Le Front Républicain au pouvoir

« L’art de la politique n’est pas de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent » (Henri Queuille)

Dans un papier précédent, j’avais je crois écrit que notre premier ministre avait fondé sa carrière politique sur une technique fort peu morale, à savoir, le chantage. Loin des grands personnages de notre histoire, pour qui la politique était d’abord une manière de réaliser un projet, pour François Bayrou elle consiste surtout à faire peur à l’adversaire, à jouer de son pouvoir de nuisance pour soutirer postes et prébendes.

Les évènements de la semaine écoulée prouvent ce point au-delà de tout doute raisonnable. Habemus budget, pourrait-on se réjouir. Mais nous avons un budget bouche-trou, issu non pas de ce « compromis » sur la direction que la France devrait prendre qu’on nous vante tant, mais d’un chantage sur le mode « c’est moi ou le chaos ». François Bayrou a réussi à éviter la censure non parce qu’il a trouvé un projet équilibré qui séduit les différents groupes parlementaires, mais parce qu’il a réussi à leur faire peur d’une situation de paralysie, situation que le gouvernement a lui-même contribué à créer. Car sur ce point au moins, Eric Coquerel a raison : la « loi spéciale » passée en urgence à l’Assemblée permet parfaitement la continuité de l’Etat. C’est le gouvernement qui a choisi de donner à cette loi l’interprétation la plus restrictive, de restreindre la dépense au strict minimum, de ne pas utiliser les moyens que la « loi spéciale » accorde pour agir. Ce choix a permis de faire pression sur les parlementaires en expliquant aux électeurs que par leur faute les paysans, les mahorais, et toute une longue liste de catégories seraient privés de dessert. Et le chantage a parfaitement fonctionné : les socialistes ont eu peur de devoir s’expliquer devant leurs électeurs, d’autant plus que ceux-ci sont assez proches de la vision macroniste et ne recherchent pas nécessairement une rupture. Et, si l’on croit les langues vipérines, il y a une autre raison de poids pour encourager les socialistes à se montrer conciliants. Il se fait que les élus locaux socialistes avaient un besoin pressant de visibilité budgétaire : si vous voulez distribuer des douceurs et couper des rubans en mars 2026 en prévision des élections municipales, il faut engager les travaux maintenant.

A l’issue de ce vote, on se trouve dans la configuration que j’avais prédite juste après les élections. Le « bloc libéral » allant des libéraux de gauche aux libéraux de droite est aux affaires. Finis les faux-semblants qui ont vu le Parti socialiste apposer sa signature sur un programme « de rupture » avec les écologistes, les communistes et les gauchistes. On est revenus aux fondamentaux : le Parti socialiste est un parti « raisonnable », et la « raison » commande de continuer la « politique de l’offre », le démantèlement de l’Etat, l’abandon de toute ambition dans l’éducation et la recherche. Et ayant laissé passer ce programme, on se donnera bonne conscience en déposant une motion de censure bidon, permettant de rappeler que le Parti socialiste reste le parti des grands principes, motion qui n’a aucune chance d’être votée. Pour les socialistes, un gouvernement qui parle de « submersion migratoire » mérite qu’on le censure. Un gouvernement qui réduit de 500 millions les crédits de la recherche scientifique, non. Et il ne faut pas couper les cheveux en quatre : le Parti socialiste est désormais un soutien du gouvernement, qui ne tient que par lui. Parce que si on ne censure pas le gouvernement sur un point aussi fondamental que le budget, on ne va pas ensuite le censurer sur des aspects secondaires de sa politique.

Pour apprécier les contorsions des dirigeants socialistes pour expliquer leur ralliement à François Bayrou, il faut les écouter en ayant en mémoire ce qu’ils disaient pour soutenir leur vote de censure du gouvernement Barnier. Chacun des arguments aujourd’hui employés pour justifier le refus de voter la censure aurait pu être utilisé à l’identique à l’époque. Parce qu’il faut arrêter de parler, comme le font les socialistes, des concessions qu’ils auraient obtenues. En fait, ils n’ont obtenu rien ou presque. La meilleure illustration est celle des 4000 postes d’enseignants que le gouvernement aurait renoncé à supprimer. Oui, les postes sont toujours là… mais pas l’argent pour les payer. Ou plutôt, il est écrit que cet argent devra être prélevé sur d’autres crédits de l’Education nationale. Autrement dit, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Les socialistes sont si désespérés de justifier leur soutien au gouvernement qu’ils se couvrent même des plumes de paon qui ne sont pas les leurs : ainsi, le non déremboursement des médicaments, vieille ligne rouge posée par le RN et déjà accepté par Michel Barnier devient une conquête socialiste.

En fait, sous ses dehors doucereux Bayrou n’est pas plus dans une logique de compromis que ne l’était Barnier. Il faut comprendre que pour les macronistes l’idée de « compromis » ne rime guère avec « concessions ». Un « compromis », cela veut dire que les autres acceptent leurs politiques sans changement – avec quelques « conclaves » ici, quelques ajustements symboliques là pour, pour faire passer la pilule. Les concessions, c’est aux autres de les faire. Les socialistes se sont imaginés négocier, ils ont posé des lignes rouges, puis les ont déplacées à chaque refus du gouvernement. Sur la réforme des retraites, ce fut d’abord l’abrogation, puis la suspension, pour finalement accepter des discussions dans un « conclave » qui ne sert qu’à noyer le poisson. Sur la censure, c’était la non-censure en échange de la renonciation à l’article 49.3, qui est devenue finalement une non-censure tout court.

Ceux qui suivent assidûment ce blog savent que je n’ai rien contre les « compromis ». Mais il faut s’entendre sur ce qu’on met sous ce terme. Une discussion entre partis qui ne sont pas d’accord sur tout mais qui peuvent s’entendre pour conduire une action cohérente à la tête de l’Etat en se mettant d’accord sur un certain nombre d’objectifs, c’est l’essence de la politique. En 1944, le programme du CNR était le résultat d’un tel accord. Il ne proposait pas le socialisme, comme l’auraient voulu les communistes, il ne se contentait pas des questions régaliennes, comme l’auraient voulu certains gaullistes, il ne revenait pas au libéralisme d’avant-guerre, comme l’aurait voulu le MRP. Mais ce programme constituait un tout cohérent. A l’opposé, il y a les négociations de marchands de tapis dans lesquelles chaque partenaire exige d’inscrire dans le projet ses « marqueurs », quitte à fabriquer un objet dont l’incohérence rend les objectifs illisibles. Le « compromis » tant vanté avec les socialistes, c’est la poursuite de la politique de l’offre ou son abandon ? Son objectif est-il une réduction au rabot de la dépense publique, ou au contraire la singularisation des domaines d’avenir qu’il faut protéger et des dépenses peu utiles dont on peut se passer ? Bien malin qui pourrait le dire…

Il a fallu six mois, mais on y arrive. Les élections de juillet 2024 ont vu la victoire du « front républicain ». Maintenant, le « front républicain » est au gouvernement. Et il faut rappeler qu’il n’y a qu’un objectif, un seul, qui unit le « front républicain » : éviter le « chaos », c’est-à-dire, l’arrivée aux affaires du Rassemblement national. En juillet dernier, on avait expliqué aux électeurs bienpensants que pour éviter le chaos, il fallait que la gauche, le centre et la droite votent pour Attal et Panot, pour Borne et Hollande, pour Bompard et Wauquiez. Maintenant, on nous explique que pour éviter le chaos, il faut que la gauche, le centre et la droite prolongent indéfiniment le bail de Bayrou à Matignon. Avec un peu de chance, en 2027 on nous expliquera que pour éviter le chaos, il faut remettre Hollande – ou peut-être même Attal – à l’Elysée. Je n’invente rien, on est déjà plusieurs fois passés par là.

Nous sommes revenus aux pires errements de la quatrième République, avec un personnel politique qui ne songe qu’à durer, et un premier ministre qui ferait passer Edgar Faure pour un révolutionnaire. Un premier ministre dont l’opportunisme ne connaît pas de limites, comme l’a bien montré sa prise de position favorable à un grand débat sur l’identité nationale. Il faut relire ce qu’il disait il y a quinze ans, lorsque Nicolas Sarkozy portait la même proposition. A l’époque, il déclarait que « l’identité nationale n’appartient pas aux politiques », et expliquait que « Rien n’est pire que d’en faire un sujet d’affrontement politique surtout quand, par ailleurs, on laisse abîmer l’image de la France. Et, encore pire, d’en faire une utilisation partisane ». Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, mais seuls les opportunistes changent en fonction des rapports de force électoraux.

Certains de mes lecteurs, qui connaissent ma bienveillance pour les personnalités politiques y compris lorsqu’elles ne sont pas de mon côté, seront peut-être surpris de me voir aussi intransigeant pour ce qui concerne notre premier ministre. C’est que pour moi, Bayrou illustre ce qu’il y a de pire dans la politique française. Bayrou, c’est la politique au ras du sol, sans hauteur, sans vision. C’est le type même de l’imbécile heureux qui est né quelque part. C’est l’homme sans principes, sans idées, sans projet autre que sa promotion personnelle. C’est le genre de politicien capable de commettre les pires crimes, les pires erreurs non pas parce qu’il leur dit « oui », mais parce qu’il est incapable de leur dire « non ». Le type parfait du politique prêt à n’importe quelle iniquité pourvu qu’elle caresse l’opinion dans le sens du poil. Quitte à dire aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait la veille, et cela sans faire la moindre autocritique, le moindre retour en arrière. Et qui, après le désastre se justifiera par un « qu’est ce que vous auriez fait à ma place ? », ou bien « je ne savais pas », et bien sûr « mes intentions étaient bonnes ». Qu’un tel personnage ait pu devenir premier ministre met en évidence l’état de nos élites politiques. Et c’est là un problème qui ne se résout pas en changeant la Constitution : il n’existe pas d’institutions capables de prémunir un pays contre la trahison de ses clercs.

Les débats institutionnels sont de la poudre aux yeux, une manière de détourner le regard du citoyen du véritable problème, celui du décalage entre les rapports de force économiques, qui sont ceux qui déterminent en dernière instance ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, et les rapports de force électoraux, qui sont la source de légitimité des politiques mises en œuvre. Sur le plan économique, on a un bloc dominant toujours plus dominant et qui ne veut rien changer aux politiques néolibérales, et des couches populaires structurellement impuissantes puisque remplaçables par des travailleurs chinois ou bangladeshis. Sur le plan électoral, par contre, les couches populaires ont l’avantage du nombre, et ce nombre commence à peser sur les systèmes politiques, et pas seulement en France. Non pas comme dans les années 1950, en se canalisant à travers des partis politiques « ouvriers » proposant des projets cohérents de prise de pouvoir par les couches populaires, mais à travers des organisations et personnalités « populistes » qui fondent leur attractivité dans le rejet de l’existant.

Le décalage entre les rapports de force structurels et ceux qui se manifestent dans la superstructure démocratique conduisent, prévisiblement, à la dévalorisation de cette dernière. Puisqu’elle ne procure plus au bloc dominant la légitimation dont il a besoin, à quoi bon la conserver ? Il suffit d’écouter nos médias pour entendre la petite musique selon laquelle le système représentatif serait en crise, sur le besoin de « dépolitiser » les décisions – c’est-à-dire, de les rapprocher de la sphère économique. Prenez le discours d’un Bernard Arnault menaçant de délocalisation suite au vote parlementaire sur le budget. Il s’est trouvé même des politiques pour approuver cette affirmation brutale de la supériorité du pouvoir du capital sur la décision démocratique. Et la sortie de Bernard Arnault n’est pas isolée : partout, on est en train de changer de paradigme. Hier, c’était le vote et la décision démocratique qui permettait de légitimer la domination du capital – et le capital était prêt à faire quelques concessions pour préserver cette façade. Aujourd’hui, c’est l’argent qui légitime. Le pouvoir pris par un Elon Musk qui n’est jamais passé devant les électeurs, et qui n’a d’autre légitimité que celle d’avoir gagné beaucoup d’argent, illustre parfaitement ce nouveau paradigme. Bernard Arnault a plus de légitimité à parler d’économie que n’importe quel député, et d’ailleurs pas mal de députés le reconnaissent eux-mêmes. On en arrive même à proposer que toute nouvelle législation passe par un « test » auprès des entreprises, ce qui en pratique revient à reconnaître aux patrons un droit de véto législatif.

Beaucoup de commentateurs craignent l’instabilité politique. A mon avis, ils se trompent de problème. Ce qui pourrait nous tuer, c’est au contraire la stabilité. Parce que l’instabilité des personnes cache à peine la continuité des politiques, et je dirais même l’incapacité à concevoir que les choses puissent être différentes. Quelle est la différence fondamentale entre le budget qui vient d’être voté, celui sur lequel Michel Barnier a été renversé, celui élaboré par Attal-Le Maire et même, oserais-je le dire, ceux qu’on a connus sous François Hollande ? Rien qui constitue une véritable rupture, dans un sens ou dans l’autre. On rabote quelques dépenses par ci, on crée un petit impôt par-là, mais la structure du budget, les priorités sous-jacentes, la balance entre l’investissement et le fonctionnement, entre la dépense discrétionnaire et les subventions, entre ce qui relève du public et ce qu’on confie au privé, entre l’avenir et le présent ne changent pas vraiment. Le rejet de la motion de censure transmet un message clair : au-delà des palinodies sur la « rupture », au-delà de quelques postes à l’éducation nationale (4.000 sur 800.000, ce n’est pas ça qui changera fondamentalement les choses) il y a une majorité pour que tout continue comme avant. Après tout, le bloc dominant n’a aucune raison de se plaindre de son sort ces dix dernières années. Pourquoi remettre en cause le modèle qui lui a si bien réussi ?

Et pendant ce temps-là, nos usines ferment, nos laboratoires déménagent, nos infrastructures se dégradent, notre tissu social se délite, notre école se meurt, et le vaste monde change devant nos yeux. Et cela n’intéresse personne. Ce n’est pas de ces sujets qu’on débat entre militants dans les partis politiques, ce ne sont pas ces questions qui troublent le sommeil de leurs dirigeants, avec quelques rares et honorables exceptions. Ce n’est pas ce qui attire l’attention des pseudo-experts qui envahissent les chaînes d’information continue et les talk-shows de nos médias, pas plus que les échanges sur les réseaux sociaux. On consacre un après-midi complet de voyeurisme indécent aux obsèques du petit Emile ou au procès de Mazan, on consacre des heures aux inondations dans le nord, mais la fermeture de Vencorex, dernier producteur français d’un produit stratégique fait à peine trois lignes.

J’avoue que j’ai de plus en plus de mal à maintenir la posture de l’optimisme méthodologique. Hier, je me trouvais à combattre des idées que j’estimais fausses. Aujourd’hui, on se retrouve au contraire devant un vide. Hier, on se battait contre la monnaie unique, contre la constitutionnalisation de la construction européenne, contre la politique du « franc fort », contre la privatisation des services publics. Aujourd’hui, contre quoi se battre, exactement ? Plus rien de fondamental n’est sur la table. Personne, même pas le Rassemblement national, ne propose une rupture. Parce que soyons honnêtes : quelques milliers d’emplois de plus ou de moins dans l’éducation nationale, quelques années de plus ou de moins avant d’accéder à la retraite, quelques immigrés clandestins de plus ou de moins expulsés, ce n’est pas ça qui va changer fondamentalement la situation de la France.

Les Britanniques ont eu le courage de rompre avec l’Union européenne, les Américains celui de mettre à la Maison blanche un Donald Trump, à qui on peut reprocher beaucoup de choses mais pas de représenter la continuité. Les Russes ont eu le courage d’aller à la guerre pour défendre ce qu’ils estimaient être leurs intérêts vitaux. Chez nous, on tremble de peur à l’idée que le gouvernement puisse être renversé parce que, vous comprenez, le « chaos » nous guette. Sortir de l’ordinaire, c’est une prise de risque inacceptable. Agir est devenu dangereux, alors que l’inaction est synonyme de sécurité. Essayez de construire un ouvrage public, par exemple, un réservoir qui vous permettra de réguler un cours d’eau et éviter les inondations – comme on le fit pour la Seine, qui n’inonde plus Paris même les années pluvieuses. Vous verrez sortir de terre toutes sortes de groupuscules écologistes qui vous traineront dans la boue, et dont l’action sera utilisée par vos opposants pour vous faire battre. Mieux vaut rester au chaud sous les ors de la République, et quand l’inondation arrive maudire la fatalité et montrer sa solidarité avec les inondés.

Nous sommes sortis de l’histoire, non parce que nous faisons mal, mais parce que nous ne faisons rien. Parce que l’action politique se résume de plus en plus à prier pour que rien ne change. Quand l’idéal politique est la stabilité et le compromis, il y a de quoi s’inquiéter. Se fixer « le bruit et la fureur » comme un objectif est une erreur. Mais les craindre est une erreur tout aussi néfaste. La politique, pour reprendre la formule de Richelieu, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Sans peur, et sans reproche.

Descartes

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13 réponses à Le Front Républicain au pouvoir

  1. marc.malesherbes dit :

     
    les Russes ont eu le courage d’aller à la guerre pour défendre ce qu’ils estimaient être leurs intérêts vitaux. ”

    Curieuse formule.

    1- “le courage d’aller à la guerre ” ils ne sont pas entré en guerre, V Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine, et il pensait que ce serait une simple formalité, comme en Crimée. Il n’y a aucun courage dans l’entreprise d’une “simple formalité” (je rappelle que les officiers avaient emmené avec eux leurs tenue de parade pour défiler à Kiev).
     
    2- “courage” ce terme n’est pas en général associé à des actions que l’on réprouve. Ainsi on ne parle pas du courage des terroristes islamiques qui savent qu’ils vont mourir, du courage des narco-trafiquant, du courage de ceux qui tuent à l’arme blanche etc … En général, on dit bien à tort qu’ils sont “lâches”.
     
    3- “les Russes ont décidé” Il me semble que ce ne sont pas “les Russes” qui ont décidé, mais V Poutine (et son entourage peut-être). Tout ce qu’on peut dire, c’est que même si il y a eu des oppositions, la population dans son ensemble ne s’est pas soulevée contre ce qui était au départ une simple “opération spéciale”. Comme dans tous les pays, il est bien rare que les peuples se soulèvent contre les décisions de paix et de guerre de leurs dirigeants, particulièrement dans les pays autocratiques.
    4- “leur intérêts vitaux”. Expression dangereuse compte tenu de ce que l’on sait de la doctrine nucléaire russe. Vous allez au-delà de ce que dit Poutine lui-même. Et vous justifiez par avance un éventuel emploi de l’arme nucléaire russe. Ce n’est pas actuellement à l’ordre du jour, mais auriez-vous des espérances ?
    Finalement, je suis bien satisfait que ce point de vue de la “5ème colonne” (1) ne soit pas celui de Bayrou. Au moins, il s’est sorti avec habileté d’une situation difficile. Lâchant fort peu aux socialistes pour obtenir leur “non censure”. Certes son budget n’est pas terrible, mais c’est celui de nos élites dirigeantes.

    (1) Vous savez que le pouvoir russe nous déclaré à moult reprise son hostilité, qu’il a entrepris des cyber attaques contre nos institutions, hôpitaux … sans parler des “trolls” des réseaux sociaux. Cette phrase s’inscrit dans une longue suite de propos favorables, ou a minima indulgents, à l’invasion russe que vous tenez sur votre blog.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [1- “le courage d’aller à la guerre ” ils ne sont pas entré en guerre, V Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine, et il pensait que ce serait une simple formalité, comme en Crimée. Il n’y a aucun courage dans l’entreprise d’une “simple formalité” (je rappelle que les officiers avaient emmené avec eux leurs tenue de parade pour défiler à Kiev).]

      Contrairement à vous, je n’ai pas le pouvoir de lire dans les pensées de V. Poutine, et par conséquent je ne sais pas s’il estimait qu’il s’agissait d’une « simple formalité » ou pas. Par ailleurs, j’aimerais avoir une référence pour cette histoire de « tenue de parade pour défiler à Kiev »… c’est le genre de légende qu’on trouve dans presque tous les conflits (je me souviens de l’avoir entendu à propos de l’attaque allemande en 1914).

      Sur le fond maintenant : même s’il s’était agi d’une « formalité », la décision d’occuper un pays voisin n’est pas une décision simple pour un leader politique. A supposer même que les troupes russes aient réussi à défiler à Kiev en tenue de parade, les autorités russes savaient pertinemment que leur action allait leur valoir des sanctions économiques massives. Je pense que pour prendre une telle décision, il faut un certain courage.

      [2- “courage” ce terme n’est pas en général associé à des actions que l’on réprouve.]

      Et qui vous dit que je « reprouve » l’action de Poutine ? J’ai l’impression que vous universalisez vos propres opinions… Pourtant, je pense avoir été très clair : l’expansion permanente vers l’Est de l’OTAN constitue pour la Russie une menace très réelle. Tôt ou tard, cette expansion allait traverser la « ligne rouge » de ce que la Russie pouvait accepter. Et les dirigeants russes avaient clairement indiqué que l’entrée de l’Ukraine dans le système UE/OTAN était une ligne rouge. A partir du moment où cette ligne était franchie, il ne restait à la Russie que la voie militaire, sous peine de perdre toute crédibilité.

      Après, on peut bien entendu regretter que le monde soit régi par les rapports de force, et qu’on soit quelquefois obligé de faire la guerre pour défendre ses intérêts vitaux. Mais il me semble difficile de « réprouver » celui qui le fait.

      [Ainsi on ne parle pas du courage des terroristes islamiques qui savent qu’ils vont mourir, du courage des narco-trafiquant, du courage de ceux qui tuent à l’arme blanche etc … En général, on dit bien à tort qu’ils sont “lâches”.]

      Personnellement, je trouve toujours ces discours qui visent à se donner une supériorité morale sur l’adversaire assez ridicules.

      [3- “les Russes ont décidé” Il me semble que ce ne sont pas “les Russes” qui ont décidé, mais V Poutine (et son entourage peut-être).]

      Vous voulez dire que ce ne sont pas les Américains qui ont décidé d’attaquer l’Irak, mais George Bush ? Que la France n’a jamais décidé de quitter le commandement intégré de l’OTAN ? Oui, ce sont les gouvernants qui prennent les décisions. Mais les gouvernants ne gouvernent que par le consentement des gouvernés – et cela est vrai même dans les régimes autoritaires : aucun dictateur n’a tenu sans un soutien de la population. Il est donc d’usage de confondre la décision d’un chef d’Etat avec celle de son pays.

      [Tout ce qu’on peut dire, c’est que même si il y a eu des oppositions, la population dans son ensemble ne s’est pas soulevée contre ce qui était au départ une simple “opération spéciale”. Comme dans tous les pays, il est bien rare que les peuples se soulèvent contre les décisions de paix et de guerre de leurs dirigeants, particulièrement dans les pays autocratiques.]

      Quand on se souvient de l’hystérie qui a accompagné l’invasion de l’Irak, on apprécie particulièrement l’ironie de votre remarque sur les « pays autocratiques »…

      [4- “leur intérêts vitaux”. Expression dangereuse compte tenu de ce que l’on sait de la doctrine nucléaire russe. Vous allez au-delà de ce que dit Poutine lui-même. Et vous justifiez par avance un éventuel emploi de l’arme nucléaire russe. Ce n’est pas actuellement à l’ordre du jour, mais auriez-vous des espérances ?]

      Je vous rappelle que l’utilisation de l’arme nucléaire pour la défense de ses « intérêts vitaux » est inscrite non seulement dans la doctrine nucléaire russe, mais aussi dans la doctrine nucléaire française. Et dans les deux cas, on laisse une saine ambigüité sur la définition des « intérêts » en question. Je crois me souvenir aussi que la Russie est signataire des traités qui l’engagent à ne pas utiliser l’arme nucléaire contre un pays qui ne dispose pas d’une telle arme. Ce qui n’est pas le cas de la France…

      [Finalement, je suis bien satisfait que ce point de vue de la “5ème colonne” (1) ne soit pas celui de Bayrou.]

      Je n’ai pas compris cette remarque.

      [Au moins, il s’est sorti avec habileté d’une situation difficile. Lâchant fort peu aux socialistes pour obtenir leur “non censure”. Certes son budget n’est pas terrible, mais c’est celui de nos élites dirigeantes.]

      Plus haut, vous remarquiez qu’habituellement on ne prête la vertu du « courage » à ceux qu’on reprouve. Est-ce que la vertu de « l’habilité » est soumise à la même règle ?

      [(1) Vous savez que le pouvoir russe nous déclaré à moult reprise son hostilité,]

      Pas avant que nous commencions à aider ses ennemis avec de l’argent, des armes, du matériel et en entraînant des combattants, sans compter les sanctions économiques. Je ne me souviens pas que le gouvernement russe ait manifesté la moindre hostilité envers la France avant le 24 février 2022. Et j’ajoute que dans le domaine nucléaire, où la France a une coopération solide et ancienne avec la Russie, tous les interlocuteurs russes ne perdent une occasion de manifester leur espoir qu’une fois la guerre finie les rapports chaleureux entre la France et la Russie soient restaurés.

      [qu’il a entrepris des cyber attaques contre nos institutions, hôpitaux … sans parler des “trolls” des réseaux sociaux.]

      Et alors ? Vous croyez qu’on peut sanctionner un pays et armer ses ennemis impunément ? Je trouve franchement bizarre votre position sur ce point. Comment devrait réagir la France à l’encontre d’un pays qui arme ses ennemis et sanctionne son économie ? Par des remerciements ?

      [Cette phrase s’inscrit dans une longue suite de propos favorables, ou a minima indulgents, à l’invasion russe que vous tenez sur votre blog.]

      Dois-je m’attendre à une descente de la police politique chez moi ?

      Désolé si je ne m’inscris pas dans la vision manichéenne qui est la vôtre. Dans le monde réel, quand un pays est menacé, il fait ce qu’il estime nécessaire pour se protéger. Dans les années 1960, Cuba avait toutes les raisons du monde de craindre une invasion américaine, et donc de vouloir des missiles nucléaires sur son territoire. Les Américains ont considéré qu’il s’agissait là d’une menace inacceptable pour eux, au point qu’ils étaient prêts à aller à la guerre. L’URSS a eu l’intelligence de négocier, un accord de garanties a été trouvé, les missiles ont été retirés et Cuba n’a jamais été envahie.

      En Ukraine, la situation était très similaire. L’entrée de l’Ukraine dans le système UE/OTAN était évaluée par la Russie comme une menace inacceptable, et ils ont eux aussi indiqué qu’ils étaient prêts à aller à la guerre. Mais l’OTAN n’a pas voulu négocier, préférant jouer la politique du fait accompli. A partir de là, la guerre était inévitable – comme elle l’aurait été à Cuba si l’URSS avait pris la même position…

      Je serais curieux de savoir ce que vous auriez fait à la place de Poutine…

  2. Cording1 dit :

    “Essayez de construire un ouvrage public” vous auriez pu en guise d’exemple évoquer ainsi la durée anormale par rapport aux autres pays de construction d’une centrale nucléaire contre laquelle tous les lobbies de toutes sortes s’élèveront parfois violemment beaucoup de groupuscules comme à Notre Dame des Landes et le barrage de Sivens. Je me rappelle l’annulation de la construction de Chambon-Chard par la ministre écologiste Dominique Voynet du gouvernement de fauche plurielle. C’est toute une portion de la Creuse qui n’a pas pu avoir un développement économique. Et de sa trahison des consignes de Jospin lors d’une négociation au niveau européen. Mon peu de considération des Verts s’en est très largement accru pour ne pas dire plus.  
    Votre critique est largement fondée mais il y manque celle du RN pusillanime, timorée elle aussi. Quand on est dans l’opposition on vote contre l’acte majeur d’un gouvernement qu’est son budget.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [“Essayez de construire un ouvrage public” vous auriez pu en guise d’exemple évoquer ainsi la durée anormale par rapport aux autres pays de construction d’une centrale nucléaire contre laquelle tous les lobbies de toutes sortes s’élèveront parfois violemment beaucoup de groupuscules comme à Notre Dame des Landes et le barrage de Sivens.]

      Vous me rappelez un très bel article paru dans « The Economist » (je crois dans l’édition du 11 décembre dernier) ou l’on parlait de la tendance actuelle à multiplier à l’infini les études et les consultations qui dispensent le politique de prendre des décisions. L’article ironisait sur le fait qu’on avait remplacé le dogme de « l’immaculée conception » par le dogme de « l’immaculée consultation », c’est-à-dire, l’idée qu’en consultant on pouvait aboutir à une décision qui ne porte préjudice à personne. C’est bien entendu une illusion. Dans chaque décision publique il y a des perdants et des gagnants. On peut chercher la solution qui maximise les gagnants, on peut indemniser les perdants, mais perdre un temps infini en espérant contenter tout le monde ce n’est pas la bonne façon de faire

      [Je me rappelle l’annulation de la construction de Chambon-Chard par la ministre écologiste Dominique Voynet du gouvernement de fauche plurielle.]

      C’est drôle, je pensais justement à Chambonchard en écrivant ces lignes. Je n’ose imaginer qu’on arriverait à construire aujourd’hui des ouvrages comme Serre-Ponçon – qui a permis de réguler le débit de la Durance, autrefois connue comme « le fléau de Provence ». Au fait, je crois que j’ai déjà raconté cette anecdote, mais je ne résiste au plaisir de la re-raconter pour le bénéfice de mes nouveaux lecteurs. J’avais eu le privilège de participer en tant qu’expert aux débats publics pour la construction d’une installation d’entreposage de déchets nucléaires sur le centre de Cadarache, dans la vallée de la Durance. On organisait donc des réunions publiques dans les différents villages du coin. Dans l’un d’eux, on avait fait salle comble, trois cents personnes, des dizaines d’écologistes venus de toute la région pour tenir les discours traditionnels (« les camions de déchets passeront devant l’école de vos enfants ! »). Et puis, un petit vieux – il devait avoir 70 ans à l’époque, je vous parle des années 1990 – avait demandé la parole, et expliqué que lorsqu’il était jeune, la Durance était encore « le fléau de Provence » : deux fois par ans, ses crues emportaient tout sur leur passage, le bétail, les ponts, les fermes. Et puis, un jour dans les années 1950 les ingénieurs des Ponts et Chaussés sont venus, et ont dit « on va mettre un barrage là, un autre là, un autre encore là ». Et puis, la Durance, on en a plus entendu parler. Mais le plus drôle, c’était sa conclusion, qui m’avait marqué : « vous savez, si on nous avait demandé notre avis, on y serait encore… ». J’ai adoré cette réplique. Elle montre bien que la France profonde est très consciente de ses propres défauts, de ses propres limites, de son besoin d’une autorité forte et rationnelle qui arbitre les querelles locales.

      [C’est toute une portion de la Creuse qui n’a pas pu avoir un développement économique. Et de sa trahison des consignes de Jospin lors d’une négociation au niveau européen. Mon peu de considération des Verts s’en est très largement accru pour ne pas dire plus.]

      Tout à fait. Mais les Verts ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le consensus pour ne rien faire va bien au-delà d’eux. C’est d’ailleurs frappant de comparer les réactions du politique aujourd’hui et il y a un demi-siècle. Hier, lorsqu’une difficulté arrivait, on réagissait en réalisant des ouvrages. On a réagi au choc pétrolier en réalisant le programme électronucléaire, on a réagi aux inondations en réalisant réservoirs et barrages. Aujourd’hui, après des inondations qui se répètent d’année en année on ne voit pas se pointer le moindre programme de travaux pour les prévenir. Les ministres se contentent d’aller pleurer sur place, et de faire pression sur les assureurs pour qu’ils payent les réparations, les maires ouvrent le parapluie en multipliant les zones inconstructibles. Mais construire des barrages ou des réservoirs ? Vous n’y songez pas, ce serait perturber la sacro-sainte nature. Et peu importe si les réservoirs en question, avec le temps, deviennent au contraire un facteur de biodiversité – il n’y a qu’à voir ce que sont devenus les réservoirs qui régulent la Seine.

      [Votre critique est largement fondée mais il y manque celle du RN pusillanime, timorée elle aussi. Quand on est dans l’opposition on vote contre l’acte majeur d’un gouvernement qu’est son budget.]

      Tout à fait, d’autant plus que ce budget est totalement incohérent. Je trouve personnellement que le RN se « normalise » dangereusement. Il prend le même chemin que naguère le PCF : sacrifier le rôle « tribunitien » pour s’approcher du pouvoir. A mon sens, c’est une erreur: le parti tribunitien n’entre pas au gouvernement, mais a un poids important sur les décisions. Le même parti, une fois “normalisé”, n’a guère de poids.

      • Musée de l'Europe dit :

        [Je trouve personnellement que le RN se « normalise » dangereusement.]
        La campagne de 2eme tour n’a duré qu’une semaine, ce qui n’a sans doute pas laissé le temps à tout le monde de voir que Bardella lâchait tout au capital… Le RN est-il autre chose que la reconstitution d’un parti politique de droite ayant des électeurs, une base populaire (ayant capitalisé sur “le vote contre” et des prises de position sociétales), pour reconstituer la “façade” actuellement bien lézardée dont vous parlez ? Ce capital électoral une fois constitué est à vendre aux investisseurs, non ?

        • Descartes dit :

          @ Musée de l’Europe

          [La campagne de 2eme tour n’a duré qu’une semaine, ce qui n’a sans doute pas laissé le temps à tout le monde de voir que Bardella lâchait tout au capital…]

          Oui. Il y en a apparemment qui croient qu’on peut aller chasser sur les électorats de la droite bourgeoise tout en conservant le soutien de l’électorat populaire. En d’autres temps, le PCF avait cru possible d’aller chercher les classes intermédiaires tout en gardant les ouvriers. Ça n’a pas marché, et ça ne pouvait pas marcher. Le RN est en train d’expérimenter le même problème. La difficulté est qu’en se contentant d’un rôle tribunicien, un parti peut exercer une réelle influence, mais ses dirigeants doivent se résigner au fait qu’ils ne seront jamais ministres. Ca pouvait marcher avec les anciennes générations : pour des hommes comme Georges Marchais ou Jean-Marie Le Pen, peser sur les réalités était plus important qu’avoir une voiture à gyrophare. Mais pour des gens comme Bardella, avoir de l’influence, cela ne suffit pas.

          [Le RN est-il autre chose que la reconstitution d’un parti politique de droite ayant des électeurs, une base populaire (ayant capitalisé sur “le vote contre” et des prises de position sociétales), pour reconstituer la “façade” actuellement bien lézardée dont vous parlez ? Ce capital électoral une fois constitué est à vendre aux investisseurs, non ?]

          Sauf que ce capital, comme vous dites, risque de fondre comme neige au soleil une fois arrivés au pouvoir, lorsque les contradictions inhérentes à cette tentative de servir deux maîtres aux intérêts opposés apparaîtra pour ce qu’elle est. En 1981, les socialistes ont réussi à maintenir l’illusion pendant deux ans. Aujourd’hui, les couches populaires sont bien plus sceptiques.

  3. Bob dit :

    @ Descartes
     
    [Quitte à dire aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait la veille, et cela sans faire la moindre autocritique, le moindre retour en arrière.]
     
    Cette description de Bayrou correspond, aussi, très bien à Macron…
     
    [Qu’un tel personnage ait pu devenir premier ministre met en évidence l’état de nos élites politiques.]
     
    La dégringolade n’est pas finie puisque Macron vient de nommer R. Ferrand président du Conseil Constitutionnel. Il faut dire que Fabius, président jusqu’alors, avait été condamné par la justice dans l’affaire du sang contaminé, et qu’y siégait déjà un repris de justice comme A. Juppé. Finalement, on est dans la continuité des choses. C’est sans doute ça la “République exemplaire ” de Macron. La femme de César ne doit pas être soupçonnée ; de nos jours, on en vient à se demander si des ennuis judiciaires ne sont pas la sésame qui vous donne le droit d’accéder aux plus hautes fonctions. Braun-Pivet fait partie des nommés aussi, ses compétences juridiques m’avaient échappé (mais elle en a tant…) autant que celles de Ferrand. La “République des copains” dont parlait Le Pen est en pleine forme.
     
     
    [il y a une majorité pour que tout continue comme avant. ]
     
    Au sein de la classe – caste ? – politique, certainement ; dans la population, c’est beaucoup moins sûr. Et cet écart est vertigineux il me semble.
     

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [« Quitte à dire aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait la veille, et cela sans faire la moindre autocritique, le moindre retour en arrière. » Cette description de Bayrou correspond, aussi, très bien à Macron…]

      Oui et non. On peut penser ce qu’on veut de Macron, mais pas d’être un démagogue. Au contraire, il a fait preuve d’une constance qui frise l’entêtement dans des situations où son intérêt lui commandait plutôt la flexibilité. Macron est un homme persuadé d’avoir la vérité, et incapable de mettre de l’eau dans son vin. Bayrou est un homme qui se fout royalement lde la vérité, tout ce qui l’intéresse est sa carrière. Là où Macron rompt plutôt que plier, Bayrou fera l’inverse.

      [« Qu’un tel personnage ait pu devenir premier ministre met en évidence l’état de nos élites politiques. » La dégringolade n’est pas finie puisque Macron vient de nommer R. Ferrand président du Conseil Constitutionnel.]

      Ce ne sera pas la première crapule à s’asseoir dans ce fauteuil. Après Roland Dumas, difficile de faire pire, que ce soit en termes de corruption ou en termes de politisation de l’institution.

      [Il faut dire que Fabius, président jusqu’alors, avait été condamné par la justice dans l’affaire du sang contaminé,]

      Là, vous calomniez un innocent. Laurent Fabius a été relaxé par la Cour de justice de la République, qui au contraire a constaté que dans ses fonctions de premier ministre il avait au contraire pris les mesures qui s’imposaient compte tenu des connaissances de l’époque : « l’action de Laurent Fabius a contribué à accélérer les processus décisionnels », de manière à imposer le dépistage des dons de sang dans la plupart des centres de dons « sans retard, par comparaison avec le calendrier observé dans la plupart des autres pays du monde ». C’est une grande injustice de l’époque : Fabius a été le plus éclaboussé par cette affaire, alors qu’il n’avait commis aucune faute.

      [Braun-Pivet fait partie des nommés aussi, ses compétences juridiques m’avaient échappé (mais elle en a tant…) autant que celles de Ferrand. La “République des copains” dont parlait Le Pen est en pleine forme.]

      Braun-Pivet au Conseil constitutionnel ? Ca m’étonnerait.

      [« il y a une majorité pour que tout continue comme avant. » Au sein de la classe – caste ? – politique, certainement ; dans la population, c’est beaucoup moins sûr. Et cet écart est vertigineux il me semble.]

      Je n’aime pas trop parler de « caste politique », cela me paraît contraire à la réalité. Quant au fond de votre remarque, je m’interroge. S’il y avait une grosse majorité pour que les choses changent, les politiciens y seraient sensibles. En fait, s’il y a une majorité mécontente de l’état des choses, il y a aussi une majorité qui a peur de tout changement. C’est cette contradiction qui conduit à l’immobilisme morose que nous connaissons…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Après Roland Dumas, difficile de faire pire]
        C’est vrai. Point de “progrès” notable de ce côté-ci en tout cas. Tous ces choix discutables – pour être gentil – contribuent, je pense, à décrédibiliser ce type d’institution aux yeux de beaucoup de gens.
         
        [Là, vous calomniez un innocent. Laurent Fabius a été relaxé par la Cour de justice de la République]
        Au temps pour moi. 
        Au passage, le fait qu’on a créé une juridiction “spéciale” pour juger les politiciens me laisse perplexe. Ne sommes-nous pas censés être tous égaux devant la justice ? (Bien sûr, en pratique, comme disait La Fontaine, selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements vous rendront innocents ou coupables.)
         
         
        [Braun-Pivet au Conseil constitutionnel ? Ca m’étonnerait.]
         
        “le président du Sénat, Gérard Larcher, a désigné le sénateur LR Philippe Bas et la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, l’ex-députée MoDem Laurence Vichnievsky comme membres de Conseil”.  Source: FranceInfo ce matin.
         
        [En fait, s’il y a une majorité mécontente de l’état des choses, il y a aussi une majorité qui a peur de tout changement. C’est cette contradiction qui conduit à l’immobilisme morose que nous connaissons…]
        Sans doute. Les votes de rejets aux élections européennes et législatives ont pourtant dit qu’une majorité ne voulait plus de la politique de Macron, qui pourtant continue bel et bien comme si de rien n’était.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [« Après Roland Dumas, difficile de faire pire » C’est vrai. Point de “progrès” notable de ce côté-ci en tout cas. Tous ces choix discutables – pour être gentil – contribuent, je pense, à décrédibiliser ce type d’institution aux yeux de beaucoup de gens.]

          Tout à fait. Au mieux, cela apparaît comme une façon de récompenser un fidèle avec un fauteuil chaud et bien payé. Au pire, de placer un ami qui pourra faire pencher la balance de la justice du bon côté. Dans les deux cas, c’est l’institution qui sort perdante. Cela étant dit, ce n’est pas forcément un mal. Un Conseil constitutionnel constitué de personnalités éminentes et incontestables aurait une autorité bien plus grande, qui lui permettrait de devenir une véritable « cour suprême » et nous rapprocherait du gouvernement des juges.

          [Au passage, le fait qu’on a créé une juridiction “spéciale” pour juger les politiciens me laisse perplexe. Ne sommes-nous pas censés être tous égaux devant la justice ?]

          Non. Les mineurs, par exemple, sont jugés par des juridictions « spéciales ». Je vous rappelle qu’en droit l’égalité implique que deux citoyens dans la même situation juridique reçoivent un traitement identique. Mais on peut sérieusement argumenter que les actes commis dans l’exercice des fonctions ministérielles ne sont pas de même nature que ceux que vous pouvez commettre dans la cour arrière de votre maison.

          Personnellement, je suis très méfiant de toutes les structures qui aboutissent à organiser l’impuissance du pouvoir politique. Lorsqu’on dirige l’Etat, on est quelquefois obligé de faire des choses que la loi condamne et que la morale réprouve. Soumettre l’action du gouvernement au contrôle du juge ordinaire rendrait de tels actes impossibles. Le contrôle des actes politiques doit revenir au parlement, pas au juge.

          [(Bien sûr, en pratique, comme disait La Fontaine, selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements vous rendront innocents ou coupables.)]

          Au même procès, Edmond Hervé, qui était a l’époque des faits ministre de la santé et un vieil ami de Mitterrand, avait été déclaré coupable. La moralité de la fable en question ne s’applique pas aussi mécaniquement que vous le pensez.

          [« Braun-Pivet au Conseil constitutionnel ? Ca m’étonnerait. » “le président du Sénat, Gérard Larcher, a désigné le sénateur LR Philippe Bas et la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, l’ex-députée MoDem Laurence Vichnievsky comme membres de Conseil”. Source: FranceInfo ce matin.]

          Vous avez mal placé les virgules. Pour les trois fauteuils vacants, le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée proposent chacun un nom. Le président du Sénat a proposé le sénateur Philippe Bas, la présidente de l’Assemblée a proposé l’ex députée Laurence Vichnievsky. Et le président de la République proposera probablement Ferrand. Mais personne n’a proposé le nom de Yaël Braun-Pivet…

          [Sans doute. Les votes de rejets aux élections européennes et législatives ont pourtant dit qu’une majorité ne voulait plus de la politique de Macron, qui pourtant continue bel et bien comme si de rien n’était.]

          Une majorité ne voulait plus de la politique de Macron, mais on trouve aussi une majorité pour ne pas vouloir le pousser vers la sortie…

  4. Cording1 dit :

    “Les débats institutionnels sont de la poudre aux yeux….légitimité des politiques mises en oeuvre ”  C’est bien ce que rappelait encore ce matin le député Alexis Corbière avec sa marotte de la 6ème république censée résoudre les problèmes notamment institutionnels. C’est aussi ce que je ne cesse de rappeler à tout militant de la FI que c’est une perte de temps et d’énergie qui ne résoudra rien tant que cette gauche présumée radicale veut rester dans l’UE. Elle ne propose que finalement, au delà du bruit et de la fureur de son caudillo, qu’une politique sociale-démocrate de meilleure répartition des richesses, probablement incompatible avec les engagements européens de la France acceptés par la FI, sans s’attaquer au système qui crée cette situation. Autrefois du temps au moins du Programme commun il y avait une gauche plus radicale que celle-là. 

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [“Les débats institutionnels sont de la poudre aux yeux….légitimité des politiques mises en oeuvre ” C’est bien ce que rappelait encore ce matin le député Alexis Corbière avec sa marotte de la 6ème république censée résoudre les problèmes notamment institutionnels.]

      Mais quels sont aujourd’hui les « problèmes institutionnels » ? C’est cela qui m’énerve. En 1958, le problème était bien « institutionnel » : la Constitution de 1946 condamnait l’exécutif à l’impuissance et rendait impossible le traitement des problèmes du pays, au premier chef la guerre d’Algérie, mais pas que. Aujourd’hui, ce ne sont pas les institutions de la Vème qui posent problème. C’est le fait qu’une fois encore on s’est débrouillé pour organiser l’impuissance de l’exécutif, en modifiant l’équilibre institutionnel – notamment avec la suppression du septennat – et en transférant le pouvoir aux institutions européennes, aux « autorités indépendantes » et aux juges. C’est d’ailleurs une vieille tendance de nos élites, de vouloir réduire le pouvoir exécutif à l’impuissance. Parce qu’être puissant oblige à réfléchir, à prendre des décisions et donc des risques. L’impuissance, c’est la sécurité. C’est l’assurance que personne ne pourra rien vous reprocher. C’est d’ailleurs pourquoi, vous le remarquerez, toutes les propositions de « VIème République » qui sont sur la table veulent un retour à un régime d’impuissance de l’exécutif.

      [Autrefois du temps au moins du Programme commun il y avait une gauche plus radicale que celle-là.]

      Ca… quand on pense qu’un modéré comme Mitterrand pouvait proclamer du haut d’une tribune sans être contredit que ceux qui ne voulaient pas la rupture avec le capitalisme n’avaient pas leur place au Parti socialiste… vous imaginez Hollande, Vallaud ou Faure dire la même chose ?

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [“Les débats institutionnels sont de la poudre aux yeux….légitimité des politiques mises en oeuvre ” C’est bien ce que rappelait encore ce matin le député Alexis Corbière avec sa marotte de la 6ème république censée résoudre les problèmes notamment institutionnels.]

      Mais quels sont aujourd’hui les « problèmes institutionnels » ? C’est cela qui m’énerve. En 1958, le problème était bien « institutionnel » : la Constitution de 1946 condamnait l’exécutif à l’impuissance et rendait impossible le traitement des problèmes du pays, au premier chef la guerre d’Algérie, mais pas que. Aujourd’hui, ce ne sont pas les institutions de la Vème qui posent problème. C’est le fait qu’une fois encore on s’est débrouillé pour organiser l’impuissance de l’exécutif, en modifiant l’équilibre institutionnel – notamment avec la suppression du septennat – et en transférant le pouvoir aux institutions européennes, aux « autorités indépendantes » et aux juges. C’est d’ailleurs une vieille tendance de nos élites, de vouloir réduire le pouvoir exécutif à l’impuissance. Parce qu’être puissant oblige à réfléchir, à prendre des décisions et donc des risques. L’impuissance, c’est la sécurité. C’est l’assurance que personne ne pourra rien vous reprocher. C’est d’ailleurs pourquoi, vous le remarquerez, toutes les propositions de « VIème République » qui sont sur la table veulent un retour à un régime d’impuissance de l’exécutif.

      [Autrefois du temps au moins du Programme commun il y avait une gauche plus radicale que celle-là.]

      Ca… quand on pense qu’un modéré comme Mitterrand pouvait proclamer du haut d’une tribune sans être contredit que ceux qui ne voulaient pas la rupture avec le capitalisme n’avaient pas leur place au Parti socialiste… vous imaginez Hollande, Vallaud ou Faure dire la même chose ?

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