anormal qu on puisse toucher plus que le smic au chômage (cf plus loin))
         
        Pour la sécurité sociale c est encore plus complique : ce qui coute cher c est les longues maladies (type cancer). Si vous avez 90 ans et vous mourrez dans votre lit d une crise cardiaque vous allez couter moins cher qu un fumeur qui a eut un cancer qui l a tué a 65 ans mais qui a duré 1 an. Empiriquement je dirai que les habitants des grandes villes coute plus cher que les campagnards (qui s ils font un AVC par ex seront mort avant d être evacué a l hôpital).
        [Mais parmi les baby-boomers ouvriers nés en 1945, plus d’un sur deux n’a pas touché la pension qui lui était due à partir de 2005]
        D ou tenez vous ce chiffre ? 50 % de mort a 60 ans c est énorme (et ca correspond pas du tout a ce que j ai dans mon entourage alors qu ils sont nes avant 45 et que ca devrait être pire)
        Si vous regardez https://calculis.net/esperance-de-vie vous avez une esperance de vie de pres de 80 ans pour quelque un ne en 45 et qui a atteint 25 ans (on elimine alors les maladies infantiles). Certes le site ne donne pas de ventilation en fonction de la profession mais si 50 % des ouvriers seraient mort a 60 ans ca devrait se voir sur les statistiques generales vu leur nombre
        [Pourquoi croyez-vous que l’on n’ait jamais voulu différentier l’âge de départ en fonction de la pénibilité]
        Parce que c est difficile d estimer la penibilite d un travail, qu une personne peut avoir un travail pénible aujourd hui mais plus demain (par ex defoncer la route au marteau piqueur aujourd hui puis chauffeur du camion qui amene le goudron demain)
        Et en plus un travail qui est pénible aujourd hui peu ne plus l être grâce au progrès : l exemple le plus connu c est les chauffeurs de locomotives. Vous imaginez allez expliquer a la SNCF que demain les conducteurs ne partiront qu a 65 au lieu de 50 ans car ils n ont pas vecu la traction a vapeur ? vous allez avoir une greve XXL (sans compter que c est complique a appliquer : quid de la personne qui a fait juste X mois sur une locomotive a vapeur ?)
        [[Elle a payé moins d’impôts qu’elle aurait dû,]
        Pourriez-vous être plus spécifique ?]
        Si vous auriez eut un budget equilibre, il aurait fallu augmenter les impôts. Donc a partir de 1974 toutes les generations auraient du payer plus
        [Je ne vois pas très bien en quoi elle aurait « dépensé dans du social au lieu d’investir ». Sauf à laisser mourir de faim les chômeurs, il fallait bien faire face au chômage de masse. ]
        Entre laisser mourir de faim les chômeurs et payer des indemnités elevees il y a un monde. J ai personnellement été au chômage il y a 20 ans. J ai ete stupefait de voir combien j ai touche par mois (2300 €). Franchement je trouverai plus légitime que l indemnite chomage ne depasse pas le smic ce qui supprimerai toutes les discussion oiseuses sur le fait de ne pas avoir interet a retravailler (pour la petite histoire mon beau frere ne comprenait pas que je ne profite pas de la situation pour prendre un an de vacances aux frais des assedic)
        [ Je pense que le véritable arbitrage n’a pas été entre investissement et dépense sociale, mais entre investissement et consommation.]
        La consommation a été soutenue par la depense sociale. Si vous mettez l indemnite chômage au smic, les retraites plafonnnées a 2000 € et supprimez toutes les primes diverses et variees (rentree scolaire, prime pour le chauffage au mazout, au bois …) vous avez forcement une chute de la consommation
        [Que penseriez-vous d’une réforme qui mettrait l’âge de la retraite à 60 ans pour les ouvriers et à 70 ans pour les cadres et professions libérales, de manière à ce que chacun touche sa retraite pendant la même durée ?]
        Je serai pas contre, mais ca va être complique de mettre chacun dans une categorie. Prenez l exemple d un ouvrier qui par promotion interne est passe en fin de carriere cadre : 60 ou 70 ans ?
        Il y a beaucoup plus simple : une retraite de base qui soit au smic accessible a tous a partir de 40 ans de travail. Et chaque année supplementaire vous fait un % de smic en plus. Si vous être smicard, aucun interet a travailler plus longtemps mais si vous avez un job bien payé et pas trop fatiguant c est incitatif.
        {[PS: pour réduire réellement les dépenses il faut en effet décider ce qu’on doit garder, ce qu’on doit développer et ce qu’on doit abandonner (aka soit il y a un clientèle prête à payer et le marché y pourvoira soit ca disparaitra).]
        Tout à fait d’accord. L’ennui, c’est que ce « on » qui doit décider est difficile à trouver. Notre société est trop fragmentée pour qu’on puisse trouver facilement un consensus – comme ce fut le cas sous le gaullo-communisme – sur « ce qu’on garde » et « ce qu’on jette ». Les partis politiques « de massse » capables d’agir en tant que médiateurs n’existent plus.}
        Ca pourrait par ex être fait via referendum. C est ce qui est fait en suisse
        [L’exemple choisi est un très mauvais exemple. L’Etat n’est pas seulement un pourvoyeur de services, il a une fonction symbolique. Et cette fonction implique un protocole. Si le ministre arrive à l’Elysée en métro, s’il s’habille en sport et est accueilli à son arrivée comme le plombier, il est difficile de maintenir le sentiment que le ministre est une personne importante, que le travail qu’il fait est essentiel, qu’il mérite un respect particulier. }
        Pas du tout d accord. Employer des gens pour tenir des parapluies ou ouvrir des portes est de la pure gabegie et ne signale en aucun cas que le ministre est quelqu un d important et merite le respect. Le respect se gagne par ses résultats et son attitude, pas par une pompe surrannee. Vous croyez qu un ministre qui se fait pincer a consommer de la drogue (pas encore arrive, on en est juste aux députés) va inspirer le respect si sa drogue arrive portee par un hussier ? et je parle meme pas d un ministre qui laisse a son depart un trou de 1000 milliards qu il n a pas vu venir (bon comme ministre de l agriculture il ne savait déjà pas ce qu était un hectare donc pas de surprises sur ses capacites) .
        Comment voulez vous demander aux contribuable un effort si dans le meme temps vous maintenez une pompe dispendieuse ?
        [Pour vous donner un exemple simple : on pourrait économiser pas mal d’argent en enlevant les drapeaux tricolores de tous les bâtiments et monuments publics. Il faut acheter les drapeaux, les laver, les installer… Seriez-vous d’accord ?]
        A mon avis ca coute certainement nettement moins cher que les plantons ouvreur de portes et c est un symbole visible par tous et qui d un certain cote beneficie a tous, pas juste a l ego d une classe politique. J avais lu il y a longtemps le récit d une visite de N Sarkozy (alors ministre des finances) a Washington. Celui-ci était arrivé avec un gros deploiement de force et de personnel. Le journal expliquait que l année d avant a la meme reunion le ministre des finances était Francis Mer et que celui-ci était arrivé quasi seul (et si ma mémoire est bonne via un vol regulier). La difference entre Mer et Sarkozy ? l ego (si j étais mechant je dirait que Sarkozy a été un aussi bon ministre des finances que BLM)
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Vous me direz assez vite je pense dans le raisonnement que par « population » on entend « les couches populaires ». Car on ne peut pas faire « chuter le niveau de vie des riches » parce qu’ils iront avec leurs capitaux voir ailleurs. CQFD. Est-ce que je me trompe ? » Vous vous trompez. Par population je parle de la population totale, riche ou non]

          Ok, reprenons alors votre formule : « La seule façon d’en sortir sera une chute du niveau de vie de la population pour retrouver un équilibre ». Vous pensez vraiment que « la SEULE façon de s’en sortir » implique aussi de faire baisser le niveau de vie des riches ? Qu’on ne s’en sortira pas sans baisser le niveau de vie de Bolloré ou d’Arnault ?

          [En ce qui concerne les « riches » il faut déjà savoir de qui on parle. Car entre B Arnault et la personne qui gagne 4000 €/mois (le riche qu’ il faut taxer selon le NFP) il y a une immense difference.]

          Je n’aime pas cette idée de fixer un seuil de revenu (ou de patrimoine) au-dessus duquel on serait « riche », sans référence à l’origine de ce revenu, de ce patrimoine. Le revenu du capital et celui du travail ne sont pas pour moi équivalents, puisque le premier est issu d’un prélèvement injustifié sur le second. L’idée de « faire payer les riches » ne me séduit pas particulièrement. Personnellement, je pense qu’il faut faire payer TOUT LE MONDE à proportion de ses facultés contributives d’une part, de sa contribution au fonctionnement de la société d’autre part. Celui qui gagne 5000 € en travaillant contribue à la production, celui qui gagne 5000 € en dormant, non.

          [Mais de toute façon la chute du niveau de vie de la population en général ne va pas épargner le propriétaire de supermarchés ou le dirigeant de PME qui va vendre moins et avec une marge plus faible car les acheteurs auront moins d’argent … Et même l’odieux actionnaire aura moins de dividende car l’entreprise fera moins de bénéfice]

          C’est vous-même qui cherchiez à me convaincre que les grandes entreprises françaises faisaient leur beurre à l’étranger. Et plus le Français s’appauvrira, plus cela sera vrai. « L’odieux actionnaire » est donc relativement protégé…

          [Apres c’est sûr que vu que LVMH fait 7% de son CA en France, B Arnault ne va pas être trop impacté mais les propriétaires de multinationales qui font une fraction infime de leur CA en France ça doit être 0.0001% de la population francaise]

          Vous croyez ? Cela fait à peine 6000 personnes. Si mes chiffres sont exacts, une entreprise comme Total a bien plus d’actionnaires individuels que cela… et c’est sans compter sur ceux qui détiennent des actions à travers de véhicules tels que les SICAV… Mais bon, c’est là une question secondaire. Le point est que, sans même chercher à définir un seuil de « richesse », dans la « baisse du niveau de vie » que vous considérez comme la seule manière de s’en sortir, on « baisse » d’autant moins qu’on est plus haut dans l’échelle du revenu et du patrimoine.

          [« Curieusement, vous excluez l’autre façon naturelle de retrouver l’équilibre : produire plus. » En France on a déjà un problème : on a plus les usines pour produire plus.]

          Si ce n’est que cela, la solution est simple : construire des usines. On l’a fait en 1945, et on n’est pas plus bête ou plus pauvre que nos aïeux…

          [Et même quand on les a, on ne peut produire plus car ça ne se vend pas (trop cher, pas adapte à la demande …).]

          Mais comment font les autres ? Pourquoi les chinois peuvent produire des choses « adaptés à la demande » et pas nous ? Sommes-nous idiots ? Non, tout cela c’est des faux prétextes. On peut produire aussi bien et aussi adapté au marché que les chinois. Reste la question du coût, qui parmi vos arguments est le seul qui soit pertinent. C’est vrai, nous ne pouvons pas payer des salaires, et satisfaire aux contraintes françaises, tout cela en rémunérant le capital au niveau international, et avoir des prix à la production chinois ou bangladeshis. Et la solution pour cela est de transférer les coûts de notre protection sociale et environnementale de la production vers la consommation, de manière à ce qu’elle grève aussi les produits importés. La TVA sociale était une excellente idée…

          [On pourra aussi remarquer que l’option de produire plus pour résoudre nos problèmes a été tentee plusieurs fois (en 81 par une relance de la consommation, par Chirac plus tard et meme par Macron avec sa tentative de reindustrialisation). Chaque fois ca a été un echec.]

          Je ne vois pas le lien entre la « relance de la consommation » et « l’option de produire plus ». La relance de la consommation a échoué précisément parce que l’argent injecté est parti vers les importations, parce que l’industrie nationale n’a pas pu répondre. Je trouve drôle d’ailleurs de constater que moi, communiste, suis en train de proposer une forme de politique de l’offre, et que vous, plutôt libéral, rejetez cette proposition… avec des arguments tirés de l’échec de la politique de la demande.

          [On peut disserter sur les causes et comment faire mieux la prochaine fois mais penser s en sortir en augmentant la production sans résoudre nos autres problèmes c’est un peu comme avoir un tuyau percé et dire qu’il suffit d’augmenter le débit pour avoir plus d’eau]

          Mais je ne vois aucun problème à s’attaquer aux « autres problèmes »… simplement, je n’en fais pas un préalable, sur le mode « on va réduire d’abord les salaires et la protection sociale, et après on verra ce qu’on fait pour faire payer les riches ».

          [« Il n’est donc pas déraisonnable de dire que le financement par la dette du régime de retraites ou de la protection santé se fait au bénéfice des classes intermédiaires et de la bourgeoisie. » L’argument n’est pas faux mais doit être nuancé. Par ex la durée de vie a la retraite dépend de la catégorie sociale mais aussi du sexe. Allez-vous écrire que la dette des retraites est due aux femmes ? (Attention S Rousseau va vouloir vous pendre haut et court)]

          Je prends le risque. Mais vous noterez que les transferts ne sont pas de même nature. L’ouvrier paye pour que l’ouvrière qui est sa femme puisse toucher sa retraite plus longtemps. Ce n’est pas totalement injuste. Mais que l’ouvrier paye pour que le cadre et la cadresse touchent leur retraite plus longtemps que lui, c’est déjà plus embêtant sur le principe.

          [Plus sérieusement, pour les retraites, les cotisations étant plus élevées je suis pas sur que ca soit vraiment une source du déficit.]

          Bien sur que si. Les cotisations sont plus élevées… mais les pensions payées sont elles aussi plus élevées à proportion. Si demain vous décidiez que les cadres ne toucheraient leur pension que pendant le même nombre d’années que les ouvriers, le déficit disparaît.

          [Pour l allocation chomage par ex, le fait que les cadres paient plus de cotisations étaient bien plus rentable que leur faire payer moins et raboter leur indemnités (meme si personnellement je pense qu il est anormal qu on puisse toucher plus que le smic au chômage (cf plus loin))]

          Oui, parce que les cadres ont une probabilité d’être au chômage très inférieure de celle des ouvriers. On a donc un transfert des cadres vers les ouvriers (transfert limité par les taux de cotisations différentiés et les plafonds). Mais pour la retraite, c’est l’inverse : les cadres ont une probabilité de toucher les pensions plus souvent que les ouvriers, du fait de la différence dans l’espérance de vie.

          [« Mais parmi les baby-boomers ouvriers nés en 1945, plus d’un sur deux n’a pas touché la pension qui lui était due à partir de 2005 » D’où tenez vous ce chiffre ? 50 % de mort a 60 ans c’est énorme (et ça correspond pas du tout à ce que j’ai dans mon entourage alors qu’ils sont nés avant 45 et que ça devrait être pire)]

          Pardon, il y a une partie de la phrase qui a sauté à la recopie : il faut lire « plus d’un sur deux n’a pas touché la pension qui lui était due à partir de 2005 PLUS DE CINQ ANS ». La médiane de l’espérance de vie de l’ouvrier était à l’époque de 65 ans (chiffre UIMM).

          [« Pourquoi croyez-vous que l’on n’ait jamais voulu différentier l’âge de départ en fonction de la pénibilité » Parce que c’est difficile d’estimer la pénibilité d’un travail, qu’une personne peut avoir un travail pénible aujourd’hui mais plus demain (par ex défoncer la route au marteau piqueur aujourd’hui puis chauffeur du camion qui amène le goudron demain)]

          La complexité est un faux argument. Oui, un système qui collerait à la réalité du terrain au centimètre serait certainement très complexe. Mais on n’a pas besoin d’un suivi aussi exact, une bonne moyenne est suffisante. Si on donne un bonus de pénibilité uniforme aux mineurs de fond, on sera peut-être injuste entre celui qui passera son temps au front de coupe et celui qui aura poussé les vagonets, mais ce sera toujours moins injuste de d’accorder la même pénibilité à celui qui va au fond et à l’agent de gardiennage qui surveille la porte du chantier. On a d’ailleurs dans certaines professions des mécanismes partiels de reconnaissance de la pénibilité, avec la différentiation entre « services actifs » et « passifs » dans les personnels sous statut (fonction publique, IEG, mines). Une différentiation que les libéraux veulent systématiquement abolir, on se demande pourquoi…

          [Et en plus un travail qui est pénible aujourd’hui peu ne plus l’être grâce au progrès : l’exemple le plus connu c’est les chauffeurs de locomotives. Vous imaginez allez expliquer a la SNCF que demain les conducteurs ne partiront qu a 65 au lieu de 50 ans car ils n ont pas vecu la traction a vapeur ?]

          Non, mais j’imagine très bien que pour chaque année passée à conduire une locomotive à vapeur on ait un bonus de quelques semaines au niveau de la retraite, et qu’on fasse la somme de ces bonus au moment de la liquidation de la pension. L’important n’est pas de savoir si le travail est pénible AUJOURD’HUI, mais de savoir s’il était pénible AU MOMENT OU IL A ETE ACCOMPLI. Et vous noterez que le système des « services actifs » des IEG, par exemple, fonctionne sur ce principe à la satisfaction générale. Encore une fois, la « complexité » ou les « grèves » sont des faux arguments.

          [vous allez avoir une greve XXL (sans compter que c est complique a appliquer : quid de la personne qui a fait juste X mois sur une locomotive a vapeur ?)]

          Et bien, si le bonus est fixé à un jour par mois travaillé sur locomotive vapeur, il partira à la retraite X jours avant. Quel est le problème ? Nous sommes d’accord qu’il est absurde de prendre en compte la pénibilité au niveau de l’age uniforme de départ, puisque les carrières, elles, ne sont pas « uniformes ». Mais avec un système de bonus attachés à chaque poste, on s’en sort très bien.

          [Si vous aviez eu un budget équilibre, il aurait fallu augmenter les impôts. Donc a partir de 1974 toutes les générations auraient dû payer plus]

          Sauf que ce ne sont pas les « générations » qui payent les impôts, mais les différentes catégories de contribuables. Si vous voulez dire que les riches auraient du payer plus, je suis d’accord avec vous. Mais je ne vois pas pourquoi on devrait jeter l’opprobre sur une génération d’ouvriers au motif que les classes intermédiaires et les bourgeois ont préféré endetter l’état plutôt que de payer l’impôt…

          [« Je ne vois pas très bien en quoi elle aurait « dépensé dans du social au lieu d’investir ». Sauf à laisser mourir de faim les chômeurs, il fallait bien faire face au chômage de masse. » Entre laisser mourir de faim les chômeurs et payer des indemnités élevées il y a un monde. J’ai personnellement été au chômage il y a 20 ans. J’ai été stupéfait de voir combien j’ai touché par mois (2300 €).]

          Et vous êtes resté au chômage combien de temps ?

          [Franchement je trouverai plus légitime que l’indemnité chômage ne dépasse pas le smic ce qui supprimerai toutes les discussions oiseuses sur le fait de ne pas avoir intérêt à retravailler (pour la petite histoire mon beau-frère ne comprenait pas que je ne profite pas de la situation pour prendre un an de vacances aux frais des assedic)]

          Vous voulez dire que les indemnités ne devraient dépasser le SMIC quelque soit le salaire antérieur de la personne ? Cela pose un certain nombre de problèmes. Les gens, voyez-vous, planifient leur avenir en fonction du présent. Si je vais à la banque pour demander un crédit pour acheter une maison, on me prêtera en fonction de mon revenu. Ainsi, si j’ai 10.000 € par mois, on admettra une mensualité de remboursement de l’ordre du tiers soit 3000 €. Mais que se passe-t-il si je suis au chômage ? Dans votre schéma, j’aurai du jour au lendemain une somme mensuelle inférieure au SMIC. Comment je fais alors pour payer mes mensualités ?

          Le système des indemnités généreuses mais dégressives est fait justement pour donner aux gens le temps de s’organiser, de trouver des alternatives pour faire face aux obligations qu’ils auraient contractés. Après, on peut discuter sur les durées et les taux de dégressivité, mais le principe me paraît difficilement contestable. Personnellement, je pense qu’il faut ajuster durées et taux en fonction de l’état du marché du travail. Une dégressivité forte alors que le marché du travail est dynamique encourage un retour à l’emploi, mais une dégressivité forte alors qu’il est impossible trouver du travail pousserait les gens dans la misère.

          [« Je pense que le véritable arbitrage n’a pas été entre investissement et dépense sociale, mais entre investissement et consommation. » La consommation a été soutenue par la dépense sociale.]

          Dites donc, vous êtes obsédé par la « dépense sociale ». La consommation a été soutenue par toutes sortes de dispositifs. Quand vous réduisez l’investissement public pour pouvoir réduire les impôts, vous êtes en train de soutenir la consommation.

          [Si vous mettez l’indemnités chômage au smic, les retraites plafonnées a 2000 € et supprimez toutes les primes diverses et variées (rentrée scolaire, prime pour le chauffage au mazout, au bois …) vous avez forcement une chute de la consommation]

          Ah bon ? Et où irait tout l’argent que vous économisez en coupant ces dépenses ? S’il vous sert à baisser les impôts ou les cotisations, alors cette baisse d’impôts se traduira par un surplus de consommation. Si vous l’utilisez pour payer la dette, alors ce sont les prêteurs qui auront plus d’argent pour consommer. Non, l’arbitrage des acteurs économiques entre consommation et investissement n’a rien à voir avec la « dépense sociale ». Les acteurs économiques pourraient d’ailleurs utiliser leurs allocations chômage ou les primes diverses et variées pour investir plutôt que pour consommer…

          [« Que penseriez-vous d’une réforme qui mettrait l’âge de la retraite à 60 ans pour les ouvriers et à 70 ans pour les cadres et professions libérales, de manière à ce que chacun touche sa retraite pendant la même durée ? » Je serai pas contre, mais ca va être complique de mettre chacun dans une categorie. Prenez l exemple d un ouvrier qui par promotion interne est passe en fin de carriere cadre : 60 ou 70 ans ?]

          Aucun problème. La retraite est à 70 ans pour tous, et chaque année sous statut ouvrier vous donne un « bonus » de un trimestre. Ainsi, un ouvrier qui aurait 40 ans d’usine partirait à 60, un cadre avec 40 ans de cadre à 70, et un ouvrier qui aurait fait vingt ans dans chaque capacité partirait à 65 ans…

          [Il y a beaucoup plus simple : une retraite de base qui soit au smic accessible à tous à partir de 40 ans de travail. Et chaque année supplémentaire vous fait un % de smic en plus. Si vous être smicard, aucun intérêt à travailler plus longtemps mais si vous avez un job bien payé et pas trop fatiguant c est incitatif.]

          Ce genre de dispositif aboutit au résultat inverse. Si j’ai eu un salaire confortable toute ma vie, je me suis probablement constitué un capital suffisant pour avoir un complément à ma retraite « de base » confortable, qui me permet d’arrêter de travailler après 40 ans de travail. Dans cette situation, les % supplémentaires sont faiblement attractifs. Par contre, si j’ai été payé au SMIC toute ma vie, le fait de gagner des % de SMIC en travaillant quelques années de plus est beaucoup plus attractif !

          [« Tout à fait d’accord. L’ennui, c’est que ce « on » qui doit décider est difficile à trouver. Notre société est trop fragmentée pour qu’on puisse trouver facilement un consensus – comme ce fut le cas sous le gaullo-communisme – sur « ce qu’on garde » et « ce qu’on jette ». Les partis politiques « de massse » capables d’agir en tant que médiateurs n’existent plus. » Ca pourrait par ex être fait via referendum. C est ce qui est fait en suisse]

          En Suisse le budget est approuvé par référendum ? Ca m’étonnerait beaucoup…
          Ici, on voit un désaccord ancien entre nous. Pour vous, l’intérêt général est l’agrégation des intérêts particuliers, pour moi pas. Approuver les dépenses de l’Etat par référendum conduirait fatalement à une opposition entre les catégories qui profitent de la dépense, et celles qui n’en profitent pas. Et « ce qu’on garde et ce qu’on jette » serait la traduction du rapport de forces entre ces différentes catégories…

          [Pas du tout d accord. Employer des gens pour tenir des parapluies ou ouvrir des portes est de la pure gabegie et ne signale en aucun cas que le ministre est quelqu un d important et merite le respect. Le respect se gagne par ses résultats et son attitude, pas par une pompe surrannee.]

          Prenons un exemple, si vous le voulez bien. Nos députés dépensent des sommes importantes en costumes, chemises et cravates. Ne serait-il pas plus logique qu’ils viennent habillés en survet et baskets, qui sont beaucoup plus économiques ? Après tout, pourquoi leur demander de respecter une « pompe surannée », alors que « le respect se gagne par ses résultats et son attitude » ?

          [Vous croyez qu un ministre qui se fait pincer a consommer de la drogue (pas encore arrive, on en est juste aux députés) va inspirer le respect si sa drogue arrive portée par un huissier ?]

          Non, parce que la drogue est illégale, et le reste même portée par un huissier. Mais lorsque je me réunis avec un ministre, j’ai plus de respect pour lui si un huissier lui porte le café que s’il doit se lever et interrompre la discussion pour se faire un café lui-même. Parce que dans le deuxième cas j’en déduis que son temps est considéré par son pays de si peu de valeur que lorsqu’on a à choisir entre lui payer un huissier et lui faire perdre du temps à faire le café, on opte pour la deuxième solution…

          [et je parle meme pas d un ministre qui laisse a son depart un trou de 1000 milliards qu il n a pas vu venir (bon comme ministre de l agriculture il ne savait déjà pas ce qu était un hectare donc pas de surprises sur ses capacites).]

          Parce que vous croyez qu’il n’a « rien vu venir » ? Vous êtes bien innocent, tout à coup…

          [Comment voulez-vous demander aux contribuable un effort si dans le meme temps vous maintenez une pompe dispendieuse ?]

          L’histoire vous montre que les deux questions sont parfaitement indépendantes. Les paysans les plus pauvres, les plus misérables, ont payé pendant des siècles la « pompe dispendieuse » de l’église catholique, et personne n’a jamais suggéré que les évêques cessent de porter la mitre pour faire des économies. Prenons un autre exemple. On pourrait économiser des dizaines de millions d’euros en éliminant tous les pavoisements : drapeaux au fronton des bâtiments publics, décorations lors des célébrations nationales… à votre avis, combien de « contribuables » seraient favorables à la suppression de cette « pompe dispendieuse » ?

          [« Pour vous donner un exemple simple : on pourrait économiser pas mal d’argent en enlevant les drapeaux tricolores de tous les bâtiments et monuments publics. Il faut acheter les drapeaux, les laver, les installer… Seriez-vous d’accord ? » A mon avis ca coute certainement nettement moins cher que les plantons ouvreur de portes]

          Ca m’étonnerait : il y a des centaines de milliers de bâtiments publics. Entre l’achat des drapeaux, l’entretien des mâts, le personnel pour les placer et les enlever… cela fait certainement bien plus que le coût de toutes les ouvertures de porte de France.

          [et c’est un symbole visible par tous et qui d un certain cote beneficie a tous, pas juste a l ego d une classe politique.]

          L’ouverture de portes est visible par tous – grâce à la télévision. Quant au « bénéfice » qu’on tire de l’affichage du drapeau, j’attend que vous m’expliquiez en quoi il consiste…

          [J avais lu il y a longtemps le récit d une visite de N Sarkozy (alors ministre des finances) a Washington. Celui-ci était arrivé avec un gros deploiement de force et de personnel. Le journal expliquait que l année d avant a la meme reunion le ministre des finances était Francis Mer et que celui-ci était arrivé quasi seul (et si ma mémoire est bonne via un vol regulier). La difference entre Mer et Sarkozy ? l ego (si j étais mechant je dirait que Sarkozy a été un aussi bon ministre des finances que BLM)]

          La deuxième différence ? Sarkozy a été élu président de la République, et pas Francis Mer. Les symboles ont leur puissance…

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            Pensez-vous que le fait que Sarkozy se montrait comme quelqu’un d’important avant d’être élu président de la République est vraiment ce qui a fait la différence ? (n’oublions pas le niveau de son adversaire, une dénommée Ségolène Royale…).
             
            Puisqu’il est question de symboles, j’ai une petite question à vous soumettre. On voit toujours les ministres sur le perron de l’Élysée avec leur dossier calé sous le coude. Je me demande depuis longtemps pourquoi ils ne le mettent jamais dans une “sacoche” (qui aurait l’avantage de protéger ledit dossier de la pluie jusqu’à ce que le ministre atteigne la fameuse voiture et son “ouvreur de porte”). Quel “symbole” ce dossier apparent sans sacoche apporte-t-il ? avez-vous un avis / une explication ?

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Pensez-vous que le fait que Sarkozy se montrait comme quelqu’un d’important avant d’être élu président de la République est vraiment ce qui a fait la différence ? (n’oublions pas le niveau de son adversaire, une dénommée Ségolène Royale…).]

              Je le pense, oui. Si vous ne croyez pas à votre exceptionnalité, si vous ne montrez pas cette croyance par des gestes visibles, alors personne ne le croira à votre place. Et cela fonctionne, je vous l’assure, à tous les niveaux, et pas seulement celui de la présidence de la République. Cet homme d’affaires qui arrive à une conférence dans sa Porsche, avec un costume qui coûte un mois de votre salaire vous dit « je sais comment réussir, et si vous faites comme moi vous réussirez vous aussi ». Pensez-vous que son auditoire l’écouterait de la même manière s’il arrivait dans une voiture pourrie et costume élimé ?

              Pour comprendre ce point, il suffit de regarder la course aux symboles dans les entreprises. Des gens qui ne sont quasiment jamais dans leur bureau – réunions à l’extérieur, déplacements, etc. – insistent lourdement pour avoir des bureaux individuels les plus vastes possible, alors que leurs subordonnés qui sont toujours là s’entassent dans des bureaux collectifs. On se bat pour voyager en classe affaires même pour des trajets d’une heure…

              [Puisqu’il est question de symboles, j’ai une petite question à vous soumettre. On voit toujours les ministres sur le perron de l’Élysée avec leur dossier calé sous le coude. Je me demande depuis longtemps pourquoi ils ne le mettent jamais dans une “sacoche” (qui aurait l’avantage de protéger ledit dossier de la pluie jusqu’à ce que le ministre atteigne la fameuse voiture et son “ouvreur de porte”). Quel “symbole” ce dossier apparent sans sacoche apporte-t-il ? avez-vous un avis / une explication ?]

              Oui, parce que ce geste est parfaitement pensé. Si vous arrivez avec une sacoche, celui qui vous regarde ne sait pas ce que vous emportez : est-ce votre trousse de maquillage ? un en-cas pour le cas où le conseil se prolongerait ? un livre pour tuer l’ennui ? En portant un dossier bien visible, vous dites « je suis au travail ». On peut même imaginer que vous avez travaillé dessus pendant votre trajet en voiture (ce qui est, d’ailleurs, souvent le cas). Par ailleurs, une sacoche est portée à l’épaule et un cartable avec le bras tendu. Dans les deux cas, c’est relativement disgracieux. Le bras replié sur le dossier donne une image plus « dynamique ».

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