Je voterai Fabien Roussel !

Après cette campagne électorale décevante, l’heure du choix est arrivée. Il faut donc faire un choix. Un choix qui, pour moi en tout cas, ce ne sera pas un choix d’adhésion pleine et entière, tant il est difficile de trouver un candidat qui, sur les points que je juge essentiels – la défense des classes populaires, de la souveraineté nationale, de notre identité – arrive à me satisfaire. Et à l’arrivée, une conclusion s’impose à moi : en pesant tous les paramètres, le vote Fabien Roussel reste le meilleur compromis.

Il y a d’abord son positionnement. Alors que la plupart des candidats se placent dans une logique catastrophiste en se présentant comme le seul recours pour éviter la catastrophe à venir, Roussel a choisi – en invoquant « les jours heureux » – d’afficher un optimisme qui n’est pas très éloigné de « l’optimisme méthodologique ». A défaut de proposer un véritable projet, cette vision positive de la politique me semble renouer avec les « lendemains qui chantent », indispensables pour préparer une alternative politique.

Bien sûr, j’ai regardé son programme. Il est, je suis désolé de le dire, indigent. Des mesures démagogiques (« baisse de 30% des factures d’énergie ») se mêlent à des promesses vagues (« droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises afin qu’ils participent aux décisions »). Pas grande chose sur l’éducation, sur la souveraineté et nos rapports avec l’UE… et surtout, on n’y voit pas une cohérence qui permettrait de formuler un projet. Mais au moins, je dois le reconnaître, son programme ne cède pas aux modes et marottes de la gauche radicale. On ne nous promet pas la sortie du nucléaire ou la régularisation de tous les sans-papiers. C’est à la fois peu et beaucoup, compte tenu de la culture actuelle de la gauche radicale.

Mais ce n’est pas cela la motivation principale de mon vote. Si je vote Roussel, c’est parce qu’un bon résultat fera plaisir à des milliers de militants communistes, des gens pour lesquels j’ai la plus grande estime et qui, quelque soient les errements de leur Parti, restent les seuls défenseurs véritables des couches populaires.  Et surtout, parce qu’un bon résultat fera grincer les dents chez les capitulards qui, au sein du PCF, ont toujours milité pour aider l’OPA de Mélenchon sur leur parti, et renforcera ceux qui veulent maintenir un parti communiste autonome. Aujourd’hui, le PCF est aujourd’hui à gauche le seul parti de militants qui maintient les principes de direction et de réflexion collective. C’est un héritage qui, à mon sens, mérite d’être défendu.

Et puis, ce choix est aussi un choix par défaut devant la nullité des autres candidats. Car cette campagne fut un défilé d’égo-politiques, incapables d’articuler un vrai projet et balançant au petit bonheur la chance des promesses en fonction des sondages et des conseils ds communicants. Au point que Macron – comme l’a dit assez ironiquement Chevènement – est le seul qui apparaisse capable de gouverner…

Descartes

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167 réponses à Je voterai Fabien Roussel !

  1. Sacha dit :

    Oh, comme votre billet est beau ! Je ne me moque pas. Sa lecture fait du bien. Et dit des choses vraies.
    La dernière phrase aurait pu être supprimée sans dommage. Elle est ambiguë, d’une part. D’autre part, elle fait résonner sur le tam tam le nom d’un imposteur méprisant, arrogant et menteur. Etait-ce vraiment nécessaire ? Macron ou comment s’en débarrasser.
    Je vous lis souvent et suis souvent d’accord avec vous. Merci d’exister et de donner voix à celles et à ceux qui, loin d’être “complotistes” – l’insulte suprême – tentent de réfléchir, avec un regard dépassionné.
    Sincèrement,
    Sacha

    • Descartes dit :

      @ Sacha

      [La dernière phrase aurait pu être supprimée sans dommage. Elle est ambiguë, d’une part. D’autre part, elle fait résonner sur le tam tam le nom d’un imposteur méprisant, arrogant et menteur. Etait-ce vraiment nécessaire ? Macron ou comment s’en débarrasser.]

      Oui, elle est nécessaire. Indispensable même. Parce que si l’on veut se débarrasser de Macron, il faut offrir au peuple français une alternative crédible. Et la capacité à gouverner – réelle ou supposée, ce n’est pas la question – est un élément indispensable de cette crédibilité.

      Pourquoi croyez-vous qu’il y ait une « prime au sortant » ? Parce que le sortant bénéficie d’une sorte de « présomption de gouvernabilité ». Il a occupé le poste, il s’est débrouillé plus ou moins bien, mais il y est arrivé au bout. Est-ce que les autres candidats feraient mieux que lui ? On ne peut pas le savoir, puisqu’ils n’ont pas gouverné. Alors, vous connaissez le dicton « mieux vaut mauvais connu que bon à connaître »…

      Avoir des candidats qui promettent tout et n’importe quoi, qui rasent gratis sans expliquer qui paiera la crème à barbe, qui annoncent l’infaisable et changent d’avis en fonction des sondages, qui s’amusent avec des petits jeux de communication, ça n’aide pas à sortir Macron. Au contraire, cela renforce l’idée qu’il vaut mieux se contenter de ce qu’on a plutôt que de prendre le risque de confier les manettes à l’un de ces charlots. Macron l’a très bien compris d’ailleurs, en jouant à fond la carte de l’expérience.

      [Je vous lis souvent et suis souvent d’accord avec vous. Merci d’exister et de donner voix à celles et à ceux qui, loin d’être “complotistes” – l’insulte suprême – tentent de réfléchir, avec un regard dépassionné.]

      Merci de votre encouragement, savoir que des lecteurs apprécient ce travail me donne envie de continuer.

  2. Philippe Hermkens dit :

    Un blog classé conservateur cartésien qui recommande de voter communiste, 100 millions de morts au XXème siècle
    On est en France 

    • Descartes dit :

      @ Philippe Hermkens

      [Un blog classé conservateur cartésien qui recommande de voter communiste, 100 millions de morts au XXème siècle]

      Vous avez du mal lire. Où voyez-vous dans mon papier la moindre “recommandation” ? J’ai trop de respect pour mes lecteurs pour leur “recommander” quoi que ce soit. J’ai dit ce que je votais, et pourquoi. Chacun en tirera les conclusions que son intelligence lui dictera. N’est ce pas là une logique tout à fait “cartésienne” ?

      Après, pour les “100 millions de morts”… vous savez, si on part dans la nécrocomptabilité, personne n’en sort indemne. Le capitalisme avec ses deux guerres mondiales n’est pas si mal placé… et si à cela vous ajoutez les victimes du colonialisme et celles de la surexploitation industrielle (“les enfants de cinq ans travaillant dans les mines…” que chantait Ferrat) vous arriverez aussi à des chiffres délirants. L’histoire humaine est une histoire tragique, et celui qui en sort les mains propres, c’est parce qu’il n’a pas de mains. C’est là le privilège des trotskystes…

      • Sami dit :

        Juste un mot à propos des “trotskistes”. Ce qu’on appelle les “trotskistes”, oui, un grand nombre d’entre eux ont trahi. Une trahison multidirectionnelle, et pour les pires, carrément un ralliement à ce que le capitalisme a produit de pire, comme le néoconservatisme US, par exemple, ou bien en France, un ralliement honteux à la sociale démocratie (PS), sans parler des militants du NPA qui, toute honte bue, ont réclamé et réclame encore, des interventions de l’OTAN, etc etc….Une minorité est restée sincèrement fidèle aux idéaux de la révolution bolchévique. Très rares. Ils ont le droit idéologique de considérer que le stalinisme a mené la révolution dans l’ornière que l’on sait. Tout cela rappelé, j’en viens à ce que je tenais à préciser : les trotskistes ne sont pas … Trotsky. Lui, il a eu des mains, et c’est bien sous sa direction par exemple, que l’Armée Rouge a résisté comme on le sait. Il avait la confiance de Lénine. Ce sont là des faits historiques. Après, il avait absolument le droit moral et politique, de par son œuvre, son action, de penser qu’il y avait un autre avenir pour la révolution de 17. Et il l’a payé de sa vie. On ne peut faire plus, en matière de légitimité militante.Voilà, je voulais juste préciser cela : ne pas confondre Léon avec ses autoproclamés descendants. Je me dis qu’il se retournerait dans sa tombe comme une toupie folle, s’il voyait ce qu’ils ont fait de son nom. Je ne dis pas que vous avez critiqué Trotsky lui-même. Je tenais, encore une fois, juste à rappeler tout ce dont j’ai parlé plus haut. 

        • Descartes dit :

          @ Sami

          [Juste un mot à propos des “trotskistes”. Ce qu’on appelle les “trotskistes”, oui, un grand nombre d’entre eux ont trahi. Une trahison multidirectionnelle, et pour les pires, carrément un ralliement à ce que le capitalisme a produit de pire,]

          Oui. Mais la question intéressante est celle du pourquoi. Car sauf à penser que ces gens partageaient un « gène de la trahison », ce qui serait une explication peu scientifique, il faut trouver une raison qui expliquerait ce comportement. Pour moi, l’explication est simple : le trotskysme se définit d’abord « contre » l’orthodoxie communiste – certains appelleront cela « stalinisme », mais personnellement je pense que c’est un peu réducteur. Cette obsession, conjuguée au raisonnement « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », ne peut que conduire au désastre. L’exemple peut-être le plus flagrant fut celui des intellectuels qui, comme Badiou, ont soutenu la « grande révolution culturelle » ou le régime de Pol Pot simplement parce que Mao avait rompu avec les soviétiques…

          [Une minorité est restée sincèrement fidèle aux idéaux de la révolution bolchévique. Très rares. Ils ont le droit idéologique de considérer que le stalinisme a mené la révolution dans l’ornière que l’on sait.]

          Un marxiste qui parle « d’idéaux », c’est une contradiction dans les termes. Par ailleurs, il n’y a aucune garantie que les politiques proposés par les trotskystes à l’époque n’auraient conduit la révolution dans une ornière encore pire. Car Trotski n’avait rien d’un tendre, et rien ne dit qu’il n’aurait répondu aux défis brutaux d’une époque brutale très différemment. C’est tout le problème de juger l’histoire : nous savons ce qui est arrivé sous Staline, nous ne saurons jamais ce qui serait arrivé si Trotski avait gouverné. C’est pourquoi ceux qui n’ont pas de mains sont les seuls qui peuvent se vanter d’avoir des mains propres.

          [Tout cela rappelé, j’en viens à ce que je tenais à préciser : les trotskistes ne sont pas … Trotski. Lui, il a eu des mains, et c’est bien sous sa direction par exemple, que l’Armée Rouge a résisté comme on le sait. Il avait la confiance de Lénine. Ce sont là des faits historiques.]

          La « confiance de Lénine »… pas tant que ça, en fait. Si la revendication de l’héritage de Lénine par les staliniens est contestable, celle des trotskystes l’est tout autant. Dans son « testament », Lénine est aussi critique de l’un que de l’autre. Lénine était entré en conflit avec Trotsky sur beaucoup de sujets, notamment le point essentiel de la paix avec l’Allemagne, et avait alors vertement critiqué l’irréalisme des « gauchistes » du parti bolchévique. Et puisque vous citez les « faits historiques », il faudrait y ajouter au compte de Trotski la théorisation de la terreur ( voir sa brochure « Terrorisme et communisme ». C’est Souvarine – peu suspect de stalinisme – qui le dit : « « Trotski était persuadé que toute difficulté, toute résistance pouvaient être surmontées par ce seul mot : “fusiller !” ».

          [Après, il avait absolument le droit moral et politique, de par son œuvre, son action, de penser qu’il y avait un autre avenir pour la révolution de 17. Et il l’a payé de sa vie.]

          Pas vraiment. Il n’a pas été tué parce pour ce qu’il « pensait », mais parce que depuis l’exil il montait conspiration sur conspiration contre le gouvernement soviétique de l’époque. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : celui d’un pouvoir soviétique encore peu affirmé, d’une guerre de factions toujours aussi vivance au sein du parti bolchévique.

          [Voilà, je voulais juste préciser cela : ne pas confondre Léon avec ses autoproclamés descendants.]

          Oui et non. Bien sûr, un homme politique n’est jamais responsable de ce qu’on fait de son héritage une fois mort. Mais certains héritages sont plus sulfureux que d’autres. Ce qu’on peut reprocher à Trotski, c’est de ne pas avoir compris – mais c’est une constante dans toutes les révolutions – qu’après le traumatisme de la révolution et la guerre civile, il fallait à l’URSS naissante un pouvoir fort, capable d’établir les « masses de granit » un peu comme le fit Napoléon après la Révolution française. En voulant perpétuer la guerre civile, il a construit un mouvement qui était antisoviétique avant d’être révolutionnaire.

          • Sami dit :

            Tout cela bien entendu se discute, point par point. Si Trotsky luttait selon ses principes contre ce qu’il a considéré comme une dérive, il n’a jamais trahi l’URSS en tant que telle, en tant que porteuse de l’idéal (si si…) marxiste. Il l’a bien précisé. Ce qui n’est pas le cas de ses “héritiers”, qui, effectivement, ont fait de la lutte anti URSS une obsession maladive, confinant souvent à la trahison pure et simple. Et oui, bien d’accord, on ne sait pas ce que Trotsky, qui effectivement n’était pas un tendre non plus, aurait fait de mieux ou de pire que Staline. On ne le saura jamais, sauf à faire de la politique fiction.Vaste sujet… Merci tout de même pour votre réponse.

            • Descartes dit :

              @ Sami

              [Tout cela bien entendu se discute, point par point. Si Trotsky luttait selon ses principes contre ce qu’il a considéré comme une dérive, il n’a jamais trahi l’URSS en tant que telle, en tant que porteuse de l’idéal (si si…) marxiste.]

              C’est un peu plus compliqué que ça. Si les révolutions dévorent en général ses enfants, c’est parce que la révolution crée une situation d’instabilité ou tout – y compris le pire – devient possible. Des factions représentant des visions et des intérêts divergents s’affrontent sans qu’il existe des procédures établies pour marquer des limites, pour séparer l’admis et l’interdit. Et comme chacun peut détruire l’autre, les conflits deviennent vitaux jusqu’à provoquer la guerre civile.

              Dans les années 1930, l’URSS luttait pour sortir de cette lutte de factions. Une lutte de factions qui est restée fort violente jusqu’à la fin des années 1930, avec de nombreux attentats, assassinats politiques, complots et tutti quanti. Si Staline a pu s’établir solidement au pouvoir, c’est parce qu’il y avait une demande de la société – c’était la même chose avec Napoléon – de laisser la guerre civile derrière elle, de revenir à une forme d’ordre.

              Je ne sais pas si Trotski a « trahi » ou non l’Etat soviétique, mais son action visait clairement à déstabiliser le gouvernement soviétique. Alors que les autres factions avaient été éliminées ou forcées à rentrer dans le rang, les trotskistes étaient encore présents, au niveau national mais aussi international. Dans ces conditions, on comprend qu’il ait été perçu comme une menace, celle de la continuation des luttes de factions.

      • JulesXR52 dit :

        Si vous dites que vous voterez (donc que vous avez voté…) pour Roussel, c’est que vous êtes fier de votre choix, que, d’une certaine manière, vous le conseillez, sinon vous n’en feriez pas un billet. Je suis d’accord avec Philippe Hermkens: on est en France, pas de doute. 100 millions de morts, ça ne vous gêne pas. Merci, ça me permet de vous rayer de mes favoris, j’en avais trop.

        • Descartes dit :

          @ JulesXR52

          [Si vous dites que vous voterez (donc que vous avez voté…) pour Roussel, c’est que vous êtes fier de votre choix,]

          Pas forcément. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie dont je ne suis pas particulièrement fier, mais qui me semblaient nécessaires au moment où je les ai faites. D’une façon générale, la fierté vient chez moi lorsque j’arrive à faire quelque chose de particulièrement ardu ou difficile. Et franchement, voter pour Roussel ne présentait pas de difficulté particulière.

          [que, d’une certaine manière, vous le conseillez, sinon vous n’en feriez pas un billet.]

          Jusqu’à un certain point, oui. J’expose les raisons qui m’ont fait voter Roussel, et j’ai l’espoir que mon raisonnement soit juste. Et donc qu’il soit suivi par d’autres. Mais cela n’a aucun rapporta avec une quelconque « fierté ».

          [Je suis d’accord avec Philippe Hermkens: on est en France, pas de doute. 100 millions de morts, ça ne vous gêne pas.]

          Ça me gêne beaucoup. Mais qu’est ce que vous voulez que j’en fasse ? Le communisme, c’est des centaines de millions de morts. Le capitalisme, c’est des centaines de millions de morts. La seule façon d’avoir les mains propres, c’est de ne pas avoir de mains.

          [Merci, ça me permet de vous rayer de mes favoris, j’en avais trop.]

          Vous avez raison : il ne faut lire que les gens qui sont d’accord avec vous. C’est tellement plus rassurant…

          • JulesXR52 dit :

            Le capitalisme, contrairement à ce que vous avez l’air de penser, n’est pas l’inverse du communisme. Le communisme est simplement une théorie folle dont l’application a coûté des millions de morts, alors que le “capitalisme” est la façon normale de fonctionner d’une économie. Il est aussi scandaleux qu’il existe encore un parti en France qui se dit “communisme” que s’il existait encore un parti nazi.

            • Descartes dit :

              @ JulesXR52

              [Le capitalisme, contrairement à ce que vous avez l’air de penser, n’est pas l’inverse du communisme.]

              Je ne sais pas d’où vous tirez l’idée que je pourrais penser pareille chose. J’ai plusieurs fois abordé la question sur ce blog. Le « communisme » est un mode de production, tout comme le capitalisme, le mode de production féodal ou antique. Autrement dit, c’est une manière d’organiser la propriété et l’échange des facteurs de production.

              [Le communisme est simplement une théorie folle dont l’application a coûté des millions de morts, alors que le “capitalisme” est la façon normale de fonctionner d’une économie.]

              Le « capitalisme » n’a rien de « normal ». Pendant des millénaires, la production a été organisée suivant d’autres modèles. Le capitalisme n’apparaît que graduellement à partir de la Renaissance, et lui aussi génère une idéologie justifiant la répression des prolétaires, la conquête et l’asservissement colonial, les guerres pour ouvrir les marchés ou réduire un concurrent… et tout cela fera, là aussi, des millions de morts. L’histoire est tragique, que voulez-vous… et la nécro-comptabilité une pratique aléatoire et somme toute peu éclairante…

              [Il est aussi scandaleux qu’il existe encore un parti en France qui se dit “communisme” que s’il existait encore un parti nazi.]

              Heureusement, ce n’est pas vous qui décidez ce que les gens ont le droit de penser. J’attire tout de même votre attention sur le fait que lorsqu’il s’est agi de faire face à l’Allemagne nazie, l’ensemble des démocraties ont préféré une alliance avec les « communistes ». Ce qui semble suggérer que pour leurs éminents dirigeants l’équivalence entre communistes et nazis n’était pas aussi triviale qu’elle ne l’est pour vous.

          • JulesXR52 dit :

            (réponse à votre dernière réponse) Si les alliés se sont retrouvés alliés aux Russes, c’est grâce à la cinglerie d’Hitler qui a rompu le pacte germano-soviétique en juin 41. En temps de guerre, on ne fait pas la fine bouche quant à la qualité de ses alliés. Je rappelle au passage l’épisode du sabotage de matériel français par le PCF, quand le pacte germano-soviétique n’avait pas encore été rompu. Le “parti des fusillés”, vous repasserez, ça a surtout été le “parti des collabos et des traitres”. Au total, le bilan du communisme est infiniment plus grave que celui du nazisme, ne serait-ce que parce qu’il a duré beaucoup plus longtemps. Votre position est indéfendable.

            • Descartes dit :

              @ JulesXR52

              [En temps de guerre, on ne fait pas la fine bouche quant à la qualité de ses alliés.]

              Vous voulez dire que “en temps de guerre” Churchill, De Gaulle, Roosevelt et les autres dirigeants des grandes démocraties auraient pu s’allier à Hitler, par exemple ? Je note, je note…

              [Je rappelle au passage l’épisode du sabotage de matériel français par le PCF, quand le pacte germano-soviétique n’avait pas encore été rompu.]

              Pourriez-vous citer l’épisode exact ?

              [Le “parti des fusillés”, vous repasserez, ça a surtout été le “parti des collabos et des traitres”.]

              Vous voulez dire que le général De Gaulle se serait compromis avec “le parti des collabos et des traîtres” en les admettant dans la France Libre et en gouvernant avec eux ? Là encore, je note votre point. Je trouve la vision que vous avez de la période absolument fascinante…

              [Votre position est indéfendable.]

              Je laisse mes lecteurs juges de ce point…

    • Simon dit :

      Il faut reconnaître qu’objectivement la menace communiste est aujourd’hui quasi-nulle (au même niveau que la menace fasciste ou que celle de la chute d’un astéroïde).
      Je suis prêt à voter communiste s’ils font à nouveau des communiqués comme il y a 50 ans, à l’occasion d’une occupation universitaire :
       
      Pour M. Leroy, la crise morale de la société capitaliste française est bien une réalité. Il écrit :
      ” Comment pourrait-il en être autrement, alors que la recherche du profit, la ” rentabilisation ” sont
      présentées comme les valeurs suprêmes dans le VIe Plan, les discours officiels, la publicité
      quotidienne ?
      ” Comment pourrait-il en être autrement dans un régime où il est parfaitement légal de ne pas payer
      d’impôts lorsque l’on est riche, mais d’acquitter la T.V.A. lorsque l’on croit faire un don à la recherche
      médicale ?
      ” Les scandales, scandales immobiliers, scandales de l’O.R.T.F., sont les produits naturels d’un système
      dont la règle consiste par exemple à faire payer les dépenses d’équipement par la société et toucher
      les profits par les monopoles.
      ” Tel est l’ordre capitaliste. L’argent y est la mesure de toutes choses. Auprès de lui, rien n’a vraiment
      d’importance, tout peut être justifié, aussi bien la torture par Massu que le malthusianisme par
      Mansholt ou la mise en cause du progrès scientifique.
      ” La révolte même de certains enfants de la bourgeoisie est profondément gangrenée par la
      décomposition de leur classe. Ainsi les groupes gauchistes couvrent d’une phrase révolutionnaire la
      mascarade à laquelle ils se sont livrés le matin du 1er mai et qui contredit les traditions
      révolutionnaires de cette journée. (…)
      ” Les groupes gauchistes affichent, en même temps que M. Alliot, qui est dans l’éducation nationale
      l’un des plus éminents technocrates du pouvoir, leur complaisance à l’égard de la pègre qui trouve
      asile à Censier.
       
      Quelques centaines de gens, y compris des éléments extérieurs à l’Université, prétendent décider, au
      nom de quinze mille étudiants, une grève dont l’objectif est de maintenir les locaux ouverts aux
      drogués et aux déclassés.
      ” Le fait que quelques enseignants confondent les franchises universitaires avec l’ouverture des
      facultés aux dépravés est un signe supplémentaire d’une crise morale que le pouvoir entend utiliser à
      son profit.
      ” Et, finalement, on a toujours en réserve, comme un feu couvant sous la cendre, une petite
      barricadette pour la veille du référendum, des homosexuels pour le 1er mai, une aile entière de la
      faculté des sciences pour les ” états-majors ” gauchistes. (…)
      ” Ce désordre ne représenta pas l’avant-garde de la société, mais la pourriture du capitalisme à son
      déclin. Les étudiants, l’ensemble des jeunes, pas plus que les ouvriers, ne peuvent s’y reconnaître. Ils
      ne peuvent confondre l’imagination créatrice des masses et le désordre. (…)
      ” La lutte contre le gauchisme, sans la moindre complaisance théorique et politique, est indispensable
      pour gagner au combat révolutionnaire les jeunes en révolte contre le désordre capitaliste. “

      • Descartes dit :

        @ Simon

        [” La lutte contre le gauchisme, sans la moindre complaisance théorique et politique, est indispensable
        pour gagner au combat révolutionnaire les jeunes en révolte contre le désordre capitaliste. “]

        Nostalgie nostalgie… alors que le candidat LFI arrive en tête dans l’un des arrondissements les plus chers de la capitale…

  3. magnin anne dit :

    Un message inattendu mais audible.
    Pour ma part,j’hésite encore car l’urgence climatique et les limites à imposer à la croissance me semblent essentielles,et personne  ne me convainc à cet égard.
    Anne

    • Descartes dit :

      @ magnin anne

      [Un message inattendu mais audible.]

      Pourquoi « inattendu » ? Je suis curieux : vous me voyiez voter pour qui ?

      [Pour ma part, j’hésite encore car l’urgence climatique et les limites à imposer à la croissance me semblent essentielles, et personne ne me convainc à cet égard.]

      Dans la mesure où « personne ne vous convainc à cet égard », cela ne peut être un critère de choix… Mais soyons sérieux : « l’urgence climatique » est globale. L’économie française est déjà largement décarbonnée, d’une part grâce au nucléaire, d’autre part grâce à la désindustrialisation. Les décisions que peut prendre le gouvernement français jouent donc sur une fraction minime des émissions mondiales. Dans ces conditions, cette question est-elle vraiment la priorité qui doit guider notre vote ?

  4. Gugus69 dit :

    Oui, ami et camarade, je vous comprends ; moi aussi j’aimerais bien faire plaisir aux vieux cocos, dont je fais encore un peu partie.
    Alors pour me convaincre, malgré l’ahurissant discours sur l’Ukraine de Roussel devant l’Assemblée nationale, j’ai lu sa profession de foi… Quel fatras ! Et tous les pensums wokisés sur la lutte “contre les stéréotypes de genre”, le féminisme à deux balles, “l’Europe sociale”…
    Et son site de campagne en écriture inclusive où on promet tout, à tout le monde, en même temps.
    J’en ai marre. D’autant qu’on voit bien que le “vote utile”, en cette fin de campagne, mélenchonnise toute la gôche, et écrase le pauvre Roussel.
    Alors comme il n’est pas question que je vote pour un socialiste maastrichien, anti-nucléaire et communautariste, je crois que je vais, une fois encore, imprimer mon bulletin Georges Marchais, nostalgie et humour mêlés. À moins que je ne vote pour Guennadi Ziouganov, pour les emmerder tous.

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Alors pour me convaincre, malgré l’ahurissant discours sur l’Ukraine de Roussel devant l’Assemblée nationale, j’ai lu sa profession de foi… Quel fatras ! Et tous les pensums wokisés sur la lutte “contre les stéréotypes de genre”, le féminisme à deux balles, “l’Europe sociale”… Et son site de campagne en écriture inclusive où on promet tout, à tout le monde, en même temps. J’en ai marre.]

      Ne soyez pas trop dur avec le camarade Roussel. Vous savez, quoi qu’il en pense personnellement, il lui faut faire avec le Parti qu’il a hérité de la bande à Hue-Buffet-Laurent. C’est-à-dire un parti où une partie de l’appareil et du corps militant est colonisé par ces « classes intermédiaires » si friandes de wokisme, de féminisme à deux balles et de « l’autre Europe ». Que voulez-vous, on en est à un point où avoir tenu ferme la barre sur le nucléaire, la réindustrialisation, la viande et les sans-papiers, c’est déjà un acte majeur de courage.

      [D’autant qu’on voit bien que le “vote utile”, en cette fin de campagne, mélenchonnise toute la gôche, et écrase le pauvre Roussel.]

      Ce serait peut-être le cas si Mélenchon avait une chance de passer au deuxième tour. Mais les derniers sondages montrent Mélenchon à 17-18% pour Marine Le Pen à 23-25%. Autrement dit, les chances que le « vote utile » soit vraiment « utile » sont quand même maigres, quoi qu’en disent Mélenchon et ses thuriféraires.

      [Alors comme il n’est pas question que je vote pour un socialiste maastrichien, anti-nucléaire et communautariste, je crois que je vais, une fois encore, imprimer mon bulletin Georges Marchais, nostalgie et humour mêlés.]

      Ce qui se joue dans cette élection, c’est aussi les équilibres internes du PCF. Si Roussel se plante, s’il fait un score minable, vous aurez encore plus de wokisme et d’écriture inclusive. Si Roussel fait un bon score, c’est le secteur « populaire » du PCF qui sortira renforcé. Parce que vous savez comment fonctionne l’appareil du PCF : il est toujours du côté de celui qui a les gros bataillons. Si Roussel apparaît comme pouvant attirer les électeurs – et donc conserver les positions électorales du PCF – l’appareil le suivra et les Laurent-Faucillon iront se rhabiller. Si Roussel apparaît en position de faiblesse, par contre, ce sont eux qui reprendront le pouvoir.

      Si, comme moi, vous avez une saine nostalgie de la période Marchais, alors il faut impérativement voter Roussel. La petite satisfaction de « les emmerder tous » vaut-elle le risque de préparer le retour du couple infernal Buffet-Laurent ?

      • Gugus69 dit :

        Si, comme moi, vous avez une saine nostalgie de la période Marchais, alors il faut impérativement voter Roussel. La petite satisfaction de « les emmerder tous » vaut-elle le risque de préparer le retour du couple infernal Buffet-Laurent ?
         
        Vous avez raison. Je voterai Roussel.

  5. dsk dit :

    @ Descartes
     
    Je vous félicite pour ce texte débordant d’optimisme “méthodologique”. Personnellement, j’aurais ajouté, afin d’achever vos lecteurs, pardon, d’achever de convaincre vos lecteurs, que Roussel me semble être un garçon fort sympathique, qui appellera sans aucun doute à voter Macron si MLP est au second tour, à moins que ce ne soit Mélenchon, auquel cas il ne cachera définitivement plus sa joie.
    En ce qui me concerne, je vous avoue que la dernière vague de sondages m’a encore fait changer d’avis : je pense que je voterai finalement MLP plutôt que Dupont-Aignan, car je ne voudrais pas me reprocher plus tard d’être passé à côté d’une chance, si minime soit-elle, de me débarrasser de Macron.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je vous félicite pour ce texte débordant d’optimisme “méthodologique”. Personnellement, j’aurais ajouté, afin d’achever vos lecteurs, pardon, d’achever de convaincre vos lecteurs, que Roussel me semble être un garçon fort sympathique, qui appellera sans aucun doute à voter Macron si MLP est au second tour, à moins que ce ne soit Mélenchon, auquel cas il ne cachera définitivement plus sa joie.]

      C’est très possible. Et dans ce cas, je manifesterai s’il y a lieu mon désaccord. Ma décision de voter Roussel n’implique certainement pas de suivre pour le deuxième tour les consignes qu’il pourrait donner. Je pense que vous avez compris à la lecture de mon papier que Roussel n’est pas, loin s’en faut, le candidat de mes rêves. Mais c’est ce qu’il y a de mieux en magasin, et il faut donc faire avec le choix qui nous est proposé.

      [En ce qui me concerne, je vous avoue que la dernière vague de sondages m’a encore fait changer d’avis : je pense que je voterai finalement MLP plutôt que Dupont-Aignan, car je ne voudrais pas me reprocher plus tard d’être passé à côté d’une chance, si minime soit-elle, de me débarrasser de Macron.]

      Pour moi, Dupont-Aignan, Philippot et compagnie se sont disqualifiés par leurs prises de position pendant la pandémie. Grâce à eux, le souverainisme est maintenant associé dans la tête du public à la bêtise et la manipulation des antivax. Ca, j’ai du mal à leur pardonner. Quant à MLP, je dois dire que j’ai beaucoup hésité : elle a certes renoncé à claironner la sortie de l’UE et de l’Euro, et cela rend bancal une partie de son discours « social-souverainiste ». Mais je me demande si sur cette question sa position a vraiment changé, ou si c’est plus simplement une question de « en penser toujours, n’en parler jamais ». Et elle reste quand même la candidate la plus « populaire » dans le choix de ses thématiques de campagne.

      Et au deuxième tour… tout sauf Macron !

      • Patriote Albert dit :

        [C’est très possible. Et dans ce cas, je manifesterai s’il y a lieu mon désaccord.]
        Vous pouvez déjà le manifester: https://mobile.twitter.com/Fabien_Roussel/status/1512320455285387265
        Franchement, je suis plutôt parti pour voter Roussel mais ce genre de déclaration me donne envie de le prendre à son propre discours: si c’est clair maintenant que le vote Roussel est un vote Macron au 2e tour, autant donner directement sa voix à sa future adversaire… Mais quel besoin a-t-il d’en faire des caisses dans la lutte contre l’extrême droite ? 

        • Descartes dit :

          @ Patriote Albert

          [Franchement, je suis plutôt parti pour voter Roussel mais ce genre de déclaration me donne envie de le prendre à son propre discours: si c’est clair maintenant que le vote Roussel est un vote Macron au 2e tour, autant donner directement sa voix à sa future adversaire…]

          Sauf que Roussel n’a pas le pouvoir de transférer les voix qu’il a reçu au premier tour au candidat de son choix au second. Le fait de voter pour un candidat ne m’engage nullement à suivre ensuite les consignes de vote qu’il pourrait donner. Le “vote Roussel” au premier tour n’est donc pas forcément “un vote macron au deuxième tour”…

          [Mais quel besoin a-t-il d’en faire des caisses dans la lutte contre l’extrême droite ?]

          On revient à la question médiatique. Mélenchon a payé cher son refus de se prononcer clairement en 2017. Insinuer qu’on pourrait inviter ses électeurs à aller taquiner le goujon en cas de deuxième tour Macron-Le Pen, c’est s’exposer à ce que les journalistes se polarisent sur ce sujet, rendant tout le reste de votre discours inaudible.

          • Patriote Albert dit :

            [On revient à la question médiatique. Mélenchon a payé cher son refus de se prononcer clairement en 2017. Insinuer qu’on pourrait inviter ses électeurs à aller taquiner le goujon en cas de deuxième tour Macron-Le Pen, c’est s’exposer à ce que les journalistes se polarisent sur ce sujet, rendant tout le reste de votre discours inaudible.]
            Oui, enfin le chœur des castors le soir du premier tour, ça commence à bien faire. Je comprends que des leaders “de gauche” n’osent pas appeler à voter Le Pen, même si d’un point de vue programmatique cela serait le plus censé. Mais quel besoin d’alimenter encore les fantasmes sur la “haine” et la “dictature” d’extrême-droite, en appelant plus ou moins clairement à voter Macron? Macron, fossoyeur de notre modèle social, dépeceur de fleurons industriels, liquidateur des services publics, européen convaincu? Combien de temps va-t-il falloir pour que l’on sorte du récit émotionnel et que l’ennemi prioritaire soit clairement désigné sur la base de la réalité?
            Nous sommes dans un jour sans fin, dans une situation de blocage où l’on rejoue sans cesse le duel du centre libéral et de l’extrême, et où les jeunes et les classes moyennes font office d’éternels rabatteurs finaux pour le macronisme. Et en attendant dans la cocotte-minute ça monte… Tout cela n’augure rien de bon.

            • Descartes dit :

              @ Patriote Albert

              [Oui, enfin le chœur des castors le soir du premier tour, ça commence à bien faire. Je comprends que des leaders “de gauche” n’osent pas appeler à voter Le Pen, même si d’un point de vue programmatique cela serait le plus censé. Mais quel besoin d’alimenter encore les fantasmes sur la “haine” et la “dictature” d’extrême-droite, en appelant plus ou moins clairement à voter Macron ?]

              Parce que je pense que ce coup-ci, sans les épouvantails de la « haine » et de la « dictature d’extrême droite », MLP passerait. Je pense que vous faites une erreur fondamentale en pensant que les leaders « de gauche » veulent la défaite de Macron. Les Jadot, Hidalgo, Mélenchon auraient bien aimé pouvoir prendre sa place, mais dès lors que cela est impossible, croyez-vous vraiment qu’ils préféreraient voir à la place de Macron un président qui ferait véritablement une politique en faveur des couches populaires – et donc en défaveur du « bloc dominant » ? Bien sur que non. Les électeurs de « la gauche », dans leur grande majorité, s’accommodent fort bien du libéralisme « soft » de Macron. Pourquoi croyez-vous que parmi les grands prêtres du macronisme on trouve une majorité d’anciens “barons” socialistes ?

            • Patriote Albert dit :

              [Je pense que vous faites une erreur fondamentale en pensant que les leaders « de gauche » veulent la défaite de Macron.]
              Je vous rassure, je n’attendais pas autre chose que ce qui s’est passé de la part de Jadot ou Hidalgo, mais la réaction de Mélenchon est déjà plus discutable sachant que c’est sa dernière campagne, il aurait au moins pu n’envoyer aucun message. D’après le Canard Enchaîné, il a “fait le taf” pour Macron en lui demandant en contrepartie d’orienter son discours, ce qui me semble très naïf.Et puis vous ne le mentionnez pas mais je trouve en particulier l’attitude de Roussel décevante. Il a fait ses 2%, qu’a-t-il à perdre à faire une nouvelle session de “blanc bonnet et bonnet blanc”, ce qui serait bien le minimum?
              [Les électeurs de « la gauche », dans leur grande majorité, s’accommodent fort bien du libéralisme « soft » de Macron. Pourquoi croyez-vous que parmi les grands prêtres du macronisme on trouve une majorité d’anciens “barons” socialistes ?]
              Là, vous confondez les électeurs et les élus. Je sais bien que le macronisme est peuplé d’une foule d’anciens socialistes, mais il n’empêche qu’une grande majorité d’électeurs de Mélenchon (dans mon entourage en tous cas) est bien embêtée au moment de faire son choix pour le second tour et n’apprécie pas du tout le libéralisme soft macronien. Mais, il y a une toujours cette infranchissable barrière psychologique face au vote RN… En tous cas, renforcer les citoyens dans cette attitude irrationnelle ne peut que pousser à la répétition du même match ad libitum…

            • Descartes dit :

              @ Patriote Albert

              [Je vous rassure, je n’attendais pas autre chose que ce qui s’est passé de la part de Jadot ou Hidalgo, mais la réaction de Mélenchon est déjà plus discutable sachant que c’est sa dernière campagne, il aurait au moins pu n’envoyer aucun message.]

              Je vous rappelle qu’il avait payé très cher son « aucun message » de la dernière fois. Mais plus profondément, je crois que Mélenchon – et la gauche en général – fait une erreur de calcul en s’imaginant que le plus grand danger pour notre pays est la victoire de MLP, et non la victoire de Macron. Vous savez, je me méfie toujours lorsqu’on invoque les grands principes : quand on m’explique que « par principe » il ne faut pas une seule voix pour Le Pen, je me dis que les arguments rationnels pour justifier ce vote doivent être bien faibles si l’on se sent obligé de sortir le joker des « principes ».

              De ce point de vue, je vous conseille la lecture de l’article de Régis de Castelnau ( https://www.vududroit.com/2022/04/presidentielle-voter-avec-les-classes-populaire-et-battre-macron/?fbclid=IwAR0Rx2CEiYEs2YTQk2ctq18OuHcVXdv3g7D9wHEy2qpJBI4ih_IGYdmxICw

              [D’après le Canard Enchaîné, il a “fait le taf” pour Macron en lui demandant en contrepartie d’orienter son discours, ce qui me semble très naïf.]

              Très naïf, en effet : les seuls engagements qui valent dans ces contextes sont les engagements publics, et encore.

              [Et puis vous ne le mentionnez pas mais je trouve en particulier l’attitude de Roussel décevante. Il a fait ses 2%, qu’a-t-il à perdre à faire une nouvelle session de “blanc bonnet et bonnet blanc”, ce qui serait bien le minimum ?]

              Et bien, il a 2% à perdre ! Soyons lucides : si Roussel avait parlé de « blanc bonnet et bonnet blanc », la faction du PCF qui répond à Mélenchon aurait profité pour le fusiller en faisant de lui un « rouge-brun » avec la complicité militante de l’ensemble de l’establishment médiatique. Pas la peine de donner ce genre de bâton pour se faire battre, d’autant plus que cela ne changerait rien. Je ne pense pas qu’on trouvera beaucoup de gens parmi ceux qui ont voté Roussel pour voter pour Macron au deuxième tour.

              [« Les électeurs de « la gauche », dans leur grande majorité, s’accommodent fort bien du libéralisme « soft » de Macron. Pourquoi croyez-vous que parmi les grands prêtres du macronisme on trouve une majorité d’anciens “barons” socialistes ? » Là, vous confondez les électeurs et les élus. Je sais bien que le macronisme est peuplé d’une foule d’anciens socialistes, mais il n’empêche qu’une grande majorité d’électeurs de Mélenchon (dans mon entourage en tous cas) est bien embêtée au moment de faire son choix pour le second tour et n’apprécie pas du tout le libéralisme soft macronien.]

              En tout cas, je constate que les « barons » socialistes qui sont allés à la soupe macroniste n’ont pas été sanctionné par leurs électeurs. J’en déduis que la « confusion » que vous me reprochez n’est donc pas totalement injustifiée… Après, je comprends très bien qu’il y ait des dilemmes chez les électeurs « de gôche ». C’est le dilemme classique entre le cœur, toujours à gauche, et le portefeuille toujours à droite.

              [Mais, il y a une toujours cette infranchissable barrière psychologique face au vote RN… En tous cas, renforcer les citoyens dans cette attitude irrationnelle ne peut que pousser à la répétition du même match ad libitum…]

              Mais cette barrière… est-elle VRAIMENT une question de psychologie ? Ne pourrait-on se demander si derrière cette « barrière psychologique » il n’y a pas une question d’intérêts ? Pourquoi à votre avis la « barrière psychologique » est perméable pour les couches populaires (qui sont passées largement du vote communiste au vote RN) et infranchissable pour les classes intermédiaires ?

      • Vincent dit :

        [Et au deuxième tour… tout sauf Macron !]

         
        Cela se comprend-t-il également dans l’hypothèse d’un second tour Mélenchon Macron ?Si oui, vous m’étonnez…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Cela se comprend-t-il également dans l’hypothèse d’un second tour Mélenchon Macron ?Si oui, vous m’étonnez…]

          En quoi cela vous étonne ?

          Comme je l’ai expliqué à un autre commentateur, je ne pense pas qu’une présidence Mélenchon serait très différente d’une présidence Macron. Je vais vous paraître cynique, mais j’ai encore en tête l’expérience Mitterrand. Après des années de discours “anticapitalistes” qui faisaient trembler les bourgeoises du XVIème arrondissement et six mois de rêve, nous avons eu treize années de néolibéralisme honteux. Mélenchon, loin de condamner cette volte-face, la revendique. Qu’est ce qui vous fait croire qu’une fois arrivé à l’Elysée il fera les choses différemment ?

          Or, s’il s’agit de faire des politiques de droite, mieux vaut qu’elles soient faites par la droite.

          • Vincent dit :

            [Or, s’il s’agit de faire des politiques de droite, mieux vaut qu’elles soient faites par la droite.]

            Justement, le vote Macron paraît alors préférable, non ?

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [“Or, s’il s’agit de faire des politiques de droite, mieux vaut qu’elles soient faites par la droite”. Justement, le vote Macron paraît alors préférable, non ?]

              Je vais me répéter, mais c’est là l’essence de la pédagogie. J’insiste: MACRON N’EST PAS UN HOMME DE DROITE. Macron est au contraire le pur produit de la gauche mitterrando-rocardienne. C’est ce que Fabius aurait pu être si la France de 1983-88 avait été celle de 2017-22: un social-libéral capable de réunir gauche et droite autour des politiques “raisonnables” du bloc dominant. Qui sont les “barons” de la macronie, ses ministres et politiques de confiance ? Les Castaner, les Collomb, les Le Drian, les Ferrand, tous venus du PS. Même chose pour le groupe parlementaire.

      • dsk dit :

        @ Descartes
         
        [“Pour moi, Dupont-Aignan, Philippot et compagnie se sont disqualifiés par leurs prises de position pendant la pandémie. Grâce à eux, le souverainisme est maintenant associé dans la tête du public à la bêtise et la manipulation des antivax. Ca, j’ai du mal à leur pardonner. Quant à MLP, je dois dire que j’ai beaucoup hésité : elle a certes renoncé à claironner la sortie de l’UE et de l’Euro, et cela rend bancal une partie de son discours « social-souverainiste ». Mais je me demande si sur cette question sa position a vraiment changé, ou si c’est plus simplement une question de « en penser toujours, n’en parler jamais ». Et elle reste quand même la candidate la plus « populaire » dans le choix de ses thématiques de campagne.”]
         
        Exactement. Je dois dire, que de mon côté, je suis en train d’évoluer sur MLP. Son abandon du “frexit” m’était apparu comme une trahison impardonnable doublée d’une erreur stratégique la condamnant à retrouver au mieux l’étiage de l’ex-FN de JMLP. Or, force m’est de constater que, sur ce dernier point, j’avais entièrement tort. D’autre part, je suis également obligé de reconnaître qu’en l’état actuel du rapport de forces, ce serait plutôt le souverainisme pur et dur qui vous condamnerait à l’échec électoral, et par conséquent, à la totale impuissance. Quant à sa victoire éclatante, à mon avis, sur Zemmour, je l’explique avant tout par son professionnalisme et sa connaissance du terrain, là où Zemmour ne semblait connaître essentiellement du réel que les livres et les plateaux télés.

        • Descartes dit :

          @ dsk

          [Exactement. Je dois dire, que de mon côté, je suis en train d’évoluer sur MLP. Son abandon du “frexit” m’était apparu comme une trahison impardonnable doublée d’une erreur stratégique la condamnant à retrouver au mieux l’étiage de l’ex-FN de JMLP. Or, force m’est de constater que, sur ce dernier point, j’avais entièrement tort.]

          Sans aucun doute. Les poulaillers médiatiques ont fait de l’Union européenne un totem intouchable. Sur d’autres sujets, vous pouvez déblatérer des énormités, énoncer les contrevérités les plus absolues, manquer à la décence, et vous risquez au plus une charge de cavalerie légère. Mais osez attaquer à la construction européenne, et les dieux eux-mêmes descendront de l’Olympe pour vous foudroyer. Et tous les candidats l’ont compris : tous se sont bien gardés d’aborder le sujet. Même Zemmour, qui avait tendance à dire ce qu’il pensait sans filtre, et qui lorsqu’il était encore un chroniqueur attaquait régulièrement l’Europe maastrichtienne, a été d’une grande discrétion sur ce sujet.

          Il serait intéressant d’ailleurs de comprendre comment et pourquoi la construction européenne en est arrivée à être sacralisée, au point de représenter un tabou du débat politique. Peut-être est-ce parce que les générations qui ont connu l’avant Maastricht deviennent de moins en moins influentes, et que pour les autres la vie sans l’UE est devenue impensable ? Ou est-ce parce que dans notre société infantilisée nous avons confusément le sentiment que nous ne serions plus capables de gérer nos propres affaires, que nous avons besoin d’un Père tout puissant à Bruxelles qui nous dise ce qu’il faut faire ? Parce que le Frexit ce serait la liberté, et que la liberté – et son corollaire, la responsabilité – fait peur ?

          Mais comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités, et la réalité est celle-là. Avec l’interdiction de RT et Sputnik au prétexte qu’elles « affaiblissent notre Union », Ursula Von der Leyen a mis clairement les points sur les « i » : les discours qui « affaiblissent notre Union » sont contraires à l’ordre public. Il n’y a pas encore de délit de « atteinte au moral de l’UE », mais ça va venir. Dans ces conditions, les candidats qui pourraient avoir des idées sur la question préfèrent les garder pour eux.

          [Quant à sa victoire éclatante, à mon avis, sur Zemmour, je l’explique avant tout par son professionnalisme et sa connaissance du terrain, là où Zemmour ne semblait connaître essentiellement du réel que les livres et les plateaux télés.]

          MLP est une professionnelle de la politique, qui sait par expérience ce qu’on peut dire, quand on peut le dire, et à qui on peut le dire. Zemmour est un amateur qui parle avec ses tripes. Entre les deux, il n’y a pas de match. Et puis il y a le vote utile, et le risque que Mélenchon passe devant MLP. Que dans ces conditions il ait dépassé les 7%, c’est déjà un miracle.

          • dsk dit :

            @ Descartes
             
            [“Mais osez attaquer à la construction européenne, et les dieux eux-mêmes descendront de l’Olympe pour vous foudroyer. Et tous les candidats l’ont compris : tous se sont bien gardés d’aborder le sujet. Même Zemmour, qui avait tendance à dire ce qu’il pensait sans filtre, et qui lorsqu’il était encore un chroniqueur attaquait régulièrement l’Europe maastrichtienne, a été d’une grande discrétion sur ce sujet.”]
             
            Je pense que dans son cas, cela ne tenait pas tant à sa crainte des foudres médiatiques qu’à sa volonté d’embarquer avec lui dans sa croisade anti-immigration un maximum de CSP+ de droite, dont il sait qu’ils sont majoritairement europhiles.
             
            [“Il serait intéressant d’ailleurs de comprendre comment et pourquoi la construction européenne en est arrivée à être sacralisée, au point de représenter un tabou du débat politique.”] 
             
            Je dirais que cela tient à son caractère quasi-religieux ainsi qu’à la domination sans partage des europhiles dans tous les secteurs du pouvoir en France. Tel n’était pas encore tout à fait le cas en Angleterre, et c’est ce qui y a rendu le Brexit possible.  
             
            [“Ou est-ce parce que dans notre société infantilisée nous avons confusément le sentiment que nous ne serions plus capables de gérer nos propres affaires, que nous avons besoin d’un Père tout puissant à Bruxelles qui nous dise ce qu’il faut faire ? Parce que le Frexit ce serait la liberté, et que la liberté – et son corollaire, la responsabilité – fait peur ?”]
             
            Il me semble qu’il y a certainement, en tout cas, chez les europhiles cette idée que l’UE représenterait une bulle de protection contre la guerre, le racisme, les épidémies, le réchauffement climatique, la dictature, les crises financières, en bref le Mal en général.
             
            [” Zemmour est un amateur qui parle avec ses tripes. Entre les deux, il n’y a pas de match.”]
             
            Un amateur particulièrement présomptueux aussi. Un peu comme si, mécontent du temps que mettrait son garagiste à réparer sa voiture, il lui disait : ” Vous êtes nul, laissez-moi faire ! “. 
             
            Et puis il y a le vote utile, et le risque que Mélenchon passe devant MLP. “]
             
            Ah oui, j’oubliais ! Merci Jean-Luc !

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [Il me semble qu’il y a certainement, en tout cas, chez les europhiles cette idée que l’UE représenterait une bulle de protection contre la guerre, le racisme, les épidémies, le réchauffement climatique, la dictature, les crises financières, en bref le Mal en général.]

              Mais j’irai un peu plus loin. Pourquoi avons-nous besoin de cette « bulle de protection » si ce n’est parce qu’on n’est pas capable de se protéger soi-même ? Je pense que l’exaltation de l’UE passe par un discours de l’impuissance chez nous. Combien de fois on entend « ce problème ne peut être résolu qu’au niveau européen »…

            • dsk dit :

              @ Descartes
               
              [“Je pense que l’exaltation de l’UE passe par un discours de l’impuissance chez nous. Combien de fois on entend « ce problème ne peut être résolu qu’au niveau européen »…”]
               
              Je pense que c’est là essentiellement l’équivalent, pour nos “élites”, de dire que “ce problème ne peut être résolu que par Dieu” dès qu’elles se sentent, à tort ou à raison, impuissantes à y trouver une solution. La “souveraineté européenne” ne serait donc que la version contemporaine de la toute puissance de Dieu, en quelque sorte. Ce qui expliquerait peut-être, d’ailleurs, qu’elle puisse même, selon ses adeptes, agir sur le climat…

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [La “souveraineté européenne” ne serait donc que la version contemporaine de la toute puissance de Dieu, en quelque sorte.]

              Oui. Et comme la toute-puissance de Dieu, elle sert de prétexte pour expliquer aux pauvres qu’il faut se résigner à leur sort. Il faut faire confiance à Dieu, qui est infiniment bon, et si des malheurs nous tombent sur la gueule, faut surtout pas se poser des questions car “les voix du seigneur sont impénétrables”. Il faut se résigner et attendre le Paradis qui nous attend dans l’au delà… à condition de faire ce qu’on nous dit de faire, of course…

  6. Baruch dit :

    Moi aussi Roussel, et au deuxième tour surtout pas Macron.
    Votre argument :”Le PCF est aujourd’hui à gauche le seul parti de militants qui maintient les principes de direction et de réflexion collective. C’est un héritage qui, à mon sens, mérite d’être défendu.” est imparable et essentiel.

  7. democ-soc dit :

    Mwouais… Le “candidat marchaisien” aura finalement acouché d’un programme souris.
    Alors certes, au lieu des panneaux solaires et de la PMA pour tout.e.s, on a eu la défense du nucléaire, de la bonne cuisine et d’un bon verre de pinard.
    Mais bon, en 2005, le PCF était en pointe pour faire echouer le TCE. 17 ans plus tard, son candidat pourtant etiquetté communiste old school ne parle meme pas de l’UE dans son programme. Et ce alors qu’il avait justement la fenetre pour ça apres le depart de Philippot du RN et le changement de pied de melenchon.
    Bref rien ne change : pas de candidat souverainiste de gauche, et en prime comme le dit dsk, l’assurance d’avoir un appel a faire barrage a l’extreme droite demain soir. 
    Apres l’election de Sarkozy en 2007, le FN était mort. Il n’a pas fallu 2 ans pour que MLP abandonne le reaganisme de son pere pour faire un virage a 180°, parler protectionnisme economique et défense de l’industrie francaise. Le tout avec les resultats que l’on sait.
    Le PCF, il lui faudra combien de dizaines d’années? Pour en plus ce qui ne serait qu’un retour aux sources!
    Personnellement, je vais rester fidele a mon logiciel : voter pour le candidat anti-UE le plus a gauche. Cette année ca sera donc Jean Lassalle, le seul a parler souveraineté et europe des nations : tu auras donc surement au moins un de tes lecteurs qui fera moins que toi dimanche soir!
     

    • Descartes dit :

      @ democ-soc

      [Mais bon, en 2005, le PCF était en pointe pour faire echouer le TCE. 17 ans plus tard, son candidat pourtant étiquette communiste old school ne parle même pas de l’UE dans son programme. Et ce alors qu’il avait justement la fenêtre pour ça après le départ de Philippot du RN et le changement de pied de melenchon.]

      Oui. Mais je crois qu’il faut réaliser quelles sont les contraintes auxquelles est soumis aujourd’hui un homme politique, et qui sont totalement différentes de celles auxquelles avait fait face la « old school » en son temps. Marchais pouvait se permettre de défendre un véritable projet alternatif parce qu’il avait derrière lui un parti unitaire, avec une base sociologique de classe, et un corps militant qui faisait contre-société. Rien de tout cela n’existe aujourd’hui. Le rapport de force est tellement défavorable aux couches populaires que celles-ci se sont réfugiées dans l’abstention. Et du coup, il est impossible aujourd’hui de bâtir un discours politique contre les « classes intermédiaires ». Assumez un discours « souverainiste », refusez de vous découvrir devant la procession des revendications « sociétales », et il vous arrivera ce qui est arrivé au chevalier de la Barre.

      C’est pourquoi il ne faut pas à mon avis être trop sévère avec Roussel. Il fait de la politique avec les outils et dans le champ de contraintes d’aujourd’hui. La « fenêtre » dont vous parlez est illusoire : si le RN s’est défait de Philippot et Mélenchon a renoncé à son « Plan B », c’est parce qu’ils ont tous deux compris combien faire acte de soumission à la vulgate médiatique était indispensable pour pouvoir compter sur la bienveillance des « classes intermédiaires ».

      [Bref rien ne change : pas de candidat souverainiste de gauche, et en prime comme le dit dsk, l’assurance d’avoir un appel a faire barrage a l’extrême droite demain soir.]

      Comme disait un penseur britannique, « I did’nt make the world, I just try to live in it » (« je n’ai pas fait le monde, j’essaye juste de vivre dedans »). J’aurais voté pour un candidat souverainiste crédible, fut-il de droite – car pour moi la défense de la souveraineté nationale dépasse le clivage gauche-droite. Mais force est de constater que les « classes intermédiaires » ont imposé de ce point de vue leur pensée unique. Avec l’aide signalée de certains « souverainistes » qui se sont égarés dans des positions irrationnelles pendant la pandémie.

      [Personnellement, je vais rester fidele a mon logiciel : voter pour le candidat anti-UE le plus a gauche. Cette année ca sera donc Jean Lassalle, le seul a parler souveraineté et europe des nations : tu auras donc surement au moins un de tes lecteurs qui fera moins que toi dimanche soir !]

      Loin de moi l’idée de donner des consignes. Mais… Lasalle ? Franchement ?

      • kranck dit :

        Oui Lasalle
        Parce que franchement, devant mon échec patent à trouver un critère pertinent de sélection face à tant de nullité, autant partir sur la saveur de l’accent. 

        • Descartes dit :

          @ kranck

          [Parce que franchement, devant mon échec patent à trouver un critère pertinent de sélection face à tant de nullité, autant partir sur la saveur de l’accent.]

          Roussel a lui aussi un bel accent. Mais il est vrai que les accents “du sud” plaisent plus que les accents “du nord”…

    • Vincent dit :

      voter pour le candidat anti-UE le plus a gauche. Cette année ca sera donc Jean Lassalle, le seul a parler souveraineté et europe des nations : tu auras donc surement au moins un de tes lecteurs qui fera moins que toi dimanche soir!

       
      Il est sympathique, mais hyper européiste. Pour rappel, son parti est celui de Bayrou…

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [Il est sympathique, mais hyper européiste. Pour rappel, son parti est celui de Bayrou…]

        En quoi est il “sympathique” ?

        • Vincent dit :

          Je parle de l’individu plutôt que du responsable politique.
          Je pense que passer une soirée avec lui doit être beaucoup plus “sympathique” que de passer une soirée avec Jadot, Pécresse, Macron, Hidalgo, et Cie.
           
          Après, politiquement, il a comme gros défaut d’être totalement un sentimental, qui parle avec son cœur et pas avec sa tête.
          Il a donc toutes les compétences pour être un parfait porte voix des Français. Mais en aucun cas des qualités d’homme d’Etat.

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Je parle de l’individu plutôt que du responsable politique. Je pense que passer une soirée avec lui doit être beaucoup plus “sympathique” que de passer une soirée avec Jadot, Pécresse, Macron, Hidalgo, et Cie.]

            Tout à fait d’accord. On pense ce qu’on veut de Zemmour, on peut être horrifié ou fasciné par sa personnalité, par sa culture, par ses obsessions, mais c’est fondamentalement un personnage intéressant. Il ne laisse pas indifférent. Jadot, Pécresse, Hidalgo et les autres sont des médiocres: ils ont des qualités médiocres, des défauts médiocres. Ils ne suscitent ni haine, ni amour, juste l’indifférence. Je ferais tout de même une exception dans votre liste pour Macron. Un homme qui réussit à prendre d’assaut un pays doit avoir quelque chose d’intéressant… personnellement, j’aimerais bien passer une soirée avec lui – en tout bien tout honneur, bien entendu!

            [Après, politiquement, il a comme gros défaut d’être totalement un sentimental, qui parle avec son cœur et pas avec sa tête. Il a donc toutes les compétences pour être un parfait porte voix des Français. Mais en aucun cas des qualités d’homme d’Etat.]

            Tout à fait d’accord: c’est un tribun, pas un homme d’Etat.

            Après, politiquement, il a comme gros défaut d’être totalement un sentimental, qui parle avec son cœur et pas avec sa tête.
            Il a donc toutes les compétences pour être un parfait porte voix des Français. Mais en aucun cas des qualités d’homme d’Etat.

            • Vincent dit :

              Parliez vous de Zemmour ou de Lassalle ?
              Moi de Lassalle, mais il est vrai que ça fonctionne également avec Zemmour…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Parliez vous de Zemmour ou de Lassalle ?]

              Oups! J’ai mal lu votre message. Mais si vous parliez de Lassalle, franchement, je ne vois pas ce qui vous le rend “sympathique”, même à titre personnel.

            • Vincent dit :

              Si l’objectif est de passer une soirée “sympathique” (pas forcément intéressante), être avec un bon vivant, qui raconte des histoires marrantes, et qui nous aura bien fait marrer sans nous avoir appris grand chose ni fit réfléchir… Oui, Lassalle est un bon candidat.
               
              Après, pour un diner intéressant, enrichissant, oui, Zemmour ou Macron seraient parfaits. Et j’y ajouterais aussi Mélenchon.

      • democ-soc dit :

        [Pour rappel, son parti est celui de Bayrou…]
        Etait… Il en est parti depuis longtemps!
        Pour le cote sympathique, j’avais bien aimé ce descriptif de D. Desgouilles dans marianne :
        https://www.marianne.net/agora/humeurs/dans-le-jura-loin-des-regards-de-la-presse-la-discrete-campagne-de-jean-lassalle
        Il est certes bourré de defauts pour un postulant president, mais en tout cas, si il a été europeiste, c’est aujourd’hui un repenti.
         

        • Descartes dit :

          @ democ-soc

          [Pour le cote sympathique, j’avais bien aimé ce descriptif de D. Desgouilles dans marianne :]

          Cet article résume tout ce qui me le rend foncièrement antipathique. Lasalle – et ceux qui le portent aux nues – résume tout ce que je déteste dans la sentimentalité politique française: l’attachement instinctif aux “petits” contre les “gros”, l’idée que les “amateurs” valent mieux que les “professionnels”, la recherche d’une “authenticité” contre l’artifice, “la terre” (qui, elle, ne ment pas) contre “la ville”. C’est le genre de réflexe politique qui a fait de Pétain le sauveur de la patrie en 1940.

          [Il est certes bourré de defauts pour un postulant president, mais en tout cas, si il a été europeiste, c’est aujourd’hui un repenti.]

          Oui, si l’on croit Marianne. Mais je me méfie des gens qui changent d’avis sans expliquer pourquoi…

  8. Luc dit :

    Très bon texte,une fois de plus qui pointe les enjeux.Votre analyse et votre proposition recueille mon assentiment.[Et au deuxième tour… tout sauf Macron !] Mon assentiment évoque aussi un sentiment de prise de pouvoir décisionnel pour ce second tour, bien que ce dernier ne soit pas encore certain.Une entente formelle sur un blog tel que le votre n’est pas de mise.Par contre je ne partage pas cette assertion de gugus69 :’ l’ahurissant discours sur l’Ukraine de Roussel ‘ Monsieur Gugus 69 vous y allé trop fort pour moi alors que je vous comprends en partie. Comment peut il se positionner autrement,même si c’est très douloureux pour ses électeurs comme moi?J’ai serré la main en 1965 à Valentina Terechkova toujours députée à la Douma actuelle et pro-poutine virulente.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Valentina_Terechkova
    Dans cet article l’échec de l’agression de la Finlande par l’URSS en 1940 est rappelée.Roussel s’en souvient lui. Ces qualités humaines et sa dimension politique hors norme au PCF sont confirmées par cette prise de position,me semble t il.La situation en Ukraine est trop dramatique pour que j’en tire un épilogue prématuré.Je ne veux pas débattre sous la menace des armes qui tuent tant de gens…

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Par contre je ne partage pas cette assertion de gugus69 :’ l’ahurissant discours sur l’Ukraine de Roussel ‘ Monsieur Gugus 69 vous y allé trop fort pour moi alors que je vous comprends en partie. Comment peut-il se positionner autrement, même si c’est très douloureux pour ses électeurs comme moi ?]

      En effet, dans le contexte médiatique actuel, il faut choisir ses priorités. Ne pas hurler avec les loups sur l’affaire ukrainienne – et je ne parle même pas d’hurler CONTRE les loups – vous assure tout de suite l’enfer médiatique, toutes vos propositions étant immédiatement noyées derrière le tir de barrage. C’est la triste réalité de notre société…

      [Dans cet article l’échec de l’agression de la Finlande par l’URSS en 1940 est rappelé.]

      Quel « échec » ? Même si les combats ont été ardus et coûteux pour l’URSS, la guerre s’achève par la demande d’armistice de la Finlande et un traité qui accorde à l’URSS ses demandes. Celles-ci se révèleront décisives dans la défense de Leningrad quelques années plus tard… franchement, si l’Ukraine de 2022 est la Finlande de 1940, on ne peut que donner raison à Poutine…

      • Gugus69 dit :

        Ne pas hurler avec les loups sur l’affaire ukrainienne – et je ne parle même pas d’hurler CONTRE les loups – vous assure tout de suite l’enfer médiatique, toutes vos propositions étant immédiatement noyées derrière le tir de barrage. C’est la triste réalité de notre société…
         
        Moi, qu’un dirigeant communiste finisse son discours sur une standing ovation de tous les députés, ça me pousse à penser qu’il y en a un, de loup !
        Avoir réussi le tour de force de faire tout un discours sur l’Ukraine, sans dire UN SEUL MOT des responsabilités de l’Otan, des États-Unis et de l’Union européenne, pas UN SEUL MOT sur les nazis qui y sont équipés et glorifiés, pas UN SEUL MOT sur huit ans de bombardements du Donbass qui ont fait des milliers de victimes, pas UN SEUL MOT sur le refus obstiné de Zelensky d’appliquer les accords de Minsk ;
        avoir réussi à n’imputer la responsabilité EXCLUSIVE de la guerre qu’à Vladimir Poutine “tyran d’extrême-droite”, alors même que les députés… communistes russes ont été au premier rang des partisans de l’intervention militaire !!!
        Oui, c’était un discours ahurissant. Et le mot est faible.
        J’aurais compris qu’un dirigeant communiste, dans les circonstances actuelles, se contente d’un beau discours pacifiste, appelant à cesser le feu et à protéger les civils. Mais pas qu’il reprenne à son compte tous les éléments de langage de l’Otan. C’est une faute politique grave !
        Oui, ça m’a vraiment coûté, cher ami et camarade, de me rendre à vos arguments en votant Roussel. Vraiment beaucoup…

        • Fuenteovejuna dit :

          “Moi, qu’un dirigeant communiste finisse son discours sur une standing ovation de tous les députés, ça me pousse à penser qu’il y en a un, de loup !”
          Et oui… “quand la réaction m’applaudit je me demande quelles bêtises j’ai pu dire !” (August Bebel)

  9. Armel Le Panse dit :

    Bonjour Descartes, 
    merci pour ce bulletin revigorant, suite à un déménagement récent et à une négligence de ma part, je ne suis pas inscrit sur les listes électorales et rejoindrai donc par défaut les abstentionnistes que l’on situe dans une fourchette haute.
    Un bon tiers, c’est pas mal tout de même ! Restera 70% de votes exprimés, dont des nuls, arithmétiquement parlant, ça fera un émiettement encore plus accentué, comme du reste les sondages multiples et variés le montrent.
    Alors, je suivrai la tragi-comédie de ces deux tours avec intérêt et ironie. Je me suis dit que si Zemmour, tapis dans l’ombre, franchissait le premier tour, ça ferait un candidat autrement plus coriace et malin que MLP face à M, ne croyez-vous pas ?
    J’aurais voté FR, comme vous, bien que n’étant pas spécialement nostalgique, depuis mes lectures de Grossman, Soljenitsyne, Cabré, Alexievitch (la fin de l’homme communiste), Slezkine (la maison éternelle) et bien d’autres dont les noms ne me reviennent, ni les références précises. Peut-être aussi l’historien Courtois, très contesté dans son milieu, j’adore !
    Mais on peut sans doute se fier à ce grand normalien communiste dans l’âme, je veux parler de Alain Badiou dont la prose est certes ardue mais combien roborative !
    Je lis très régulièrement vos papiers et les débats qu’ils suscitent. L’Ukraine était un grand moment !
    Bonne continuation, restez vous-même !
    Armel Le Panse

    • Descartes dit :

      @ Armel Le Panse

      [Alors, je suivrai la tragi-comédie de ces deux tours avec intérêt et ironie. Je me suis dit que si Zemmour, tapis dans l’ombre, franchissait le premier tour, ça ferait un candidat autrement plus coriace et malin que MLP face à M, ne croyez-vous pas ?]

      Non, je ne le crois pas. La politique est un métier, et comme dans tout métier, l’expérience paye. Zemmour est un bon polémiste, mais une élection c’est bien plus qu’une polémique. C’est d’ailleurs pourquoi MLP ne s’est guère énervée de la percée de Zemmour au début de campagne : elle, qui sait ce que faire de la politique veut dire, avait bien compris qu’en fin de compte l’expérience paye, et que Zemmour serait réduit au fur et à mesure de la campagne une candidature de témoignage.

      J’aurais voté FR, comme vous, bien que n’étant pas spécialement nostalgique, depuis mes lectures de Grossman, Soljenitsyne, Cabré, Alexievitch (la fin de l’homme communiste), Slezkine (la maison éternelle) et bien d’autres dont les noms ne me reviennent, ni les références précises. Peut-être aussi l’historien Courtois, très contesté dans son milieu, j’adore ! Mais on peut sans doute se fier à ce grand normalien communiste dans l’âme, je veux parler de Alain Badiou dont la prose est certes ardue mais combien roborative !]

      Peut-on ? Puisqu’on en est à se distribuer les cordes et les pendus, je me dois de vous rappeler que Badiou s’est particulièrement illustré par sa défense du régime de Pol Pot au Cambodge. Souvenez-vous de sa tribune « Kampuchéa vaincra ! » publié dans « Le Monde » le 17 janvier 1979 (eh oui, j’ai une longue mémoire…). Ironie du sort, cet article – qui condamne l’intervention vietnamienne qui a mis fin au génocide organisé par les Khmers Rouges – prend une résonance particulière dans le contexte de l’intervention russe en Ukraine, car on y retrouve les mêmes références aux principes sacrés de la souveraineté des états et les mêmes comparaisons avec Munich 1938…

      Il est vrai que Badiou avait écrit cette tribune probablement moins par attachement au régime cambodgien que par antisoviétisme – les vietnamiens étant clients des soviétiques, alors que les Khmers rouges l’étaient plutôt des chinois. En cela, il n’est pas très différent à Courtois, Soljenitsyne, etc. Eh oui, quand il s’agissait de combattre le Grand Ennemi, on pardonne tout. Soljenitsyne le mystique l’antisémite et Badiou le défenseur de Pol Pot ont ainsi bénéficié de l’indulgence plénière, alors qu’on ne pardonnera jamais à Aragon un poème sur Staline…

      [Je lis très régulièrement vos papiers et les débats qu’ils suscitent. L’Ukraine était un grand moment !
      Bonne continuation, restez vous-même !]

      Merci. L’homme ne vit pas que de pain, il vit aussi d’encouragements !

  10. tmn dit :

    @Descartes[Au point que Macron – comme l’a dit assez ironiquement Chevènement – est le seul qui apparaisse capable de gouverner…]Je vous trouve bien charitable de qualifier la position de Chevènement d’ironique : il soutient quand même clairement Macron, et pas à moitié.Marianne a publié une excellente interview de JPC :https://www.chevenement.fr/Entretien-de-Jean-Pierre-Chevenement-a-Marianne-Emmanuel-Macron-fait-l-objet-d-un-proces-politique-permanent-que-je_a2208.html Son raisonnement est une impeccable démonstration de réalisme politique, et on comprend clairement qu’il préfère soutenir Macron pour pouvoir l’influencer. Mais il a vraiment très envie de croire à certaines choses qui ne me paraissent pas vraiment évidentes : à part quelques “erreurs d’expression” Macron ne serait pas un néolibéral, il serait une sorte  souverainiste légèrement teinté d’européanisme, sur la Corse ou l’école “il faut regarder les faits pas les intentions”… j’ai bien peur qu’il soit très déçu dans les mois à venir.
     

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [« Au point que Macron – comme l’a dit assez ironiquement Chevènement – est le seul qui apparaisse capable de gouverner… » Je vous trouve bien charitable de qualifier la position de Chevènement d’ironique : il soutient quand même clairement Macron, et pas à moitié.]

      Mais… je suis par essence une personne très charitable. Je me réfère précisément à l’entretien que vous citez. Voilà ce que dit Chevènement : « Je ne vois honnêtement pas qui je pourrais soutenir d’autre qu’Emmanuel Macron parmi les candidats en lice pour que la France puisse défendre, comme il se doit, ses intérêts et ses valeurs. Emmanuel Macron a, seul, l’étoffe d’un homme d’État ». Autrement dit, « je soutiens Macron parce que je ne vois personne d’autre qui ait la carrure d’un chef d’Etat ». C’est à la fois ironique et vrai…

      [Son raisonnement est une impeccable démonstration de réalisme politique, et on comprend clairement qu’il préfère soutenir Macron pour pouvoir l’influencer.]

      Tout à fait. Cela a toujours été son crédo : être proche des centres du pouvoir pour les influencer. Comme vous, je trouve cette position un peu idéaliste – les politiques étant plus « influencés » par les rapports de force que par les bons ou mauvais conseils. Mais s’il est vrai que ce genre de stratégie ne permet pas de peser sur l’essentiel, elle peut permettre de faire pas mal de choses.

      [Mais il a vraiment très envie de croire à certaines choses qui ne me paraissent pas vraiment évidentes : à part quelques “erreurs d’expression” Macron ne serait pas un néolibéral, il serait une sorte souverainiste légèrement teinté d’européanisme, sur la Corse ou l’école “il faut regarder les faits pas les intentions”… j’ai bien peur qu’il soit très déçu dans les mois à venir.]

      Très possible. Mais je partage jusqu’à un certain point l’idée qu’il est erroné de voir en Macron un néolibéral. Macron est le produit d’un paradoxe très français : un néolibéral qui ne conçoit le néolibéralisme que construit par l’Etat. C’est le néolibéralisme révisé par l’Inspection des finances. Prenez-le « quoi qu’il en coute ». Pensez-vous qu’une Thatcher aurait mis en œuvre un tel programme ? Bien sur que non : la dame de fer qui était, elle, une vraie néolibérale, aurait laissé crever les entreprises, expliquant que cela allait tuer les plus faibles et qu’à la reprise les plus solides profiteraient.

      En France, les « vrais » néolibéraux sont rares. Personnellement, j’en connais qu’un : Alain Madelin. Tous les autres sont des libéraux à la façon Giscard, c’est-à-dire adeptes de ce capitalisme de connivence qui socialise les pertes et privatise les profits. Quelquefois je me demande s’il n’aurait pas été mieux pour la France d’avoir un vrai libéral aux manettes, plutôt que des social-libéraux honteux. Sous leur houlette, on a fini par construire un système qui cumule les défauts du libéralisme et de l’étatisme, sans avoir aucune des qualités de l’un et de l’autre…

      • François dit :

        @Descartes
        [Autrement dit, « je soutiens Macron parce que je ne vois personne d’autre qui ait la carrure d’un chef d’Etat ». C’est à la fois ironique et vrai…]
        Le problème du Che, c’est qu’il ne s’agit pas d’un soutient de Macron faute de mieux, mais également d’adhésion. Ainsi il va jusqu’ justifier son concept fumeux de « souveraineté européenne » :

        Soutenez-vous Emmanuel Macron jusqu’au concept de souveraineté européenne ? Peut-il y avoir à la fois une souveraineté nationale et une souveraineté européenne ?
        Ma réponse est oui. D’ailleurs, Emmanuel Macron emploie simultanément les formules « souveraineté française » et « souveraineté européenne ». Mais elles ne sont pas tout à fait de même nature. […]

         
        Pire encore, il faut preuve d’un aveuglement volontaire concernant les intentions d’Emmanuel Macron :

        Donc vous ne regardez pas la copie précédente ? Les réformes, les privatisations, celle d’Aéroports de Paris notamment…
        Cette privatisation ne s’est pas faite…
        Mais l’intention était là !
        Regardons ce qu’il a fait, et non les intentions.

        C’est comme dire que Monsieur était sur le point de refroidir Madame, mais au moment où il s’apprêtait à tirer, il a glissé sur une peau de banane et raté sa cible, et donc ce qu’il avait l’intention de faire ne compte pas.
         
        Mais le plus grave dans son soutien, c’est qu’il renie ce pour quoi il avait démissionné de son poste de ministre :

        Ce qui avait justifié de votre part une démission vis-à-vis de Lionel Jospin ne vous semble pas rédhibitoire aujourd’hui vis-à-vis d’Emmanuel Macron ?
        L’attribution du pouvoir législatif à l’Assemblée de Corse était contraire à la Constitution. Ainsi d’ailleurs, le Conseil constitutionnel en a-t-il jugé en 2001. L’autonomie, je ne sais pas trop bien ce que cela signifie. Nous aspirons tous à l’autonomie, à une certaine autonomie. Jusqu’où ? Là où notre liberté pourrait menacer celle d’autrui, la loi tranche. Ce vieux principe républicain – la suprématie de la loi – j’espère qu’on saura encore l’appliquer en Corse et ailleurs.

        Dans sa réponse, il cherche à se cacher derrières des arguments juridiques, alors qu’il s’agit d’une question de principes.
         
        Bref, la vieillesse est un naufrage comme dirait l’autre…

        • Descartes dit :

          @ François

          [Le problème du Che, c’est qu’il ne s’agit pas d’un soutient de Macron faute de mieux, mais également d’adhésion. Ainsi il va jusqu’ justifier son concept fumeux de « souveraineté européenne »]

          Je vous trouve un peu sévère, mais je partage jusqu’à un certain point votre perplexité. Lorsque Macron parle de « souveraineté européenne » – ou de « souveraineté nationale », d’ailleurs – il déforme le sens du mot « souveraineté » qu’il confond avec le mot « indépendance ». La souveraineté est un concept juridique : une entité est souveraine lorsqu’elle n’est soumise à aucune règle qui ne soit issue d’elle-même. Rapatrier les industries stratégiques délocalisées n’est pas une question de « souveraineté », mais « d’indépendance ».

          Chevènement joue avec les mots lorsqu’il dit que « souveraineté française » et « souveraineté européenne » sont compatibles. Pour cela, il épouse le sens donné à ces mots pour Macron, et ce faisant il ajoute au confusionnisme entretenu par ce dernier. Ce n’est pas digne de sa trajectoire.

          [Pire encore, il faut preuve d’un aveuglement volontaire concernant les intentions d’Emmanuel Macron : (…)]

          Là, on peut interpréter l’explication de Chevènement d’une façon plus charitable. Ce qu’il dit ici, c’est que les intentions d’un homme politique n’ont aucune importance dès lors que le rapport de forces rend leur concrétisation impossible.

          [Mais le plus grave dans son soutien, c’est qu’il renie ce pour quoi il avait démissionné de son poste de ministre : (…)]

          Là, je suis tout à fait d’accord avec vous. Chevènement ne peut ignorer ce que « autonomie » veut dire pour les girondins qui entourent Macron.

          [Bref, la vieillesse est un naufrage comme dirait l’autre…]

          L’autre était un sage…

          Entendons-nous bien. J’ai beaucoup de sympathie et d’admiration pour Chevènement, mais je n’en suis pas un « groupie », et je ne me sens donc pas obligé d’être d’accord avec lui ou de soutenir ses positions. Je pense qu’il a tort de s’imaginer que parce qu’il soutiendra Macron il pourra avoir une quelconque influence sur ses politiques. Et à partir de là, ses concessions idéologiques sont non seulement inutiles, mais dangereuses.

          • tmn dit :

            @François @Descartes
             
            Un détail mais je trouve que Chevènement ne mérite vraiment pas “la vieillesse est un naufrage”, phrase prononcée à propos de Pétain.
             
            Au contraire il aura eu un parcours plutôt cohérent… mais à mon avis jusqu’à reproduire les mêmes erreurs : j’ai lu son autobiographie, on comprend qu’il a été séduit par Mitterrand et qu’il a essayé de l’influencer, assez largement en vain. Difficile de ne pas penser qu’il en est de même aujourd’hui avec Macron. Le bémol de tout cela, c’est qu’on ne sait pas à ce jour en quoi son influence sur Macron est importante : si on apprend dans quelques années que c’est lui qui a conduit Macron a changer d’avis sur le nucléaire par exemple, personnellement je lui donnerai en partie raison alors… Macron ne semble pas si entouré que ça sur le plan des idées.
            Le vrai reproche que je ferais à Chevénement, mais je crois qu’on en a déjà discuté sur votre blog, c’est qu’il aurait pu construire un vrai parti autour de ses idées, former des “héritiers”. Son aura me semble considérable chez les “élites” et dans le milieu politique, il aurait pu fédérer pas mal de gens, c’est vraiment dommage.
             

            • Descartes dit :

              @ tmn

              [Le vrai reproche que je ferais à Chevènement, mais je crois qu’on en a déjà discuté sur votre blog, c’est qu’il aurait pu construire un vrai parti autour de ses idées, former des “héritiers”. Son aura me semble considérable chez les “élites” et dans le milieu politique, il aurait pu fédérer pas mal de gens, c’est vraiment dommage.]

              Oui. Mais il n’est pas le seul : De Gaulle, Séguin, Guaino… la liste est longue des politiciens à l’intellect supérieur et aux idées hétérodoxes qui n’ont pas su ou pu institutionnaliser leur héritage. Il serait intéressant de comprendre pourquoi. Peut-être parce que la pensée hétérodoxe est presque par définition solitaire ?

          • François dit :

            @Descartes
            [[Le problème du Che, c’est qu’il ne s’agit pas d’un soutient de Macron faute de mieux, mais également d’adhésion. Ainsi il va jusqu’ justifier son concept fumeux de « souveraineté européenne »]
            Je vous trouve un peu sévère, mais je partage jusqu’à un certain point votre perplexité.]
            Comme je l’ai expliqué précédemment, le problème du Che n’est pas qu’il soutienne Macron par dépit, mais comme le prouve son interview accordée à Marianne, qu’il le soutienne bel et bien par adhésion.
             
            [[Pire encore, il faut preuve d’un aveuglement volontaire concernant les intentions d’Emmanuel Macron : (…)]
            Là, on peut interpréter l’explication de Chevènement d’une façon plus charitable. Ce qu’il dit ici, c’est que les intentions d’un homme politique n’ont aucune importance dès lors que le rapport de forces rend leur concrétisation impossible.]
            Macron a fait voter dont le but est privatiser ADP, avec des conditions particulièrement scandaleuses qui plus est, loi qui n’a pu être appliquée qu’en raison de l’exceptionnel impondérable qu’a été la crise du SRAS-Cov2, et la seule chose qu’il a à répondre, c’est qu’il n’en n’a rien à faire, parce-qu’il ne l’a pas fait et que les intentions ne comptent nullement ? Qu’il arrête de prêter des intentions à Macron dans ce cas, comme il ne s’est pas gêné de faire dans le reste de l’interview :

            D’où notre question, déjà posée sur l’Europe : a-t-il changé ? Ou bien y a-t-il quelque chose qui vous permet de considérer qu’il va aller dans votre sens ? Jean-Pierre Chevènement : J’ai tendance à le penser. Sans méconnaître les continuités, j’incline à penser que le Emmanuel Macron de 2022 n’est plus le Emmanuel Macron de 2017.

             
            [Entendons-nous bien. J’ai beaucoup de sympathie et d’admiration pour Chevènement, mais je n’en suis pas un « groupie », et je ne me sens donc pas obligé d’être d’accord avec lui ou de soutenir ses positions.]
            Mais je n’ai pas pensé que vous étiez une groupie du Che, Descartes. Je me contente juste de contre-argumenter à face à ce qui est argumenté comme une circonstance atténuante, argumentation que je considère infondée, celle qui consiste à dire que JPC soutiendrait Macron par dépit, en raison de la médiocrité du reste du personnel politique.
            Personnellement, la seule excuse que je lui trouve, c’est une éventuelle sénilité.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Comme je l’ai expliqué précédemment, le problème du Che n’est pas qu’il soutienne Macron par dépit, mais comme le prouve son interview accordée à Marianne, qu’il le soutienne bel et bien par adhésion.]

              Je ne crois pas. Je pense que Chevènement soutient Macron parce qu’il s’imagine que ce soutien lui vaudra une certaine proximité avec lui et donc une possibilité d’influencer ses politiques. Lisez le livre de Davet et Lhomme. Vous verrez que Macron est très fort à ce jeu de séduction, lorsqu’il s’agit de persuader un vieux politicien que le « petit jeune » est avide de conseils. Après, un cartésien comme Chevènement ne peut se contenter d’exposer cette motivation, et se sent obligé de justifier son adhésion avec des raisonnements qui, je vous l’accorde, sont pour le moins spécieux.

      • kranck dit :

        Bonjour,
        Votre dernier paragraphe me frappe parce qu’il s’agit d’une question que je ressasse depuis longtemps. 
        Effectivement, pas de vrais libéraux en France. Juste un capitalisme mêlant savamment héritages familiaux, étouffement des PME par quelques grands groupes, copinage avec le pouvoir politique et une doctrine brillante associant socialisation des pertes et privatisation de profits.  
        C’est un climat économique étouffant, qui interdit toute libre concurrence, pour ceux qui y voient un moteur économique nécessaire, mais ne permet pas pour autant d’intervention musclée de l’état.
         

  11. P2R dit :

    @ Descartes (en réponse à DSK)
     
    [Et au deuxième tour… tout sauf Macron !]

    Sérieusement ? Dans l’hypothèse improbable mais pas impossible d’un deuxième tour Macron/Mélenchon, vous voteriez Mélenchon, qui porte en étendard ses délires post-modernes, sa vision communautariste, son idéologie anti-nucléaire de manière bien plus exacerbée que Macron ? Et surtout ouvrant la porte de ministères régaliens à des Corbières, Obono et autres Autin ?
     
    Je suis désolé, mais bien que ne portant pas Macron dans mon coeur, je ne serais pas du tout curieux de voir ce qu’aurait été le précédent quinquennat avec la clique Mélenchon au pouvoir… Et je m’étonne que vous soyez prêt à faire le pari du pire. Dans quel but ? provoquer un choc pour permettre l’émergence d’une autre gauche ?
     
    Honnêtement, je pense que Macron est une tête creuse, un acteur, comme vous dites, mais je préfère une tête creuse dans laquelle il n’est pas interdit d’imaginer voir germer quelques idées pertinentes (relance de la construction de réacteurs nucléaires, politique étrangère vaguement pragmatique – je pense au maintient du dialogue avec Poutine, c’est mieux que rien- ) et surtout, une tête creuse qui s’est déjà heurtée à pas mal de réalités sociales (gilets jaunes), internationales (les sous marins), industrielles (le covid), européennes (la tarification de l’énergie) etc… Je ne sais pas si toutes ces réalités ont véritablement imprimé chez les macronistes, mais je suis par contre certain qu’elles n’ont pas imprimé chez ses concurrents.
     
    Personnellement, je préfère miser sur un piètre cheval mais qui a l’avantage d’avoir reconnu le terrain, plutôt que sur des bourricots déguisés en chevaux de course qui n’ont rien foutu depuis 5 ans (et je suis gentil) que de se tirer dans les pattes et de minimiser la hauteur des obstacles. J’aurais préféré orienter mon vote sur un Edouard Philippe, que j’ai trouvé tout à fait à la hauteur de la fonction lors de la crise COVID, mais par défaut ce sera Macron… Le vote Le Pen, je peux le comprendre, mais je reste persuadé qu’à part peut-être sur l’immigration, elle mènera une politique équivalente, sauf qu’elle sera précédée de 2 ans d’errements et de pagaille. Changer pour changer, très peu pour moi…

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [« Et au deuxième tour… tout sauf Macron ! » Sérieusement ? Dans l’hypothèse improbable mais pas impossible d’un deuxième tour Macron/Mélenchon, vous voteriez Mélenchon, qui porte en étendard ses délires post-modernes, sa vision communautariste, son idéologie anti-nucléaire de manière bien plus exacerbée que Macron ? Et surtout ouvrant la porte de ministères régaliens à des Corbières, Obono et autres Autin ?]

      En écrivant mon papier, j’étais sûr que quelqu’un allait poser cette question…

      Le discours de Mélenchon aujourd’hui me fait penser au discours anticapitaliste de Miterrand dans les années 1970 – vous savez, son fameux « ceux qui ne veulent pas la rupture avec le capitalisme n’ont pas leur place au Parti socialiste ». Ces déclarations ont peut-être excité l’électorat de gauche et fait peur dans les poulaillers d’acajou, mais elles ont été vite oubliées une fois leur auteur installé à l’Elysée. La « rupture avec le capitalisme » n’a duré que quelques mois, puis tout est rentré dans l’ordre néolibéral et européiste – la honte en plus.

      Et bien, je vais peut-être vous décevoir, mais avec Mélenchon, ce serait pareil. S’il devait entrer à l’Elysée, on aurait peut-être droit à quelques semaines ou quelques mois de « rupture », puis on reviendrait à des politiques à rendre envieux les amis de Macron. Mélenchon ferait une politique anti-nucléaire ? Souvenez-vous que c’est Macron qui aura fermé Fessenheim, et que c’est encore lui qui, lorsqu’il était conseiller de Hollande, a souscrit à la « baisse à 50% de la part du nucléaire » et à la politique de procrastination qui aboutit aujourd’hui à une sortie du nucléaire « douce ». Mélenchon ferait une politique « communautaire » ? Pensez à ce que Macron s’apprête à faire en Corse. Macron et Mélenchon sont tous deux des enfants de Maastricht et du mitterrandisme. Je ne crois pas que remplacer l’un par l’autre changerait radicalement les choses.

      Quant à imaginer que Mélenchon mettrait aux ministères régaliens un Corbière, une Obono ou une Autin… souvenez-vous là encore de Mitterrand, parce que c’est cet exemple-là que Mélenchon aurait en tête à l’heure de former un gouvernement. Qui Mitterrand a mis à l’Intérieur ? Pas un militant, mais un vieux crouton connaissant toutes les entourloupes… Pensez au personnage de Falstaff (Shakespeare, « Henri IV, deuxième partie »).

      [Je suis désolé, mais bien que ne portant pas Macron dans mon coeur, je ne serais pas du tout curieux de voir ce qu’aurait été le précédent quinquennat avec la clique Mélenchon au pouvoir…]

      Je constate avec surprise que vous voyez VRAIMENT en Mélenchon un révolutionnaire… je vous rassure : s’il était élu pour ses partisans ce serait comme en 1981. Six mois d’euphorie, treize ans de déceptions.

      [Et je m’étonne que vous soyez prêt à faire le pari du pire. Dans quel but ? provoquer un choc pour permettre l’émergence d’une autre gauche ?]

      Ce n’est pas « le pari du pire », c’est « le pari du même ».

      [Honnêtement, je pense que Macron est une tête creuse, un acteur, comme vous dites, mais je préfère une tête creuse dans laquelle il n’est pas interdit d’imaginer voir germer quelques idées pertinentes (relance de la construction de réacteurs nucléaires,]

      Vous noterez que pour le moment rien n’a été relancé. Si l’on s’en tient aux œuvres, Macron a eu dix ans – cinq comme conseiller et ministre de Hollande, cinq comme président – pour faire avancer cette « idée pertinente ». Et pendant ce temps, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a fermé Fessenheim, il a approuvé une PPE qui prévoit la fermeture de 14 réacteurs…

      [Personnellement, je préfère miser sur un piètre cheval mais qui a l’avantage d’avoir reconnu le terrain, plutôt que sur des bourricots déguisés en chevaux de course qui n’ont rien foutu depuis 5 ans (et je suis gentil) que de se tirer dans les pattes et de minimiser la hauteur des obstacles.]

      L’expérience à pourtant montré que les deuxièmes présidences sont rarement des succès. Les chevaux ont certes reconnu le terrain, mais ils sont fatigués, corsetés par les promesses et concessions qu’ils ont du accorder aux différents lobbies, et paralysés par la peur de susciter des mouvements d’opinion. Et puis, n’ayant pas de réélection au bout du chemin, ils n’ont plus rien à gagner…

      [J’aurais préféré orienter mon vote sur un Edouard Philippe, que j’ai trouvé tout à fait à la hauteur de la fonction lors de la crise COVID, mais par défaut ce sera Macron…]

      Edouard Philippe est certainement à la hauteur de la fonction. Mais son programme est encore plus réactionnaire que celui de Pécresse. A côté de lui, même Macron apparaît un moindre mal.

      • P2R dit :

        @ Descartes

        [Le discours de Mélenchon aujourd’hui me fait penser au discours anticapitaliste de Miterrand dans les années 1970. La « rupture avec le capitalisme » n’a duré que quelques mois, puis tout est rentré dans l’ordre néolibéral et européiste – la honte en plus.]

        Je n’ai jamais imaginé que Mélenchon puisse être révolutionnaire, en effet je le considère comme vous comme un pur produit du mitterandisme. Mais je fais partie des gens qui pensent qu’un second septennat de Giscard en 1981 aurait été bien moins nocif pour le pays que l’élection de Mitterand.

        Mélenchon ferait peut-être, sûrement même, la même politique que Macron, mais avec l’incertitude et les turbulences en plus. Vosu savez que les milieux économiques aiment par-dessus tout la prévisibilité, ce serait dommage d’effrayer la volaille fragilement rassemblée à coup de milliards de subventions pour au final revenir vers un politique libérale. Autant sauter directement à la case libérale. C’est mon opinion.
         
        [Je suis désolé, mais bien que ne portant pas Macron dans mon coeur, je ne serais pas du tout curieux de voir ce qu’aurait été le précédent quinquennat avec la clique Mélenchon au pouvoir… /// Je constate avec surprise que vous voyez VRAIMENT en Mélenchon un révolutionnaire…]

        Non, pas du tout, il n’y a point besoin d’être révolutionnaire pour faire d’immenses catastrophes. Être populiste, borné et entouré d’incapables est largement suffisant. Et je crois que si Macron est sans doute également populiste, borné et entourés d’incapables, ce n’est rien en comparaison des sphères où évolue Mélenchon.

        [Vous noterez que pour le moment rien n’a été relancé. Si l’on s’en tient aux œuvres, Macron a eu dix ans – cinq comme conseiller et ministre de Hollande, cinq comme président – pour faire avancer cette « idée pertinente ». Et pendant ce temps, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a fermé Fessenheim, il a approuvé une PPE qui prévoit la fermeture de 14 réacteurs…]

        Entre 2012 et le rapport RTE de 2021, il y a eu une évolution majeure dans l’opinion publique au sujet du nucléaire qui ne vous aura pas échappé je pense. Le phénomène Jancovici, qui est maintenant régulièrement invité sur toutes les ondes n’y est pas pour rien, associé au mur des réalités (prix, tensions en approvisionnement…). Je ne pense pas que Macron ait la moindre vision d’avenir, c’est une girouette qui indique à retardement vers où souffle le vent. Ce n’est pas très glorieux, mais ça vaut mieux à mon avis que le dogmatisme d’un Mélenchon…

        [L’expérience à pourtant montré que les deuxièmes présidences sont rarement des succès. Les chevaux ont certes reconnu le terrain, mais ils sont fatigués, corsetés par les promesses et concessions qu’ils ont du accorder aux différents lobbies, et paralysés par la peur de susciter des mouvements d’opinion. Et puis, n’ayant pas de réélection au bout du chemin, ils n’ont plus rien à gagner…]

        Difficile de juger ce que pourrait être un deuxième mandat Macron à la lumière de ce qu’ont été les deuxièmes mandats de Mitterand ou de Chirac, pour de multiples raisons (âge, état de santé, cohabitations…) Et puis, sur un deuxième mandat, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il n’y a plus rien a gagner. Il n’y a surtout plus rien à perdre…

        [Edouard Philippe est certainement à la hauteur de la fonction. Mais son programme est encore plus réactionnaire que celui de Pécresse. A côté de lui, même Macron apparaît un moindre mal.]

        Pouvez-vous préciser en quoi ?

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [Je n’ai jamais imaginé que Mélenchon puisse être révolutionnaire, en effet je le considère comme vous comme un pur produit du mitterrandisme. Mais je fais partie des gens qui pensent qu’un second septennat de Giscard en 1981 aurait été bien moins nocif pour le pays que l’élection de Mitterrand.]

          Je suis d’accord avec vous. Mais pas à cause des « turbulences » que l’élection de Mitterrand a provoquées. L’élection de Mitterrand, ce fut le remplacement de la République des ingénieurs par la République des enseignants, et plus tard par la République des communicants. L’élection de Giscard n’aurait peut-être fait que ralentir le processus – car celui-ci tient à un changement structurel du capitalisme – mais au moins on aurait gagné un peu de temps. Je ne crois pas que dans le cas d’un choix Macron/Mélenchon on soit dans le même cas aujourd’hui…

          [Non, pas du tout, il n’y a point besoin d’être révolutionnaire pour faire d’immenses catastrophes. Être populiste, borné et entouré d’incapables est largement suffisant. Et je crois que si Macron est sans doute également populiste, borné et entourés d’incapables, ce n’est rien en comparaison des sphères où évolue Mélenchon.]

          Peut-être suis-je trop confiant dans le contre-pouvoir que représente l’appareil d’Etat. Mélenchon est probablement entouré de gens plus bornés, incapables et populistes que Macron. Mais il a aussi moins de relais chez les pouvoirs économiques… autrement dit, il aura peut-être envie de faire plus de bêtises, mais moins de moyens pour les faire. L’un dans l’autre…

          [Je ne pense pas que Macron ait la moindre vision d’avenir, c’est une girouette qui indique à retardement vers où souffle le vent. Ce n’est pas très glorieux, mais ça vaut mieux à mon avis que le dogmatisme d’un Mélenchon…]

          Oh… vous savez, Mélenchon est « dogmatique » quand il s’agit de causer. Mais chaque fois qu’il a participé au pouvoir, il a fait preuve d’une remarquable capacité à se couler dans le moule du « cercle de la raison ». Souvenez-vous de sa défense passionnée du traité de Maastricht, ce brillant « compromis de gauche »… N’ayez aucun doute : si demain il devait entrer à l’Elysée, finies les éoliennes…

          [« Edouard Philippe est certainement à la hauteur de la fonction. Mais son programme est encore plus réactionnaire que celui de Pécresse. A côté de lui, même Macron apparaît un moindre mal. » Pouvez-vous préciser en quoi ?]

          Je pense notamment à ce qu’il a fait comme premier ministre : poursuite de la politique de privatisations, suppression des statuts (suppression su statut des cheminots, à terme de celui de la fonction publique), réforme du code du travail, réforme des retraites… Vous me direz que certaines de ces réformes viennent de Macron plutôt que de lui, et c’est vrai. Mais à chaque fois, on trouve Philippe du côté des plus “durs” dans la conception des réformes en question…

  12. Ariname dit :

    Monsieur, 
    Je suis attentivement votre blog depuis plusieurs années. Sa lecture a contribué à ma formation politique et intellectuelle.
    Alors certes, je ne suis pas toujours en accord avec vos prises de position mais j’ai toujours apprécié la rigueur de vos analyses et les débats que vos billets suscitent dans la section des commentaires.
    J’avais déjà l’intention de d’apporter mon suffrage au premier tour à M. Roussel. Votre billet me conforte dans ce choix.
    Oui le programme issu du PCF est un méli-mélo pas franchement solide.
    Oui les chances d’accès au second tour sont évidemment plus que minces. 
    Néanmoins, si sa candidature obtient un score proche voire égal à 5 %, cela enverra je l’espère un signal à certains courants de gauche bien égarés depuis trop longtemps maintenant… 
     
     
     

  13. Geo dit :

    @Descartes
    [Si Roussel apparaît comme pouvant attirer les électeurs – et donc conserver les positions électorales du PCF – l’appareil le suivra et les Laurent-Faucillon iront se rhabiller. Si Roussel apparaît en position de faiblesse, par contre, ce sont eux qui reprendront le pouvoir.]
    Voilà le seul argument qui me touche: revoir une “Humanité” lisible même dans sa mauvaise foi militante nous changerait du journal lamentable que nous voyons.
    [Voilà ce que dit Chevènement : « Je ne vois honnêtement pas qui je pourrais soutenir d’autre qu’Emmanuel Macron parmi les candidats en lice pour que la France puisse défendre, comme il se doit, ses intérêts et ses valeurs. Emmanuel Macron a, seul, l’étoffe d’un homme d’État ». Autrement dit, « je soutiens Macron parce que je ne vois personne d’autre qui ait la carrure d’un chef d’Etat ». C’est à la fois ironique et vrai(…..) Cela a toujours été son crédo : être proche des centres du pouvoir pour les influencer. (….) s’il est vrai que ce genre de stratégie ne permet pas de peser sur l’essentiel, elle peut permettre de faire pas mal de choses.]
    Si je vous suis bien, la “ligne Chevènement” , appelons la ainsi, vaut pour un homme politique mais ce réalisme ne sera pas le votre. “Au deuxième tour, tout sauf Macron“.
    Il y a là une certaine tension, même si on ne peut pas parler de contradiction. (Là, je précise que je ne suis pas militant macronien.)
     
     
     
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Si je vous suis bien, la “ligne Chevènement” , appelons la ainsi, vaut pour un homme politique mais ce réalisme ne sera pas le votre. “Au deuxième tour, tout sauf Macron“. Il y a là une certaine tension, même si on ne peut pas parler de contradiction. (Là, je précise que je ne suis pas militant macronien.)]

      Aucune “tension”: comme je l’ai dit par ailleurs, j’admire Chevènement, mais cela ne me rend pas aveugle à ses défauts et à ses erreurs. Je peux comprendre sa ligne qui consiste à se rapprocher du pouvoir pour pouvoir l’influencer, mais comprendre ne veut pas dire approuver: je pense qu’il se trompe lorsqu’il s’imagine que Macron pourrait se laisser influencer par lui. Cette affaire illustre une constante de Macron mise en lumière dans le livre de Davet et Lhomme “le traitre et le néant”: Macron a construit une bonne partie de son succès sur sa capacité à séduire les vieux messieurs, à leur faire croire qu’une fois au pouvoir il les écouterait. Les Atali, les Minc, les Jouyet, les Hollande se sont fait avoir. Pourquoi pas Chevènement ?

  14. marc.malesherbes dit :

     un abstentionniste convaincu

    pour moi, les différents candidats que j’ai “suivi” ont tous exprimé des propos démagogiques (irréalisables), stupides ou contradictoires avec leur comportement passé, sans l’avoir déploré de façon convaincante (1).

    Dans ces conditions je ne peux leur apporter mon soutien.

    Si le “peuple” apprécie l’un d’entre eux et lui donne une majorité, je n’en serai pas fâché. Ceux qui acceptent de voter pour un candidat déplorable n’auront pas à se plaindre de ce qui leur arrivera …

    En ce qui me concerne personnellement, tous les candidats me paraissent également mauvais, me garantissent un avenir qui ne me fait pas envie … alors je laisse démocratiquement au “peuple” le soin de faire son choix.

    nb: en plus j’aimerai que mon abstention soit la plus largement partagée: cela montrerai que le comportement des candidats, leurs “programmes” (si l’on peut dire) ne sont pas bons, et cela améliorera peut-être la prochaine cuvée.

    (1) si cela intéresse un de vos lecteurs, je peux sur presque tous les candidats leur donner des faits précis. Descartes l’a déjà fait pour F Roussel (pour qui il va cependant voter). Descartes va donc être content: par mon abstention j’augmente le taux de réussite (le pourcentage au premier tour) de son favori. Idem pour tous les votants quelque soit leur choix.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [pour moi, les différents candidats que j’ai “suivi” ont tous exprimé des propos démagogiques (irréalisables), stupides ou contradictoires avec leur comportement passé, sans l’avoir déploré de façon convaincante (1). Dans ces conditions je ne peux leur apporter mon soutien.]

      Je pense que vous ne posez pas la bonne question. Le fait est que dans la semaine qui suit le deuxième tour, l’un des douze candidats aujourd’hui en lice prendra ses fonctions à l’Elysée, pour présider aux destinées du pays pendant cinq ans. La question à se poser n’est donc pas de savoir si l’un ou plusieurs de ces candidats méritent qu’on vote pour eux, mais quel est le vote qui aboutira à la meilleure – d’accord, disons la moins mauvaise – situation politique après le scrutin.

      Que vous me disiez « je vote pour tel ou tel candidat parce qu’il a un programme intelligent, cohérent, conforme à sa trajectoire et réalisable », je le comprendrais. Mais dès lors qu’aucun candidat ne remplit ces critères, ces critères ne peuvent plus constituer le critère de choix.

      [Si le “peuple” apprécie l’un d’entre eux et lui donne une majorité, je n’en serai pas fâché. Ceux qui acceptent de voter pour un candidat déplorable n’auront pas à se plaindre de ce qui leur arrivera…]

      Encore une fois, vous ne votez pas pour un candidat parce que vous l’appréciez. Vous votez pour lui parce que vous pensez que ce vote aboutira à un meilleur résultat pour vous et pour le pays que les alternatives. Une élection, ce n’est pas un concours de beauté.

      [En ce qui me concerne personnellement, tous les candidats me paraissent également mauvais, me garantissent un avenir qui ne me fait pas envie … alors je laisse démocratiquement au “peuple” le soin de faire son choix.]

      C’est un peu lâche, vous ne trouvez pas ?

      [nb: en plus j’aimerai que mon abstention soit la plus largement partagée: cela montrerai que le comportement des candidats, leurs “programmes” (si l’on peut dire) ne sont pas bons, et cela améliorera peut-être la prochaine cuvée.]

      Cela fait trente ans que l’abstention augmente régulièrement à chaque élection. Pensez-vous que cela ait contribué à améliorer la qualité des « cuvées » suivantes ?

      [(1) si cela intéresse un de vos lecteurs, je peux sur presque tous les candidats leur donner des faits précis. Descartes l’a déjà fait pour F Roussel (pour qui il va cependant voter). Descartes va donc être content: par mon abstention j’augmente le taux de réussite (le pourcentage au premier tour) de son favori. Idem pour tous les votants quelque soit leur choix.]

      Bien sur que non. L’abstention ne change en rien la distribution des voix exprimées…

      • marc.malesherbes dit :

        une remarque technique:
        l’abstention (plus les votes blancs) est encore très faible: même pas 50% pour le deuxième tour des présidentielles. Le peuple (et vous) y croit encore.Plus l’abstention (plus les votes blancs) est importante, plus la “sacralité” de l’élection, l’autorité de nos élus diminuera. Ils deviendront de plus en plus fragiles,ayant de moins en moins de légittimité. Ce sera de plus en plus l’anomie. Un autre régime politique leur succédera.

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [l’abstention (plus les votes blancs) est encore très faible: même pas 50% pour le deuxième tour des présidentielles. Le peuple (et vous) y croit encore. Plus l’abstention (plus les votes blancs) est importante, plus la “sacralité” de l’élection, l’autorité de nos élus diminuera.]

          On répète cela comme un mantra. Mais est-ce vrai ? Est-ce que l’autorité de Macron est plus contestée aujourd’hui que ne l’était celle de De Gaulle, de Mitterrand ou de Sarkozy ? J’aurais tendance à dire le contraire. L’abstention aujourd’hui est moins une abstention de contestation qu’une abstention de désintérêt. A partir du moment ou l’on a internalisé le fait que dans un rapport de forces dominé par les classes intermédiaires et la bourgeoisie on aboutit toujours aux mêmes politiques quelque soit le résultat du vote, à quoi bon aller voter ? Il ne reste aujourd’hui comme motivation que celle du « devoir civique », c’est-à-dire, la participation à un rituel d’unité, un peu comme la messe.

          [Ils deviendront de plus en plus fragiles, ayant de moins en moins de légitimité. Ce sera de plus en plus l’anomie. Un autre régime politique leur succédera.]

          Oui. Et pas forcément meilleur… relisez « les grenouilles voulaient un roi ».

          • marc.malesherbes dit :

            vos réponses ont leur logique, et sont peut-être justes …
            Il n’empêche mes “sentiments” s’opposent à ce qu je vote pour un candidat que je n’apprécie pas, car c’est accepter de lui déléguer une autorité (présider un pays, voter des lois) que je n’ai pas envie de lui voir exercer, même si c’est à mes yeux le moins mauvais (encore que j’aurai beaucoup de mal à définir le moins mauvais).
            On peut argumenter comme vous le faites que ce n’est pas raisonnable; mais outre que vos arguments me paraissent faibles (les miens aussi, car la politique est extrêmement complexe) ce sont mes “sentiments” qui l’emportent.

  15. Bruno dit :

    Je voterai pour Eric Zemmour dimanche. 
    J’ai participé à l’aventure et je ne le regrette pas. Ce fut enrichissant et je dois reconnaître que “communier” avec des milliers de personnes qui pensent, grosso modo, comme vous, ça donne chaud au cœur. On se sent moins isolé et on se dit qu’on n’est pas fou ou du moins, pas tout seul. 
    Eric Zemmour n’est pas un politicien professionnel, mais il a mené une très bonne campagne et a su, dans une certaine mesure, se métamorphoser. Pour un homme de son âge, habitué des plateaux TV et des dîners en ville, il a dépassé mes attentes. Certes, des erreurs ont été commises et nous payons notamment l’amateurisme du candidat et de son premier cercle (sociologiquement trop étroit…) aujourd’hui. Nous payons probablement aussi notre hémiplégie relative sur les questions sociales.
    Hormis Zemmour et Mélenchon, personne n’a véritablement fait campagne… Pourquoi selon vous Le Pen est restée devant nous ? L’inertie du corps électoral? Les habitudes? La force de la marque Le Pen? Elle n’a en rien marqué cette campagne mais elle conserve plus de 20% dans les sondages. C’est tout sauf banal…
    Ce qui me dépite c’est qu’en cinq ans j’ai le sentiment que le RN n’a en rien “progressé” et ne s’est pas professionnalisé. Cinq années de perdues?!
    Zemmour, trop clivant, ne pourra pas apparaître comme une alternative pour 50% des Français +1. Mais quid de Marine? Mon espoir est qu’à l’entre deux tours des discussions aient lieu entre le RN et Reconquête pour aller de l’avant et signer un accord législatif. Si Marine se prend encore une poutre, peut-être qu’elle passera à temps plein dans l’élevage des chats et qu’une tierce personne RN/Reconquête reprendra les choses en main. C’est à souhaiter. L’arrivée (et la défaite) de Zemmour au second tour aurait permis de rabattre les cartes, avec un rematch de 2017, je suis plus dubitatif.
    Qu’il est dur d’être patriote… L’autre jour j’entendais Saint Badinter dire qu’il était honteux que les gens n’aillent pas voter, qu’en faisant ainsi ils n’étaient pas dignes de leurs ancêtres qui s’étaient battus pour le droit de vote (et en sous texte pas dignes des gens comme lui…). Il prétendait que le spectre était très large et offrait toutes les possibilités politiques. C’est faux. Aucun candidat ne propose la sortie de l’UE et de l’euro, cela même alors qu’un bon tiers des Français n’y serait pas défavorable. Evidemment, mettons tout ça sous le tapis…
    Au second tour, sans conviction, ce sera tout sauf Macron pour moi. 
    PS : si je votais à gauche ce serait Roussel pour moi aussi.

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Je voterai pour Eric Zemmour dimanche. J’ai participé à l’aventure et je ne le regrette pas. Ce fut enrichissant et je dois reconnaître que “communier” avec des milliers de personnes qui pensent, grosso modo, comme vous, ça donne chaud au cœur. On se sent moins isolé et on se dit qu’on n’est pas fou ou du moins, pas tout seul.]

      La folie partagée n’est pas une folie, tous les philosophes vous le diront. Penser que dieu vous parle aujourd’hui fait de vous un fou. Au moyen-âge, c’était parfaitement normal ! 😉

      Plus sérieusement : j’ai envie de vous retourner la citation de Mandela : « je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ». Quelque soit l’issue de la campagne, je pense que vous aurez beaucoup appris de cette « aventure ». Quand je discute avec les enfants de mes amis, je leur conseille toujours adhérer à un parti politique. Au fond, peu importe lequel : faire de la politique dans un parti, c’est toujours formateur.

      [Eric Zemmour n’est pas un politicien professionnel, mais il a mené une très bonne campagne et a su, dans une certaine mesure, se métamorphoser. Pour un homme de son âge, habitué des plateaux TV et des dîners en ville, il a dépassé mes attentes. Certes, des erreurs ont été commises et nous payons notamment l’amateurisme du candidat et de son premier cercle (sociologiquement trop étroit…) aujourd’hui. Nous payons probablement aussi notre hémiplégie relative sur les questions sociales.]

      Qu’en termes beaux ces choses-là sont dites… Je crains, malheureusement, qu’il ne s’agisse pas d’une simple « hémiplégie ». En matière économique et sociale, Zemmour est un réactionnaire, et prévisiblement il sort des idées réactionnaires. On ne fréquente pas impunément les équipes du « Figaro » pendant des années… et c’est difficile d’élargir « sociologiquement » son équipe dans ces conditions. Quand on tient des discours fillonistes, on n’attire que des fillonistes…

      Il y a aussi une erreur que vous ne mentionnez pas, mais qui a plombé en partie sa campagne. C’est toujours une erreur pour un homme politique de se laisser emporter par des obsessions. Le discours de Zemmour sur l’immigration est devenu un repoussoir, même pour des gens comme moi qui sont farouchement assimilationnistes.

      [Hormis Zemmour et Mélenchon, personne n’a véritablement fait campagne…]

      Je ne suis pas d’accord. Les campagnes de Zemmour et Mélenchon ont été très médiatisées, parce que l’un et l’autre sont des bons communicants qui savent faire le « buzz » à force de déclarations iconoclastes et d’inventions holographiques. Les autres ont été plus discrets, moins médiatiques, mais pas forcément moins actifs. Avec la possible exception de Macron, on ne peut pas dire que les candidats n’aient pas fait campagne.

      [Pourquoi selon vous Le Pen est restée devant nous ? L’inertie du corps électoral? Les habitudes? La force de la marque Le Pen? Elle n’a en rien marqué cette campagne mais elle conserve plus de 20% dans les sondages. C’est tout sauf banal…]

      Parce que Marine Le Pen a une base sociologique solide dans les couches populaires, et que Zemmour, avec son discours réactionnaire en matière sociale et économique, ne pouvait lui disputer. On ne gagne pas des voix à Hénin-Beaumont en promettant la baisse de l’impôt sur le revenu ou la réduction du périmètre de l’Etat. Et puis, l’égo-politique ne remplace pas le travail de terrain pendant des années…

      [Qu’il est dur d’être patriote… L’autre jour j’entendais Saint Badinter dire qu’il était honteux que les gens n’aillent pas voter, qu’en faisant ainsi ils n’étaient pas dignes de leurs ancêtres qui s’étaient battus pour le droit de vote (et en sous texte pas dignes des gens comme lui…). Il prétendait que le spectre était très large et offrait toutes les possibilités politiques. C’est faux. Aucun candidat ne propose la sortie de l’UE et de l’euro, cela même alors qu’un bon tiers des Français n’y serait pas défavorable. Evidemment, mettons tout ça sous le tapis…]

      100% d’accord.

      • Antoine dit :

        Sur la campagne de Zemmour : comme l’indique Descartes, l’hémiplégie relative de Zemmour sur la question sociale ne peut pas être une surprise. Vous citez les cercles du fig, j’evoque le haut patronage de Bolloré. Ma grosse déception sur la campagne de Zemmour c’est plutôt la faiblesse de ses attaques sur l’UE, j’ai vraiment pensé qu’il serait capable de proposer un référendum sur le Frexit. 
         
        Sur le maintien de MLP dans les sondages. 
        Vous donnez certainement une prime excessive  a la politique de terrain.  Lego politique fonctionne a plein, la preuve par Macron en 2017. C’est la crise ukrainienne qui a permis à MLP de récolter les fruits de son ancrage populaire. Je  pense que  sans  le conflit ukrainien on aurait mlp a 12 et Z  a 19. Lanalyse initiale  de  la sociologie électorale selon Z me semble juste. Seul lui pouvait gagner parce qu’il pouvait prendre les CSP + qui fuyaient mlp et les csp- qui fuyaient Pécresse. Mi février  à 15 – 15, z avait fait l’essentiel du boulot : devenir un candidat suffisamment crédible au second tour pour incarner le vote TSM qu’incarne aujourd’hui mlp. Seulement  à partir du 24 fevrier, une (petite) partie de l’ électorat CSP+ a fui le “Poutine français”  et son énorme faute symbole de son obsession comme vs le dites bien  sur les réfugiés Ukrainiens a fait le reste, la perte de 2 points ds les sondages a suffit à donner à MLP la carte magique “vote utile” / “opposant n’1. Dès lors Zemmour ne pouvait que se contracter sur son socle électoral un peu ” manif pour tous”. 

        • Descartes dit :

          @ Antoine

          [Vous donnez certainement une prime excessive a la politique de terrain. Lego politique fonctionne a plein, la preuve par Macron en 2017.]

          Plus qu’une preuve, c’est un contre-exemple. En 2017, Macron bénéficie à fond de réseaux politiques implantés depuis fort longtemps, surtout à gauche. Pourquoi croyez-vous qu’on retrouve dès le début dans sa campagne des « barons » socialistes aussi puissants que Collomb, Le Drian ou Ferrand ? On ne le dira jamais assez : en 2017, Macron est le candidat socialiste : même s’il n’est pas officiellement investi par le PS, il peut compter sur ses réseaux.

          [C’est la crise ukrainienne qui a permis à MLP de récolter les fruits de son ancrage populaire. Je pense que sans le conflit ukrainien on aurait mlp a 12 et Z a 19.]

          Je ne vois pas par quel raisonnement vous arrivez à cette conclusion. Pourriez-vous élaborer ?

          [L’analyse initiale de la sociologie électorale selon Z me semble juste. Seul lui pouvait gagner parce qu’il pouvait prendre les CSP + qui fuyaient mlp et les csp- qui fuyaient Pécresse.]

          Mais à quoi ressemblerait un programme qui puisse attirer à la fois les CSP+ et les CSP- ? Vous rêvez encore de la grande unité qui permettrait de concilier les intérêts irréconciliables… Pour attirer les CSP+, Zemmour devait adopter un discours « réactionnaire » sur la baisse des impôts, taxes et charges et les cadeaux aux patrons, est surtout pas parler de souveraineté nationale et critiquer l’UE, alors que pour attirer les CSP- il fallait faire exactement l’inverse. C’est une équation impossible.

          La triste réalité, qui nous amène dans ces élections à un non-choix, c’est celle-là : on ne peut rien faire avec les « classes intermédiaires », et on ne peut rien faire sans. Il n’y a aujourd’hui pas de convergence d’intérêt entre les couches populaires et les classes intermédiaires qui permettraient à un candidat « populaire » de s’imposer – et encore moins de gouverner. Ce n’est pas une question de tactique électorale, mais de rapport de forces structurel.

          • Antoine dit :

            Oui en effet, un ego politique qui s’est appuyé sur des réseaux. Les deux ne me semblent pas contradictoires. Et z lui aussi a bénéficié dans une certaine mesure de réseaux. 
            Mon raisonnement n’est autre que celui que j’avançais ensuite. La crise en Ukraine a fait perdre qqes points  à z. J’en connais qui sont passés à ce moment de z à Macron. Ce qui pour moi était inconcevable. Sans ces qqes points de perdus, il pouvait espérer disputer le titre d’opposant n’1.  Les classes populaires plutôt lepenistes l’auraient alors rejoint massivement. 
             
            Céla étant je néglige je le concède par naïveté l’impossibilité mathématique de la constitution d’un programme d’équilibre, d’un compromis entre les classes. Celui ci ne pouvait s’articuler pour moi qu’autour d exigences précises sur l’assimilation et la souveraineté nationale. 
             
            Résultat, victime d’un burn out démocratique j’ai voté au hasard NDA Zemmour Mélenchon Roussel. Je ne sais d’ailleurs pas qui a eu mon suffrage. 

            • Descartes dit :

              @ Antoine

              [Oui en effet, un ego politique qui s’est appuyé sur des réseaux. Les deux ne me semblent pas contradictoires. Et z lui aussi a bénéficié dans une certaine mesure de réseaux.]

              Macron avait derrière lui les réseaux des « barons » du PS (Le Drian, Collomb, Ferrand…), celui des « faiseurs de rois » (Minc, Attali, Jouyet…) et, encore plus important, celui des grands patrons. Qu’est ce qu’il a comme réseau, Zemmour ? Celui des anciens lecteurs du « Figaro » ?

              [Mon raisonnement n’est autre que celui que j’avançais ensuite. La crise en Ukraine a fait perdre quelques points à z. J’en connais qui sont passés à ce moment de z à Macron. Ce qui pour moi était inconcevable. Sans ces qqes points de perdus, il pouvait espérer disputer le titre d’opposant n’1.]

              Il aurait fallu bien plus que « quelques points » pour ça… par ailleurs, je ne pense pas que Zemmour ait tant perdu à cause de la guerre. Bien sur, il y a un « effet drapeau » qui ramène en temps de guerre des voix vers le président en place, et réduit donc mécaniquement le pourcentage des autres candidats. Mais cela ne va pas très loin.

              [Les classes populaires plutôt lepenistes l’auraient alors rejoint massivement.]

              Je ne crois pas. Le programme économique de Zemmour est trop « filloniste » pour attirer les couches populaires. A Hénin-Beaumont, l’impôt sur l’héritage n’est pas un problème prioritaire.

      • Vincent dit :

        [Certes, des erreurs ont été commises et nous payons notamment l’amateurisme du candidat et de son premier cercle (sociologiquement trop étroit…) aujourd’hui. Nous payons probablement aussi notre hémiplégie relative sur les questions sociales.]

         
        Je souscris totalement à la responsabilité du premier cercle. Premier cercle qu’il ne s’est pas choisi, puisque l’équipe s’est montée sans lui.
         
        Mais je ne pense pas qu’il s’agisse (que) d’amateurisme. Il s’agit aussi et surtout de personnes qui ont des œillères. En gros des “Macron boys” avec en plus une aversion pour l’islam et l’immigration. Seule compte pour eux l’économie, avec une pure vision néoclassique. Et le reste du programme est défini par une approche marketing en segmentant les catégories de population, pour que chaque catégorie cible puisse avoir sa mesurette.
        Au contraire, je pense que Zemmour a fondamentalement une vision d’homme d’Etat, et qu’il est plutôt dans une logique gaullo-chevènementiste, qui relègue l’économie pure au second plan (la politique économique est le “comment faire”, et pas le “quoi faire”).
         
        Résultat: une double différence entre ce qu’est le candidat et sa campagne:
        – différence de ligne politique entre le candidat et son premier cercle, qui a conduit à un programme qui souffre d’un manque de cohérence,
        – différence d’approche, avec un programme “attrape tout” démago, alors que le candidat est fondamentalement intéressé par les grands enjeux.
         
        Et par dessus le marché, un vrai défaut du candidat: sa sincérité sans filtre. Sur les prénoms, et quelques mesures emblématiques comme celle là, il aurait suffi qu’il dise que c’était une opinion personnelle, ou que les français statueraient eux mêmes dessus, pour éviter de jouer les paratonnerres.
         

      • Bruno dit :

        [Plus sérieusement : j’ai envie de vous retourner la citation de Mandela : « je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ». Quelque soit l’issue de la campagne, je pense que vous aurez beaucoup appris de cette « aventure ».]
        Je retiens, oui. Néanmoins, plus on attend, plus la reprise en main sera difficile et violente. On pourrait s’éviter ça en mettant stop rapidement aux dérives. Pourquoi attendre d’être au bord du gouffre? Combien de profs décapités, d’attentats, de violences “aux personnes” seront nécessaires?  On peut aussi se résigner et dire comme notre cher président qu’un jeune tabassé gratuitement par dix autres “ça fait partie de la vie”.
        [En matière économique et sociale, Zemmour est un réactionnaire, et prévisiblement il sort des idées réactionnaires.]
        Sincèrement, et pour connaître un peu le personnage désormais, je vous assure que c’est faux. Zemmour a bien entendu quelques préjugés liés à son parcours professionnel, mais il ne vient pas d’un milieu très aisé et en matière économique et sociale, il y a très peu de mesures “réactionnaires” (ou alors vous avez une acception très large de ce terme) dans le projet. Zemmour ne touche en rien à l’état social POUR LES FRANCAIS dans son programme. Il y est très attaché. Le seul point qu’il bouge, pas négligeable, c’est l’âge de départ à la retraite.
        En économie il n’est pas réactionnaire, plutôt “naïf”, comme CDG (mutatis mutandis), il pense qu’on peut concilier les petits et les grands dans l’entreprise, et, ne croit pas en la lutte des classes. Je suis plutôt du genre matérialiste, comme vous, donc bon, je ne le suivais pas là dessus. Il le croyait lui, le programme s’en reflète (participation des salariés, intéressement, 13ème mois…).
        Et c’est un empathique, plusieurs fois en réunion il expliquait sa relance industrielle (notamment nucléaire, ce qui ne doit pas vous déplaire), par le besoin de fournir aux gens des classes populaires des métiers dans lesquels ils puissent avoir une progression sociale et pas (je cite) “des boulots de merde dans lesquels on n’évolue pas”.
        [On ne fréquente pas impunément les équipes du « Figaro » pendant des années… et c’est difficile d’élargir « sociologiquement » son équipe dans ces conditions. Quand on tient des discours fillonistes, on n’attire que des fillonistes…]
        Certes, oui… Et je pense aussi au parisianisme puissant du premier cercle. Le candidat a été prisonnier de la sociologie de ses proches et n’a pas su, pu ou voulu élargir. En clair, il a été comme tous les autres, centré sur les classes moyennes urbaines… (Mettons Marine à part).
        [Il y a aussi une erreur que vous ne mentionnez pas, mais qui a plombé en partie sa campagne. C’est toujours une erreur pour un homme politique de se laisser emporter par des obsessions. Le discours de Zemmour sur l’immigration est devenu un repoussoir, même pour des gens comme moi qui sont farouchement assimilationnistes.]
        Oui, oui et oui… D’autant plus que dans cette thématique, de par son parcours personnel et ses prises de position, il cochait déjà la case pour ceux qui étaient sensibles à ce thème. Il eu fallu arrêter d’en parler dès janvier 2022 pour embrayer sur le social en mode Marine… Là dessus je ne peux que vous suivre mais nous n’avons pas su aller contre cette, disons, préoccupation centrale du candidat. On ne choisit pas son prince. 
        Autre bêtise selon moi, son discours sur “l’union des droites”, rengaine fatigante et qui sonnait politicarde alors qu’il avait le mérite de ne pas être un politicien. Marine a raison de parler au peuple. On s’en fout de l’union des droites quand on s’adresse aux Français, on doit prendre les voix partout.
        [Je ne suis pas d’accord. Les campagnes de Zemmour et Mélenchon ont été très médiatisées, parce que l’un et l’autre sont des bons communicants qui savent faire le « buzz » à force de déclarations iconoclastes et d’inventions holographiques.]
        Zemmour a rassemblé des foules comme on n’en voit plus en politique depuis longtemps, il a suscité un engouement rare. On peut difficilement le nier. Candidat “passion”, il n’a laissé personne indifférent, entre amour et haine. En ça, il est un vrai égo-politique, le rapport des militants vis-à-vis de lui n’était pas politique, ça allait au delà. 
        [Et puis, l’égo-politique ne remplace pas le travail de terrain pendant des années…] 
        Avec les bons relais, ça se peut, suffit de voir Macron… Zemmour n’a pas les mêmes réseaux.
        D’ailleurs, c’est complètement HS, mais ne trouvez vous pas drôle qu’on parle du “scandale” Mac Kinsey et qu’on omette d’évoquer le très faible patrimoine du Président… Qui peut croire qu’il a 500K€ de patrimoine après avoir été associé-gérant chez Rothschild? Ne me prenez pas pour un complotiste, mais ça me fait bien marrer… 

        • Descartes dit :

          @ Bruno

          [Je retiens, oui. Néanmoins, plus on attend, plus la reprise en main sera difficile et violente. On pourrait s’éviter ça en mettant stop rapidement aux dérives. Pourquoi attendre d’être au bord du gouffre ? Combien de profs décapités, d’attentats, de violences “aux personnes” seront nécessaires ? On peut aussi se résigner et dire comme notre cher président qu’un jeune tabassé gratuitement par dix autres “ça fait partie de la vie”.]

          Le président a à la fois raison et tort. Il a raison parce que, effectivement, il y a une certaine violence qui « fait partie de la vie ». Et cela n’a rien à voir avec l’immigration ou le délitement du lien social : relisez « la guerre des boutons » de Louis Pergaud (ou bien mon papier « la nouvelle guerre des boutons » https://descartes-blog.fr/2021/03/10/la-nouvelle-guerre-des-boutons/). Vous verrez que les jeunes d’aujourd’hui n’ont rien inventé dans ce domaine.

          Ce n’est pas cette violence-là qui me pose problème. C’est cette violence quotidienne, de faible intensité, qui détruit le lien social. Celle du jeune qui actionne son « ghettoblaster » dans le bus sans que personne ose lui faire une remarque, celle qui oblige des femmes à se voiler en vertu du diktat communautaire, celle qui s’exerce sur l’habitant qui trouve le matin sa voiture brûlée ou dégradée, celle qu’on inflige au citoyen confronté à des services publics réduits à un site internet ou un répondeur téléphonique, obligé de faire trente ou quarante kilomètres pour trouver un médecin, un hôpital, un bureau de poste. Et celle, essentielle, qui s’exerce sur nous tous sous forme d’une incertitude croissante dans nos études, dans notre emploi, dans notre retraite. Ce sont ces violences-là, de faible intensité, qui finissent par se manifester par des éruptions comme celles qu’on voit à la une des journaux.

          [« En matière économique et sociale, Zemmour est un réactionnaire, et prévisiblement il sort des idées réactionnaires. » Sincèrement, et pour connaître un peu le personnage désormais, je vous assure que c’est faux. Zemmour a bien entendu quelques préjugés liés à son parcours professionnel, mais il ne vient pas d’un milieu très aisé et en matière économique et sociale, il y a très peu de mesures “réactionnaires” (ou alors vous avez une acception très large de ce terme) dans le projet.]

          D’abord, l’idée que parce qu’on vient d’un milieu modeste on serait moins réactionnaire que quelqu’un qui viendrait d’un milieu aisé est une absurdité. On peut être pauvre et réactionnaire. Ensuite, j’ai moi aussi écouté Zemmour, et je lis sa profession de foi : « je suis le candidat qui vous garantit que vous paierez moins d’impôts, de taxes et de charges ». Seulement voilà, ces « impôts, taxes et charges » financent les services publics et la protection sociale. Par quel miracle on arrive à baisser les taxes tout en finançant « l’état social » ? Et ne me répondez pas « en supprimant les prestations sociales aux immigrés », vous voyez-bien que les deux sommes ne sont pas du même ordre de grandeur. Autre exemple : « exonérer 95% des français des droits de donation et de succession ». Que pensez-vous de l’effet redistributif de cette mesure ?

          [Zemmour ne touche en rien à l’état social POUR LES FRANCAIS dans son programme.]

          Bien sur que si. On ne peut pas baisser les impôts, les taxes et les cotisations et ne pas toucher à l’Etat social.

          [En économie il n’est pas réactionnaire, plutôt “naïf”, comme CDG (mutatis mutandis), il pense qu’on peut concilier les petits et les grands dans l’entreprise, et, ne croit pas en la lutte des classes. Je suis plutôt du genre matérialiste, comme vous, donc bon, je ne le suivais pas là dessus. Il le croyait lui, le programme s’en reflète (participation des salariés, intéressement, 13ème mois…).]

          Enfin, vous noterez que sa « naïveté » le fait pencher toujours du même côté, celui du patron. Une « naïveté » qui tombe toujours du même côté, moi je trouve ça suspect.

          [Et c’est un empathique, plusieurs fois en réunion il expliquait sa relance industrielle (notamment nucléaire, ce qui ne doit pas vous déplaire), par le besoin de fournir aux gens des classes populaires des métiers dans lesquels ils puissent avoir une progression sociale et pas (je cite) “des boulots de merde dans lesquels on n’évolue pas”.]

          Vous savez, le mot « réactionnaire » n’est pas pour moi synonyme « d’affreux ». Je ne dis pas que Zemmour veuille du mal aux ouvriers. Zemmour a une vision paternaliste des rapports sociaux, où patrons et ouvriers ont au fond les mêmes intérêts et peuvent vivre en harmonie si seulement l’Etat arrête de les taxer. C’est en cela que Zemmour est réactionnaire.

          [Oui, oui et oui… D’autant plus que dans cette thématique, de par son parcours personnel et ses prises de position, il cochait déjà la case pour ceux qui étaient sensibles à ce thème. Il eu fallu arrêter d’en parler dès janvier 2022 pour embrayer sur le social en mode Marine… Là dessus je ne peux que vous suivre mais nous n’avons pas su aller contre cette, disons, préoccupation centrale du candidat. On ne choisit pas son prince.]

          Tout à fait. Zemmour a les défauts de ses qualités : c’est d’abord un écorché vif, qui dit ce qu’il pense. Cela a fait son succès à un moment donné, mais aussi limité son appel. Il est toujours dangereux de donner le pouvoir à des hommes qui se laissent emporter par leurs obsessions. Le cynisme – au bon sens du terme – d’un Churchill ou d’un De Gaulle sont indispensables pour exercer le pouvoir.

          [Autre bêtise selon moi, son discours sur “l’union des droites”, rengaine fatigante et qui sonnait politicarde alors qu’il avait le mérite de ne pas être un politicien. Marine a raison de parler au peuple. On s’en fout de l’union des droites quand on s’adresse aux Français, on doit prendre les voix partout.]

          Tout à fait. Et c’est la même bêtise que font ceux qui à gauche parlent en permanence « d’union », quitte à marier la carpe et le lapin. Ce genre de tambouille tactique n’intéresse que les initiés. Quand vous expliquez à Mme Michu que « on n’est d’accord sur rien, mais on a réussi à trouver un candidat unique », elle en rigole, et elle a bien raison. Mélenchon, qui a tous les défauts de la terre mais qui reste peut-être le meilleur tacticien dans le monde politique d’aujourd’hui, l’avait bien compris.

          [Zemmour a rassemblé des foules comme on n’en voit plus en politique depuis longtemps, il a suscité un engouement rare. On peut difficilement le nier. Candidat “passion”, il n’a laissé personne indifférent, entre amour et haine. En ça, il est un vrai égo-politique, le rapport des militants vis-à-vis de lui n’était pas politique, ça allait au-delà.]

          Tout à fait d’accord. Mais cela ne veut pas dire que les autres « n’ont pas fait véritablement campagne ». Zemmour a su susciter un enthousiasme, peut-être parce qu’il a brisé un certain moule en disant tout haut ce que beaucoup de gens pensaient tout bas mais n’osaient pas dire, politiquement correct oblige. Même s’il perd, je pense que son irruption dans la sphère politique aura un effet positif sur un point essentiel : il aura revalorisé l’idée de débat.

          [« Et puis, l’égo-politique ne remplace pas le travail de terrain pendant des années… » Avec les bons relais, ça se peut, suffit de voir Macron… Zemmour n’a pas les mêmes réseaux.]

          Macron est certes un égo-politique, mais s’il a pu se faire élire c’est parce qu’il a bénéficié de réseaux qui existent depuis des années. Sans le soutien des « barons » socialistes, d’une partie de la droite et du monde des affaires, Macron aurait été se rhabiller. Et encore : il a réussi parce qu’il avait devant lui une génération de larves…

          [D’ailleurs, c’est complètement HS, mais ne trouvez vous pas drôle qu’on parle du “scandale” Mac Kinsey et qu’on omette d’évoquer le très faible patrimoine du Président… Qui peut croire qu’il a 500K€ de patrimoine après avoir été associé-gérant chez Rothschild? Ne me prenez pas pour un complotiste, mais ça me fait bien marrer…]

          Je ne suis pas persuadé qu’il y ait anguille sous roche. Historiquement, personne ne s’est enrichi en étant à l’Elysée. Macron a été à Rotschild – un peu comme Pompidou avant lui – qui lui a donné les moyens de faire de la politique, mais il n’a finalement pas participé à des grosses opérations ou touché des sommes considérables. Par ailleurs, je ne vois pas très bien quel serait son intérêt à cacher une partie de son patrimoine: c’est un jeu très risqué qui peut lui amener d’énormes ennuis pour un gain ridicule…

          • Bruno dit :

             
            [C’est cette violence quotidienne, de faible intensité, qui détruit le lien social. Celle du jeune qui actionne son « ghettoblaster » dans le bus sans que personne ose lui faire une remarque, celle qui oblige des femmes à se voiler en vertu du diktat communautaire, celle qui s’exerce sur l’habitant qui trouve le matin sa voiture brûlée ou dégradée, celle qu’on inflige au citoyen confronté à des services publics réduits à un site internet ou un répondeur téléphonique, obligé de faire trente ou quarante kilomètres pour trouver un médecin, un hôpital, un bureau de poste. Et celle, essentielle, qui s’exerce sur nous tous sous forme d’une incertitude croissante dans nos études, dans notre emploi, dans notre retraite.]
            Zemmour a conscience de ces violences et dans son discours il en parle. Toutefois, il est évident que la mise en exergue permanente de ce que vous appelez « ses obsessions » occulte cette partie de son projet… Plus haut, Vincent évoque certaines marottes du candidat (prénoms, interdiction du voile dans l’espace public…). Son positionnement radical et contre-productif sur ces sujets a inquiété une bonne frange de l’opinion. Son absence de surmoi a effrayé.
            [D’abord, l’idée que parce qu’on vient d’un milieu modeste on serait moins réactionnaire que quelqu’un qui viendrait d’un milieu aisé est une absurdité. On peut être pauvre et réactionnaire.]
            Je me suis mal exprimé. Ce que j’entendais par là c’est que Zemmour a de l’empathie et de l’intérêt pour ces milieux. Contrairement à EM il vient d’un milieu populaire et n’a pas oublié les contraintes matérielles liées à cet environnement.
            [Ensuite, j’ai moi aussi écouté Zemmour, et je lis sa profession de foi : « je suis le candidat qui vous garantit que vous paierez moins d’impôts, de taxes et de charges ». Seulement voilà, ces « impôts, taxes et charges » financent les services publics et la protection sociale. Par quel miracle on arrive à baisser les taxes tout en finançant « l’état social » ? Et ne me répondez pas « en supprimant les prestations sociales aux immigrés », vous voyez-bien que les deux sommes ne sont pas du même ordre de grandeur.]
            Le programme est pourtant chiffré.
            https://programme.zemmour2022.fr/chiffrage
            Je vous charrie, je sais que nous étions « légers » sur ce point. Que vous dire ? Oui, comme tous les autres, on rase un peu gratis… L’influence (néfaste) d’anciens de chez Fillon se fait par ailleurs sentir dans le programme. Nous aussi, comme le PCF, EELV et cie, nous sommes prisonniers de notre sociologie et ne rassemblons pas au-delà.
            [Autre exemple : « exonérer 95% des français des droits de donation et de succession ». Que pensez-vous de l’effet redistributif de cette mesure ?]
            Marqueur de droite bête et classique.
            [Bien sur que si. On ne peut pas baisser les impôts, les taxes et les cotisations et ne pas toucher à l’Etat social.]
            Quoi qu’il en coûte ? Je peux continuer à m’endetter…
            [Enfin, vous noterez que sa « naïveté » le fait pencher toujours du même côté, celui du patron. Une « naïveté » qui tombe toujours du même côté, moi je trouve ça suspect.]
            Vous poussez un peu. Il y a des mesures pour les salariés, comme le remboursement d’une partie des frais d’essence pour ceux qui doivent utiliser leur voiture pour aller au boulot.
            [Tout à fait. Zemmour a les défauts de ses qualités : c’est d’abord un écorché vif, qui dit ce qu’il pense. Cela a fait son succès à un moment donné, mais aussi limité son appel.]
            100% en phase. Cela étant, il a permis de relancer un peu le débat. Sans lui on se serait ennuyé cette année. En un sens, il est « politique », il s’intéresse aux idées et ne veut pas se contenter de débiter des éléments de langage. A côté de Pécresse c’est une bouffée d’oxygène.
            [Mais cela ne veut pas dire que les autres « n’ont pas fait véritablement campagne ».]
            De fait, les médias ont surmédiatisé sa campagne, de même que celle de JLM (dans une certaine mesure). Je me suis fait violence hier et j’ai écouté MLP, son dernier discours à Perpignan. La scénographie est bonne, le discours, simple et efficace. Ok elle ne déroule pas des références historiques, mais elle axe son speech sur le pouvoir d’achat et la fracture social (quasiment rien sur l’islam ou l’immigration ; son électorat sait qu’elle maîtrise ses fondamentaux…). Et quand on voit le public, on sent bien que la sociologie n’est pas la même que celle du Z. Elle joue aussi la carte anti EM, comme Hollande en 2012. C’est assez œcuménique et elle ratisse large. Pas mal. Z a contribué, par effet de miroir, à l’adoucir…
            Le théâtre antifasciste va bientôt reprendre.  Pensez-vous qu’elle a ne serait-ce qu’une petite chance de l’emporter ? Je me doute que vous allez bientôt écrire sur le sujet. Pour tout vous dire, au début je me disais que j’allais voter blanc ou m’abstenir pour ne pas renforcer MLP, qui me semble être une impasse, mais je trouve ça c**. Je ne veux pas que EM refasse 66% ; il risque d’être en roule libre pendant 5 ans.

            • Descartes dit :

              @ Bruno

              [Je me suis mal exprimé. Ce que j’entendais par là c’est que Zemmour a de l’empathie et de l’intérêt pour ces milieux. Contrairement à EM il vient d’un milieu populaire et n’a pas oublié les contraintes matérielles liées à cet environnement.]

              Oui. Malheureusement, il a un peu trop fréquenté les journalistes du « Figaro » ensuite…

              [Je vous charrie, je sais que nous étions « légers » sur ce point. Que vous dire ? Oui, comme tous les autres, on rase un peu gratis… L’influence (néfaste) d’anciens de chez Fillon se fait par ailleurs sentir dans le programme. Nous aussi, comme le PCF, EELV et cie, nous sommes prisonniers de notre sociologie et ne rassemblons pas au-delà.]

              Je sais… mais je me dis que Zemmour aurait pu faire un effort. Mais peut-être que n’étant pas un politicien, il ne s’est pas aperçu de l’effet désastreux de certains positionnements.

              [« Autre exemple : « exonérer 95% des français des droits de donation et de succession ». Que pensez-vous de l’effet redistributif de cette mesure ? » Marqueur de droite bête et classique.]

              Bête, très bête…

              [« Bien sur que si. On ne peut pas baisser les impôts, les taxes et les cotisations et ne pas toucher à l’Etat social. » Quoi qu’il en coûte ? Je peux continuer à m’endetter…]

              Pour aider les patrons, oui. Pour financer l’Etat social, c’est moins évident…

              [« Enfin, vous noterez que sa « naïveté » le fait pencher toujours du même côté, celui du patron. Une « naïveté » qui tombe toujours du même côté, moi je trouve ça suspect. » Vous poussez un peu. Il y a des mesures pour les salariés, comme le remboursement d’une partie des frais d’essence pour ceux qui doivent utiliser leur voiture pour aller au boulot.]

              Attendez… mais qui paye « les mesures pour les salariés » ? Pas les patrons, à qui on a promis la baisse des impôts, taxes et cotisations. Alors qui ? S’il faut financer le remboursement des frais d’essence par une augmentation de la TVA, je vois mal ce que le salarié gagne au change.

              Une véritable « mesure pour les salariés » est une mesure distributive, c’est-à-dire, ou l’on prélève sur les patrons pour donner aux salariés. Prélever sur les salariés pour donner aux salariés, ce n’est pas une « mesure pour les salariés », c’est un tour de passe-passe.

              [100% en phase. Cela étant, il a permis de relancer un peu le débat. Sans lui on se serait ennuyé cette année. En un sens, il est « politique », il s’intéresse aux idées et ne veut pas se contenter de débiter des éléments de langage. A côté de Pécresse c’est une bouffée d’oxygène.]

              Je ne dis pas que son irruption ait été négative. Dans une campagne sans débats, il est l’un des rares à avoir proclamé sa volonté de débattre – et de débattre avec tout le monde. Rien que ça, c’est pour moi positif.

              [Le théâtre antifasciste va bientôt reprendre. Pensez-vous qu’elle a ne serait-ce qu’une petite chance de l’emporter ?]

              Toute petite…

              [Je me doute que vous allez bientôt écrire sur le sujet. Pour tout vous dire, au début je me disais que j’allais voter blanc ou m’abstenir pour ne pas renforcer MLP, qui me semble être une impasse, mais je trouve ça c**.]

              Je le trouve aussi. Je ne sais pas si MLP est une impasse ou pas. De toute façon, cela a peu d’importance. Elle a une chance minime d’être élu, et quand bien même elle le serait elle n’aurait aucune possibilité de gouverner, notre système constitutionnel étant ce qu’il est. Ceci n’est pas l’Allemagne de 1933, et MLP n’est pas Hitler. On agite le spectre de la “dictature fasciste”, mais ce n’est pas sérieux. Dans notre prétendue « monarchie présidentielle », un président qui ne peut compter sur une majorité à l’Assemblée n’a pratiquement aucun pouvoir, si ce n’est celui de choisir son Premier ministre. Par contre, son élection obligerait à sortir du ronron habituel et à se poser un certain nombre de questions. Serait-ce un mal ?

              [Je ne veux pas que EM refasse 66% ; il risque d’être en roule libre pendant 5 ans.]

              De toute façon, il sera en roue libre : plus rien à gagner, plus rien à perdre…

            • Vincent dit :

              [Je ne veux pas que EM refasse 66% ; il risque d’être en roule libre pendant 5 ans.]
              Même si il fait 50.1%, s’il réussit à avoir une majorité parlementaire, ce qui est probable, il sera en roues libres.
              Il nous a bien prévenu, comme il l’avait fait il y a 5 ans: il ne veut pas de front républicain, mais un vote d’adhésion à son programme. Autrement dit avec 50.1% des voix, il va “dérouler” tout sans ne se faire stopper par autre chose que des manifestations violentes qu’il a peur de ne plus contenir.
              Donc oui, je considère que son élection est potentiellement dangereuse.

              Face à cela, MLP, si elle est élue, aura contre elle le Parlement, l’institution judiciaire, les médias, et les grandes puissance financières.
              Autrement les antifas qui craignent le fantasme d’une France qui serait caporalisée aux ordres d’un chef à dérive autoritaire… feraient bien mieux de voter MLP. Ce sera le bronx, le pays sera dur à gouverner, mais il n’y aura pas de risque de dérive autoritaire !

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Même s’il fait 50.1%, s’il réussit à avoir une majorité parlementaire, ce qui est probable, il sera en roue libre.]

              La question de la majorité parlementaire est une page blanche, et bien malin celui qui pourra prévoir le résultat. LR et le PS ont quasiment disparu au niveau national, mais ont encore des ressources très importantes au niveau local. Du côté de LREM, le groupe parlementaire s’est largement fractionné et il y a de grandes chances que chaque groupe, tout en clamant sa fidélité au président, aille sous une bannière séparée. Par ailleurs, le vote RN et LFI est aujourd’hui largement un vote protestataire, ce qui fait qu’il y a une forte perméabilité entre les eux électorats : naguère il aurait été impensable pour un électeur de gauche de voter RN. Aujourd’hui, si l’on croit les sondages, le vote LFI se partage pour le deuxième tour presque à parts égales entre l’abstention, Macron et Le Pen et on peut supposer que du côté du RN c’est pareil. Si l’on ajoute qu’une abstention importante rend les triangulaires pratiquement impossibles (pour se maintenir au deuxième tour, le troisième doit dépasser 12% des inscrits), cela pourrait annoncer une représentation importante des extrêmes à l’Assemblée.

              En fait, ce qui pourrait se profiler c’est une Assemblée morcelée, dans laquelle le gouvernement chercherait des majorités de circonstance en fonction des textes législatifs, un peu comme le fit Rocard en 1988-90. La principale difficulté est que l’exécutif ne peut plus gouverner à coup de 49.3 comme le fit Barre en 1977-81, parce que depuis la réforme constitutionnelle de Sarkozy l’article en question ne peut être utilisé que sur un seul texte par session (hors loi de finances).

              [Face à cela, MLP, si elle est élue, aura contre elle le Parlement, l’institution judiciaire, les médias, et les grandes puissances financières. Autrement les antifas qui craignent le fantasme d’une France qui serait caporalisée aux ordres d’un chef à dérive autoritaire… feraient bien mieux de voter MLP.]

              Tout à fait. Les cris d’orfraie sur le risque de « dictature fasciste » qu’on entend ces jours-ci tiennent du fantasme quand ce n’est pas de la manipulation. Le principal risque en cas d’élection de MLP, c’est le désordre, parce qu’elle aura du mal à constituer une équipe gouvernementale compétente et à remettre la machine de l’Etat en marche. Et le risque n’est pas vraiment avéré, parce qu’une fois MLP élue, on trouvera à mon avis sans problème des personnalités capables pour accepter un ministère, et que la fonction publique obéira comme elle l’a toujours fait. Je pense que vous avez raison : le risque, ce n’est pas tant la dictature que l’anarchie…

    • François dit :

      @Bruno
      [Il prétendait que le spectre était très large et offrait toutes les possibilités politiques. C’est faux. Aucun candidat ne propose la sortie de l’UE et de l’euro, cela même alors qu’un bon tiers des Français n’y serait pas défavorable. Evidemment, mettons tout ça sous le tapis…]
      Le pauvre Asselineau n’a effectivement malheureusement pas réussi à avoir ses 500 parrainages pour les élections présidentielles de 2022.
      Mais pensez-vous que s’il les avait obtenu, qu’il aurait eu les faveurs du bon tiers de Français qui ne seraient pas défavorables à une sortie de l’UE et de l’Euro, surtout quand on connaît son score aux présidentielles de 2017, et ceux de son parti aux élections intermédiaires entre 2017 et 2022 ?

    • Erwan dit :

      @Bruno
       
      [Aucun candidat ne propose la sortie de l’UE et de l’euro]
       
      Il reste tout de même Dupont-Aignan. Certes, plus personne ne voudra voter pour lui maintenant qu’il a rejoint le club des pestiférés, mais je crois que c’est le seul qui parle à peu près clairement de sortie de l’UE (alors même que le nombre d’électeurs pour des candidats souverainistes avait largement augmenté lors des dernières élections présidentielles).

      • Descartes dit :

        @ Erwan

        [Il reste tout de même Dupont-Aignan. Certes, plus personne ne voudra voter pour lui maintenant qu’il a rejoint le club des pestiférés,]

        La galaxie Dupont-Aignan/Philippot/Asselineau s’est totalement disqualifié par ses prises de position pendant la pandémie. On dit que les crises révèlent les hommes, et c’est parfaitement vrai.

        • Bruno dit :

          Pardon mais NDA ne propose plus la sortie de l’euro, c’est d’ailleurs lui qui a foutu le bazar dans la campagne de MLP en 2017 sur ce sujet… Et effectivement, NDA s’est complètement discrédité avec son comportement pendant la crise sanitaire. J’ai entendu qu’il souhaitait nommer le docteur-sorcier-marabout Raoult Ministre de la Santé en cas de victoire… Errare humanum est, perseverare…
          Qu’il parte à la retraite avant de tuer l’idée du souverainisme avec lui.
           

  16. Philippe Hermkens dit :

    Le blogueur classée conservateur et cartésien qui va voter communiste, 100 millions de morts …
    Les deux guerres mondiales résultat du capitalisme, c’est la thèse de Lénine. L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ..
    La deuxième guerre mondiale a été commencée par Hitler, créateur du Parti SOCIALISTE national des Travailleurs allemands explicitement socialiste et anti-capitaliste. Il était, selon ses dires, le fils spirituel de Mussolini, ex-marxiste particulièrement à gauche explicitement anti capitaliste antilibéral et antibourgeois
    La Première Guerre Mondiale est une guerre impérialiste. Les impérialistes sont explicitement antisocialistes, antimarxistes , mais aussi antibourgeois, antilibéraux et voulant mettre un frein à un société beaucoup trop libérale. La guerre est la matrice de toutes les vertus, le commerce, la matrice de tous les vices.
    Ne pas voir que la Révolution industrielle est ce qui a changé fondamentalement et pour le mieux la vie sur terre est parfaitement remarquable
    Et la révolution industrielle , c’est le capitalisme où au début du XIX ème siècle les enfants travaillaient dans la mine au lieu littéralement de mourir de faim pour avoir maintenant un niveau de vie extraordinaire
     

    • Descartes dit :

      @ Philippe Hermkens

      [Le blogueur classée conservateur et cartésien qui va voter communiste, 100 millions de morts …
      Les deux guerres mondiales résultat du capitalisme, c’est la thèse de Lénine.]

      Ce serait très surprenant. Lénine est mort en 1924, quinze ans avant le déclenchement de la deuxième des guerres mondiales. Alors, s’il a attribué « les deux guerres mondiales » au capitalisme, il a fait preuve d’une clairvoyance exceptionnelle. Quiconque connaît un minimum l’histoire de la période sait que Lénine n’a pas pu théoriser sur les « deux guerres mondiales »…

      [La deuxième guerre mondiale a été commencée par Hitler, créateur du Parti SOCIALISTE national des Travailleurs allemands explicitement socialiste et anti-capitaliste.]

      Et alors ? La France n’a pas été moins capitaliste parce que le Parti socialiste est arrivé au pouvoir en 1981. L’Allemagne nazi avait un mode de production capitaliste, et le NSDAP, tout « socialiste » qu’il était, n’a jamais porté atteinte aux intérêts des capitalistes allemands, au contraire. Franchement, si vous voulez croire que l’Allemagne nazi était un régime « socialiste », libre à vous. Mais ne vous étonnez pas si l’on ne vous prend pas au sérieux…

      [Il était, selon ses dires, le fils spirituel de Mussolini, ex-marxiste particulièrement à gauche explicitement anti capitaliste antilibéral et antibourgeois]

      Vous devez être l’un des derniers à croire les discours des politiciens… vous savez, si l’on mettait côté à côté tous les politiques qui se sont prétendus « explicitement » anti capitalistes, antilibéraux et antibourgeois…

      [La Première Guerre Mondiale est une guerre impérialiste. Les impérialistes sont explicitement antisocialistes, antimarxistes , mais aussi antibourgeois, antilibéraux et voulant mettre un frein à un société beaucoup trop libérale. La guerre est la matrice de toutes les vertus, le commerce, la matrice de tous les vices.]

      D’où tirez-vous que les impérialistes seraient « antibourgeois, antilibéraux et voulant mettre un frein à une société trop libérale » ? Diriez-vous que Jules Ferry était « antibourgeois » ? Remarquez, si Lénine a pu écrire sur « les deux guerres mondiales », tout devient possible…

      [Ne pas voir que la Révolution industrielle est ce qui a changé fondamentalement et pour le mieux la vie sur terre est parfaitement remarquable]

      Je ne sais pas à qui vous vous adressez. Parce que ce que vous affirmez ici, vous le trouverez écrit noir sur blanc… dans le « Manifeste du Parti Communiste », commis par un certain Marx et un certain Engels en 1848.

      [Et la révolution industrielle, c’est le capitalisme où au début du XIX ème siècle les enfants travaillaient dans la mine au lieu littéralement de mourir de faim pour avoir maintenant un niveau de vie extraordinaire]

      Selon certains auteurs, il n’était pas indispensable de faire travailler dans les mines les enfants pour faire la révolution industrielle. Il aurait suffi que les maîtres des mines acceptent de gagner un peu moins d’argent.

  17. bernard dit :

    Bonjour 
    Demain beaucoup vont reprendre la chanson ” Et maintenant que vais je faire ”
    Roussel le moins pire mais quand même Européiste et qui vas surement appeler a voter a faire barrage au deuxième tour !! soit barrage au fachos , soit barrage au capitalisme si on a MELENCHON au deuxième tour

  18. Axelzzz dit :

    Bonjour Descartes, J’avoue que je pensais que vos suffrages iraient plutôt du côté de MLP du fait d’anciennes réflexions de votre part quant au changement de ligne d’un parti du fait de sa base militante et du soutien des classes populaires dont bénéficie le RN.
    Je dois reconnaitre que le choix de F. Roussel pour soutenir le fonctionnement du débat au sein d’un parti politique structuré – que je ne connais pas assez pour en attester – semble approprié à notre situation caractérisée par l’indigence des propositions politiques. 
    Pour ma part – ne suivant pas votre anti-européisme fondamental – ce sera Macron. Sans enthousiasme, évidemment. Simplement du fait de votre constat final qu’à regret je partage très largement.
    [ Car cette campagne fut un défilé d’égo-politiques, incapables d’articuler un vrai projet et balançant au petit bonheur la chance des promesses en fonction des sondages et des conseils ds communicants. Au point que Macron – comme l’a dit assez ironiquement Chevènement – est le seul qui apparaisse capable de gouverner…]
    Bon dimanche à vous tous,
    Axelzzz

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [Bonjour Descartes, J’avoue que je pensais que vos suffrages iraient plutôt du côté de MLP du fait d’anciennes réflexions de votre part quant au changement de ligne d’un parti du fait de sa base militante et du soutien des classes populaires dont bénéficie le RN.]

      En 2017, lorsque les « social-souverainistes » avaient la haute main au RN, j’étais effectivement sur cette ligne. Le « recentrage » de l’après campagne sur les valeurs traditionnelles du RN m’avaient détourné de cette tentation.

      [Je dois reconnaitre que le choix de F. Roussel pour soutenir le fonctionnement du débat au sein d’un parti politique structuré – que je ne connais pas assez pour en attester – semble approprié à notre situation caractérisée par l’indigence des propositions politiques.]

      On fait ce qu’on peut. Il y a probablement une bonne part d’idéalisme dans mon choix, mais que voulez-vous, on ne guérit pas de sa jeunesse…

      [Pour ma part – ne suivant pas votre anti-européisme fondamental – ce sera Macron. Sans enthousiasme, évidemment. Simplement du fait de votre constat final qu’à regret je partage très largement.]

      Vous serez horriblement puni pendant cinq ans ! Nous le serons tous, d’ailleurs…

  19. CVT dit :

    @Descartes,
    P’tit Cron cinq points devant Miss Le Pen… A priori, les sondages ne se sont pas trompés.
     
    Pire, je les soupçonne fortement d’avoir faussé la sincérité du scrutin : sinon, comment expliquer les scores respectifs de Pécresse et de Zemmour autrement que par le vote utile instillé par ces mêmes sondages?
     
    Je répète, la France comme nation est morte, et la très probable réélection du président sortant, pourtant d’assez loin le plus corrompu de la Vè République, en atteste. Le plus tragique, c’est que Mélenchon fasse 20% des voix, alors qu’il est le plus francophobe des candidats après Micron. Donc, si on compte bien, en ajoutant ces deux lascars, près de 50% des électeurs approuvent purement et simplement la disparition de l’Etat-Nation France: comme Etat, puisque le président actuel l’a tué, comme le démontre le scandale McKinsey, et comme nation, puisque ce fumier de Mélenchon, et je pèse mes mots parce qu’il s’est compromis avec les apologistes des assassins de Charlie Hebdo, appelle ni plus ni moins à son remplacement par des Africains!
     
    Désolé, mais j’ai honte d’être Français, ce soir… Et c’est la deuxième fois en moins d’un an. Soit ces gens-là sont Français, alors je ne le peux pas l’être avec eux, ou ils ne sont pas, mais je n’ai rien à faire avec ces gens-là…
    Je ne fais guère d’illusions sur un improbable succès de Miss Le Pen, elle n’a pas la capacité de susciter un élan qui puisse créer les conditions d’un référendum anti ou pro Emmanuel MacKinsey. Je maudis le manque de courage de mes “compatriotes” (j’ai failli écrire “ex-“), parce que j’ai une dette envers ce pays, mais j’ai la vague sensation que je ne pourrais pas la rembourser, étant donné qu’il a trépassé entretemps…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Pire, je les soupçonne fortement d’avoir faussé la sincérité du scrutin : sinon, comment expliquer les scores respectifs de Pécresse et de Zemmour autrement que par le vote utile instillé par ces mêmes sondages ?]

      Pas besoin de sondages pour expliquer le phénomène. Je vous l’avais d’ailleurs prédit dans ces mêmes colonnes : il en va toujours ainsi des candidatures « atypiques ». Les Français les adorent trois mois avant le scrutin, mais plus la date de l’élection approche, et plus le portefeuille parle fort par rapport au cœur. Chevènement avait été victime du même phénomène en 2002 : donné à 12% trois mois avant le vote, il fera finalement un peu plus de 5%.

      [Je répète, la France comme nation est morte, et la très probable réélection du président sortant, pourtant d’assez loin le plus corrompu de la Vè République, en atteste.]

      Je ne peux que vous répondre avec le discours que Sacha Guitry met dans la bouche de l’un de ses personnages (je cite de mémoire) en se référant à la France : « est si vous la voyez abaissée, vaincue, piétinée, ne vous en faites pas : elle se relève toujours ». Nous avons eu dans notre longue histoire des époques bien plus noires. J’ai trop confiance dans mon pays et son peuple pour adopter une position aussi défaitiste que la vôtre.

      [Le plus tragique, c’est que Mélenchon fasse 20% des voix, alors qu’il est le plus francophobe des candidats après Micron. Donc, si on compte bien, en ajoutant ces deux lascars, près de 50% des électeurs approuvent purement et simplement la disparition de l’Etat-Nation France:]

      Vous exagérez. Je ne pense pas que ceux qui ont voté Mélenchon l’aient fait pour cette raison, ou qu’ils partagent ses positions sur cette question précise. Beaucoup d’électeurs ont voté Mélenchon parce qu’ils voient en lui – à tort à mon avis, mais c’est une autre affaire – un candidat « anti-système » et par la grâce du « vote utile » une possibilité de mettre un candidat « de gauche » au deuxième tour. Paradoxalement, il en est de l’Etat-nation un peu comme de l’écologie : grâce au Covid et à la guerre en Ukraine, il se retrouve maintenant dans presque tous les programmes…

      [comme Etat, puisque le président actuel l’a tué, comme le démontre le scandale McKinsey,]

      Non. Le « scandale McKinsey » est la conclusion logique de trente ans de politiques libérales. Macron ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Il est tout au plus le dernier maillon d’une longue chaîne.

  20. CVT dit :

    @Descartes,
    au fait, félicitation pour le score de votre candidat, Georges Marchais aurait été ravi: les communistes ont enfin réussi à plumer la volaille socialiste😬😈…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [au fait, félicitation pour le score de votre candidat, Georges Marchais aurait été ravi: les communistes ont enfin réussi à plumer la volaille socialiste]

      Ce n’est pas gentil de tirer sur les ambulances, et encore moins de le faire sur les corbillards… Quant au score des socialistes, c’est une maigre consolation. Comme dit le dicton, “les maux partagés, c’est la consolation des imbéciles”.

  21. cherrytree dit :

    Dans le bouillon des commentaires post résultats du premier tour, je retiens deux choses. JL Mélenchon qui répète en mantra “pas une voix pour le Pen”. Personne ne relève le sous-entendu”pas une voix pour Macron”. Et ce héraut courageux botte en touche en attendant la consultation de la base avant d’appeler à quoi que ce soit. Ainsi si son électorat se prononce contre un soutien à Macron, ce n’est pas lui qui aura tort. Et, fort de son score, si dans 4 ans les choses tournent mal, il pourra toujours se représenter sur le mode vieux sage.
    Ensuite, entre les mea culpa un brin étranglés et l’agitation de l’épouvantail RN ( au fait, ça fait quatre fois qu’on nous fait le coup et la ficelle est à présent un peu usée), je n’ai entendu qu’une voix sans concession, c’est celle de Rachida Dati. C’est d’ailleurs la seule à mon sens qui peut tenir le coup dans un débat. C’est d’ailleurs quelqu’un qui n’a jamais lâché grand chose, y compris pendant son passage au ministère de la Justice. Et qui, élue, et avec son parcours, est une femme de terrain.
    Une troisième chose, oh, avez-vous remarqué ? Depuis trois jours ce doit être le retour de la paix en Ukraine, car on n’entend plus parler de rien. Je présume qu’on ressortira l’épouvantail Poutine et le risque de pénuries et autres inflations dans quelques jours? Je pense que d’une part l’un reprochera à l’autre d’avoir été bien favorable à Poutine et pro russe, ce à quoi l’autre rétorquera que ce n’est pas elle qui a invité Poutine à Brégancon et est à tu et toi avec Vladimir. L’un dira que face aux difficultés qui nous attendent il faudra une gestion rigoureuse, ce à quoi l’autre répondra qu’on ne peut plus demander de sacrifices et d’économies aux classes modestes. Si d’aventure Marine le Pen arrive au pouvoir, Mélenchon n’aura qu’à dire qu’il l’avait bien dit, et se posera comme recours, en attendant la prochaine. Ce qui me rappelle la marionnette de Chirac dans les Guignols de l’info : “P…n, encore cinq ans!!!”.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Dans le bouillon des commentaires post résultats du premier tour, je retiens deux choses. JL Mélenchon qui répète en mantra “pas une voix pour le Pen”. Personne ne relève le sous-entendu ”pas une voix pour Macron”.]

      Qu’est-ce qui vous fait penser qu’il y a là un « sous-entendu » ? Non, avec son « pas une voix pour Le Pen », Mélenchon laisse à ses électeurs – du moins s’ils veulent bien suivre ses consignes – le choix entre le vote Macron ou l’abstention. C’est une solution élégante, qui lui évite l’accusation de ne pas avoir fait barrage à Le Pen sans pour autant prendre position pour Macron.

      [Et ce héraut courageux botte en touche en attendant la consultation de la base avant d’appeler à quoi que ce soit. Ainsi si son électorat se prononce contre un soutien à Macron, ce n’est pas lui qui aura tort.]

      Bien entendu. Cette « consultation » n’a ni queue ni tête : de toute façon l’électeur est libre et il votera ce qu’il voudra. En quoi le fait de savoir qu’une majorité d’insoumis préfère voter pour Macron – ou pour Le Pen, ou s’abstenir – changera sa position ? Sauf à imaginer un instinct grégaire fort chez les électeurs insoumis, c’est un pur coup de communication.

      Qu’un dirigeant appelle à voter pour untel ou untel cela a un effet : ceux qui ont confiance en lui se diront « c’est quelqu’un d’intelligent, il s’y connaît en politique, il a des informations que nous n’avons pas, s’il appelle à voter pour untel, il a certainement de bonnes raisons pour le faire ». Mais savoir qu’une majorité des militants préfère untel ou untel, cela n’a aucun effet.

  22. Paul dit :

    Après le “vote barrage” du second tour, voici le “vote utile” du premier tour.
    J’ai moi aussi voté Roussel, été délégué dans un bureau de vote, et j’espérais bien que Roussel fasse au moins 5% pour le remboursement des frais, mais surtout pour preuve d’une existence effective. Mais j’ai vu bien de mes camarades embarrassés: “ce sont des voix qui ont manqué à la gauche pour être au second tour”.
    Je réfute cette culpabilisation que j’ai déjà vécue en 2002 en militant pour Chevènement. Je trouve aberrante l’idée d’une gauche allant de Poutou à Hidalgo. Je connais la tactique de Melenchon de prétendre imposer des ralliements sans conditions, sans compromis possible, à son pananche. J’assume de participer à en finir avec ces illusions.  
    En tout cas, je refuse le vote utile comme je refuse le vote barrage, et en ce sens, il ma semble que je respecte le vote des électeurs.

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [J’ai moi aussi voté Roussel, été délégué dans un bureau de vote, et j’espérais bien que Roussel fasse au moins 5% pour le remboursement des frais, mais surtout pour preuve d’une existence effective. Mais j’ai vu bien de mes camarades embarrassés: “ce sont des voix qui ont manqué à la gauche pour être au second tour”.]

      « La gauche » ? C’est quoi « la gauche » ? Franchement, il y a pas mal de gens « de gauche » que je n’ai aucune envie de voir au deuxième tour.

      Comme vous, je refuse la culpabilisation. Si un candidat veut mon vote, il n’a qu’à bosser pour le gagner. Si Mélenchon veut mon vote, alors il n’a qu’à proposer des choses qui me donnent envie de voter pour lui. L’idée qu’il peut proposer ce qu’il veut LUI, et que j’aurais MOI le devoir de le voter – même si ses propositions ne me conviennent pas – au motif qu’il est « de gauche » est absurde. Mélenchon est antinucléaire ? C’est son droit. Mais alors, il lui faudra se contenter des voix des antinucléaires. Je ne vois pas pourquoi je voterais pour un candidat qui, sur un point que je juge fondamental, propose une politique que je juge néfaste au prétexte qu’il faudrait porter « la gauche » au deuxième tour.

      [Je connais la tactique de Mélenchon de prétendre imposer des ralliements sans conditions, sans compromis possible, à son panache. J’assume de participer à en finir avec ces illusions.]

      Curieusement, tout le monde connaît la formule de De Gaulle (« l’élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et un peuple ») mais peu l’ont comprise. L’homme en question n’est pas un monarque. Il a des convictions, certes, mais il doit aussi tenir compte des messages qui lui viennent du peuple. Mélenchon s’imagine qu’il peut avoir les voix des autres sans les écouter, sans intégrer dans son projet ce qui est important pour eux. Que cela plaise ou non à Mélenchon, les communistes sont universalistes, productivistes et pro-nucléaires. S’il est impossible pour lui d’intégrer ces éléments dans son projet, alors il lui faut se passer des voix communistes.

      Le problème de Mélenchon, c’est le sectarisme. Le sien bien sûr, mais aussi celui de ses troupes. Parce que si demain le gourou s’avisait par exemple à accepter d’inclure dans son programme ce qui pourrait attirer les communistes, il y a fort à parier qu’une partie de ses propres militants, de ses propres électeurs, verrait cela comme une trahison. Par certains côtés, Mélenchon est obligé par ses propres troupes à imposer à ses partenaires une logique de ralliement qui les amène les uns après les autres à s’éloigner de lui. Il ne lui aura pas manqué grande chose pour être au deuxième tour, le vote utile aidant. Mais ce « pas grande chose » aurait exigé de lui – et de ses supporters – des concessions qu’ils jugeaient inacceptables.

  23. dsk dit :

    @ Descartes
     
    Je soulève là une question qui vous paraîtra peut-être un peu futile, et je m’en excuse, mais je n’arrive pas à comprendre où sont passées exactement les voix que les sondages d’avant le premier tour prédisaient à Zemmour et Pécresse. Le premier, en effet, si je fais la moyenne grossière des six derniers sondages, fait 1,5% de moins, et la seconde 3,5% de moins. Or, Macron, lui, ne fait que 2% de plus et MLP 0% de plus, ce qui donne une “évaporation” de leurs voix de 3%. Ne me dîtes pas qu’elles seraient allées vers Mélenchon qui lui, réalise près de 5% de plus, étant donné que les voix des autres candidats de gauche demeurent quant à elles conformes aux prédictions !… A moins que tout ceci ne s’explique par une abstention finalement assez importante des électeurs de Le Pen, tout juste compensée par l’apport des voix manquantes de Zemmour et Pécresse, tandis que Mélenchon, lui, aurait bénéficié d’une très forte mobilisation de son électorat potentiel ? Voici, en tout cas, qui ne me semblerait pas de très bon augure pour MLP, en ce qu’une fois de plus, elle serait en fait surévaluée par les sondages… 
    Excusez-moi encore.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Voici, en tout cas, qui ne me semblerait pas de très bon augure pour MLP, en ce qu’une fois de plus, elle serait en fait surévaluée par les sondages…]

      Je pense que cette incohérence apparente tient en fait au comportement des sondés. En effet, il y a ce que les gens votent, et ce que les gens disent qu’ils votent. Pour une foule de raisons, les gens ne disent pas la vérité lorsqu’ils sont sondés. Ainsi, par exemple, un électeur de Zemmour pourra prétendre voter Macron ou même Mélenchon. Les sondeurs corrigent donc les résultats bruts en fonction de l’expérience des élections précédentes… mais pour les candidats atypiques, cela peut donner des écarts importants puisqu’il n’y a pas de référence fiable. Je pense que les sondeurs ont sur-corrigé Zemmour, d’où l’écart relativement important.

  24. marc.malesherbes dit :

     @ Descartes

    à propos du résultat de JL Mélenchon

    JL Mélenchon a fait un résultat remarquable, même supérieur à celui de 2017. Au démarrage de la campagne, aux environ de septembre 2021, peu imaginaient un tel résultat, en tout cas pas moi.
    Il me semble que même Descartes ne l’imaginait pas non plus (il faudrait que je remonte ses billets et commentaires pur en être sûr). Si c’est bien le cas, comment explique-t-il cette erreur de diagnostic ? Car il faut toujours tirer des enseignements de ses erreurs.

    En ce qui me concerne j’en tire l’enseignement que la “gauche” telle que représentée par JLM est devenue de plus en plus “muliti-culturaliste” “islamo-gauchiste” “woke” “anti-nationale-européiste” “poutinophile” mais aussi “écolo-bobo” (anti-nucléaire). C’est la gauche d’aujourd’hui car elle a toujours pour axe la défense des défavorisés (au moins dans son discours).

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [JL Mélenchon a fait un résultat remarquable, même supérieur à celui de 2017.]

      Oui, remarquable à plusieurs titres. D’abord, en faisant 22%, il améliore son score de 2,4% par rapport à 2017. Mais il faut raison garder : en 2017, la gauche non-macroniste faisait 27,7%. En 2022, elle fait 31,9 %. Cela fait donc 4,2% de plus à distribuer entre les différents candidats. La gauche social-démocrate conserve à peu près son audience (l’addition des scores des écologistes et du PS en 2022 fait 6,4%, alors qu’en 2017 ils sont allés combinés et fait 6,6%). La candidature Roussel a rassemblé 2,3%…

      [Au démarrage de la campagne, aux environ de septembre 2021, peu imaginaient un tel résultat, en tout cas pas moi. Il me semble que même Descartes ne l’imaginait pas non plus (il faudrait que je remonte ses billets et commentaires pur en être sûr). Si c’est bien le cas, comment explique-t-il cette erreur de diagnostic ? Car il faut toujours tirer des enseignements de ses erreurs.]

      Je me souviens d’avoir pensé que Mélenchon n’arriverait pas à rééditer le coup de 2017 lorsqu’il a lancé sa campagne. Mais en septembre 2021, on voyait déjà que la candidature Hidalgo n’allait pas décoller, et les écologistes étaient en difficulté. Je pense que l’erreur de beaucoup d’analystes se trouve là : après les résultats très honorables aux élections locales, tout le monde pensait que le PS allait reprendre le poil de la bête, et que les écologistes étaient partis pour casser la baraque.

      [En ce qui me concerne j’en tire l’enseignement que la “gauche” telle que représentée par JLM est devenue de plus en plus “muliti-culturaliste” “islamo-gauchiste” “woke” “anti-nationale-européiste” “poutinophile” mais aussi “écolo-bobo” (anti-nucléaire).]

      Je ne sais pas ce que vous appelez « la gauche ». Personnellement, j’aurais tendance à voir la constance des « deux gauches » qui ont toujours composé la gauche non-communiste (euphémisme pour parler de la gauche anticommuniste). D’un côté, une « gauche de gouvernement » social-libérale qui aspirait d’abord à gouverner le capitalisme, de l’autre une gauche idéaliste et « antisystème » qui aspirait à « changer la vie ». Mitterrand avait réussi – c’était un tour de force – à réunir les deux gauches dans le même parti. Aujourd’hui, le leader de la gauche sociale-libérale, c’est Macron, celui de la gauche idéaliste c’est Mélenchon. Dans les années 1990, ils auraient pu défendre à la même tribune le traité de Maastricht…

      [C’est la gauche d’aujourd’hui car elle a toujours pour axe la défense des défavorisés (au moins dans son discours).]

      Si de discours s’agit, alors Marine Le Pen est au moins autant dans la défense des défavorisés que Mélenchon. Et s’il s’agit d’actes…

  25. cherrytree dit :

    Dans l’ineffable film O’Brothers, il y a un moment particulièrement cocasse ou les politicards cauteleux, véreux, rondouillards engraissés, vont à Canossa à la recherche de voix pour les élections, et se trémoussent d’une manière quasi indécente sur un rythme de musique country, pour glaner quelques votes.
    Dans mon pays d’Oc, on appelle cela le “tòca maneta”, la pratique d’aller serrer la main aux électeurs sur la place du marché quelques jours avant le scrutin.
    Eh bien c’est exactement ce que nous avons pu voir avec Macron. D’abord au soir du premier tour, cette façon de remercier ses concurrents, y compris Mélenchon (un appel du pied en direct, l’autre a dû boire du petit-lait…). Ensuite, pendant une demi-journée, ce direct depuis Denain, dûment escorté par les élus locaux, y compris la maire socialiste, si après ça on n’a pas compris l’appel au front anti RN… Et à la faveur des micros et caméras de BFMW, rien ne nous a échappé des dialogues parfois surréalistes, ni des catalogues de bonnes intentions. “Vous laisserez vos coordonnées” “On va voir ce qu’on peut faire pour vous” ..” oui, mais nous avons fait ceci, ou cela”… Pour être proche du Peuple ? Non. Le Peuple est citoyen. La ce n’était pas le Peuple, mais la foule des petites gens , vous savez, ceux qui ne sont rien. Un chômeur, un apprenti en mal d’apprentissage, une veuve, des retraités, une groupie. Au bout d’un moment, j’ai éteint la TV, excédée par ce paternalisme d’un autre siècle. On aurait dit qu’il allait toucher les écrouelles et bénir les nourrissons! Et à propos de toucher, nous avons un Président fort tactile, et ne rechignant pas aux selfies. Comment peut-on croire un seul instant que cet homme qui a constamment refusé débats et confrontations tout le temps d’une campagne électorale pendant laquelle il a dû bénir Poutine pour la diversion, que ce Président candidat, au terme de cinq ans de mandat, affiche un bilan si pauvre en termes de réformes, lui qui avait vendu à tous son nouveau monde? Le soir il remit cela , sous forme d’interview, pour dire tout ce qu’il avait l’intention de faire pour améliorer notre quotidien. Sauf que, et sauf erreur, il a contribué à mettre les gilets jaunes dans la rue, sans autre solution que le pourrissement de la situation et sauvé quand même par la pandémie . De ce direct, j’ai pu apprécier le ridicule de la situation, quand il lui fut reproché d’avoir voulu”emm…” les non vaccinés (mais qui a horripilé tout le monde). Au lieu de s’excuser pour la formule maladroite, prétendre que c’était par tendresse…Hors-sol, jusqu’au bout. Mais tout ceci, billevesées, et passe encore. Mais, à  12 jours du second tour, amorcer une reculade d’UN an sur l’âge du départ à la retraite, réforme majeure du quinquennat, de qui se moque-t-on? Et envisager un référendum pour ça? Comment pense-t-il inspirer la moindre confiance ? Ça sent l’inpréparation, la fuite en avant, ou l’indécision. Le Pen va n’en faire qu’une bouchée des que la question sera abordée.
    Le pis dans l’affaire, c’est de voir Mélenchon envisager, lui, un gouvernement de cohabitation (??!!!) avant même les législatives, ce qui aura pour effet, au mieux, de faire reculer une partie de l’électorat de droite, en dépit de l’appel de cette pauvre Pécresse, et de faire reculer une partie de l’électorat de gauche :les communistes qui ont voté Roussel , comme moi, ne pousseront pas la fidélité de parti jusqu’à voter Macron, pour ma part ce sera non.
    Et puis, force est de constater que Marine le Pen n’a modifié en rien de son programme, qu’elle se paie le luxe de refuser le soutien de Zemmour (pas si folle…) qu’elle ne parle plus de quitter l’UE, qu’elle ne va pas à la rencontre des gens quelques jours avant le vote, qu’elle a toujours évité les formules blessantes envers les petites gens (pourvu qu’ils ne soient pas immigrés, mais bon, le petit prolétariat qui peine à boucler son mois ne lui en tiendra pas rigueur), et enfin, force est de constater que plus personne n’hésite, devant une caméra, à déclarer qu’il votera pour elle.
    Il est à craindre que les petites phrases suffisantes de Macron ne soient, plus que ses erreurs et surtout de son incompétence, ce que cette majorité de Français “qui ne sont rien”, qui n’ont qu’à “traverser la rue” pour trouver un emploi correctement rémunéré, qui n’ont qu’à “faire des économies d’énergie” face à la hausse du coût de celle-ci, que ces petites phrases donc, ne soient ce qu’ils auront retenu, et qui résument pour eux ce quinquennat.
    Et si par hasard Macron est réélu, il devra composer avec les législatives ou personne ne fera de cadeau à qui que ce soit.  
     

  26. Gugus69 dit :

    En fait, Macron a gagné beaucoup à droite en bouffant Pecresse, et perdu un peu sur sa gauche au profit de Mélenchon.
    Fillon à 20% en 2017, Pecresse à 7% en 2022 ;
    Le Pen à 20% en 2017, Le Pen/Zemmour à 30% en 2022 :
    C’est surtout l’électorat “de droite” qui a bougé pendant ce quinquennat, je trouve. Pour une part en ralliant le bloc bourgeois euro-mondialisé autour de Macron, qui était l’aboutissement de la mue des socialistes durant le quinquennat Hollande, pour une autre part en se radicalisant dans un pôle de droite assumée autour du RN et de Zemmour, mais aussi Ciotti et d’autres LR…
    Je me pose beaucoup de questions sur les législatives à venir !

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Je me pose beaucoup de questions sur les législatives à venir !]

      Et vous n’êtes pas le seul! Je pense d’ailleurs qu’il y aura une véritable difficulté pour trouver de bons candidats.

  27. cherrytree dit :

    Si tant est que l’on puisse se fier aux sondages, le dernier concernant les intentions de vote de la FI, le semblent pas trop faux. Après tout, comme dans le pastis de César ( ô Pagnol), dans le vote LFI, il y a un tiers de convaincus, un tiers de naïfs nouveaux venus, et DEUX TIERS DE PÔVRES DÉÇUS. Et ne venez pas me dire que je fais comme Mélenchon, que je me moque de l’accent du Sud. La journaliste dont Mélenchon s’est moqué de l’accent, c’est une excellente copine des classes du lycée .
    Donc, un pastis à la Pagnol . Eh ben, ave ou sans l’accént, voici ce qui peut bêtement faire pencher le fléau de la balance. Chez moi, dans les départements de la grande région Occitanie, et singulièrement en l’ex Midi Pyrénées, Lassalle a fait un bon score.  Pas pour son intelligence (j’ai salue son courage de  gréviste de la faim, pour le reste, bon ..). N’empêche. Ces petites voix n’iront pas forcément vers Macron, et au point où nous sommes rendus, chaque petite voix va compter. Et vous croyez que les gagne -petitqui n’étaient pas racistes, mais immigrés intégrés comme on dit, ne vont pas se retrourner contre Macron qui présage un hiver de sacrifice et d’économie de chauffage ?

  28. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    Je sais que vous n’aimez pas la Schadenfreude, mais permettez mois de vous partager ma réjouissance de voir votre candidat finir devant celui du PS.
    Même si ce qui leur arrive est amplement mérité, je ne peux m’empêcher d’être consterné de voir que les deux partis qui pendant quarante ans ont dirigé le pays, et qui il y a dix ans encore constituaient l’horizon bipartite indépassable de la vie politique française, finir à eux deux à moins de 7%.
    Ce qui est inquiétant en plus, c’est de voir qu’ils n’y a plus que la vieille garde de la politique qui participe aux plateaux télés des soirées électorales, la jeune garde se faisant attendre, ce qui est un indice selon moi de la baisse de la qualité du personnel politique.
     
    Concernant les d’ores et déjà 40% de boomers qui ont voté Macron à ces élections, je n’ai qu’une chose à leur souhaiter : qu’ils finissent dans un EHPAD Orpea. Parmi tant d’autres choses, j’ai particulièrement en travers de la gorge qu’ils aient voté pour un candidat qui propose le relèvement de l’âge de la retraite à soixante-cinq ans, alors qu’ils ont bénéficié du rabaissement à soixante ans, et ce même si personnellement je pense que ça soit effectivement inéluctable. « Après moi, le déluge », peut on dire de leur cas.
    Je sais que vous aimez bien réciter la fable de l’enfant qui répond sèchement à son père qui s’apprête à mettre le grand-père à la porte, mais cette histoire souffre selon moi d’une faiblesse, celle de savoir si le grand-père mérite ou non la solidarité générationnelle.
    Ceci-dit, je reste parfaitement conscient que la « génération Y » à laquelle j’appartiens ne vaut pas mieux que celle du baby-boom, la dernière a mes yeux méritant encore le respect étant celle de ceux nés avant la Seconde Guerre mondiale.
     
    Quant au score de Jean-Luc Mélenchon, surtout dans certaines communes, il est révélateur du grand-remplacement en cours qui se traduit électoralement. Je crains que 2022 soit la dernière élection à laquelle un candidat nationaliste puisse gagner, car après les allogènes seront en position de faiseur de roi, ce qui explique la consigne du Gourou à ne pas voter pour Marine Le Pen.
     
    Concernant le camp nationaliste, malgré mon vote et mon investissement en faveur d’Éric Zemmour, j’accepte son score de 7%. Ça n’est pas avec du vinaigre qu’on attrape les mouches et il est évident qu’avec son programme libéral sur le plan socio-économique, qu’il n’allait pas séduire les masses, même si paradoxalement, c’est chez les ouvriers qu’il ferait son meilleur score (9%) selon une enquête IPSOS. La conclusion à en tirer, c’est que le bourgeois libéral-conservateur est une espèce en voie de disparition.
    Ceci-dit, malgré même si son libéralisme n’était pas non plus ma tasse de thé, je ne regrette pas de l’avoir soutenu. Je considère que Marine Le Pen s’est beaucoup trop adoucie sur les questions identitaires et il était important qu’elles ne soient pas absentes de cette campagne, même si je vais voter en grande partie par adhésion à elle au second tour.
     
    Ainsi, je considère que les problématiques identitaires priment sur toute autre considération politique. Les programmes se font et se défont. Un peuple une fois qu’il est défait, il est impossible de le refaire, sauf à employer des mesures extrêmement liberticides.
    Bref, je suis extrêmement sombre quant à l’avenir de la France. À un commentateur qui expliquait son pessimisme, vous répondiez que vous avez trop confiance dans la France et son peuple. Encore faudrait-il qu’il y ait encore UN peuple, et même en faisant abstraction des allogènes, je doute fort qu’il soit encore du niveau qu’il pouvait être il y a cinquante ans.
    Je vois mal d’autre avenir pour la France dans le meilleur des cas qu’une transformation en Afrique du Sud et dans le pire en Liban. Dommage que les soixante-huitards qui souhaitaient de tous leurs vœux une France multiculturelle ne seront plus là quand leur rêve se sera définitivement réalisé.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je sais que vous n’aimez pas la Schadenfreude, mais permettez mois de vous partager ma réjouissance de voir votre candidat finir devant celui du PS.]

      Qui vous a dit que je n’aime pas ? Je trouve que ce n’est pas un sentiment très positif ou constructif, mais de temps en temps je m’y livre moi-même : ça remonte le moral et ça fait un bien fou aux articulations ! Par exemple, ici, voir Hidalgo et Jadot mordre la poussière et les hiérarques socialistes (ou du moins ceux qui ne sont pas allés à la soupe chez Macron) tirer des gueules d’enterrement est une volupté de fin gourmet.

      [Même si ce qui leur arrive est amplement mérité, je ne peux m’empêcher d’être consterné de voir que les deux partis qui pendant quarante ans ont dirigé le pays, et qui il y a dix ans encore constituaient l’horizon bipartite indépassable de la vie politique française, finir à eux deux à moins de 7%.]

      Pourquoi êtes-vous « consterné » ? Qu’est-ce que ça change, au fond ? Cela fait trente ans que ces partis se chamaillaient pour des détails mais coïncidaient sur l’essentiel, qu’ils alternaient au pouvoir pour faire les mêmes politiques tout simplement parce qu’ils représentent la même classe sociale. Quand Jospin a enclenché l’ouverture du marché de l’électricité et le démantèlement d’EDF, il ne s’est pas trouvé beaucoup de voix à l’UMP pour protester. Quand Sarkozy a soumis le traité de Lisbonne au vote du Congrès, il s’est trouvé des pontes socialistes pour voter le texte et donner ainsi une majorité pour la ratification, et ces pontes n’ont pas été sanctionnés, au contraire.

      Cela fait trente ans que ces partis se sont réduits progressivement à des écuries électorales, que le débat politique de fond s’éteint doucement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les débats politiques dans cette campagne sont réduits à la portion congrue : mettez deux politiciens issus des « partis de gouvernement » face à face, et comme ils sont d’accord sur l’essentiel ils n’arriveront à se différentier que sur la couleur de la moquette. Qu’est-ce que Hidalgo et Pécresse ont à dire de très différent l’une de l’autre sur l’Europe, sur l’organisation de l’Etat, sur la politique industrielle, sur le nucléaire, sur la politique de défense ?

      Et un jour, arrive un Macron qui dit « pourquoi nous chamailler, pourquoi alterner au pouvoir tous les cinq ans alors que nous pouvons gouverner ensemble tout le temps » ? Et ça a marché : barons socialistes et barons LR se sont pressés chez LREM qui, contrairement à l’alternance à l’ancienne, offre une certaine sécurité de l’emploi. Mais il n’y a pas de quoi être « consterné » : au fond, cela ne change absolument rien. Au lieu et place de deux écuries qui alternent pour faire la même politique, on aura une seule qui assurera cette continuité.

      [Je sais que vous aimez bien réciter la fable de l’enfant qui répond sèchement à son père qui s’apprête à mettre le grand-père à la porte, mais cette histoire souffre selon moi d’une faiblesse, celle de savoir si le grand-père mérite ou non la solidarité générationnelle.]

      Le principe de la solidarité intergénérationnelle – comme celle de la solidarité nationale d’ailleurs – est l’INCONDITIONNALITE. Dès lors que vous commencez à mettre des conditions pour « mériter » la solidarité en question, vous détruisez ce qui fait la force même de la famille ou de la nation, le fait que ses membres ne peuvent pas se choisir.

      [Ceci-dit, je reste parfaitement conscient que la « génération Y » à laquelle j’appartiens ne vaut pas mieux que celle du baby-boom, la dernière a mes yeux méritant encore le respect étant celle de ceux nés avant la Seconde Guerre mondiale.]

      Je n’aime pas trop l’utilisation en politique du concept de « génération ». C’est une idée introduite par les publicitaires à l’époque de Mitterrand, mais qui a mon avis est plus réductrice qu’autre chose. Il y a derrière cette idée une fiction d’homogénéité, fondée sur l’idée d’une « expérience commune » à chaque classe d’âge. Mais est-ce vrai ? Qu’est-ce qu’il y a de commun entre l’expérience d’un fils à papa né dans un milieu privilégié et à qui les réseaux paternels assurent une vie confortable quelque soient ses mérites, l’enfant issu d’un milieu ouvrier qui s’est hissé jusqu’au sommet de l’Etat grâce aux écoles de la République, et un militant syndical ayant vécu toute sa vie en usine, même s’ils sont tous nés la même année ?

      L’idée politique de « génération » est une variation supplémentaire de la vision communautariste. Là où d’autres invoquent des communautés fondées sur le sexe (pardon, le « genre ») ou la préférence sexuelle ou l’ethnie, ceux qui parlent de « génération » évoquent une communauté fondée sur l’âge. Comme si le fait d’avoir le même âge impliquait d’avoir les mêmes intérêts. Tout ce charabia sert en fait à occulter la division FONDAMENTALE dans nos sociétés, qui est celle de classe. Le retraité de Passy et celui d’Aubervilliers n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts. Proposez de financer l’équilibre du régime de retraite par un impôt sur le patrimoine, et vous verrez…

      [Quant au score de Jean-Luc Mélenchon, surtout dans certaines communes, il est révélateur du grand-remplacement en cours qui se traduit électoralement. Je crains que 2022 soit la dernière élection à laquelle un candidat nationaliste puisse gagner, car après les allogènes seront en position de faiseur de roi, ce qui explique la consigne du Gourou à ne pas voter pour Marine Le Pen.]

      Je pense que vous vous faites peur ici. Les « allogènes », comme vous dites, votent peu. Et ceux qui votent sont en général les couches les plus assimilées. Or l’expérience a largement montré que si les jeunes assimilés votent à gauche, au fur et à mesure qu’ils grandissent ils votent comme l’ensemble des français, en fonction de leurs intérêts, et non de leur origine. Que le discours violent de Zemmour ait provoqué une réaction est assez logique, mais de là à voir un effet de long terme…

      [La conclusion à en tirer, c’est que le bourgeois libéral-conservateur est une espèce en voie de disparition.]

      Vous devriez relire Marx : « La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. (…) La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. » (« Manifeste du Parti Communiste », 1848). Le « bourgeois conservateur » est un objet contradictoire, une survivance d’une époque passée condamnée à la disparition.

      [Ainsi, je considère que les problématiques identitaires priment sur toute autre considération politique. Les programmes se font et se défont. Un peuple une fois qu’il est défait, il est impossible de le refaire, sauf à employer des mesures extrêmement liberticides.]

      Ce que je critique dans cette conception, c’est l’idée qu’on pourrait prendre « l’identité » comme une essence autonome, indépendante des autres problématiques. Pour moi, l’identité est une construction, et non une essence. On ne peut séparer la « problématique identitaire » des problématiques économiques, sociales, institutionnelles, éducatives, etc. Quand Louis XIV complète la réorganisation de l’Etat autour d’un modèle centralisé et remet au pas les « barons », il fabrique une identité. Lorsque Napoléon fait ses codes, il crée de l’identité. Lorsque la IIIème République met en œuvre « l’assimilation intérieure », elle crée de l’identité. Lorsque la Libération nationalise les leviers stratégiques de l’économie et réorganise la fonction publique, elle crée de l’identité. L’identité n’est pas un objet précieux qu’on garde dans une vitrine dans un musée et qu’il faudrait protéger des voleurs. C’est une construction et une reconstructions constante. C’est une bicyclette qui, si elle cesse d’avancer, tombe.

      Ce que je regrette, c’est que beaucoup de « souverainistes » s’en tiennent à une conception « muséale » de l’identité. Dans la formule « le souvenir des grandes choses faites ensemble, et le désir d’en accomplir de nouvelles » ils ne retiennent que la première partie. Or, les deux sont d’égale importance. Les véritables ennemis de l’identité française ne sont pas ceux qui apportent des influences extérieures – qui ont d’ailleurs toujours existé, pensez aux « turqueries » du Grand Siècle. Le véritable danger vient de ceux qui prétendent faire oublier « le souvenir des grandes choses faites ensemble » et surtout ceux qui empêchent tout « désir (collectif) d’en accomplir de nouvelles » en se plaçant dans une logique ou seule compte la réussite personnelle. L’immigration n’est un problème que parce que nous n’arrivons plus à assimiler, et nous n’arrivons pas à assimiler parce que nous n’avons ni mémoire, ni projets collectifs.

      [Bref, je suis extrêmement sombre quant à l’avenir de la France. À un commentateur qui expliquait son pessimisme, vous répondiez que vous avez trop confiance dans la France et son peuple. Encore faudrait-il qu’il y ait encore UN peuple, et même en faisant abstraction des allogènes, je doute fort qu’il soit encore du niveau qu’il pouvait être il y a cinquante ans.]

      Oui. Mais cela n’est pas tout à fait nouveau dans notre histoire. Les élites de la France de Louis XVI n’était pas de la même qualité que celles de la France de Louis XIV, la France de 1940 n’avait pas la même combativité que celle de 1914. Il y a dans notre pays des cycles : une catastrophe (guerre, révolution…) met à bas les cadres anciens et permet de sélectionner une élite de qualité capable de mobiliser le peuple, bâtir un projet collectif… et puis avec le temps ce projet perd son élan, le système se sclérose, la sélection au mérite s’affaiblit et l’hérédité reprend ses droits, et cela crée les conditions de la catastrophe suivante. Aujourd’hui, nous voyons bien que nous sommes à la fin du cycle ouvert par la Libération et la fondation de la Vème République.

      [Je vois mal d’autre avenir pour la France dans le meilleur des cas qu’une transformation en Afrique du Sud et dans le pire en Liban.]

      La « libanisation » est un risque, mais comme je l’ai dit, j’ai trop confiance dans le peuple français pour penser qu’on en arrivera là. Mais je vous accorde que cet optimisme relève du pari pascalien, de l’optimisme méthodologique.

      • @ Descartes,
         
        Bonjour,
         
        J’espère que vous allez bien.
         
        [Et ceux qui votent sont en général les couches les plus assimilées.]
        Les plus éduqués, mais pas forcément les plus assimilés. Les militants indigénistes ou décoloniaux sont rarement des petits dealers de cannabis. 
         
        [Le « bourgeois conservateur » est un objet contradictoire, une survivance d’une époque passée condamnée à la disparition.]
        Eh bien je me le demande. Parce qu’on a toujours ce problème inhérent au capitalisme, à savoir qu’il repose sur des valeurs que lui-même est incapable de produire: le juge probe, l’instituteur dévoué, le soldat courageux, etc. Mais vous savez ça mieux que moi. D’autre part, l’élan révolutionnaire engendre le désordre, or le désordre n’est jamais très bon pour les affaires. Le problème du bourgeois, c’est qu’il aspire au changement technique et économique tout en ayant besoin d’une certaine stabilité sociale, une équation au fond difficile à résoudre.
         
        Regardons l’attitude de la bourgeoisie française après le grand chambardement de 1792-1793: une fois conjuré le spectre de la contre-révolution, Bonaparte est venu. Or qu’est-ce que Bonaparte? Précisément, Bonaparte c’est l’héritage de la Révolution et l’ordre. Et pour rétablir l’ordre, on voit bien que Napoléon a fait des concessions à l’ordre ancien: paix avec l’Eglise catholique, forme monarchique du régime (sous l’Empire), création d’une noblesse d’Empire, etc. Evidemment, Napoléon ne restaure pas l’Ancien Régime, mais, quelque part, il habille le nouveau avec les attributs de l’ancien. Accessoirement, la bourgeoisie est attachée au droit de propriété, or qu’y a-t-il de plus “conservateur” que la propriété?
         
        [c’est l’idée qu’on pourrait prendre « l’identité » comme une essence autonome, indépendante des autres problématiques. Pour moi, l’identité est une construction, et non une essence.]
        Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Ou plutôt je pense que vous avez raison mais qu’il faut faire comme si vous aviez tort. Une identité est non seulement une construction, mais elle est toujours en construction. Simplement, il me paraît utile qu’on pose comme une fiction nécessaire que cette identité, ou au moins une partie, est une essence, un invariant, ce fameux invariant que rejette Mélenchon avec son concept fumeux de “créolisation”. D’abord, quand une identité s’enracine dans un passé lointain, certains éléments deviennent “naturels”. Ensuite, il y a je crois un avantage à préserver l’identité des contingences économiques, sociales et politiques, afin que tous les régimes puissent se réclamer d’elle. Enfin, il y a un danger à crier sur tous les toits que l’identité est “une construction en perpétuelle évolution”, parce qu’on se retrouve ensuite avec des groupes d’imbéciles qui se croient autorisés à “déconstruire”, à “transformer” l’identité. Il me paraît donc important de conserver un invariant, lequel est résumé par une formule fameuse attribuée à De Gaulle: “un peuple de race blanche, de religion catholique et de culture gréco-latine”. Et j’ajouterai pour ma part: “attaché à sa langue et à son histoire”. Une fois cela posé, on peut très bien être libéral ou étatiste, communiste ou royaliste, etc.
         
        [Quand Louis XIV complète la réorganisation de l’Etat autour d’un modèle centralisé et remet au pas les « barons », il fabrique une identité. Lorsque Napoléon fait ses codes, il crée de l’identité. Lorsque la IIIème République met en œuvre « l’assimilation intérieure », elle crée de l’identité. Lorsque la Libération nationalise les leviers stratégiques de l’économie et réorganise la fonction publique, elle crée de l’identité.]
        Je suis d’accord avec vous. D’un autre côté, on constate quand même que plus c’est ancien, plus ça semble remuer l’âme des gens. Lorsque l’URSS est attaquée par le III° Reich, Staline – et c’est là une part de son génie – comprend que la symbolique révolutionnaire ne suffit pas à galvaniser la résistance. Il sort Alexandre Nevski et Koutozov de leur purgatoire réactionnaire, il rouvre des églises et laisse les prélats orthodoxes bénir l’effort de guerre. Que s’est-il passé? Staline a compris à ce moment que l’orthodoxie faisait partie de l’essence de l’identité russe, et que les grands noms du passé appartenaient également à cet invariant de l’imaginaire russe. Pourtant, l’Etat soviétique n’a pas ménagé ses efforts pendant des décennies pour changer cet invariant… En vain. Là encore, je crois me rappeler que De Gaulle avait déclaré quelque chose du style: “l’URSS passera, mais le peuple russe sera toujours là”.
         
        On voit la même chose en Chine où le passé impérial du pays est mis à l’honneur au cinéma dans un souci d’exaltation nationale. Qu’est-ce qui est mis en scène dans ces films? Toujours les mêmes vertus, martiales et morales. C’est l’essence de l’identité chinoise qui est glorifiée. Bien sûr, cette “essence” est réinterprétée, mise au goût du jour, mais elle est présentée comme telle. La question du dévouement à l’Etat, incarné hier par l’empereur et aujourd’hui par le parti communiste, est souvent centrale. Je connais mal l’histoire chinoise, mais j’ai l’impression que l’Etat y joue un rôle très important, peut-être encore plus que chez nous, vues la taille et la diversité du pays.
         
        [Ce que je regrette, c’est que beaucoup de « souverainistes » s’en tiennent à une conception « muséale » de l’identité. Dans la formule « le souvenir des grandes choses faites ensemble, et le désir d’en accomplir de nouvelles » ils ne retiennent que la première partie.]
        Je vous trouve bien sévère. Dans la mesure où les souverainistes ne sont pas au pouvoir, ils ne peuvent pas forcément faire autre chose. En tant que nationaliste, et compte tenu du contexte, on doit s’efforcer en effet de préserver et de transmettre un récit national, le bon usage de la langue, des traditions… En espérant que tout cela sera utile un jour pour un nouvel élan national. Proclamer “nous avons fait de grandes choses dans le passé”, c’est déjà préparer l’idée qu’on pourrait en faire dans l’avenir.
         
        Et puis, il y a le contexte: dans une ambiance d’effondrement culturel, de déconstruction, d’irruption agressive d’autres identités, on peut aussi comprendre que certains cherchent d’abord à essayer de sauver ce qui peut l’être. Car soyons honnêtes: vous conviendrez avec moi, je pense, que l’époque n’est pas aux grands projets collectifs. Pour le moment, je crains qu’il faille se résigner à défendre ce qui existe encore. 
         
        [et puis avec le temps ce projet perd son élan, le système se sclérose, la sélection au mérite s’affaiblit et l’hérédité reprend ses droits, et cela crée les conditions de la catastrophe suivante.]
        Je n’ai pas bien compris cette remarque. La France des XVII° et XVIII° siècles (avant 1789) a connu un essor remarquable dans un système “sclérosé” et où l’hérédité était la règle, non?

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [« Et ceux qui votent sont en général les couches les plus assimilées. » Les plus éduqués, mais pas forcément les plus assimilés. Les militants indigénistes ou décoloniaux sont rarement des petits dealers de cannabis.]

          Oui, mais les militants indigénistes et décoloniaux sont une infime minorité parmi les immigrés et leurs descendants. Aller voter, surtout à l’élection présidentielle, suppose une capacité à comprendre un cadre national.

          [« Le « bourgeois conservateur » est un objet contradictoire, une survivance d’une époque passée condamnée à la disparition. » Eh bien je me le demande. Parce qu’on a toujours ce problème inhérent au capitalisme, à savoir qu’il repose sur des valeurs que lui-même est incapable de produire: le juge probe, l’instituteur dévoué, le soldat courageux, etc. Mais vous savez ça mieux que moi. D’autre part, l’élan révolutionnaire engendre le désordre, or le désordre n’est jamais très bon pour les affaires. Le problème du bourgeois, c’est qu’il aspire au changement technique et économique tout en ayant besoin d’une certaine stabilité sociale, une équation au fond difficile à résoudre.]

          C’est précisément ce genre de contradiction qui, à terme, provoqueront l’effondrement du capitalisme – du moins si l’on adhère à l’analyse de Marx. Cette agitation permanente a un coût en termes d’efficacité, de consommation de ressources. La disparition des valeurs « aristocratiques » qui font le juge probe, l’instituteur dévoué, le soldat courageux dont parle Castoriadis a, elle aussi, un coût. Au fur et à mesure que le capitalisme s’approfondit, son efficacité diminue.

          [Et pour rétablir l’ordre, on voit bien que Napoléon a fait des concessions à l’ordre ancien: paix avec l’Eglise catholique, forme monarchique du régime (sous l’Empire), création d’une noblesse d’Empire, etc. Evidemment, Napoléon ne restaure pas l’Ancien Régime, mais, quelque part, il habille le nouveau avec les attributs de l’ancien.]

          Je pense qu’il y a là une contradiction entre vos deux phrases. Je ne pense pas que Napoléon ait fait des « concessions » à l’ordre ancien. Mais il est vrai qu’il a « habillé » l’ordre nouveau avec les habits de l’ancien. Cette opération lui a permis d’établir des institutions nouvelles sous une forme que les Français, habitués aux formes anciennes, pouvaient comprendre facilement.

          [Accessoirement, la bourgeoisie est attachée au droit de propriété, or qu’y a-t-il de plus “conservateur” que la propriété?]

          Je ne vois rien de « conservateur » dans le droit de propriété, dès lors que la monnaie permet de réduire tous les biens « possédés » à un équivalent monétaire.

          [« c’est l’idée qu’on pourrait prendre « l’identité » comme une essence autonome, indépendante des autres problématiques. Pour moi, l’identité est une construction, et non une essence. » Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Ou plutôt je pense que vous avez raison mais qu’il faut faire comme si vous aviez tort.]

          Je vois que vous avez adopté ma théorie des « fictions nécessaires »… en fait, je ne pense pas que nous soyons en désaccord. Je pense en fait que vous confondez « l’identité » et le « récit identitaire ». Un « récit identitaire » ne peut, effectivement, se présenter autrement que comme essentiel. Vous ne pouvez pas créer un cadre commun en expliquant que ce récit que vous racontez aujourd’hui sera périmé demain.

          [D’un autre côté, on constate quand même que plus c’est ancien, plus ça semble remuer l’âme des gens. Lorsque l’URSS est attaquée par le III° Reich, Staline – et c’est là une part de son génie – comprend que la symbolique révolutionnaire ne suffit pas à galvaniser la résistance. Il sort Alexandre Nevski et Koutozov de leur purgatoire réactionnaire, il rouvre des églises et laisse les prélats orthodoxes bénir l’effort de guerre.]

          Tout à fait. Parce que plus vous allez loin dans le passé, et moins les gens connaissent le contexte. Vous êtes donc bien plus libre pour donner aux faits anciens une interprétation consensuelle puisqu’il n’y a plus de mémoire pour vous contredire. Lorsque vous donnez De Gaulle comme référence, vous devez compter avec les pieds-noirs qui gardent de l’homme de Colombey une image peu flatteuse. Mais si vous parlez de Clovis, vous ne risquez pas de voir sortir un quelconque burgonde vous expliquer que c’était un salaud. Les figures de la symbolique révolutionnaire soviétique étaient dans les années 1940, sujettes à controverse. Les figures comme Nevsky ou Koutouzov – ou celle d’Ivan le Terrible – ne l’étaient pas.

          [On voit la même chose en Chine où le passé impérial du pays est mis à l’honneur au cinéma dans un souci d’exaltation nationale. Qu’est-ce qui est mis en scène dans ces films? Toujours les mêmes vertus, martiales et morales. C’est l’essence de l’identité chinoise qui est glorifiée. Bien sûr, cette “essence” est réinterprétée, mise au goût du jour, mais elle est présentée comme telle. La question du dévouement à l’Etat, incarné hier par l’empereur et aujourd’hui par le parti communiste, est souvent centrale. Je connais mal l’histoire chinoise, mais j’ai l’impression que l’Etat y joue un rôle très important, peut-être encore plus que chez nous, vues la taille et la diversité du pays.]

          Tout à fait. Plus le passé est lointain, et plus il est facile de constituer un récit qui le « réinterprète ».

          [Je vous trouve bien sévère. Dans la mesure où les souverainistes ne sont pas au pouvoir, ils ne peuvent pas forcément faire autre chose.]

          Je ne suis pas d’accord. Le PCF a parlé des « lendemains qui chantent » sans jamais avoir été au pouvoir. Le fait d’être dans l’opposition ne vous empêche pas de définir un projet et le récit qui va avec.

          [En tant que nationaliste, et compte tenu du contexte, on doit s’efforcer en effet de préserver et de transmettre un récit national, le bon usage de la langue, des traditions… En espérant que tout cela sera utile un jour pour un nouvel élan national. Proclamer “nous avons fait de grandes choses dans le passé”, c’est déjà préparer l’idée qu’on pourrait en faire dans l’avenir.]

          Paraphrasant De Gaulle, « nous sommes trop faibles pour ne pas être ambitieux ». Je ne me résigne pas à la position défensive qui est celle que vous défendez.

          [Et puis, il y a le contexte: dans une ambiance d’effondrement culturel, de déconstruction, d’irruption agressive d’autres identités, on peut aussi comprendre que certains cherchent d’abord à essayer de sauver ce qui peut l’être. Car soyons honnêtes: vous conviendrez avec moi, je pense, que l’époque n’est pas aux grands projets collectifs. Pour le moment, je crains qu’il faille se résigner à défendre ce qui existe encore.]

          Je n’ai pas dit que c’était facile. Oui, l’époque n’est pas favorable, et parler « des grandes choses faites ensemble » en essayant en plus de donner le goût « d’en accomplir de nouvelles », c’est une tâche presque désespérée. Un peu comme celle des Français qui se sont regroupés en 1940 autour de la France Libre…

          [Je n’ai pas bien compris cette remarque. La France des XVII° et XVIII° siècles (avant 1789) a connu un essor remarquable dans un système “sclérosé” et où l’hérédité était la règle, non ?]

          Pas tout à fait. Après la crise de la Fronde, vient le règne d’un roi qui se méfie de la noblesse héréditaire, et qui met fin à la pratique qui voulait que les charges de l’Etat soient données dans l’ordre de la hiérarchie féodale. Colbert, Vauban, Louvois sont issus de la petite noblesse, alors que les princes et autres ducs étaient poliment priés d’aller voir ailleurs. La noblesse reste héréditaire, certes, mais les hauts postes de l’Etat le sont de moins en moins (Saint Simon dénonce en permanence ce phénomène).

          • @ Descartes,
             
            [Colbert, Vauban, Louvois sont issus de la petite noblesse, alors que les princes et autres ducs étaient poliment priés d’aller voir ailleurs. La noblesse reste héréditaire, certes, mais les hauts postes de l’Etat le sont de moins en moins]
            Pardon, mais ce phénomène n’a rien de nouveau: lorsque Philippe Auguste crée un embryon d’administration royale, il choisit ses baillis parmi la petite noblesse, des hommes de (relative) basse extraction qui doivent leur élévation à la seule volonté du roi qui les nomme, les rétribue et les révoque s’il l’estime nécessaire. Il faudrait vérifier mais je pense que les fameux légistes de Philippe le Bel étaient du même acabit. Louis XI était réputé pour ses conseillers de vile origine. En fait, vous trouverez peu de rois de France “amis des princes et des grands”. C’est une vieille tradition d’élever “selon le bon plaisir du souverain” des hommes de peu, c’est rappeler cette prérogative souveraine qu’a, seul, le prince de bousculer la hiérarchie sociale sans vraiment la changer. Et de s’assurer la confiance d’hommes “neufs” qui lui doivent tout, qui peuvent aussi être des étrangers d’ailleurs. 
             
            On peut même remonter plus loin encore avec les fameux affranchis des empereurs romains, détestés de l’aristocratie sénatoriale romaine. La noblesse est toujours un problème pour un monarque: avec elle, il est toujours un peu le “primus inter pares” plutôt que le maître. Par conséquent, Louis XIV avait ses bourgeois comme les empereurs byzantins avaient leurs eunuques. Lisez une biographie de Justinien: la plupart de ses ministres ont des origines obscures.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Colbert, Vauban, Louvois sont issus de la petite noblesse, alors que les princes et autres ducs étaient poliment priés d’aller voir ailleurs. La noblesse reste héréditaire, certes, mais les hauts postes de l’Etat le sont de moins en moins » Pardon, mais ce phénomène n’a rien de nouveau: lorsque Philippe Auguste crée un embryon d’administration royale, il choisit ses baillis parmi la petite noblesse, des hommes de (relative) basse extraction qui doivent leur élévation à la seule volonté du roi qui les nomme, les rétribue et les révoque s’il l’estime nécessaire.]

              Les baillis, oui. Mais les hautes fonctions – ministre, chancelier, connétable, maitres de l’artillerie ou des fortifications – restaient dans la main des grades familles aristocratiques.

              [Louis XI était réputé pour ses conseillers de vile origine. En fait, vous trouverez peu de rois de France “amis des princes et des grands”. C’est une vieille tradition d’élever “selon le bon plaisir du souverain” des hommes de peu, c’est rappeler cette prérogative souveraine qu’a, seul, le prince de bousculer la hiérarchie sociale sans vraiment la changer. Et de s’assurer la confiance d’hommes “neufs” qui lui doivent tout, qui peuvent aussi être des étrangers d’ailleurs.]

              Tout à fait. Mais si Louis XI commence le lent travail de mise au pas des « boyards » qui ne sera complété que sous Louis XIV, en son temps ces « élévations » étaient relativement exceptionnelles et symboliques.

              [La noblesse est toujours un problème pour un monarque: avec elle, il est toujours un peu le “primus inter pares” plutôt que le maître. Par conséquent, Louis XIV avait ses bourgeois comme les empereurs byzantins avaient leurs eunuques.]

              Bien entendu. Mais il y a une question de rapport de forces. Il y a des contextes dans lesquels le roi est en mesure de mettre au pas les « barons », et des moments ou les « barons » en imposent au contraire au roi. Il est clair qu’à partir de Louis XI, le pouvoir royal se lance dans une politique de contrôle de la noblesse – et celle-ci en retour se défendra, comme le montre l’épisode de la Fronde.

      • François dit :

        @Descartes
        [Le principe de la solidarité intergénérationnelle – comme celle de la solidarité nationale d’ailleurs – est l’INCONDITIONNALITE. Dès lors que vous commencez à mettre des conditions pour « mériter » la solidarité en question, vous détruisez ce qui fait la force même de la famille ou de la nation, le fait que ses membres ne peuvent pas se choisir.]Je note tout d’abord que ce sont les baby-boomers qui en optant pour le « après-moi, le déluge » qui remettent en cause la solidarité intergénérationnelle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit en votant massivement et significativement au dessus de la moyenne nationale pour un candidat qui propose de relever l’âge de la retraite à soixante-cinq ans après avoir bénéficié de son rabaissement à soixante ans.
        Et pour qu’il y ait « inconditionnalité », encore faut-il qu’il y ait existence d’une confiance mutuelle, qu’elle soit personnelle ou impersonnelle. Ça n’est pas pour rien que c’est dans les pays qui sont les plus morcelés ethniquement que les mécanismes de péréquation sont les plus faibles.
         
        [Je n’aime pas trop l’utilisation en politique du concept de « génération ». C’est une idée introduite par les publicitaires à l’époque de Mitterrand, mais qui a mon avis est plus réductrice qu’autre chose. Il y a derrière cette idée une fiction d’homogénéité, fondée sur l’idée d’une « expérience commune » à chaque classe d’âge. Mais est-ce vrai ?]
        Oui. La société à laquelle on appartient imprime les individus et ce indépendamment à la classe ils appartiennent. La génération qui a du se battre dans les tranchées a eu son « expérience commune », comme celle qui a grandi dans l’insouciance des trente glorieuses a eu la sienne. Et ces expériences construisent des schémas mentaux. Dans le premier cas, l’acceptation d’un certain fatalisme, dans le second, que toute frustration est inadmissible (le fameux « il est interdit d’interdire »). Ça n’est pas pour rien que le premier mai 68 a été le fait de vingtenaires et non de quadragénaires.
         
        [L’idée politique de « génération » est une variation supplémentaire de la vision communautariste.]
        Les problème, c’est que les « communautés » existent indépendamment de l’observateur. Et les marketeux ne font qu’analyser cet état de fait afin d’optimiser les ventes.
         
        [Je pense que vous vous faites peur ici. Les « allogènes », comme vous dites, votent peu. Et ceux qui votent sont en général les couches les plus assimilées.]
        Je continue ici l’argumentation développée par NSE. D’une part l’abstention n’est pas si haute parmi-eux (elle n’est que deux points en dessous de la moyenne nationale à Trappes). Enfin, un vote communautaire ne se traduit pas forcément par un vote pour un vote issu de la communauté, mais d’abord pour celui qui est le plus à mène de défendre ses intérêts. Et de ce point de vue Mélenchon est le mieux placé pour incarner la défense des intérêts des allogènes. D’ailleurs les candidats directement issus de la communauté prennent de plus en plus d’importance, j’en veux pour preuve que LREM a du s’allier à un candidat pro-Erdogan aux dernières municipales :
        https://www.lyonmag.com/article/108244/venissieux-yves-blein-garde-son-investiture-lrem-malgre-son-alliance-avec-un-candidat-pro-erdogan
         
        [Ce que je critique dans cette conception, c’est l’idée qu’on pourrait prendre « l’identité » comme une essence autonome, indépendante des autres problématiques. Pour moi, l’identité est une construction, et non une essence. On ne peut séparer la « problématique identitaire » des problématiques économiques, sociales, institutionnelles, éducatives, etc.]
        Ça se discute. Certes il y a une part d’ingénierie sociale dans la construction d’un peuple, mais il y a tout de même une part d’essence dans celui-ci. J’en veux pour preuve que les Québecois, alors qu’ils sont séparés de la France depuis plus de 250 ans et n’ont pas partagé ses gigantesques bouleversements historiques, tendent quand même à adopter les mêmes positions politiques que les Français, notamment concernant le communautarisme et la laïcité, à la différence de leurs voisins anglo-saxons.
         
        [Lorsque la IIIème République met en œuvre « l’assimilation intérieure », elle crée de l’identité.]
        Si la troisième politique a pu mettre en œuvre son « assimilation intérieure », c’est justement parce que l’identité française était en grande partie déjà construite, comme l’atteste l’émigration en masse d’alsaciens-lorrains de leurs terres après la défaite de 1870, alors que ces territoires était intégrés à la France depuis moins de 200 ans. Car n’oublions pas que la Troisième République était une république parlementaire et donc si ses élites pouvaient mettre en application leurs politiques, c’était seulement avec l’aval des Français, faute de quoi ils finissaient dégagés aux prochaines élections. Sans oublier que si les bretons ont adopté le français comme langue, c’est par intérêt bien compris, la maîtrise du français ouvrant bien plus de perspectives que celles de leurs idiomes locaux.
         
        [Lorsque la Libération nationalise les leviers stratégiques de l’économie et réorganise la fonction publique, elle crée de l’identité.]
        De l’identité politique seulement. Car le Français de 1945 diffère guère de celui de 1939.
         
        [L’immigration n’est un problème que parce que nous n’arrivons plus à assimiler, et nous n’arrivons pas à assimiler parce que nous n’avons ni mémoire, ni projets collectifs.]
        Non, le problème c’est que l’on a importé en masse une immigration de très basse qualité, car je doute très fort que les réfugiés ukrainiens auront des difficultés à s’intégrer à la société française, leurs enfants nous infligeant même l’humiliation de surpasser les nôtres en performances scolaires (c’est à se demander si la ploutocratie ukrainienne est plus fonctionnelle que la démocratie française…).
        Je l’affirme : si demain la France redeviendrait une nation prospère et fière de son identité, on n’aurait pas plus de proportion d’assimilés. Là où on a échoué au Maghreb, je ne vois pas pourquoi on réussirait en France. N’oublions pas la possibilité d’abandonner l’infamant statut d’indigène offerte par le décret Crémieux à la SEULE condition d’opter pour le code civil, ou bien l’affaire des naturalisés tunisiens, manifestations durant lesquelles des défunts se voyaient refuser l’accès au cimetières musulmans, car ils n’étaient plus considérés comme tels suite à leur adoption de la nationalité française.
        La seule solution possible, c’est un durcissement de la législation française, à savoir la liquidation des filière d’abattages religieuses, le rétablissement de la loi du 11 Germinal an XI, l’interdiction des tenus islamiques, etc, et augmentation des moyens de répression pour les faire appliquer, de telle sorte qu’ils n’auront plus que le choix entre la soumission à la civilité française ou la valise.
        Pourquoi voulez vous envoyer les professeurs de Louis le Grand dans les cités, qui dans le meilleur des cas finiront en dépression parce-qu’ils n’ont pas l’habitude de gérer des classes turbulentes, et dans le pire des cas finiront comme Samuel Paty ?

        • Descartes dit :

          @ François

          [« Le principe de la solidarité intergénérationnelle – comme celle de la solidarité nationale d’ailleurs – est l’INCONDITIONNALITE. Dès lors que vous commencez à mettre des conditions pour « mériter » la solidarité en question, vous détruisez ce qui fait la force même de la famille ou de la nation, le fait que ses membres ne peuvent pas se choisir. » Je note tout d’abord que ce sont les baby-boomers qui en optant pour le « après-moi, le déluge » qui remettent en cause la solidarité intergénérationnelle.]

          Possible. Mais en politique, la recherche de coupables n’est pas très productive. La question fondamentale est de savoir si nous voulons nous opposer à la remise en cause de la solidarité intergénérationnelle, ou si nous acceptons de la voir se dissoudre.

          [Car c’est bien de cela qu’il s’agit en votant massivement et significativement au dessus de la moyenne nationale pour un candidat qui propose de relever l’âge de la retraite à soixante-cinq ans après avoir bénéficié de son rabaissement à soixante ans.]

          Je suis moins sévère que vous. Le fait est que nous vivons de plus en plus vieux et en meilleure santé, que nous entrons de plus en plus tard dans la vie active, que nous consommons des soins de plus en plus chers, et que la productivité ne progresse que très lentement. A partir de là, il n’y a pas de miracle : pour que le système soit globalement à l’équilibre, il faut qu’au cours de sa vie un individu produise globalement autant qu’il en consomme. Il y a donc un équilibre à trouver entre trois paramètres : le rapport entre les années d’activité et la durée de vie et donc l’âge de départ à la retraite, le montant des cotisations, et le montant des pensions. Si l’on veut maintenir le montant des pensions et ne pas charger les actifs, alors il faut partir plus tard. Penser qu’on peut, sans augmenter les cotisations et sans toucher aux pensions, passer d’une retraite qu’on touchait en moyenne pendant trois ans à une retraite qu’on touche en moyenne pendant quinze ans est une illusion.

          Après, on peut discuter pour savoir si ce choix doit être individuel – comme le propose le système à points – ou collectif, si l’âge de départ doit être uniforme ou dépendre des métiers ou des niveaux de responsabilité – il est idiot d’investir dix ans pour former un médecin pour le voir partir à la retraite à soixante ans. Mais la proposition de reporter l’âge de la retraite EN ELLE-MEME ne me choque pas.

          [Et pour qu’il y ait « inconditionnalité », encore faut-il qu’il y ait existence d’une confiance mutuelle, qu’elle soit personnelle ou impersonnelle. Ça n’est pas pour rien que c’est dans les pays qui sont les plus morcelés ethniquement que les mécanismes de péréquation sont les plus faibles.]

          Nous sommes tout à fait d’accord. L’inconditionnalité nécessite l’existence d’un cadre commun – une expérience partagée, une langue, une constitution politique, un récit constitutif – qui garantisse une forme de réciprocité. C’est vrai dans l’espace, c’est-à-dire, dans la nation, c’est vrai dans le temps, et cela implique une lignée…

          [Oui. La société à laquelle on appartient imprime les individus et ce indépendamment à la classe ils appartiennent. La génération qui a dû se battre dans les tranchées a eu son « expérience commune », comme celle qui a grandi dans l’insouciance des trente glorieuses a eu la sienne.]

          La génération des tranchées comme celle qui a fait la Résistance a eu sans doute son « expérience commune », et de cette expérience a permis une forme de connaissance réciproque et donc d’empathie au-delà des barrières de classe. C’est pourquoi les guerres accouchent souvent de grandes réformes sociales. Mais je ne suis pas persuadé que ce soit vrai pour toutes les générations. « L’insouciance » des trente glorieuses n’a pas été vécue de la même manière chez les ouvriers et chez les petits-bourgeois, et on l’a bien vu lors des évènements de 1968, avec un « mai étudiant » qui n’a pas grande chose à voir avec le « mai ouvrier ». Et c’est encore plus flagrant pour la génération suivante : pensez vous que la révolution néolibérale des années 1980-90 ait été vécue de la même manière par les jeunes de Hénin-Beaumont ou ceux de Tihange et par les jeunes bobos parisiens ?

          [Et ces expériences construisent des schémas mentaux. Dans le premier cas, l’acceptation d’un certain fatalisme, dans le second, que toute frustration est inadmissible (le fameux « il est interdit d’interdire »). Ça n’est pas pour rien que le premier mai 68 a été le fait de vingtenaires et non de quadragénaires.]

          Là, je pense que vous faites une confusion. Le fait qu’à l’intérieur d’une même classe il y ait des différences entre les cadres mentaux des différentes générations, c’est une chose. Que ces cadres mentaux soient communs à toute une génération INDEPENDAMMENT des barrières de classe, c’en est une autre. Il est clair que les petits bourgeois de 20 ans ne voient pas le monde de la même manière que les petits bourgeois de 40 ans. Mais est ce que les petits-bourgeois de 20 ans voient le monde sous le même angle que les ouvriers de 20 ans ? Je ne le pense pas. Et plus on s’éloigne des grands évènements « globaux » (les deux guerres mondiales, la guerre d’Algérie), moins on trouve d’expériences communes à une génération entière.

          [« L’idée politique de « génération » est une variation supplémentaire de la vision communautariste. » Les problème, c’est que les « communautés » existent indépendamment de l’observateur. Et les marketeux ne font qu’analyser cet état de fait afin d’optimiser les ventes.]

          Certaines oui, d’autres pas. Certaines communautés existent réellement, et les marketeux adaptent leur discours pour mieux leur vendre leurs produits ou leurs idées. Mais une partie du marketing consiste aussi à persuader le consommateur qu’il appartient à une « communauté » et qu’à ce titre il doit adopter les codes et modes qui s’y attachent. Et pour cela, il n’est pas nécessaire que cette communauté ait une existence préalable : c’est le marketing qui la fait exister.

          [« Je pense que vous vous faites peur ici. Les « allogènes », comme vous dites, votent peu. Et ceux qui votent sont en général les couches les plus assimilées. » Je continue ici l’argumentation développée par NSE. D’une part l’abstention n’est pas si haute parmi-eux (elle n’est que deux points en dessous de la moyenne nationale à Trappes).]

          Attention à l’interprétation des chiffres. L’abstention à Trappes est une moyenne entre l’abstention des musulmans et celle des autres. Quand vous regardez bureau par bureau les résultats dans les cités ou les musulmans constituent une large majorité, vous trouvez souvent des taux d’abstention bien plus importants. Je n’ai pas fait l’exercice pour cette élection, mais je l’avais fait en 2017 et c’était très clair.

          [Enfin, un vote communautaire ne se traduit pas forcément par un vote pour un vote issu de la communauté, mais d’abord pour celui qui est le plus à mène de défendre ses intérêts.]

          Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez « vote communautaire ». Si pour vous le fait de voter pour le candidat le plus à même de défendre vos intérêts le caractérise, alors tout vote est communautaire. Moi aussi, je vote pour celui qui me paraît le mieux à même de défendre mes intérêts. Le vote communautaire ce n’est pas ça. Le vote communautaire repose sur l’idée que la communauté a des intérêts qui dépassent les individus, et que les individus choisissent leur candidat non pas en fonction de leurs intérêts individuels, mais des intérêts de la communauté. Ce qui suppose d’ailleurs une communauté structurée, avec des institutions capables d’indiquer un vote. C’est le cas de certaines communautés en France – les arméniens à Marseille, par exemple – mais certainement pas des musulmans, qui forment un groupe trop fracturé, avec des intérêts trop divers pour arriver à définir un intérêt commun.

          [Et de ce point de vue Mélenchon est le mieux placé pour incarner la défense des intérêts des allogènes.]

          Je ne vois pas très bien en quoi. Pour les « allogènes » assimilés et qui s’en sortent grâce à la promotion scolaire – et ils sont bien plus nombreux qu’on ne le pense généralement – le discours victimiste de Mélenchon est toxique. N’oubliez pas non plus que pour les « allogènes » français, les « allogènes » immigrés sont des concurrents. Il y a là aussi un conflit latent qui pèse sur leur vote : vous trouvez de plus en plus d’immigrés de la deuxième et troisième génération qui votent RN… c’est particulièrement frappant dans les communautés d’origine marocaine du Pas de Calais, par exemple.

          [D’ailleurs les candidats directement issus de la communauté prennent de plus en plus d’importance, j’en veux pour preuve que LREM a dû s’allier à un candidat pro-Erdogan aux dernières municipales :
          https://www.lyonmag.com/article/108244/venissieux-yves-blein-garde-son-investiture-lrem-malgre-son-alliance-avec-un-candidat-pro-erdogan%5D

          C’est une longue tradition chez les socialistes de s’allier à n’importe qui pour battre un maire communiste, et Blein est un socialiste très typique – même s’il est devenu LREM. Mais il ne vous aura pas échappé que le « candidat pro-erdogan » n’a fait que 5% de voix, et cela dans une commune ou la population d’origine turque est fort nombreuse…

          [Ça se discute. Certes il y a une part d’ingénierie sociale dans la construction d’un peuple, mais il y a tout de même une part d’essence dans celui-ci. J’en veux pour preuve que les Québecois, alors qu’ils sont séparés de la France depuis plus de 250 ans et n’ont pas partagé ses gigantesques bouleversements historiques, tendent quand même à adopter les mêmes positions politiques que les Français, notamment concernant le communautarisme et la laïcité, à la différence de leurs voisins anglo-saxons.]

          Il n’y a rien « d’essentiel » là-dedans. D’abord, il ne faudrait pas réécrire l’histoire: la séparation de l’église et de l’Etat suivant le modèle français n’est acquise au Québec que depuis la loi de 2019. Auparavant, c’était une forme de laïcité semblable à celle des Etats-Unis qui s’appliquait. Que les québécois, qui construisent une partie de leur identité par opposition au monde anglosaxon, cherchent à résoudre leurs problèmes – ici celui du port du voile – en se référant au modèle français n’est pas surprenant. Mais y voir une « essence » me paraît très excessif…

          [« Lorsque la IIIème République met en œuvre « l’assimilation intérieure », elle crée de l’identité. » Si la troisième politique a pu mettre en œuvre son « assimilation intérieure », c’est justement parce que l’identité française était en grande partie déjà construite, comme l’atteste l’émigration en masse d’alsaciens-lorrains de leurs terres après la défaite de 1870, alors que ces territoires était intégrés à la France depuis moins de 200 ans.]
          Là encore, on voit la différence entre votre vision « essentialiste » de l’identité et la mienne. Vous dites « l’identité française était déjà construite » comme si « l’identité française » était un objet bien défini, qui était certes incomplet en 1870 mais déjà bien ébauché. Ma vision est différente : oui, il existait en 1870 une certaine « identité française », fruit des expériences partagées et notamment de l’œuvre de la Révolution et de l’Empire. Mais avec « l’assimilation intérieure », la IIIème République fait bien plus que « compléter » cet édifice identitaire : elle le modifie radicalement, ajoute des tourelles, en supprime d’autres.

          Bien entendu, la IIIème République ne part pas de rien. Mais elle ne e contente pas simplement d’intégrer les populations à une « identité » préexistante. Elle CONSTRUIT cette identité. Certes, sur la base d’éléments partagés plus anciens, mais c’est un travail de construction.

          [« Lorsque la Libération nationalise les leviers stratégiques de l’économie et réorganise la fonction publique, elle crée de l’identité. » De l’identité politique seulement. Car le Français de 1945 diffère guère de celui de 1939.]

          Je ne sais pas si le Français de 1886 était très différent à celui de 1881, ou même si le Français de 1789 était très différent de celui de 1794. Les changements dans « l’identité » sont souvent beaucoup plus lents. Un grand nombre de réformes engagées en 1945 font partie aujourd’hui de notre « identité », et pas seulement politique. La retraite par répartition, la sécurité sociale, la fonction publique de carrière marquent très profondément nos réflexes et nos habitudes.

          [« L’immigration n’est un problème que parce que nous n’arrivons plus à assimiler, et nous n’arrivons pas à assimiler parce que nous n’avons ni mémoire, ni projets collectifs. » Non, le problème c’est que l’on a importé en masse une immigration de très basse qualité,]

          Je serais intéressé de savoir comment vous mesurez la « qualité » de l’immigration. Si vous la mesurez à sa capacité à s’assimiler, alors ce que vous dites plus haut est une tautologie. Si vous avez d’autres critères, je serais intéressé de les connaître.

          [car je doute très fort que les réfugiés ukrainiens auront des difficultés à s’intégrer à la société française, leurs enfants nous infligeant même l’humiliation de surpasser les nôtres en performances scolaires (c’est à se demander si la ploutocratie ukrainienne est plus fonctionnelle que la démocratie française…).]

          Eh oui, l’URSS a beau être défunte, mais en termes d’éducation elle a laissé de beaux restes…

          [Je l’affirme : si demain la France redevenait une nation prospère et fière de son identité, on n’aurait pas plus de proportion d’assimilés.]

          Je n’ai pas compris cette formule.

          [Là où on a échoué au Maghreb, je ne vois pas pourquoi on réussirait en France. N’oublions pas la possibilité d’abandonner l’infamant statut d’indigène offerte par le décret Crémieux à la SEULE condition d’opter pour le code civil,]

          Mais justement, vous avez là un très bon exemple de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Les décrets Crémieux rendaient l’intégration dans le statut civil français OBLIGATOIRE pour certains groupes (les juifs) et FACULTATIVE pour d’autres (les musulmans). Là où elle était obligatoire, elle a réussi et les juifs du Maghreb se sont massivement assimilés. Là où elle a été facultative, seule une petite proportion a fait l’effort. C’est bien mon point : l’assimilation ne peut marcher que si la société d’accueil l’impose. L’échec au Maghreb tient à ce que la France n’est pas allé jusqu’au bout de la démarche. Et elle n’y est pas allée au bout pour une raison précise : la crainte des grands intérêts coloniaux que les musulmans, une fois assimilés, n’acceptent plus de travailler dans des conditions misérables. Exactement la même raison pour laquelle on a cassé l’assimilation en métropole…

          [La seule solution possible, c’est un durcissement de la législation française, à savoir la liquidation des filière d’abattages religieuses, le rétablissement de la loi du 11 Germinal an XI, l’interdiction des tenus islamiques, etc, et augmentation des moyens de répression pour les faire appliquer, de telle sorte qu’ils n’auront plus que le choix entre la soumission à la civilité française ou la valise.]

          Autrement dit, l’assimilation imposée. Vous aboutissez exactement à la même solution que moi, sauf que pour moi le bâton doit être combiné avec une carotte : à côté des restrictions, une véritable possibilité de promotion sociale par l’école…

          [Pourquoi voulez-vous envoyer les professeurs de Louis le Grand dans les cités, qui dans le meilleur des cas finiront en dépression parce qu’ils n’ont pas l’habitude de gérer des classes turbulentes, et dans le pire des cas finiront comme Samuel Paty ?]

          Moi je ne veux pas « envoyer les professeurs de Louis le Grand dans les cités ». Je veux que les jeunes des cités puissent à travers le travail et le mérite être envoyés à Louis le Grand. Ce n’est pas du tout la même chose.

          • CVT dit :

            @Descartes,

            [Je serais intéressé de savoir comment vous mesurez la « qualité » de l’immigration. Si vous la mesurez à sa capacité à s’assimiler, alors ce que vous dites plus haut est une tautologie. Si vous avez d’autres critères, je serais intéressé de les connaître.]

             
            Je ne vais pas répondre à la place de François, dont j’approuve le post très largement, mais ça me fait penser à un reportage sur Francis Bouygues, au sortir des années 60, sur le recrutement d’ouvriers maliens issus de la brousse, peu éduqués et scolarisés donc peu aptes à se socialiser avec les autres ouvriers, et donc à se syndiquer, du fait même de leurs moeurs TRIBALES.
            Ce n’est pas une découverte pour vous, et nous en avons déjà parlé à mainte reprises: le patronat français a toujours été cherché les éléments les plus arriérés des pays africains des anciennes colonies pour les importer massivement en France.
            L’ennui, c’est que la gauche s’est occupé des descendants de cette immigration depuis les années 80, et voilà le résultat. La meilleure preuve nous a été donnée par le triste sire Claude Allègre, qui ne se cachait du mépris qu’il avait pour les enfants de la classe ouvrière, et tout particulièrement ceux des ZEP et autres ZAC: il affirmait qu’il devaient se contenter d’apprendre à lire et écrire pour comprendre les instructions qu’ils recevraient dans le cadre de leurs futurs emplois…
             
            Donc, oui, un peuple a tout de même le droit, et même le devoir de savoir qui peut ou pas devenir citoyen. Faute de quoi, le refus d’exigence peut devenir un poison mortel pour l’existence même d’un pays…

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [Donc, oui, un peuple a tout de même le droit, et même le devoir de savoir qui peut ou pas devenir citoyen. Faute de quoi, le refus d’exigence peut devenir un poison mortel pour l’existence même d’un pays…]

              Je nuancerai. Pour moi, il est clair qu’il faut qu’il y ait des règles, et des règles exigeantes. Autrement dit, on ne doit pouvoir devenir citoyen que lorsqu’on accepte de faire l’effort de s’assimiler. La question n’est donc pas tant de “savoir qui peut ou pas devenir citoyens” que de fixer des règles. Tous ceux qui se soumettent à ces règles ont vocation à devenir “citoyens”.

          • François dit :

            @Descartes
            [Possible. Mais en politique, la recherche de coupables n’est pas très productive. La question fondamentale est de savoir si nous voulons nous opposer à la remise en cause de la solidarité intergénérationnelle, ou si nous acceptons de la voir se dissoudre.]
            Mais justement, ça ne sont pas les soixante-huitards, qui en tuant symboliquement le Père, ont remis en cause la solidarité intergénérationnelle ?
            [Je suis moins sévère que vous. Le fait est que nous vivons de plus en plus vieux et en meilleure santé, que nous entrons de plus en plus tard dans la vie active, que nous consommons des soins de plus en plus chers, et que la productivité ne progresse que très lentement.]
            Comme je l’avais expliqué initialement, je sais que cette mesure est inéluctable, seulement dans le cas présent, on est comme avec le patron qui demande à ses salariés de se serrer la ceinture après s’en être mis plein les poches.
             
            [« L’insouciance » des trente glorieuses n’a pas été vécue de la même manière chez les ouvriers et chez les petits-bourgeois, et on l’a bien vu lors des évènements de 1968, avec un « mai étudiant » qui n’a pas grande chose à voir avec le « mai ouvrier ».]
            Seulement, parmi le « mai étudiant », il y avait pas mal de fils d’ouvriers. Mai 68 est la conséquence directe de la massification de l’enseignement de masse. On est passé d’une société où les diplômés du supérieur étaient rares dans la société, et pouvaient difficilement vivre coupés du reste de la société et influer sur les choix politiques, à celle où ils sont devenus suffisamment pour vivre séparé et peser sur les choix politiques.
             
            [Attention à l’interprétation des chiffres. L’abstention à Trappes est une moyenne entre l’abstention des musulmans et celle des autres. Quand vous regardez bureau par bureau les résultats dans les cités ou les musulmans constituent une large majorité, vous trouvez souvent des taux d’abstention bien plus importants. Je n’ai pas fait l’exercice pour cette élection, mais je l’avais fait en 2017 et c’était très clair.]
            En pourcentage des inscrits, le score de Mélenchon varie de 35,43% à 51,46% par bureau de vote à Trappes.
             
            [Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez « vote communautaire ». Si pour vous le fait de voter pour le candidat le plus à même de défendre vos intérêts le caractérise, alors tout vote est communautaire.]
            J’appelle vote communautaire, tout vote qui tend à donner un traitement de faveur à un ensemble d’individus partageant et lié à certaines caractéristiques communes, en particulier ethniques, religieuses, sexuelles. Ainsi, un immigré d’origine algérienne et qui vote pour un candidat qui propose de s’excuser auprès de l’Algérie pour la colonisation fait du vote communautaire.
            [Moi aussi, je vote pour celui qui me paraît le mieux à même de défendre mes intérêts.]
            Vous oubliez l’intérêt supérieur de la nation 😉
            [Le vote communautaire ce n’est pas ça. Le vote communautaire repose sur l’idée que la communauté a des intérêts qui dépassent les individus, et que les individus choisissent leur candidat non pas en fonction de leurs intérêts individuels, mais des intérêts de la communauté.]
            Mais c’est exactement ce qu’il se passe. Les musulmans votent pour Mélenchon, parce qu’il leur promet entre autres la fin de « l’islamophobie ».
            [Ce qui suppose d’ailleurs une communauté structurée, avec des institutions capables d’indiquer un vote. C’est le cas de certaines communautés en France – les arméniens à Marseille, par exemple – mais certainement pas des musulmans, qui forment un groupe trop fracturé, avec des intérêts trop divers pour arriver à définir un intérêt commun.]
            Ah mais je vous informe que leurs institutions sont capables d’indiquer un vote :
            https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/deux-federations-musulmanes-dont-la-mosquee-de-paris-appellent-a-voter-macron-15-04-2022-62YY5FHIHNFTXL6AWDMVUV7ZUM.php
             
            [Je ne vois pas très bien en quoi. Pour les « allogènes » assimilés et qui s’en sortent grâce à la promotion scolaire – et ils sont bien plus nombreux qu’on ne le pense généralement – le discours victimiste de Mélenchon est toxique.]
            Ceux qui cessent grosso modo de se penser comme appartenant à une communauté, mais se pensent d’abord comme ayant leur propre individualité ne sont plus concernés par le vote communautaire. Et pour en côtoyer pas mal, effectivement ils sont assez nombreux, et ça se passe bien avec eux. Aux autres de suivre le même chemin.
            Sinon, j’appelle « allogène », tout immigré qui refuse d’entamer le processus d’assimilation à la communauté nationale. En utilisant ce terme, je pense d’abord à remettre les points sur les i, ayant en tête l’inversion sémantique de la sinistre Fatiha Bouteldja et son « parti des indigènes de la république ».
             
            [Mais il ne vous aura pas échappé que le « candidat pro-erdogan » n’a fait que 5% de voix, et cela dans une commune ou la population d’origine turque est fort nombreuse…]
            Seulement aux municipales de 2014, il était inexistant. Rome ne s’est pas construite en un jour.
             
            [Que les québécois, qui construisent une partie de leur identité par opposition au monde anglosaxon, cherchent à résoudre leurs problèmes – ici celui du port du voile – en se référant au modèle français n’est pas surprenant. Mais y voir une « essence » me paraît très excessif…]
            Seulement, là où les québecois voient un problème (le port du voile ici), leurs voisins anglo-saxons n’en voient nullement. Ils pourraient vaguement s’inspirer du modèle français pour affirmer leur identité, mais ici c’est suffisamment poussé pour qu’ils se posent les mêmes questions de société qu’outre-Atlantique. De là à se demander si malgré 250 ans de séparation (hélas forcée), il n’ont pas conservé le même fond de mentalité…
             
            [Mais avec « l’assimilation intérieure », la IIIème République fait bien plus que « compléter » cet édifice identitaire : elle le modifie radicalement, ajoute des tourelles, en supprime d’autres.]
            En quoi elle le modifie radicalement ? Je le répète, compte tenu de son caractère démocratique, la IIIème république ne pouvait appliquer son programme seulement qu’avec l’aval de ses électeurs, qui ont préféré l’identité nationale à leur identité locale. Le fait qu’un provençal, qui ne parle pas un mot de français, est prêt à faire confiance à des élites résidant à Paris est selon moi la preuve d’un processus d’intégration nationale particulièrement avancé. Tout comme le fait que plus de 10% des alsaciens-lorrains ont préféré émigrer après le traité de Francfort plutôt que de devenir Allemands. (https://www.cdha.fr/lemigration-des-alsaciens-lorrains-en-algerie). Sans oublier que les mouvements régionalistes qui ont surtout été le fait des élites urbaines de province.
            [La retraite par répartition, la sécurité sociale, la fonction publique de carrière marquent très profondément nos réflexes et nos habitudes.]
            Il s’agit plus d’habitudes liées à un environnement donné plutôt que de caractères structurants des individus. Et je constate que l’on assiste au saccage de notre fonction publique (le dernier méfait en date étant la dissolution du corps diplomatique) dans la plus grande indifférence de nos compatriotes.
             
            [Je serais intéressé de savoir comment vous mesurez la « qualité » de l’immigration. Si vous la mesurez à sa capacité à s’assimiler, alors ce que vous dites plus haut est une tautologie.]
            En quoi est-ce une tautologie ? Comme l’a expliqué CVT, la qualité de l’immigration selon Francis Bouygues se mesurait à sa capacité à effectuer des travaux sans être en mesure de se coaliser pour défendre leurs intérêts.
             
            [Eh oui, l’URSS a beau être défunte, mais en termes d’éducation elle a laissé de beaux restes…]
            C’est fascinant qu’un pays, dont le budget se résume grosso modo à payer les charge de la dette et les dépenses militaires, miné par la corruption, réussisse tout de même à maintenir un enseignement de qualité.
            Tout comme il est regrettable que tant dans la période communiste et post-communiste, les pays de l’ex-URSS n’ont pas réussi à tirer profit de leur capital humain, dont les PIB devraient être au moins équivalent à ceux d’Europe occidentale.
             
            [[Je l’affirme : si demain la France redevenait une nation prospère et fière de son identité, on n’aurait pas plus de proportion d’assimilés.]Je n’ai pas compris cette formule.]
            Juste que le niveau de prospérité économique et de confiance d’une société et soi n’a aucune incidence sur le niveau d’assimilation des allogènes.
             
            [Mais justement, vous avez là un très bon exemple de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Les décrets Crémieux rendaient l’intégration dans le statut civil français OBLIGATOIRE pour certains groupes (les juifs) et FACULTATIVE pour d’autres (les musulmans). Là où elle était obligatoire, elle a réussi et les juifs du Maghreb se sont massivement assimilés.]
            Non, l’intégration à la citoyenneté des juifs, a été obligatoire parce-qu’ils étaient déjà en grande partie assimilés, les quelques éventuels réfractaires étant trop peu nombreux pour entraver ce processus, c’était donc une mesure qui allait de soi. Voici un extrait de L’Année des dupes du Père Attali dans la page Wikipedia consacrée au décret Crémieux :

            « à partir de 1840, même ceux des Juifs qui n’ont pas de relations avec les communautés juives françaises et livournaises donnent des prénoms français à leurs enfants, changent les leurs, s’habillent à la française et, s’ils en ont les moyens, quittent le quartier juif pour s’installer dans les quartiers qu’occupent les Européens » (p. 29).
            Par ailleurs, les Français ont pour objectif de capter les terres algériennes, « et pour avoir ces terres, il faut exproprier les musulmans » (p. 27) ; cela ne concerne que les musulmans, « puisque les Juifs ne sont pas propriétaires » (p. 28). Le fait est que cette spoliation serait devenue beaucoup plus difficile à réaliser à l’encontre de propriétaires faits citoyens français.
            Jacques Attali ajoute que, partir de 1865, « l’Empire reconnaît aux Juifs et aux musulmans le droit de demander individuellement la citoyenneté française » (p. 37). Ils doivent pour cela abandonner, pour les uns la loi mosaïque, pour les autres la loi coranique. Or c’est « plus difficile pour un musulman, puisque cela suppose de faire connaître son intention de sortir de la communauté religieuse à sa famille et à ses proches ; en général très hostile. De plus, le candidat doit renoncer ouvertement à cinq pratiques, incompatibles avec le Code civil français », dont la polygamie (p. 38).

            On constate ainsi que le nombre de juifs naturalisés avant le décret Crémieux était bien plus élevé tant en valeur relative qu’en valeur absolue de celui des musulmans : https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2012-2-page-47.htm
            Donc si on n’a pas rendu la citoyenneté obligatoire pour les musulmans, c’était certes par intérêt, mais aussi parce-que les autorités coloniales n’étaient pas en mesure de le faire, sauf à entamer un nouveau tour de répression sanglante. Et je le répète : le statut d’indigène était suffisamment infamant pour constituer une bonne pression assimilatrice.
            [la crainte des grands intérêts coloniaux que les musulmans, une fois assimilés, n’acceptent plus de travailler dans des conditions misérables. Exactement la même raison pour laquelle on a cassé l’assimilation en métropole…]
            Oui, mais la porte leur était ouverte, tout comme elle est toujours ouverte ici. Ici maintenant et là-bas avant, on n’a jamais été dans un régime de ségrégation comme aux USA et en Afrique du Sud où dès la naissance le statut était assigné.
             
            [Autrement dit, l’assimilation imposée. Vous aboutissez exactement à la même solution que moi, sauf que pour moi le bâton doit être combiné avec une carotte : à côté des restrictions, une véritable possibilité de promotion sociale par l’école…]
            C’est que je n’ai pas particulièrement envie d’être gentil avec des ingrats. Surtout que la carotte a déjà été mangée, en leur offrant parmi tant d’autres choses une éducation et une sécurité sociale gratuites. Si ça n’est le plus, la France et l’un des pays parmi les plus généreux au monde, et ils trouvent quand même le moyen de cracher à la figure, tout en fantasmant les pays faillis que leurs parents ont quitté.
             
            [Moi je ne veux pas « envoyer les professeurs de Louis le Grand dans les cités ». Je veux que les jeunes des cités puissent à travers le travail et le mérite être envoyés à Louis le Grand. Ce n’est pas du tout la même chose.]
            Eh bien qu’ils travaillent et méritent pour pouvoir aller à Louis le Grand, au lieu de rendre pour des raisons diverses et variées, la vie de leurs professeurs infernales.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Mais justement, ça ne sont pas les soixante-huitards, qui en tuant symboliquement le Père, ont remis en cause la solidarité intergénérationnelle ?]

              Possible. Mais vous recommencez à chercher des coupables plutôt que des solutions.

              [« L’insouciance » des trente glorieuses n’a pas été vécue de la même manière chez les ouvriers et chez les petits-bourgeois, et on l’a bien vu lors des évènements de 1968, avec un « mai étudiant » qui n’a pas grande chose à voir avec le « mai ouvrier ». » Seulement, parmi le « mai étudiant », il y avait pas mal de fils d’ouvriers.]

              « Pas mal » ? Pas tant que ça, en fait. En 1968 les bacheliers – et le baccalauréat était indispensable pour faire des études supérieures – étaient encore une minorité, moins de 20% d’une classe d’âge, et de ces 20% seule une minorité étaient des fils d’ouvrier.

              [Mai 68 est la conséquence directe de la massification de l’enseignement de masse. On est passé d’une société où les diplômés du supérieur étaient rares dans la société, et pouvaient difficilement vivre coupés du reste de la société et influer sur les choix politiques, à celle où ils sont devenus suffisamment pour vivre séparé et peser sur les choix politiques.]

              Mais cette transition n’avait pas encore eu lieu en 1968. Mai 68 est moins la conséquence d’une massification de l’université, mais la révolte d’une jeunesse des « classes intermédiaires » devant un ralentissement économique qui annonçait la fin des « trente glorieuses » et qui rendait indispensable de détruire les échelles qui lui avaient permis de bénéficier de la promotion sociale.

              [J’appelle vote communautaire, tout vote qui tend à donner un traitement de faveur à un ensemble d’individus partageant et lié à certaines caractéristiques communes, en particulier ethniques, religieuses, sexuelles. Ainsi, un immigré d’origine algérienne et qui vote pour un candidat qui propose de s’excuser auprès de l’Algérie pour la colonisation fait du vote communautaire.]

              Un petit commerçant qui vote pour celui qui lui propose de supprimer les taxes sur le petit commerce, une femme qui vote le candidat qui propose d’allonger le congé maternité, vous diriez que c’est du « vote communautaire » ?

              [« Le vote communautaire ce n’est pas ça. Le vote communautaire repose sur l’idée que la communauté a des intérêts qui dépassent les individus, et que les individus choisissent leur candidat non pas en fonction de leurs intérêts individuels, mais des intérêts de la communauté. » Mais c’est exactement ce qu’il se passe. Les musulmans votent pour Mélenchon, parce qu’il leur promet entre autres la fin de « l’islamophobie ».]

              Mais « la fin de l’islamophobie » est une question d’intérêt INDIVIDUEL des musulmans, ou est-ce l’intérêt de leur COMMUNAUTE ?

              [Ah mais je vous informe que leurs institutions sont capables d’indiquer un vote :]

              D’indiquer un vote a TOUS les musulmans ? Non, pas vraiment. Les exemples que vous donnez ne concernent qu’une toute petite partie des musulmans français.

              [Sinon, j’appelle « allogène », tout immigré qui refuse d’entamer le processus d’assimilation à la communauté nationale.]

              C’est une vision très personnelle du mot. « Allogène », au sens stricte, est celui qui est né ailleurs.

              [« Mais avec « l’assimilation intérieure », la IIIème République fait bien plus que « compléter » cet édifice identitaire : elle le modifie radicalement, ajoute des tourelles, en supprime d’autres. » En quoi elle le modifie radicalement ?]

              En ce qu’il a substitué à une identité populaire qui était fondamentalement locale une identité véritablement nationale.

              [Je le répète, compte tenu de son caractère démocratique, la IIIème république ne pouvait appliquer son programme seulement qu’avec l’aval de ses électeurs, qui ont préféré l’identité nationale à leur identité locale. Le fait qu’un provençal, qui ne parle pas un mot de français, est prêt à faire confiance à des élites résidant à Paris est selon moi la preuve d’un processus d’intégration nationale particulièrement avancé.]

              Mais votre provençal ne faisait pas confiance aux élites résidant à Paris : il faisait confiance à son député qui, lui, parlait provençal. C’est l’assimilation intérieure qui permet de rendre effectif le rêve des révolutionnaires d’une collectivité des citoyens pouvant débattre entre eux.

              [« Je serais intéressé de savoir comment vous mesurez la « qualité » de l’immigration. Si vous la mesurez à sa capacité à s’assimiler, alors ce que vous dites plus haut est une tautologie. » En quoi est-ce une tautologie ?]

              Vous dites que si on n’arrive pas à assimiler c’est parce que « l’on a importé en masse une immigration de très basse qualité ». Si vous définissez un immigré « de basse qualité » comme un immigré qui ne s’assimile pas, votre affirmation est tautologique puisqu’elle est vraie par définition.

              [« Eh oui, l’URSS a beau être défunte, mais en termes d’éducation elle a laissé de beaux restes… » C’est fascinant qu’un pays, dont le budget se résume grosso modo à payer les charge de la dette et les dépenses militaires, miné par la corruption, réussisse tout de même à maintenir un enseignement de qualité.]

              Parce que la qualité de l’enseignement tient pour beaucoup à l’engagement des parents. Quand les parents sont convaincus que l’éducation est un bien fondamental, la moitié de la bataille est gagnée. Or, c’est là que l’URSS a peut-être connu son plus beau succès.

              [Tout comme il est regrettable que tant dans la période communiste et post-communiste, les pays de l’ex-URSS n’ont pas réussi à tirer profit de leur capital humain, dont les PIB devraient être au moins équivalent à ceux d’Europe occidentale.]

              Si ces pays avaient continué sur la pente des années 1930, c’aurait été le cas. Hélas, l’occident a fait ce qu’il fallait pour casser cet élan…

              [Juste que le niveau de prospérité économique et de confiance d’une société et soi n’a aucune incidence sur le niveau d’assimilation des allogènes.]

              On peut en discuter pour la prospérité économique. Mais pour la confiance en soi, l’effet est assez évident. Assimiler implique donner envie à un individu de faire partie d’une collectivité nationale qui lui est étrangère. Et pour générer cette envie, il faut que la collectivité en question propose le récit d’un avenir radieux et affiche sa confiance à pouvoir l’atteindre. Qui a envie d’appartenir à une collectivité – avec les droits et les devoirs qui vont avec – alors que cette collectivité est convaincue de sa déchéance ?

              [Donc si on n’a pas rendu la citoyenneté obligatoire pour les musulmans, c’était certes par intérêt, mais aussi parce-que les autorités coloniales n’étaient pas en mesure de le faire, sauf à entamer un nouveau tour de répression sanglante.]

              Peu importe les raisons pour lesquelles on n’a pas rendu obligatoire l’assimilation pour les uns et obligatoire pour les autres. Le fait est que quand on l’a rendu obligatoire ca marche, quand on le rend facultatif, ça ne marche pas.

              [Et je le répète : le statut d’indigène était suffisamment infamant pour constituer une bonne pression assimilatrice.]

              En quoi était-il « infamant » ?

              [Oui, mais la porte leur était ouverte, tout comme elle est toujours ouverte ici. Ici maintenant et là-bas avant, on n’a jamais été dans un régime de ségrégation comme aux USA et en Afrique du Sud où dès la naissance le statut était assigné.]

              Vrai. Mais « la porte ouverte » ne suffit pas. Il faut que quelqu’un vous pousse pour la franchir.

  29. Moisan dit :

    Pour revenir au score de Mélenchon, je suis surpris qu’il obtienne
    des  55% dans des villes de droite comme Roubaix ou Aulnay sous
    Bois à forte population musulmane.. Ces villes sont à droite depuis 1983 avec une petite parenthèse PS. 
    J’en déduis un vote communautaire musulman. Je ne vois pas d’autre explication. 
    La thèse du positionnement “islamo-gauchiste” de JLM semble tenir la route. 

    • Descartes dit :

      @ Moisan

      [J’en déduis un vote communautaire musulman. Je ne vois pas d’autre explication.]

      Oui et non. Imaginons – ce qui semble assez raisonnable – que les musulmans d’Aulnay ou de Roubaix veulent choisir un vote protestataire. Le discours de Zemmour ou celui de MLP “recentrée” sur les fondamentaux du RN après avoir abandonné le positionnement “social-souverainiste” de 2017 ne sont pas pour eux des choix attractifs. Il ne reste donc plus que Mélenchon. Alors oui, les musulmans ont voté Mélenchon dans certaines circonscriptions, mais je ne pense pas qu’ils aient voté pour lui “parce que” musulmans.

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes
         
        Faudrait préciser d’ailleurs ce qu’on entend par “les musulmans”… Parce qu’à Mayotte, dont la population est à plus de 90% musulmane, Le Pen a fait un carton…
         
        En passant, ce que je trouve intéressant en regardant les résultats au niveau local est la faible porosité des votes Zemmour et Le Pen. Dans le nord et l’est, où le vote RN est essentiellement pauvre, Zemmour n’a que rarement dépassé la moyenne nationale et a même eu des faibles scores, quand Le Pen marchait bien. Par contre dans l’ouest de la région parisienne par exemple, Zemmour a eu des très bons scores, dans des endroits qui encore une fois ont très peu voté RN. Tout cela confirme mon impression que Zemmour et ceux qui l’entourent n’ont réellement aucune notion des questions sociales et de leur importance : oui, l’immigration inquiète les couches populaires, mais au même titre que l’emploi et le pouvoir d’achat, et faire un sandwich anti-immigration entre deux tranches de cadeaux aux riches, ça ne passe pas…

        • Descartes dit :

          @ BolchoKek

          [Faudrait préciser d’ailleurs ce qu’on entend par “les musulmans”… Parce qu’à Mayotte, dont la population est à plus de 90% musulmane, Le Pen a fait un carton…]

          C’était bien mon point. C’est une erreur de conclure à une causalité à partir d’une coïncidence. Le fait que les musulmans de Seine Saint Denis aient voté largement Mélenchon n’implique pas qu’ils l’aient fait PARCE QUE musulmans… et ton exemple le souligne parfaitement.

          [oui, l’immigration inquiète les couches populaires, mais au même titre que l’emploi et le pouvoir d’achat, et faire un sandwich anti-immigration entre deux tranches de cadeaux aux riches, ça ne passe pas…]

          Exactement. Le RN a réussi à sortir de son réservoir traditionnel de voix (rapatriés, cathos tradi, etc.) grâce au “social-souverainisme” qui s’éloignait radicalement de la vision libérale du père pour revenir à une sorte de néo-gaullisme chez la fille. Zemmour, d’une certaine façon, c’est le retour chez Jean-Marie…

        • @ Descartes & Bolchokek,
           
          [Parce qu’à Mayotte, dont la population est à plus de 90% musulmane, Le Pen a fait un carton…]
          En effet. Il faut dire que, tous musulmans qu’ils soient, les Mahorais sont confrontés depuis des années à une très forte immigration illégale… C’est donc une situation très spécifique.
           
          Pour le reste, revenons aux faits:
          – Mélenchon est en tête en Seine-Saint-Denis avec 49 % des voix (pour info, Macron est 2ème avec 20,2 % des voix), et réalise des scores impressionnants à Bobigny (60,1 %), Aulnay-sous-Bois (50,6 %), La Courneuve (63,9 %).
          – A Trappes, Mélenchon obtient 60,6 % des suffrages et 54,3 % à Mantes la Jolie (dans les Yvelines).
          – A Sarcelles (Val d’Oise), il fait 47,9 % des voix.
          – A Roubaix, il est à 52,5 %.
          – A Vénissieux, il réalise 48,7 %.
           
          Tous ces territoires hébergent de très importantes populations issues de l’immigration et de confession musulmane. Alors certes, il y a de l’abstention, certes tous les habitants de ces communes ne sont pas musulmans. Il n’en demeure pas moins qu’à chaque fois, Mélenchon est très largement en tête, approchant et parfois dépassant les 50 %. Je veux bien qu’on pose tout un tas de réserves, mais enfin tout de même: de tels scores sont-ils vraiment envisageables dans ces zones sans le soutien d’une partie importante des électeurs musulmans (parmi ceux qui vont voter)? J’ai un peu de mal à le croire.
          Il n’est pas non plus interdit de penser que Mélenchon récolte les fruits de sa participation à la manifestation “contre l’islamophobie” de novembre 2019. Les musulmans ne sont pas des crétins. Si j’ai de la mémoire, ils en ont aussi.
          On peut aussi se demander si les compromissions de Mélenchon et de son entourage avec la mouvance décoloniale et indigéniste n’a pas attiré certains électeurs musulmans. En tout cas, son concept de “créolisation” a apparemment fait un tabac en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion. On en viendrait presque à se demander s’il n’y a pas quand même un “vote basané”…
          Rappelons qu’il y a des années de cela, en visite au Venezuela, Mélenchon affirmait que les gens qu’il croisait avait “cette peau marron qu’arborent les plus beaux êtres humains” (je ne me souviens plus des mots exacts mais je l’avais lu sur le propre blog de Mélenchon). Il y a eu tous les discours vantant l’inestimable apport de l’Afrique à la France. De ce point de vue, ça fait quand même un moment que Méluche drague les noirs et les Arabes. Il est beaucoup moins disert sur l’immigration extrême-orientale…
           
          [C’est une erreur de conclure à une causalité à partir d’une coïncidence. Le fait que les musulmans de Seine Saint Denis aient voté largement Mélenchon n’implique pas qu’ils l’aient fait PARCE QUE musulmans…]
          Dans ces banlieues islamisées où la population est peu ou pas assimilée, l’islam fait office d’identité communautaire. Ces gens pensent musulman, bouffent musulman, s’habillent musulman… Et, on ne sait par quel miracle, ils ne voteraient pas en tant que musulmans? Encore une fois, c’est un peu difficile à croire.
           
          Mais admettons que tous ces braves gens n’aient pas voté Mélenchon PARCE QUE musulmans, mais du fait de leur intérêt. Ce sont des populations pauvres, confrontées au chômage et à la précarité, souffrant d’insécurité. Leur “intérêt” serait le rétablissement de l’ordre et des frontières, la réduction de l’immigration et la réindustrialisation du pays. On peut comprendre que leur vote ne se soit pas porté sur Zemmour, qui tient un discours sévère sur l’islam. Mais ils auraient dû logiquement voter Marine Le Pen, qui s’est montrée plutôt modérée voire discrète à l’endroit des musulmans durant cette campagne. Or Le Pen arrive généralement en 3ème position avec un score autour de 10-12 % dans les zones que j’ai citées. Ce n’est pas méprisable m’enfin ce n’est pas non plus extraordinaire…
           
          Il ne faut pas “conclure à une causalité à partir d’une coïncidence” mais il ne faut pas non plus écarter d’un revers de main tout un faisceau d’indices concordants: le discours franchement islamophile et multiculturaliste de Mélenchon, son approche de la laïcité devenue ambivalente, les compromissions de la France Insoumise avec les islamistes, les décoloniaux, les indigénistes et les gros scores de Jean-Luc dans les enclaves islamisées et communautarisées. On peut se dire que ça fait beaucoup de coïncidences quand même. L’optimisme méthodologique est une bonne chose mais il ne doit pas conduire non plus à affirmer qu’il fait nuit à midi…

          • Descartes dit :

            @ nationaliste-ethniciste

            [Il n’est pas non plus interdit de penser que Mélenchon récolte les fruits de sa participation à la manifestation “contre l’islamophobie” de novembre 2019. Les musulmans ne sont pas des crétins. Si j’ai de la mémoire, ils en ont aussi.]

            Tout votre raisonnement repose sur l’idée qu’il existe un « vote musulman », autrement dit, que les électeurs musulmans votent d’abord en tant que musulmans, et seulement ensuite en fonction de leurs intérêts. Mais cette théorie n’a pas de support dans la réalité : on a bien vu que toutes les tentatives de mettre en place un « parti des musulmans de France » exploitant le vote communautaire ont échoué. On trouve un vote de ce type chez certaines communautés qui n’ont rien de musulman – le cas des arméniens à Marseille est typique – mais pas chez les musulmans, ce qui est d’ailleurs assez compréhensible si l’on tient compte des conflits internes à la communauté, qui tiennent aux conflits entre les pays d’origine.

            A mon sens, c’est plutôt le discours Zemmourien et son obsession avec l’Islam qui a provoqué un réflexe de défense, poussant d’abord les musulmans à voter, et à choisir le seul vote qui apparaissait à la fois anti-Macron et anti-Zemmour.

            [On peut aussi se demander si les compromissions de Mélenchon et de son entourage avec la mouvance décoloniale et indigéniste n’a pas attiré certains électeurs musulmans.]

            Je n’y crois pas un instant. Les mouvances « décoloniales et indigénistes » ont une influence dans les cercles universitaires, mais aucune dans les cités. Par contre, son positionnement anti-flic et ses papouilles aux Adama et consorts, certainement…

            [En tout cas, son concept de “créolisation” a apparemment fait un tabac en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion. On en viendrait presque à se demander s’il n’y a pas quand même un “vote basané”…]

            Là, par contre, c’est clair. Et ça marche parce que Mélenchon reprend un discours ancien et très populaire dans ces îles, puisqu’il valorise les sociétés locales – fortement « créolisées » – par rapport à une métropole avec laquelle les liens sont toujours marqués à la fois par un complexe d’infériorité et par une posture revendicative. Le fait que ces sociétés « créolisées » ne sont vivables que grâce à une injection permanente d’argent venue de cette métropole désespérément « non-créolisée » ne semble par contre gêner personne.

            [Rappelons qu’il y a des années de cela, en visite au Venezuela, Mélenchon affirmait que les gens qu’il croisait avait “cette peau marron qu’arborent les plus beaux êtres humains” (je ne me souviens plus des mots exacts mais je l’avais lu sur le propre blog de Mélenchon). Il y a eu tous les discours vantant l’inestimable apport de l’Afrique à la France.]

            On ne guérit pas de sa jeunesse. Mélenchon est de cette génération qui fut fascinée par les révolutions « exotiques », et tout particulièrement par l’Amérique Latine. Si vous voulez vous amuser, lisez « la révolution dans la révolution » de Régis Debray, un opuscule délirant écrit dans les années 1960 et qui montre bien combien nos plus brillants normaliens pouvaient se laisser séduire par la figure du paysan bolivien ou algérien. Et cette fascination était très compréhensible : l’Afrique ou l’Amérique Latine apparaissaient comme des terres « nouvelles », ou les gens n’étaient pas corsetées comme en Europe par des institutions millénaires, et où il suffisait – du moins le pensaient-ils – d’une petite troupe de révolutionnaires décidés pour tout changer. Relisez ce que Mélenchon a écrit sur Chavez, et vous retrouverez exactement cette vision. Au Venezuela, le Caudillo pointe du doigt et dit « que la lumière soit » et la lumière se fait (à quel prix, c’est une autre affaire). A Paris, un Caudillo pointerait le doigt… et il se retrouverait à devoir mobiliser la fonction publique, à se battre avec le Medef, les syndicats, les partis, le Conseil d’Etat, l’Union européenne…

            Bien sûr, quand le Caudillo est éclairé, le système latino-américain est plus agile. Mais quand le Caudillo est malhonnête – ou entouré de gens malhonnêtes, ce qui est encore plus fréquent – et incapable, il n’y a pas de garde-fou pour empêcher le désastre. C’est ce que les gauchistes français n’ont toujours pas compris, lorsqu’ils vantent la supériorité des « révolutions latino-américaines »…

            [« C’est une erreur de conclure à une causalité à partir d’une coïncidence. Le fait que les musulmans de Seine Saint Denis aient voté largement Mélenchon n’implique pas qu’ils l’aient fait PARCE QUE musulmans… » Dans ces banlieues islamisées où la population est peu ou pas assimilée, l’islam fait office d’identité communautaire. Ces gens pensent musulman, bouffent musulman, s’habillent musulman… Et, on ne sait par quel miracle, ils ne voteraient pas en tant que musulmans ?]

            Je ne sais pas « par quel miracle », mais le fait est qu’ils ne le font pas : toutes les tentatives de monter des « listes communautaires » aux élections se sont soldés par des échecs retentissants. Si votre raisonnement était juste, un « parti des musulmans de France » devrait pouvoir sans difficulté faire élire les siens dans les nombreuses collectivités où les musulmans sont majoritaires. Il ne semble pas que ce soit le cas.

            [Mais admettons que tous ces braves gens n’aient pas voté Mélenchon PARCE QUE musulmans, mais du fait de leur intérêt.]

            Je dirais plutôt par réaction. Les propos obsessionnels de Zemmour, exprimés sans nuances et souvent excessifs, ont été largement relayés et même exagérés par tous les commentateurs de l’univers médiatique. Mettez-vous dans la peau d’un musulman français. Ne vous sentiriez-vous pas agressé par ce discours ?

            [Ce sont des populations pauvres, confrontées au chômage et à la précarité, souffrant d’insécurité. Leur “intérêt” serait le rétablissement de l’ordre et des frontières, la réduction de l’immigration et la réindustrialisation du pays. On peut comprendre que leur vote ne se soit pas porté sur Zemmour, qui tient un discours sévère sur l’islam. Mais ils auraient dû logiquement voter Marine Le Pen, qui s’est montrée plutôt modérée voire discrète à l’endroit des musulmans durant cette campagne. Or Le Pen arrive généralement en 3ème position avec un score autour de 10-12 % dans les zones que j’ai citées. Ce n’est pas méprisable m’enfin ce n’est pas non plus extraordinaire…]

            Quel que soit son discours aujourd’hui, Marine Le Pen a un nom, et ce nom est difficile d’avaler pour une partie des Français d’origine immigrée. Par ailleurs, la situation des habitants des cités est ambiguë. Il est vrai qu’elles sont les premières victimes de l’insécurité. Mais il est vrai aussi qu’une partie non négligeable de leur revenu dans certaines cités provient d’activités « non-sanctas », qui vont du travail au noir au trafic de drogue en passant par celui de biens volés ou contrefaits. Le rétablissement de la loi et de l’ordre n’est donc pas nécessairement un gain pour eux, du moins sur le court terme. Mais je pense que le discours de Zemmour, qui souvent dérape d’un diagnostic sur l’immigration EN GENERAL vers une attaque de l’immigré EN TANT QUE PERSONNE – faute que MLP ne fait plus – a eu l’effet néfaste de pousser ces populations vers le vote Mélenchon.

            • @ Descartes,
               
              [Mais cette théorie n’a pas de support dans la réalité : on a bien vu que toutes les tentatives de mettre en place un « parti des musulmans de France » exploitant le vote communautaire ont échoué.]
              Je réfute cet argument. Le fait qu’il n’y ait pas un “parti catholique” ou un “parti pied-noir” n’implique nullement qu’il n’y ait pas un “vote catholique” ou un “vote pied-noir”, au sens où ces groupes ont plutôt tendance à voter pour certaines formations politiques plutôt que pour d’autres.
               
              [c’est plutôt le discours Zemmourien et son obsession avec l’Islam qui a provoqué un réflexe de défense, poussant d’abord les musulmans à voter, et à choisir le seul vote qui apparaissait à la fois anti-Macron et anti-Zemmour.]
              Personnellement, je partage cette soi-disant “obsession”, peut-être parce que l’islamisation ne se joue pas seulement dans les lointaines banlieues des métropoles, mais tout simplement dans ma ville, dans mon quartier. Le “Grand Remplacement” n’est pas pour moi un fantasme, mais un processus bien réel qui affecte les quartiers nord de Blois où je vis. Il faut regarder la composition ethnico-religieuse des classes dans les écoles de cette zone, il faut compter les mères voilées à la sortie des établissements. Donc pour moi, il n’y a pas d’ “obsession”, il y a une réalité, d’ailleurs corroborée par les statistiques disponibles sur le très officiel site de France Stratégie qui s’appuie sur les données de l’INSEE. La méthode qui consiste à qualifier d’ “obsession” une réalité désagréable au motif qu’on la juge secondaire ou non-essentielle (voire embarrassante), ne me paraît pas très productive. L’islam et le “Grand Remplacement” ne sont pas le seul problème, mais sont un problème, et un vrai problème.
               
              Maintenant, si le discours de Zemmour a pu inciter les musulmans à aller voter, je m’en réjouis. Un peu de civisme ne fait jamais de mal. Et si les musulmans ont pris peur, tant mieux.
               
              [Mais je pense que le discours de Zemmour, qui souvent dérape d’un diagnostic sur l’immigration EN GENERAL vers une attaque de l’immigré EN TANT QUE PERSONNE – faute que MLP ne fait plus – a eu l’effet néfaste de pousser ces populations vers le vote Mélenchon.]
              Pourquoi “néfaste”? Aurait-il fallu se réjouir que les musulmans demeurassent abstentionnistes? Je trouve au contraire que le discours de Zemmour a le mérite de pousser à la clarification, en dévoilant l’alliance qu’on pressent depuis quelques temps entre les musulmans d’une part, et la gauche désormais acquise au multiculturalisme, au communautarisme et au wokisme d’autre part. Non seulement l’ennemi est clairement identifié, mais de surcroît il est géographiquement localisable.
               
              Maintenant, je pense que Zemmour, tout en ayant eu raison de tenir un discours très dur sur l’islam, aurait dû parler aussi de restauration de l’Etat et de centralisation. Vous avez écrit récemment un article – qu’à titre personnel j’ai trouvé remarquable tant sur le fond que sur la forme – sur la déliquescence de l’Etat. Or la décentralisation coûte très cher, ne montre pas une grande efficacité et gonfle démesurément les effectifs de la fonction publique territoriale pendant que la fonction publique d’Etat est soumise à la diète. Quand une personne de droite me dit: “il y a trop de fonctionnaires”, je réponds: “oui, il y a trop de fonctionnaires territoriaux”. 
               
              Il est regrettable, je vous le concède volontiers, que l’admirateur de Bonaparte et de De Gaulle qu’est Zemmour n’ait pas davantage travaillé sur l’instrument qui peut rendre à la France sa grandeur et son influence: l’Etat. 
               
              [Mettez-vous dans la peau d’un musulman français. Ne vous sentiriez-vous pas agressé par ce discours ?]
              Je me sens en permanence agressé par le discours d’une certaine gauche sur les blancs en général. Je constate pourtant que des blancs votent pour cette gauche… Le RN tient un discours acceptable pour les musulmans depuis quelques années maintenant. 

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Mais cette théorie n’a pas de support dans la réalité : on a bien vu que toutes les tentatives de mettre en place un « parti des musulmans de France » exploitant le vote communautaire ont échoué. » Je réfute cet argument. Le fait qu’il n’y ait pas un “parti catholique” ou un “parti pied-noir” n’implique nullement qu’il n’y ait pas un “vote catholique” ou un “vote pied-noir”, au sens où ces groupes ont plutôt tendance à voter pour certaines formations politiques plutôt que pour d’autres.]

              Faut être cohérent. Si vous pensez que les catholiques votent d’abord en fonction de leur religion, et seulement secondairement en fonction de leurs intérêts, on comprend mal comment aucun leader politique n’a pensé à exploiter cette priorité, sachant qu’en proposant un programme « catholique » il aurait derrière lui une majorité de Français. Oui, il y a quelques catholiques qui voteront un candidat « catholique » quelque fut son programme, mais c’est une infime minorité. Tellement infime que lorsque Boutin lance son parti chrétien-démocrate, elle ne trouve personne pour la suivre. L’immense majorité des catholiques regarde d’abord du côté portefeuille avant de voter, et seulement accessoirement les positions du candidat en matière de religion.

              Le cas des juifs pied-noir est d’ailleurs exemplaire : les juifs venus d’Afrique du Nord votent traditionnellement à droite, et même à l’extrême droite antigaulliste, alors que les juifs ashkénazes votent dans leur immense majorité au centre et à gauche. Pourtant, ils sont aussi « juifs » les uns que les autres. Preuve que leur vote reflète plus leur situation sociale et leur expérience historique que leurs attachements religieux. Et c’est la même chose pour les musulmans : je doute que les millionnaires musulmans résidents en France aient voté massivement pour Mélenchon.

              [Personnellement, je partage cette soi-disant “obsession”,]

              J’a cru remarquer, en effet… et je trouve cela très dommage. Les obsessions sont rarement productives, toujours dangereuses.

              [(…) peut-être parce que l’islamisation ne se joue pas seulement dans les lointaines banlieues des métropoles, mais tout simplement dans ma ville, dans mon quartier. Le “Grand Remplacement” n’est pas pour moi un fantasme, mais un processus bien réel qui affecte les quartiers nord de Blois où je vis.]

              Et vous n’êtes pas le seul. Mais constater un problème et vouloir une solution est une chose, réduire toute question sociale, économique, politique à ce problème-ci, c’en est une autre. J’ajouterai une autre chose : je suis d’accord avec vous sur la nécessité de restreindre les flux migratoires, d’expulser les clandestins, d’imposer l’assimilation. Mais dans cette position politique, il n’y a aucune question de sentiment. Je n’ai pas de haine envers ceux que je voudrais empêcher de venir chez nous ou expulser. Je peux même comprendre leur situation. Seulement, il s’agit d’une question politique, et donc fondamentalement tragique, et si je devais gouverner, je prendrais ces décisions les larmes aux yeux… mais je les prendrai quand même.

              Ce que je reprocherai à Zemmour – et un peu à vous-même, ne le prenez pas à mal – c’est de faire de cette question une affaire personnelle, de faire intervenir les sentiments dans une question où elle n’a rien à faire.

              [« Mais je pense que le discours de Zemmour, qui souvent dérape d’un diagnostic sur l’immigration EN GENERAL vers une attaque de l’immigré EN TANT QUE PERSONNE – faute que MLP ne fait plus – a eu l’effet néfaste de pousser ces populations vers le vote Mélenchon. » Pourquoi “néfaste”?]

              Parce que je pense qu’en votant Mélenchon, ces gens votent contre leurs intérêts. Mélenchon, c’est le représentant de cette gauche « intégrationniste » et anti-assimilationniste qui a produit SOS-Racisme – dans l’essor duquel Mélenchon a joué un rôle qui est loin d’être négligeable. Or, l’intérêt des musulmans, je persiste à le dire, est du côté de l’assimilation. C’est d’ailleurs mécanique : un mouvement politique qui peut compter sur un vote communautaire a tout intérêt à ce que cette communauté reste identique à elle-même, isolée du reste de la société.

              [Aurait-il fallu se réjouir que les musulmans demeurassent abstentionnistes ?]

              Non, ils auraient pu voter autre chose. Roussel, au hasard… ou même MLP.

              [Je trouve au contraire que le discours de Zemmour a le mérite de pousser à la clarification, en dévoilant l’alliance qu’on pressent depuis quelques temps entre les musulmans d’une part, et la gauche désormais acquise au multiculturalisme, au communautarisme et au wokisme d’autre part. Non seulement l’ennemi est clairement identifié, mais de surcroît il est géographiquement localisable.]

              Je me souviens des gauchistes chiliens et argentins qui soutenaient que le coup de Pinochet ou celui de Videla étaient positifs pour la classe ouvrière, puisqu’ils dévoilaient la véritable nature du régime bourgeois, que la démocratie bourgeoise occultait… Je ne pense pas que le discours de Zemmour sur l’immigration ait été positif : la « clarification » dont vous parlez se paye au prix fort.

              [Il est regrettable, je vous le concède volontiers, que l’admirateur de Bonaparte et de De Gaulle qu’est Zemmour n’ait pas davantage travaillé sur l’instrument qui peut rendre à la France sa grandeur et son influence: l’Etat.]

              Oui, mais c’est là aussi une conséquence de son « obsession ». A force de tout ramener à un seul problème, on efface tous les autres. J’avais au départ de sa campagne l’espoir qu’il choisisse comme mot d’ordre « impossible n’est pas français », une profession de foi qui ouvrait sur l’avenir et sur des projets collectifs. Je constante qu’il est parti ailleurs…

              [« Mettez-vous dans la peau d’un musulman français. Ne vous sentiriez-vous pas agressé par ce discours ? » Je me sens en permanence agressé par le discours d’une certaine gauche sur les blancs en général.]

              Très bien : quel effet a cette « agression » dans votre choix électoral ?

            • @ Descartes,
               
              [on comprend mal comment aucun leader politique n’a pensé à exploiter cette priorité, sachant qu’en proposant un programme « catholique » il aurait derrière lui une majorité de Français.]
              J’aurais dû préciser “catholiques pratiquants”. Et là, on est très loin de la majorité des Français.
               
              [Tellement infime que lorsque Boutin lance son parti chrétien-démocrate, elle ne trouve personne pour la suivre.]
              Je ne sais pas. Encore une fois, les catholiques pratiquants, militants, sont peu nombreux. Quelle est l’audience réelle de Boutin et de Poisson parmi ces gens-là? Je ne saurais le dire. Il n’est pas impossible qu’ils aient ramené à Zemmour des électeurs qui, a priori, auraient hésité à voter pour une personne de confession juive.
               
              [Mais constater un problème et vouloir une solution est une chose, réduire toute question sociale, économique, politique à ce problème-ci, c’en est une autre.]
              Je veux répondre à cela. Non, je ne réduis pas “toute question sociale, économique, politique à ce problème”. Comme vous, et comme d’autres sans doute, j’aimerais sortir de l’euro, sortir de l’UE, relancer l’industrie dans ce pays, rendre sa prospérité à la France et faire en sorte que le rapport de force soit davantage en faveur du travail et moins en faveur du capital. Pour cela, il faut déchirer le Traité de Maastricht et tous ceux qui l’ont suivi.
               
              Qui est disposé à le faire? Personne. Et les rares qui y étaient disposés se sont décrédibilisés en se vautrant dans le complotisme et l’anarchisme libertarien à l’occasion de la crise sanitaire. La perspective d’un Frexit, de mon point de vue, s’éloigne. Je constate que l’immigration est l’un des domaines où les états membres de l’UE disposent encore de quelques marges de manoeuvre: jusqu’à présent, on n’a pas pu imposer à des pays d’accepter des réfugiés quand ils n’en voulaient pas. Le Danemark mène une politique restrictive en matière d’immigration depuis de longues années maintenant. Si un des nombreux problèmes que nous avons peut être réglé, je pense que c’est celui de l’immigration. Et je pense également que si ce problème n’est pas réglé dans un délai raisonnable, la survie de la France comme nation historique n’est pas garantie.
               
              Alors oui, j’ai voté Eric Zemmour parce que je trouve que Marine Le Pen a trop policé son discours sur l’islam et sur l’immigration, et parce que les discours de gauche et du centre sur la “diversité heureuse” m’exaspèrent. Parmi tous les candidats qui se présentaient, Eric Zemmour était le seul à vouloir s’attaquer à un des problèmes qui me paraît fondamental, à savoir la question identitaire. Il a donc obtenu mon suffrage, d’autant qu’il est favorable à la filière nucléaire, autre point important à mes yeux comme aux vôtres. Mais j’ai bien conscience qu’en laissant de côté d’autres thématiques, Zemmour a restreint sa base électorale. Je ne regrette aucunement d’avoir voté pour lui, j’espérais qu’il atteindrait les 10 % mais au final son score est assez compréhensible. Et au fond, ce n’est pas un si mauvais score que ça.   
               
              [Mais dans cette position politique, il n’y a aucune question de sentiment. Je n’ai pas de haine envers ceux que je voudrais empêcher de venir chez nous ou expulser. Je peux même comprendre leur situation.]
              Je voudrais vous rassurer: je ne suis pas un monstre. Lorsque je vois des gens fuir la guerre et la misère, mon coeur se serre (et pas seulement quand ce sont des Ukrainiens blonds aux yeux bleus). Seulement, voilà, je suis historien, et pour moi, les trajectoires individuelles s’inscrivent dans une histoire qui dépasse l’itinéraire de telle ou telle personne. Et vous allez dire que je radote, mais j’y reviens à nouveau: les immigrés du Maghreb et d’Afrique subsaharienne sont issus pour l’essentiel d’anciennes colonies qui ont fait le choix de l’indépendance. Ce choix historique, je le respecte, mais c’est un choix dont il faut assumer les conséquences, car avec la liberté vient la responsabilité. Je ne suis pas d’accord pour que ces pays vivent grâce à l’aide au développement et à l’argent envoyé par les émigrés installés en Europe. Je ne suis pas d’accord avec cette idée que les populations d’Afrique du nord et d’Afrique noire aurait un “droit imprescriptible” à venir chez nous sous prétexte qu’elles ont été colonisées. Je regrette mais, à de très rares exceptions, j’estime que leur place n’est pas ici.
               
              Maintenant, en ce qui concerne spécifiquement les musulmans, je les trouve globalement très agressifs, très vindicatifs et trop peu respectueux de la culture française. Comme je suis curieux, j’ai jeté un oeil sur les discours de certains jeunes imams qui, paraît-il, ont une certaine audience auprès de la jeunesse musulmane de France. Le discours, s’il semble apaisé et ouvert dans la forme, est en réalité très dur sur le fond. Pas de concessions, jamais de concessions. Une seule revendication: vivre au maximum selon les préceptes de l’islam et avoir “droit au respect” de sa religion et de son mode de vie (une façon polie de demander la fin de toute critique, de tout blasphème, etc). Cette situation générale, c’est vrai, fait écho à ce que je vis au quotidien avec une enfant qui, à la cantine de l’école, se demande pourquoi elle fait partie des rares “classiques” quand la plupart de ses petits camarades sont “sans porc” ou “végé” (car beaucoup de musulmans refusant la consommation de viande non-hallal préfèrent inscrire leurs enfants comme végétariens…). Il n’y a pas besoin de haïr les musulmans, ils savent se rendre haïssables tous seuls. Si je vous disais comment se sont passés les “minutes de silence” après l’attentat contre Charlie Hebdo dans bien des établissements…
               
              Enfin, je dois vous dire que j’adhère à l’idée selon laquelle un ennemi est utile pour souder une collectivité. Le sentiment national français n’a jamais été aussi ardent qu’à l’époque où nos rapports avec les Anglais ou les Allemands étaient exécrables. Sans ennemi, on cesse d’exister. Il y a sûrement parmi les musulmans vivant dans ce pays des braves gens qui n’aspirent qu’à vivre en paix. Seulement voilà, l’époque n’est pas à la paix, parce que l’islam est en crise et l’identité française aussi. Pour moi, les conflits, les rivalités, tout cela fait partie de la vie de la cité.
               
              [Ce que je reprocherai à Zemmour – et un peu à vous-même, ne le prenez pas à mal – c’est de faire de cette question une affaire personnelle, de faire intervenir les sentiments dans une question où elle n’a rien à faire.]
              Je ne le prends pas mal et je ne vous donne pas complètement tort. Si j’étais taquin, je vous ferais remarquer que quand il est question de nucléaire ou de service public, vous aussi donnez parfois l’impression de faire intervenir les sentiments…
               
              [Je ne pense pas que le discours de Zemmour sur l’immigration ait été positif : la « clarification » dont vous parlez se paye au prix fort.]
              Pardon, Zemmour n’a fait qu’appuyer là où ça fait mal, en disant clairement que les choses ne se passent pas bien, et que la cohabitation avec les musulmans est problématique. Mais j’y songe, n’est-ce pas un ancien ministre de Macron qui avait déclaré: “Aujourd’hui, on vit côte à côte ; je crains que demain on ne doive vivre face à face”? Toute le monde se rend compte que la situation se dégrade. Faut-il en vouloir à Zemmour de nous jeter à la figure une réalité peu reluisante? 

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« on comprend mal comment aucun leader politique n’a pensé à exploiter cette priorité, sachant qu’en proposant un programme « catholique » il aurait derrière lui une majorité de Français. » J’aurais dû préciser “catholiques pratiquants”. Et là, on est très loin de la majorité des Français.]

              Mais si avec les « catholiques pratiquants » tel que vous les entendez on est « très loin de la majorité » alors que les catholiques constituent toujours une large majorité dans notre pays, on peut difficilement parler de ce « vote catholique » comme ayant une importance politique. Et de la même façon qu’on ne peut parler de « vote musulman » si seule une toute petite minorité de musulmans vote en fonction de leur religion.

              [Il n’est pas impossible qu’ils aient ramené à Zemmour des électeurs qui, a priori, auraient hésité à voter pour une personne de confession juive.]

              Vous connaissez beaucoup de gens qui « hésiteraient à voter pour une personne de CONFESSION juive » ? Franchement, je ne crois pas que l’exemplaire existe. J’ai connu des gens qui auraient hésité à voter pour un juif, qu’il soit ou non pratiquant. Mais des gens qui hésiteraient à voter pour une question RELIGIEUSE ? Qui voteraient pour un juif athée et non pour un juif pratiquant ? Non, j’ai beaucoup de mal à le croire.

              [« Mais constater un problème et vouloir une solution est une chose, réduire toute question sociale, économique, politique à ce problème-ci, c’en est une autre. » Je veux répondre à cela. Non, je ne réduis pas “toute question sociale, économique, politique à ce problème”.]

              Je faisais plus référence au discours de Zemmour qu’au votre. Quand on promet de financer toutes ses solutions « par les économies sur l’immigration », on ramène de fait tout à cette dernière. Mais – et là encore, ne le prenez pas à mal – je pense que vous aussi avez cette tendance. Vous constatez – et je vous suis dans ce constat – que l’immigration est un problème. Mais vous ne vous demandez pas POURQUOI c’est un problème, et cela vous conduit à en faire un problème essentiel.

              [Alors oui, j’ai voté Eric Zemmour parce que je trouve que Marine Le Pen a trop policé son discours sur l’islam et sur l’immigration, et parce que les discours de gauche et du centre sur la “diversité heureuse” m’exaspèrent. Parmi tous les candidats qui se présentaient, Eric Zemmour était le seul à vouloir s’attaquer à un des problèmes qui me paraît fondamental, à savoir la question identitaire. Il a donc obtenu mon suffrage, d’autant qu’il est favorable à la filière nucléaire, autre point important à mes yeux comme aux vôtres. Mais j’ai bien conscience qu’en laissant de côté d’autres thématiques, Zemmour a restreint sa base électorale. Je ne regrette aucunement d’avoir voté pour lui, j’espérais qu’il atteindrait les 10 % mais au final son score est assez compréhensible. Et au fond, ce n’est pas un si mauvais score que ça.]

              Loin de moi l’idée de vous reprocher votre vote – assez prévisible compte tenu des positions que vous tenez dans nos débats. Oui, Zemmour a le mérite d’avoir mis clairement la lumière sur un des éléphants qui est au milieu de la pièce et que tout le monde fait semblant de ne pas voir. A mon sens, il a fait quelque chose de bien plus important : il a essayé – avec un succès limité, certes – de réhabiliter l’idée même de débat démocratique, c’est-à-dire, la possibilité que des gens qui ne sont pas d’accord sur des questions fondamentales se retrouvent et échangent loyalement des arguments qui ne se réduisent pas à « vous êtes un salaud », « vous êtes une ordure ». De ce point de vue, je pense que sa présence dans la campagne a été positive. Mais cela ne m’aveugle pas aux immenses défauts de Zemmour, qui l’ont à mon avis empêché de faire un score encore plus élévé.

              [« Mais dans cette position politique, il n’y a aucune question de sentiment. Je n’ai pas de haine envers ceux que je voudrais empêcher de venir chez nous ou expulser. Je peux même comprendre leur situation. » Je voudrais vous rassurer : je ne suis pas un monstre.]

              Je vous rassure à mon tour, je n’ai jamais pensé que vous l’étiez…

              [Seulement, voilà, je suis historien, et pour moi, les trajectoires individuelles s’inscrivent dans une histoire qui dépasse l’itinéraire de telle ou telle personne. Et vous allez dire que je radote, mais j’y reviens à nouveau : les immigrés du Maghreb et d’Afrique subsaharienne sont issus pour l’essentiel d’anciennes colonies qui ont fait le choix de l’indépendance. Ce choix historique, je le respecte, mais c’est un choix dont il faut assumer les conséquences, car avec la liberté vient la responsabilité.]

              Comme historien, vous ne pouvez pas ne pas voir la différence entre la question individuelle et la question collective. Nos anciennes colonies ont fait le choix de l’indépendance. Mais c’est un choix COLLECTIF – et qui plus est transgénérationnel. Jusqu’à quel point les individus doivent être tenus personnellement comptables de ce choix ? C’est là que se manifeste le caractère tragique de l’histoire : parce que nous sommes membres d’une nation, nous bénéficions des victoires mais nous sommes comptables des choix collectifs.

              Je pense que nous sommes d’accord sur ce point : l’immigré qui reste attaché à son pays d’origine n’est pas PERSONNELLEMENT responsable des choix politiques de son gouvernement, mais il ne peut pas non plus s’en détacher. Seule l’assimilation lui permet de rompre ce lien… mais il lui faut alors charger avec les gloires et les péchés du pays qu’il a adopté. Autrement dit, « no man is an island ». On ne peut pas être algérien quand cela vous arrange, et français quand cela vous convient.

              [Maintenant, en ce qui concerne spécifiquement les musulmans, je les trouve globalement très agressifs, très vindicatifs et trop peu respectueux de la culture française. Comme je suis curieux, j’ai jeté un oeil sur les discours de certains jeunes imams qui, paraît-il, ont une certaine audience auprès de la jeunesse musulmane de France. Le discours, s’il semble apaisé et ouvert dans la forme, est en réalité très dur sur le fond. Pas de concessions, jamais de concessions. Une seule revendication : vivre au maximum selon les préceptes de l’islam et avoir “droit au respect” de sa religion et de son mode de vie (une façon polie de demander la fin de toute critique, de tout blasphème, etc).]

              Mais à qui la faute ? Est-ce que ces Imams font autre chose que reprendre le discours de nos élites intellectuelles bien françaises ? Sont-ils plus « vindicatifs », plus « agressifs », moins « respectueux de la culture française » que ceux qui veulent déboulonner Colbert ou Napoléon, qui dénoncent le prétendu racisme des auteurs grecs ou qui exigent le « droit au respect et au mode de vie » du clanisme corse ? Quand vous avez un président qui affirme tout détendu que « il n’y a pas de culture française », vous pouvez difficilement exiger le « respect » pour ce qui n’est pas censé exister.

              C’est un peu ce que je disais plus haut : vous constatez que l’Islam est un problème, sans vous demander PORQUOI. Et bien, l’Islam est un problème parce qu’il arrive dans une société en décomposition. Une société qui ne s’aime pas, qui n’aime pas son patrimoine, qui a vu se défaire les liens de solidarité qui font la force des nations. Pourquoi les nouveaux arrivants « respecteraient » ce que les natifs ne respectent pas ? Comment pourraient-ils être attirés par une assimilation qui les mettrait du côté des bourreaux dans une société qui n’honore que les victimes ? Une fois que vous faites ces constatations, vous arrivez nécessairement à la conclusion que le problème n’est pas tant l’immigration – qu’on peut, comme vous le dites, contrôler par une politique restrictive – mais l’assimilation intérieure.

              [Enfin, je dois vous dire que j’adhère à l’idée selon laquelle un ennemi est utile pour souder une collectivité. Le sentiment national français n’a jamais été aussi ardent qu’à l’époque où nos rapports avec les Anglais ou les Allemands étaient exécrables. Sans ennemi, on cesse d’exister.]

              Oui. Mais on peut se fabriquer des ennemis symboliques qui jouent le même rôle. Comme disait le camarade Staline, « l’ignorance est une forteresse qu’il nous faut conquérir »… l’assimilation intérieure de la IIIème République a été bien plus mobilisatrice que n’importe quel ennemi extérieur. Aujourd’hui, je pense que l’assimilation pourrait jouer un rôle similaire.

              [Je ne le prends pas mal et je ne vous donne pas complètement tort. Si j’étais taquin, je vous ferais remarquer que quand il est question de nucléaire ou de service public, vous aussi donnez parfois l’impression de faire intervenir les sentiments…]

              J’accepte le reproche. Quelque soit l’effort qu’on puisse faire pour rester rationnels, nous sommes tous faits de chair et de sang…

              [Pardon, Zemmour n’a fait qu’appuyer là où ça fait mal, en disant clairement que les choses ne se passent pas bien, et que la cohabitation avec les musulmans est problématique.]

              Certes. Mais il y a façon et façon d’appuyer ou ça fait mal. Celle de Zemmour n’est pas très constructive.

              [Faut-il en vouloir à Zemmour de nous jeter à la figure une réalité peu reluisante ?]

              Non. Tout au plus, on peut lui en vouloir d’avoir choisi une forme qui conduit beaucoup de nos concitoyens à rejeter un constat qu’ils auraient accepté s’il avait été exprimé avec plus de retenue.

            • @ Descartes
               
              [Mais si avec les « catholiques pratiquants » tel que vous les entendez on est « très loin de la majorité » alors que les catholiques constituent toujours une large majorité dans notre pays, on peut difficilement parler de ce « vote catholique » comme ayant une importance politique.]
              Large majorité, large majorité… Il me semble qu’on est aujourd’hui autour de 35 millions de baptisés. C’est beaucoup, mais ce n’est qu’un peu plus de 50 % de la population. Et surtout, les parents baptisés font de moins en moins baptiser leurs enfants. Mais passons.
               
              Le “vote catholique” n’a de sens que si l’on considère des gens pour qui le catholicisme est un élément central de leur identité. Or ces gens-là ne sont pas si nombreux que ça. Vous trouverez j’en suis sûr plus de gens pour se dire Bretons, Marseillais ou écologistes que catholiques. Et ça se comprend: après un siècle de laïcité et cinquante ans de combat culturel impitoyable, nos élites bienpensantes ont réussi à imposer l’idée que le catholicisme est une religion ringarde, ridicule et fascisante. Ce que l’islam, du fait de son exotisme (et peut-être de sa violence), ne serait pas… Aujourd’hui en France, on a le catholicisme honteux. Et d’ailleurs Christine Boutin que vous évoquez a été en son temps copieusement insultée, moquée, tournée en ridicule. Comme de Villiers. Pour une certaine gauche, humilier les catholiques c’est normal et même valorisant. Mais oser s’en prendre à une femme qui porte le voile dans une enceinte institutionnelle…
               
              Je note que les musulmans, eux, répugnent moins à affirmer leur “islamité” et en font fréquemment un motif de fierté.
               
              [Vous connaissez beaucoup de gens qui « hésiteraient à voter pour une personne de CONFESSION juive » ?]
              Je ne sais pas. Mais je pose l’hypothèse que dans certains milieux catholiques militants, cette question n’est pas sans importance. Je trouve votre affirmation un peu péremptoire.
               
              [Loin de moi l’idée de vous reprocher votre vote – assez prévisible compte tenu des positions que vous tenez dans nos débats.]
              Il ne s’agit pas de ça: vous ne m’avez rien reproché du tout. J’ai simplement souhaité expliqué ma démarche, et la logique qui m’a conduit à ce choix. Rien de plus. Je ne me sentais nullement agressé ou mis en cause.
               
              [Comme historien, vous ne pouvez pas ne pas voir la différence entre la question individuelle et la question collective.]
              Pour moi, en politique, il n’y pas d’individus. Tout se passe au niveau collectif. Et c’est pourquoi je déteste l’exercice qui consiste à confronter un candidat à un citoyen lambda qui lui expose ses problèmes et lui demande de trouver une solution. Un problème politique est un problème global qui appelle une réponse globale.
               
              Et donc je suis cohérent: je ne demande pas qu’on réduise le nombre d’enfants issus de l’immigration dans l’école de mon quartier parce que c’est celle que fréquente mes enfants. Je souhaite qu’on réduise le nombre d’enfants issus de l’immigration dans TOUTES les écoles de France et de Navarre parce que je pense que la proportion croissante de mineurs issus de l’immigration extra-européenne pose un problème GLOBAL à ce pays. Et, de la même façon, que Mohamed, ingénieur franco-algérien, soit prêt à mourir pour la France ne me fait ni chaud, ni froid. L’existence de binationaux en général, et plus particulièrement de binationaux issus des anciennes colonies, est à mes yeux un problème GENERAL, indépendamment de la qualité ou de la vertu de tel ou tel individu. 
               
              [Nos anciennes colonies ont fait le choix de l’indépendance. Mais c’est un choix COLLECTIF – et qui plus est transgénérationnel. Jusqu’à quel point les individus doivent être tenus personnellement comptables de ce choix ?]
              Je vous réponds: jusqu’au bout. Que serait devenue la France si, en 1792-1793, les forces vives (les hommes jeunes, bien portants, éduqués) avaient foutu le camp? Construire une nation, c’est dur, c’est douloureux, ça demande des sacrifices, il en a toujours été ainsi. Faudrait-il donc applaudir les Africains qui refusent de payer ce prix après que leurs pères aient fait le choix de la liberté? Certainement pas. Cessons de parler aux Africains comme à des victimes. Parlons-leur comme à des adultes. Ils le méritent. Et je vais vous dire: au fond, je suis plus respectueux des Africains que ceux qui passent leur temps à les plaindre. Et je suis plus optimiste aussi: je pense que les états africains peuvent se développer de manière plus efficace, et ne sont pas condamnés ad aeternam à la misère, à la guerre, au népotisme.
               
              [Seule l’assimilation lui permet de rompre ce lien…]
              Offrir l’assimilation aux ressortissants des anciennes colonies, pardon de le dire, mais c’est donner de la confiture à des cochons. Et c’est imposer aux Français une double peine: déjà, il nous faut collectivement assumer un passé colonial qui, s’il n’est pas si noir que certains veulent bien le dire, est quand même entaché de faits peu glorieux. Et en plus nous devrions payer pour assimiler des millions de Maghrébins et de Subsahariens? Vous m’excuserez de ne pas trépigner d’enthousiasme…
               
              [C’est un peu ce que je disais plus haut : vous constatez que l’Islam est un problème, sans vous demander PORQUOI. Et bien, l’Islam est un problème parce qu’il arrive dans une société en décomposition. Une société qui ne s’aime pas, qui n’aime pas son patrimoine, qui a vu se défaire les liens de solidarité qui font la force des nations.]
              Mais une fois que vous avez répondu à la question POURQUOI, quelle conclusion en tirez-vous en terme d’action politique?
               
              Vous me dites en substance: “l’immigration, et notamment l’immigration musulmane, est en effet un problème. Mais au fond, ce ne sont pas les immigrés musulmans qu’il faut blâmer, mais bien plutôt nos élites qui cultivent la haine de soi et qui refusent le coût de l’assimilation. Par conséquent, diffuser des discours hostiles à l’islam ou aux musulmans est inutile et contre-productif.”
               
              Cette position appelle plusieurs remarques:
              1) Elle met de côté la volonté d’un certain nombre d’Etats musulmans (Algérie, Maroc, Turquie) de conserver une forme de contrôle sur leurs communautés émigrées.
              2) Je pense également que votre explication méconnaît les problèmes d’évolution interne de l’islam sunnite sur le long terme, évolution qui a amené au centre de la pensée islamique des théologiens rigoristes autrefois marginaux (Ibn Hanbal, Ibn Taymiyya, Ibn Abdelwahhab) et qui est à mon avis liée à la crise profonde qu’a connu le monde musulman dans les derniers siècles du Moyen Âge, lorsque le monde arabe a connu une crise politique, culturelle et économique sans précédent qui a fini par le marginaliser au profit des périphéries non-arabes du monde islamique (Constantinople dans l’empire ottoman, Tabriz et Ispahan en Perse, Samarcande en Asie centrale, Delhi en Inde), alors même que les Arabes continuaient à se considérer comme les premiers dépositaires de la Révélation, et donc comme les maîtres en théologie islamique.
              D’ailleurs, là où il n’y a pas d’assimilation (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Suède), les musulmans sont ou deviennent un problème.
              3) Ne le prenez pas mal, mais j’ai l’impression que votre raisonnement conduit logiquement à la passivité. Une fois qu’on a dit que le problème réside dans nos élites et non dans l’islam ou dans les musulmans, qu’est-ce qu’on fait? On voit bien que la solution consisterait à changer nos élites, mais je me demande comment. Le bloc dominant semble bien enkysté dans les réseaux de pouvoir. Pour que nos élites changent leur vision du monde, il faudrait un mai 40, car on voit bien que les crises passent et ne changent rien. Les attentats? Ils sont oubliés. La pandémie? “Plus rien ne sera comme avant!” et puis tout continue. La guerre en Ukraine? “Les choses vont changer!” et puis le temps passe et les choses restent en l’état. Ou bien il faudrait une révolution qui remplace nos élites mais par qui? Le pays est de moins en moins capable de former des gens compétents. Et surtout, parmi les gens compétents, qui a intérêt à une révolution?
              A part s’enfermer dans sa tour d’ivoire en ayant la satisfaction d’avoir compris la cause de nos maux, où peut conduire votre raisonnement?
               
              Pour ma part, je fais le pari que le conflit peut débloquer la situation. Nos élites sont immigrationnistes, européistes, multiculturalistes, mais surtout, surtout, elles sont veules. L’exemple des gilets jaunes l’a montré: quelques heures de saccage autour de l’Arc de Triomphe et le pouvoir a lâché des milliards. La leçon ne doit pas être perdue. J’espérais que Zemmour ferait un score suffisant pour faire peur, et ça n’a pas été le cas. J’ai perdu mon pari. Mais si le discours de Zemmour crispe les musulmans et les pousse à se radicaliser encore, l’islamophobie progressera en retour. La montée des tensions obligera peut-être le pouvoir à enfin faire un geste.
               
              J’ai toujours en mémoire cette anecdote que vous racontez: Un conseiller dit à Pasqua, ministre de l’Intérieur, que sa loi restreignant l’immigration ne passera pas, et Pasqua de répondre: “si, il faut qu’elle passe, sinon c’est Le Pen qui rédigera la prochaine loi sur l’immigration”.
              Eh bien je vais vous dire ce que je veux: qu’on en arrive à une situation où un ministre de l’Intérieur dise “il faut que ma loi de fermeture des frontières et d’abolition du regroupement familial passe, sinon c’est Zemmour (ou un autre) qui fera passer ses mesures”. C’est aussi simple que ça.
               
              [on peut lui en vouloir d’avoir choisi une forme qui conduit beaucoup de nos concitoyens à rejeter un constat qu’ils auraient accepté s’il avait été exprimé avec plus de retenue.]
              Vous croyez? Quand on voit le peu de cas qu’on a fait des déclarations pleines de retenue de certains politiques sur la question migratoire (Chevènement, Montebourg)… Comme vous je le regrette, mais la question de l’immigration et de l’islam ne se prête guère à la retenue. Seuls les discours durs, violents, sont audibles.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Le “vote catholique” n’a de sens que si l’on considère des gens pour qui le catholicisme est un élément central de leur identité. Or ces gens-là ne sont pas si nombreux que ça. Vous trouverez j’en suis sûr plus de gens pour se dire Bretons, Marseillais ou écologistes que catholiques.]

              Ce n’est pas tant le fait que ce soit « un élément central de leur identité », mais le fait qu’ils votent en fonction de ce critère. Je trouverai peut-être beaucoup de gens pour se dire Bretons ou Marseillais, mais très peu qui à l’heure de voter choisiront le candidat marseillais ou breton indépendamment de son programme. En ce sens, il n’y a pas chez nous de « vote marseillais » ou de « vote breton ». Par contre, ceux qui se disent « écologistes » voteront certainement en fonction de ce critère, et c’est pourquoi on peut se dire qu’il y a un « vote écologiste ».

              Maintenant, est-ce qu’il existe chez nous un « vote musulman » ? L’échec des tentatives de créer un « parti des musulmans de France » permet d’en douter. De toute évidence les musulmans français votent en fonction de tout un ensemble de critères, et dans cet ensemble la clé « musulman » ne semble pas être déterminante.

              [Et ça se comprend: après un siècle de laïcité et cinquante ans de combat culturel impitoyable, nos élites bienpensantes ont réussi à imposer l’idée que le catholicisme est une religion ringarde, ridicule et fascisante.]

              Il faut dire, pour être juste et complet, que si ce « combat » fut « impitoyable », c’est parce que l’Eglise catholique avait en France un pouvoir énorme, tant dans la sphère publique que la sphère privée, et a résisté bec et ongles l’implantation de la République et la primauté de la loi civile. Si l’Eglise avait accepté la séparation du civil et du religieux, ce combat n’aurait pas eu lieu.

              [Et d’ailleurs Christine Boutin que vous évoquez a été en son temps copieusement insultée, moquée, tournée en ridicule.]

              Oui. Et pourquoi ? Parce qu’elle a brandi une bible dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, un acte qui reste dans la logique d’une Eglise catholique qui imposerait sa vision dans la sphère publique. Autant je trouve normal qu’on donne aux enfants les éléments pour comprendre l’apport essentiel du catholicisme à la construction de la France, que des bâtiments historiques comme les Invalides portent toujours des croix – quand bien même ils sont devenus des bâtiments publics dans un état laïque – autant je m’oppose à toute tentative de l’Eglise d’influencer le droit civil. Les arguments bibliques sont irrecevables dans une enceinte parlementaire.

              [Je note que les musulmans, eux, répugnent moins à affirmer leur “islamité” et en font fréquemment un motif de fierté.]

              Oui. Mais cela n’a rien à voir avec la religion. Cela n’a pas de sens d’être « fier » de croire à tel ou tel dieu. Pour beaucoup de musulmans, « l’islamité » représente l’attachement à une communauté. C’est un substitut de l’attachement à une collectivité nationale. Et s’il est croissant, c’est parce que la France ne leur offre plus l’assimilation qui leur permettrait de s’attacher à la nation.

              [« Vous connaissez beaucoup de gens qui « hésiteraient à voter pour une personne de CONFESSION juive » ? » Je ne sais pas. Mais je pose l’hypothèse que dans certains milieux catholiques militants, cette question n’est pas sans importance. Je trouve votre affirmation un peu péremptoire.]

              Elle est fondée sur une longue expérience, croyez-moi. Pour un antisémite, un juif athée reste un juif. Pensez à la campagne contre Blum dans les années 1930 ou même à l’affaire Dreyfus. Ni Blum ni Dreyfus n’étaient pratiquants et quant au premier, il n’était même pas croyant… et pourtant ! Ce n’est donc pas une question de pratique religieuse – comme ce peut être le cas pour les protestants – mais une question ethnique.

              [Pour moi, en politique, il n’y pas d’individus. Tout se passe au niveau collectif. Et c’est pourquoi je déteste l’exercice qui consiste à confronter un candidat à un citoyen lambda qui lui expose ses problèmes et lui demande de trouver une solution. Un problème politique est un problème global qui appelle une réponse globale.]

              Je suis d’accord. Mais c’est précisément ce caractère collectif de la politique qui en fait le caractère tragique. Le politique doit prendre des décisions en pensant au bien collectif, et en les prenant il sacrifie des vies individuelles.

              [Et donc je suis cohérent : je ne demande pas qu’on réduise le nombre d’enfants issus de l’immigration dans l’école de mon quartier parce que c’est celle que fréquente mes enfants. Je souhaite qu’on réduise le nombre d’enfants issus de l’immigration dans TOUTES les écoles de France et de Navarre parce que je pense que la proportion croissante de mineurs issus de l’immigration extra-européenne pose un problème GLOBAL à ce pays.]

              Certes. Mais ce faisant, vous allez expulser le petit Pierre, à qui ses parents Mohamed et Djamila ont donné un prénom français, et qu’ils voudraient voir assimilé à travers l’école de la République. Que cet enfant soit expulsé, c’est une tragédie individuelle à laquelle on ne peut être indifférent. Et le politique doit tenir les deux bouts : l’intérêt général que vous soulignez, et le cas individuel que je signale. C’est en cela que l’on peut invoquer la formule shakespearienne : « uneasy sleeps the head that wears the crown » (« agité est le sommeil de la tête qui porte la couronne »).

              [L’existence de binationaux en général, et plus particulièrement de binationaux issus des anciennes colonies, est à mes yeux un problème GENERAL, indépendamment de la qualité ou de la vertu de tel ou tel individu.]

              Sur ce point, nous sommes d’accord. Et ce n’est pas un problème « tragique ». Il n’y pas de « tragédie » à exiger de celui qui veut accéder à la nationalité française de renoncer toute autre nationalité.

              [« Nos anciennes colonies ont fait le choix de l’indépendance. Mais c’est un choix COLLECTIF – et qui plus est transgénérationnel. Jusqu’à quel point les individus doivent être tenus personnellement comptables de ce choix ? » Je vous réponds : jusqu’au bout. Que serait devenue la France si, en 1792-1793, les forces vives (les hommes jeunes, bien portants, éduqués) avaient foutu le camp ? Construire une nation, c’est dur, c’est douloureux, ça demande des sacrifices, il en a toujours été ainsi. Faudrait-il donc applaudir les Africains qui refusent de payer ce prix après que leurs pères aient fait le choix de la liberté ? Certainement pas. Cessons de parler aux Africains comme à des victimes. Parlons-leur comme à des adultes. Ils le méritent.]

              Encore une fois, nous sommes d’accord là-dessus. Je ne crois pas avoir dit qu’il faudrait « applaudir » ceux qui ne se sentent pas liés par le choix collectif fait par leurs concitoyens ou leurs ancêtres. Mais je ne pense pas non plus qu’on puisse les blâmer à l’excès. Devons nous blâmer les républicains espagnols qui ont fui l’Espagne de Franco – et dont une bonne partie ont ensuite participé à la Résistance et à la reconstruction du pays qui était devenu le leur – de ne pas être restés en Espagne pour continuer la lutte ? Je ne vous demande pas de répondre à cette question, je ne la pose que pour vous montrer combien l’immigration pose des alternatives tragiques.

              Je n’aime pas trop évoquer dans ces colonnes mon expérience personnelle, mais tant pis, je vais le faire quand même. Je peux vous dire que la question que vous posez, je me la suis aussi posé « de l’autre côté de la barrière ». Arrivé dans ce pays presque majeur, je me suis longtemps posé la question de savoir si je n’aurais pas dû revenir dans mon pays d’origine pour « construire la nation ». Pendant des années, cette question m’a taraudé. Aujourd’hui, plusieurs décennies ont passé et j’estime avoir contribué suffisamment à « construire la nation » dans mon pays d’adoption pour avoir le droit d’y rester. Mais cela ne s’est pas imposé tout de suite comme une évidence…

              [« Seule l’assimilation lui permet de rompre ce lien… » Offrir l’assimilation aux ressortissants des anciennes colonies, pardon de le dire, mais c’est donner de la confiture à des cochons. Et c’est imposer aux Français une double peine : déjà, il nous faut collectivement assumer un passé colonial qui, s’il n’est pas si noir que certains veulent bien le dire, est quand même entaché de faits peu glorieux. Et en plus nous devrions payer pour assimiler des millions de Maghrébins et de Subsahariens ? Vous m’excuserez de ne pas trépigner d’enthousiasme…]

              D’abord, je ne vois pas où est la « double peine ». Toute histoire contient des faits glorieux et autres qui le sont moins. Je ne vois pas en quoi le fait d’assumer son histoire serait une « peine » dès lors que cette histoire est sublimée dans un récit qui justement nous permette d’aller vers le meilleur de notre histoire et d’éviter ce qu’il y a de pire. Et un tel récit est indispensable si l’on veut pouvoir assimiler, parce que personne ne s’assimile à une société qui passe son temps à cracher sur elle-même. A partir de là, je comprends que vous n’ayez pas besoin de « payer pour assimiler », mais à mon sens c’est de loin la solution la plus économique. L’autre, c’est la guerre civile. Et elle est beaucoup plus chère.

              [Mais une fois que vous avez répondu à la question POURQUOI, quelle conclusion en tirez-vous en terme d’action politique?]

              Une conclusion que n’est peut-être pas beaucoup plus optimiste que la vôtre en termes de résultats, mais au moins je sais à qui il faut s’attaquer.

              [Vous me dites en substance: “l’immigration, et notamment l’immigration musulmane, est en effet un problème. Mais au fond, ce ne sont pas les immigrés musulmans qu’il faut blâmer, mais bien plutôt nos élites qui cultivent la haine de soi et qui refusent le coût de l’assimilation. Par conséquent, diffuser des discours hostiles à l’islam ou aux musulmans est inutile et contre-productif.”]

              Non, pas tout à fait. D’abord, mon but n’est pas de trouver ce qu’il faut « blâmer », mais ce qu’il faut « combattre ». Bien identifier ses ennemis, c’est le premier pas de tout combat politique. Et je préfère consacrer mes forces – en sachant combien elles sont maigres – a combattre ceux qui ont une responsabilité réelle dans l’affaire qu’à rompre des lances contre les moulins à vent.

              [Cette position appelle plusieurs remarques:
              1) Elle met de côté la volonté d’un certain nombre d’Etats musulmans (Algérie, Maroc, Turquie) de conserver une forme de contrôle sur leurs communautés émigrées.]

              Absolument pas. C’est l’une des données du problème. Mais là encore, la seule manière de soustraire ces communautés au contrôle des états d’origine est l’assimilation.

              [D’ailleurs, là où il n’y a pas d’assimilation (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Suède), les musulmans sont ou deviennent un problème.]

              Oui, mille fois oui. Je pense que c’est cela qu’il faut répéter et essayer de graver dans la tête de nos concitoyens : l’assimilation reste la seule et unique solution au problème. La refuser, c’est prendre le risque d’une libanisation de la société.

              [3) Ne le prenez pas mal, mais j’ai l’impression que votre raisonnement conduit logiquement à la passivité. Une fois qu’on a dit que le problème réside dans nos élites et non dans l’islam ou dans les musulmans, qu’est-ce qu’on fait ?]

              Et bien, on engage le combat pour faire pression sur nos élites jusqu’à les faire changer de taquet – inutile d’espérer qu’elles changent d’elles-mêmes, leurs intérêts les poussent vers l’autre direction. Et jusqu’à un certain point, cela marche : lorsque le RN a été soutenu par les couches populaires à hauteur de 30%, même Macron commence à parler d’assimilation et de combattre le séparatisme. Avec un RN à 45%, peut-être ira-t-il jusqu’à faire quelque chose ?

              [J’espérais que Zemmour ferait un score suffisant pour faire peur, et ça n’a pas été le cas. J’ai perdu mon pari. Mais si le discours de Zemmour crispe les musulmans et les pousse à se radicaliser encore, l’islamophobie progressera en retour. La montée des tensions obligera peut-être le pouvoir à enfin faire un geste.]

              Je retrouve là le raisonnement trotskyste et la politique du pire. C’est un raisonnement très dangereux. Mais je vous rejoins sur un point : nos élites ne feront quelque chose que si elles ont peur, que si elles sont sous pression. C’est pourquoi aujourd’hui je pense que l’arrivée de MLP à l’Elysée ne serait pas forcément une catastrophe.

              [Comme vous je le regrette, mais la question de l’immigration et de l’islam ne se prête guère à la retenue. Seuls les discours durs, violents, sont audibles.]

              Sur ce point, je ne peux pas vous donner tort…

            • @ Descartes,
               
              [Il faut dire, pour être juste et complet, que si ce « combat » fut « impitoyable », c’est parce que l’Eglise catholique avait en France un pouvoir énorme, tant dans la sphère publique que la sphère privée, et a résisté bec et ongles l’implantation de la République et la primauté de la loi civile. Si l’Eglise avait accepté la séparation du civil et du religieux, ce combat n’aurait pas eu lieu.]
              Mon propos est moins de discuter le bien-fondé de ce “combat impitoyable” contre l’Eglise catholique, que de dénoncer avec vigueur un “deux poids, deux mesures” qui me paraît insupportable. En effet l’islam aussi (et peut-être plus encore) peine à accepter “la séparation du civil et du religieux” et on sent un peu plus de réticence à engager le combat. On cherche avec l’islam des accommodements raisonnables qu’on était moins ardent à rechercher avec le catholicisme. Et, ce qui est pour moi difficilement tolérable, c’est que parfois les mêmes qui se montrent impitoyables avec le catholicisme font preuve d’une relative bienveillance à l’égard de l’islam. En résumé, je ne condamne pas en bloc le combat pour réduire l’influence de l’Eglise catholique, mais je considère que la cohérence voudrait que l’islam passe sous les mêmes fourches caudines. Est-ce le cas?
               
              Maintenant j’observe que le catholicisme a perdu la partie dans le dernier quart du XX° siècle, et que certains, dans le monde culturel et médiatique, ont continué (et continuent) à tirer sur l’ambulance. Outre le fait que ce n’est pas très élégant, je pense que cette attitude a conduit beaucoup de Français à se couper plus ou moins consciemment de leur héritage catholique, et je crois en effet que c’est regrettable parce que c’est aussi un des facteurs explicatifs de la crise que nous traversons. Que l’influence politique de l’Eglise ait été réduite à peu de chose, soit. Mais que le catholicisme ait perdu (ou soit en passe de perdre) sa dimension culturelle et identitaire, c’est (pour moi en tout cas) beaucoup plus problématique. Or le “combat culturel” ne s’est pas borné à lutter contre le cléricalisme, il s’en est pris également aux fidèles et a cherché de manière systématique à diaboliser et/ou ridiculiser tout ce qui se rapportait à la tradition catholique (certes dans une entreprise plus générale de destruction de l’idée même de tradition). Etait-ce absolument nécessaire? De Gaulle allait à la messe et évitait soigneusement de mélanger politique et religion.
               
              [Mais ce faisant, vous allez expulser le petit Pierre, à qui ses parents Mohamed et Djamila ont donné un prénom français, et qu’ils voudraient voir assimilé à travers l’école de la République. Que cet enfant soit expulsé, c’est une tragédie individuelle à laquelle on ne peut être indifférent.]
              Vous me faites penser à ces journalistes qui sont allés dans un centre de rétention au Danemark et qui ont réussi à dénicher un couple d’Iraniens convertis au christianisme. C’est comme les poissons volants, ils existent mais ne forment pas l’essentiel de l’espèce. On ne peut pas s’abstenir de mener une politique sous prétexte qu’elle va avoir des conséquences regrettables dans quelques très rares cas.
               
              Cela étant dit, vous noterez que j’ai évoqué une “réduction du nombre d’enfants issus de l’immigration”, pas une suppression pure et simple, ou un nettoyage ethnique. Je ne ferme pas la porte à l’assimilation de certains immigrés et de leurs descendants mais je pense que notre politique migratoire des dernières décennies a été beaucoup trop généreuse. Et donc pour moi, il est très clair que tous les immigrés et descendants d’immigrés présents sur notre sol ne peuvent pas rester, beaucoup doivent partir. L’assimilation de ceux qui resteront sera ainsi moins coûteuse et plus rapide. En résumé, contrairement à vous, j’estime que l’assimilation ne doit pas être offerte à tout immigré présent sur le sol français. Il faut choisir ceux à qui on va la proposer. 
               
              [Devons nous blâmer les républicains espagnols qui ont fui l’Espagne de Franco – et dont une bonne partie ont ensuite participé à la Résistance et à la reconstruction du pays qui était devenu le leur – de ne pas être restés en Espagne pour continuer la lutte ?]
              Il ne faut pas tout confondre. Vous me parlez là de réfugiés fuyant un régime qui leur voulait du mal. Je fais une distinction entre l’Algérien militant pour la laïcité et la démocratie qui est contraint à l’exil et l’Algérien qui émigre parce qu’il est au chômage. Beaucoup de Maghrébins et de Subsahariens fuient la misère, tous ne fuient pas la guerre ou les persécutions.
               
              [Je n’aime pas trop évoquer dans ces colonnes mon expérience personnelle, mais tant pis, je vais le faire quand même.]
              C’est votre droit, mais pour ma part, il y a immigré et immigré. Les immigrés de culture musulmane et ceux des anciennes colonies posent à mes yeux un problème spécifique. Je ne veux pas vous offenser, mais bien qu’étant venu d’un autre continent, vous êtes à mes yeux originaire d’un pays qui est comme une extension de l’Europe. Pour moi, vous êtes comme un immigré espagnol ou italien, et croyez bien qu’en disant cela, je n’entends pas vous insulter, mais je veux dire au contraire que vous entrez dans la catégorie des immigrés assez aisément assimilables, parce que de culture européenne.
              Et quand je dis “immigrés des anciennes colonies”, je devrais préciser “des anciennes colonies qui n’ont pas réussi à surmonter le contentieux colonial, souvent du fait du fiasco qu’a été l’indépendance”. Mon propos, par exemple, ne vise pas les Vietnamiens, car le Viêtnam est passé à autre chose et ses dirigeants ont compris depuis longtemps qu’il y avait mieux à faire que d’entretenir la rancoeur contre l’ancien colonisateur. Au Maghreb, surtout en Algérie, le pouvoir instrumentalise le ressentiment. En Afrique subsaharienne, c’est pire: en cas de problème, une partie de la population réclame notre intervention pour ensuite nous reprocher de faire du néocolonialisme… 
               
              [L’autre, c’est la guerre civile. Et elle est beaucoup plus chère.]
              Peut-être, mais il n’est pas certain qu’on y échappera. En tout cas, je suis résigné à cette éventualité.
               
              [l’assimilation reste la seule et unique solution au problème.]
              Pardon, la solution peut être aussi une expulsion des populations de culture musulmane. Ou bien encore un mix des deux: l’expulsion de certains et l’assimilation des autres.
               
              [Je retrouve là le raisonnement trotskyste et la politique du pire. C’est un raisonnement très dangereux.]
              Je ne suis pas trotskyste mais j’accepte le reproche que vous formulez. Toutefois vous avez vous-mêmes rappelé les données du problème: nos dirigeants n’infléchiront leur politique que si une très forte pression s’exerce sur eux. Et cette pression ne peut guère venir que d’un sentiment de peur parmi les classes intermédiaires. Or je crains qu’il n’y ait guère que la violence qui effraie le bloc dominant. Oui, vous avez raison, je me résigne d’une certaine manière à “la politique du pire”, mais le choix de celle-ci m’est dicté à la fois par l’expérience des gilets jaunes et par l’intransigeance de nos élites. Mais je vous pose la question: quelles autres options y a-t-il sur la table?

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Mon propos est moins de discuter le bien-fondé de ce “combat impitoyable” contre l’Eglise catholique, que de dénoncer avec vigueur un “deux poids, deux mesures” qui me paraît insupportable.]

              J’essayais de donner des éléments en ce sens. Il est clair qu’en France l’Islam n’a jamais eu le pouvoir politique et économique qu’avait – et que, même très diminué, que garde toujours – l’église catholique. C’est peut-être cela qui explique pourquoi le combat contre l’église catholique est singulier.

              [En effet l’islam aussi (et peut-être plus encore) peine à accepter “la séparation du civil et du religieux” et on sent un peu plus de réticence à engager le combat. On cherche avec l’islam des accommodements raisonnables qu’on était moins ardent à rechercher avec le catholicisme.]

              Peut-être parce que le refus de l’Eglise catholique avait des effets très concrets sur la vie de tous – souvenez-vous qu’il a fallu arracher d’autorité à l’Eglise l’état civil – alors que le refus de l’Islam n’a que des effets réduits.

              [Maintenant j’observe que le catholicisme a perdu la partie dans le dernier quart du XX° siècle, et que certains, dans le monde culturel et médiatique, ont continué (et continuent) à tirer sur l’ambulance.]

              L’Eglise a perdu certains combats, a gagné d’autres. L’enseignement catholique se porte bien, et toujours grâce au financement public. Le pouvoir du catholicisme n’est plus ce qu’il était, mais il ne faudrait pas non plus exagérer. Et on ne peut que constater que dès que la vigilance se relâche, l’Eglise essaye de reprendre ses positions.

              [Outre le fait que ce n’est pas très élégant, je pense que cette attitude a conduit beaucoup de Français à se couper plus ou moins consciemment de leur héritage catholique, et je crois en effet que c’est regrettable parce que c’est aussi un des facteurs explicatifs de la crise que nous traversons. Que l’influence politique de l’Eglise ait été réduite à peu de chose, soit. Mais que le catholicisme ait perdu (ou soit en passe de perdre) sa dimension culturelle et identitaire, c’est (pour moi en tout cas) beaucoup plus problématique.]

              Je suis d’accord avec vous. Mais là encore, les torts sont partagés. Dès qu’on parle de transmettre la culture judéo-chrétienne – et un certain nombre d’intellectuels se sont prononcés pour que l’école parle de ces choses-là – l’Eglise catholique essaye de profiter pour reprendre le pouvoir perdu, ce qui bien entendu braque les anticléricaux qui ne veulent surtout pas du retour du religieux dans la sphère publique.

              [De Gaulle allait à la messe et évitait soigneusement de mélanger politique et religion.]

              Et c’est pourquoi sa dévotion – fort limitée d’ailleurs – était parfaitement admise. Le problème, c’est que ses successeurs n’ont pas toujours eu la même retenue. Souvenez-vous des palinodies lors des visites de Jean-Paul II…

              [Vous me faites penser à ces journalistes qui sont allés dans un centre de rétention au Danemark et qui ont réussi à dénicher un couple d’Iraniens convertis au christianisme. C’est comme les poissons volants, ils existent mais ne forment pas l’essentiel de l’espèce. On ne peut pas s’abstenir de mener une politique sous prétexte qu’elle va avoir des conséquences regrettables dans quelques très rares cas.]

              Vous savez bien que je suis d’accord avec ce principe, moi qui insiste en permanence sur le caractère tragique de la politique. Mais pour être politique on n’est pas moins homme, et même les plus grands hommes d’Etat tout en étant inflexibles sur le fond, ont cherché les moyens d’une prise en charge adaptée et différentiée de ces « rares cas », quitte à faire des exceptions.

              [En résumé, contrairement à vous, j’estime que l’assimilation ne doit pas être offerte à tout immigré présent sur le sol français. Il faut choisir ceux à qui on va la proposer.]

              Soyons précis : je ne pense pas qu’il faille « offrir » l’assimilation, je pense qu’il faut l’IMPOSER – ou du moins, imposer le choix entre l’assimilation et le départ. A partir de là, la sélection que vous proposez se fera à mon avis naturellement.

              [« l’assimilation reste la seule et unique solution au problème. » Pardon, la solution peut être aussi une expulsion des populations de culture musulmane.]

              Entre nous, et indépendamment de toutes les questions éthiques que cela pose, vous croyez vraiment cette solution possible ?

              [Mais je vous pose la question: quelles autres options y a-t-il sur la table?]

              La lutte politique. Et si elle est inefficace, il sera toujours temps d’essayer votre solution.

            • @ Descartes,
               
              [L’enseignement catholique se porte bien, et toujours grâce au financement public.]
              Trop bien même. Mais le mérite en revient moins à l’Eglise qu’à l’Etat qui a affaibli l’enseignement public.
              Cela étant, ne vous imaginez pas que l’enseignement catholique permet à l’Eglise de restaurer son influence: la plupart du temps, l’enseignement religieux est facultatif, et beaucoup d’élèves sont athées ou d’une autre confession. Dans les établissements privés catholiques de ma commune, beaucoup d’élèves sont musulmans et je n’ai pas l’impression qu’on se donne la peine de les évangéliser…
               
              [Entre nous, et indépendamment de toutes les questions éthiques que cela pose, vous croyez vraiment cette solution possible ?]
              C’est une bonne question. Il y a à peu près un siècle, entre 1,5 et 2 millions de Grecs ont été chassés d’Anatolie, de régions que leurs ancêtres occupaient parfois depuis presque trois millénaires (pour être juste, ajoutons que 400 000 Turcs ont quitté la Grèce où ils vivaient depuis quatre ou cinq siècles). Il y a soixante ans, quelques 800 000 Pieds-Noirs ont dû quitter l’Algérie sans demander leur reste. En 1945, des millions de personnes de culture allemande ont dû quitter des régions d’Europe centrale ou orientale où leurs ancêtres étaient installés depuis des siècles. Inutile je pense de multiplier les exemples. Pensez-vous que lors de ces événements quelqu’un s’est demandé si c’était “possible”? Non, la seule question qui s’est posée a été: “est-ce nécessaire?”. Et à partir du moment où il a été jugé que ça l’était, on l’a fait. Et nous parlons de déplacements de population qui datent du XX° siècle, autant dire hier. Par conséquent, je ne saisis pas le sens de votre question.
               
              Maintenant, “entre nous”, je vais vous donner mon avis: à titre personnel, je pense qu’il serait souhaitable d’expulser une bonne partie des populations arabo-musulmanes et subsahariennes qui vivent sur notre sol. Mais je suis convaincu que ça ne se fera pas, parce qu’une longue période de paix et le discours d’auto-flagellation des classes intermédiaires a vidé la France du courage et de la détermination nécessaires pour mettre en oeuvre une telle politique. Donc ce qui va probablement se passer, c’est qu’on va trouver des solutions bancales, qui ne satisferont personne, jusqu’au jour où la France ressemblera au Liban: ceux qui en ont les moyens émigreront (y compris parmi les musulmans) et les autres vivront repliés sur eux-mêmes, en attendant une possible partition du pays, de facto (avec par exemple une décentralisation confinant à la fédéralisation) ou de jure si la situation devait dégénérer en affrontement armé.
               
              Je connais votre position, vous me l’avez déjà donnée: ils sont là et ils ne partiront pas, donc il faut s’y faire. Et ce sera l’assimilation ou l’apocalypse. Et comme le temps passant l’assimilation devient plus compliquée et plus coûteuse, dites-vous bien que ce sont vos enfants et les miens qui, à terme, devront partir.
               
              [La lutte politique.]
              C’est-à-dire? Pouvez-vous être plus précis?
               
              [Et si elle est inefficace, il sera toujours temps d’essayer votre solution.]
              Je me demande de combien de temps nous disposons réellement…

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Trop bien même. Mais le mérite en revient moins à l’Eglise qu’à l’Etat qui a affaibli l’enseignement public.]

              A tous les deux, je dirais. L’Eglise, parce qu’elle a fait un lobbying efficace pour pouvoir être financée de plus en plus sur fonds publics, l’Etat parce que l’affaiblissement de l’école publique pousse les parents qui ont les moyens ou le souci de la réussite scolaire de leurs enfants à les placer dans le privé.

              [Cela étant, ne vous imaginez pas que l’enseignement catholique permet à l’Eglise de restaurer son influence: la plupart du temps, l’enseignement religieux est facultatif, et beaucoup d’élèves sont athées ou d’une autre confession. Dans les établissements privés catholiques de ma commune, beaucoup d’élèves sont musulmans et je n’ai pas l’impression qu’on se donne la peine de les évangéliser…]

              L’influence de l’Eglise ne se mesure pas qu’aux conversions. Dans l’enseignement catholique, on trouve un certain nombre d’élèves venant de foyers athées ou d’autres confessions. Mais on ne trouve pas beaucoup de professeurs juifs ou musulmans. Quelle que soit l’attention qu’on puisse porter à la neutralité du discours qu’il tient, l’enseignant analyse et restitue le réel à travers un prisme idéologique, et transmet donc ce prisme. On n’apprend pas la théorie de Darwin de la même manière lorsqu’elle est enseignée par quelqu’un qui la considère une vérité scientifique ou par quelqu’un qui la considère comme un récit ayant la même valeur que celui de la Genèse.

              [Inutile je pense de multiplier les exemples. Pensez-vous que lors de ces événements quelqu’un s’est demandé si c’était “possible”? Non, la seule question qui s’est posée a été: “est-ce nécessaire?”.]

              Je nuancerais. Avant 1945, on ne se posait pas la question de savoir « si c’était possible » parce que la multiplicité des exemples répondait d’elle-même. Le déplacement de populations en fonction des besoins de la défense nationale était chose courante et admise. Seulement, vous avez remarqué comme moi qu’un certain nombre de choses ont changé depuis 1945. Le droit, l’économie, les institutions, la dynamique des opinions publiques ont changé, et des choses qui étaient admises auparavant sont devenues impossibles aujourd’hui.

              [Mais je suis convaincu que ça ne se fera pas, parce qu’une longue période de paix et le discours d’auto-flagellation des classes intermédiaires a vidé la France du courage et de la détermination nécessaires pour mettre en œuvre une telle politique.]

              Je ne sais pas si c’est une question de « courage et détermination ». C’est surtout une question de coût. L’expulsion dont vous parlez aurait un coût énorme pour le bloc dominant, puisqu’elle priverait les employeurs d’une source de main d’œuvre bon marché.

              [« La lutte politique. » C’est-à-dire? Pouvez-vous être plus précis?]

              La construction d’une majorité politique convaincue que l’assimilation est la seule solution et capable d’imposer au bloc dominant d’en payer le coût.

            • @ Descartes,
               
              [On n’apprend pas la théorie de Darwin de la même manière lorsqu’elle est enseignée par quelqu’un qui la considère une vérité scientifique ou par quelqu’un qui la considère comme un récit ayant la même valeur que celui de la Genèse.]
              Votre propos appelle deux remarques: d’abord, il y a aussi des enseignants catholiques qui travaillent à l’école publique (quand j’était petit, dans mon école primaire publique, il y a avait un maître, un vrai, un dur à l’ancienne, qui, une fois à la retraite, est devenu diacre… Et sa femme était institutrice dans le public comme lui). Dans l’ensemble, quand on est prof dans le public, on a le catholicisme honteux parce que ce sont les grandes gueules gauchistes qui gouvernent en salle des profs. Mais il y a des collègues qui vont à la messe même si en général ils ne le crient pas sur tous les toits. Ensuite, si les enseignants du privé ne sont évidemment pas hostiles à la religion catholique (c’est la moindre des choses!), tous ne sont pas de fervents pratiquants, loin de là. Il faut d’ailleurs se rappeler que l’enseignement privé recourt plus encore que le public à des vacataires, et ne se montre pas toujours très regardant quand le besoin se fait pressant. J’ai au moins un exemple de musulman ayant enseigné dans le privé.
               
              [Seulement, vous avez remarqué comme moi qu’un certain nombre de choses ont changé depuis 1945.]
              Oui, enfin il s’est quand même passé des choses depuis 1945: les Pieds-noirs chassés d’Algérie en 1962, les Serbes chassés de Croatie au début des années 1990, puis ceux contraints de quitter le Kosovo à l’aube du XXI° siècle; on pourrait évoquer le pogrom d’Istanbul de 1955 visant à accélérer le départ de la communauté grecque stambouliote (qui n’était pas concernée par le règlement de 1922, Istanbul n’étant pas en Anatolie) ou la façon dont beaucoup de pays musulmans poussent à l’exil les communautés chrétiennes – autochtones – par des méthodes qui vont de la brutalité assumée à une politique plus subtile de brimades, de vexations et de discriminations. Les choses ont peut être changé chez nous, mais ailleurs, c’est moins sûr. Et il ne vous aura pas échappé qu’un certain nombre d’immigrés viennent précisément de cet ailleurs où le nettoyage ethnique n’est pas tout à fait une barbarie révolue…
               
              [Le droit, l’économie, les institutions, la dynamique des opinions publiques ont changé, et des choses qui étaient admises auparavant sont devenues impossibles aujourd’hui.]
              Et qu’est-ce qui vous dit que l’assimilation qui était admise auparavant n’est pas elle aussi devenue impossible? Peut-être qu’au regard “du droit, de l’économie, des institutions, de la dynamique des opinions publiques”, l’assimilation est aujourd’hui considérée comme une violence morale et psychologique insupportable, une atteinte inadmissible aux droits de l’individu…
               
              Par ailleurs, il y a à mon avis une faille dans votre raisonnement: si vous donnez le choix entre l’assimilation ou le départ, il vous faut envisager l’hypothèse qu’une partie des musulmans refuse l’assimilation. Et s’ils refusent de partir, que ferez-vous? Il vous faudra bien envisager de procéder à leur expulsion et donc vous en donner les moyens… Vous semblez penser que l’assimilation offrira de telles perspectives que les populations musulmanes s’y rallieront massivement, mais qu’est-ce qui nous dit que votre assimilation imposée ne provoquera pas la guerre civile que vous dites vouloir éviter?
               
              [L’expulsion dont vous parlez aurait un coût énorme pour le bloc dominant, puisqu’elle priverait les employeurs d’une source de main d’œuvre bon marché.]
              Vade retro satana! Ne me tentez pas, Descartes, ne me tentez pas…
              Mais en tant que défenseur des travailleurs français, vous devriez appeler de vos voeux une telle expulsion. Sont-ce vos scrupules ou votre histoire personnelle qui vous retiennent?
               
              [La construction d’une majorité politique convaincue que l’assimilation est la seule solution et capable d’imposer au bloc dominant d’en payer le coût.]
              D’accord, mais concrètement? Cette majorité, vous la faites comment, avec qui?
              Admettons que Marine Le Pen soit élue dimanche soir. Que faites-vous à titre personnel: vous adhérez au RN? Vous appelez à voter RN aux législatives? Vous tentez un coup d’Etat au PCF pour créer une improbable alliance lepeno-communiste? Vous créez votre propre parti?
               
              Et si le bloc dominant résiste, quitte à mettre le feu aux banlieues et à attiser le désordre, que faites-vous?

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Votre propos appelle deux remarques: d’abord, il y a aussi des enseignants catholiques qui travaillent à l’école publique (quand j’était petit, dans mon école primaire publique, il y a avait un maître, un vrai, un dur à l’ancienne, qui, une fois à la retraite, est devenu diacre… Et sa femme était institutrice dans le public comme lui).]

              Tout à fait. Mais en entrant dans l’éducation nationale, il acceptait un code de conduite qui implique de laisser ses convictions religieuses dans le domaine privé. Ce genre d’engagement n’est pas demandé aux enseignants dans l’enseignement catholique, qui sont au contraire encouragés à associer leur vision spirituelle et leur enseignement.

              [Les choses ont peut être changé chez nous, mais ailleurs, c’est moins sûr.]

              Mais justement, c’est de chez nous qu’on parle. Avez-vous envie de vivre dans la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo ? Moi pas. J’aime vivre chez nous, parce que chez nous on ne fait pas certaines choses qu’on fait ailleurs. Et c’est pourquoi je réserve certaines méthodes au dernier ressort.

              [Et qu’est-ce qui vous dit que l’assimilation qui était admise auparavant n’est pas elle aussi devenue impossible ?]

              Rien. Mais je persiste à penser qu’il faut l’essayer, puisque c’est la seule solution au problème qui me paraisse humaine. Contrairement à d’autres, je n’exclus aucune solution. Mais je ne vois pas de raison d’avoir recours tout de suite à des méthodes traumatiques alors qu’une meilleure solution pourrait exister.

              [Par ailleurs, il y a à mon avis une faille dans votre raisonnement: si vous donnez le choix entre l’assimilation ou le départ, il vous faut envisager l’hypothèse qu’une partie des musulmans refuse l’assimilation. Et s’ils refusent de partir, que ferez-vous ? Il vous faudra bien envisager de procéder à leur expulsion et donc vous en donner les moyens…]

              Tout à fait. Mais ayant donné le choix, cette expulsion – y compris par la force – ne me poserait pas de problème éthique. Pour le dire autrement, que les gens subissent les conséquences de leurs choix personnels ne me pose aucun problème. Qu’ils subissent les conséquences des choix des autres, si.

              [Vous semblez penser que l’assimilation offrira de telles perspectives que les populations musulmanes s’y rallieront massivement, mais qu’est-ce qui nous dit que votre assimilation imposée ne provoquera pas la guerre civile que vous dites vouloir éviter?]

              J’ai tendance à penser, en me basant sur les succès de l’assimilation intérieure et celle des immigrés au XIXème et XXème siècle, que c’est le cas. Mais je suis d’accord avec vous, le succès n’est pas garanti et le désastre est toujours possible. Et dans ce cas on est ramené à vos propositions.

              [Mais en tant que défenseur des travailleurs français, vous devriez appeler de vos voeux une telle expulsion. Sont-ce vos scrupules ou votre histoire personnelle qui vous retiennent ?]

              Ni l’un ni l’autre. J’ai soutenu comme militant la position du PCF qui, à la fin des années 1970, demandait la fin de l’immigration de travail. Mais l’expulsion sans donner au préalable le choix de l’assimilation, non. Cela me parait contraire à l’éthique pour les raisons que j’ai expliquées plus haut.

              [« La construction d’une majorité politique convaincue que l’assimilation est la seule solution et capable d’imposer au bloc dominant d’en payer le coût. » D’accord, mais concrètement ? Cette majorité, vous la faites comment, avec qui ? Admettons que Marine Le Pen soit élue dimanche soir. Que faites-vous à titre personnel : vous adhérez au RN ? Vous appelez à voter RN aux législatives ? Vous tentez un coup d’Etat au PCF pour créer une improbable alliance lepeno-communiste ? Vous créez votre propre parti ?]

              La construction d’une telle majorité implique un changement de structure. Tant que le rapport de forces est hyper-favorable aux classes intermédiaires et la bourgeoisie, il n’y a aucun espoir que le bloc dominant paye quoi que ce soit dans ce domaine. Mais si le rapport de force devait s’inverser, oui, j’adhérerais au parti qui représente la classe ouvrière – le RN ou un autre, peu importe – ou j’aiderais à en fonder un.

            • @ Descartes,
               
              [Mais justement, c’est de chez nous qu’on parle. Avez-vous envie de vivre dans la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo ?]
              Mais ça dépend, mon cher, ça dépend. Avant les émeutes de 1955, 40% du foncier à Istanbul appartenait à des minorités et en particulier aux Grecs. Pensez-vous que le départ précipité de ces derniers n’a pas arrangé les Turcs qui ont pu acquérir (sans doute pour une bouchée de pain vu le contexte) et occuper des logements dans la plus grande ville de Turquie? Pensez-vous que les Algériens, même au-delà des élites issues du FLN, regrettent le départ des Pieds-noirs, encore aujourd’hui? Que les Croates se lamentent d’avoir chassé une minorité qui n’était pas favorable à l’indépendance de la Croatie (idem au Kosovo)? 
               
              [J’aime vivre chez nous, parce que chez nous on ne fait pas certaines choses qu’on fait ailleurs.]
              Parce que nous sommes plus civilisés ou plus généreux? Ou bien parce que nous sommes plus faibles?
              Je me répète mais tant pis: les immigrés du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, de Turquie, d’Afghanistan viennent de régions du monde où le nettoyage ethnique et les persécutions religieuses sont non seulement admises, mais parfois courantes. Et dans la mesure où “chez nous” ça commence furieusement à être aussi chez eux, je suis moins convaincu que vous que “certaines choses qu’on fait ailleurs” ne vont pas se faire chez nous à l’avenir… On se demande même si ça n’a pas commencé, puisque les non-musulmans (et même certains musulmans, c’est dire!) quittent quand ils le peuvent les cités ghettoïsées et islamisées. Et ça, ça se passe chez nous et maintenant. 
               
              Finalement, vous avez raison: chez nous, “on ne fait pas certaines choses”. Mais on commence à laisser les autres les faire. Est-ce mieux? 
              Je me demande comment réagirait la population d’un pays musulman si un chrétien du cru allait égorger des fidèles dans une mosquée, ou bien attaquait une procession musulmane.
               
              Moi, fondamentalement, je ne veux de mal à personne, je ne reproche pas aux gens d’avoir telle couleur de peau ou telle religion. Mais je réclame le droit, sacré et légitime, de défendre mon pays, son unité, sa souveraineté et son identité. Et oui, ma culture et mon identité ont la préséance sur celles des immigrés venus d’ailleurs, que ça leur plaise ou non. Mes ancêtres étaient là avant, je n’y peux rien, c’est comme ça. Si ça déplaît aux autres, ils peuvent partir, la porte est ouverte. 
               
              [Et dans ce cas on est ramené à vos propositions.]
              En fait, je ne “propose” rien; comme Zemmour, j’ai peur, je suis en colère… et je m’interroge: peut-on encore éviter une catastrophe? Votre projet d’assimilation imposée semble a priori séduisant et porté par la voix de la raison. Cependant, est-ce que les gens sont raisonnables, et ont-ils seulement envie de l’être? Comme vous, j’étais convaincu que la Russie n’attaquerait pas l’Ukraine parce que ça me semblait déraisonnable. Et pourtant… Il faut par conséquent admettre que ce qui nous paraît raisonnable ne l’est pas forcément pour les autres.
              Par ailleurs, on ne peut pas négliger le fait qu’un certain nombre de personnes ou de groupes jouent avec le feu et attisent les tensions. Et de ce point de vue, je ne suis pas sûr que Zemmour, malgré son discours virulent, soit le plus à blâmer.
               
              Je me demande également si vous “chiffrez” de manière réaliste le coût de votre proposition, au vu du nombre d’immigrés concernés et d’une situation qu’on a laissé pourrir pendant des décennies. Je me demande également si vous ne sous-estimez pas les résistances que rencontrerait une application de vos idées. Souvent, je vous envie votre optimisme, mais parfois je ne peux m’empêcher de le trouver excessif. 

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Mais justement, c’est de chez nous qu’on parle. Avez-vous envie de vivre dans la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo ? » Mais ça dépend, mon cher, ça dépend. Avant les émeutes de 1955, 40% du foncier à Istanbul appartenait à des minorités et en particulier aux Grecs. Pensez-vous que le départ précipité de ces derniers n’a pas arrangé les Turcs qui ont pu acquérir (sans doute pour une bouchée de pain vu le contexte) et occuper des logements dans la plus grande ville de Turquie ? Pensez-vous que les Algériens, même au-delà des élites issues du FLN, regrettent le départ des Pieds-noirs, encore aujourd’hui ?]

              Vous ne répondez pas à ma question. Certes, l’expulsion des « minorités » – surtout quand ces minorités sont riches – peut permettre sur le court terme aux majoritaires de profiter des biens des expulsés. Mais ensuite ? D’une part, le pays perd un capital, celui de cadres formés et des réseaux commerciaux qui vont avec. Et ensuite, a-t-on envie de vivre dans un pays où les minorités sont à la merci d’un coup de sang de la majorité ? Souvenez-vous que chacun de nous peut être un jour où l’autre « minoritaire »…

              Quant aux algériens, il y a consensus dans les classes pensantes de l’Algérie pour regretter amèrement qu’un arrangement permettant aux pieds-noirs de rester n’ait pas pu être trouvé à l’époque. Seulement, dans ce cas la donne est un peu différente : il était très difficile de constituer un véritable « état algérien » sans « algérianiser » l’administration et l’économie. L’Algérie était une nation trop jeune et pas assez établie pour pouvoir garder un corps étranger.

              [« J’aime vivre chez nous, parce que chez nous on ne fait pas certaines choses qu’on fait ailleurs. » Parce que nous sommes plus civilisés ou plus généreux ? Ou bien parce que nous sommes plus faibles ?]

              Je préfère la première option, tant qu’à faire. Et aussi parce que nous avons capitalisé une expérience historique plus importante, et que nous avons réalisé qu’une fois que certaines barrières sont franchies, il n’y a plus de limites.

              [Je me répète mais tant pis: les immigrés du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, de Turquie, d’Afghanistan viennent de régions du monde où le nettoyage ethnique et les persécutions religieuses sont non seulement admises, mais parfois courantes. Et dans la mesure où “chez nous” ça commence furieusement à être aussi chez eux, je suis moins convaincu que vous que “certaines choses qu’on fait ailleurs” ne vont pas se faire chez nous à l’avenir…]

              Possible. Beaucoup de choses que je n’aurais pas cru possibles chez nous ont été faites ces dernières années, alors il ne faut jurer de rien. C’est pourquoi je préférerais éviter que « chez nous soit furieusement chez eux » par les voies de l’assimilation. Et si celle-ci échoue… et bien, je ne sais pas, il faudra peut-être avoir recours à des méthodes plus brutales. D’une certaine façon, on revient à l’anecdote que j’avais raconté à propos de Pasqua. Ca a intérêt à marcher…

              [On se demande même si ça n’a pas commencé, puisque les non-musulmans (et même certains musulmans, c’est dire!) quittent quand ils le peuvent les cités ghettoïsées et islamisées. Et ça, ça se passe chez nous et maintenant.]

              J’en fais une lecture différente de la vôtre. Ces départs montrent que l’assimilation n’est pas un vain mot. Le problème, c’est qu’aujourd’hui la pression assimilatoire ne vient pas de la société française, mais de l’effet répulsif de communautés qui imposent à des musulmans français les contraintes du pays qu’ils ont quitté et qu’ils n’ont aucune intention d’accepter chez nous.

              [Je me demande comment réagirait la population d’un pays musulman si un chrétien du cru allait égorger des fidèles dans une mosquée, ou bien attaquait une procession musulmane.]

              Chez nous, on n’exerce plus de châtiments collectifs. On ne punit pas l’ensemble d’une communauté par la faute de l’un de ses membres. Faut-il le regretter ? Personnellement, je ne le crois pas.

              [Moi, fondamentalement, je ne veux de mal à personne, je ne reproche pas aux gens d’avoir telle couleur de peau ou telle religion. Mais je réclame le droit, sacré et légitime, de défendre mon pays, son unité, sa souveraineté et son identité. Et oui, ma culture et mon identité ont la préséance sur celles des immigrés venus d’ailleurs, que ça leur plaise ou non. Mes ancêtres étaient là avant, je n’y peux rien, c’est comme ça. Si ça déplaît aux autres, ils peuvent partir, la porte est ouverte.]

              Vous savez bien que nous sommes d’accord sur ce point. La différence entre nous, c’est les moyens que nous souhaitons utiliser pour établir cette « préséance ». Peut-être parce que nos expériences sur ces questions sont diamétralement opposées, j’ai une grande confiance dans l’assimilation et vous pas.

              [Par ailleurs, on ne peut pas négliger le fait qu’un certain nombre de personnes ou de groupes jouent avec le feu et attisent les tensions. Et de ce point de vue, je ne suis pas sûr que Zemmour, malgré son discours virulent, soit le plus à blâmer.]

              Je vous accorde ce point. Le discours « victimiste » est infiniment plus corrosif que le discours « raciste » de Zemmour. D’autant plus que le discours « raciste » déclenche une réaction de vigilance, alors que le discours « victimiste » a dans notre société l’imprimatur de tous les bienpensants, à de très rares exceptions.

              [Je me demande également si vous “chiffrez” de manière réaliste le coût de votre proposition, au vu du nombre d’immigrés concernés et d’une situation qu’on a laissé pourrir pendant des décennies.]

              Je pourrais vous retourner – gentiment – le reproche. Je me demande si vous « chiffrez » le coût – monétaire mais aussi social – d’une expulsion de masse.

              [Souvent, je vous envie votre optimisme, mais parfois je ne peux m’empêcher de le trouver excessif.]

              Peut-être l’est-il, mais il me donne au moins la force de continuer le combat. Comme je vous l’ai dit par ailleurs, mon optimisme est d’abord et surtout méthodologique. Dans mes rares moments de lucidité sans filtre, je suis à peu près aussi inquiet que vous…

            • @ Descartes,
               
              [Vous ne répondez pas à ma question. Certes, l’expulsion des « minorités » – surtout quand ces minorités sont riches – peut permettre sur le court terme aux majoritaires de profiter des biens des expulsés.]
              Ma réponse, vous la connaissez: j’aspire à vivre dans un pays ethniquement plus homogène. Je pense qu’il n’est pas sage pour un état de dépendre de ses minorités (plus encore si elles sont issues de l’immigration) pour son développement économique, son rayonnement culturel, ses réseaux commerciaux, etc. De ce point de vue, ma philosophie est simple: comptons d’abord sur nous-mêmes et évitons de (trop) dépendre des autres.
               
              [Mais ensuite ? D’une part, le pays perd un capital, celui de cadres formés et des réseaux commerciaux qui vont avec.]
              Honnêtement, je pense que la France survivrait au départ des trois quarts des Maghrébins et des Subsahariens vivant sur notre sol… D’autant que ceux qui apportent le plus de “plus-value” ont généralement été formés chez nous.
               
              [Et ensuite, a-t-on envie de vivre dans un pays où les minorités sont à la merci d’un coup de sang de la majorité ?]
              Là, vous posez une vraie question, qui mérite réflexion. Je vous accorde un point: il n’est pas souhaitable, dans l’absolu, que la majorité dispose des moyens de tyranniser les minorités. Mais la tolérance vis-à-vis des minorités a de mon point de vue des contreparties très importantes: d’abord, chacun doit rester à sa place et les minorités doivent respecter la préséance culturelle et symbolique de la majorité.
              La Fédération de Russie héberge une très importante population musulmane (et ce sont généralement des autochtones non-russes d’un point de vue ethnique). En Russie, les musulmans ont la citoyenneté, ils ont le droit de pratiquer leur religion et de construire des mosquées (y compris parfois avec l’appui du gouvernement russe). Pour ce que j’en sais, ils ont accès aux emplois et charges publics. Néanmoins les choses sont claires: l’identité russe est avant tout slave et orthodoxe, et les citoyens musulmans de la Fédération de Russie sont priés de respecter cette préséance.
               
              Je pense qu’une cohabitation avec les musulmans de France devrait s’établir sur cette base non-négociable. Et comme nous avons une tradition laïque et sécularisée, cela passe par une forme de discrétion. Pour le dire autrement: pas de voile, pas de gandoura, etc.
               
              Ensuite, 2ème contrepartie, et non des moindres: les minorités (plus encore si elles sont issues d’une immigration récente) ne doivent pas se permettre d’emmerder la majorité, d’exiger des concessions, voire de tyranniser la majorité. Dans ce cas-là, je suis désolé, mais la minorité qui adopterait une telle attitude deviendrait simplement indésirable, et dans ce cas là, dehors.
               
              J’ajoute que ce que je vous décris là est indépendant de la question de l’assimilation et relève pour moi d’une forme de savoir-vivre: respecter la culture historique du pays d’accueil, même si on n’y adhère pas, et faire preuve d’une relative discrétion. Si demain je m’installais au Maroc, je manifesterais le plus profond respect pour la culture historique de ce pays, qui est musulmane, et j’éviterais soigneusement de me faire remarquer. Est-ce trop demander que de vouloir la réciproque? Et pour en revenir à l’assimilation, quand je disais que l’imposer aux immigrés issus des anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, c’était de mon point de vue “offrir de la confiture à des cochons”, je faisais référence à cela: ces gens (du moins une partie importante d’entre eux) n’ont manifesté aucun respect pour la culture du pays d’accueil, contrairement par exemple aux Chinois ou aux Vietnamiens qui pourtant peuvent eux aussi constater une forme de “haine de soi” répandue dans nos élites. Il y a des musulmans respectueux qui méritent l’assimilation, d’autres non, et je ne trouve pas justifié de “donner le choix” à ces derniers.
               
              [Souvenez-vous que chacun de nous peut être un jour où l’autre « minoritaire »…]
              Précisément, précisément. Si les minorités sont relativement bien traitées en France, c’est parce que les Français de souche européenne, globalement civilisés, instruits par une histoire longue et douloureuse comme vous l’avez rappelé, plutôt respectueux de l’Autre, sont encore majoritaires. Mais si un jour prochain, les minoritaires extra-européens devenaient la majorité, pas sûr que la tolérance reste la règle.
               
              Tenez, je vais vous raconter une anecdote: à la cantine, lorsque je suis attablé avec les collègues, il y en a quelques-uns – une minorité – qui sont végétariens ou végétaliens. Il n’y a aucun problème, on en parle librement, ils nous expliquent parfois leur démarche. Personne ne leur reproche rien. Mais il m’est arrivé de me demander: et si nous n’étions plus que deux (dont moi) à cette table à consommer de la viande, qu’est-ce qui me garantit que je pourrais bénéficier de la même tolérance, quand on sait que les collègues “végé” sont quand même assez souvent militants? Tout ça pour vous dire qu’il faut réfléchir avant de laisser une majorité se faire remplacer par une autre…
               
              Au demeurant, nous avons un exemple d’une minorité persécutée devenue majoritaire dans un état: les juifs en Israël. Le résultat est loin d’être sensationnel…
               
              [Quant aux algériens, il y a consensus dans les classes pensantes de l’Algérie pour regretter amèrement qu’un arrangement permettant aux pieds-noirs de rester n’ait pas pu être trouvé à l’époque.]
              Je n’ai jamais eu connaissance de ce fait. Avez-vous une référence?
               
              [Je pourrais vous retourner – gentiment – le reproche. Je me demande si vous « chiffrez » le coût – monétaire mais aussi social – d’une expulsion de masse.]
              D’abord, c’était moins un reproche qu’une réelle question: est-ce que la France a les moyens d’appliquer votre projet d’assimilation à la quasi-totalité des immigrés et de leurs descendants (dans une hypothèse donc où les expulsions seraient marginales)? Et surtout, quelle devrait être la situation économique de la France, et durant quel délai, pour un succès plein et entier? Est-ce que cette assimilation ne serait pas à la merci de la première crise économique – crise qu’on ne peut pas toujours éviter – venue? Je pose la question parce qu’on voit, même si le phénomène est (encore) marginal, l’assimilation intérieure remise en cause par la résurgence de certains régionalismes, sans doute alimentée par le déclin économique de notre pays qui n’est sans doute pas sans rapport avec la “capitulation identitaire” de nos élites.
               
              Ensuite vous avez raison de m’interpeller. Le coût d’une expulsion de masse? Il serait énorme, c’est sûr. Pour certains territoires, ce serait une hémorragie. Il faudrait repenser l’aménagement du territoire, inciter des populations de souche à venir s’installer (j’ai envie de dire: “se réinstaller”) dans des zones désertées, revoir l’urbanisme des grandes agglomérations. Cela étant dit, je me dois d’attirer votre attention sur un point très important: plus le temps passe, plus la situation se dégrade dans l’indifférence – et parfois la bienveillance – de nos élites, moins le coût d’une telle expulsion apparaîtra rédhibitoire aux yeux d’un nombre croissant de Français…  

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Vous ne répondez pas à ma question. Certes, l’expulsion des « minorités » – surtout quand ces minorités sont riches – peut permettre sur le court terme aux majoritaires de profiter des biens des expulsés. » Ma réponse, vous la connaissez : j’aspire à vivre dans un pays ethniquement plus homogène.]

              Cela ne répond toujours pas à ma question. Je vais essayer de la reformuler. Je sais bien que pour vous une certaine homogénéité ethnique est importante. Mais quel est le prix que vous êtes prêt à payer pour l’avoir ? Autrement dit, êtes vous prêt à vivre dans des sociétés comme celles que vous avez donné en exemple (la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo) pour obtenir ce résultat ?

              [Je pense qu’il n’est pas sage pour un état de dépendre de ses minorités (plus encore si elles sont issues de l’immigration) pour son développement économique, son rayonnement culturel, ses réseaux commerciaux, etc. De ce point de vue, ma philosophie est simple : comptons d’abord sur nous-mêmes et évitons de (trop) dépendre des autres.]

              Oui et non. Sans le surestimer, il ne faut pas non plus négliger l’apport que constituent pour une société les gens venus d’ailleurs. Pourquoi s’en priver ? Quand les différents princes européens vont venir les Juifs ou les Lombards, ils savent que cela leur donne accès aux réseaux commerciaux et bancaires que les chrétiens, du fait de la rigidité de l’Eglise catholique, ne pouvaient pas constituer. Après, on peut faire le choix : dépendre des « communautés » ou intégrer ces apports par la voie de l’assimilation. Vous aurez compris que je préfère la deuxième voie.

              [« Mais ensuite ? D’une part, le pays perd un capital, celui de cadres formés et des réseaux commerciaux qui vont avec. » Honnêtement, je pense que la France survivrait au départ des trois quarts des Maghrébins et des Subsahariens vivant sur notre sol…]

              Survivre, certainement. Mais elle en serait appauvrie. Je pense que vous sous-estimez le capital que représentent les français issus de l’immigration, des gens dont la France a payé l’éducation et la formation et qui sont aussi productifs que les travailleurs français « de souche ». Je ne vous dis pas qu’ils soient exceptionnels, qu’ils soient meilleurs que les autochtones, mais ils ne sont pas moins bons non plus.

              [D’autant que ceux qui apportent le plus de “plus-value” ont généralement été formés chez nous.]

              Admettons. Mais si vous les expulsez, vous perdez cet investissement.

              [« Et ensuite, a-t-on envie de vivre dans un pays où les minorités sont à la merci d’un coup de sang de la majorité ? » Là, vous posez une vraie question, qui mérite réflexion. Je vous accorde un point : il n’est pas souhaitable, dans l’absolu, que la majorité dispose des moyens de tyranniser les minorités. Mais la tolérance vis-à-vis des minorités a de mon point de vue des contreparties très importantes : d’abord, chacun doit rester à sa place et les minorités doivent respecter la préséance culturelle et symbolique de la majorité.]

              Sur ce point, je suis plus pessimiste que vous. Les systèmes ou des communautés à qui on demande de respecter la préséance de la culture dominante vivent séparées de la majorité sont éminemment conflictuels et instables. Au moindre problème, la tentation pour les politiques « majoritaires » de transformer les communautés minoritaires en bouc émissaire se révèle irrésistible. Et à l’inverse, les politiques « communautaires » ont tout intérêt à alimenter la paranoïa de la « forteresse assiégée » pour maintenir leur pouvoir sur la communauté. Personnellement, je pense que la seule solution « pacifiante » est l’assimilation.

              [J’ajoute que ce que je vous décris là est indépendant de la question de l’assimilation et relève pour moi d’une forme de savoir-vivre: respecter la culture historique du pays d’accueil, même si on n’y adhère pas, et faire preuve d’une relative discrétion.]

              Comme je vous disais plus haut, je suis sur ce point plus pessimiste que vous. Je ne pense pas que cela puisse marcher comme ça sauf pour des minorités très peu nombreuses. Mais une communauté relativement importante cherche naturellement à s’affirmer. Sans assimilation, le conflit est inévitable.

              [« Souvenez-vous que chacun de nous peut être un jour où l’autre « minoritaire »… » Précisément, précisément. Si les minorités sont relativement bien traitées en France, c’est parce que les Français de souche européenne, globalement civilisés, instruits par une histoire longue et douloureuse comme vous l’avez rappelé, plutôt respectueux de l’Autre, sont encore majoritaires. Mais si un jour prochain, les minoritaires extra-européens devenaient la majorité, pas sûr que la tolérance reste la règle.]

              Non, et c’est pourquoi j’insiste autant sur l’assimilation. C’est pur moi la seule garantie que tous les habitants, y compris ceux venus d’autres cultures, intègrent ces principes de tolérance.

              [Au demeurant, nous avons un exemple d’une minorité persécutée devenue majoritaire dans un état: les juifs en Israël. Le résultat est loin d’être sensationnel…]

              En effet ! L’exemple montre bien qu’il n’y a pas du côté des minorités la moindre « supériorité morale »…

              [« Quant aux algériens, il y a consensus dans les classes pensantes de l’Algérie pour regretter amèrement qu’un arrangement permettant aux pieds-noirs de rester n’ait pas pu être trouvé à l’époque. » Je n’ai jamais eu connaissance de ce fait. Avez-vous une référence ?]

              J’aurais du mal à vous donner une référence. C’est plutôt ce que j’en tire de mes contacts avec les fonctionnaires algériens dans le domaine de l’énergie. Ils sont très conscients par exemple du capital que représentait Electricité d’Algérie – la branche locale d’EDF – et comment ce capital s’est dégradé avec le départ des cadres français. C’est aussi le cas dans le secteur pétrolier…

              [Je pose la question parce qu’on voit, même si le phénomène est (encore) marginal, l’assimilation intérieure remise en cause par la résurgence de certains régionalismes, sans doute alimentée par le déclin économique de notre pays qui n’est sans doute pas sans rapport avec la “capitulation identitaire” de nos élites.]

              Je pense que c’est moins une question d’état de l’économie – la France des années 1880 avait un PIB très largement inférieur à celui d’aujourd’hui – mais une question de répartition. La question est de savoir si l’on est prêt à partager avec les venus d’ailleurs les opportunités et les places. La France est suffisamment riche pour que ce partage soit attractif.

            • @ Descartes,
               
              [Autrement dit, êtes vous prêt à vivre dans des sociétés comme celles que vous avez donné en exemple (la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo) pour obtenir ce résultat ?]
              C’est difficile pour moi de répondre sur la Turquie de 1955, car je connais mal cette société. Mais, concernant la Turquie de 1922, oui, je pense qu’Ataturk a pris une décision douloureuse mais nécessaire du point de vue turc: l’effondrement et le dépècement de l’empire ottoman, la guerre gréco-turque, tout cela rendait très difficile l’affirmation d’une nation turque sur laquelle aurait continué de peser la question de la minorité grecque. Donc oui, en tant que Turc, j’aurais accepté de payer le prix de cette expulsion. D’ailleurs, les Turcs ont “gardé” les Kurdes, musulmans comme eux, et on voit bien qu’ils peinent à pacifier leurs relations avec cette minorité, la seule qui subsiste en Anatolie.
               
              On en revient d’ailleurs toujours au même point: un système impérial s’accommode jusqu’à un certain point de la diversité ethnique et culturelle; mais sitôt qu’on entre dans une phase de construction nationale, une certaine homogénéité devient à mon sens inéluctable.
               
              Si j’avais été nationaliste croate en 1992, j’aurais certainement soutenu l’expulsion de la minorité serbe, au nom de l’unité de la nation et afin de se préserver d’une ingérence serbe dans la conduite des affaires de l’Etat. Après tout, la Croatie était une région plutôt riche de la Yougoslavie et je comprends (même si je ne l’approuve pas) son aspiration à l’indépendance. Même chose si j’avais été nationaliste kosovar. A titre personnel, je trouve que le projet yougoslave méritait mieux que cette fragmentation, mais je suis obligé de constater que les peuples qui étaient partie prenante n’y trouvaient manifestement pas leur compte.
               
              J’ai aussi tendance à penser qu’il est illusoire de vouloir absolument faire cohabiter des populations qui ont un contentieux historique lourd. Et il me semble que le contentieux colonial auquel s’ajoute le problème d’un islam malgré tout imprégné d’anti-occidentalisme est un obstacle réel et puissant tant à la cohabitation avec les populations originaires du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest qu’à leur assimilation.
               
              [Je pense que vous sous-estimez le capital que représentent les français issus de l’immigration, des gens dont la France a payé l’éducation et la formation et qui sont aussi productifs que les travailleurs français « de souche ».] 
              C’est possible en effet. De mon point de vue, beaucoup de Maghrébins et de Subsahariens sont au chômage, employés dans des professions peu qualifiées, ou bien encore engagés dans une économie illégale de trafics divers et variés. A côté de ça, certains gagnent honnêtement leur vie mais en développant des activités “communautaires” (boucheries ou épiceries hallal, kebabs, vente de vêtements “pudiques”, etc). Franchement, je ne vois pas d’inconvénient à ce que notre pays se passe de ces gens-là qui certes ne représentent pas la totalité de leur communauté mais qui compte quand même pour une part non-négligeable. Pour moi, l’immigration africaine tend clairement à “tiers-mondiser” la France.
               
              Et je pense que les immigrés européens et d’extrême-orient présentent globalement un profil plus intéressant pour la France.
               
              [Admettons. Mais si vous les expulsez, vous perdez cet investissement.]
              Bien sûr. Mais c’est un coût acceptable dans la mesure où le pays conserve les structures pour former ceux (natifs ou immigrés d’une autre origine) qui remplaceront les expulsés. Si ces derniers avaient été formés ailleurs et amenaient des compétences introuvables en France, ce serait bien pire. C’est ce que je voulais dire.
               
              Pour conclure sur ce point, oui je pense que je serais prêt à payer un prix assez lourd pour réduire la “diversité” présente en France et être débarrassé de l’islam. Contrairement à vous, j’ai bien du mal à croire que l’assimilation détournera durablement les immigrés issus du monde islamique de la tentation du repli communautaire et du “démon des origines”.
               
              [C’est plutôt ce que j’en tire de mes contacts avec les fonctionnaires algériens dans le domaine de l’énergie. Ils sont très conscients par exemple du capital que représentait Electricité d’Algérie – la branche locale d’EDF – et comment ce capital s’est dégradé avec le départ des cadres français. C’est aussi le cas dans le secteur pétrolier…]
              Je vous fais confiance et vous crois volontiers.
               
              [Je pense que c’est moins une question d’état de l’économie – la France des années 1880 avait un PIB très largement inférieur à celui d’aujourd’hui – mais une question de répartition. La question est de savoir si l’on est prêt à partager avec les venus d’ailleurs les opportunités et les places. La France est suffisamment riche pour que ce partage soit attractif.]
              Oui, enfin notre économie ne va pas très bien, dans un pays désindustrialisé, privé de ses leviers de politique économique par les traités européens sacralisant la “concurrence libre et non faussée”. Il ne faudrait pas non plus oublier qu’à côté des banlieues ghettoïsées où croupissent des immigrés sans grande perspective, un nombre non-négligeable de natifs de la “France périphérique” sont également des laissés-pour-compte de la mondialisation heureuse et du bonheur européiste des peuples. Dans ces conditions, compte tenu du nombre de gens qui sont en droit d’attendre une amélioration de leur sort, je ne partage pas tout à fait votre optimisme sur la possibilité de satisfaire tout le monde, à moins de connaître une croissance digne des Trente Glorieuses. Mais c’était au lendemain d’une guerre…
               
              Quant à la France des années 1880, son PIB est certes inférieur à celui de notre pays aujourd’hui, mais à cette époque la France est en phase d’industrialisation, elle protège son économie en recourant au protectionnisme, c’est une très grande puissance politique engagée dans un projet impérial de conquête coloniale, et un pays avec un rayonnement culturel, littéraire et scientifique sans commune mesure. Vous accordez la primauté à l’économie, et c’est bien normal en tant que matérialiste. Mais je pense qu’il ne faut pas négliger d’autres attributs de la puissance dans l’attractivité d’un pays. 
              En 1900, la France est moins peuplée, moins industrialisée, moins puissante militairement que l’Allemagne, et pourtant son prestige est immense, peut-être même plus grand que celui de l’Allemagne qui inspire la crainte plus que l’admiration.
               
              Force est de constater que dans le domaine de la littérature et de la science, la France de 2022, globalement plus riche et plus peuplée que celle de 1900, peine à briller.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Autrement dit, êtes-vous prêt à vivre dans des sociétés comme celles que vous avez donné en exemple (la Turquie de 1955, l’Algérie de 1962, en Croatie ou au Kossovo) pour obtenir ce résultat ? » Mais, concernant la Turquie de 1922, oui, je pense qu’Ataturk a pris une décision douloureuse mais nécessaire du point de vue turc: l’effondrement et le dépècement de l’empire ottoman, la guerre gréco-turque, tout cela rendait très difficile l’affirmation d’une nation turque sur laquelle aurait continué de peser la question de la minorité grecque. Donc oui, en tant que Turc, j’aurais accepté de payer le prix de cette expulsion.]

              Il y avait peut-être d’autres solutions : l’assimilation intérieure, par exemple… ne pensez-vous pas que si celle-ci avait été réussi, la société turque serait aujourd’hui moins crispée et moins autoritaire, et le pays plus riche et mieux relié à ses voisins ?

              [On en revient d’ailleurs toujours au même point: un système impérial s’accommode jusqu’à un certain point de la diversité ethnique et culturelle; mais sitôt qu’on entre dans une phase de construction nationale, une certaine homogénéité devient à mon sens inéluctable.]

              On est d’accord sur ce point. La question est comment cette homogénéité peut être achevée. Vous pensez qu’elle ne peut être acquise que par le « nettoyage ethnique », mon avis est qu’elle peut être construite par l’assimilation intérieure et le report des différences dans la sphère privée.

              [Si j’avais été nationaliste croate en 1992, j’aurais certainement soutenu l’expulsion de la minorité serbe, au nom de l’unité de la nation et afin de se préserver d’une ingérence serbe dans la conduite des affaires de l’Etat. Après tout, la Croatie était une région plutôt riche de la Yougoslavie et je comprends (même si je ne l’approuve pas) son aspiration à l’indépendance.]

              Là, c’est un problème tout différent. C’est celui des provinces riches qui aspirent à l’indépendance comme moyen pour ne pas payer pour les provinces pauvres. On voit cela en Catalogne, par exemple. Dans ces cas, le processus est différent : la construction nationale n’est pas le but, mais le moyen de ne pas payer.

              [J’ai aussi tendance à penser qu’il est illusoire de vouloir absolument faire cohabiter des populations qui ont un contentieux historique lourd.]

              Pensez aux protestants français, ou même aux juifs français, plongés au milieu de la majorité catholique. Peut-on imaginer un contentieux plus lourd que celui-là ? Je ne crois pas que le problème se situe à ce niveau-là. La question est surtout la capacité de la nation à générer un récit national qui soit acceptable par tous et qui donne sa place à tous, et un Etat « laïque » au sens le plus étendu du terme, c’est-à-dire, qui ne prend pas parti dans ces contentieux. C’est un peu la réussite de l’Etat napoléonien chez nous, et cela a marché parce que grâce à la Révolution, il y a dans notre histoire une rupture qui a permis de reporter tous les contentieux et toutes les fautes sur l’Ancien régime.

              [Et il me semble que le contentieux colonial auquel s’ajoute le problème d’un islam malgré tout imprégné d’anti-occidentalisme est un obstacle réel et puissant tant à la cohabitation avec les populations originaires du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest qu’à leur assimilation.]

              Pourtant, vous remarquerez que l’assimilation a fonctionné, et paradoxalement à fonctionné à un moment où le tiers-mondisme et l’anticolonialisme étaient plus forts qu’aujourd’hui. Au risque de me répéter, le principal obstacle à l’assimilation n’est pas chez les étrangers, mais dans nous-mêmes. Une France qui doute de sa propre légitimité, qui crache sur sa propre histoire, une société atomisée par la compétition victimaire ne peut « assimiler ». Je cite souvent la vision de Roger Scruton du rapport pédagogique : « pour qu’il y ait transmission, il faut qu’il y ait un enseignant qui est censé savoir, un élève qui est censé apprendre, et une connaissance qui mérite d’être connue ». Cela s’étend à l’assimilation : s’il n’y a pas clarté dans les rôles des uns et des autres et surtout une conscience de la valeur du patrimoine transmis, il n’y a pas assimilation.

              [« Je pense que vous sous-estimez le capital que représentent les français issus de l’immigration, des gens dont la France a payé l’éducation et la formation et qui sont aussi productifs que les travailleurs français « de souche ». » C’est possible en effet. De mon point de vue, beaucoup de Maghrébins et de Subsahariens sont au chômage, employés dans des professions peu qualifiées, ou bien encore engagés dans une économie illégale de trafics divers et variés. A côté de ça, certains gagnent honnêtement leur vie mais en développant des activités “communautaires” (boucheries ou épiceries hallal, kebabs, vente de vêtements “pudiques”, etc).]

              Je pense que cette vision « journalistique » de l’immigration oublie tout un pan, peut-être le plus important, de l’immigration et surtout de ses descendants. Pensez aux ouvriers, particulièrement nombreux dans le bâtiment et dans les industries lourdes. Pour parler de mon expérience personnelle, quand vous regardez les équipes de maintenance dans nos centrales nucléaires, vous verrez beaucoup de gens issus de l’immigration. Et pas seulement dans les tâches peu qualifiées : vous aurez des électriciens, des soudeurs, des contremaîtres et des ingénieurs de travaux… bien sûr, ces gens-là, vous ne les voyez pas. Ils ne font pas parler d’eux, s’habillent comme tout le monde et mangent à la cantine avec leurs collègues sans se soucier de l’origine de la viande.

              [Et je pense que les immigrés européens et d’extrême-orient présentent globalement un profil plus intéressant pour la France.]

              Cela dépend. Il est clair que les immigrés qui viennent de cultures où la séparation du civil et du religieux, des sphères publique et privée est acquise sont plus faciles à assimiler. Mais ce n’est pas le cas de tous les immigrés européens – pensez aux kossovars ou aux rom.

              [Oui, enfin notre économie ne va pas très bien, dans un pays désindustrialisé, privé de ses leviers de politique économique par les traités européens sacralisant la “concurrence libre et non faussée”. Il ne faudrait pas non plus oublier qu’à côté des banlieues ghettoïsées où croupissent des immigrés sans grande perspective, un nombre non-négligeable de natifs de la “France périphérique” sont également des laissés-pour-compte de la mondialisation heureuse et du bonheur européiste des peuples. Dans ces conditions, compte tenu du nombre de gens qui sont en droit d’attendre une amélioration de leur sort, je ne partage pas tout à fait votre optimisme sur la possibilité de satisfaire tout le monde, à moins de connaître une croissance digne des Trente Glorieuses. Mais c’était au lendemain d’une guerre…]

              Je n’ai pas été assez précis. Ce que je voulais dire, c’est que le problème n’est pas tant la richesse disponible que sa répartition. Si on pouvait « satisfaire tout le monde » en 1880 ou en 1950, pourquoi ne le pourrait-on en 2022 alors que le PIB est largement supérieur ? Le problème, c’est comment ce PIB est reparti. Par ailleurs, et c’est pour moi un point essentiel, il y a le problème du travail. La plus grande différence entre la situation de 1880 ou 1950 et celle d’aujourd’hui, c’est le nombre de gens qui vivent de leur travail comparé à celui des gens qui vivent d’allocations. Et la technique des « chèques » (« chèque énergie », « chèque inflation »…) n’arrange rien. Le travail a un effet structurant alors que les allocations sont déstructurantes. Le travailleur est un être économiquement autonome, et cette autonomie économique fait son autonomie sociale et politique. L’allocataire, lui, est un être dépendant du bon vouloir de l’autre.

              [Quant à la France des années 1880, son PIB est certes inférieur à celui de notre pays aujourd’hui, mais à cette époque la France est en phase d’industrialisation, elle protège son économie en recourant au protectionnisme, c’est une très grande puissance politique engagée dans un projet impérial de conquête coloniale, et un pays avec un rayonnement culturel, littéraire et scientifique sans commune mesure. Vous accordez la primauté à l’économie, et c’est bien normal en tant que matérialiste. Mais je pense qu’il ne faut pas négliger d’autres attributs de la puissance dans l’attractivité d’un pays.]

              Rassurez-vous, je ne les néglige pas. C’était précisément mon point : ce n’est pas parce que la France serait plus pauvre qu’elle a du mal à assimiler. C’est parce qu’elle a renoncé à ce « rayonnement », avec des élites qui se regardent le nombril, passent leur temps à cracher sur leur propre histoire et ne voient de solutions que « au niveau européen ». Assimiler, c’est plus une question de projet qu’une question d’argent.

            • @ Descartes,
               
              [l’assimilation intérieure, par exemple… ne pensez-vous pas que si celle-ci avait été réussi, la société turque serait aujourd’hui moins crispée et moins autoritaire, et le pays plus riche et mieux relié à ses voisins ?]
              Honnêtement, je n’en suis pas sûr. La Grèce, si on met de côté les aides européennes, n’était pas forcément plus riche que la Turquie.
              Sur l’assimilation intérieure, il me semble que deux points sont à souligner: d’abord, les populations grecques comme arméniennes étaient présentes en Anatolie bien avant que le premier Turc y posât le pied, et en général, c’est le dernier arrivé qui s’assimile (en tout cas en France: regardez les Francs, les Burgondes, les Normands, etc); ensuite, l’assimilation intérieure en terre d’islam, sans passer par la conversion, reste extrêmement compliquée. Ataturk était passionnément laïc et pourtant même lui n’a pas cru possible un tel exploit. Il nous faut peut-être admettre que la Turquie n’est pas la France et que ce qui a été possible en France ne l’était peut-être pas en Turquie.
               
              [Pensez aux protestants français, ou même aux juifs français, plongés au milieu de la majorité catholique. Peut-on imaginer un contentieux plus lourd que celui-là ?]
              Pardon, mais il y a eu nettoyage, sinon ethnique, du moins religieux. Après la Saint-Barthélémy de 1572, des protestants fuient le pays et surtout, beaucoup, terrifiés et démoralisés, repassent au catholicisme. Si le protestantisme a pu survivre ensuite, il ne faut pas négliger les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes de 1685 qui a entraîné une nouvelle vague de départ et de conversions forcées. Ne sont restés protestants en France que ceux qui, dans des zones reculées où ils étaient assez nombreux, ont pu résisté à la volonté de Louis XIV (dans les Cévennes par exemple). Mais ailleurs… On a toujours l’image des dragonnades, mais en fait la politique du roi-soleil a été plus subtile: pour parler d’un exemple que je connais un peu, à Mer, bourgade proche de Blois où la majorité des habitants étaient protestants depuis le milieu du XVI° siècle, Louis XIV a restauré l’église, il a installé un évêque à Blois (qui dépendait auparavant de l’évêché de Chartres) pour mener l’offensive catholique. Il n’y a pas forcément eu d’arrestations ou d’exécutions, mais une politique cohérente de promotion du catholicisme, notamment auprès des notables. A l’usure, la communauté protestante de Mer a décliné. Et au moment de la Révolution, elle est très réduite.
               
              Il ne faut pas se mentir: l’assimilation des protestants a été rendue possible par le fait que, sauf en de très rares endroits, le protestantisme et la culture protestante étaient résiduelles. 
               
              [La question est surtout la capacité de la nation à générer un récit national qui soit acceptable par tous et qui donne sa place à tous, et un Etat « laïque » au sens le plus étendu du terme, c’est-à-dire, qui ne prend pas parti dans ces contentieux.]
              Un récit “acceptable par tous” risque fort d’être un récit fade, sans aspérités, aseptisé, où, à force de gommer les contentieux, on perd de vue ce qui fait la substance épique et tragique de la geste nationale.
              C’est d’ailleurs ce que je reproche de plus en plus à l’Etat “laïc”: de réduire l’identité française au plus petit dénominateur commun, c’est-à-dire pas grand-chose.
               
              [Pourtant, vous remarquerez que l’assimilation a fonctionné, et paradoxalement à fonctionné à un moment où le tiers-mondisme et l’anticolonialisme étaient plus forts qu’aujourd’hui.]
              A cela, je vous réponds simplement: au moment des indépendances, il y avait une forme d’euphorie pour ne pas dire d’ivresse, et l’espoir d’un développement et d’un accès à la prospérité. Le temps passant, c’est le fiasco des indépendances qui a ravivé et nourri le contentieux. N’oubliez pas que ces gens ont voulu se libérer du colonisateur “qui les pillait” avant de s’apercevoir qu’on vit quand même bien mieux chez ledit colonisateur qui semble pouvoir prospérer, lui, même en ayant cessé de piller l’Afrique…
               
              Mais je pinaille. Plus généralement, je veux vous dire à nouveau que j’apprécie beaucoup nos échanges en ce qu’ils sont empreints de respect et d’honnêteté. Ils m’apportent beaucoup et je vous témoigne une fois de plus ma profonde gratitude. Et ne croyez pas que je sois un vil flatteur car je n’espère pas vivre à vos dépens.
               
              J’ai l’impression que vous essayez, avec une patience et une courtoisie que je trouve admirables (et sans doute d’autres lecteurs lassés de ma prose obstinément “radicale”), de me faire comprendre les points suivants:
              1) Les immigrés sont très nombreux dans de nombreux secteurs économiques et, au fond, leur présence est aujourd’hui indispensable. Il faut donc cesser de croire que les populations d’origine maghrébine ou subsaharienne sont expulsables: elles sont là et elles y resteront, tant pour des raisons économiques qu’éthiques. Et rêver qu’elles partent, quelque part, c’est se dispenser de chercher une vraie solution, raisonnable et réaliste.
              2) Le “Grand Remplacement”, d’un point de vue strictement “racial” si je puis dire est largement entamé, et là encore il est vain d’espérer inverser la tendance. C’est l’ordre des choses, on peut peut-être limiter à la marge mais sans doute pas arrêter les flux migratoires alimentés par les inégalités entre le Nord et le Sud d’une part, et par la croissance démographique africaine d’autre part.
              3) Mais, si Mohamed et Fatoumata font l’effort (ou plus exactement qu’on leur impose l’effort) de maîtriser le subjonctif imparfait, de réciter des vers de Baudelaire et de connaître la date du baptême de Clovis, ça ne se passera pas trop mal, et les natifs pourront s’effacer ou se diluer progressivement le coeur tranquille et l’âme en paix: leur culture survivra même si elle sera désormais portée par des populations ethniquement différentes (ou très métissées).
               
              Je force un peu le trait, mais dites-le moi sans ambages: ai-je bien compris le fond de votre propos?  
               
              [mon avis est qu’elle peut être construite par l’assimilation intérieure et le report des différences dans la sphère privée.]
              Je me demande si vous ne surestimez pas grandement l’étanchéité entre sphère publique et sphère privée. Peut-on vraiment penser qu’avec 30 % de la population de tradition musulmane “en privé”, il n’y aurait pas de profonds changements dans l’identité française et dans la façon dont la nation se conçoit?
              La religion n’est pas qu’un phénomène individuel, elle touche aussi au collectif. Et dès lors qu’il est question d’identité collective, à mon sens, la sphère publique n’est jamais loin.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« l’assimilation intérieure, par exemple… ne pensez-vous pas que si celle-ci avait été réussi, la société turque serait aujourd’hui moins crispée et moins autoritaire, et le pays plus riche et mieux relié à ses voisins ? » Honnêtement, je n’en suis pas sûr. La Grèce, si on met de côté les aides européennes, n’était pas forcément plus riche que la Turquie.]

              Je ne saisis pas le rapport. La Grèce, elle non plus, n’a pas pratiqué l’assimilation intérieure de sa minorité turque avant l’expulsion.

              [Sur l’assimilation intérieure, il me semble que deux points sont à souligner: d’abord, les populations grecques comme arméniennes étaient présentes en Anatolie bien avant que le premier Turc y posât le pied, et en général, c’est le dernier arrivé qui s’assimile (en tout cas en France: regardez les Francs, les Burgondes, les Normands, etc);]

              Pas du tout. Les gaulois étaient là bien avant l’arrivée des romains, et c’est pourtant les gaulois qui se sont assimilés, et non l’inverse. Dans ce domaine, l’antériorité n’est pas un argument. C’est la culture la plus riche, la plus dynamique intellectuellement, politiquement, technologiquement qui assimile les autres.

              [ensuite, l’assimilation intérieure en terre d’islam, sans passer par la conversion, reste extrêmement compliquée. Ataturk était passionnément laïc et pourtant même lui n’a pas cru possible un tel exploit. Il nous faut peut-être admettre que la Turquie n’est pas la France et que ce qui a été possible en France ne l’était peut-être pas en Turquie.]

              Peut-être. Ma connaissance fragmentaire de l’histoire turque m’invite à la prudence et à la modestie. Tout ce que je dis, c’est que l’assimilation intérieure reste la solution la plus efficace et la moins couteuse lorsqu’elle est praticable. Je veux bien admettre que dans certains contextes elle n’est pas possible. Et c’est particulièrement vrai là où la séparation du civil et du religieux n’est pas acquise : l’assimilation implique la possibilité pour l’assimilé de garder un certain nombre d’éléments de sa culture d’origine, à condition de les ranger dans la sphère privée. Or, comment est-ce possible dans une société ou la sphère privée et la sphère publique ne sont pas clairement séparées ?

              Dans la mesure où Atatürk était non seulement passionnément laïc, mais voyait dans la laïcité un moyen de moderniser son pays et s’était pas mal inspiré de la IIIème République française, j’imagine qu’il a du considérer la question. Je ne sais pas s’il y a renoncé parce qu’il n’y croyait pas cela structurellement possible, ou simplement parce que le rapport de forces à l’intérieur de son régime ne le permettait pas.

              [« Pensez aux protestants français, ou même aux juifs français, plongés au milieu de la majorité catholique. Peut-on imaginer un contentieux plus lourd que celui-là ? » Pardon, mais il y a eu nettoyage, sinon ethnique, du moins religieux. Après la Saint-Barthélémy de 1572, des protestants fuient le pays et surtout, beaucoup, terrifiés et démoralisés, repassent au catholicisme. Si le protestantisme a pu survivre ensuite, il ne faut pas négliger les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes de 1685 qui a entraîné une nouvelle vague de départ et de conversions forcées. Ne sont restés protestants en France que ceux qui, dans des zones reculées où ils étaient assez nombreux, ont pu résister à la volonté de Louis XIV (dans les Cévennes par exemple).]

              Certes. Mais il ne reste pas moins que dans ces « zones reculées » le contentieux a été largement résorbé, et que les cévenols ne se révoltent pas aujourd’hui contre la République française.

              [Mais ailleurs… On a toujours l’image des dragonnades, mais en fait la politique du roi-soleil a été plus subtile: pour parler d’un exemple que je connais un peu, à Mer, bourgade proche de Blois où la majorité des habitants étaient protestants depuis le milieu du XVI° siècle, Louis XIV a restauré l’église, il a installé un évêque à Blois (qui dépendait auparavant de l’évêché de Chartres) pour mener l’offensive catholique. Il n’y a pas forcément eu d’arrestations ou d’exécutions, mais une politique cohérente de promotion du catholicisme, notamment auprès des notables. A l’usure, la communauté protestante de Mer a décliné. Et au moment de la Révolution, elle est très réduite.]

              Une sorte de « assimilation intérieure » avant la lettre, en somme… ?

              Vous ne répondez pas sur l’assimilation des juifs, dont le contentieux avec le catholicisme était peut-être bien plus important que les protestants… et pourtant, ce contentieux a été liquidé sans coup férir sous Napoléon et n’a laissé guère de traces…

              [« La question est surtout la capacité de la nation à générer un récit national qui soit acceptable par tous et qui donne sa place à tous, et un Etat « laïque » au sens le plus étendu du terme, c’est-à-dire, qui ne prend pas parti dans ces contentieux. » Un récit “acceptable par tous” risque fort d’être un récit fade, sans aspérités, aseptisé, où, à force de gommer les contentieux, on perd de vue ce qui fait la substance épique et tragique de la geste nationale.]

              Pas forcément. De ce point de vue, la IIIème République a tout compris : on peut évoquer les contentieux d’une manière « acceptable par tous » sans affadir. Chez Lavisse, l’épisode de la Saint-Barthélémy est raconté d’une façon qu’on jugerait aujourd’hui « gore » – pensez à la mutilation et la défénestration de Coligny. Des écoliers donnant le nom de l’illustre maréchal à un jeu consistant à se suspendre des barreaux de la fenêtre, comme le raconte Gaston Bonheur. Et pourtant, cet épisode n’empêchait pas les élèves de communier dans l’histoire commune parce que la Saint-Barthélémy n’était pas l’œuvre de la France, mais d’une reine méchante et mal conseillée.

              [C’est d’ailleurs ce que je reproche de plus en plus à l’Etat “laïc”: de réduire l’identité française au plus petit dénominateur commun, c’est-à-dire pas grand-chose.]

              Je ne pense pas qu’on puisse adresser ce reproche à Lavisse ou à Buisson… pourtant laïcards convaincus. Je pense au contraire qu’on peut faire aimer une histoire « faite de bruit et de fureur ». Un récit n’est pas intéressant s’il n’a pas de héros et de vilains. Le tout est de placer les vilains du bon côté… On peut parler de l’esclavage sans rejeter la faute sur Colbert, de la Saint-Barthélémy sans que ce soit la faute de la France entière.

              [Mais je pinaille. Plus généralement, je veux vous dire à nouveau que j’apprécie beaucoup nos échanges en ce qu’ils sont empreints de respect et d’honnêteté. Ils m’apportent beaucoup et je vous témoigne une fois de plus ma profonde gratitude. Et ne croyez pas que je sois un vil flatteur car je n’espère pas vivre à vos dépens.]

              Si c’est votre objectif, vous serez très déçu. Je n’ai guère de gros fromage à laisser tomber dans vos pattes… Mais sachez que j’apprécie, moi aussi, nos échanges d’autant plus que je n’ai pas dans la vie réelle l’opportunité d’échanger aussi franchement avec quelqu’un qui a une vision du monde aussi différente de la mienne. Je ne renonce pas à l’idée de faire un jour un saut à Blois pour faire connaissance personnellement.

              [1) Les immigrés sont très nombreux dans de nombreux secteurs économiques et, au fond, leur présence est aujourd’hui indispensable. Il faut donc cesser de croire que les populations d’origine maghrébine ou subsaharienne sont expulsables: elles sont là et elles y resteront, tant pour des raisons économiques qu’éthiques. Et rêver qu’elles partent, quelque part, c’est se dispenser de chercher une vraie solution, raisonnable et réaliste.]

              Oui et non. Je ne pense pas que les immigrés soient « indispensables » à quelque titre que ce soit. Mais je fais une différence entre les immigrés assimilés et les autres. Les assimilés ont accepté le contrat qu’on leur a proposé, il serait injuste de les séparer de la collectivité nationale. Pour les non assimilés, je pense qu’il faut leur donner le choix entre l’assimilation et le départ. Mais oui, je ne pense pas qu’une expulsion « en masse » et sans distinction soit possible – du moins à un coût économique, social et éthique raisonnable. De ce point de vue, votre compréhension est juste : rêver d’un « grand départ », c’est se dispenser de rechercher des solutions réalistes.

              [2) Le “Grand Remplacement”, d’un point de vue strictement “racial” si je puis dire est largement entamé, et là encore il est vain d’espérer inverser la tendance. C’est l’ordre des choses, on peut peut-être limiter à la marge mais sans doute pas arrêter les flux migratoires alimentés par les inégalités entre le Nord et le Sud d’une part, et par la croissance démographique africaine d’autre part.]

              Non. Je ne partage pas l’idée de « grand remplacement ». Je pense, oui, que la France est « racialement » diverse, et que c’est une réalité avec laquelle il faut faire. Par contre, je ne pense pas qu’on ne puisse pas arrêter – ou du moins sérieusement limiter – les flux migratoires. Et là encore, la pression assimilatrice peut être largement dissuasive. A ce titre, une expérience personnelle : lorsque mes parents ont décidé d’émigrer, des amis qui avaient pris la même décision étaient étonnés qu’ils choisissent la France. En effet, le pays avait une réputation d’imposer ses règles (scolarisation des enfants en français, priorité à ses nationaux à l’embauche, pas de communautarisme) là où d’autres pays étaient bien plus « coulants ».

              [3) Mais, si Mohamed et Fatoumata font l’effort (ou plus exactement qu’on leur impose l’effort) de maîtriser le subjonctif imparfait, de réciter des vers de Baudelaire et de connaître la date du baptême de Clovis, ça ne se passera pas trop mal, et les natifs pourront s’effacer ou se diluer progressivement le coeur tranquille et l’âme en paix: leur culture survivra même si elle sera désormais portée par des populations ethniquement différentes (ou très métissées).]

              C’est un peu caricatural, mais oui. Mohammed et Fatoumata garderont des traces de leur culture dans le domaine privé (la cuisine traditionnelle, les chants enfantins…) comme c’est d’ailleurs dans nos régions ou pour certaines populations assimilées depuis longtemps, comme les juifs. Mais dans la sphère publique, ils deviendront comme les autres Français.

              [« Mon avis est qu’elle peut être construite par l’assimilation intérieure et le report des différences dans la sphère privée. » Je me demande si vous ne surestimez pas grandement l’étanchéité entre sphère publique et sphère privée. Peut-on vraiment penser qu’avec 30 % de la population de tradition musulmane “en privé”, il n’y aurait pas de profonds changements dans l’identité française et dans la façon dont la nation se conçoit ?]

              Non, je ne le pense pas. Parce que l’assimilation n’est pas un mélange de couleurs, ou la couleur finale est à proportion des teintes présentes dans le mélange. C’est la culture la plus riche, la plus dynamique, la plus adaptée au monde réel qui s’impose. Et j’ai une confiance illimitée dans le fait que la culture française réunit ces conditions – ou du moins pourrait les réunir, si on s’en donnait la peine. Alors des changements ? Oui, bien sûr : la culture française s’enrichira de ces apports, comme elle s’est enrichie de l’apport des régions ou celle des groupes assimilés comme les juifs. Mais des changements « profonds » ? Non, je ne le pense pas.

              [La religion n’est pas qu’un phénomène individuel, elle touche aussi au collectif. Et dès lors qu’il est question d’identité collective, à mon sens, la sphère publique n’est jamais loin.]

              La sphère publique est celle dont les normes s’appliquent à tout le monde. La religion est dans la sphère privée à partir du moment où les normes édictées par les autorités religieuses ne sont impératives qu’à l’égard de ceux qui veulent bien s’y plier. Quand l’autorité religieuse prescrit de manger du poisson le vendredi ou de jeuner pendant le Ramadan, la règle ne s’applique qu’aux fidèles. C’est quand des fidèles prétendent donner un caractère normatif universel à ces prescriptions que l’empiètement sur la sphère publique commence. Et c’est pourquoi il faut être très vigilant, et combattre ces empiètements. Mais cela n’a pas de rapport avec l’identité.

            • @ Descartes,
               
              [La Grèce, elle non plus, n’a pas pratiqué l’assimilation intérieure de sa minorité turque avant l’expulsion.]
              Soyons honnête: les territoires habités par le gros de la minorité turque (région de Thessalonique, Macédoine, Thrace) sont devenus grecs en 1912-1913 au terme des guerres balkaniques. En moins de 10 ans, assimiler plusieurs centaines de milliers de Turcs était une gageure…
               
              En revanche, je me permets de vous signaler que la Grèce a fort bien assimilé ses minorités valaque (roumanophone) et arvanite (albanophone).
              Si le coeur vous en dit, je vous mets ce lien:
              https://fr.wikipedia.org/wiki/Arvanites
               
              L’article contient une carte ethnographique allemande de 1890 du Péloponnèse, et vous pourrez constater que les régions majoritairement albanophones représentaient une part non-négligeable de cette partie de la Grèce (et le Péloponnèse représentait à l’époque presque la moitié du territoire grec). Et on trouvait des Arvanites ailleurs (Attique, Béotie, Eubée). Ils représentaient donc une part non-négligeable de la population de la Grèce primitive (celle d’avant les guerres balkaniques).
               
              Alors vous me direz que les Valaques et les Arvanites, contrairement aux Turcs, étaient des chrétiens orthodoxes. Mais les Kurdes sont bien musulmans sunnites et les Turcs n’ont jamais réussi à les assimiler…
               
              [Les gaulois étaient là bien avant l’arrivée des romains, et c’est pourtant les gaulois qui se sont assimilés, et non l’inverse.]
              Vous allez trouver que je pinaille, mais parler d’ “assimilation” dans l’Antiquité me paraît un peu anachronique. Et ce pour plusieurs raisons:
              1) Les Romains imposent leur domination mais pas leur culture: les Gaulois (du moins l’immense majorité d’entre eux) n’ont pas été “contraints” d’apprendre le latin ou de prendre des noms romains. D’ailleurs, on parle encore des dialectes gaulois dans certaines campagnes au IV° siècle, tout comme en Afrique du Nord à la même époque Saint Augustin signale qu’on parle un patois punique dans les campagnes de Numidie. Les notables gaulois ont été séduits par la culture du nouveau maître (qui, accessoirement, offrit rapidement des opportunités de promotion sociale).
              2) Il y a d’abord un phénomène d’imitation, je dirais presque de “mode”: construire un temple, une maison, un forum de type romain, ça fait “chic”, ça fait moderne. Prendre un nom latin, également. 
              3) Au niveau religieux, les Romains n’imposent rien en-dehors de l’interdiction des sacrifices humains. Pendant la période païenne, des cultes proprement gaulois (même s’ils s’habillent d’attributs romanisés) subsistent.
               
              Avec l’édit de Caracalla (212) qui accorde la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire et avec les édits de Théodose (fin du IV° siècle) imposant le christianisme nicéen, on se rapproche d’une forme d’assimilation. Mais, compte tenu des moyens dont disposait l’Etat romain (sans commune mesure avec ceux d’un Etat moderne), il me paraît plus judicieux de parler d’acculturation. Même dans l’Antiquité tardive, les textes utilisent les noms des tribus gauloises (les Arvernes, les Turons, etc) et emploient le gentilé “Gaulois” (jamais “Gallo-romains” qui est un néologisme récent). En fait, ce sont les Barbares, ironie du sort au moment où l’Empire s’effondre, qui qualifient de “Romains” les populations autochtones anciennement soumises à Rome sur lesquelles leurs rois exercent désormais leur autorité. 
               
              [Dans la mesure où Atatürk était non seulement passionnément laïc, mais voyait dans la laïcité un moyen de moderniser son pays et s’était pas mal inspiré de la IIIème République française, j’imagine qu’il a du considérer la question.]
              Sans aucun doute. Mais Atatürk est aussi le produit de circonstances historiques: il extirpe en quelque sorte la nation turque du cadavre d’un empire multiethnique, l’empire ottoman. C’est pourquoi la conception de la nation d’Atatürk était profondément ethniciste. D’ailleurs, c’est l’une des raisons de son rejet de l’islam: il trouvait certes cette religion obscurantiste, mais il lui reprochait aussi d’être une religion arabe et non turque. Il est d’ailleurs intéressant de voir comment cette conception kémaliste de l’identité turque s’est appliquée au plan linguistique: Atatürk a supervisé un travail de “purification” de la langue turque, notamment dans sa dimension savante, en essayant d’éliminer le maximum de mots empruntés à d’autres langues (surtout l’arabe, le grec, le persan) pour les remplacer par des mots construits à partir de racines turques. Sans vouloir vous offenser, une telle vision des choses, fondée sur le rejet de tout apport extérieur, est difficile à concilier avec un projet d’assimilation…
               
              Atatürk était laïc, contrairement à Erdogan, mais leur nationalisme et leur conception de la “turcité” n’étaient pas si éloignés.
               
              [Une sorte de « assimilation intérieure » avant la lettre, en somme… ?]
              En quelque sorte… Avec une intrusion dans la sphère privée quand même puisque l’objectif était ni plus ni moins d’éradiquer le protestantisme.
               
              [Et pourtant, cet épisode n’empêchait pas les élèves de communier dans l’histoire commune parce que la Saint-Barthélémy n’était pas l’œuvre de la France, mais d’une reine méchante et mal conseillée]
              Oui, mais ça c’est bon pour enseigner l’histoire à l’école primaire. Il ne vous aura pas échappé je pense qu’on n’est plus sous la III° République, que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans et qu’on enseigne l’histoire au collège et au lycée. Et, à partir du collège, l’objectif est quand même de montrer aux élèves que les choses sont toujours complexes…
              Si je suis votre logique, la conclusion est simple: il faut supprimer l’enseignement de l’histoire dans le secondaire, pour que les enfants en restent à une vision réductrice du passé. Mais quand un élève de 3ème me demande si Pétain “était méchant”, je ne peux pas décemment répondre par oui ou par non.
               
              [d’autant plus que je n’ai pas dans la vie réelle l’opportunité d’échanger aussi franchement avec quelqu’un qui a une vision du monde aussi différente de la mienne.]
              Je proteste. Nous avons des divergences, certes, mais aussi des points d’accord. Je pense par exemple que nous partageons une certaine conception de l’Etat, une relative confiance dans la science face à l’obscurantisme écologiste, un attachement certain à la souveraineté nationale, une forme de nostalgie de la grandeur française. Et je crois aussi que nous avons en commun d’exécrer un certain conformisme bienpensant. Il est vrai que j’interviens surtout sur nos désaccords, parce que je n’ai souvent rien à dire quand je suis d’accord. Et je suis très souvent d’accord avec ce que vous écrivez…
              Mais vous m’étonnez. Vous qui semblez fréquenter une telle diversité de gens, de toutes obédiences et de toutes opinions.
               
              [Je ne renonce pas à l’idée de faire un jour un saut à Blois pour faire connaissance personnellement.]
              Je serais honoré de vous offrir le couvert… Mais je crains que vous ne soyez déçu de m’avoir en face de vous.
               
              [La religion est dans la sphère privée à partir du moment où les normes édictées par les autorités religieuses ne sont impératives qu’à l’égard de ceux qui veulent bien s’y plier.]
              Et quand les parents imposent à leurs enfants des normes religieuses au point que ceux-ci finissent par les intérioriser?
               
              Quand j’étais petit, mes parents m’ont obligé à aller au catéchisme. Je n’avais, pour tout vous dire, aucune envie d’y aller. Aujourd’hui, je bénis mes parents, et je compte envoyer mes propres enfants au catéchisme… J’ai d’ailleurs dû commencer l’instruction religieuse de mon aînée, ne serait-ce que parce qu’elle rentre de l’école en parlant d’islam, de ramadan, de l’Aïd, etc, dont parlent ses petits camarades mahométans. Il faut bien lui expliquer que nous sommes d’une autre tradition…
               
              Bref, est-ce que la transmission au sein de la famille n’entrave pas d’une certaine manière la liberté dont l’individu est censé jouir dans la sphère privée?

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« La Grèce, elle non plus, n’a pas pratiqué l’assimilation intérieure de sa minorité turque avant l’expulsion. » Soyons honnête: les territoires habités par le gros de la minorité turque (région de Thessalonique, Macédoine, Thrace) sont devenus grecs en 1912-1913 au terme des guerres balkaniques. En moins de 10 ans, assimiler plusieurs centaines de milliers de Turcs était une gageure…]

              Ce n’était pas un reproche. Je peux concevoir qu’il fut très difficile à la Grèce des années 1920, avec un Etat en construction, n’ait pas eu les moyens d’une assimilation des populations turques.

              [En revanche, je me permets de vous signaler que la Grèce a fort bien assimilé ses minorités valaque (roumanophone) et arvanite (albanophone).]

              Tout à fait. Et du coup ces minorités ne présentent aucun problème, elles se considèrent grecques et se sont même distinguées en se rangeant du côté grec dans la guerre d’indépendance… Vous apportez de l’eau à mon moulin ! Bon, il est vrai que l’assimilation de ces populations s’est faite au cours des siècles, et était pratiquement acquise lorsque la Grèce moderne naït.

              [Alors vous me direz que les Valaques et les Arvanites, contrairement aux Turcs, étaient des chrétiens orthodoxes. Mais les Kurdes sont bien musulmans sunnites et les Turcs n’ont jamais réussi à les assimiler…]

              Je persiste et signe : l’exemple des Kurdes en Turquie ou Irak et celui des Juifs en France montre que l’assimilation n’est pas une question de religion, mais plutôt de culture. Et surtout, l’assimilation est un pacte, dans lequel l’assimilateur accorde à l’assimilé la plénitude des droits en échange de l’effort de faire siennes des règles et la culture du pays d’accueil. Je ne suis pas persuadé que les Turcs aient fait cette proposition aux Kurdes, du moins d’une façon crédible.

              [« Les gaulois étaient là bien avant l’arrivée des romains, et c’est pourtant les gaulois qui se sont assimilés, et non l’inverse. » Vous allez trouver que je pinaille, mais parler d’ “assimilation” dans l’Antiquité me paraît un peu anachronique.]

              J’accepte en partie le reproche. Mais en partie seulement. Bien entendu, on ne peut pas parler de « nation » à l’époque romaine. Cependant, beaucoup d’éléments dans la vision civique romaine permettent de parler – avec quelques précautions – d’assimilation.

              [1) Les Romains imposent leur domination mais pas leur culture: les Gaulois (du moins l’immense majorité d’entre eux) n’ont pas été “contraints” d’apprendre le latin ou de prendre des noms romains.]

              Cela dépend ce que vous appelez « contraints ». Bien sûr, il n’y a pas d’école obligatoire dont les murs délimitent un espace ou l’on parle la langue de l’assimilateur. Mais Rome propose bien un « pacte d’assimilation » : le gaulois peut accéder à la citoyenneté romaine avec droits pleins et entiers, mais en échange il doit se « comporter en romain », parler et écrire le Latin, affirmer sa fidélité à l’Empereur, participer des devoirs militaires… Par ailleurs, vous avez une vision très restrictive de la « culture ». Les romains imposent bien leur droit et leurs institutions politiques, leurs fêtes et leurs cultes. N’est-ce pas là une partie de la « culture » ?

              [2) Il y a d’abord un phénomène d’imitation, je dirais presque de “mode”: construire un temple, une maison, un forum de type romain, ça fait “chic”, ça fait moderne. Prendre un nom latin, également.]

              Ce n’est pas seulement une question de « mode » : construire un temple, une maison, un forum de type romain permet aussi d’accéder au statut de citoyen et aux droits qui vont avec. C’est là une forme du « pacte d’assimilation » dont je parlais plus haut. Et aussi une forme de pression sociale.

              [3) Au niveau religieux, les Romains n’imposent rien en-dehors de l’interdiction des sacrifices humains. Pendant la période païenne, des cultes proprement gaulois (même s’ils s’habillent d’attributs romanisés) subsistent.]

              Ils imposent aussi leurs fêtes. Mais encore une fois la religion n’est pas un élément essentiel de l’assimilation pour moi. La France a assimilé de nombreuses populations au XIXème et XXème siècle, et ne leur a jamais imposé d’obligation religieuse… en dehors des interdictions d’ordre public.

              [Il est d’ailleurs intéressant de voir comment cette conception kémaliste de l’identité turque s’est appliquée au plan linguistique : Atatürk a supervisé un travail de “purification” de la langue turque, notamment dans sa dimension savante, en essayant d’éliminer le maximum de mots empruntés à d’autres langues (surtout l’arabe, le grec, le persan) pour les remplacer par des mots construits à partir de racines turques. Sans vouloir vous offenser, une telle vision des choses, fondée sur le rejet de tout apport extérieur, est difficile à concilier avec un projet d’assimilation…]

              Pourquoi cela devrait « m’offenser » ? Je n’ai jamais considéré que la construction de la nation ou l’assimilation nécessitent une fermeture au monde extérieur, au contraire. Mais je vous suis sur ce point. Les contraintes qui s’imposaient à Atatürk – la construction d’un Etat et d’une nation sur les ruines d’un empire multiethnique à partir de populations très diverses étaient énormes.

              [« Une sorte de « assimilation intérieure » avant la lettre, en somme… ? » En quelque sorte… Avec une intrusion dans la sphère privée quand même puisque l’objectif était ni plus ni moins d’éradiquer le protestantisme.]

              A l’époque, la religion n’était pas tout à fait rangée dans la sphère privée…

              [Oui, mais ça c’est bon pour enseigner l’histoire à l’école primaire. Il ne vous aura pas échappé je pense qu’on n’est plus sous la III° République, que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans et qu’on enseigne l’histoire au collège et au lycée. Et, à partir du collège, l’objectif est quand même de montrer aux élèves que les choses sont toujours complexes…]

              Oui. Mais si le récit a été bien enseigné à l’école primaire, il résiste très bien à une révision plus « scientifique » au lycée. Vous savez, l’être humain est capable de gérer à la fois le mythe et la réalité, la fiction nécessaire d’un côté, la vérité historique de l’autre. Vous et moi savons que Napoléon ou Colbert sont des personnages complexes, et pourtant nous communions dans le mythe construit autour de ces deux personnages…

              [Si je suis votre logique, la conclusion est simple: il faut supprimer l’enseignement de l’histoire dans le secondaire, pour que les enfants en restent à une vision réductrice du passé.]

              Pas du tout. Ma position est qu’il faut enseigner le mythe aux enfants, et l’histoire scientifique aux adolescents. J’avais vu passer un programme scolaire innovant élaboré pour l’Argentine et le Brésil – c’est-à-dire, pour des pays dont la population est essentiellement issue de l’immigration, et qui ont besoin de créer une conscience de nation – dans laquelle la matière en primaire était rebaptisée « éphémérides » à la place de « histoire », pour bien marquer la différence. Dans les « éphémérides », on enseigne l’histoire des grands hommes dans la perspective d’un « roman national ». Dans le secondaire, on revient à l’histoire…

              Je pense que les gens sont parfaitement capables de gérer cette dualité entre mythe et réalité.

              [Mais vous m’étonnez. Vous qui semblez fréquenter une telle diversité de gens, de toutes obédiences et de toutes opinions.]

              J’essaye, j’essaye… mais il devient difficile, en ce XXIème siècle, d’avoir un échange franc avec des gens qui ne viennent pas de votre chapelle. Les gens ont tellement peur du conflit, qu’ils s’en tiennent souvent à des propos très généraux, à un certain conformisme. Il y a beaucoup de choses qu’on ne vous dit qu’en tête à tête, et souvent après deux ou trois verres d’Armagnac.

              [« La religion est dans la sphère privée à partir du moment où les normes édictées par les autorités religieuses ne sont impératives qu’à l’égard de ceux qui veulent bien s’y plier. » Et quand les parents imposent à leurs enfants des normes religieuses au point que ceux-ci finissent par les intérioriser ?]

              Il est difficile de parler de « sphère privée » pour un enfant, puisque l’enfant vit dans un monde ou TOUT est contrôlé par ses parents. Mais vous savez que l’imposition est rarement suffisante pour obtenir une « intériorisation » : on ne compte pas les grands anticléricaux formés par les écoles de curés… Plus généralement, que ce soit l’enfant ou l’adulte, la société exerce toujours une certaine influence sur nos choix, qu’ils soient dans la sphère publique ou privée. Mais entre influence et caractère normatif, il y a une grande différence.

              [Quand j’étais petit, mes parents m’ont obligé à aller au catéchisme. Je n’avais, pour tout vous dire, aucune envie d’y aller. Aujourd’hui, je bénis mes parents, et je compte envoyer mes propres enfants au catéchisme…]

              Mais c’est là un choix libre, que personne ne vous impose. Vos parents pouvaient vous obliger à aller au catéchisme, ils ne pouvaient pas vous obliger de croire. Et le jour où vous êtes devenu majeur, et par conséquent aviez acquis votre « sphère privée », vous avez eu le choix de continuer d’aller à l’Eglise ou pas.

              [J’ai d’ailleurs dû commencer l’instruction religieuse de mon aînée, ne serait-ce que parce qu’elle rentre de l’école en parlant d’islam, de ramadan, de l’Aïd, etc, dont parlent ses petits camarades mahométans. Il faut bien lui expliquer que nous sommes d’une autre tradition…]

              Loin de moi l’idée de vous critiquer. Pour un anticlérical comme moi, combattre le catéchisme avait un sens là où l’Eglise catholique détient un pouvoir politique et utilise cet instrument pour défier l’Etat. Dans l’état ou se trouve l’Eglise catholique aujourd’hui, le catéchisme ne présente aucun danger, au contraire, c’est un mode de transmission d’une certaine culture.

              Mais permettez-moi de revenir un peu en arrière : cette affaire de catéchisme vous montre comment les enfants sont parfaitement capables de gérer la différence entre mythe et réalité. Car votre fille, je pense, ne croit pas que ce qu’on lui enseigne au catéchisme est réel – au sens où est réelle la théorie de la relativité ou la vie de Napoléon. Et pourtant, elle y croit…

              [Bref, est-ce que la transmission au sein de la famille n’entrave pas d’une certaine manière la liberté dont l’individu est censé jouir dans la sphère privée ?]

              Absolument pas. C’est comme si vous me disiez que le fait que dans la sphère privée je pense en français – langue que je n’ai pas choisie – limiterait ma liberté. « La liberté consiste à POUVOIR FAIRE tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Cela n’implique nullement que nos choix de faire ou pas faire telle ou telle chose ne soient pas influencés par notre formation, par le regard de l’autre, par la mode… Il ne peut d’ailleurs pas en être autrement. Le genre de liberté dont vous parlez implique une volonté détachée de toute contrainte matérielle, de toute histoire, de toute interaction sociale. Or, nous sommes des êtres matériels, sociaux et historiques. Notre vision du monde est le produit de contraintes matérielles, d’une histoire et d’un ensemble d’interactions sociales. Même la langue dans laquelle nous pensons nous vient de l’extérieur.

              La liberté se conçoit donc par rapport à une normative. Nous sommes « libres » dans la sphère privée parce que nous ne sommes soumis à aucune normative autre que celle que nous fixons. Cela n’implique nullement que nous ne soyons pas soumis aux lois physiques : même dans la sphère privée, je ne peux voler. Et de la même façon, je suis soumis à mon héritage. Même dans la sphère privée, je pense en français, et pas en chinois.

  30. democ-soc dit :

    Je partage cette petite analyse d’un des commentateurs de Laurent Pinsolle, que je trouve tres bien vue  (c’est ici ):
     
    “Le vote 2022 fut un vote de fractures sociales, identitaires et géographiques : retraités et gagnants de la mondialisation avec Macron, classe moyenne des grandes villes et cités avec JLM, classes populaires blanches et France profonde/périurbaine avec MLP. On est pas loin du “bloc des nantis face à une alternative divisée” de Thatcher. Les deux autres blocs sont trop étanches pour pouvoir faire alternative… ”
     
    J’aime bien aussi la mise en perspective du billet, qui montre l’erosion lente et régulière des partis centristes: plus de 4 electeurs sur 5 au début du siecle, et moins de 4 sur 10 aujourd’hui, si on ajoute PS+LR+LREM+EELV. Le systeme ne craquera sans doute pas dans 10 jours mais j’ai du mal à voir comment il va tenir sur la durée, si il se créée des opposants lentement mais réulièrement…
    D’ailleurs, le fait que hors electorat des plus de 65 ans, on aurait apparemment eu un 2e tour Melenchon – Le Pen, ca me rendrait presque optimiste aussi : le centrisme eurolibéral et pro-mondialisation va “fabriquer” de moins en moins de retraités aisés, et donc de moins en moins de partisans!

    • Descartes dit :

      @ democ-soc

      [Je partage cette petite analyse d’un des commentateurs de Laurent Pinsolle, que je trouve tres bien vue (c’est ici ):]

      Juste une petite erreur : l’article est de Laurent Herblay, et non Laurent Pinsolle. Mais le blog « gaulliste libre » a souvent de très bonnes analyses.

      [“Le vote 2022 fut un vote de fractures sociales, identitaires et géographiques : retraités et gagnants de la mondialisation avec Macron, classe moyenne des grandes villes et cités avec JLM, classes populaires blanches et France profonde/périurbaine avec MLP. On est pas loin du “bloc des nantis face à une alternative divisée” de Thatcher. Les deux autres blocs sont trop étanches pour pouvoir faire alternative… ”]

      Voire. Il y a vingt ou trente ans, il était impensable pour un électeur communiste ou socialiste de voter Le Pen. Aujourd’hui, si l’on croit les sondages, entre 20 et 30% des électeurs de Mélenchon sont prêts à voter MLP au deuxième tour… En fait, ce qui empêche aux « deux blocs » contestataires de « faire alternative », c’est l’absence d’un programme. La force du « bloc central » – ce que Herblay appelle le « bloc oligarchique » – est d’avoir un projet commun : macronistes « de gauche » et macronistes « de droite » peuvent différer sur la couleur de la moquette, mais ils sont d’accord pour soutenir le projet d’une France intégrée dans une Europe supranationale fondée sur le « marché libre et non faussé ».

      Ce qui manque aux « blocs contestataires », c’est la capacité à s’asseoir autour d’une table, comme le firent naguère gaullistes et communistes, et se mettre d’accord sur un programme minimal qui, sans nier les différences profondes, manifeste un accord sur les grandes priorités. Personnellement, je pense que cette entente est impossible notamment parce que le « bloc contestataire » autour de Mélenchon est ambigu : il manifeste sa détestation de Macron, mais ses intérêts ne sont pas très éloignés de celui-ci…

  31. Variant des Sources dit :

    Bonsoir,
    Que pensez-vous de la prise de position des LFI sur Roussel l’accusant d’avoir empêché Mélenchon d’accéder au second tour  ?
    Franchement, je trouve qu’on se fout de la gueule du monde (d’autant plus que Marine le Pen avait beaucoup plus de réserves de voix) mais je ne suis pas surpris. La haine des gauchistes envers les communistes est bien connue. Et le wokisme ambiant à gauche n’arrange pas les choses…
    Autrement je relativiserais le score de Macron. Alors que LR à perdu 15 points, Macron n’en a gagné que quatre.
    28% alors que LR, EELV et PS réunis font 10%, c’est assez minable, je trouve. Le second tour est loin d’être joué d’avance bien que les chances de gagner de MLP soient faibles.

    • Descartes dit :

      @ Variant des Sources

      [Que pensez-vous de la prise de position des LFI sur Roussel l’accusant d’avoir empêché Mélenchon d’accéder au second tour ?]

      Je pense que c’est une idiotie. Roussel n’est pas propriétaire de ses voix. Si quelqu’un a empêché Mélenchon d’aller au deuxième tour, ce n’est pas Roussel, mais les 2,3% d’électeurs qui ont préféré le discours et la personnalité de Roussel à ceux de Mélenchon. Qu’est-ce que Mélenchon a fait comme effort pour donner à ces 2,3% envie de voter pour lui ? A-t-il incorporé à son programme les sujets qui leur tiennent à cœur ? A-t-il renoncé aux propositions qui leur répugnent ? Non. Alors, au nom de quoi leur reproche-t-il de ne pas avoir voté pour lui ?

      Ces reproches reposent sur l’idée que les électeurs de gauche auraient un devoir sacré de soutenir « le candidat de gauche le mieux placé ». Cela pouvait se comprendre du temps ou « la gauche » partageait un cadre de référence commun – le marxisme, pour faire court. Mais aujourd’hui, ce n’est de toute évidence pas le cas. J’ai voté pour Roussel pour les raisons que j’ai expliqué dans un papier, et je n’aurais pas voté Mélenchon même si Roussel ne s’était pas présenté, même si Roussel m’avait imploré à genoux de voter pour lui. Alors, si Mélenchon n’a pas eu ma voix, ce n’est pas à cause de Roussel, c’est à cause de ce qu’il a fait et ce qu’il a dit lui-même.

      [La haine des gauchistes envers les communistes est bien connue. Et le wokisme ambiant à gauche n’arrange pas les choses…]

      Et surtout, si Mélenchon veut garder son image de gourou infaillible, il lui faut un coupable extérieur.

  32. Bruno dit :

    @Descartes
    Je me permets de rebondir sur un de vos échanges avec NE.
    Qu’est-ce qui vous fait dire que nous parviendrons à créer un “bloc” favorable à l’assimilation? Désolé de jouer les Cassandre, mais j’ai aujourd’hui l’impression que nous en sommes arrivés à une telle atomisation de la société qu’il va être difficile, avant de sombrer, de faire adhérer une majorité à un tel projet…
    La “société” française contemporaine m’apparaît aujourd’hui davantage comme un agrégat plutôt “foireux” de susceptibilités, d’individualités et de groupes divers, basés sur la religion, la sexualité, la profession… Un poète vous dira que le liant de tout ce “bordel” est la langue de Molière, un prosaïque vous parlera plutôt de la CAF et de la sécurité sociale…
    Sans vouloir enfoncer une porte ouverte, le culte du moi développé et promu par la société capitaliste contemporaine (les lectures de Lasch et Clouscard à ce sujet sont éclairantes) tant à réduire tout combat politique à une projection égotique du genre :” Et moi alors? Qu’est-ce que j’y gagne? ” Pour les plus vieux, on sera sur le mode du “est-ce bon pour ma famille”? Mais chez les jeunes, ça devient ringard.
    J’ai eu une petite pensée pour vous ce midi. Lors d’un déjeuner de travail, j’ai dû faire face à la nouvelle “société” : entre un mahométan qui refusait de manger et nous l’a signifié ostensiblement à table, ramadan oblige (il aurait pu tout simplement ne pas venir à table pour éviter de nous faire son couplet…) et le bobo vegan qui a fait une moue épouvantée à la vue du poulet, franchement… Comment voulez-vous qu’on fasse quelque chose tous ensemble si on ne peut même pas bouffer à la même table, boire du vin, manger de la viande ensemble (Roussel serait d’accord!)? Je le dis sur le ton de la plaisanterie, mais ça me laisse pantois.
    L’autre jour j’ai eu le malheur de dire à une collègue (que je n’avais pas identifié comme gauchiste) que j’étais opposé au voile islamique. J’ai eu le droit au refrain sur la tolérance, la différence… etc. Et moi alors, est-ce qu’elle me tolère la femme voilée ? Ou je suis un gros porc libidineux auquel elle ne condescend même pas à montrer ses cheveux gras? 
    Le discours sur l’acceptation de l’autre, adossé au positionnement de victime éternelle conféré à certain.e.s me rend très pessimiste.
    HS et dans la suite de nos échanges sur le Z, un article à mon sens très intéressant et qui résume bien les raisons de son échec.

    Marine qui rit, Zemmour qui pleure


     

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Qu’est-ce qui vous fait dire que nous parviendrons à créer un “bloc” favorable à l’assimilation?]

      Rien. Quand on part au combat, rien ne vous assure la victoire. « Combien de marins, combien de capitaines/ sont partis joyeux pour des courses lointaines… ». Ce que je pense, c’est que c’est là la seule véritable solution au problème, toutes les autres conduisent à de véritables catastrophes humaines.

      [Désolé de jouer les Cassandre, mais j’ai aujourd’hui l’impression que nous en sommes arrivés à une telle atomisation de la société qu’il va être difficile, avant de sombrer, de faire adhérer une majorité à un tel projet…]

      Difficile, sans aucun doute. Je n’ai à vous promettre que du sang, de la sueur et des larmes, comme disait l’autre.

      [La “société” française contemporaine m’apparaît aujourd’hui davantage comme un agrégat plutôt “foireux” de susceptibilités, d’individualités et de groupes divers, basés sur la religion, la sexualité, la profession… Un poète vous dira que le liant de tout ce “bordel” est la langue de Molière, un prosaïque vous parlera plutôt de la CAF et de la sécurité sociale…]

      Il ne faut pas se laisser emporter par les effets médiatiques. Il y a une certaine classe médiatique, un « monde de la culture » qui met en scène les susceptibilités, l’individualisme, les communautarisme, parce que cette idéologie est conforme à ses intérêts, mais aussi parce que cela fait vendre du papier. Mais il ne faut pas, sous prétexte que cette caste détient tous les hauts-parleurs, s’imaginer qu’elle parle au nom de la société toute entière. Il y a une France que l’on n’entend que très rarement parler sur nos médias, qu’on peut deviner quelque fois à travers certains reportages : « celle qui construisit de ses mains vos usines/celle dont M. Tiers a dit « qu’on la fusille »/ma France ». Ne tombons pas nous-mêmes, souverainistes, dans la haine de soi. Notre pays a encore d’immenses ressources.

      [J’ai eu une petite pensée pour vous ce midi. Lors d’un déjeuner de travail, j’ai dû faire face à la nouvelle “société” : entre un mahométan qui refusait de manger et nous l’a signifié ostensiblement à table, ramadan oblige (il aurait pu tout simplement ne pas venir à table pour éviter de nous faire son couplet…) et le bobo vegan qui a fait une moue épouvantée à la vue du poulet, franchement…]

      Le plus triste, c’est d’observer que tout cela tient de la mise en scène. Qu’on finit par adhérer à une religion, à une norme vestimentaire, à un régime particulier, une préférence sexuelle même, parce que c’est un moyen de nous rendre intéressants. Ca me rappelle la confession recueillie par « The Economiste » d’un adolescent qui se présentait comme « trans » : « heterosexual is boring » (« être hétérosexuel, c’est ennuyeux »). Et être « ennuyeux », ce n’est pas cool. Ce qui apparaît comme l’ultime liberté de choix est en fait l’ultime aliénation : nous choisissons ce qui choque l’autre. Et c’est donc l’autre qui dicte notre conduite.

      [Comment voulez-vous qu’on fasse quelque chose tous ensemble si on ne peut même pas bouffer à la même table, boire du vin, manger de la viande ensemble (Roussel serait d’accord!)? Je le dis sur le ton de la plaisanterie, mais ça me laisse pantois.]

      Je suis d’accord : faire société, c’est d’abord avoir des règles de sociabilité commune.

      [L’autre jour j’ai eu le malheur de dire à une collègue (que je n’avais pas identifié comme gauchiste) que j’étais opposé au voile islamique. J’ai eu le droit au refrain sur la tolérance, la différence… etc.]

      Vous auriez dû lui répondre en vous mettant à poil. Après tout, si la « tolérance » consiste à laisser chacun choisir sa tenue, pourquoi pas la tenue d’Adam ? Je suis persuadé qu’une telle réponse n’aurait pas laissé votre collègue indifférente…

      [HS et dans la suite de nos échanges sur le Z, un article à mon sens très intéressant et qui résume bien les raisons de son échec.]

      En effet, un diagnostic qui ne manque pas d’intérêt, et qu’on peut prolonger d’une réflexion politique sur le rôle d’un leader : doit il élever son électorat, ou se contenter de le suivre ?

  33. dsk dit :

    @ Bruno @ Descartes
     
    [HS et dans la suite de nos échanges sur le Z, un article à mon sens très intéressant et qui résume bien les raisons de son échec.] [En effet, un diagnostic qui ne manque pas d’intérêt, et qu’on peut prolonger d’une réflexion politique sur le rôle d’un leader : doit il élever son électorat, ou se contenter de le suivre ?]
     
    Mouais. Il y a du vrai dans cet article, en ce qu’il oppose l'”intellectuel” Zemmour à la plus “proche des vraies gens” Marine Le Pen. Cependant, il ne faudrait tout de même pas prendre ceux qui lui ont préféré MLP pour des imbéciles incultes. L'”intellectuel” Zemmour n’a pas été non plus avare de propositions carrément débiles, comme celle d’accorder un prime à la naissance dans les seules zones rurales, ou celle de confier aux patrons la responsabilité de résoudre de façon discrétionnaire les problèmes de pouvoir d’achat en leur donnant la possibilité d’accorder une prime défiscalisée à leurs seuls salariés “méritants”, ou encore celle de dépêcher Sarkozy et Vedrine à Moscou afin de mettre fin à la guerre en Ukraine.   

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